id
stringlengths 20
20
| ancien_id
stringlengths 0
26
| origine
stringclasses 1
value | url
stringlengths 66
66
| nature
stringclasses 1
value | titre
stringlengths 36
371
| date_decision
stringlengths 19
19
| juridiction
stringclasses 104
values | numero
stringlengths 0
279
| formation
stringclasses 528
values | type_recours
stringclasses 124
values | publication_recueil
stringclasses 5
values | president
stringlengths 0
38
| avocats
stringlengths 0
457
| rapporteur
stringlengths 0
47
| commissaire_gouvernement
stringlengths 0
141
| contenu
stringlengths 0
376k
|
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
CETATEXT000048424291 | J4_L_2023_11_00022NT02684 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424291.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT02684, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT02684 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | LAUNAY | Mme Pénélope PICQUET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le groupe " Bien vivre ensemble à Vue ", M. B... E..., M. F... C... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des délibérations prises lors de la séance du conseil municipal de la commune de Vue (Loire-Atlantique) du 26 mai 2021. Par un jugement no 2107093 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces délibérations. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 12 août 2022 et régularisée le 13 septembre 2022, la commune de Vue, représentée par Me Launay, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 juin 2022 ; 2°) de rejeter la demande du groupe " Bien vivre ensemble à Vue ", de M. E..., de M. C... et de M. D... ; 3°) de mettre à la charge solidairement de ces derniers une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la demande de première instance était irrecevable pour défaut de qualité à agir et pour absence d'intérêt à agir et elle ne comportait aucun moyen, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et dès lors que la délibération du 26 mai 2021 décidant le huis clos était devenue définitive faute de contestation et de production de cette délibération à l'appui de la demande de première instance ; - M. E... pouvait être exclu de la séance du conseil municipal en application de l'article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales ; - l'article L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales n'a pas été méconnu. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2023, M. E..., M. C... et M. D... concluent : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Vue une somme de 2 400 euros au bénéfice de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la demande de première instance n'était pas irrecevable ; - les délibérations en cause ont été prises en méconnaissance des articles L. 2121-16 et L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Picquet, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique, - et les observations de Me Launay pour la commune de Vue et de Me Crestin pour MM. E..., C... et D.... Considérant ce qui suit : 1. MM. E..., D... et C... étaient conseillers municipaux d'opposition de la commune de Vue, rassemblés sur la liste " Bien vivre ensemble à Vue ". Lors de la séance du conseil municipal du 26 mai 2021, un incident verbal a opposé M. E... et la maire en raison du refus réitéré du conseiller municipal d'appeler le premier édile par son titre " Mme la maire ". La maire a alors demandé à M. E... de sortir de la salle en raison du trouble à l'ordre public que selon elle il occasionnait. Face au refus de l'intéressé, elle a suspendu la séance du conseil municipal pour appeler les forces de l'ordre. A l'arrivée de la gendarmerie, M. E... a obtempéré et a quitté la salle. Ses colistiers, M. C... et M. D..., l'ont accompagné à l'extérieur de la salle. La maire a alors demandé au public et aux journalistes présents de quitter la salle du conseil municipal et les portes de la salle ont été fermées. Estimant que les conditions de mise en œuvre du huis clos n'avaient pas été respectées, le groupe " Bien vivre ensemble à Vue ", M. E..., M. C... et M. D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'ensemble des délibérations adoptées lors de la séance du conseil municipal de Vue du 26 mai 2021. Par un jugement du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces délibérations. La commune de Vue fait appel de ce jugement. Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance : 2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les fins de non-recevoir tirées de ce que la demande de première instance était irrecevable pour défaut de qualité à agir, absence de moyen en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et dès lors que la délibération du 26 mai 2021 décidant le huis clos était devenue définitive, que la commune de Vue reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux. 3. En second lieu, la seule circonstance, à la supposer établie, que M. C... se serait volontairement exclu du conseil municipal lors de la séance du 26 mai 2021 n'est pas de nature à le priver de son intérêt pour agir, qu'il tient de sa seule qualité de membre de l'assemblée délibérante, à l'encontre des délibérations votées par le conseil municipal le 26 mai 2021. Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir de M. C... doit être écartée. Sur les conclusions à fin d'annulation : 4. Aux termes de l'article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales : " Le maire a seul la police de l'assemblée. / Il peut faire expulser de l'auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l'ordre. En cas de crime ou de délit, il en dresse un procès-verbal et le procureur de la République en est immédiatement saisi. ". Aux termes de l'article L. 2121-18 du même code : " Les séances des conseils municipaux sont publiques. / Néanmoins, sur la demande de trois membres ou du maire, le conseil municipal peut décider, sans débat, à la majorité absolue des membres présents ou représentés, qu'il se réunit à huis clos. (...) ". 5. Il ressort des pièces du dossier que la maire de la commune de Vue a demandé aux forces de l'ordre, dans le cadre des pouvoirs de police de l'assemblée qu'elle tient de l'article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales, d'expulser de la salle du conseil municipal, lors de la séance du 26 mai 2021, un conseiller municipal, M. E.... Il n'est pas contesté par la commune que lors de cette expulsion, la maire a également demandé au public de sortir de cette salle. Le huis clos a été voté par les membres du conseil municipal présents dans la salle sans que le public ait eu la possibilité de revenir dans la salle avant ce vote. Ainsi, le vote du huis clos n'a pas eu lieu lors d'une séance publique. Dans ces conditions, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales constituant une irrégularité substantielle, les délibérations adoptées lors de cette séance à huis clos doivent être annulées. 6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé, que la commune de Vue n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les délibérations prises lors de la séance du conseil municipal du 26 mai 2021. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MM. E..., C... et D..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée à ce titre par la commune de Vue. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Vue une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en appel par M. C... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de la commune de Vue est rejetée. Article 2 : La commune de Vue versera à M. C... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vue, à M. B... E..., à M. F... C... et à M. A... D.... Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier C. Wolf La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02684 |
CETATEXT000048424292 | J4_L_2023_11_00022NT02751 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424292.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT02751, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT02751 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | CENTAURE AVOCATS CLAISSE | Mme Pénélope PICQUET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B Allée du Commandant F... à Nantes, Mme L... D... B... et M. E... D..., MM. Pierre et Lionel B..., Mme K... et M. N... I..., MM. Amaury, Christophe et Jacques de Lepinau, M. A... M..., ainsi que la société civile immobilière Friedland ont demandé au tribunal administratif de Nantes de désigner un expert avant de juger et d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 mars 2019 par lequel la présidente de Nantes Métropole a déclaré en état de péril le bâtiment A de l'immeuble situé 15 bis Allée du Commandant F... à Nantes et mis en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux afin d'y mettre fin et d'annuler la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté et la décision expresse du 11 juillet 2019 rejetant ce recours, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 1er août 2019 par lequel la présidente de Nantes Métropole a déclaré en état de péril le bâtiment A de l'immeuble situé 15 bis Allée du Commandant F... à Nantes et mis en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux destinés à y mettre fin. Mme C... G... et M. J... H... ont, quant à eux, demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 4 août 2021 par lequel la présidente de Nantes Métropole a abrogé l'arrêté de péril du 1er août 2019 relatif au bâtiment A de l'immeuble situé au 15B allée du Commandant F... à Nantes et d'enjoindre à la présidente de Nantes Métropole de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité publique en prescrivant l'ancrage, l'appui et le traitement des poutres, ainsi que le remplacement des planchers de leur logement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par un jugement nos 1907867, 1910617 et 2109930 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 4 août 2021 en tant qu'il prononce la mainlevée des dispositions de l'arrêté du 1er août 2019 par lesquelles cette autorité a mis en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et à M. H..., situé au premier étage du bâtiment A (article 1er), a annulé l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 en tant qu'il met en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et à M. H..., situé au premier étage du bâtiment A (article 2), a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des dispositions de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 prescrivant la réalisation des autres travaux liés à l'état de péril affectant le bâtiment A (article 3) et sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 19 mars 2019, et de la décision rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté (article 4) et a rejeté le surplus des conclusions présentées par Mme G... et M. H... (article 5). Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 22 août 2022, et un mémoire, enregistré le 21 avril 2023, qui n'a pas été communiqué, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B Allée du Commandant F... à Nantes, Mme L... D... B... et M. E... D..., MM. Pierre et Lionel B..., Mme K... et M. N... I..., MM. Amaury, Christophe et Jacques de Lepinau, M. A... M..., ainsi que la société civile immobilière Friedland, représentés par Me Maudet, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 juin 2022 en tant qu'il a rejeté leurs demandes d'annulation et en tant qu'il a annulé l'arrêté du 4 août 2021 en tant qu'il prononce la mainlevée des dispositions de l'arrêté du 1er août 2019 par lesquelles cette autorité a mis en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et à M. H..., situé au premier étage du bâtiment A ; 2°) d'annuler les arrêtés des 19 mars 2019 et 1er août 2019 de la présidente de Nantes Métropole ; 3°) de mettre à la charge de Nantes Métropole une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - il n'y avait pas non-lieu à statuer s'agissant de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 19 mars 2019 et s'agissant de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 en tant qu'il portait sur les travaux autres que ceux à effectuer dans le logement de Mme G... et de M. H..., dès lors que ces arrêtés entraînaient la suspension de l'ensemble des loyers versés en contrepartie de l'occupation d'un logement ; - les arrêtés des 19 mars 2019 et 1er août 2019 ont été pris sans respecter le principe du contradictoire, ce qui a privé M. D..., Mme B... et le syndic d'une garantie ; - l'arrêté du 4 août 2021 ne devait pas être annulé par le tribunal dès lors que les travaux concernant les poutres ont été effectués. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2023, Nantes Métropole, représentée par Me Moghrani, conclut : 1°) au rejet de la requête en tant qu'elle est dirigée contre le jugement attaqué en tant qu'il a jugé que les conclusions à fin d'annulation dirigées contre les arrêtés du 19 mars 2019 et 1er août 2019, pour ce dernier concernant les travaux autres que ceux à effectuer dans le logement de Mme G... et M. H..., étaient devenues sans objet et qu'il n'y avait plus lieu d'y statuer ; 2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé l'arrêté du 1er août 2019 en tant qu'il met en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Madame G... et Monsieur H... situé au premier étage du bâtiment A ; 3°) à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B Allée du Commandant F... à Nantes, de Mme L... D... B... et M. E... D..., de MM. Pierre et Lionel B..., de Mme K... et M. N... I..., de MM. Amaury, Christophe et Jacques de Lepinau, de M. A... M... et de la société civile immobilière Friedland une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - comme l'ont jugé les premiers juges, il y avait non-lieu à statuer s'agissant de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 19 mars 2019 et s'agissant de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 en tant qu'il portait sur les travaux autres que ceux à effectuer dans le logement de Mme G... et de M. H... ; - l'arrêté du 4 août 2021 n'avait pas à être annulé dès lors que les travaux qui avaient été prescrits par l'architecte expert, et dont la réalisation était sollicitée aux termes de l'arrêté de péril du 1er août 2019, ont bien été réalisés dans leur intégralité ; - un non-lieu à statuer aurait dû être prononcé s'agissant des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er août 2019 en tant qu'il prescrivait des travaux de remplacement ou de doublage des poutres et à titre subsidiaire, dès lors que l'information a été donnée au syndicat des copropriétaires par le biais du syndic, conformément aux dispositions de l'article R. 511-6 du code de la construction et de l'habitation, l'obligation d'information prescrite par les dispositions de l'article R. 511-1 du même code doit être regardée comme étant satisfaite. La requête a été communiquée à Mme C... G... et M. J... H... qui n'ont pas produit de mémoire en défense. Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la construction et de l'habitation ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Picquet, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique, - et les observations de Me Paulic, pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... et autres, et de Me Reis substituant Me Moghrani pour Nantes Métropole. Une note en délibéré, présentée pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... et autres, a été enregistrée le 25 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. Au 15 bis allée du Commandant F... à Nantes (Loire-Atlantique) est implanté un immeuble composé de quatre bâtiments. Le bâtiment A de cet immeuble, dont la façade principale donne sur cette voie publique, comprend lui-même quatre niveaux surmontés de combles aménagés. Par un arrêté du 19 mars 2019 pris sur le fondement des dispositions des articles L. 511-1 et L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation relatives à la procédure dite de "péril ordinaire", la présidente de Nantes Métropole, établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière d'habitat, a prescrit à différents copropriétaires de l'immeuble la réalisation d'un certain nombre de travaux destinés à remédier à des désordres affectant les poutres des pièces humides du logement situé au 1er étage, appartenant à Mme C... G... et M. J... H..., les façades du puits de lumière édifié sur le mur pignon Est du bâtiment, la façade Nord-Ouest de ce bâtiment donnant sur la cour commune intérieure, la façade Est du patio et le palier haut du quatrième étage. Un recours gracieux formé contre cet arrêté a été rejeté. L'arrêté du 19 mars 2019 a cependant été abrogé par l'article 1er d'un arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019, pour inclure de nouveaux copropriétaires, et l'article 2 de ce même arrêté a prescrit de nouveau la réalisation de ces mêmes travaux sur le fondement des dispositions des articles L. 511-1 et L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation. Par un arrêté du 4 août 2021, la présidente de Nantes Métropole, après avoir estimé que l'ensemble de ces travaux avaient été exécutés et qu'il avait été mis fin à l'état de péril ayant affecté le bâtiment A, a abrogé l'ensemble des dispositions de son arrêté du 1er août 2019. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes, Mme L... D... B... et M. E... D..., MM. Pierre et Lionel B..., Mme K... et M. N... I..., MM. Amaury, Christophe et Jacques de Lepinau, M. A... M..., ainsi que la société civile immobilière Friedland, copropriétaires auxquels incombe la réalisation des travaux prescrits, ont demandé au tribunal administratif de Nantes de désigner un expert avant de juger et, d'une part, d'annuler l'arrêté précité du 19 mars 2019 et d'annuler la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté et la décision expresse du 11 juillet 2019 rejetant ce recours, d'autre part, d'annuler l'arrêté précité du 1er août 2019. Mme C... G... et M. J... H... ont, quant à eux, demandé au tribunal d'annuler l'arrêté précité du 4 août 2021 et d'enjoindre à la présidente de Nantes Métropole de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité publique en prescrivant l'ancrage, l'appui et le traitement des poutres, ainsi que le remplacement des planchers de leur logement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par un jugement du 23 juin 2022, le tribunal administratif a annulé l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 4 août 2021 en tant qu'il prononce la mainlevée des dispositions de l'arrêté du 1er août 2019 mettant en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et à M. H..., situé au premier étage du bâtiment A (article 1er), a annulé l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 en tant qu'il met en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et à M. H... (article 2), a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des dispositions de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 prescrivant la réalisation des autres travaux liés à l'état de péril affectant le bâtiment A (article 3) et sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 19 mars 2019 et de la décision rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté (article 4) et a rejeté le surplus des conclusions présentées par Mme G... et M. H... (article 5). Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes et autres font appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs demandes d'annulation et en tant qu'il a annulé l'arrêté du 4 août 2021 en tant qu'il prononce la mainlevée des dispositions de l'arrêté du 1er août 2019 mettant en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et à M. H.... Nantes Métropole, par la voie de l'appel incident, fait appel de ce jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du 1er août 2019 en tant qu'il met en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Madame G... et Monsieur H.... 2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction alors applicable : " Le maire peut prescrire la réparation (...) des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. (...) ". Selon les dispositions alors inscrites au premier alinéa du I de l'article L. 511-2 de ce code : " Le maire, par un arrêté de péril pris à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'Etat, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine (...) en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition (...) ". Les dispositions du premier alinéa du III de ce même article énoncent : " Sur le rapport d'un homme de l'art, le maire constate la réalisation des travaux prescrits ainsi que leur date d'achèvement et prononce la mainlevée de l'arrêté de péril et, le cas échéant, de l'interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux. ". 3. Aux termes des dispositions du dernier alinéa du A du I de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, " (...) les maires des communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière d'habitat transfèrent au président de cet établissement les prérogatives qu'ils détiennent en application des articles (...) L. 511-1 à L. 511-4, (...) du code de la construction et de l'habitation. (...). ". 4. La contestation d'un arrêté de péril ordinaire, pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 511-1 et du I de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, relève du plein contentieux. Sur les conclusions présentées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes et autres : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : 5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'article 1er de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 a abrogé l'ensemble des dispositions de l'arrêté pris par cette même autorité le 19 mars 2019. Cet arrêté du 19 mars 2019 a été remplacé par les dispositions des articles 2 et suivants de l'arrêté du 1er août 2019 qui sont de même portée et qui étaient également contestées par les requérants devant le tribunal administratif et ce dernier, dans le jugement attaqué, ayant statué par une même décision, n'a pas annulé l'arrêté du 1er août 2019 en tant qu'il a abrogé l'arrêté du 19 mars 2019. Par conséquent, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes et autres ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ayant prononcé à tort un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 19 mars 2019 et de la décision rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté. 6. En second lieu, lorsque l'autorité administrative, en cas de péril, met en demeure les intéressés de réaliser des réparations, sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, l'exécution complète des mesures prescrites par cette mise en demeure prive d'objet le recours tendant à son annulation, sur lequel il n'y a, dès lors, plus lieu de statuer. 7. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 4 août 2021, pris au cours de la première instance, la présidente de Nantes Métropole, sur le rapport d'un architecte missionné par cet établissement public, a estimé que les travaux prescrits par son arrêté du 1er août 2019 avaient été entièrement réalisés et que le bâtiment A n'était plus en état de péril. En conséquence, elle a, par cet arrêté du 4 août 2021, prononcé la mainlevée de son arrêté du 1er août 2019. 8. Il est constant que les travaux liés aux désordres affectant les façades du puits de lumière, la façade Nord-Ouest, la façade Est du patio et le palier haut du quatrième étage, prescrits par l'arrêté du 1er août 2019, ont été réalisés. D'ailleurs, l'arrêté du 4 août 2021 ayant prononcé la mainlevée n'a pas été contesté devant le tribunal en tant qu'il portait sur ces travaux. La circonstance que l'arrêté précité a également eu pour conséquence la suspension des loyers versés pour l'occupation des logements, telle que prévue à l'article L. 521-2 du code de la construction et de l'habitation, est sans incidence sur le contentieux objectif seul ici en cause, les requérants n'ayant présenté aucune demande indemnitaire. Par conséquent, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes et autres ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ayant à tort prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des dispositions de l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 en tant qu'il a prescrit la réalisation des travaux liés aux désordres affectant les façades du puits de lumière, la façade Nord-Ouest, la façade Est du patio et le palier haut du quatrième étage, liés à l'état de péril affectant le bâtiment A. En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué : 9. Il résulte des dispositions citées au point 2 du III de l'article L. 511-2 et du dernier alinéa du A du I de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales que la présidente d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière d'habitat ne peut prononcer la mainlevée d'un arrêté de péril et, le cas échéant, de l'interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux, si les travaux prescrits par cet arrêté n'ont pas été entièrement réalisés. 10. L'arrêté de péril du 1er août 2019 prescrivait la réalisation du " remplacement ou doublement des poutres bois des pièces humides du logement situé au niveau 1er (lot 5) ". Pour constater la réalisation des travaux ainsi prescrits, la présidente de Nantes Métropole s'est fondée sur les constatations retracées dans le rapport établi le 1er juillet 2021 de l'architecte et expert judiciaire qui avait établi le constat initial le 28 juin. Il résulte des termes de ce rapport, étayé de photographies, que l'architecte a indiqué que " les poutres bois du niveau 1 se trouvant dans les pièces humides de l'appartement (...) ont été remplacées et ou doublées par des nouvelles poutres bois de section similaire " et que " le traitement du bois a été réalisé ". Toutefois, ce rapport précise également que " le traitement des planchers au-dessus de l'alimentation reste à réaliser afin de lever l'état de péril. ". Un rapport établi le 15 décembre 2021 par un expert dans le domaine du bois, produit devant le tribunal et auquel sont jointes des photographies, précise que, s'agissant du plancher intermédiaire du logement n° 5, la zone au-dessus du local commercial n'a pas été traitée, les poutres n'ayant pas été renforcées. Aucun des éléments produits dans le dossier ne vient infirmer ces éléments, les factures et les attestations communiquées n'étant pas suffisamment précises. Il n'est pas établi ni même allégué que les zones non traitées ne porteraient pas sur des pièces humides. Dans ces conditions, les travaux prescrits n'ayant pas été entièrement réalisés, le syndicat des copropriétaires et autres et Nantes Métropole ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 4 août 2021 de mainlevée de son arrêté du 1er août 2019 en tant qu'il prescrivait le remplacement ou le doublement des poutres supportant le sol des pièces humides du logement n° 5. Sur les conclusions d'appel incident présentées par Nantes Métropole : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : 11. Pour les motifs indiqués au point 10, Nantes Métropole n'est pas fondée à soutenir que dès lors que l'arrêté du 4 août 2021 a prononcé la mainlevée de l'arrêté du 1er août 2019 du fait de l'exécution de l'ensemble des travaux prescrits, les conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté du 1er août 2019 étaient devenues sans objet et que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas prononcé un non-lieu à statuer s'agissant des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 1er août 2019 en tant qu'il prescrivait les travaux de remplacement ou de doublement des poutres supportant le sol des pièces humides du logement n° 5. En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué : 12. Il résulte des dispositions, citées au point 2, du premier alinéa du I de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation et du dernier alinéa du A du I de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales que la présidente d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière d'habitat, à laquelle le maire a transféré les pouvoirs prévus en application des articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation, ne peut prendre un arrêté de péril qu'à l'issue d'une procédure contradictoire. Aux termes de l'article R. 511-1 du code de la construction et de l'habitation : " Lorsque les désordres affectant des murs, bâtiments ou édifices sont susceptibles de justifier le recours à la procédure prévue à l'article L. 511-2, le maire en informe, en joignant tous éléments utiles en sa possession, le propriétaire et les titulaires de droits réels immobiliers et les invite à présenter leurs observations dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. (...) ". Selon l'article R. 511-6 du même code : " Lorsque des désordres affectant les seules parties communes d'un immeuble en copropriété sont susceptibles de justifier le recours à la procédure prévue à l'article L. 511-2, l'information prévue par l'article R. 511-1 est faite au syndicat des copropriétaires pris en la personne du syndic, qui la transmet aux copropriétaires dans un délai qui ne peut excéder vingt et un jours. / Le syndic dispose alors, pour présenter des observations, d'un délai qui ne peut être inférieur à deux mois à compter de la date à laquelle il a reçu l'information faite par le maire. ". 13. Il résulte de l'instruction que si Nantes Métropole a envoyé un courrier, daté du 10 septembre 2018, au syndic de l'immeuble situé au 15B allée du Commandant F... à Nantes afin de l'informer de la procédure de péril et de lui demander de s'assurer que l'ensemble des copropriétaires a été informé de cette procédure, le syndic n'a pas été invité à produire ses observations. De même, aucun courrier invitant Mme D... B... et M. D... à produire leurs observations sur cette procédure ne leur a été envoyé par Nantes Métropole. Les intéressés ont ainsi été, chacun, privés de la garantie tenant à la mise en œuvre, à leur égard, de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées des articles L. 511-2 et R. 511-1 du code de la construction et de l'habitation. Il suit de là que la procédure à l'issue de laquelle a été pris l'arrêté de la présidente de Nantes Métropole du 1er août 2019 en tant qu'il met en demeure les copropriétaires qu'il désigne de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et à M. H..., est entachée d'une irrégularité de nature à affecter la légalité des dispositions de cet arrêté liées à l'état de ces poutres. Par conséquent, Nantes Métropole n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé partiellement l'arrêté du 1er août 2019 en accueillant ce moyen. 14. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de leurs demandes d'annulation et a annulé partiellement l'arrêté du 4 août 2021 et que Nantes Métropole n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l'arrêté du 1er août 2019 en tant qu'il met en demeure les copropriétaires concernés de réaliser les travaux de remplacement ou de doublage des poutres supportant le sol des pièces humides du logement appartenant à Mme G... et M. H.... Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions des parties relatives aux frais liés au litige. DECIDE : Article 1er : La requête du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes et autres est rejetée. Article 2 : Les conclusions d'appel incident de Nantes Métropole sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 15B allée du Commandant F... à Nantes, représentant unique des requérants, à Nantes Métropole, à Mme C... G... et à M. J... H... Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier C. Wolf La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02751 |
CETATEXT000048424293 | J4_L_2023_11_00022NT02821 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424293.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 22NT02821, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT02821 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | SELAS CAP CODE | M. Xavier CATROUX | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du président de la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine du 19 mars 2021 en tant qu'elle intègre au territoire de l'association communale de chasse de Parigné la parcelle D 258 située sur la commune de Parigné (Ille-et-Vilaine). Par un jugement n° 2102416 du 27 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 août 2022, 12 décembre 2022 et 27 janvier 2023, la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine, représentée par Me Lagier, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 27 juin 2022 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal ; 3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen soulevé en défense tiré de ce que la décision contestée était fondée sur l'article R. 422-55 du code de l'environnement ; - c'est à tort que le tribunal a annulé la décision du président de la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine au motif qu'elle méconnaissait l'article L. 422-18 du code de l'environnement, relatif aux modalité d'exercice du droit d'opposition, dès lors que cette décision est fondée sur l'article R. 422-55 du code de l'environnement qui régit l'intégration dans le territoire de la l'association de chasse agréée de fractions d'un territoire de chasse qui justifiait jusqu'alors du droit d'opposition et qui ne justifient plus à elles seules de ce droit à la suite du morcellement de ce territoire ; - les anciens propriétaires de la parcelle D. 258, qui ont consenti un bail de chasse à M. B... le 1er février 2018 puis l'ont vendu à dernier le 5 juillet 2019 ne disposaient pas du droit de chasse sur cette parcelle. Par des mémoires en défense enregistrés les 24 novembre 2022 et 12 janvier 2023, M. B..., représentée par Me Thoumazeau, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine ne sont pas fondés. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Catroux, - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public, - et les observations de Me Poirier, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... a acquis le 5 juillet 2019 une parcelle cadastrée D 258 d'une superficie 7 hectares 89 ares et 15 centiares à Parigné (Ille-et-Vilaine). Le 11 novembre 2019, le président de l'association communale de chasse agréée (ACCA) de Parigné a demandé en application de l'article R. 422-55 du code de l'environnement à la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) d'Ille-et-Vilaine d'intégrer cette parcelle au sein du territoire de chasse de son association. Par un courrier du 5 juin 2020, M. B... a été informé par la Fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine de la demande présentée par l'ACCA et a été invité à présenter ses observations. Par une lettre du 25 juillet 2020, M. B... a fait valoir qu'il était détenteur de baux de chasse sur des parcelles contiguës à la parcelle D 258 et que la totalité de la superficie d'un seul tenant formée par l'ensemble de ces parcelles était supérieure à 20 hectares. La fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine a, par une décision du 19 mars 2021, décidé l'incorporation de la parcelle appartenant à M. B... au territoire de l'ACCA de Parigné. Par un jugement du 27 juin 2022, dont la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine relève appel, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal : 2. Aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'environnement : " L'association communale est constituée sur les terrains autres que ceux : / (...) 3° Ayant fait l'objet de l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d'un seul tenant supérieures aux superficies minimales mentionnées à l'article L. 422-13 (...) / 5° Ayant fait l'objet de l'opposition de propriétaires, de l'unanimité des copropriétaires indivis qui, au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse, interdisent, y compris pour eux-mêmes, l'exercice de la chasse sur leurs biens, sans préjudice des conséquences liées à la responsabilité du propriétaire, notamment pour les dégâts qui pourraient être causés par le gibier provenant de ses fonds. (...) ". Aux termes de l'article L. 422-13 du même code : " I. - Pour être recevable, l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse mentionnés au 3° de l'article L. 422-10 doit porter sur des terrains d'un seul tenant et d'une superficie minimum de vingt hectares. (...). ". Aux termes de l'article L. 422-18 de ce code : " L'opposition formulée en application du 3° ou du 5° de l'article L. 422-10 prend effet à l'expiration de la période de cinq ans en cours, sous réserve d'avoir été notifiée six mois avant le terme de cette période. (...) / Le droit d'opposition mentionné au premier alinéa du présent article est réservé aux propriétaires et aux associations de propriétaires ayant une existence reconnue lors de la création de l'association. ". Aux termes de l'article R. 422-55 du même code : " Si, pour quelque cause et dans quelque condition que ce soit, un territoire de chasse pour lequel il a été fait opposition en application du 3° de l'article L. 422-10 vient à être morcelé, toute fraction du territoire qui ne justifierait plus à elle seule le droit à opposition est, par décision du président de la fédération départementale des chasseurs, à la diligence du président de l'association communale de chasse agréée, suivant sa situation, soit comprise immédiatement dans le territoire de l'association, soit soumise à la procédure définie aux articles R. 422-59 à R. 422-61. / Avant de statuer, le président de la fédération départementale des chasseurs informe le propriétaire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par un envoi recommandé électronique au sens de l'article L. 100 du code des postes et des communications électroniques, du projet d'intégration de son territoire au sein de l'association. Le propriétaire dispose d'un délai de trois mois à compter de la réception de cette lettre pour formuler ses observations ou, le cas échéant, son opposition en application du 5° de l'article L. 422-10. " 3. Il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer en application de l'article R. 422-55 du code de l'environnement, l'incorporation de la parcelle D 258 appartenant à M. B... au territoire de l'ACCA de Parigné par la décision en litige du 19 mars 2021, la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine s'est fondée sur la circonstance que les parcelles, dont celle en cause, issues du morcellement du terrain appartenant initialement à M. A... et bénéficiant de l'opposition cynégétique ne constituaient plus à elles seules des territoires de chasse d'un seul tenant d'une superficie supérieure à 20 ha hors périmètre de la zone de 150 m autour des habitations. 4. En relevant que la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine avait méconnu les dispositions de l'article L. 422-18 du code de l'environnement en refusant d'accueillir l'opposition cynégétique de M. B..., formée au titre du 3° de l'article L. 422-10 du code de l'environnement, au seul motif qu'il n'était pas propriétaire de l'ensemble des terres formant une superficie de plus de 20 hectares et d'un seul tenant sur lesquelles il était détenteur d'un droit de chasse, le tribunal s'est fondé sur des circonstances qui étaient sans incidence sur la légalité de la décision contestée. En effet, de telles circonstances ne permettaient pas de remettre utilement en cause le bien-fondé du motif, rappelé au point précédent, de la décision contestée, cette décision n'ayant pas pour objet de rejeter une objection cynégétique, mais seulement de prononcer l'intégration, dans le territoire de l'ACCA, d'une fraction d'un territoire de chasse morcelé bénéficiant précédemment d'une opposition cynégénétique, l'autorité administrative étant tenue de prononcer cette intégration, dès lors que les conditions prévues par l'article R. 422-55 du code de l'environnement sont remplies. Par suite, ainsi que le soutient la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine, c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 422-18 du code de l'environnement ou de l'erreur de droit au regard de cet article, qui était inopérant. 5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. B.... Sur l'autre moyen soulevé contre la décision contestée : 6. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle D 258, qui est d'une superficie de 7 hectares 89 ares et 15 centiares, ne justifiait plus à elle seule, étant inférieure à 20 hectares, le droit à opposition. Si M. B... est titulaire d'un droit de chasse sur des parcelles, situées sur d'autres communes que Parigné, ces parcelles ne sont pas issues du morcellement du territoire de chasse bénéficiant initialement de l'opposition formée par M. A..., l'ancien propriétaire du terrain dont est issue la parcelle D 258. Enfin, il est constant que M. B... n'a pas formé d'opposition, sur le fondement du 5° de l'article L. 422-10 du code de l'environnement au titre de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse. Par suite, la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine a fait une exacte application de l'article R. 422-55 du code de l'environnement. 7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 19 mars 2021. Sur les frais d'instance : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à que soit mis à la charge de la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. 9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... une somme à verser à la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du 27 juin 2022 du tribunal administratif de Rennes est annulé. Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée. Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération départementale des chasseurs d'Ille-et-Vilaine et à M. C... B.... Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président assesseur, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, X. CATROUXLa présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02821 |
CETATEXT000048424294 | J4_L_2023_11_00022NT02908 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424294.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT02908, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT02908 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. LAINÉ | SELARL CABINET GRIFFITHS DUTEIL ET ASSOCIES | Mme Laure CHOLLET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Sogea Nord-Ouest a demandé au tribunal administratif de Caen, à titre principal, de condamner la commune de Carpiquet à lui verser une somme de 541 501,55 euros TTC, à titre subsidiaire, de condamner solidairement les sociétés Atelier Arcos Architecture, prise en la personne de Me Gorrias en sa qualité de liquidateur judiciaire, et Atelier B+H, prise en la personne de Mme A... en sa qualité de liquidateur judiciaire, à lui verser une somme de 462 857,75 euros TTC, à titre plus subsidiaire, de condamner solidairement ces deux sociétés avec la société SNTPF, venant aux droits de la société Leroyer, la société Masselin Energie, venant aux droits de la société Cégélec, et la société Elairgie Argentan, venant aux droits de la société Sani Chauffage, à lui verser une somme de 436 514,40 euros TTC, ces sommes devant être assorties des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts. Par un jugement n° 1802202 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Caen a condamné la commune de Carpiquet à verser à la société Sogea Nord-Ouest une somme de 8 964 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts (article 1er), a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 2), a rejeté les conclusions de la commune de Carpiquet (article 3) et a mis à la charge de la société Sogea Nord-Ouest les frais d'expertise (article 4) ainsi que la somme de 500 euros à verser aux sociétés Elairgie Argentan, SNTPF, Masselin Energie et Apave Nord-Ouest au titre des frais liés au litige (article 5). Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre 2022 et 2 mai 2023, la société Sogea Nord-Ouest, représentée par Me Griffiths, demande à la cour : 1°) de réformer les articles 1er, 2, 4 et 5 du jugement du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Caen ; 2°) à titre principal, d'une part, de condamner la commune de Carpiquet à lui verser une somme de 50 809,90 euros TTC au titre de sa dernière situation de travaux, d'autre part, de condamner la commune de Carpiquet et les sociétés Atelier Arcos Architecture, devenue Agence Lignes et Architectures, prise en la personne de Me Gorrias, liquidateur judiciaire, et B+H Architecture, prise en la personne de Mme A..., liquidateur judiciaire, à lui payer une somme de 310 901,28 euros TTC au titre de sa rémunération complémentaire, ces sommes étant assorties des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts ; 3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Carpiquet à lui verser une somme de 50 809,90 euros TTC au titre de sa dernière situation de travaux et de 310 901,28 euros TTC au titre de sa rémunération complémentaire, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts ; 4°) à titre plus subsidiaire, de condamner les sociétés Atelier Arcos Architecture, devenue Agence Lignes et Architectures, prise en la personne de Me Gorrias, et B+H Architecture prise en la personne de Mme A..., liquidateur judiciaire, la somme de 310 901,28 euros TTC au titre de sa rémunération complémentaire, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts ; 5°) en tout état de cause, de rejeter toute condamnation dirigée à son encontre ; 6°) de mettre à la charge de la commune de Carpiquet, de la société Atelier Arcos Architecture et de la société Atelier B+H une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais d'expertise. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier dès lors, d'une part, qu'il a relevé à tort un moyen qui n'était pas d'ordre public tiré de l'absence de " demande d'indemnisation préalable ", d'autre part, ce moyen n'a pas été régulièrement communiqué aux parties ; elle a présenté une " demande d'indemnisation préalable " avec son projet de décompte final ; - les premiers juges ont commis une erreur de droit en faisant application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative au litige ; ils ont dénaturé les pièces du dossier ; - elle est fondée à demander le paiement d'une somme en principal de 50 809,90 euros TTC, assortie des intérêts moratoires calculés par l'expert à la somme de 24 833,90 euros à la date du 1er janvier 2018, soit la somme de 75 643,80 euros TTC ; - elle doit être indemnisée à hauteur de 5 980 euros HT au titre de la surconsommation de gros béton pour les fondations, soit 7 176 euros TTC ; - elle doit être indemnisée d'une somme de 78 900 euros HT, par la société Arcos Architecture, en sa qualité de mandataire du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre, et par la société Atelier B+ H, sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle, mais aussi par le maître d'ouvrage, compte-tenu de la perturbation de l'avancement des travaux avec la suspension de ces travaux pour six semaines suivant ordre de service notifié par la maîtrise d'œuvre le 18 juillet 2005 ; en effet, le maître d'ouvrage est resté passif devant les difficultés liées à l'établissement des plans de synthèse par le maître d'œuvre et a décidé tardivement d'installer la fibre optique ; ce préjudice ne fait pas doublon avec ceux relatifs à la prolongation du chantier ; - elle doit être indemnisée d'une somme de 173 969 euros HT, par la société Arcos Architecture, en sa qualité de mandataire du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre, et par la société Atelier B+ H, sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle, mais aussi par le maître d'ouvrage, au titre des pertes de frais de chantier pour la prolongation de l'exécution du marché d'une durée de 40 semaines en raison des différents ordres de service et avenants qui lui ont été notifiés ; les deux premiers avenants n'indiquent pas que les coûts des délais supplémentaires sont inclus dans ces prix, contrairement aux six avenants suivants, et ne peuvent être réputés comprendre ces coûts en vertu de l'article 10.11 du CCAG-Travaux ; les avenants n° 2 et 3 comportaient des réserves sur les délais supplémentaires ; - il convient d'ajouter à ces sommes la somme de 23 631,90 euros au titre de la révision des prix et de déduire la somme de 30 000 euros au titre des gains de chantier ; - la capitalisation des intérêts devait intervenir à la date du dépôt de la requête, soit au 12 septembre 2018 puisqu'ils étaient dus depuis au moins une année, le point de départ des intérêts ayant été fixé par le tribunal au 1er avril 2008 ; - les frais d'expertise et les frais irrépétibles auraient dû être mis à la charge exclusive de la commune de Carpiquet et de la maîtrise d'œuvre, compte-tenu des fautes retenues par l'expert. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, la commune de Carpiquet, représentée par Me Salmon, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête de la société Sogea Nord-Ouest ; 2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 30 juin 2022 en tant qu'il a fait droit à la demande de la société Sogea Nord-Ouest au titre des travaux supplémentaires relatifs à l'habillage de la nourrice et à la serrurerie ; 3°) de mettre à la charge de la société Sogea Nord-Ouest une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les travaux liés à l'habillage de la nourrice du bassin étaient prévus au marché et ne présentaient pas un caractère indispensable ; ils se rattachent à la mission étanchéité de Sogea Nord-Ouest et ne sauraient être considérés comme une prestation supplémentaire ; au demeurant, la société ne démontre pas le caractère indispensable de ces travaux qui ne sont pas une condition au bon fonctionnement de l'ouvrage ; cet habillage ne vise qu'à prévenir les risques d'infiltration et à garantir la parfaite intégration dans l'architecture du bâtiment ; - les travaux liés à la serrurerie ne sont pas des travaux supplémentaires mais sont inclus dans la mission de métallerie ; au demeurant, la société Sogea Nord-Ouest ne démontre pas en quoi ces travaux étaient indispensables ; - la demande d'indemnisation adressée par la société Sogea Nord-Ouest à la commune ne portait pas sur la dernière situation de travaux d'un montant de 75 643,80 euros HT et ces conclusions tendant au versement de cette somme sont irrecevables ; - les autres moyens soulevés par la société Sogea Nord-Ouest ne sont pas fondés. La requête a été communiquée à Me Gorrias en qualité de liquidateur judiciaire de la société Atelier Arcos Architecture et à Mme A... en qualité de liquidateur de la société Atelier B+H, qui n'ont pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des marchés publics ; - le décret n°76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Chollet, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique ; - et les observations de Me Maerten, substituant Me Griffiths, représentant la société Sogea Nord-Ouest. Considérant ce qui suit : 1. La commune de Carpiquet a entrepris la construction d'un centre aqualudique. La maîtrise d'œuvre de cette opération a été confiée, par acte d'engagement du 20 mars 2003, à un groupement d'entreprises constitué par la société Atelier Arcos architecture, mandataire commun du groupement, la société Atelier B+H, maître d'œuvre d'exécution et différents intervenants. La société Atelier Arcos architecture a été chargée d'une mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination des travaux (OPC). Le marché a été divisé en 18 lots. Le lot n°2 " Macro-Lot " comprenant " le gros œuvre, charpente bois, bardage bois, charpente métallique, couverture mobile et couverture amovible, bardage métallique, étanchéité, métallerie, menuiseries extérieures et nettoyage " a été confié à la société Sogea Nord-Ouest, qui a sollicité quinze sous-traitants. Les travaux ont été réceptionnés le 28 juin 2007 avec réserves. La société Sogea Nord-Ouest a adressé le 3 décembre 2007 à la maîtrise d'œuvre son projet de décompte final, qui portait en outre sur la réclamation d'une somme de 346 516 euros HT correspondant d'une part, à la rémunération de travaux supplémentaires à hauteur de 18 419,78 euros HT, d'autre part, à une demande d'indemnisation d'un préjudice du fait de l'allongement de la durée du marché. Compte-tenu du silence de la commune, elle a sollicité le juge des référés du tribunal administratif de Caen qui, par une ordonnance du 18 mai 2009, a désigné un expert qui a remis son rapport le 21 novembre 2017. La société Sogea Nord-Ouest relève appel du jugement du 30 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Caen a seulement condamné la commune de Carpiquet à lui verser une somme de 8 964 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts (article 1er), a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 2), et a mis à sa charge les frais d'expertise (article 4) ainsi que ceux liés au litige (article 5). La commune de Carpiquet demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation de l'article 1er de ce jugement. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Les parties ont été informées par un courrier du 20 mai 2022 de ce que le tribunal était susceptible de soulever, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, un moyen d'ordre public tiré de " l'irrecevabilité des conclusions tendant au versement de la somme de 75 643,80 euros correspondant à la dernière situation de travaux, dès lors que cette somme n'a pas fait l'objet d'une demande d'indemnisation préalable ". Cette information précise a permis aux parties de connaître le moyen susceptible de fonder la décision du tribunal et, par suite, de le discuter utilement. En outre, la société Sogea Nord-Ouest ne justifie pas en quoi ce moyen n'aurait pas été régulièrement communiqué aux parties. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité pour ce motif. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le paiement d'une somme de 75 643,80 euros TTC : 3. La société Sogea Nord-Ouest demande le paiement d'une somme de 50 809,90 euros TTC au titre de la dernière situation de travaux, assortie des intérêts moratoires tels que calculés par l'expert au 1er janvier 2018, soit 24 833,90 euros. Elle précise que cette demande a fait l'objet d'une réclamation préalable en apparaissant sur le projet de décompte final où elle avait alors fixé cette somme à 67 511,23 euros HT. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'expert ne disposait pas des situations de travaux et que la somme de 50 809,90 euros TTC qu'il a calculée correspond à la différence entre le total des travaux figurant dans l'acte d'engagement et des travaux modificatifs notifiés et les sommes encaissées par Sogea. Il ne s'est ainsi basé que sur des flux financiers pour établir le montant de la dernière situation de travaux. Dès lors, en l'absence de précisions sur ce que recouvrent les prestations ou travaux qui resteraient à payer à Sogea par la commune de Carpiquet à ce titre, permettant d'établir leur réalité, et alors même que la maîtrise d'œuvre avait fixé le solde de la situation de travaux à 91 888 euros HT, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande. En ce qui concerne le paiement d'une somme de 5 980 euros HT : 4. Lorsqu'une entreprise demande le paiement de travaux supplémentaires réalisés dans le cadre d'un marché public de travaux à prix global et forfaitaire, il lui appartient tout d'abord d'établir que ces travaux n'étaient pas compris dans le prix de son marché. Le cas échéant, il lui appartient d'établir soit que la réalisation de ces travaux lui a été demandée par ordre de service du maître d'œuvre, soit, en l'absence d'ordre de service écrit ou même d'ordre verbal, que ceux-ci étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. La seule circonstance que les travaux aient été utiles au maître d'ouvrage n'est pas suffisante pour en obtenir le paiement. 5. Il résulte de l'instruction, notamment de l'article 2.1.0.14.2 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot n° 2 attribué à la société Sogea Nord-Ouest que, s'agissant des bétons, " Une étude préliminaire de faisabilité géotechnique a été réalisée par CEBTP. / Le rapport de sondage est annexé au présent dossier et l'entrepreneur doit en tirer les conclusions nécessaires en ce qui concerne la nature des terres, leur résistance etc.. / Il lui appartiendra de procéder à un examen du terrain et de faire exécuter à ses frais des sondages complémentaires s'il le juge utile, étant entendu qu'il sera donné un prix forfaitaire pour l'ensemble des terrassements et fondations. / Le prix pour l'ensemble des terrassements et fondations étant forfaitaire, les erreurs de quantités, divergences et ambiguïtés de toutes sortes pouvant apparaître dans la décomposition des prix, ne pourront en aucun cas conduire à une modification du montant porté dans les pièces du marché. ". Il est constant que l'étude du centre d'expertise du bâtiment et des travaux publics (CEBTP) situait le niveau du calcaire à la côte de 47,50 NGF et qu'il est apparu pendant l'exécution des travaux que le toit du calcaire rocheux n'a été rencontré qu'au-dessous de la côte de 47,05 NGF, soit 45 cm plus profond que prévu. Il en a résulté que les quantités de béton mises en œuvre ont été de l'ordre de 260 m3 alors que le détail quantitatif estimatif du marché prévoyait la mise en œuvre de 208 m3 de béton, soit un supplément de 52 m3. Toutefois, la circonstance qu'il y ait eu un surcoût dû à une erreur de conception, au demeurant sans gravité, ou un manque de prudence, ne suffit pas à démontrer que la mise en œuvre de béton pour une volumétrie supérieure constituerait des travaux supplémentaires nécessitant leur remboursement dans le cadre du marché à forfait. Aucune faute de la commune de Carpiquet, qui s'est adjoint les services du centre d'expertise du bâtiment et des travaux publics pour être garantie contre les mauvaises surprises techniques comme celle relevant de l'imprécision du niveau du calcaire, n'est de nature à engager sa responsabilité contractuelle. Par suite, la société Sogea Nord-Ouest ne peut demander le versement d'une somme de 5 980 euros HT, soit 7 176 euros TTC, à ce titre. En ce qui concerne le paiement d'une somme de 78 900 euros HT : 6. Le maître d'œuvre et le maître d'ouvrage ont notifié à la société Sogea Nord-Ouest un ordre de service de suspension des travaux pour une durée de six semaines à compter du 18 juillet 2005. La société demande le paiement d'une somme de 78 900 euros HT en réparation du préjudice lié à cette suspension et se prévaut de l'expertise judiciaire qui a estimé le coût des frais de chantier pendant cette durée. 7. En premier lieu, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics. 8. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que " les fibres optiques incorporées à la demande du maître d'ouvrage n'ont pas entraîné un arrêt complet du chantier ". La société Sogea Nord-Ouest a d'ailleurs précisé devant les premiers juges " qu'elle ne prétend pas (...) qu'elle n'a pu travailler en aucun cas sur cette zone mais que ces travaux ont simplement été désorganisés par la réalisation des travaux complémentaires confiés à Cégélec et que ses équipes ont, par voie de conséquence, travaillé en sous activité pendant la durée des travaux confiés à Cégélec ". Il en résulte que la société n'est pas fondée à invoquer une faute de la commune de Carpiquet consistant en la prise de décision tardive d'installer la fibre optique. 9. D'autre part, contrairement à ce que soutient la société Sogea Nord-Ouest, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'une faute pourrait être imputée à la commune de Carpiquet s'agissant des difficultés d'établissements des plans de synthèse par le maître d'œuvre. 10. En outre, si la société Sogea Nord-Ouest soutient que la commune de Carpiquet est demeurée passive devant les difficultés ayant conduit à la suspension du chantier en juillet 2005, elle n'assortit ces allégations d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. 11. Enfin, les causes de la suspension des travaux alléguées par la société Sogea Nord-Ouest ne peuvent être regardées comme des sujétions imprévues. 12. En second lieu, dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage. 13. La société Sogea Nord-Ouest soutient que les sociétés Atelier Arcos Architecture, devenue Agence Lignes et Architectures, prise en la personne de Me Gorrias, liquidateur judiciaire, et B+H Architecture, pris en la personne de Mme A..., liquidateur judiciaire, sont responsables des problèmes liés à la validation des plans de fondations, canalisations, niveau -1 et RDC ainsi que des erreurs dans les plans de synthèse et que la suspension du chantier est liée à ces difficultés. Toutefois, il ressort sans ambiguïté des termes de l'expertise que l'expert " n'est pas en mesure d'indiquer si le maître d'œuvre a une part de responsabilité dans l'ordre de service de suspension des travaux ". Par ailleurs, la société Sogea Nord-Ouest n'apporte aucun élément permettant d'établir que ces deux sociétés du groupement de maîtrise d'œuvre ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage. Dans ces conditions, la responsabilité quasi-délictuelle des sociétés précitées ne peut être engagée. En ce qui concerne le paiement d'une somme de 173 969 euros HT : 14. Aux termes de l'article 10 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) - Travaux, applicable au marché : " Contenu et caractère des prix. / 10.1. Contenu des prix : / 10.11. Les prix sont réputés comprendre toutes les dépenses résultant de l'exécution des travaux, y compris les frais généraux, impôts et taxes, et assurer à l'entrepreneur une marge pour risques et bénéfice. Sauf stipulation contraire, ils sont indiqués dans le marché hors taxe à la valeur ajoutée (T.V.A.). / A l'exception des seules sujétions mentionnées dans le marché comme n'étant pas couvertes par les prix, ceux-ci sont réputés tenir compte de toutes les sujétions d'exécution des travaux qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s'exécutent ces travaux (...) ". 15. Il résulte de l'instruction que les deux premiers avenants au marché, datés du 25 avril 2005 et 31 août 2005, n'ont pas pour objet de modifier le délai global des travaux. Si des courriers et devis de la société indiquent que ces travaux impliquent le décalage du planning d'une semaine, la société Sogea Nord-Ouest n'apporte aucun élément de nature à établir que les prix des avenants n'incluaient pas le coût du délai supplémentaire, ni ne justifie la réalité des coûts supplémentaires exposés. Il en va de même pour les avenants n° 3 à 8 qui indiquent explicitement que " le coût des délais supplémentaires est inclus dans l'offre de l'entreprise, elle ne pourra prétendre à aucune autre indemnité que le montant stipulé du devis ", conformément à l'article 10.11 du CCAG. La société ne justifie pas non plus d'une faute de la commune de Carpiquet ayant conduit à la prolongation du chantier de quarante semaines. Par suite, la société Sogea Nord-Ouest n'est pas fondée à demander à la commune de Carpiquet le versement de la somme de 173 969 euros HT au titre des frais de chantier correspondant à ce décalage. Elle n'est pas davantage fondée, par voie de conséquence, à soutenir que les sociétés Atelier Arcos Architecture, prise en la personne de Me Gorrias, liquidateur judiciaire, et Atelier B+H Architecture, prise en la personne de Mme A..., liquidateur judiciaire, doivent être condamnées au versement de cette somme au motif que la maîtrise d'œuvre aurait fait une " analyse erronée de cette demande ". En ce qui concerne la capitalisation des intérêts : 16. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée dans la requête enregistrée devant le tribunal administratif le 12 septembre 2018. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 12 septembre 2018, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. 17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Carpiquet, que la société Sogea Nord-Ouest est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a fixé la date de la capitalisation des intérêts au 1er janvier 2019. Sur l'appel incident de la commune de Carpiquet : 18. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Sogea Nord-Ouest a réalisé, sur demande de la maîtrise d'œuvre, après devis du 28 juillet 2006, des travaux d'habillage en maçonnerie de la nourrice du bassin compte-tenu des missions d'étanchéité qui lui avaient été confiées au point 7 du cahier des clauses techniques particulières de son lot n° 2. Alors même que l'ordre de service à l'avenant n° 7 du 1er août 2006, produit par la Sogea Nord-Ouest, n'a été signé ni par elle ni au demeurant par la commune de Carpiquet et est ainsi irrégulier, la société Sogea Nord-Ouest peut toutefois être indemnisée des dépenses qui se sont révélées utiles à la commune de Carpiquet. Or, il résulte de l'instruction que ces travaux, outre leur caractère esthétique pour camoufler la nourrice du bassin posée par une autre entreprise, avaient pour objet la pose de parpaings et d'enduit ciment autour de la nourrice dans le but de prévenir toute infiltration et présentent ainsi un caractère utile pour le maître d'ouvrage. Dans ces conditions, la commune n'est pas fondée à soutenir que la société Sogea Nord-Ouest n'aurait pas dû être rémunérée pour ces travaux. 19. En second lieu, il est constant qu'en cours de réunion de chantier du 27 mars 2007, le maître d'œuvre a demandé à la société Sogea Nord-Ouest d'établir un devis pour la pose d'éléments complémentaires de serrurerie nécessaires pour assurer la protection collective d'accès aux terrasses. La société a exécuté ces travaux sans ordre de service. Toutefois, ces travaux, qui ont consisté en la pose d'un arceau complémentaire et d'une main courante, ne faisaient pas partie de la mission métallerie confiée à l'intéressée et présentent un caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage pour des raisons de sécurité, contrairement à ce que soutient la commune de Carpiquet, qui n'est pas fondée à soutenir que la société Sogea Nord-Ouest n'aurait pas dû être indemnisée d'une somme de 1 980 euros HT. 20. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Carpiquet n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à la Sogea Nord-Ouest une somme de 8 964 euros TTC. Sur les frais d'expertise : 21. La société Sogea Nord-Ouest, qui ne peut utilement se prévaloir des conclusions de l'expert qui a estimé qu'elle était fondée à leur demander la somme de 541 501,55 euros TTC au titre de son indemnisation, ne justifie pas en quoi les frais d'expertise, d'un montant total de 55 621,19 euros TTC, devraient être mis exclusivement à la charge de la commune de Carpiquet, ou " éventuellement " à la charge de la maîtrise d'œuvre alors qu'elle est également partie perdante au litige. Sur les frais liés au litige : 22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge des frais exposés à l'occasion de la présente instance d'appel et, ainsi, de rejeter l'ensemble des conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Les intérêts échus à la date du 12 septembre 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Article 2 : L'article 1er du jugement du 9 juin 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1 du présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sogea Nord-Ouest, à la commune de Carpiquet, à Me Gorrias en qualité de liquidateur judiciaire de la société Atelier Arcos Architecture, à Mme A... en qualité de liquidateur de la société Atelier B+H et aux sociétés Atelier Arcos Architecture, devenue Agence Lignes et Architectures, et Atelier B+H. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Chollet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, L. CHOLLET Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02908 |
CETATEXT000048424295 | J4_L_2023_11_00022NT02929 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424295.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 22NT02929, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT02929 | 3ème chambre | plein contentieux | C | Mme BRISSON | SELARL LE ROY GOURVENNEC PRIEUR | M. Xavier CATROUX | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, par deux recours distincts, d'annuler, d'une part, les décisions du 21 mars et du 22 novembre 2018 par lesquelles le directeur général du centre hospitalier universitaire régional (CHRU) de Brest a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 11 au 31 décembre 2017 et du 3 janvier au 13 avril 2018 et ses soins du 11 décembre 2017 au 13 avril 2018 et, d'autre part, la décision du 23 décembre 2020 par laquelle il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 19 mars 2020 au 5 février 2021. Par un jugement nos 1900434, 2100970 du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 21 mars et du 22 novembre 2018 et rejeté le surplus des demandes de Mme A.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 septembre 2022 et 22 février 2023, Mme A..., représentée par Me Potin, demande à la cour : 1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 juillet 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 23 décembre 2020 et d'annuler cette décision ; 2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale afin notamment de déterminer si les troubles dont elle souffre depuis le 19 mars 2020 constituent une rechute de son accident de service du 7 novembre 2017 ; 3°) d'enjoindre au directeur général du CHRU de Brest de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts et soins du 19 mars 2020 au 5 février 2021, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire régional de Brest la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - à titre principal, la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, dès lors que les arrêts de travail postérieurs au 19 mars 2020 résultent d'une rechute de l'accident de service qu'elle a subi le 7 novembre 2017 et que son état antérieur ne peut être regardé comme la cause exclusive de ces arrêts ; - à titre subsidiaire, cette décision est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, dès lors qu'aucun médecin spécialisé dans son affection n'a participé aux débats ; - si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée, il conviendra qu'elle ordonne avant dire-droit une expertise médicale afin notamment de déterminer si les troubles dont elle souffre depuis le 19 mars 2020 constituent une rechute de son accident de service du 7 novembre 2017. Par un mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2023, le centre hospitalier universitaire régional de Brest, représenté par la Selarl Le Roy, Gourvennec, Prieur, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Catroux, - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public, - et les observations de Me Plunier, représentant le centre hospitalier universitaire régional de Brest. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., aide-soignante au sein du centre hospitalier universitaire régional (CHRU) de Brest, a été victime d'un accident de service le 7 novembre 2017 survenu à la suite d'une manipulation d'une patiente. Elle a bénéficié d'arrêts de travail pour une lombalgie droite aiguë à compter du 9 novembre 2017, puis une lombo-sciatique droite L5-S1. Par une décision du 20 décembre 2017, le directeur général du CHRU de Brest a reconnu l'imputabilité au service des arrêts de travail dont a bénéficié Mme A... du 9 novembre au 7 décembre 2017 à la suite de son accident de service du 7 novembre 2017. Par des décisions du 21 mars 2018 et du 22 novembre 2018, le directeur général du CHRU de Brest a toutefois refusé de reconnaître l'imputabilité au services des arrêts de travail du 11 au 31 décembre 2017 et du 3 janvier au 13 avril 2018. Mme A... a repris son activité dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique du 13 novembre 2019 au 11 mai 2020 et a été placée de nouveau en arrêt de travail. Par une décision du 11 mai 2020, le directeur général du CHRU de Brest a reconnu l'imputabilité au service de ces arrêts de travail. A la suite de la réception d'un complément d'expertise du docteur B..., le directeur général du CHRU de Brest a toutefois, par une décision du 22 juillet 2020, retiré sa décision du 11 mai 2020. A la suite d'un avis défavorable de la commission de réforme du 17 décembre 2020, il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail du 19 mars 2020 au 5 février 2021 par une décision du 23 décembre 2020. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, par deux recours distincts, d'annuler les décisions des 21 mars et 22 novembre 2018 ainsi que du 23 décembre 2020. Par un jugement avant dire-droit du 19 mai 2021, le tribunal a ordonné une expertise médicale, confiée à un médecin spécialiste en rhumatologie afin de déterminer notamment si les soins et arrêts de travail dont Mme A... a bénéficié à compter du 11 décembre 2017 présentaient un lien direct avec l'accident de service du 7 novembre 2017, ou s'ils relevaient exclusivement d'un état antérieur. Par un jugement du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 21 mars et du 22 novembre 2018 et rejeté le surplus des demandes de Mme A.... Cette dernière relève appel du jugement en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de la décision du 23 décembre 2020. 2. En premier lieu, aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". En vertu des dispositions de l'article 3 du même arrêté, la commission de réforme comprend " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes [...] ". 3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée. 4. Il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme disposait lorsqu'elle a, le 15 novembre 2018, examiné le cas de Mme A... de l'expertise médicale du docteur B..., médecin spécialisé notamment en orthopédie, traumatologie, évaluation et traitement de la douleur, rééducation et réadaptation fonctionnelles. Dans ces conditions, il n'est pas manifeste que la commission aurait dû s'adjoindre lors de cette réunion un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par l'intéressée pour rendre un avis éclairé et cette dernière n'a, dès lors, pas été privée d'une garantie. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté. 5. En second lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ". 6. Il résulte de ces dispositions que la prise en charge par l'administration de l'intégralité de la rémunération ou des frais médicaux découlant de la maladie ou d'un accident de service d'un fonctionnaire est soumise à la condition que l'affection mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. En outre, l'existence d'un état pathologique antérieur, fût-il évolutif, ne permet d'écarter l'imputabilité au service de l'état d'un agent que lorsqu'il apparaît que cet état a déterminé, à lui seul, l'incapacité professionnelle de l'intéressé. 7. Il ressort des pièces du dossier que, si Mme A... ne souffrait pas de la région lombaire avant son accident de service du 7 novembre 2017, elle présentait déjà alors un état pathologique antérieur consistant en une étroitesse de son canal lombaire, une discopathie dégénérative discarthrosique aux vertèbres L3-L4, L4-L5, L5-S1 et une arthrose inter-apophysaire postérieure. Selon le médecin rhumatologue, désigné par le tribunal, cet état pathologique antérieur aurait probablement continué d'évoluer de façon silencieuse pour se manifester au bout d'un certain temps par des épisodes de lombalgies chroniques, mais a été aggravé par l'accident de service. Il ressort de plus du rapport du même expert que la pathologie de Mme A... pour laquelle elle a été en arrêt de travail à compter du 9 novembre 2017, qui a été causée directement mais non exclusivement par l'accident de service, s'est consolidée le 2 janvier 2019. Si l'intéressée a de nouveau souffert de lombalgies à compter de sa reprise du travail à mi-temps le 13 novembre 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces symptômes présenteraient un lien direct avec l'accident de service survenu plus de deux ans plus tôt et qui avait cessé de produire ses effets. Il en ressort, au contraire, qu'elle résulte exclusivement de l'état de santé antérieur de la requérante. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la réapparition des symptômes constitue une rechute de la pathologie reconnue comme imputable à l'accident de service, alors même que le poste sur lequel Mme A... avait été affecté à la suite de sa reprise du travail en novembre 2019 n'avait pas fait l'objet des adaptations préconisées par le médecin de prévention. Par suite, le directeur général du CHRU de Brest n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... pour la période du 19 mars 2020 au 5 février 2021. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de recourir à l'expertise sollicitée, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais d'instance : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire régional de Brest qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme A..., la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. 10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... une somme que demande le centre hospitalier universitaire régional de Brest au même titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire régional de Brest présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au centre hospitalier universitaire régional de Brest. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président assesseur, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, X. CATROUXLa présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 No 22NT02929 |
CETATEXT000048424296 | J4_L_2023_11_00022NT03172 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424296.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT03172, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT03172 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | QUENTEL | Mme Laure CHOLLET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté de péril imminent du 26 avril 2019 du maire de la commune de Huelgoat, ainsi que la décision du 29 mai 2019 de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1902990 du 4 août 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 octobre 2022 et 12 mai 2023, M. B..., représenté par Me Logeat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 4 août 2022 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler l'arrêté de péril imminent du 26 avril 2019 du maire de la commune de Huelgoat ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Huelgoat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant du respect de la condition provisoire des mesures ordonnées et n'examine pas le moyen tiré du caractère incomplet de l'arrêté du maire ; - l'arrêté du 26 avril 2019 est insuffisamment motivé ; - les mesures édictées par un maire en application de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'urbanisme ne peuvent être que provisoires ; la démolition de la toiture et de la charpente ne peuvent être regardées comme des mesures provisoires ; l'écart entre l'arrêté de péril imminent et l'intervention de la commune démontre qu'il n'y avait pas d'urgence ; - l'arrêté du 26 avril 2019 est incomplet en ce qu'il ne prend pas en compte la mitoyenneté de l'immeuble avec un bâtiment propriété de la commune ; les désordres trouvent leur origine dans ce bâtiment appartenant à la commune duquel se déverse des eaux sur sa propriété ; - les mesures prescrites par l'arrêté du 26 avril 2019 sont disproportionnées et constituent une atteinte au droit de propriété ; il a sollicité la commune le 26 octobre 2021 afin que des artisans puissent intervenir sur son bâtiment mais celle-ci n'a jamais répondu et a fait intervenir une entreprise qu'elle a choisie ; les travaux réalisés ont été mal exécutés ; - l'arrêté du 26 avril 2019 est entaché d'un détournement de procédure ; - il reprend l'ensemble des moyens de première instance. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 7 février et 3 juin 2023, la commune de Huelgoat, représentée par Me Quentel, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la construction et de l'habitation ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Chollet, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique ; - et les observations de Me Clairay, représentant M. B... et de Me Quentel, représentant la commune de Huelgoat. Considérant ce qui suit : 1. M. B... est propriétaire d'une maison d'habitation inhabitée, située 1 rue des Cendres, sur une parcelle cadastrée section AD n°58, sur le territoire de la commune de Huelgoat (Finistère). Compte-tenu de la chute de bouts de bois et d'ardoises provenant de la toiture de cet immeuble, et en l'absence de travaux de sécurisation par M. B... en dépit des courriers de la mairie le sollicitant à cet effet, une expertise a été diligentée par le tribunal administratif de Rennes par ordonnance du 7 mars 2019 à la demande de la commune. L'expert a déposé son rapport le 11 mars 2019, complété le 19 avril 2019. Le maire de Huelgoat a pris le 26 avril 2019 un arrêté de péril imminent concernant cette construction et a mis en demeure M. B..., dans un délai de 15 jours à compter de la notification de cet arrêté, de procéder à la démolition de la toiture et de la charpente de son immeuble. M. B... relève appel du jugement du 4 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il résulte des motifs du jugement que le tribunal administratif de Rennes s'est prononcé sur le moyen tiré du caractère incomplet de l'arrêté du maire au point 7. Il est en outre suffisamment motivé aux points 6 et 7 s'agissant de ce moyen et de celui tiré de l'absence de respect de la condition tenant au caractère provisoire des mesures ordonnées par le maire dans le cadre d'un arrêté dit de péril imminent. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularités pour ces motifs. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 26 avril 2019 et du défaut d'information de l'architecte des bâtiments de France de l'engagement de la procédure prévue par l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, que le requérant reprend en appel sans apporter de nouveaux éléments, doivent être écartés par adoption des motifs retenus aux points 2 à 4 du jugement attaqué. 4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction alors applicable : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. / (...) ". 5. D'autre part, la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Aux termes de son article 17 : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ". En l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. 6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert du 19 avril 2019, que, s'agissant du bâtiment en litige appartenant à M. B..., " l'état du clos couvert, et notamment l'éventrement de la charpente, rendent le péril d'effondrement certain. De plus, la grande quantité d'ardoises non fixées entraîne à ce jour de nombreuses chutes qui peuvent s'avérer très dangereuses. (...) le péril est imminent ". L'expert préconise en conséquence " sans délai la démolition de la toiture et de la charpente de cette bâtisse ", son état étant " beaucoup trop inquiétant pour envisager de raccommoder les protections déjà mises en place depuis des années. De plus, l'état de dégradation des menuiseries pourrait générer des appels d'air violents qui faciliteraient l'effondrement de la charpente et de la couverture. (...) ". L'expert conclut alors à l'existence d'un péril grave et imminent. Il n'est pas contesté par M. B... que la toiture et la charpente du bâtiment dont il est propriétaire sont dans un état de dégradation avancée mettant en danger la sécurité publique. Il en résulte qu'en prescrivant par arrêté du 26 avril 2019 la démolition de la toiture et de la charpente, la commune de Huelgoat n'a pas excédé par leur nature et leur ampleur les mesures provisoires pouvant seules être légalement prescrites à un propriétaire selon la procédure de péril imminent prévue par les dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation et à même de garantir la sécurité publique et n'a pas non plus méconnu ces dispositions. 7. Par ailleurs, si M. B... a déposé le 20 mai 2019 une déclaration préalable de travaux portant sur " la dépose de la couverture, des voliges et dépose de la charpente. Confortation des arases et tous travaux de moellonnage complémentaires incluant l'évacuation des gravas à la décharge contrôlée ", il n'a cependant pas mis en œuvre les travaux prescrits par l'arrêté en litige alors même que le maire a pris un arrêté de non-opposition à cette déclaration préalable dès le 27 juin 2019. En effet, il ressort d'un procès-verbal de constat du 28 septembre 2020 ainsi que d'un rapport de constat d'urgence établi en avril 2021 à la suite d'une ordonnance du tribunal administratif de Rennes du 28 décembre 2020, que les travaux n'étaient pas exécutés à ces dates, laissant ainsi perdurer le péril. Il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction, contrairement à ce que M. B... soutient, qu'il ait mandaté des entreprises pour procéder aux travaux nécessaires pour faire cesser le péril imminent entre le 26 avril 2019 et janvier 2022. Ainsi, par courrier du 26 octobre 2021, M. B... a informé le maire de Huelgoat avoir missionné une entreprise pour " protéger la toiture (...), mettre en place un support pour refixer la gouttière et le fel'x ", toutes mesures insuffisantes pour remédier au péril imminent. La durée du temps écoulé entre la date de l'arrêté de péril imminent et l'exécution d'office des travaux par la commune en janvier 2022 est sans incidence sur le caractère urgent de la mesure provisoire alors au demeurant que l'arrêté en litige a demandé à M. B... de procéder à ces démolitions dans un délai de quinze jours à compter de la date d'affichage de l'arrêté, sans succès. 8. En outre, M. B... n'est pas fondé à invoquer les conséquences de la mesure de démolition au 21 mars 2022, à savoir l'absence de protection sur le pignon mitoyen du bâtiment qui a provoqué des dégâts des eaux importants sur l'ensemble des bâtiments de sa parcelle, dès lors qu'il lui appartenait de réaliser de tels travaux de protection qui n'entrent pas dans le champ des mesures nécessaires pour faire cesser le péril imminent. 9. Enfin, M. B... ne justifie pas que la mesure prescrite, circonscrite à la charpente et à la toiture, porterait atteinte à son droit de propriété, quand bien même il serait nécessaire de procéder également à des études pour supprimer toutes les liaisons hydrauliques provenant des deux bâtiments du n° 3 rue des Cendres avec les bâtiments mitoyens du n° 1 et n° 2 venelles de l'Eglise et de traiter tous les problèmes provoqués par les champignons lignivores à partir des liaisons hydrauliques trouvant leur origine dans les bâtiments voisins appartenant à la commune. 10. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 511-2 du code de construction et de l'habitation alors applicable ne concernent que le caractère contradictoire de la procédure de péril ordinaire. M. B... n'est par suite pas fondé à invoquer la méconnaissance de ces dispositions en ce qu'elles prévoient que, dans les cas où il apparaît que la partie de l'immeuble menaçant ruine dont la démolition ou la réparation est envisagée se trouve en copropriété ou en mitoyenneté, l'arrêté de péril doit mettre en cause tous les copropriétaires et propriétaires mitoyens. Le moyen tiré du " caractère incomplet " de l'arrêté de péril imminent du 26 avril 2019, pris sur le fondement de l'article L. 511-3 du même code, doit être par suite écarté. 11. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que l'arrêté du 26 avril 2019 est justifié par l'état de délabrement de la propriété du requérant. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la procédure de péril imminent soit entachée d'un détournement de procédure, alors même que, par un courrier du 3 juillet 2018, le maire de Huelgoat lui avait fait part de sa recherche de terrains dans le cœur du bourg et de ce que l'îlot lui appartenant avait été identifié comme " endroit à reconquérir ", qu'un article publié dans le quotidien Ouest France du 27 mai 2019 fait état d'un projet de construction d'une maison médicale dans le bourg et que l'avocat du requérant l'a informé, par courrier du 6 mai 2019, que la commune souhaite acheter l'intégralité de " l'ilot litigieux " à M. B... en contrepartie de quoi elle renoncerait à exiger les travaux provisoires prescrits par l'arrêté de péril. Par suite, ce moyen doit être écarté. 12. En dernier lieu, à supposer que les travaux de démolition de la toiture et de la charpente, exécutés sur demande de la commune de Huelgoat, ne l'ont pas été dans les règles de l'art, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 26 avril 2019. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Huelgoat sur le fondement de ces dispositions. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Il est mis à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Huelgoat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Huelgoat. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Chollet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, L. CHOLLET Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT03172 |
CETATEXT000048424297 | J4_L_2023_11_00022NT03332 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424297.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT03332, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT03332 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. LAINÉ | SELARL CADRAJURIS | Mme Laure CHOLLET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser une somme de 126 065,60 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de deux mesures de fermeture administrative de la discothèque " Le VIP ", située à Venansault, prises par le préfet de la Vendée. Par un jugement n° 1907509 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 octobre 2022 et 19 juin 2023, M. A..., représenté par Me Flynn, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 25 mai 2022 du tribunal administratif de Nantes ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 126 065,60 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de deux mesures de fermeture administrative de la discothèque " Le VIP ", située à Venansault, prises par le préfet de la Vendée, et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - les arrêtés des 17 février et 31 mai 2016 du préfet de la Vendée ont été suspendus par le juge des référés en raison du doute sérieux quant à leur légalité, puis annulés par deux jugements du 4 novembre 2016 ; ces deux décisions étant illégales, la préfecture de Vendée a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; - l'EURL Guepass a subi un préjudice matériel et financier du fait de la fermeture administrative illégale de la discothèque, qui a été fermée onze jours sur l'année 2016 ; les pertes d'exploitation ont conduit à sa liquidation judiciaire en juillet 2016, ou, à minima, une perte de chance d'y échapper ; il est fondé à demander la somme de 106 065,60 euros correspondant au capital qu'il avait investi dans cette société ainsi qu'une somme de 20 000 euros du fait des troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2023, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Chollet, - et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... était gérant de l'EURL Guepass, qui exploitait à Venansault (Vendée) une discothèque. Par un arrêté du 17 février 2016, annulé par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Nantes du 4 novembre 2016, le préfet de la Vendée a ordonné la fermeture de l'établissement pour une durée d'un mois à compter du 18 février 2016 compte-tenu d'infractions constitutives de travail illégal, en application de l'article L. 8211-1 du code du travail. Par un arrêté du 27 avril 2016, le préfet de la Vendée a ordonné la fermeture de l'établissement pour une durée de trois mois, en application de l'article L. 253-4 du code de la sécurité intérieure, pour défaut de déclaration d'un système de vidéoprotection de onze caméras. Par un second jugement du 4 novembre 2016, le tribunal administratif a annulé la décision du 31 mai 2016 refusant d'abroger la décision de fermeture administrative de trois mois du 27 avril 2016, pour erreur manifeste d'appréciation alors que l'exploitant avait enlevé les caméras irrégulièrement installées. M. A..., estimant que la liquidation judiciaire de l'EURL Guepass, prononcée le 13 juillet 2016 par le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon, résultait de ces deux mesures administratives illégales, a demandé au tribunal administratif de Nantes, en son nom propre, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 126 065,60 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait de ces deux arrêtés illégaux. Il relève appel du jugement du 25 mai 2022 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande. 2. Toute illégalité est constitutive d'une faute. Ainsi, la décision par laquelle l'autorité administrative rejette illégalement une demande constitue une faute de nature à engager sa responsabilité, à condition, notamment, que l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'illégalité ainsi commise et le préjudice invoqué puisse être établi. 3. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de plan d'apurement du passif du 14 juin 2016 de l'EURL Guepass, que les difficultés de cette entreprise, ayant conduit à sa liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon du 13 juillet 2016, ont pour origine un chiffrage inexact des travaux nécessaires à l'ouverture de la discothèque, avec un dépassement du budget initial de 150 000 euros en raison notamment du coût des mises aux normes et du retard sur les travaux du bâtiment qui a dû reporter son ouverture de juin 2014 à octobre 2014, ainsi qu'une mauvaise appréciation de l'estimation du chiffre d'affaires pouvant être escompté, basé sur la somme de 1 140 000 euros alors que le chiffre d'affaires n'a pas dépassé 600 000 euros la première année d'ouverture. En outre, les loyers étant dus à compter de février 2014 alors que la discothèque n'était pas encore ouverte, l'entreprise a dû les acquitter sans contrepartie à hauteur de 50 000 euros et l'ensemble de ces charges a obéré sa trésorerie. Le passif de l'entreprise au 14 juin 2016 était ainsi évalué à 1 447 991,03 euros et, s'il est indiqué dans ce plan que les deux mesures de fermeture administrative du préfet de la Vendée ont généré une perte de chiffre d'affaires d'environ 140 000 euros, il ne résulte pas de l'instruction que la liquidation judiciaire n'aurait pas été prononcée en l'absence de ces périodes brèves de fermeture. Au contraire, il ressort du jugement du 13 juillet 2016 que la liquidation judiciaire de l'entreprise a été prononcé au motif qu'elle avait " généré de nouvelles dettes auxquelles elle ne pouvait faire face ". Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la fermeture administrative de la discothèque du fait des deux arrêtés du préfet de la Vendée des 17 février et 31 mai 2016 ait un lien de causalité direct et certain avec cette liquidation judiciaire. 4. Au surplus, M. A... ne justifie pas la perte personnelle d'un investissement en capital de 106 065,60 euros en produisant le " K-Bis " de la société faisant état d'un capital social de 20 000 euros ainsi qu'un relevé de la comptabilité de l'entreprise mentionnant un apport en compte courant d'associé de la SARL GUEMAS d'un montant de 86 065,60 euros. Il ne justifie pas davantage d'un préjudice moral et d'un trouble dans ses conditions d'existence en produisant un certificat médical du 14 mars 2018 mentionnant une situation de syndrome anxiodépressif au 10 avril 2017 et se bornant à relater les dires du requérant. 5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande indemnitaire. Ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Flynn et au préfet de la Vendée. Une copie du présent arrêt sera adressée pour information au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Chollet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, L. CHOLLET Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT03332 |
CETATEXT000048424298 | J4_L_2023_11_00022NT03402 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424298.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT03402, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT03402 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | SCP ARES GARNIER DOHOLLOU SOUET ARION ARDISSON GREARD COLLET LEDERF-DANIEL LEBLANC | M. Stéphane DERLANGE | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 12 novembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle imputable au service, d'enjoindre à la ministre de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de procéder à la reconstitution de ses droits. Par un jugement n° 2000169 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 31 octobre 2022 et 13 et 20 juin 2023, M. A..., représenté par Me Michelet, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 septembre 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 12 novembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle imputable au service et d'enjoindre au ministre de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de procéder à la reconstitution de ses droits ; 3°) de mettre à la charge du défendeur une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges ne se sont pas prononcés sur les moyens soulevés tirés de la présomption d'imputabilité au service de sa maladie remplissant les conditions du tableau 30 A listant les maladies professionnelles et qu'à défaut de présomption, il existe un lien direct entre sa maladie et son activité professionnelle ; - il a été exposé à l'amiante lors de son service à la mairie de Plouescat et sur la base de défense Brest-Lorient ; - selon l'article 37-19 du décret n° 87-602, la déclaration professionnelle doit être faite en cas de mobilité au dernier employeur, peu important que la maladie ait été contractée auprès d'une autre administration employeur ; - il remplit les conditions du tableau 30 A listant les maladies professionnelles ; l'imputabilité au service de sa maladie doit être présumée ; - à défaut de présomption, il existe un lien direct entre sa maladie et son activité professionnelle. - il présente un déficit fonctionnel permanent supérieur à 25 % et il existe un lien direct et essentiel entre sa maladie et son activité professionnelle alors qu'aucune autre cause d'exposition n'a pu être relevée. La requête a été communiquée au ministre des armées, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Derlange, président assesseur, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique, - et les observations de Me Michelet, pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... est fonctionnaire. Du mois de mai 1987 au 31 décembre 2013, il avait été employé aux services techniques de la mairie de Plouescat. Depuis le 1er janvier 2014, il est affecté au groupement de soutien de la base de défense de Brest-Lorient du ministère des armées, en qualité d'agent technique principal en charge de la conduite de véhicules routiers au sein du service de soutien commun. Un scanner thoracique réalisé le 14 septembre 2017 a révélé la présence de " plages de réticulations intralobulaires sous-pleurales postérieures " et des lésions asbestosiques. La commission de réforme de Quimper, au cours de sa séance du 19 septembre 2019, a rendu un avis défavorable à sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Par une décision du 12 novembre 2019, la ministre des armées a refusé de reconnaître cette maladie comme imputable au service. M. A... a demandé l'annulation de cette décision devant le tribunal administratif de Rennes. Il relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. M. A... soutient que les premiers juges ont omis de se prononcer sur les moyens qu'il a soulevés tirés de la présomption d'imputabilité au service de sa maladie remplissant les conditions du tableau 30 A listant les maladies professionnelles et de ce qu'à défaut de présomption, il existe un lien direct entre sa maladie et son activité professionnelle. 3. Toutefois, il ressort des points 4 et 5 du jugement attaqué que les premiers juges se sont prononcés sur ces moyens, en particulier en indiquant : " Dès lors, M. A... ne démontre pas de lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec les conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause. ". Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 en vigueur à la date de la décision contestée : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnées aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut-être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants-droits établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants-droits établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en conseil d'Etat. ". 5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec les conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. Si M. A... soutient qu'il a été exposé à l'amiante lors de son affectation, à compter du 1er janvier 2014, au groupement de la base de défense Brest-Lorient en qualité d'agent technique principal en charge de la conduite de véhicules routiers au sein du service de soutien commun, il ne produit pas d'éléments suffisamment précis et probants pour l'établir. En outre, la seule circonstance que la maladie soit apparue durant son affectation sur cette base ne peut suffire à justifier l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la pathologie dont il souffre et le service. D'ailleurs, il résulte des certificats médicaux établis par les médecins qui l'ont examiné les 7 novembre 2017 et 18 janvier 2018 qu'il avait déclaré avoir été exposé à l'amiante uniquement au cours de la période 1987 à 1995, lors de son service auprès de la commune de Plouescat. Faute d'établir un lien de causalité direct et certain entre sa maladie et l'exercice de ses fonctions au sein d'un service relevant de l'Etat, M. A... n'est pas, pour ce seul motif, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 7. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, S. DERLANGE Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT03402 |
CETATEXT000048424299 | J4_L_2023_11_00022NT03550 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424299.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 22NT03550, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT03550 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | LEMONNIER | M. Xavier CATROUX | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Gounit Kerjecal et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 1er juin 2021 prise par le préfet de la région Bretagne rejetant leur demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles d'une superficie totale de 9 hectares, 38 ares et 78 centiares situées à Combrit (Ille-et-Vilaine). Par un jugement no 2106273 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 novembre 2022 et 8 juin 2023, l'EARL Gounit Kerjecal et M. B..., représentés par Me Barthe, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler la décision du Préfet de la région Bretagne du 1er juin 2021 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la décision contestée est insuffisamment motivée, dès lors que le préfet s'est borné à se référer à l'avis de commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA), sans mentionner les circonstances justifiant de ne pas prendre en compte l'existence d'un agrandissement excessif pour refuser l'opération ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime ; - elle méconnaît les dispositions de l'article 3, I, a) du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne, dès lors qu'elle se fonde sur l'autorisation d'un agrandissement excessif en dépit de l'existence d'une autre demande relevant d'une priorité définie par ce schéma directeur ; - à supposer même que l'article 3, I, a) du SDREA doive être interprété en ce qu'un agrandissement excessif peut être autorisé en l'absence d'une candidature par un projet d'agriculture biologique ou par un établissement de recherche, d'enseignement ou d'insertion, une telle disposition serait contraire à l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime et entacherait d'un défaut de base légale la décision contestée ; - la décision contestée méconnaît les orientations du SDREA. Par un mémoire en défense enregistré le 25 mai 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - le moyen tiré de la méconnaissance des orientations du SDREA est inopérant, - les autres moyens soulevés par l'EARL Gounit Kerjecal et M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code rural et de la pêche maritime ; - l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 4 mai 2018 fixant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Catroux, - et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Gounit Kerjecal a formé, le 4 janvier 2021, une demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles d'une superficie totale de 9 hectares 38 ares et 78 centiares situées sur la commune de Combrit (Finistère). Une demande d'autorisation d'exploiter a été faite pour les mêmes parcelles, le 29 mars 2021, par M. C..., exploitant agricole pratiquant en particulier l'élevage. Par une décision du 1er juin 2021, notifiée le 30 juin 2021, le préfet de la région Bretagne a rejeté la demande d'autorisation d'exploiter de l'EARL Gounit Kerjecal. Cette décision a fait l'objet d'un recours gracieux qui a été implicitement rejeté. L'EARL Gounit Kerjecal ainsi que son unique associé ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 1er juin 2021. Par un jugement du 22 septembre 2022, le tribunal a rejeté cette demande. L'EARL Gounit Kerjecal et M. B... relèvent appel de ce jugement. 2. D'une part, aux termes de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 (...) ; / 3° Si l'opération conduit à un agrandissement ou à une concentration d'exploitations au bénéfice d'une même personne excessifs au regard des critères définis au 3° de l'article L. 331-1 et précisés par le schéma directeur régional des structures agricoles en application de l'article L. 312-1, sauf dans le cas où il n'y a pas d'autre candidat à la reprise de l'exploitation ou du bien considéré, ni de preneur en place ; (...). ". 3. D'autre part, aux termes du I de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Bretagne : " Règles et dispositions particulières : / a) règles s'appliquant à toutes les priorités : En cas de demandes concurrentes relevant du même rang de priorité, les candidatures sont classées au regard des critères et règles fixés à l'article 5. / Si ce classement ne permet pas de les départager, des autorisations sont délivrées pour chacune d'elles. / Au sein d'une même priorité, on départagera les demandes en fonction des sous-priorités. / Tout demandeur exploitant ses terres en mode de production biologique ou en conversion et demandant des terres en agriculture biologique (parcelles déjà converties ou en cours de conversion) pour les maintenir en agriculture biologique est prioritaire par rapport aux autres demandeurs relevant du même rang de priorité. / Les candidats ayant un projet d'installation en agriculture biologique bénéficient également de cette sous-priorité. (...). / En cohérence avec les orientations du SDREA, une priorité pourra être accordée, après avis motivé de la CDOA, aux demandes d'autorisation d'exploiter présentées par des établissements de recherche, d'enseignement ou d'insertion à caractère agronomique, économique, social ou environnemental n'ayant pas le caractère d'une exploitation agricole familiale, du fait de leur rôle important dans la formation des agriculteurs et le développement agricole. (...). / Les agrandissements et concentrations d'exploitations excessifs tels que défini au point 4 de l'article 5, peuvent être autorisés, si et seulement si, aucune demande concurrente ne relève des priorités décrites ci-dessus. (...) ". Aux termes du II du même article : " Les priorités : / Priorité 1 : maintien de l'exploitation du preneur en place (...) / Priorité 2 : échanges de parcelles ou parcelles ou îlot de parcelles de proximité de bâtiment d'élevage du demandeur (...) / Priorité 3 : réinstallation d'agriculteur avant perdu plus de 2/3 de son exploitation. (...) / Priorité 4 : / 4-1 Reprise de l'exploitation par le conjoint (...). / 4-2 Installation d'agriculteur à titre exclusif ou principal ou agrandissement d'une société par l'installation d'agriculteur à titre exclusif ou principal (...). / Priorité 5 : Zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE) (...). / Priorité 6 : compensation des surfaces perdues de l'exploitation (...). / Priorité 7 : attribution de parcelle ou d'îlot de parcelles enclavé(e) ou de parcelle de liaison (...) / Priorité 8 : consolidation d'exploitation avant un IDE/UTA composé à plus de 70% de productions animales ou de fruits et légumes frais (...). / Priorité 9 : réunion d'exploitations ou agrandissement : (...) / Réunion d'exploitations tel que définie à l'article 1. Agrandissements d'exploitations se situant au-delà du seuil de viabilité avant l'opération projetée. Agrandissement à raison de surfaces au-delà de l'application de la priorité 8 en cas de plafonnement (...). / Priorité 10 : Autres cas d'installation (...). / Priorité 11 : autres cas. ". 4. L'article 5 du SDREA de Bretagne définit, à son point 4, les agrandissements et concentrations d'exploitations excessifs comme ceux qui concernent les exploitations, dont : " / la surface par UTA est supérieure à 4 fois le seuil de déclenchement défini à l'article 3 ; et / l'IDE par UTA exploitant est supérieur à 200 % de la moyenne régionale ". 5. En premier lieu, la décision contestée comporte les visas des dispositions qu'elle applique. Elle mentionne la circonstance, qui ressort des pièces du dossier, que la demande d'agrandissement de M. C..., concurrente de celle de l'EARL Gounit Kerjecal, relevait, alors même que cet agrandissement présente un caractère excessif au regard des critères fixés par le point 4 de l'article 5 du SDREA, du rang de priorité 9 du SDREA supérieur à celui de la demande de l'EARL Gounit Kerjecal, qui avait pour objet une installation à titre secondaire de son unique associé, qui relevait du rang de priorité 10. Elle observe, pour justifier l'autorisation d'exploiter accordée à M. C..., en dépit du caractère excessif de l'agrandissement envisagé, que l'une des orientations du SDREA est de maintenir l'élevage. Par suite, et alors même qu'elle ne fait pas état de la teneur de l'avis de la CDOA concernant les demandes d'autorisations d'exploiter en litige, elle comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui la fondent. 6. En deuxième lieu, l'administration a relevé que l'agrandissement projeté par M. C... présentait un caractère excessif au regard des dispositions citées ci-dessus de l'article 5 du SDREA. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, si les dispositions précitées de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime permettent au préfet de refuser de délivrer une autorisation d'exploiter des terres agricoles au demandeur dont le projet d'agrandissement présente un caractère excessif lorsqu'il existe une demande concurrente, elles ne lui interdisent pas de délivrer une autorisation dans ces conditions. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime doit, dès lors, être écarté. 7. En troisième lieu, les dispositions précitées du a) du I de l'article 3 du SDREA de Bretagne ont pour effet d'interdire au préfet de délivrer une autorisation d'exploiter au demandeur dont le projet d'agrandissement présente un caractère excessif, lorsqu'une demande concurrente relève, par rapport à la première, d'une priorité définie par le SDREA et d'un rang supérieur. En prenant la décision contestée, le préfet de la région Bretagne n'a pas méconnu ces dispositions ou commis d'erreur de droit à leur égard, dès lors notamment que le projet d'agrandissement de M. C... présentait un caractère prioritaire comparativement à celui de l'EARL Gounit Kerjecal qui consistait dans une installation à titre secondaire. 8. En quatrième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 6, l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime n'oblige pas l'administration à opposer un refus d'autorisation d'exploiter pour toute demande d'agrandissement présentant un caractère excessif au regard des critères fixés par le SDREA en présence d'une demande concurrente, quel que soit le rang de priorité de cette dernière. Les dispositions précitées du a) du I de l'article 3 du SDREA de Bretagne ne sont, dès lors, pas contraires à l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime, en ce que ces dispositions du SDREA ont pour effet d'obliger le préfet à rejeter les demandes d'autorisation d'exploiter pour des agrandissements présentant un caractère excessif dans les seules hypothèses de demandes concurrentes relevant de rangs de priorité supérieurs. Le moyen tiré, par voie d'exception de l'illégalité du a) du I de l'article 3 du SDREA de Bretagne doit, par suite, être écarté. 9. En dernier lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des orientations du SDREA, qui ne constituent pas la base légale des décisions prises par l'autorité administrative sur les demandes d'autorisation d'exploiter. Par suite, et alors qu'au demeurant le maintien de l'élevage figure tout comme la favorisation de l'installation des exploitations parmi ces orientations, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté comme inopérant. 10. Il résulte de ce qui précède que l'EARL Gounit Kerjecal et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que, c'est à tort, que par le jugement attaquée le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande d'annulation de la décision du préfet de la région Bretagne du 1er juin 2021. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être écartées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de l'EARL Gounit Kerjecal et de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'exploitation agricole à responsabilité limitée Gounit Kerjecal, à M. A... B... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président assesseur, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, X. CATROUXLa présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT03550 |
CETATEXT000048424300 | J4_L_2023_11_00022NT03669 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424300.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT03669, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT03669 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | EDEN AVOCATS | M. Stéphane DERLANGE | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2201621 du 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Madeline, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 7 octobre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 du préfet du Calvados ; 3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, après lui avoir remis une autorisation de séjour valable pendant la durée de ce réexamen ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le préfet du Calvados a méconnu l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il n'a pas examiné complètement, sérieusement et loyalement son dossier faute d'avoir pris en compte sa demande, à titre subsidiaire, de titre de séjour en tant que salariée et sa demande d'admission au séjour en raison de son intégration professionnelle ; - le préfet du Calvados a méconnu l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; - la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ; - le préfet du Calvados a méconnu les articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle. Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 janvier et le 19 octobre 2023, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requérante ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Derlange, président assesseur, - et les observations de Me Pollono, pour Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante camerounaise, née le 4 avril 1982, a sollicité le 28 décembre 2021 le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 26 avril 2022, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 7 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, sous réserve qu'il ait rompu tout lien avec cette personne, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ". 3. Il est constant que Mme A... s'est vue délivrer à deux reprises une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour la période du 13 mars 2020 au 12 mars 2022, alors même qu'elle ne remplissait plus les conditions pour se voir délivrer un tel titre de séjour depuis le classement sans suite de sa plainte le 27 décembre 2019. Il est également constant que dans sa pré-demande de renouvellement en ligne du 28 décembre 2021 de son titre de séjour Mme A... a fait état de ses efforts d'intégration, notamment professionnelle et a produit une copie de son contrat de travail et un diplôme / justificatif de formation. Il ressort des copies des courriels échangés du 7 au 25 mars 2022, entre l'association accompagnant Mme A... dans ses démarches et les services préfectoraux, que l'intéressée a demandé à l'administration, au motif que du fait du classement sans suite de sa plainte elle craignait un rejet de sa demande, si elle devait ou pouvait compléter sa demande pour solliciter un titre de séjour en tant que salariée ou son admission exceptionnelle au séjour mais qu'en réponse elle a été invitée à attendre le traitement de la demande initiale autrement elle prendrait le risque de voir son dossier " classé sans suite " et qu'une demande d'autorisation de travail devait être formulée par l'employeur. Dans ces conditions, en traitant la demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " de Mme A... sous le seul angle de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au caractère manifestement vain depuis fin 2019, alors qu'eu égard à son contenu et aux échanges que l'administration a eu par courriel avec celle-ci, cette demande pouvait être regardée comme une demande de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " notamment au titre des articles L. 423-23 ou L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", le préfet du Calvados s'est mépris sur la portée de la demande de la requérante. Dans ces conditions, la décision contestée refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... doit être annulée. 4. Par voie de conséquence de l'annulation de cette décision, il y a lieu également d'annuler les décisions litigieuses du préfet du Calvados obligeant Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. 5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2022 du préfet du Calvados. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 6. Il résulte du moyen d'annulation retenu au point 3 que le présent arrêt n'implique qu'une mesure de réexamen de la demande de Mme A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au profit de Me Madeline, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2201621 du 7 octobre 2022 du tribunal administratif de Caen est annulé. Article 2 : L'arrêté du 26 avril 2022 par lequel le préfet du Calvados a refusé le renouvellement du titre de séjour de Mme A..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination est annulé. Article 3 : Il est enjoint au préfet du Calvados de réexaminer la demande de Mme A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à Me Madeline la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Madeline et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, S. DERLANGE Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT03669 |
CETATEXT000048424301 | J4_L_2023_11_00022NT03825 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424301.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT03825, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT03825 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | CABINET LEXCAP RENNES | Mme Laure CHOLLET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SELARL Pharmacie de l'Université a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler le contrat conclu le 12 décembre 2019 entre le centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc et la pharmacie du Centre, ayant pour objet des prestations d'externalisation des médicaments pour deux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ou, à titre subsidiaire, de résilier ce contrat. Par un jugement n° 2000720 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 décembre 2022 et 19 juin 2023, la SELARL Pharmacie de l'Université, représentées par Me Lahalle, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler le contrat conclu le 12 décembre 2019 entre le centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc et la pharmacie du Centre, ou, à titre subsidiaire, de résilier ce contrat ; 3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le contrat en litige est un contrat ayant pour objet la concession d'un service, soumis aux obligations de publicité et de mise en concurrence ; il a pour objet de confier au prestataire un droit d'exploitation au sens du code de la commande publique ; les patients conservent le libre choix de leur fournisseur de produits pharmaceutiques, ce qui expose le titulaire du contrat à un aléa économique ; le risque d'insolvabilité ne peut être exclu pour les médicaments non intégralement remboursés par la sécurité sociale ; le centre communal d'action sociale ne verse aucun prix au titulaire et ne prend pas en charge d'éventuelles pertes subies par l'opérateur privé ; - l'erreur du centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc, qui a qualifié le contrat de marché public lors de la procédure de consultation, a induit en erreur sur la nature du contrat et la procédure de passation applicable alors qu'aucun projet de contrat ne figurait au cahier des charges ; le centre communal d'action sociale a ainsi omis de procéder à la phase d'analyse des candidatures, en méconnaissance des articles L. 3123-18 et L. 3123-19 du code de la commande publique ; la phase de négociation, qui demeure le principe en matière de passation des concessions, n'a pas été mise en œuvre, ce qui l'a empêchée d'améliorer son offre et de remporter la consultation ; en attribuant une note identique à tous les candidats, le pouvoir adjudicateur a privé le critère financier de toute portée ; elle aurait pu obtenir une note supérieure sur ce critère s'il avait fait l'objet d'un analyse comparative au regard du contenu respectif des offres ; - à supposer même que le contrat s'analyse en un contrat de marché public, il aurait dû faire l'objet d'un allotissement conformément à l'article L. 2113-10 du code de la commande publique ; cette irrégularité est susceptible de l'avoir lésé en ce que sa proposition aurait été différente dans le cadre d'un périmètre de prestations réduit ; - le cahier des charges du contrat de concession ne prévoyait aucune durée ; elle n'a donc pas pu présenter utilement son offre par rapport au critère de la durée sur laquelle elle devait s'engager ; - le contrat conclu présente un caractère illicite ; il méconnait le principe de libre choix du pharmacien prévu à l'article L. 1110-8 du code de la santé publique ; le contrat est contraire au devoir d'indépendance des pharmaciens prévu à l'article R. 4235-18 du code de la santé publique eu égard aux conditions d'exécution qu'il impose à l'attributaire. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2023, le centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc, représenté par Me Berrezai, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la Pharmacie de l'Université une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle reprend intégralement et exclusivement la requête de première instance et méconnaît l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - la qualification du contrat en litige n'a aucun rapport avec l'éviction de la Pharmacie de l'Université ; les critères de sélection auraient été identiques qu'il s'agisse d'un contrat de marché public ou d'une concession ; - le contrat conclu sur le fondement de l'article L. 5126-10 du code de la santé publique ne relève pas du champ de la commande publique et n'est soumis à aucune obligation de publicité et de mise en concurrence préalable ; il s'agit d'un contrat sui generis ; en tout état de cause, il ne peut s'agir d'un contrat de concession au sens de l'article L. 1121-1 du code de la commande publique en l'absence de transfert d'un risque d'exploitation ; en tout état de cause, la Pharmacie de l'Université n'a été lésée par aucun manquement commis aux règles de procédures imposées aux concessions ; - le contrat conclu n'est pas illicite. La requête a été communiquée à la pharmacie du Centre qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'action sociale et des familles ; - le code de la commande publique ; - le code de santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Chollet, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique ; - et les observations de Me Cazo, substituant Me Lahalle, représentant la Pharmacie de l'Université et de Me Geffroy, représentant le centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc. Considérant ce qui suit : 1. Le centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Brieuc a, le 1er avril 2019, sur demande expresse de l'agence régionale de santé, lancé une consultation en vue de la conclusion d'un contrat avec une pharmacie, en application de l'article L. 5126-10 du code de la santé publique, ayant pour objet l'externalisation de la préparation individualisée des médicaments des résidents de deux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Par courrier du 3 juin 2019, la Pharmacie de l'Université a été informée que son offre avait été rejetée. La convention a été conclue entre le CCAS de Saint-Brieuc et la Pharmacie du Centre le 12 décembre 2019. La Pharmacie de l'Université relève appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce contrat. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la nature du contrat : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 123-5 du code de l'action sociale et des familles : " (...) / Le centre communal d'action sociale peut créer et gérer en services non personnalisés les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 312-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " I.- Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : / (...) / 6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 311-1 du même code : " L'action sociale et médico-sociale, au sens du présent code, s'inscrit dans les missions d'intérêt général et d'utilité sociale suivantes : / (...) / 5° Actions d'assistance dans les divers actes de la vie, de soutien, de soins et d'accompagnement, y compris à titre palliatif ; / (...) / Ces missions sont accomplies par des personnes physiques ou des institutions sociales et médico-sociales. / Sont des institutions sociales et médico-sociales au sens du présent code les personnes morales de droit public ou privé gestionnaires d'une manière permanente des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 312-1. / (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2 du code de la commande publique : " Sont des contrats de la commande publique les contrats conclus à titre onéreux par un acheteur ou une autorité concédante, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques. / (...) ". Aux termes de l'article L. 1111-1 du même code : " Un marché est un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au présent code avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d'un prix ou de tout équivalent ". 4. Enfin, aux termes de l'article L. 5126-10 du code de la santé publique : " I.- (...) / II. -Les établissements mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles qui ne disposent pas de pharmacies à usage intérieur ou qui ne sont pas membres d'un groupement de coopération sanitaire ou d'un groupement de coopération sociale et médicosociale gérant une pharmacie à usage intérieur concluent, avec un ou plusieurs pharmaciens titulaires d'officine, une ou des conventions relatives à la fourniture en produits de santé mentionnés au I de l'article L. 5126-1 des personnes hébergées en leur sein. La ou les conventions désignent un pharmacien d'officine référent pour l'établissement. Ce pharmacien concourt à la bonne gestion et au bon usage des médicaments destinés aux résidents. Il collabore également, avec les médecins traitants, à l'élaboration, par le médecin coordonnateur mentionné au V de l'article L. 313-12 du même code, de la liste des médicaments à utiliser préférentiellement dans chaque classe pharmaco-thérapeutique. / Ces conventions précisent les conditions destinées à garantir la qualité et la sécurité de la dispensation ainsi que le bon usage des médicaments en lien avec le médecin coordonnateur mentionné au V de l'article L. 313-12 du même code. Elles sont transmises par les établissements au directeur général de l'agence régionale de santé ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie dont ils relèvent et, par les pharmaciens, au conseil compétent de l'ordre. Les personnes hébergées ou leurs représentants légaux conservent la faculté de demander que leur approvisionnement soit assuré par un pharmacien de leur choix. / Les conventions sont conformes à une convention type définie par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ". 5. Le contrat pour la conclusion duquel le CCAS de Saint-Brieuc a lancé la procédure litigieuse a pour objet " d'assurer aux résidents des établissements du CCAS qui le souhaitent (...) l'organisation d'une prestation qualifiée visant à la sécurisation du parcours du médicament au sein de l'établissement, ainsi qu'au bon usage des produits de santé par une formation et/ou une information pertinentes ". Ce contrat lui permet donc de remplir d'une manière plus efficace sa mission de prestations de soins et d'accompagnement en qualité de gestionnaire d'EHPAD, mission notamment définie à l'article L. 311-1 du code de l'action sociale et des familles. Le titulaire doit s'engager à proposer les conditions d'une bonne organisation de la dispensation aux résidents de médicaments, produits ou objets mentionnés à l'article L. 4211-1 du code de la santé publique, sur demande des résidents des établissements, de leur représentant légal et/ou de leur médecin traitant, exprimé par écrit, soumis ou non à prescription, remboursables ou non, et notamment prévoir la fréquence de leurs livraisons entre l'officine et les établissements du CCAS, leur préparation sous paquets scellés totalement tracés et le reconditionnement éventuel des médicaments en sachets-dose et le suivi du parcours des produits pharmaceutiques au sein de l'établissement. Le titulaire participe aux obligations de suivi individualisé régulier des patients, en lien avec le personnel médical, en utilisant notamment un cahier de liaison afin " d'optimiser l'analyse pharmaceutique de l'ordonnance dans une optique clinique " et de " permettre dans le meilleur délai d'adaptation éventuelle des traitements ". Le service ainsi rendu par la pharmacie cocontractante ne fait l'objet d'aucune rémunération sous la forme d'un prix, mais la convention prévoit que " l'intérêt des parties contractantes résident dans le développement d'une relation durable, fondée sur la satisfaction en toute transparence des exigences socio-sanitaires des résidents selon des standards opposables de qualité élevée et de traçabilité totale, définis dans les projets d'établissement et proposés par l'officine ". Les établissements du CCAS s'engagent à cet effet à " présenter et expliquer, auprès des résidents, la politique de qualification de la prestation pharmaceutique sécurisée ". Le titulaire se rémunère donc en exploitant de manière durable l'accès à la clientèle des EHPAD pour le droit à dispensation de produits pharmaceutiques et doit, pour se faire, participer au suivi du patient dans sa dimension pharmaceutique, avec l'organisation conjointe de la transmission de toutes les informations nécessaires à la bonne prise en charge des résidents, l'organisation de la transmission de leurs cartes vitales à l'officine pendant le temps nécessaire à la facturation des médicaments à l'Assurance Maladie et vérifier la corrélation entre la prescription et les médicaments préparés. 6. Dans ces conditions, cette convention, dont la rémunération du service rendu prend la forme d'un accès privilégié à la clientèle présente dans les établissements médico-sociaux gérés par le CCAS pour une durée de trois ans en vue de la dispensation de prestations pharmaceutiques, présente le caractère d'un marché public. En ce qui concerne la licéité du contrat : 7. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction. 8. En premier lieu, la Pharmacie de l'Université n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2113-10 du code de la commande publique dès leur que l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes. 9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 3121-1 du code de la commande publique : " L'autorité concédante organise librement une procédure de publicité et mise en concurrence qui conduit au choix du concessionnaire dans le respect des dispositions des chapitres I à V du présent titre et des règles de procédure fixées par décret en Conseil d'Etat. / Elle peut recourir à la négociation. (...) ". Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que la Pharmacie de l'Université ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 3121-1 du code de la commande publique qui ne concerne que les contrats de concessions de service public. 10. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le CCAS de Saint-Brieuc aurait méconnu les articles L. 3123-1 et suivants du code de la commande publique relatifs aux conditions de participation des candidats à la procédure de passation, notamment leur capacité et aptitude à candidater. La requérante ne justifie au demeurant pas avoir été lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine à cette occasion. 11. En quatrième lieu, il résulte des termes du rapport d'analyse des offres que les trois candidates ont obtenu la note maximale au titre du critère prix en proposant toutes de ne facturer aucun prix au CCAS de Saint-Brieuc et de se rémunérer exclusivement grâce aux versements faits par les résidents ou l'assurance-maladie. Ce critère n'a ni pour objet ni pour effet de désavantager la candidature de la Pharmacie de l'Université par rapport aux autres candidatures. En outre, la Pharmacie de l'Université ne justifie pas ni même n'allègue que son offre présentait des conditions financières de nature à lui donner l'avantage sur les autres candidats. Dans ces conditions, elle ne justifie pas de l'irrégularité de ce critère. 12. En cinquième lieu, la Pharmacie de l'Université n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas pu présenter utilement son offre par rapport au critère de la durée sur laquelle elle devait s'engager dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la durée du contrat était un critère pour analyser les offres des candidats et qu'elle a pu présenter la sienne dans les mêmes conditions que les autres. 13. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 1110-8 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire. / Les limitations apportées à ce principe par les différents régimes de protection sociale ne peuvent être introduites qu'en considération des capacités techniques des établissements, de leur mode de tarification et des critères de l'autorisation à dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux. ". 14. Il résulte de l'instruction, notamment du préambule du cahier des charges et de la convention signée avec une autre officine, que les résidents hébergés dans les établissements du CCAS de Saint-Brieuc conservent leur droit au libre choix de l'officine et devront formaliser par un accord le choix spécifique de recourir à l'offre de service résultant de la conclusion du contrat avec la pharmacie du Centre. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le contrat en cause serait illicite au motif qu'il méconnaîtrait le principe de libre choix du patient défini par l'article L. 1110-8 du code de la santé publique manque en fait et doit être écarté. 15. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 4235-18 du code de la santé publique : " Le pharmacien ne doit se soumettre à aucune contrainte financière, commerciale, technique ou morale, de quelque nature que ce soit, qui serait susceptible de porter atteinte à son indépendance dans l'exercice de sa profession, notamment à l'occasion de la conclusion de contrats, conventions ou avenants à objet professionnel. ". 16. Il ne résulte pas de l'instruction que les conditions d'exécution du marché porteraient atteinte à l'indépendance du pharmacien dispensateur, contrairement à ce que soutient la requérante. 17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête, que la Pharmacie de l'Université n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS de Saint-Brieuc la somme demandée par la Pharmacie de l'Université. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Pharmacie de l'Université une somme de 1 500 euros, sur le fondement de ces mêmes dispositions, à verser au CCAS de Saint-Brieuc. DECIDE : Article 1er : La requête de la Pharmacie de l'Université est rejetée. Article 2 : Il est mis à la charge de la Pharmacie de l'Université une somme de 1 500 euros à verser au centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Pharmacie de l'Université, à la Pharmacie du Centre et au centre communal d'action sociale de Saint-Brieuc. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Chollet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, L. CHOLLET Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT03825 |
CETATEXT000048424302 | J4_L_2023_11_00022NT04101 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424302.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT04101, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT04101 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. LAINÉ | ABC ASSOCIATION BERTHAULT COSNARD | Mme Pénélope PICQUET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le département d'Ille-et-Vilaine a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la société Heude Bâtiment à lui verser la somme de 62 856 euros toutes taxes comprises (TTC) en réparation des désordres affectant la salle de sport et la dalle portée en béton avec quartz pour véhicules lourds du centre d'incendie et de secours de Fougères, de mettre à la charge de cette société la somme de 5 471,63 euros au titre des frais d'expertise judiciaire et de prononcer ces condamnations avec intérêt au taux légal à compter de l'enregistrement de la demande de première instance, capitalisation des intérêts et actualisation sur la base de l'indice BT 01 du coût de la construction le plus récent au jour du jugement. Par un jugement no 1903772 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a condamné la société Heude Bâtiment à verser au département d'Ille-et-Vilaine la somme de 62 856 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2019 et capitalisation des intérêts échus à la date du 22 juillet 2020 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date et a mis les frais d'expertise, d'un montant de 5 471,63 euros, à la charge de la société Heude Bâtiment. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 décembre 2022 et 19 avril 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Heude Bâtiment, représentée par Me Peltier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 novembre 2022 ; 2°) de rejeter la demande du département d'Ille-et-Vilaine ; 3°) de mettre à la charge de ce dernier une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa responsabilité contractuelle ne saurait être engagée en l'absence d'une obligation de résultat s'agissant des désordres allégués et dès lors qu'elle a respecté son obligation de moyens ; - la garantie de parfait achèvement ne saurait être mise en œuvre en l'absence de manquement contractuel de sa part ; - à cet égard, les désordres n'ont qu'un caractère esthétique et n'affectent pas la solidité de l'ouvrage ; - le département a accepté l'aléa d'apparition des fissures esthétiques ; - les fissures apparaissent aléatoirement sur les ouvrages en béton alors même que les règles de l'art ont été respectées ; - c'est à tort que le tribunal a prononcé sa condamnation à supporter financièrement des travaux qui ne sont pas de nature à remédier à un désordre esthétique ; - il n'existe aucun lien de causalité entre l'exécution de l'ouvrage par ses soins et les désordres, de sorte que ceux-ci ne lui sont pas imputables ; - elle n'a en tout état de cause commis aucune faute au regard des conditions météorologiques du coulage et de la réalisation de joints de dilatation. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2023, et un mémoire enregistré le 19 mai 2023 qui n'a pas été communiqué, le département d'Ille-et-Vilaine conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Heude Bâtiment une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les travaux du lot n°5 ont été partiellement réceptionnés par décision du 19 juin 2017, avec la date du 28 mars 2017 comme date retenue pour l'achèvement des travaux, sous réserve de la réalisation de différentes prestations avant le 24 juillet 2017 et notamment la reprise des fissures de la dalle portée quartz véhicules lourds et de celles constatées sur les voiles béton de la salle de sport et ces réserves n'ont jamais été levées ; - il résulte des règles de l'art que la société Heude Bâtiment était tenue, à tout le moins, à l'obligation de maitrise du risque et de limitation des différentes fissures ; - au regard de leur nombre important, ces différentes fissures rendent l'aspect esthétique du centre d'incendie et de secours inacceptable ; - la responsabilité contractuelle de la société Heude bâtiment peut donc être engagée sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ; - certaines des fissures affectant l'ouvrage, et notamment la salle de sport, sont évolutives et dès lors, elles sont susceptibles de porter atteinte à la durabilité de l'ouvrage ; - les désordres sont imputables à cette société dès lors que les fissures proviennent des conditions de coulage du béton. Vu : - l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Picquet, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique, - et les observations de Me Geffroy pour le département d'Ille-et-Vilaine. Considérant ce qui suit : 1. Par acte d'engagement du 6 novembre 2014, le département d'Ille-et-Vilaine a confié à la société par actions simplifiée (SAS) Heude Bâtiment le lot n°5 " Gros-œuvre - Maçonnerie " des travaux de reconstruction du centre d'incendie et de secours de Fougères. Le 9 décembre 2015, le département a accepté l'entreprise déclarée comme sous-traitante par la SAS Heude Bâtiment, pour le coulage de dallages et planchers. Les travaux du lot " Gros-œuvre - Maçonnerie " ont été réceptionnés le 19 juin 2017 avec des réserves tenant, notamment, à la présence de fissures dans les murs en béton de la salle de sport et sur la dalle portée en béton avec quartz pour véhicules lourds. Par courrier du 23 février 2018, le département a notifié à la SAS Heude Bâtiment la prolongation du délai de garantie de parfait achèvement pour ces désordres, jusqu'à la levée des réserves. Par ordonnance du 21 juin 2018 du président du tribunal administratif de Rennes, un expert a été nommé à la demande du département d'Ille-et-Vilaine avec mission, notamment, de rechercher les causes des désordres, de déterminer les personnes responsables et d'indiquer la nature et le coût des travaux propres à y remédier. Le département d'Ille-et-Vilaine a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la SAS Heude Bâtiment à lui verser la somme de 62 856 euros TTC en réparation de ces désordres, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou de la garantie de parfait achèvement ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de la garantie décennale. Par un jugement du 10 novembre 2022, le tribunal, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, a condamné la SAS Heude Bâtiment à verser au département d'Ille-et-Vilaine la somme de 62 856 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2019 avec capitalisation des intérêts échus à la date du 22 juillet 2020 à chaque échéance annuelle à compter de cette date et a mis les frais d'expertise, d'un montant de 5 471,63 euros, à la charge de la SAS Heude Bâtiment. La SAS Heude Bâtiment fait appel de ce jugement. Sur la responsabilité de la SAS Heude Bâtiment : 2. Aux termes de l'article 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché : " Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44.1. / Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, le maître de l'ouvrage peut les faire exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise en demeure demeurée infructueuse. ". Aux termes de l'article 44.1 : " (...) Le délai de garantie est, sauf prolongation décidée comme il est précisé à l'article 44.2, d'un an à compter de la date d'effet de la réception. / Pendant le délai de garantie, outre les obligations qui peuvent résulter pour lui de l'application de l'article 41.4, le titulaire est tenu à une obligation dite " obligation de parfait achèvement " au titre de laquelle il doit : / a) Exécuter les travaux ou prestations éventuels de finition ou de reprise prévus aux articles 41.5 et 41.6 ; / b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage ou le maître d'œuvre, de telle sorte que l'ouvrage soit conforme à l'état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celles-ci ; / c) Procéder, le cas échéant, aux travaux confortatifs ou modificatifs dont la nécessité serait apparue à l'issue des épreuves effectuées conformément aux stipulations prévues par les documents particuliers du marché (...) / Les dépenses correspondant aux travaux complémentaires prescrits par le maître de l'ouvrage ou le maître d'œuvre ayant pour objet de remédier aux déficiences énoncées aux b et c ci-dessus ne sont à la charge de l'entrepreneur que si la cause de ces déficiences lui est imputable. L'obligation de parfait achèvement ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usage ou de l'usure normale. (...) ". 3. D'une part, en vertu des principes dont s'inspire l'article 1792-6 du code civil, la garantie de parfait achèvement due par l'entreprise s'étend à la reprise des désordres ayant fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception comme à ceux qui apparaissent et sont signalés dans l'année suivant la date de réception. D'autre part, en l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception de l'ouvrage est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs se poursuivent au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves. Les relations contractuelles entre le responsable du marché et l'entrepreneur se poursuivent non seulement pendant le délai de garantie, mais encore jusqu'à ce qu'aient été expressément levées les réserves exprimées lors de la réception. 4. Il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise du 18 mars 2019 que les fissures, qui ont fait l'objet de réserves non levées, sur le dallage porté quartz du garage des véhicules lourds et sur les voiles en béton de la salle de sport sont d'ordre esthétique et sont dues à des phénomènes de retrait du béton liés à la conjonction d'une longueur importante, près de 47 mètres sans joint de dilatation, et de la période de coulage du béton, en été avec séchage du béton plus rapide. Le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) stipule à l'article 05.2.2.8 que " les voiles doivent être coulés toute hauteur en une seule fois afin d'éviter les fissures ultérieures au droit des dalles ". Il stipule également, à l'article 05.2.2.7.3.5 que, s'agissant du dallage porté quartz surcharge véhicules lourds, son aspect sera lissé et que " toutes dégradations de revêtement quartz (taches, épaufrures, etc.) relèvent de la responsabilité du présent lot. ". En outre la norme européenne NF EN 1992-1-1, mentionnée dans le CCTP, indique que la fissuration doit être limitée, ne rendant pas l'aspect de la structure inacceptable. Il résulte de l'instruction que 27 fissures ont été constatées sur le dallage porté quartz surcharge du garage des véhicules lourds et 13 fissures sur les voiles en béton de la salle de sport. Ainsi, au vu de ce nombre important de fissures, dont une a d'ailleurs été regardée comme évolutive par l'expert dans son rapport du 18 mars 2019, la SAS Heude Bâtiment n'est pas fondée à soutenir que ces fissures étaient contractuellement conformes, alors même qu'il ne s'agit que de fissures de retrait, d'une faible ouverture et d'ordre esthétique, pouvant survenir de manière aléatoire. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que ces désordres sont directement liés aux travaux relatifs au coulage du béton et qu'il s'agit donc exclusivement d'un manquement contractuel d'exécution imputable, pour les voilages en béton de la salle de sport, au titulaire du lot n° 5, la SAS Heude Bâtiment, et, pour le dallage quartz porté véhicules lourds, au titulaire et à son sous-traitant dont il doit répondre. Sur les travaux de nature à remédier aux désordres : 5. Contrairement à ce que soutient la SAS Heude Bâtiment, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux consistant à ouvrir les fissures, les nettoyer et les garnir de résine, tels que préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport et retenus par le tribunal administratif de Rennes dans le jugement attaqué, ne seraient pas de nature à remédier aux désordres et auraient pour conséquence de rendre les fissures plus apparentes et visibles qu'elles ne le sont actuellement. 6. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Heude Bâtiment n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser au département d'Ille-et-Vilaine la somme de 62 856 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2019 et capitalisation des intérêts échus à la date du 22 juillet 2020 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date et a mis à sa charge les frais d'expertise. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département d'Ille-et-Vilaine qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée à ce titre par la SAS Heude Bâtiment. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département d'Ille-et-Vilaine en appel et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de la SAS Heude Bâtiment est rejetée. Article 2 : La SAS Heude Bâtiment versera au département d'Ille-et-Vilaine la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Heude Bâtiment et au département d'Ille-et-Vilaine. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier C. Wolf La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT04101 |
CETATEXT000048424303 | J4_L_2023_11_00023NT00222 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424303.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 23NT00222, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT00222 | 3ème chambre | plein contentieux | C | Mme BRISSON | BOURDON VINCENT | Mme Judith LELLOUCH | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de Saint-Lô à lui verser la somme de 136 219,62 euros en réparation des préjudices qu'elle impute à la prise en charge de son époux. Dans cette même instance, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Manche a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Saint-Lô à lui verser une somme de 77 886,22 euros au titre du remboursement des débours exposés en faveur de son assuré. Par un jugement n° 2002587 du 25 novembre 2022, le tribunal administratif de Caen a fait partiellement droit à ces demandes en condamnant le centre hospitalier à verser à Mme C... une somme de 26 320 euros et une somme de 11 682,93 euros à la CPAM de la Manche. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2023, Mme B... C... veuve A..., représentée par Me Boudevin, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Caen du 25 novembre 2022 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande et de condamner le centre hospitalier de Saint-Lô à lui verser la somme globale de 80 969,62 euros en réparation des préjudices résultant de la prise en charge de son époux par le centre hospitalier ; 2°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 1 200 euros au titre des frais d'expertise ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Elle soutient que : - la responsabilité du centre est engagée dès lors que l'intervention chirurgicale n'était pas conforme aux bonnes pratiques médicales et qu'elle a fait perdre à D...A... une chance d'éviter l'accident vasculaire cérébral survenu qui doit être évaluée à 15% ; - les indemnités allouées par les premiers juges doivent être majorées et portées aux sommes de : ) 3 750 euros au titre des souffrances endurées par D... A... évaluées à 5/7 sur une échelle de 7 ; ) 2 250 euros au titre de son préjudice esthétique évalué à 4,5/7 ; ) 1 500 euros au titre du préjudice d'agrément ; ) 751,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total ; ) 1 355,62 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel ; ) 21 780 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; ) 13 087,50 euros au titre du besoin temporaire de D... A... en assistance d'une tierce personne avant sa consolidation ; ) 34 245 euros au titre du besoin permanent en assistance d'une tierce personne après la consolidation de l'intéressé ; ) 2 250 euros au titre du préjudice moral et du préjudice d'accompagnement qu'elle a subi en propre du fait des graves séquelles de son mari et de sa perte d'autonomie. Par des mémoires enregistrés les 31 janvier et 12 juin 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche, représentée par Me Bourdon, demande à la cour, par la voie de l'appel incident : 1°) à titre principal, de porter la somme que le centre hospitalier de Saint-Lô a été condamné à lui verser en remboursement des débours qu'elle a exposés en faveur de son assuré à la somme de 77 886,22 euros, et à titre subsidiaire de condamner le centre hospitalier à lui verser une fraction de cette somme par application d'un taux de perte de chance qui ne pourra être inférieur à 15 %, avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2022 ; 2°) de porter l'indemnité forfaitaire de gestion à laquelle elle a droit en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale à la somme de 1 162 euros ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Lô les entiers dépens ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Lô une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les débours de 77 886,22 euros qu'elle justifie avoir exposés en faveur de D... A..., sont imputables à la faute du centre hospitalier de Saint-Lô ; - l'indemnité forfaitaire de gestion doit être actualisée et portée à la somme de 1 162 euros afin de tenir compte de l'arrêté du 15 décembre 2022. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2023 le centre hospitalier de Saint-Lô, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête d'appel et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de minorer les sommes allouées par le jugement attaqué à Mme C... et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Manche. Il soutient que : - les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés, et ses demandes de majoration des indemnités allouées doivent être rejetées ; - le jugement attaqué doit être réformé : o en ramenant l'indemnisation du préjudice esthétique accordée par les premiers juges à la somme de 535,71 euros ; o en rejetant la demande d'indemnisation du préjudice d'agrément ; o en ramenant l'indemnisation du déficit fonctionnel total à la somme de 1 541,74 euros ; o en rejetant la demande de la CPAM de la Manche relative aux dépenses de santé futures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Lellouch, - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Le 18 juin 2010, à la suite de la survenue de trois accidents ischémiques transitoires et d'un accident vasculaire cérébral mineur, D... A..., né le 7 septembre 1945, a été admis au centre hospitalier de Saint-Lô. Après quelques jours au sein de l'unité d'hébergement de courte durée, il a été hospitalisé dans le service de neurologie. Les examens réalisés ont mis en évidence une sténose à 60% de la carotide interne droite et l'indication d'une chirurgie (thrombo endartériectomie) a été posée. Dans les suites de l'intervention, réalisée le 30 juin 2010, D... A... a présenté une paralysie faciale, une paralysie des membres inférieur et supérieur gauche et une cécité totale d'un œil. Il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Caen qui a ordonné une expertise médicale par ordonnance du 21 décembre 2018. Le rapport de l'expert a été déposé le 9 mai 2019. D... A... est décédé le 1er octobre 2019. Après avoir présenté le 14 octobre 2020 une demande préalable indemnitaire auprès du centre hospitalier de Saint-Lô, Mme C..., sa veuve, a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à la condamnation de cet établissement à lui verser la somme de 136 219,62 euros en réparation des préjudices résultant de la prise en charge médicale de son époux. Mme C... demande à la cour de réformer le jugement du 25 novembre 2022 du tribunal administratif de Caen en portant la somme de 80 969,62 euros que le centre hospitalier a été condamné à lui verser à la somme de 80 969,62 euros. La CPAM de la Manche demande également la réformation du jugement en sollicitant que la somme obtenue en remboursement des débours soit portée à celle de 77 886,22 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2022, et l'indemnité forfaitaire de gestion à la somme de 1 162 euros. Le centre hospitalier de Saint-Lô conclut au rejet de la requête d'appel et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de minorer les sommes mises à sa charge par le jugement attaqué. Par jugement du 25 novembre 2022, le tribunal administratif de Caen a jugé que l'indication opératoire posée était contraire aux bonnes pratiques et de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier et qu'eu égard aux antécédents de M. A... et aux risques d'accidents vasculaires cérébraux spontanés, cette faute avait fait perdre à l'intéressé une chance de 15% d'éviter un tel accident. Alors que le centre hospitalier de Saint-Lô ne conteste pas que l'indication opératoire est constitutive d'une faute médicale de nature à engager sa responsabilité, les parties à l'instance ne remettent pas en cause le taux de perte de chance retenu par les premiers juges. Sur l'évaluation des préjudices : En ce qui concerne les préjudices de D... A... : 2. Il résulte du rapport d'expertise que l'accident vasculaire cérébral survenu au décours de l'intervention du 30 juin 2010 a entraîné la survenue d'une hémiparésie gauche prédominant au membre supérieur, d'une paralysie faciale, d'une hémianopsie latérale homonyme gauche ainsi qu'une baisse très importante de l'acuité visuelle de l'œil droit. Depuis la consolidation de son état, fixée par l'expert au 30 juin 2013, il est demeuré atteint de séquelles imputables à l'accident vasculaire cérébral, à savoir une hémiplégie gauche motrices et sensitives, une perte du champ visuel gauche et une cécité de l'œil droit. S'agissant du déficit fonctionnel temporaire : 3. Il résulte de l'instruction que l'accident vasculaire cérébral survenu au décours de l'intervention chirurgicale a été à l'origine pour D... A... d'un déficit fonctionnel temporaire total du 30 juin 2010, date de l'intervention, au 2 décembre 2010, période au cours de laquelle il était hospitalisé au centre hospitalier de Saint-Lô puis au centre de rééducation fonctionnelle Le Normandy. L'expert a évalué à 75% son déficit fonctionnel partiel pendant la période de rééducation en externe au centre de rééducation fonctionnelle, soit du 3 décembre 2010 au 15 avril 2011, puis à 65% pendant la période de suivi en ambulatoire du 16 avril 2011 au 30 juin 2013, date de consolidation de son état. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant, sur la base d'un taux journalier de 17 euros, à la somme de 13 277,85 euros [(156 jours * 17) + (134 jours * 17 * 0,75) + (807 jours * 17 * 0,65)]. Après application du taux de perte de chance, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Lô une somme arrondie de 1 992 euros à ce titre. S'agissant du déficit fonctionnel permanent : 4. Au vu des séquelles neurologiques de son accident, D... A... est demeuré atteint d'un taux d'incapacité permanente de 60% à compter de la date de consolidation, fixée au 30 juin 2013 par l'expert, et jusqu'à la date de son décès, le 1er octobre 2019, à l'âge de soixante-quatorze-ans. Après application du taux de perte de chance de 15% retenu, il sera fait une équitable appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 7 500 euros. S'agissant du besoin d'assistance d'une tierce personne : 5. D'une part, les premiers juges ont retenu un besoin temporaire en assistance d'une tierce personne de 4 heures par jour du 3 décembre 2010 au 15 avril 2011, puis de deux heures par jour du 16 avril 2011 jusqu'au 30 juin 2013, date de consolidation de son état de santé. Il y a lieu d'évaluer ce besoin temporaire en assistance d'une tierce personne, en tenant compte du niveau de rémunération constaté entre 2011 et 2013 augmenté des charges sociales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, à la somme de 4 907,60 euros, après application du taux de perte de chance de 15%. 6. D'autre part, le besoin permanent en assistance d'une tierce personne correspondant à deux heures par jour d'aide non spécialisée, entre la consolidation et le décès de D... A..., soit entre le 30 juin 2013 et le 1er octobre 2019, doit être évalué en tenant compte du niveau de rémunération constaté entre 2013 et 2019 augmenté charges sociales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche et d'une année de 412 jours, soit après l'application du taux de perte de chance de 15% à la somme de 10 483,73 euros. S'agissant des souffrances endurées : 7. L'expert a évalué à 5 sur une échelle de 7 les souffrances endurées par D... A... directement imputables à l'accident vasculaire cérébral intervenu au décours de l'intervention. Il sera fait une équitable appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant, comme l'ont fait les premiers juges, à la somme de 15 000 euros. Eu égard au taux de perte de chance d'éviter cet accident retenu, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Lô une somme de 2 250 euros à ce titre. S'agissant du préjudice esthétique : 8. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que l'accident vasculaire cérébral survenu au décours de la chirurgie du 30 juin 2010 a été à l'origine d'un préjudice esthétique tant temporaire que permanent évalué par l'expert judiciaire à 4,5 sur une échelle de 7. Mme C... insiste en particulier sur la boiterie, l'obligation de se présenter en fauteuil roulant ou alité ainsi que l'altération de son expression consécutive aux séquelles neurologiques de D... A.... Il sera fait une équitable appréciation du préjudice esthétique ainsi subi par l'intéressé entre le 30 juin 2010 et son décès en décembre 2019 en l'évaluant à la somme de 10 000 euros. Eu égard au taux de perte de chance retenu, le centre hospitalier de Saint-Lô sera condamné à verser à Mme C... une somme de 1 500 euros à ce titre. S'agissant du préjudice d'agrément : 9. L'expert judiciaire renvoie dans son rapport aux doléances de D... A... pour l'évaluation son préjudice d'agrément. L'intéressé a fait valoir devant l'expert être privé de ses activités de jardinage, la surface de son jardin étant de 400 m² et ne plus être en mesure d'exercer les activités de vannerie, de pêche à pied et d'encadrement qu'il pratiquait. Si la requérante ne produit pas de justificatifs des activités de son défunt époux, il résulte de l'instruction que les accidents cardio-vasculaires qui ont conduit à son admission au centre hospitalier le 18 juin 2023 sont survenus alors qu'il se livrait à une activité de jardinage. Il y a lieu d'indemniser ce poste de préjudice à hauteur de 750 euros après application du taux de perte de chance. 10. Il résulte de ce qui précède que l'ensemble des préjudices subis par D... A... doit être évalué à la somme globale de 29 383,33 euros. Sur les préjudices propres de Mme C... : 11. Mme C... a subi un préjudice moral important à raison de la détresse de son époux liée aux séquelles neurologiques temporaires et permanentes de son accident vasculaire cérébral dont le centre hospitalier de Saint-Lô est responsable à hauteur de 15%. Elle a en outre subi des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'aide et de l'assistance de son mari dans certains actes de la vie courante. Il sera fait une équitable appréciation de ce préjudice moral et d'accompagnement en l'évaluant à la somme de 10 000 euros. Eu égard au taux de perte de chance, il y a lieu de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 1 500 euros à ce titre. Sur les conclusions de la CPAM de la Manche : 12. La CPAM de la Manche justifie avoir exposé en faveur de son assuré D... A... des débours d'un montant de 77 886,94 euros correspondant à des frais d'hospitalisation au centre hospitalier de Saint-Lô puis au centre de rééducation fonctionnelle Le Normandy du 30 juin 2010 au 4 décembre 2010, des frais médicaux du 22 octobre 2010 au 12 décembre 2012 et des frais pharmaceutiques, de consultation, de kinésithérapie et d'orthoptiste exposés entre la date de consolidation de l'assuré et son décès. Il résulte de l'instruction, notamment de l'attestation du médecin conseil de la CPAM, que ces débours présentent un lien de causalité direct et certain avec l'accident vasculaire cérébral de D... A... dont le centre hospitalier de Saint-Lô est responsable à hauteur de 15%. Dans ces conditions, la CPAM est seulement fondée à demander la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 11 683 euros, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2022, date à compter de laquelle elle les réclame. 13. Si le jugement attaqué du 25 novembre 2022 du tribunal administratif de Caen, a fixé la somme due à la CPAM du Calvados au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, à la somme de 1 114 euros correspondant au plafond fixé par l'arrêté du 14 décembre 2021 alors en vigueur et si le plafond a été réévalué pour l'année 2023 par un arrêté du 15 décembre 2022, la caisse ne peut prétendre à une augmentation du montant de cette indemnité forfaitaire de gestion dès lors que le présent arrêt n'a pas pour conséquence une majoration des sommes qui lui sont dues au titre des frais qu'elle a engagés en lien avec la faute du centre hospitalier. 14. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité globale que le centre hospitalier de Saint-Lô a été condamné à verser à Mme C... doit être portée de 26 320 euros à 30 883,33 euros. Il y a lieu, en conséquence, de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Caen. Sur les frais liés à l'instance : 15. En application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de laisser les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 200 euros, à la charge définitive du centre hospitalier de Saint-Lô. 16. Dans les circonstances de l'espèce et en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Lô, d'une part, la somme de 1 500 euros demandée par Mme C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et d'autre part, une somme de 1 000 euros à la CPAM de la Manche au même titre. D E C I D E : Article 1er : La somme de 26 320 euros que le centre hospitalier de Saint-Lô a été condamné à verser à Mme C... par l'article 1er du jugement du 25 novembre 2022 du tribunal administratif de Caen est portée à la somme de 30 883,33 euros. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 25 novembre 2022 est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er. Article 3 : Le centre hospitalier de Saint-Lô versera à Mme C... une somme de 1 500 euros et à la CPAM du Calvados une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au centre hospitalier de Saint-Lô et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Brisson, présidente, M. Vergne, président assesseur, Mme Lellouch, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, J. LELLOUCH La présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT00222 |
CETATEXT000048424304 | J4_L_2023_11_00023NT00304 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424304.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 23NT00304, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT00304 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | SELAS BOUZID AVOCAT | M. Georges-Vincent VERGNE | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur son recours formé contre la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le préfet de la région Bretagne a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles sur les parcelles cadastrées n° YT 66, YS 97AJ, YS 97AK, YT 65, YT 75 à Plélan-le-Grand (Morbihan), ainsi que cette décision du 11 décembre 2020. Par un jugement n° 2100287 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 février et le 22 septembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Bouzid, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 14 novembre 2022 ; 2°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur son recours formé contre la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le préfet de la région Bretagne a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles sur les parcelles cadastrées n° YT 66, YS 97AJ, YS 97AK, YT 65, YT 75 à Plélan-le-Grand, ainsi que cette décision du 11 décembre 2020 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la région Bretagne de réexaminer sa demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles sur les parcelles cadastrées n° YT 66, YS 97AJ, YS 97AK, YT 65, YT 75 à Plélan-le-Grand, dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il exerce depuis le 1er juillet 2019 en qualité d'agriculteur céréalier biologique ; - il est jeune agriculteur, ses terres sont situées plus près des parcelles en litige, et son chiffre d'affaires est inférieur à celui de ses concurrents ; - la décision ayant rejeté sa demande est entachée d'erreur de droit ; sa demande répondait en effet parfaitement à la priorité définie par l'article L. 331-1 du code rural, consistant en la promotion et le développement des systèmes de production agro-écologique et portant sur des terres auparavant exploitées de façon conventionnelle, devait être prioritaire par rapport à celle de l'EARL Hervault qui a été retenue ; - elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que sa demande, relevant de la priorité 4.2.6 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA de Bretagne), aurait dû être considérée comme prioritaire. Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2023, l'EARL Hervault, représentée par Me Chevalier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la requête d'appel est irrecevable, faute de comporter une critique du jugement contesté ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 10 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code rural et de pêche maritime ; - l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 4 mai 2018 arrêtant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Vergne, - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public, - et les observations de Me Chevalier, représentant l'EARL Hervault. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., qui exploite depuis le 1er juillet 2019 environ 30 hectares de terres pour des cultures céréalières en mode d'agriculture biologique (orge, maïs et colza), a présenté le 28 octobre 2020 au préfet de la région Bretagne une demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles devenues vacantes, auparavant exploitées pour l'élevage de vaches laitières, puis de vaches allaitantes, d'une surface de 5,4835 ha, situées à Plélan-le-Grand (Morbihan), cadastrées n° YT 66, YS 97AJ, YS 97AK, YT 65, YT 75. Sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 décembre 2020 lui refusant cette autorisation ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Rennes n° 2100287 du 14 novembre 2022, dont il relève appel. Sur les conclusions à la fin d'annulation : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " (...) L'objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. / Ce contrôle a aussi pour objectifs de : 1o Consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre ou de conserver une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles ; 2o Promouvoir le développement des systèmes de production permettant de combiner performance économique et performance environnementale, dont ceux relevant du mode de production biologique au sens de l'article L. 641-13, ainsi que leur pérennisation ; 3o Maintenir une agriculture diversifiée, riche en emplois et génératrice de valeur ajoutée, notamment en limitant les agrandissements et les concentrations d'exploitations au bénéfice, direct ou indirect, d'une même personne physique ou morale excessifs au regard des critères précisés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. ". Aux termes de l'article L. 331-3 du même code : " L'autorité administrative assure la publicité des demandes d'autorisation dont elle est saisie, selon des modalités définies par décret. / Elle vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée ". Enfin, aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Bretagne : " I - Les règles et dispositions particulières / a) Règles s'appliquant à toutes les priorités : en cas de demandes concurrentes relevant du même rang de priorité, les candidatures sont classées au regard des critères et règles fixées à l'article 5. Si ce classement ne permet pas de les départager, des autorisations sont délivrées pour chacune d'elles. / Au sein d'une même priorité, on départagera les demandes en fonction des sous-priorités / Tout demandeur exploitant ses terres en mode de production biologique ou en conversion et demandant des terres en agriculture biologique (parcelles déjà converties ou en cours de conversion) pour les maintenir en agriculture biologique est prioritaire par rapport aux autres demandeurs relevant du même rang de priorité. / Les candidats ayant un projet d'installation en agriculture biologique bénéficient également de cette sous-priorité. Hormis pour les candidats à l'installation, le statut d'exploitant en agriculture biologique sera justifié par l'attestation en agriculture biologique ou dernière attestation de contrôle de l'organisme certificateur.". 4. En premier lieu, si le requérant fait valoir que l'opération d'agrandissement de son exploitation ayant justifié sa demande d'autorisation répond parfaitement aux objectifs assignés au contrôle des structures des exploitations agricoles par l'article L. 331-1 du code rural, et notamment à celui de la promotion et du développement des systèmes de production agro-écologique, l'article L. 331-1 dont il se prévaut renvoit, pour son application, aux critères du schéma directeur des exploitations agricoles défini régionalement, soit, au cas particulier, à l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 4 mai 2018 arrêtant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne. Au cas d'espèce, il n'est ni démontré ni même réellement soutenu par le requérant, qui n'excipe pas de l'illégalité de cet acte réglementaire, que l'arrêté du 4 mai 2018 qui lui a été appliqué et qui décline l'ensemble des objectifs figurant à l'article L. 331-1 précité du code rural et de la pêche maritime serait contraire, en tout ou partie, à ces dispositions législatives. Par suite, c'est à bon droit que le préfet a fait application à la demande de M. B... des priorités et critères fixés par cet arrêté. Le moyen du requérant tiré de l'erreur de droit ne peut, par suite, être accueilli. 5. En deuxième lieu, M. B..., qui se prévaut de la priorité 4.2.6 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne en faisant valoir sa qualité d'agriculteur biologique, doit être regardé comme invoquant la sous-priorité 4.2.5 réservant, au sein de la priorité 4.2, une priorité de 5ème rang au " demandeur s'engageant en agriculture biologique sur des terres conventionnelles ". Toutefois, la priorité 4.2 ne vise que l'" installation d'agriculteur à titre exclusif ou principal ou [l']agrandissement d'une société par l'installation d'agriculteur à titre exclusif ou principal ", ce qui ne correspondait pas à la situation du requérant, déjà installé comme agriculteur, selon ses propres écritures, depuis le 1er juillet 2019 et qui ne peut, dans ces conditions, se prévaloir des dispositions qu'il invoque. 6. En troisième lieu, les circonstances mises en avant par le requérant, tenant au caractère récent de son installation, à la proximité géographique de son exploitation avec les terres en question et au niveau de son chiffre d'affaires, ne relèvent d'aucune des sous-priorités de la " Priorité 9 : agrandissement et/ou réunion d'exploitations " du SDREA, qui a été mise en œuvre à bon droit pour l'examen de sa candidature, et ne pouvaient donc justifier que celle-ci soit retenue au lieu de celle de l'EARL Hervault, laquelle était mieux classée que la sienne dans l'ordre des sous-priorités applicables. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de la région Bretagne aurait commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions qu'il a mises en œuvre doit être écarté. 7. En quatrième lieu, M. B... ne peut invoquer utilement les annonces faites par les autorités gouvernementales d'objectifs de développement des surfaces agricoles exploitées en mode biologique, qui ne présentent pas le caractère de dispositions législatives ou réglementaires opposables. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête d'appel, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le préfet de la région Bretagne lui a refusé l'autorisation d'exploiter les terres agricoles en cause, et de la décision ayant rejeté son recours gracieux. Sur les frais liés au litige : 9. D'une part, en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. B... doivent dès lors être rejetées. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'EARL Hervault tendant à la mise à la charge de M. B..., en application des mêmes dispositions, d'une somme de 3 000 euros au titre des frais d'instance. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de l'EARL Hervault fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'EARL Hervault et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la région Bretagne. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président-assesseur, - Mme Lellouch, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, G.-V. VERGNE La présidente, C. BRISSON La greffière A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT00304 |
CETATEXT000048424305 | J4_L_2023_11_00023NT01073 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424305.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 08/11/2023, 23NT01073, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-08 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01073 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | NKOGHE | M. Georges-Vincent VERGNE | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet du Finistère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 2206465 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 12 avril 2023, M. E... D..., représenté par Me Nkoghe, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 16 mars 2023 ; 2°) d'annuler la décision d'obligation de quitter le territoire prise à son encontre le 20 décembre 2022, assortie d'une interdiction de retour de deux ans ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est irrégulier en raison de son insuffisance de motivation ; - l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie contribuer à l'entretien et l'éducation de son fils B... par sa présence habituelle au même domicile, par son exercice de l'autorité parentale, en l'emmenant régulièrement à la crèche et en s'occupant de lui quotidiennement, et en assumant diverses dépenses dans son intérêt. Par un mémoire enregistré le 13 juillet 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête de M. D.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. E... D..., ressortissant algérien né en 1991, a déclaré sans toutefois en justifier être entré en France le 22 décembre 2015. Il a présenté le 31 mars 2022, pour la première fois, une demande de titre de séjour, auprès des services de la préfecture du Finistère, en qualité de père d'enfant français. Cette demande a été rejetée par le préfet de ce département par un arrêté du 20 octobre 2022 que M. D... n'a pas contesté au contentieux. Par la suite, le même préfet a pris le 20 décembre 2022, à l'encontre de l'intéressé, alors incarcéré, un arrêté l'obligeant à quitter le territoire sans délai et lui interdisant le retour pour une durée de deux ans. M. D... relève appel du jugement du 16 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si M. D..., qui entend contester la régularité formelle du jugement de première instance, soutient que celui-ci n'est pas suffisamment motivé, cette affirmation n'est assortie d'aucune critique de la motivation retenue par le tribunal administratif de Rennes dans son jugement du 16 mars 2023, dont il ressort, au demeurant, qu'il répond expressément aux moyens contenus dans le mémoire produit par le requérant dans l'instance. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait entaché d'irrégularité. Sur les conclusions à fin d'annulation : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; ". 4. M. D... fait valoir qu'il est père d'un enfant français, B..., né le 10 décembre 2019, sur lequel il exerce l'autorité parentale, et qu'il contribue à son entretien et à son éducation. Toutefois, l'intéressé n'a reconnu son enfant que le 27 mars 2021. Il n'établit pas, par les justificatifs insuffisamment probants qu'il produit, y compris en appel, composés principalement de tickets de caisse et de factures correspondant à des achats épisodiques, ainsi que de deux chèques de banque établis au nom de B... A... à partir d'un compte dont le titulaire n'est pas identifiable, qu'il contribuerait matériellement à l'entretien de son fils. De même, eu égard à leur teneur, aux dates auxquelles elles ont été établies, et à l'absence de précision sur les faits relatés et les dates ou périodes auxquelles ces faits ont pu être observés, les attestations de tiers peu circonstanciées produites ne permettent pas d'établir que M. D... contribuerait effectivement et régulièrement, depuis au moins deux ans, à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Il en est de même des déclarations, certes plus précises, de Mme A... dans son attestation du 7 avril 2023, et de l'attestation préimprimée et complétée par la directrice de la crèche Graines de Soleil de Brest, attestant le 9 mars 2022, pour valoir ce que de droit, que M. D... " participe à l'éducation de son enfant " sans autre précision. En outre, le requérant a déclaré lors de son audition du 15 décembre 2022 au commissariat de police de Brest, à propos de ses liens avec Mme C... A..., mère de son enfant : " Nous sommes toujours en contact " et " On s'écrit et on s'envoie des lettres ", mentionnant ne plus être en couple avec Mme A..., devenue une amie, chez qui il se déclarait toutefois domicilié, et il indiquait être sans ressources. Par les éléments qu'il produit, M. D... ne justifie pas de l'existence d'une communauté de vie avec la mère de son enfant ou même d'une résidence dans le même logement à Brest depuis un temps significatif à la date de la décision litigieuse, et notamment avant son incarcération à la maison d'arrêt de Brest du 29 juillet au 21 décembre 2022. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. 5. En second lieu, aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". 6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus au point 4 et en l'absence de preuve suffisante d'une relation affective s'étant développée entre M. D... et son fils, reconnu plus d'un an après sa naissance et âgé de trois ans à la date de la décision litigieuse, il ne peut être considéré que le préfet du Finistère, qui s'est prononcé dans sa décision sur une éventuelle violation de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, aurait méconnu ces stipulations. Il suit de là que le moyen tiré de cette méconnaissance, à le supposer invoqué, doit être écarté. 7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet du Finistère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour pour une durée de deux ans. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par le requérant ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère. Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M Vergne, président-assesseur, - M Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2023. Le rapporteur, GV. VERGNE La présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01073 |
CETATEXT000048424306 | J4_L_2023_11_00023NT01344 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424306.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 23NT01344, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01344 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | VERVENNE | M. Georges-Vincent VERGNE | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2205771 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de M. A.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 mai 2023 et 5 octobre 2023 M. B... A..., représenté par Me Vervenne, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 24 mars 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; 3 ) d'enjoindre au préfet du Finistère à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous la même astreinte et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : En ce qui concerne le refus de titre de séjour : - l'allégation de fraude sur son âge et son état civil fondant la décision litigieuse est entachée d'erreur de fait et de droit ; - le fait que les premiers juges lui aient opposé l'absence de production du jugement supplétif du 12 juin 2017, estimant un tel document nécessaire à la solution du litige sans le mettre en mesure de produire ce document méconnaît le principe du contradictoire et les stipulations de l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la durée de conservation des données le concernant dans la base Visabio méconnaît l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les dispositions des articles 3 et 4 (5°) de la loi n°78-17 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; à la date de la décision contestée, ces données ne pouvaient plus être conservées ni utilisées ; - la décision méconnait les articles L. 811-2, R. 431-10 et R. 431-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'article 47 du code civil ; - elle méconnaît l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'article 21 de l'accord franco-ivoirien de coopération en matière de justice du 24 avril 1961 ; - elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; - elle n'est pas motivée ; En ce qui concerne la fixation du pays de destination : - cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le préfet n'a pas fait application. Par un mémoire enregistré le 12 octobre 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code civil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Vergne, - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public ; - et les observations de Me Guilbaud, représentant M. A.... Une note en délibéré, présentée pour M A..., a été enregistrée le 31 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant ivoirien, déclare être né le 7 janvier 2003 à Adjamé (Côte-d'Ivoire) et être entré en France le 23 juin 2018, à l'âge de quinze ans. Il a été pris en charge en tant que mineur étranger isolé. Le procureur de la République de Quimper, après avoir obtenu des éléments de nature à établir que l'intéressé avait engagé en Côte-d'Ivoire des démarches de demande de visa sous une identité le faisant apparaître comme étant majeur, a saisi le juge des enfants du tribunal judiciaire de Quimper le 21 novembre 2018 aux fins de mainlevée des mesures de protection prises antérieurement. Le placement de M. A... à l'aide sociale à l'enfance (ASE) a toutefois été ordonné par ce juge, par un jugement en assistance éducative du 8 février 2019. M. A... s'est inscrit en 2019 en première année de certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " Métiers du plâtre et de l'isolation " au centre de formation des apprentis du bâtiment de Quimper et a obtenu ce diplôme en juin 2021. Devenu majeur, il a sollicité, le 12 janvier 2021, auprès de la préfecture du Finistère, la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 2° bis et 7°, L. 313-15 et L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, recodifiés aux articles L. 423-22, L. 423-23, L. 435-3 et L. 422-1 de ce code. Par un arrêté du 24 octobre 2022, le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 24 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces décisions. Sur la légalité de l'arrêté du 24 octobre 2022 : 2. D'une part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° les documents justifiant de son état civil ; 2° les documents justifiant de sa nationalité ; (...) ". L'article L. 811-2 du même code prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. 3. D'autre part, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux. 4. Le préfet du Finistère a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... au motif principal que la consultation du fichier Visabio prévu à l'article L. 611-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui avait permis de constater, en se fondant sur la correspondance des empreintes digitales, que l'intéressé avait précédemment sollicité un visa sous l'identité de M. B... A..., né le 10 décembre 1984 à Williamsville (Côte-d'Ivoire), de sorte qu'il existait un doute sérieux sur l'identité du requérant et que la minorité de celui-ci à son entrée en France et à la date de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance n'était pas établie. 5. M. A... produit la copie d'un extrait d'acte de naissance délivré par les autorités ivoiriennes le 26 avril 2018, faisant référence à un jugement supplétif n° 4672 du 12 juin 2017 du tribunal d'Abidjan-Plateau, la copie d'un certificat de nationalité daté du 16 avril 2019, ainsi qu'un passeport biométrique qui lui a été délivré le 12 décembre 2019. Ces documents comportent tous la mention d'une date de naissance de l'intéressé le 7 janvier 2003 à Adjamé (Côte-d'Ivoire), et, s'agissant de l'extrait d'acte de naissance, dont il ressort des pièces du dossier qu'il a été examiné en septembre 2018 à la demande du Parquet de Quimper par le service de la direction zonale de la police aux frontières, il n'est pas fait état d'anomalies qui auraient attiré l'attention de ce service et déterminé celui-ci à émettre un avis négatif sur son authenticité. Le préfet fait valoir, il est vrai, que la consultation du fichier Visabio lui a permis de constater, en se fondant sur la correspondance des empreintes digitales, que M. A... a sollicité et obtenu un visa de court de séjour le 28 mars 2018, valable du 4 au 30 avril 2018, auprès des autorités françaises en Côte d'Ivoire, en se déclarant né le 10 décembre 1984, donc âgé de 33 ans. Mais l'apparence physique du demandeur et bénéficiaire du visa, telle que révélée par sa photo sur la fiche d'identification Visabio produite par l'administration, est très différente, sans confusion possible, de celle du requérant sur toutes les photographies figurant sur les documents qu'il produit, notamment ses récépissés de demande de titre de séjour, et correspond à celle d'un homme manifestement plus âgé, plausiblement né en 1984, et non à un jeune homme qui serait né en 2003, 19 ans plus tard. La portée de cette demande de visa pour établir l'âge et l'identité réels du requérant s'en trouve donc très affaiblie et il n'est pas établi que le requérant serait entré en France sous couvert de ce visa comme le soutient l'administration, et non par un parcours migratoire passant par le Mali, l'Algérie, la Libye et la traversée de la Méditerranée en passant par l'Italie comme il l'a soutenu dans son récit d'exil. De même, la minorité du requérant n'a pas été considérée comme exclue ou non vraisemblable, ni par le service d'accueil des mineurs isolés qui l'a recueilli et accompagné, ni par le juge des enfants qui l'a rencontré à l'audience du 7 février 2019. Au contraire, l'état de minorité du requérant a été constaté dans un jugement du 8 février 2019, qui rappelle la position en ce sens du service départemental de l'aide sociale à l'enfance, mentionnant néanmoins que, si les radiographies osseuses réalisées pouvaient faire conclure à la minorité de l'intéressé, l'examen dentaire concluait à sa majorité, mais que le doute devait lui profiter. Enfin, si l'authenticité ou la valeur probante de l'extrait d'acte de naissance produit par M. A... pour justifier de son âge et de son identité, en date du 26 avril 2018, est contestée, ce document mentionne qu'il a été établi au vu d'un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n° 4672 rendu le 12 juin 2017 par le tribunal d'Abidjan-Plateau, qui est produit en appel, et la production tardive de ce document ne permet pas d'en écarter la validité. Cette décision juridictionnelle est accompagnée d'un extrait du registre de transcription du 24 avril 2018 de la commune d'Adjamé. L'administration n'établit pas le caractère frauduleux de ces documents, dont les mentions correspondent à celles de l'ensemble des autres documents produits par le requérant. Dès lors, l'état civil de celui-ci doit être regardé comme établi. Par suite, le refus de titre en litige est entaché d'une erreur de fait s'agissant du caractère établi de l'identité et de l'âge du requérant. 5. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en ne se fondant que sur les autres motifs de refus d'admission au séjour opposés à M. A.... 6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour du 24 octobre 2022 ainsi que, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination. Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte : 7. Le présent arrêt implique seulement, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet du Finistère réexamine la demande d'admission au séjour de M. A... et le munisse dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour et de travail. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 8. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me Vervenne, avocat de M. A..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2205771 du 24 mars 2023 du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du 25 février 2022 pris à l'encontre de M. A... sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de réexaminer la demande d'admission au séjour de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans l'attente de ce réexamen, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et de travail. Article 3 : L'État versera à Me Vervenne une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Finistère. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président-assesseur, - Mme Lellouch, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, G.-V. VERGNE La présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01344 |
CETATEXT000048424308 | J4_L_2023_11_00023NT01455 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424308.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 23NT01455, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01455 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | PAPINOT | M. Xavier CATROUX | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 avril 2023 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera susceptible d'être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et, d'autre part, l'arrêté du 17 avril 2023 prononçant son assignation à résidence dans le département du Calvados pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n° 2300992 du 26 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 mai et 4 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Papinot, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 26 avril 2023 ; 2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Calvados des 16 et 17 avril 2023 ; 3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, et de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : Sur la décision portant obligation de quitter le territoire : - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'a pas été préalablement recueilli ; - elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 425-9 du même code ; - elle méconnaît l'article 8 du la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire Français d'une durée de trois ans : - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; Sur la décision portant assignation à résidence : - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - elle méconnaît l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle n'est ni nécessaire ni proportionnée ; - elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par des mémoires en défense enregistrés les 3 et 5 juillet 2023, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun de moyens soulevés par M. B... n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., ressortissant géorgien né le 23 septembre 1971, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 27 juin 2014. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 19 novembre 2014, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 23 juillet 2015. Par un arrêté du 30 mai 2018, le préfet du Calvados a rejeté la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé et l'a obligé à quitter le territoire français. Puis, le 6 décembre 2019, un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français a été pris à son encontre. Le 14 février 2022, le préfet du Calvados a rejeté une nouvelle demande de titre de séjour pour raisons médicales présentée par le requérant et l'a obligé à quitter le territoire français. Enfin, à la suite de l'interpellation pour vol de l'intéressé, par un arrêté du 16 avril 2023, le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera susceptible d'être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et, par un arrêté du 17 avril 2023, le préfet l'a assigné à résidence dans le département du Calvados pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 26 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux derniers arrêtés. Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". 3. Il ressort de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 10 septembre 2021, que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et peut y voyager sans risque. M. B... soutient que l'administration devait ressaisir ce collège avant de prendre la mesure d'éloignement en litige, dès lors notamment que ses pathologies sont évolutives et que l'avis du 10 septembre 2021 concernant son état de santé était trop ancien. Toutefois, les éléments médicaux qu'il produit établissent seulement qu'il continuait en 2023 à faire l'objet d'un suivi et de soins médicaux, notamment de traitements médicamenteux, pour plusieurs maladies chroniques, déjà diagnostiquées et traitées en 2021, dont notamment une maladie hépatique. Ils ne permettent pas, en revanche, de démontrer une aggravation de ses pathologies ou une évolution défavorable de son état de santé, qui serait de nature à remettre en cause la pertinence de l'avis médical du 10 septembre 2021 relatif à la possibilité de soins appropriés en Géorgie pour les mêmes pathologies. De plus, il ne ressort pas des extraits de rapport de l'OSAR de juin 2020 que fait valoir le requérant que les traitements appropriés à son état de santé ne seraient pas possibles en Géorgie. Ces extraits relatent, au contraire, en particulier, que les personnes souffrant de maladie du foie peuvent obtenir des soins appropriés, même si l'assurance maladie universelle ne prend pas en charge tous les actes médicaux. Les moyens tirés du vice de procédure tenant à l'absence d'une nouvelle consultation du collège médical de l'OFII, de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent, et, en tout état de cause, de celles de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent, dès lors, être écartés. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " 5. M. B... séjournait en France depuis près de neuf ans à la date de la décision contestée. Il est célibataire. S'il fait valoir être père de deux enfants mineurs résidant en France, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il entretiendrait des liens avec ceux-ci. La durée du séjour de l'intéressé en France s'explique pour l'essentiel par le maintien de l'intéressé en situation irrégulière en dépit de trois précédents refus d'admission au séjour et obligations de quitter le territoire français pris à son encontre. De plus, le requérant ne conteste pas avoir été condamné à sept reprises entre 2015 et 2019 à des peines d'emprisonnement pour vol avec violence, tentative de vol avec port d'arme, usurpation d'identité, transport de cannabis, violence sur agent de la force publique, vol et escroquerie, faux et usage de faux, violence et vol commis en réunion. Enfin, la décision attaquée a été prise dans le cadre d'une garde à vue de M. B... pour des faits de vol. Il ressort de la décision contestée que l'intéressé a fait l'objet d'un signalement le 16 août 2022 pour des faits de non-respect d'une obligation ou interdiction imposée par un juge aux affaires familiales dans une ordonnance de protection d'une victime de violences familiales ou de menace de mariage forcé et qu'au moment de cette décision il venait de faire l'objet d'une interpellation pour vol. Compte tenu de ces faits, dont certains étaient très récents, de leur caractère répété et de leur gravité, le comportement de M. B... constituait une menace pour l'ordre public. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel elle été prise. Elle ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, elle ne méconnaît pas davantage l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation. 6. En dernier lieu, le requérant reprend en appel les moyens invoqués en première instance tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français à son encontre est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge. Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans : 7. En premier lieu, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fondent et est, dès lors, suffisamment motivée. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté, et notamment de sa motivation, que cette décision a été prise après un examen particulier de la situation de l'intéressé. 8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ". 9. Eu égard à ce qui a été dit au point 5 et à la circonstance que M. B... avait déjà fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement, les moyens tirés de ce que l'interdiction de retour prise à sonencontre méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entachée d'une erreur d'appréciation doivent être écartés. Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence : 10. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour assigner M. B... à résidence. L'erreur de droit, ainsi soulevée, ne peut, dès lors, qu'être écartée. 11. En dernier lieu, le requérant reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux, les moyens invoqués en première instance tiré de ce que la décision l'assignant à résidence est insuffisamment motivée, entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, méconnaît l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge. 12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président assesseur, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, X. CATROUXLa présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT01455 |
CETATEXT000048424309 | J4_L_2023_11_00023NT01620 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424309.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 23NT01620, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01620 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | LELOUEY | Mme Pénélope PICQUET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 21 février 2023 par lequel le préfet de la Manche lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour en France pour une durée d'un an. Par un jugement n° 2300843 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 21 février 2023 par lequel le préfet de la Manche a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour pour une durée d'un an. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 2 juin 2023, le préfet de la Manche demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 9 mai 2023 ; 2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Caen. Il soutient que l'annulation par la cour du jugement concernant l'époux de Mme B... entraînera l'annulation du jugement attaqué. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Lelouey, conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au profit de son avocate, Me Lelouey, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que le moyen soulevé par le préfet de la Manche n'est pas fondé. Mme B... a obtenu le maintien de plein droit du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., de nationalité géorgienne, entrée en France le 7 aout 2022 avec son époux, M. D... C..., et son fils mineur, a vu sa demande d'asile rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 novembre 2022. Par un arrêté du 21 février 2023 dont l'intéressée a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation, le préfet de la Manche lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pour une durée d'un an. Par un jugement du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté du 21 février 2023. Le préfet de la Manche fait appel de ce jugement. Sur le moyen accueilli par le tribunal administratif de Caen dans le jugement attaqué : 2. Par un arrêt de ce jour, la cour a annulé le jugement du 9 mai 2023 du tribunal administratif de Caen annulant l'arrêté du 21 février 2023 par lequel le préfet de la Manche a fait obligation à M. C... de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour pour une durée d'un an. Ainsi, c'est à tort que le premier juge a accueilli le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de son épouse, Mme B..., devait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure prise à l'encontre de son mari, ainsi que la décision fixant le pays de destination et l'interdiction de retour en France. 3. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif et devant la cour. Sur les autres moyens soulevés par Mme B... : En ce qui concerne le moyen commun aux conclusions dirigées contre l'arrêté contesté : 4. Par un arrêté du 22 novembre 2021 régulièrement publié, M. Laurent Simplicien, secrétaire général de la préfecture de la Manche, a reçu délégation du préfet de la Manche à l'effet de signer tous les arrêtés et décisions en toutes matières ressortissant au service de l'immigration. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit, dès lors, être écarté comme manquant en fait. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 5. Mme B... est entrée en France le 7 août 2022, soit seulement six mois avant l'arrêté contesté. Son époux, de nationalité géorgienne, a fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dont la légalité est confirmée par un arrêt de la cour de ce jour. S'ils ont un enfant né en 2017, scolarisé en école maternelle, il n'est ni établi ni même allégué qu'il ne pourrait pas poursuivre sa scolarité dans son pays d'origine. Les menaces dont sa famille et elle feraient l'objet en Géorgie en raison des opinions politiques de son mari ne sont étayées par aucune pièce du dossier, alors d'ailleurs que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Si son époux souffre de problèmes rénaux et suit un traitement médicamenteux avec des examens prévus, à supposer même que l'absence de traitement puisse entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité il ne ressort pas des pièces du dossier que des médicaments antidouleurs ou des anxiolytiques ne seraient pas disponibles en Géorgie, de même que la possibilité d'y effectuer des examens ou d'y subir des interventions chirurgicales. Le seul rapport général de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés ne suffit pas à établir que le coût du traitement de son époux en Géorgie serait tel qu'il ne pourrait pas y avoir effectivement accès. Ainsi, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Géorgie. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision contestée a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressée doivent être écartés. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 6. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". 7. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 8, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. En ce qui concerne l'interdiction de retour : 8. En premier lieu, en vertu de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français sont motivées. La décision contestée indique que la durée de présence de l'intéressée sur le territoire français est d'environ six mois, que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas anciens, stables et intenses compte tenu du fait qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans dans son pays d'origine, que son époux fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, que leur enfant né en 2017, de nationalité géorgienne, peut les accompagner, qu'elle n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, qu'elle ne constitue pas par son comportement une menace pour l'ordre public et que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il y a lieu d'édicter à l'encontre de l'intéressée une interdiction de retour pendant un an, laquelle ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée est insuffisamment motivée doit être écarté. 9. En second lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. 10. Compte tenu de la brièveté du séjour en France de l'intéressée et de son absence de liens d'une particulière intensité sur ce territoire, son époux et leur enfant pouvant l'accompagner dans leur pays d'origine, le préfet n'a pas méconnu l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre, alors même que les intéressés ne représentent pas une menace pour l'ordre public, que l'époux de l'intéressée souhaiterait déposer une demande de titre de séjour fondée sur son état de santé et que les recours contre les rejets de sa demande d'asile et de celle de son mari étaient pendants devant la Cour nationale du droit d'asile. En particulier, l'intéressée ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des dispositions combinées des articles L. 542-2 et L. 531-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Manche est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé son arrêté du 21 février 2023. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2300843 du 9 mai 2023 du tribunal administratif de Caen est annulé. Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Caen et devant la cour sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... B.... Copie en sera adressée pour information au préfet de la Manche. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président-assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure P. Picquet Le président L. Lainé Le greffier C. Wolf La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01620 |
CETATEXT000048424310 | J4_L_2023_11_00023NT01677 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424310.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 23NT01677, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01677 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | HOURMANT | Mme Laure CHOLLET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement n° 2300679 du 16 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 16 février 2023 fixant le pays de destination, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juin 2023 et le 18 octobre 2023, le préfet du Calvados demande à la cour d'annuler les articles 2 et 3 du jugement du 16 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen. Il soutient que : - il n'a pas entaché la décision fixant le pays de destination d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. C... ; la demande d'asile de ce dernier a été rejetée le 21 janvier 2022 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 octobre 2022 ; la demande de réexamen a également été rejetée pour irrecevabilité le 22 décembre 2022 par l'OFPRA ; la situation de M. C... a été prise en compte et ce dernier n'a pas démontré qu'il encourt un risque de traitements inhumains ou dégradants contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Afghanistan ; la province de Sari-Pol n'est pas considérée comme étant dans une situation de violence aveugle à l'égard des civils ; - les autres moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Par deux mémoires, enregistrés le 16 octobre 2023 et le 20 octobre 2023 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), M. C..., représenté par Me Hourmand, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête du préfet du Calvados ; 2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 en tant que le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français et l'a interdit de retour sur le territoire ; 2°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une incompétence de son auteur et méconnaît les dispositions de l'article L. 542-1 et du b du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision fixant le pays de destination est entachée d'une incompétence de son auteur, d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'interdiction de retour sur le territoire français est fondée sur des décisions illégales portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. M. C... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du 12 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Chollet a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., ressortissant afghan né le 20 février 1995 à Sar-é-Pol, est entré en France le 10 juin 2021 selon ses déclarations. Le préfet du Calvados relève appel du jugement du 16 mai 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 16 février 2023 fixant le pays à destination duquel l'intéressé est susceptible d'être éloigné. M. C... demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation des décisions du 16 février 2023 portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur ce territoire. Sur l'appel principal du préfet du Calvados : 2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Calvados, qui mentionne que la demande d'asile de M. C... a été rejetée le 31 janvier 2022 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 octobre 2022, que sa demande de réexamen a été considérée comme irrecevable par l'OFPRA le 28 décembre 2022, et procède à l'examen de sa situation au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé avant de fixer le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. 3. Dès lors, le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a annulé la décision fixant le pays de destination sur le motif tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de M. C.... Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Caen et la cour. 4. En premier lieu, par un arrêté du 19 janvier 2023, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 14-2023-012 du même jour et consultable sur le site internet de la préfecture, le préfet du Calvados a donné délégation à M. B... A..., chef du bureau de l'asile et de l'éloignement, à l'effet de signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte en litige doit, par suite, être écarté. 5. En second lieu, le requérant soutient qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Afghanistan du fait de la perception négative par les talibans et la société afghane des ressortissants ayant quitté le pays pour s'installer en Europe, de son isolement familial en cas de retour et de la situation de violence aveugle des provinces d'Afghanistan qu'il devra traverser pour retourner dans sa province de Sar-é-Pol, à commencer par celle de Kaboul dont l'aéroport constitue le point d'accès en Afghanistan. Toutefois, il ne produit aucun élément au dossier permettant de justifier de la réalité de risques personnels en cas de retour en Afghanistan. Au surplus, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile ainsi qu'il a été dit au point 2. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. 6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2 et 3 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 16 février 2023 fixant le pays à destination duquel M. C... est susceptible d'être éloigné et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige. Sur l'appel incident de M. C... : 7. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 16 février 2023 doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4. 8. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 542-1 et du b du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le requérant reprend en appel sans apporter de nouveaux éléments, doit être écarté par adoption des motifs retenus aux points 4 à 6 du jugement attaqué. 9. En dernier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui interdisant le retour sur ce territoire doit être annulée par voie de conséquence. 10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus de ses conclusions. Ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées. DECIDE : Article 1er : Le jugement du 16 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Caen ainsi que ses conclusions d'appel incident et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., à Me Hourmand et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Chollet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, L. CHOLLET Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01677 |
CETATEXT000048424311 | J4_L_2023_11_00023NT01843 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424311.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 23NT01843, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01843 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | LELOUEY | M. Xavier CATROUX | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un jugement n° 2201620 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 21 juin 2023, M. B... C... A..., représenté par Me Lelouey, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 12 mai 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 29 juillet 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'arrêté en litige méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est en outre entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus sur sa situation personnelle et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; - il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - il méconnaît l'article L. 423-7, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2023, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Catroux, - et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... C... A..., ressortissant guinéen né le 18 juin 1981, est entré en France le 22 octobre 2007 muni d'un visa de type D. Il a été admis au séjour du 2 janvier 2008 au 30 septembre 2013 en qualité d'étudiant, puis jusqu'au 6 août 2017 pour raisons médicales. Il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour pour raisons médicales le 5 décembre 2017. Par un arrêté du 15 mai 2019, le préfet du Calvados a rejeté cette demande. L'intéressé a alors sollicité le 21 avril 2021 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Du silence gardé sur cette demande est né, le 25 décembre 2021, une décision implicite, à laquelle s'est substitué le refus exprès de lui délivrer un titre de séjour, pris par le préfet du Calvados, par un arrêté du 29 juillet 2022. M. A... relève appel du jugement du 12 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé. 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". 3. M. A... est le père de quatre enfants qui ont la nationalité française et qui sont nés de son union avec une ressortissante guinéenne naturalisée avant l'édiction de la décision contestée. Pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour en sa qualité de parent d'enfants français, le préfet s'est fondé sur la circonstance que les éléments produits par l'intéressé, et notamment des factures de cantine au nom de la mère et de tickets de caisse, étaient insuffisants pour établir qu'il contribuait effectivement à l'éducation et à l'entretien de ses quatre enfants français. Il ressort des pièces du dossier que le requérant doit, en vertu d'une décision du juge aux affaires familiales de juin 2016 verser une somme de 60 euros par mois pour ses deux enfants les plus âgés et dispose à leur égard d'un droit de visite et d'hébergement. L'intéressé, qui est séparé de la mère des enfants, allègue participer à hauteur de ses capacités, quand il le peut, à l'entretien et à l'éducation des enfants. Il ne justifie pas verser la pension alimentaire ordonnée par le juge aux affaires familiales. Les éléments qu'il produit pour établir sa contribution à l'entretien de ses enfant, relatifs pour la plupart à des achats de nourriture, de chaussures ou de vêtements, sont peu nombreux et concernent la période 2018-2019 ou sont postérieurs à la décision contestée. Compte tenu de leur caractère irrégulier, épars et des modestes montants en cause, ils ne suffisent pas à établir qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, depuis la naissance des enfants ou depuis au moins deux ans. De même, les éléments versés au dossier sur la participation à l'éducation des enfants, et notamment quelques photographies en présence de certains des enfants et un certificat de 2019 d'un directeur d'école, rédigé en termes très généraux, et les attestations de son ancienne compagne, ne suffisent pas à démontrer la réalité de l'investissement personnel de l'intéressé dans l'éducation de ses enfants. Enfin, si l'intéressé soutient avoir repris entre 2020 et 2022 la vie commune avec la mère des enfants, les documents qu'il produit à l'appui de ses allégations ne permettent pas de l'établir. Par suite, le préfet a fait une exacte application des dispositions précitées en refusant de délivrer au requérant un titre de séjour sur leur fondement. Pour les mêmes raisons, et alors que ce refus d'admission au séjour n'a pas pour effet par lui-même de séparer l'intéressé de ses enfants et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ceux-ci, de nationalité française, ne pourraient pas, le cas échéant, lui rendre visite régulièrement en Guinée, en cas d'un retour dans ce pays, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant. 4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". 5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... résidait en France depuis près de quinze ans à la date de la décision en litige. Toutefois, il avait été admis au séjour tout d'abord en qualité d'étudiant, ce qui ne lui donnait pas vocation à s'installer en France puis pour des raisons de santé qui ont cessé d'être en 2019. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il vit séparé de la mère de ses quatre enfants et n'établit pas être particulièrement investi dans leur éducation ou contribuer à leur entretien dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil. Contrairement à ce qu'il allègue, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant, sans logement ni ressources tirées d'une activité, serait particulièrement intégré, notamment professionnellement ou, en dépit de sa participation à des activités sportives, socialement, en France, où il n'a que peu travaillé, malgré la durée de son séjour et les diplômes et qualifications obtenus. Enfin, il a été condamné en 2014 à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits, qui n'étaient pas très anciens, mais étaient d'une particulière gravité, puisqu'il s'agissait de violence sur une personne chargée de mission de service public. Dans ces conditions, en l'absence d'atteinte disproportionnée porté par un refus d'admission au séjour au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A..., le préfet n'a méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les éléments que fait valoir l'intéressé ne constituant pas des motifs exceptionnels ou des circonstances humanitaires justifiant l'admission au séjour, le préfet n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du même code. 6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que la demande présentée au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président assesseur, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, X. CATROUXLa présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01843 |
CETATEXT000048424312 | J4_L_2023_11_00023NT01853 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424312.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 23NT01853, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01853 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | DELILAJ | M. Xavier CATROUX | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... A... et M. D... A... ont demandé, par deux recours distincts, au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 15 mars 2023 par lesquels le préfet du Morbihan les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ou, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de ces arrêtés dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Par un jugement nos 2301759, 2301760 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 22 juin 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Delilaj, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 mai 2023 ; 2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Morbihan du 15 mars 2023 ou, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de ces arrêtés dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 Ils soutiennent que : - le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors qu'ils n'ont été mis à même de s'exprimer dans leur langue, par le concours d'un interprète, en application de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à aucune des deux audiences qu'a tenues le magistrat désigné, puisque l'interprète était absent lors de la première et que la parole ne leur a pas été donné par ce magistrat à la seconde ; - les arrêtés sont insuffisamment motivés ; - ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - l'exécution des arrêtés doit être suspendue dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile en raison des craintes encourues en cas de retour dans son pays d'origine. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2023, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête. Le préfet fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés. Mme A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme A..., de nationalité albanaise, sont entrés régulièrement en France en septembre 2022 selon leurs déclarations et ont demandé l'asile. Par une décision du 31 janvier 2023, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leur demande. Le préfet du Morbihan a, , par des arrêtés du 15 mars 2023, pris à l'encontre de chacun d'eux, sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des obligations de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de M. et Mme A.... M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 22 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés et à la suspension de l'exécution de ces arrêtés dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. / (...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. / L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. / L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. (...)". 3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... avaient demandé au tribunal dans leurs requêtes introductives d'instance de désigner un interprète en langue albanaise. La circonstance que l'interprète en cette langue qui devait apporter son concours à l'audience du 10 mai 2023, Mme C... B..., et qui avait prêté serment à cet effet, le 5 mai 2023, n'était pas présente est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que l'affaire a été renvoyée pour cette raison à l'audience du 19 mai 2023. Il ressort, de plus, des pièces du dossier que lors de cette dernière audience, après laquelle le jugement attaqué a été rendu, cette interprète a pu apporter son concours aux requérants. Si les requérants font valoir que le magistrat désigné ne leur a pas donné la parole lors de cette audience, ils y étaient représentés par leur avocat. Il ne ressort d'aucun élément du dossier et n'est pas même allégué que ce dernier aurait sollicité en vain du magistrat désigné que les requérants puissent s'exprimer avec le concours de leur interprète au cours de cette audience. La circonstance que font valoir les requérants qu'ils n'auraient pas été invités par le juge à prendre la parole à l'audience n'entache la procédure devant le tribunal d'aucune méconnaissance du principe du contradictoire ni le jugement attaqué d'aucune irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 5. Les requérants soutiennent qu'ils auraient fait l'objet de menaces en Albanie à la suite d'une tentative d'enlèvement de leur fille. Mais, ils n'apportent en dehors leurs propres déclarations, très sommaires et peu circonstanciées, aucun élément de nature à démontrer la réalité des menaces alléguées. De plus, comme l'Office français de protection des réfugiés et apatrides l'a relevé dans les décisions prises en leur encontre, ils n'étayent, en dehors de leurs propos évasifs, d'aucun élément probant les craintes qu'ils invoquent relatives aux risques de traitement inhumains et dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté et la demande de suspension de l'exécution des arrêtés en litige doit être rejetée. 6. En deuxième lieu, les requérants reprennent en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux, les moyens invoqués en première instance tirés de ce que les décisions contestées sont insuffisamment motivées, entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge. 7. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, les requérants ne font pas état, en l'espèce, d'éléments sérieux de nature à justifier leur maintien sur le territoire français jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile et la suspension de l'exécution des mesures d'éloignement prises à leur encontre. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes d'annulation et de suspension de l'exécution des arrêtés du 15 mars 2023. Leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence être également rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président-assesseur, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, X. CatrouxLa présidente, C. Brisson La greffière, A. Martin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT01853 |
CETATEXT000048424313 | J4_L_2023_11_00023NT01923 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424313.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 23NT01923, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01923 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | NDIAYE | Mme Laure CHOLLET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Orne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement n° 2300453 du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023, M. B..., représenté par Me Ndiaye, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2023 du tribunal administratif de Caen ; 2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 du préfet de l'Orne ; 3°) d'enjoindre au préfet de l'Orne de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2023, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Chollet a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant tunisien né le 27 septembre 1971 à Hammamet (Tunisie) est entré en France le 28 mai 2011 selon ses déclarations. Il relève appel du jugement du 9 juin 2023 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Orne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. 2. En premier lieu, en ce qui concerne les ressortissants tunisiens, l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord./ Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'article 3 du même accord stipule que " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que " le titre de séjour portant la mention ''salarié'', prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (....) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 (...) ". 3. Il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que la délivrance aux ressortissants tunisiens d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour et d'un contrat visé par les services en charge de l'emploi. 4. M. B... fait valoir qu'il disposait, à la date de la décision contestée, d'un contrat de travail signé en juillet 2013 avec la société Phoenix Pharma ainsi que deux certificats de travail délivrés par l'agence Adecco et la société Actif'Man, enfin d'un certificat de compétence " protection des animaux dans le cadre de leur mise à mort ". Toutefois, il ne justifie ni de la possession d'un visa de long séjour ni d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 juin 1988 doit être écarté. 5. En second lieu, le requérant se prévaut de la présence en France d'un frère, titulaire d'une carte de résident, et deux sœurs, de nationalité française, et soutient qu'il vit en France et y travaille depuis " plusieurs années ". Toutefois, l'intéressé, célibataire et sans enfant, titulaire d'emplois successifs de courtes durées en intérim dans le secteur de l'agro-alimentaire, ne justifie pas de l'intensité de ses attaches en France et n'établit pas, par la seule production d'une attestation de sa sœur du 7 juin 2022 et de sa belle-sœur du 13 février 2023, être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans, alors au demeurant qu'il n'est pas contesté qu'il est titulaire d'un passeport tunisien renouvelé le 15 août 2020 qui lui a permis de retourner en Tunisie, notamment en 2013 et 2014. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de ce que cette décision aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé, doivent être écartés. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., à Me Ndaiye et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera transmise pour information au préfet de l'Orne. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Chollet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, L. CHOLLET Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01923 |
CETATEXT000048424314 | J4_L_2023_11_00023NT01948 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424314.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 23NT01948, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT01948 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | SELARL CHRISTOPHE LAUNAY | Mme Laure CHOLLET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. Par un jugement n° 2202817 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 30 juin 2023, M. A..., représenté par Me Launay, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Caen ; 2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 du préfet du Calvados ; 3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; le préfet aurait dû consulter la commission du titre de séjour ; - les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont fondées sur une décision illégale de refus de renouvellement de titre de séjour. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2023, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Chollet a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant camerounais né le 23 mai 1984 à Douala (Cameroun) est entré en France le 2 juin 2015 selon ses déclarations. Il relève appel du jugement du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / (...) ". 3. Le requérant fait valoir qu'il justifie d'un séjour sur le territoire français depuis le 2 juin 2015, qu'il est père d'un enfant français né le 16 mai 2017 pour lequel il exerce l'autorité parentale, qu'il a la volonté d'établir une relation stable avec lui et de contribuer financièrement à son éducation et ses soins. Toutefois, un jugement avant-dire droit du juge aux affaires familiales du 18 octobre 2022 indique sans ambiguïté qu'il n'existe pas de relation " stable et sécure " entre l'enfant et le père, qui n'a pas honoré tous les rendez-vous du point rencontre tel qu'octroyé par un arrêt du 11 octobre 2019 de la Cour d'Appel de Reims et qui a, selon le rapport de l'espace de rencontre alors rédigé " mis à mal le lien avec sa fille " et " cumule plus d'absences que de droits de visite réalisés ", et lui refuse en conséquence un droit d'hébergement tout en maintenant la résidence habituelle de l'enfant chez sa mère. Le requérant n'est en outre pas fondé à se prévaloir du rapport d'une enquête sociale du 6 mars 2023 et d'une ordonnance du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne du 20 juin 2023, qui au demeurant souligne que le lien paternel a été repris très récemment et n'accorde au requérant qu'une rencontre mensuelle avec son enfant en lieu neutre pendant huit mois, dès lors que ces éléments sont postérieurs à la décision contestée. Il ressort en outre des pièces du dossier que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident, selon ses déclarations, un enfant né en 2008, sa mère et deux frères et une sœur et où il a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans. Dans ces conditions, alors même que M. A... semble montrer récemment des efforts pour renouer sa relation avec son enfant, la décision lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour n'a pas porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle ne méconnaît pas l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle. 4. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, la décision refusant le renouvellement d'un titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. 5. Selon l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-23 (...) / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants étrangers auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et qui remplissent effectivement celles des conditions prévues à l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. A... ne remplit pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 de ce code. Par suite, le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ne peut qu'être écarté. 6. La décision portant refus de renouvellement de titre de séjour n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de cette annulation, par voie de conséquence, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination. 7. Il résulte de tout ce qui précède M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., à Me Launay et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Chollet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, L. CHOLLET Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01948 |
CETATEXT000048424315 | J4_L_2023_11_00023NT02004 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424315.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 23NT02004, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT02004 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme BRISSON | SEMINO | Mme Judith LELLOUCH | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal administratif de tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 mars 2023 du préfet du Morbihan portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi en cas d'éloignement d'office et interdiction de retour en France pendant une durée d'un an. Par un jugement n° 2301709 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 4 juillet 2023, M. C..., représenté par Me Semino, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 avril 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 28 mars 2023 du préfet du Morbihan portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant son pays de renvoi, et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an et à titre subsidiaire, d'abroger cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : - le tribunal administratif de Rennes a omis de répondre au moyen opérant invoqué dans son mémoire complémentaire enregistré le 31 mars 2023 tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi devait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement prise à son encontre ; - les premiers juges ont statué ultra petita en répondant aux moyens, qui n'étaient pas invoqués, tirés de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, de la méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par l'article 3 § 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué : - la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ; - la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée des mêmes illégalités que la mesure d'éloignement ; - la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - à titre subsidiaire, l'arrêté litigieux doit être abrogé du fait de son illégalité au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison du changement dans les circonstances de fait dès lors qu'il est aujourd'hui père d'un enfant dont la mère réside en France de manière régulière sous couvert d'une carte pluriannuelle et dont il contribue matériellement et effectivement à ses besoins. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2023, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Lellouch, - les observations de Me Nigues, substituant Me Semino, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant comorien né le 23 août 1997, est entré en France irrégulièrement le 22 juillet 2021 en provenance du Sénégal. Son passeport n'étant pas revêtu du visa réglementaire, il a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français. Par arrêté du 23 juillet 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour en France pendant deux ans. Il s'est maintenu sur le territoire après sa libération de la zone d'attente. A la suite de son interpellation par les gendarmes de Ploërmel (56), le préfet du Morbihan, par un arrêté du 28 mars 2023, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de renvoi et lui a interdit le retour en France pendant un an. M. A... relève appel du jugement du 4 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 28 mars 2023 du préfet du Morbihan. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ressort des motifs du jugement attaqué, en particulier de son point 12 que les premiers juges ont répondu au moyen opérant tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi devait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la base de laquelle elle a été prise, sans qu'y fasse obstacle la circonstance selon laquelle les premiers juges ont qualifié de manière erronée ce moyen d'exception d'illégalité. 3. M. A... avait invoqué, devant les premiers juges, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devait être annulé, par voie de conséquence, de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français. Bien qu'il l'ait qualifié d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, en écartant ce moyen, le tribunal n'a pas, contrairement à ce que M. A... soutient, statué sur un moyen qui n'était pas invoqué. De même, le tribunal a répondu au moyen, invoqué par M. A... dans sa requête sommaire, tiré de ce que le préfet avait méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant. La circonstance que le tribunal aurait, pour rejeter la demande, écarté un moyen qui n'était pas invoqué est, par elle-même, sans incidence sur la régularité du jugement. 4. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la mesure d'éloignement : 5. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. ". Il ressort des pièces du dossier que M. A... relevait de l'hypothèse prévue par ces dispositions dans laquelle l'autorité administrative peut obliger un étranger en situation irrégulière à quitter le territoire. 6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. 7. Ainsi qu'il a été rappelé au point 1, il ressort des pièces du dossier que M. A... a tenté de rejoindre la France le 22 juillet 2021. Dépourvu de visa, il a fait l'objet d'un refus d'entrée et a été placé en zone d'attente. Par arrêté du 23 juillet 2021, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination des Comores et lui a interdit le retour en France pendant deux ans. M. A... s'est néanmoins maintenu sur le territoire français. Il se prévaut d'une relation de couple depuis le mois d'août 2021 avec une compatriote titulaire d'une carte pluriannuelle, avec laquelle il a eu un enfant né près d'un mois après l'intervention de l'arrêté litigieux et avec laquelle il a conclu, le 5 avril 2023, postérieurement à cet arrêté, un pacte civil de solidarité. Toutefois, eu égard aux conditions dans lesquelles M. A... a construit sa cellule familiale en France, alors qu'il venait de faire l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet du Morbihan n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui faisant obligation de quitter le territoire français le 28 mars 2023 ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé. En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire : 8. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. " Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ". 9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité de titre de séjour, qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement et qu'il a clairement manifesté, dans le cadre de son audition par les gendarmes de la brigade de Ploërmel le 28 mars 2023, son refus de se conformer à une nouvelle obligation de quitter le territoire français. Eu égard au risque élevé qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement litigieuse, et pour les mêmes motifs que ceux qui ont été rappelés au point 7, le préfet du Morbihan n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire malgré la naissance imminente de son enfant. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A.... En ce qui concerne l'interdiction de retour en France : 10. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ". 11. M. A... ne fait valoir aucun motif exceptionnel ou considération humanitaire, seuls susceptibles de justifier que l'autorité administrative n'assortisse pas la mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français. M. A... ne justifie que de deux ans de présence en France et, ainsi qu'il a été dit, il a déjà fait l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français dès son entrée sur le territoire français. Il ne ressort pas des pièces du dossier que sa compagne, une compatriote en situation régulière, ne puisse pas venir lui rendre visite aux Comores pendant la période au cours de laquelle il est interdit de retour en France. Dès lors, en décidant de lui interdire le retour en France pendant une durée d'un an, le préfet du Morbihan n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Sur les conclusions subsidiaires à fin d'abrogation : 12. La légalité des décisions contestées, qui ont le caractère de décisions individuelles, s'appréciant à la date à laquelle elles ont été prises, M. A... n'est pas fondé à en demander directement l'abrogation au juge, en s'appuyant sur des changements postérieurs, de fait ou de droit, à leur édiction. Par suite, de telles conclusions, au demeurant présentées pour la première fois en appel, ne peuvent qu'être rejetées. 13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction ainsi que la demande présentée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie sera transmise au préfet du Morbihan. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente de chambre, - M. Vergne, président-assesseur, - Mme Lellouch, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure, J. Lellouch La présidente, C. Brisson La greffière, A. Martin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT02004 |
CETATEXT000048424316 | J4_L_2023_11_00023NT02074 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424316.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 23NT02074, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 23NT02074 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | NERAUDAU | Mme Pénélope PICQUET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 13 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers la Roumanie. Par un jugement n° 2304901 du 26 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Néraudau, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes du 26 mai 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 13 mars 2023 du préfet de Maine-et-Loire ; 3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'est pas suffisamment motivé, le premier juge répondant à trois moyens de légalité interne dans un seul et même point n° 12 ; - l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ; - il n'est pas établi qu'elle se soit effectivement vu délivrer, par écrit ou tout le moins oralement, dans une langue qu'elle comprend et dès le début de la procédure, les informations prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; - elle n'a pas bénéficié du droit à l'information lors de la prise d'empreinte prévu par l'article 13 du règlement n° 2016/679 ; - elle n'a pas bénéficié d'un entretien dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - le préfet a méconnu le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - l'arrêté méconnaît l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Par un mémoire, enregistré le 21 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante guinéenne née le 31 juillet 1997, entrée en France selon ses déclarations le 5 février 2023, a présenté une demande d'asile le 14 février 2023 auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique. Les recherches entreprises sur le fichier EURODAC ayant révélé que la requérante avait sollicité l'asile auprès des autorités roumaines le 6 janvier 2023, le préfet a saisi ces autorités le 16 février 2023 d'une demande de reprise en charge de l'intéressée, laquelle a été acceptée le 1er mars 2023, sur le fondement de l'article 18 c) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 13 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités roumaines pour l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 26 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Mme B... fait appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". 3. La seule circonstance que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes ait écarté les moyens tirés de la méconnaissance du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dans un point unique ne suffit pas établir qu'elle aurait insuffisamment motivé sa décision sur ces points. La magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments présentés par la requérante, a répondu avec la précision requise au point 12 du jugement attaqué, aux moyen soulevés à ce titre pour Mme B.... Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par la première juge les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressée, que cette dernière reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ". 6. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie. 7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu remettre, le 14 février 2023, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, en temps utile, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dont elle a signé les pages de garde sous la mention " je reconnais avoir reçu le guide complet dans une langue que je comprends ", ces brochures étant en langue française et contenant les informations prescrites par les dispositions précitées. Dans ces conditions, son droit à l'information résultant de l'article 4 précité du règlement n° 604/2013 n'a pas été méconnu. 8. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ". 9. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par Mme B... qu'elle a bénéficié le 14 février 2023, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. La seule circonstance que l'agent qui a conduit cet entretien est seulement identifié par la mention " Préfecture de la Loire-Atlantique - L'agent habilité " et ses initiales manuscrites ne permet pas de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions qui en auraient garanti la confidentialité. Enfin, il ressort du compte-rendu de cet entretien, effectué en français, eu égard aux détails précis qu'il expose, qu'il a permis à Mme B... de faire état des informations utiles. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté. 10. En quatrième et dernier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 11. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations. 12. Mme B... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile objets de mesures de transfert auprès des autorités roumaines. Toutefois, les documents qu'elle produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre situation serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités roumaines dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Roumanie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si le rapport cité par la requérante fait état d'une pratique de refoulement des demandeurs d'asile à la frontière roumano-serbe, de difficultés d'accès à un interprète dans le cadre de la procédure d'asile et de conditions d'hébergement difficiles, ce document ne suffit pas à caractériser l'existence, dans ce pays, de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. Il n'en ressort pas, en particulier, que les conditions matérielles d'accueil seraient caractérisées par des carences structurelles d'une ampleur telle qu'il y aurait lieu de conclure d'emblée, et quelles que soient les circonstances, à l'existence de risques suffisamment réels et concrets, pour l'ensemble des demandeurs de protection internationale, indépendamment de leur situation personnelle, d'être systématiquement exposés à une situation de dénuement matériel extrême qui porterait atteinte à leur santé physique ou mentale ou les mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, prohibé par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cela n'établit pas davantage que le renvoi de la requérante vers la Roumanie en exécution d'une décision de transfert, en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, entraînerait un risque sérieux qu'elle soit exposée à des traitements indignes de ce type en violation des règles du droit européen de l'asile. Il ne ressort des pièces du dossier ni qu'une décision d'éloignement aurait été prise à son encontre par les autorités roumaines, ni qu'elle ne serait pas en mesure de faire valoir devant ces autorités, responsables de l'examen de sa demande d'asile, tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut en Guinée. Si elle soutient avoir été mariée de force dans son pays, avoir vécu dans des conditions difficiles en Roumanie et que sa demande d'asile dans ce pays a été retirée, cela ne suffit pas à établir qu'elle se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Par ailleurs, alors que la décision de transfert litigieuse n'emporte pas éloignement vers la Guinée, Mme B... ne peut utilement soutenir que le préfet aurait dû prendre en compte les risques auxquels elle serait exposée dans ce pays. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire au §2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés. 13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président-assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier C. Wolf La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT02074 |
CETATEXT000048424317 | J5_L_2023_11_00018NC00386 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424317.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 18NC00386, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 18NC00386 | 3ème chambre | plein contentieux | C | M. WURTZ | CABINET CLAPOT - LETTAT | Mme Guénaëlle HAUDIER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un arrêt du 3 mars 2020, la cour, avant de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme F..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs C..., H... et B... I..., tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon du 19 décembre 2017 et à la condamnation de l'ONIAM ou, à titre subsidiaire, de l'Hôpital Nord Franche-Comté et de son assureur, la SHAM, à les indemniser des préjudices subis du fait de la lésion du plexus brachial, des troubles neurologiques et du kyste latéro-médullaire dont leur fille C... est atteinte, a, après avoir annulé ce jugement, ordonné une mesure d'expertise médicale en vue notamment de déterminer les dommages en lien avec la lésion du plexus brachial dont a été victime C... F..., de préciser si l'état de santé de cette dernière est consolidé et de fixer la date de consolidation ou l'échéance au terme de laquelle elle interviendra et de donner à la cour tous les éléments lui permettant d'évaluer l'ensemble des préjudices patrimoniaux et personnels subis par C... F.... Les experts, désignés par une ordonnance de la présidente de la cour du 5 juin 2020, ont déposé leur rapport le 15 décembre 2020. Par une ordonnance du 6 janvier 2021, les honoraires des experts, les docteurs D... et J..., ont été liquidés et taxés par la présidente de la cour respectivement à 1 313,20 euros et 1 975,10 euros. Par des mémoires, enregistrés le 1er février 2021 et le 19 février 2021, l'Hôpital Nord Franche-Comté, représenté par Me Le Prado, maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête, par les mêmes moyens que précédemment. Par des mémoires, enregistrés le 8 février 2021 et le 8 mars 2021, M. K... F... et son épouse Mme A... F..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs C... et B... I... et Mme H... F..., devenue majeure en cours d'instance, représentés par la Selarl Clapot-Lettat, demandent à la cour : 1°) de condamner l'ONIAM à verser une provision de 350 000 euros en réparation des préjudices subis par C... et une provision de 20 000 euros en réparation du préjudice propre de Mme A... F..., avec les intérêts légaux à compter de la date de la réclamation préalable et leur capitalisation ; 2°) de déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône et à la Mutuelle Vivinter ; 3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - il ressort du rapport d'expertise que les troubles neurologiques et le kyste latéro-médullaire sont en lien avec la lésion du plexus brachial ; - les experts ont estimé que les dommages subis par C... sont la conséquence d'un accident médical non fautif et non d'une faute de la sage-femme qui a pratiqué l'accouchement ; - le préjudice subi par C... peut être estimé à la somme provisionnelle de 350 000 euros et celui de Mme A... F..., sa mère, à la somme provisionnelle de 20 000 euros. Par un mémoire, enregistré le 8 février 2021, l'Office national des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Welsch, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, subsidiairement, à ce que la somme mise à sa charge n'excède pas 31 080 euros. Il soutient que : - soit la manœuvre de Mc Roberts a été mal réalisée et le dommage lui est imputable, soit elle a été correctement réalisée, comme l'a admis la cour dans l'arrêt avant dire-droit, et la lésion du plexus brachial est alors consécutive à la dystocie des épaules et non à un acte de soins qui dans l'un et l'autre cas ne permettent pas l'indemnisation au titre de la solidarité nationale ; - les requérants ont déjà perçu une indemnité provisionnelle de 10 000 euros et doivent en outre justifier des prestations reçues ; - l'indemnisation des victimes indirectes n'est prévue qu'en cas de décès de la victime. Par une ordonnance du 1er septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 septembre 2023 à 12h00. La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône a produit un mémoire, enregistré le 13 octobre 2023, qui n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Barteaux, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - et les observations de Me Pontille pour les consorts F.... Considérant ce qui suit : 1. Mme F... a été admise le 6 juin 2011 à l'Hôpital Nord Franche-Comté où elle a accouché, par voie basse, de son troisième enfant, C.... L'accouchement a été compliqué par une dystocie des épaules nécessitant des manœuvres qui ont été réalisées par une sage-femme. Dans les suites de cet accouchement, l'enfant a présenté une lésion du plexus brachial ainsi que des troubles neurologiques. Estimant que l'état C... était imputable à un accident médical, ses parents, agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs, ont demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner, à titre principal, l'ONIAM à réparer les préjudices subis du fait de cet accident médical et, subsidiairement, l'Hôpital Nord Franche-Comté à indemniser les préjudices résultant des fautes commises lors de l'accouchement de Mme F.... Par un jugement du 19 décembre 2017, dont M. et Mme F... ont fait appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes. 2. Par un arrêt avant dire droit du 3 mars 2020, la cour, après avoir écarté la responsabilité de l'Hôpital Nord Franche-Comté, a estimé que la lésion du plexus brachial consécutive aux manœuvres obstétricales résultait d'un acte de soins et que les dommages répondaient aux conditions de gravité et d'anormalité permettant une indemnisation des préjudices au titre de la solidarité nationale. Par le même arrêt, elle a ordonné une mesure d'expertise médicale en vue notamment de déterminer les dommages en lien avec la lésion du plexus brachial dont a été victime C... F... et de préciser si les troubles neurologiques et le kyste latéro-médullaire dont souffre l'enfant sont en rapport avec cette lésion, d'indiquer si l'état de santé de cette dernière est consolidé et, à défaut, de fixer la date de consolidation ou l'échéance au terme de laquelle elle interviendra et enfin de donner à la cour tous les éléments lui permettant d'évaluer l'ensemble des préjudices patrimoniaux et personnels subis par C... F.... A la suite du rapport d'expertise déposé par le collège d'experts le 15 décembre 2020, les parties ont à nouveau conclu. Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale : 3. L'ONIAM conteste le principe même de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale en faisant valoir que la lésion du plexus brachial résulte soit d'une manœuvre de Mc Roberts mal réalisée par la sage-femme et donc fautive, engageant alors la responsabilité de l'Hôpital Nord Franche-Comté, soit, si cette manœuvre n'est pas fautive, que la lésion du plexus brachial, qui est assimilable à un état antérieur de l'enfant, ne saurait être regardée comme un accident médical non fautif ouvrant droit à une réparation au titre de la solidarité nationale. Toutefois, ainsi qu'il a été rappelé au point 2, la cour a, dans son arrêt avant dire droit du 3 mars 2020, statué sur le principe même de la réparation par l'ONIAM des préjudices consécutifs à la lésion du plexus brachial et l'a, en outre, condamné, dans le dispositif, à verser aux requérants une provision de 10 000 euros. Ainsi, compte tenu de l'autorité de chose jugée qui s'attache tant au dispositif de cet arrêt qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, l'ONIAM n'est pas fondé à remettre en cause l'indemnisation au titre de la solidarité nationale. Sur l'étendue des préjudices indemnisables au titre de la solidarité nationale : 4. Il ressort du rapport d'expertise du 15 décembre 2020 que les troubles neurologiques et le kyste latéro-médullaire (ou méningocèle) sont en lien avec la lésion du plexus brachial. Par suite, les requérants sont fondés à solliciter la réparation par l'ONIAM de l'ensemble des préjudices en lien avec ces dommages. Sur l'indemnisation des préjudices de l'enfant C... : 5. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 15 décembre 2020, que l'état de santé C... n'est pas encore consolidé et qu'une nouvelle expertise devra être réalisée à l'âge de 15 ou 16 ans, avec un bilan ophtalmologique préalable. Cette circonstance ne s'oppose pas à l'indemnisation des préjudices d'ores et déjà certains. En ce qui concerne le préjudice patrimonial : 6. Lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée. 7. Les requérants sollicitent une indemnité provisionnelle au titre de ce besoin d'assistance. Il ressort du rapport d'expertise que l'état de santé de la jeune C... nécessite que lui soit apportée une aide quotidienne par une tierce personne à raison de 3 heures depuis sa sortie de la maternité, soit le 14 juin 2011, et non le 14 juin 2020 comme mentionné par erreur dans ce rapport, en raison de la mobilité limitée de son bras gauche. Si Mme F... fait valoir qu'elle s'est arrêtée de travailler pour s'occuper de sa fille à l'issue de son congé de maternité, il ne résulte pas de l'instruction que cette dernière aurait demandé une plus grande attention qu'un autre enfant jusqu'à l'âge de deux ans. Il convient, par suite, d'évaluer le besoin d'aide à compter du 6 juin 2013, date des deux ans de la fillette. Il résulte du rapport d'expertise que le besoin d'assistance par une tierce personne n'est pas spécialisé. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir un taux moyen du SMIC avec charges de 14 euros pour la période du 6 juin 2013 au 31 décembre 2019 puis de 16 euros pour la période du 1er janvier 2020 au 14 novembre 2023, date de lecture du présent arrêt, calculé sur une durée annualisée de 412 jours pour tenir compte des majorations des dimanches, congés et jours fériés. Ce chef de préjudice peut ainsi être fixé à la somme de 190 391,41 euros. 8. Toutefois, comme le fait valoir l'ONIAM, il convient de déduire de cette somme les prestations de même nature que les intéressés ont pu percevoir, telles que l'allocation d'éducation d'enfant handicapé ou la prestation de compensation du handicap. Or, en dépit d'une mesure d'instruction en ce sens, les requérants se sont abstenus, sans aucune justification, de répondre à cette mesure. Dans ces conditions, la cour n'est pas en mesure d'apprécier si ce chef de préjudice est déjà indemnisé, en tout ou partie, par des prestations de même nature et ne peut, par suite, déterminer un montant d'indemnité provisionnelle qui restera dans les limites du montant total alloué ultérieurement. La demande d'indemnisation à ce titre ne peut, dès lors, qu'être rejetée. En ce qui concerne les préjudices personnels : S'agissant du déficit fonctionnel temporaire : 9. Il ressort du rapport d'expertise qu'Aliyah F... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 13 au 17 septembre 2011, puis durant trois semaines à compter du 18 septembre 2011, en raison du port d'une coquille en plâtre, et, enfin, du 30 janvier 2013 au 31 janvier 2013, soit au total 28 jours. Elle a également subi un déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % de sa naissance, le 6 juin 2011, jusqu'au 12 juin 2014, durant 1 075 jours après déduction des 28 jours de déficit fonctionnel temporaire total, suivi d'un déficit fonctionnel partiel de 40 % du 13 juin 2014 jusqu'à la date du présent arrêt, soit 3 440 jours. Selon le rapport d'expertise, l'enfant conserve des séquelles importantes au niveau du bras gauche qui, malgré des séances de kinésithérapie, n'est toujours pas fonctionnel. Dans ces conditions, ce chef de préjudice peut être justement apprécié, sur une base journalière de 20 euros, à la somme provisionnelle de 38 830 euros. S'agissant des souffrances endurées : 10. Les experts ont estimé que les souffrances endurées ne pourront être évaluées à un niveau inférieur à 4 sur une échelle de 7, en tenant compte des investigations, traitements, interventions, complications déjà supportés par C... F... et de la souffrance morale qu'elle pourra encore développer. Eu égard à ces éléments, il sera fait une juste appréciation de son préjudice en l'évaluant, jusqu'à la date de consolidation, à la somme provisionnelle de 7 000 euros. S'agissant du préjudice esthétique temporaire : 11. Il résulte du rapport d'expertise que le préjudice esthétique temporaire ne peut être estimé à un niveau inférieur à 4 sur une échelle de 7, compte tenu notamment d'une cicatrice de 16 centimètres dans la zone latéro-cervicale gauche, d'une autre de 6 centimètres au niveau de la clavicule ainsi que de trois autres dont une de 11 centimètres sur la face interne du bras gauche le long du biceps et une de 24 centimètres sur la partie postérieure de la jambe gauche. Il y a lieu d'accorder à ce titre une indemnité provisionnelle de 8 000 euros. S'agissant de l'indemnisation au titre du déficit fonctionnel et des préjudices d'agrément, sexuel et esthétique après consolidation : 12. L'état de l'enfant n'est pas encore consolidé, ainsi qu'il a été indiqué au point 5, et devra être examiné, dans le cadre d'une nouvelle expertise, vers l'âge de 15 ou 16 ans. Toutefois, le rapport d'expertise mentionne que le déficit fonctionnel permanent ne devrait pas être inférieur à 30 %. Ce préjudice futur apparaît donc suffisamment certain pour permettre une indemnisation. Par suite, il y a lieu d'accorder à ce titre une indemnité provisionnelle de 80 000 euros. 13. Eu égard au préjudice esthétique temporaire que présente déjà l'enfant, le préjudice esthétique après consolidation peut également être regardé comme suffisamment certain. Il y a lieu, dès lors, de l'indemniser par la somme provisionnelle de 8 000 euros. 14. En revanche, les pièces du dossier ne permettent pas de regarder les préjudices d'agrément et sexuel futurs comme étant certains. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à solliciter une indemnisation provisionnelle en réparation de ces deux chefs de préjudice permanent qui ne pourront être évalués, le cas échéant, qu'après la consolidation de l'état de l'enfant C.... Sur l'indemnisation des préjudices de Mme A... F... : 15. Mme F... fait valoir qu'elle a cessé de travailler en 2016 et 2017 pour s'occuper de sa fille et demande, en conséquence, l'indemnisation provisionnelle du préjudice financier qu'elle estime avoir subi à ce titre. Toutefois, l'intéressée n'a pas répondu à la mesure d'instruction tendant à la production de tout justificatif de sa situation financière au cours de cette période, notamment de ses avis d'imposition. En se bornant à produire une fiche de paie correspondant à l'emploi qu'elle exerçait à la date de l'accouchement de sa fille, Mme F... ne met pas la cour en mesure d'apprécier le caractère certain du préjudice allégué, ni son étendue. Par suite, cette demande d'indemnisation doit être rejetée. 16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme F..., en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure, C..., sont fondés à demander la condamnation de l'ONIAM à leur verser une indemnité provisionnelle de 141 830 euros à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices subis par cette dernière et de laquelle devra être déduite la provision déjà versée de 10 000 euros. Sur les intérêts moratoires et leur capitalisation : 17. Les requérants n'établissent pas la date de réception par l'ONIAM de leur réclamation préalable datée du 3 juin 2015. Par suite, ils sont seulement fondés à demander les intérêts de la somme mise à la charge de l'Office au point 16 à compter de la date d'enregistrement de leur demande au greffe du tribunal le 5 juin 2015. 18. La capitalisation des intérêts a été demandée le 16 février 2018. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande au 16 février 2018 puis à chaque échéance annuelle. Sur les frais d'expertise : 19. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge définitive de l'ONIAM les frais de l'expertise, liquidés et taxés par une ordonnance du 6 janvier 2021 à la somme totale de 3 288,30 euros. Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun : 20. Aux termes du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, relatif au recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale contre le responsable d'un accident ayant entraîné un dommage corporel : " L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. (...) ". En application de ces dispositions, il incombe au juge administratif, saisi d'un recours indemnitaire de la victime contre une personne publique regardée comme responsable de l'accident, de mettre en cause les caisses auxquelles la victime est ou était affiliée. Symétriquement, lorsque le juge est saisi d'un recours indemnitaire introduit contre la personne publique par une caisse agissant dans le cadre de la subrogation légale, il lui incombe de mettre en cause la victime. Le défaut de mise en cause, selon le cas, de la caisse ou de la victime entache la procédure d'irrégularité. 21. D'une part, par un mémoire enregistré le 3 juillet 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône a déclaré ne pas intervenir à l'instance. Par suite, il y a lieu, en application des dispositions précitées, de lui déclarer le présent arrêt commun. 22. D'autre part, les dispositions précitées n'imposent pas la mise en cause des mutuelles en cas de recours indemnitaire de la victime contre une personne publique responsable de son dommage. Il s'ensuit que les conclusions tendant à ce que le présent arrêt soit déclaré commun à la mutuelle Vivinter doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme F... et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : L'ONIAM est condamné à verser à M. et Mme F..., en qualité de représentants légaux de leur fille mineure C..., la somme provisionnelle de 141 830 euros, dont sera déduite la provision déjà versée de 10 000 euros. La somme ainsi due sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2015. Les intérêts échus à la date du 16 février 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts. Article 2 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 288,30 euros, sont mis à la charge définitive de l'ONIAM. Article 3 : L'ONIAM versera à M. et Mme F... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... F..., à Mme A... F..., à Mme H... F..., à l'Hôpital Nord Franche-Comté, à la Société hospitalière d'assurances mutuelles, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône, à la mutuelle Vivinter, à M. G... D... et à M. E... J.... Délibéré après l'audience du 17 octobre 2013, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Barteaux, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : S. BARTEAUX Le président, Signé : Ch. WURTZLe greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 18NC00386 2 |
CETATEXT000048424319 | J5_L_2023_11_00020NC02164 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424319.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 20NC02164, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 20NC02164 | 1ère chambre | plein contentieux | C | M. WALLERICH | DEGRE 7 AVOCATS | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 29 juillet 2020, le 22 janvier 2021, le 21 juillet 2021 et le 15 mai 2023, Mme A... B..., M. D... C... et l'association Ligue de protection des oiseaux (LPO), représentés par Me Prévalet, demandent à la cour : 1°) d'annuler l'arrêté du 21 avril 2020 du préfet du Doubs portant autorisation unique d'un parc éolien de la société Communailes Sud sur le territoire des communes d'Avoudrey, de Longechaux et de Grandfontaine sur Creuze ; 2°) d'enjoindre à l'administration de prendre sous sa responsabilité et à ses frais, toutes dispositions afin que les travaux entrepris par la société Communailes Sud cessent immédiatement ; 3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société Communailes Sud le versement de la somme de 2 500 euros à chacun des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la présentation des capacités financières de l'exploitant est insuffisante et a nui à l'information complète du public ; - l'absence des derniers avis de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et de celui de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CNDPS) dans le dossier d'enquête publique a nui à l'information du public ; - la mission régionale d'autorité environnementale de Bourgogne-Franche-Comté (MRAE) et le conseil national de la protection de la nature (CNPN) auraient dû être saisis à nouveau à la suite des nombreux compléments apportés au projet et à l'étude d'impact initiale ; - l'étude d'impact est insuffisante sur ses volets avifaunistique, acoustique et sur l'analyse des effets cumulés avec les autres parcs éoliens ; - l'étude de dangers est insuffisante quant aux risques sur les eaux souterraines et sur le bétail ; - les demandes de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées ne sont pas suffisamment précises et dès lors non conformes aux dispositions de l'arrêté du 19 février 2007 ; - l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé quant à la dérogation accordée ; - les mesures d'évitement, de réduction et de compensation ne permettent pas le maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ; - l'exploitant n'a pas examiné l'existence de mesures alternatives ; - la dérogation accordée n'est pas suffisamment précise ; - l'installation projetée entraine des nuisances sonores pour les habitations situées à proximité ; - la demande d'autorisation de défrichement est irrégulière en ce qu'elle ne comporte pas le bon numéro SIRET de la société bénéficiaire. Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 novembre 2020, le 28 mai 2021, le 4 octobre 2021 et le 6 juin 2023, la société Communailes Sud, représentée par Me Gossement, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de chacun des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la requête est irrecevable dès lors que les requérants n'ont pas qualité ni intérêt pour agir et qu'en tout état de cause, les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense enregistré le 26 avril 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et à titre subsidiaire, que dans l'hypothèse où la cour retiendrait un vice régularisable, de prononcer un sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ; - l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ; - l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ; - le code de l'environnement ; - le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ; - le décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 ; - l'arrêté du 23 avril 2007 modifié fixant la liste des mammifères protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ; - l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ; - l'arrêté du 29 octobre 2009 modifié fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ; - l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - les observations de Me Prévalet, représentant Mme B..., M. C... et l'association Ligue de protection des oiseaux, - et les observations de Me Thomas, représentant la société Communailes Sud. Une note en délibéré, enregistrée le 23 octobre 2023 a été présentée pour la société Communailes Sud. Une note en délibéré, enregistrée le 26 octobre 2023 a été présentée pour Mme B... et autres. Considérant ce qui suit : 1. Le 14 décembre 2016, la société Communailes Sud a déposé une demande d'autorisation unique en vue d'exploiter un parc éolien sur le territoire des communes d'Avoudrey, de Longechaux et de Grandfontaine sur Creuze, complétée à plusieurs reprises jusqu'en juin 2019. Par un arrêté du 21 avril 2020, le préfet du Doubs a délivré l'autorisation unique d'exploiter un parc composé de quatre éoliennes et d'un poste de livraison. Par la présente requête, Mme B..., M. C... et la ligue de protection des oiseaux en demandent l'annulation. Sur la fin de non-recevoir soulevée en défense par la société Communailes Sud : 2. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / (...) 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 (...) ". L'article L. 181-3 de ce code énonce : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". Parmi ces intérêts, l'article L. 511-1 du même code mentionne les dangers ou les inconvénients pour la commodité du voisinage, la santé, la protection de la nature, de l'environnement et des paysages ainsi que la conservation des sites et des monuments. 3. En premier lieu, les tiers personnes physiques doivent justifier d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux. En l'espèce, les requérants personnes physiques résident à une distance de 790 mètres de l'éolienne la plus proche de leur lieu d'habitation et de 1 000 mètres des trois autres éoliennes et invoquent notamment, en s'appuyant sur les indications figurant dans l'étude d'impact du projet, les atteintes à la commodité du voisinage qu'ils subiront du fait de l'impact visuel en raison des ombres portées sur les maisons et de l'impact sonore des éoliennes qui dépassent les seuils réglementaires nocturnes. Il en résulte qu'ils justifient d'un intérêt suffisamment direct pour demander l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2020. 4. En second lieu, aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément. ". 5. D'une part, aux termes de l'article 2 de ses statuts, la ligue de protection des oiseaux- délégation Franche Comté (LPO), agréée au titre de l'article L. 142-1 du code de l'environnement pour la Franche Comté par arrêté du 26 avril 2018 pour une durée de cinq ans, a notamment pour objet d'agir pour l'oiseau, la faune sauvage, la nature et l'homme et lutter contre le déclin de la biodiversité, par la connaissance, la protection, l'éducation et la mobilisation. Elle fait valoir que certaines des espèces concernées par l'arrêté en litige, qui sont des espèces nicheuses, hivernantes et migratrices, sont présentes dans le département du Doubs, font partie de la faune qui caractérise les milieux de ce département et que l'installation en cause y portera atteinte. D'autre part, aux termes de l'article 14 de ses statuts, le conseil d'administration a compétence pour décider d'engager toute action devant les juridictions de l'ordre administratif et de son article 16, le président assure le fonctionnement de l'association qu'il représente en justice. Il résulte d'un relevé de décision du 21 juillet 2020, que le bureau a autorisé en urgence le président pour qu'il dépose au nom de l'association sa requête le 29 juillet suivant et que cette autorisation a été régularisée par deux délibérations du conseil d'administration des 12 septembre et 15 décembre 2020 signées du secrétaire et du président de séance. 6. Ainsi, il résulte de ce qui précède que Mme B..., M. C... et la LPO justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2020. Par suite, la fin de non-recevoir est écartée. Sur le cadre juridique : 7. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable (...) ". Sous réserve des dispositions de son article 15, l'article 16 de la même ordonnance a abrogé les dispositions de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014. 8. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation, la juridiction statuant comme juge de l'excès de pouvoir contre l'autorisation unique en tant qu'elle vaut permis de construire. Toutefois, en vertu du 2° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, les demandes d'autorisation régulièrement déposées avant le 1er mars 2017, comme en l'espèce, sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017. La légalité de telles autorisations doit donc être appréciée, pour ce qui concerne la forme et la procédure, au regard des règles applicables avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'autorisation unique environnementale délivrée le 21 avril 2020 par le préfet du Doubs : En ce qui concerne la présentation des capacités financières de l'exploitant : 9. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. 10. En vertu du 5° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de délivrance de l'autorisation attaquée, la demande d'autorisation mentionne " les capacités techniques et financières de l'exploitant ". Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire est tenu de fournir, à l'appui de sa demande, des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières. Si cette règle a été ultérieurement modifiée par le décret du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale, qui a créé l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement en vertu duquel le dossier comprend une description des capacités techniques et financières dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour en justifier, l'exploitant devant, dans ce dernier cas, adresser au préfet les éléments justifiant de ses capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l'installation, cette évolution de la règle de droit ne dispense pas le pétitionnaire de l'obligation de régulariser une irrégularité dans la composition du dossier au vu des règles applicables à la date de délivrance de l'autorisation dès lors que l'irrégularité en cause a eu pour effet de nuire à l'information complète du public. 11. Il résulte de la demande d'autorisation d'exploitation que la société Communailes est une société de projet créée par la société MW Energies qu'elle détient à 100 % et que cette dernière serait elle-même détenue à 100 % par la société Valgest. Le dossier indique également que le montant total de l'investissement nécessaire à la réalisation du projet d'un parc éolien de quatre aérogénérateurs est de 40 millions d'euros qui seront financés à hauteur de 20 % par des fonds propres de la société Valgest et de 80 % par un emprunt bancaire. Pour autant, il n'est versé au dossier aucun engagement financier de la société Valgest et alors même que la société exploitante soutient en défense être accompagnée par la BNP, elle ne produit aucun élément en ce sens. En outre, il ressort des pièces produites que les liens capitalistiques mentionnés dans la demande d'autorisation entre les trois sociétés et présentés comme tels dans l'enquête publique ne sont pas exacts dès lors que la société MW energies n'est détenue qu'à 51 % par la société Valgest. Ainsi, les informations figurant dans le dossier de demande d'autorisation d'exploiter n'étaient pas suffisamment précises et étayées quant aux capacités financières de la société pétitionnaire. 12. Par suite, eu égard notamment à l'absence de documents produits à l'appui de sa demande délivrant des indications précises et étayées sur ses capacités financières d'éléments et à l'intérêt manifesté par plusieurs intervenants à l'enquête publique quant aux enjeux liés au financement du projet qui n'ont pas fait l'objet d'une régularisation par la suite, les lacunes entachant initialement le dossier de demande d'autorisation ont eu pour effet de nuire à la complète information du public. Par suite, cette irrégularité constitue un vice de procédure entachant d'illégalité l'autorisation délivrée par le préfet du Doubs. En ce qui concerne les avis rendus par les commissions : 13. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins :/ (...) 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme (...) ". Aux termes de l'article R. 181-32 du même code : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme :/ 1° Le ministre chargé de l'aviation civile : /a) Pour ce qui concerne les radars primaires, les radars secondaires et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR), sur la base de critères de distance aux aérogénérateurs ;/ b) Pour les autres aspects de la circulation aérienne, sur tout le territoire et sur la base de critère de hauteur des aérogénérateurs./ Ces critères de distance et de hauteur sont fixés par un arrêté des ministres chargés des installations classées et de l'aviation civile ;/ 2° Le ministre de la défense, y compris pour ce qui concerne les radars et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR) relevant de sa compétence ;/ 3° L'architecte des Bâtiments de France si l'autorisation environnementale tient lieu des autorisations prévues par les articles L. 621-32 et L. 632-1 du code du patrimoine ;/ 4° L'établissement public chargé des missions de l'Etat en matière de sécurité météorologique des personnes et des biens sur la base de critères de distance aux aérogénérateurs fixés par un arrêté du ministre chargé des installations classées./ Ces avis sont rendus dans le délai de deux mois./ Le présent article n'est pas applicable lorsque le pétitionnaire a joint ces avis à son dossier de demande ". Enfin, aux termes de l'article R. 181-37 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Les avis recueillis lors de la phase d'examen en application des articles R. 181-19 à R. 181-32 sont joints au dossier mis à l'enquête (...) ". 14. Il résulte de ces dispositions que seuls les avis obligatoires, exigés préalablement à l'ouverture de l'enquête, doivent figurer dans le dossier d'enquête publique préalable à l'autorisation délivrée au titre des installations classées pour la protection de l'environnement. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les avis émis par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) le 28 mai 2019 et le 7 janvier 2020 et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) du 4 février 2020 ne sont pas au nombre de ceux qui doivent être obligatoirement recueillis en application des dispositions des articles R. 181-19 à R. 181-32 et joints au dossier d'enquête publique en vertu de l'article R. 181-37 du code de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de l'absence de ces avis dans le dossier d'enquête publique est écarté. 15. En second lieu, l'organisme dont une disposition législative ou réglementaire prévoit la consultation avant l'intervention d'un texte doit être mis à même d'exprimer son avis sur l'ensemble des questions soulevées par ce texte. Par suite, dans le cas où, après avoir recueilli son avis, l'autorité compétente pour prendre le texte envisage d'apporter à son projet des modifications, elle ne doit procéder à une nouvelle consultation de cet organisme que si ces modifications posent des questions nouvelles. D'une part, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées, dans sa rédaction applicable à la date des arrêtés attaqués : " I. - La décision est prise après avis du conseil national de la protection de la nature dans les cas suivants : 1° Demandes de dérogation constituées en vue de la réalisation de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements soumis, en application des articles R. 122-2 et R. 122-3 du code l'environnement, à étude d'impact ou, en application des articles L. 181-1 et L. 181-2 du même code, à autorisation environnementale ; (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, " V. - Lorsqu'un projet est soumis à évaluation environnementale, le dossier présentant le projet comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation déposée est transmis par le maître d'ouvrage pour avis à l'autorité environnementale ainsi qu'aux collectivités territoriales et à leurs groupements intéressés par le projet. ". 16. En l'espèce, les compléments apportés en mars et juin 2019 en réponse aux avis de la MRAE du 17 juillet 2018 et du conseil national de protection de la nature du 3 septembre 2018 qui ont bien été saisis du projet composé de quatre éoliennes et après déplacement d'un aérogénérateur, de même que les mesures complémentaires de suivi et de compensation proposées à la suite de ces observations, ne portent pas sur des questions nouvelles qui auraient nécessité une nouvelle consultation de ces instances. Par suite, les moyens tirés de ce que le Conseil national de protection de la nature et la MRAE auraient dû être à nouveau saisis sont écartés. En ce qui concerne les insuffisances de l'étude d'impact : 17. Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) / 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 et complété par l'article R. 512-8 (...) " et du II de l'article R. 122-5 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : (...) d) Des risques (...) pour l'environnement ; (...) 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ; 9° Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées ; (...) ". 18. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. S'agissant du caractère épars des données ne permettant pas une information complète du public : 19. Il résulte de l'avis de la MRAE du 17 juillet 2018 qu'au regard de la modification du projet qui est réduit de huit à quatre éoliennes, mais de tailles plus importantes, et du déplacement de l'une d'entre elles qui n'a pas fait l'objet d'une nouvelle étude mais de nombreux compléments soit sous la forme de documents distincts, soit sous la forme notamment d'avant-propos et d'encart dans l'étude initiale qui rendent la lecture et la compréhension des données difficiles et fastidieuses, l'autorité a recommandé la réécriture de l'étude d'impact et du résumé non technique en reprenant l'ensemble des modifications l'amenant au projet à quatre éoliennes. Même si la DREAL dans un courrier du 12 décembre 2018 a estimé que seule la mise à jour des avant-propos était nécessaire, les données éparses soumises comme telles à enquête publique ont nui à l'information complète du public. S'agissant du volet avifaunistique : 20. Il résulte de l'étude d'impact initial complétée par les études avifaunistiques de février 2018 et de mars 2019 ainsi que par la pièce n° 9 de juin 2019, que les inventaires réalisés en 2015 et 2016 lors de vingt-trois journées d'observation puis complétés en 2017 par six journées supplémentaires s'agissant du milan royal et de la pie grièche grise selon des méthodes explicitées dans l'étude ont permis de recenser quatre-vingt-quinze espèces protégées d'oiseaux réparties en sous-groupes selon leurs caractéristiques, avifaune nicheuse, migratrice et hivernante et classées selon leur niveau de protection. Ces inventaires ont également permis d'identifier la présence de quatre couples nicheurs de milan royal, de deux cent cinquante individus en période hivernante, de trois couples de pie grièche grise ainsi que de l'existence d'un couloir principal de migration qui traverse l'aide d'étude immédiate. Il en résulte que les enjeux ont été suffisamment identifiés. Toutefois, le CNPN et la MRAE émettent des avis défavorables et critiquent à la fois la méthode d'inventaire retenue et l'analyse non exhaustive de l'impact sur des espèces d'oiseaux protégés pourtant sensibles à l'éolien et/ou en situation critique et contestent la manière dont l'impact résiduel a été calculé après application des mesures par la simple réduction du nombre d'éoliennes et la mise en place d'un système d'effarouchement dont l'efficacité n'est pas prouvée ainsi que la conclusion selon laquelle la mortalité de huit individus de pie grièche grise présente un faible risque pour l'espèce. En outre, la MRAE ajoute que le dossier ne permet d'appréhender que très imparfaitement les enjeux environnementaux du projet, ses principaux effets ainsi que les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des impacts définies par le pétitionnaire. Enfin, l'augmentation de la hauteur des pâles dans le dernier état du projet n'a fait l'objet d'aucune mesure d'impact. Par suite, cette insuffisance de ce volet de l'étude d'impact initial a été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. S'agissant de l'étude des effets cumulés : 21. Il résulte de l'instruction que seul le parc éolien des Monts du Lomont autorisé et situé dans l'aire d'étude éloignée du projet doit être pris en compte pour l'analyse des effets cumulés alors que la société exploitante a en outre examiné l'effet cumulé avec le parc éolien de Vellerot-lès-Vercel. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sur les effets cumulés est écarté. S'agissant de l'étude acoustique : 22. Il résulte de l'étude d'impact et notamment des points de mesure que des dépassements des seuils réglementaires ont été constatés en période nocturne ce qui a conduit l'exploitant à prendre des mesures d'optimisation la nuit et notamment de bridage pour limiter l'effet cumulé. En outre, il n'existe pas d'obligation d'effectuer des relevés en tout point de la zone d'implantation du projet et même s'il aurait été préférable de placer des sonomètres aux lieux d'habitation les plus proches des éoliennes, ces mesures ne sont que prévisionnelles dès lors que l'installation n'est pas construite et qu'une étude de conformité acoustique sera réalisée après la mise en fonctionnement du parc et qui pourra conduire à des mesures de bridage supplémentaire. Par suite, le moyen est écarté. En ce qui concerne l'insuffisance de l'étude de danger : 23. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, " Le demandeur fournit une étude de dangers qui précise les risques auxquels l'installation peut exposer, directement ou indirectement, les intérêts visés à l'article L. 511-1 en cas d'accident, que la cause soit interne ou externe à l'installation. Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation. En tant que de besoin, cette étude donne lieu à une analyse de risques qui prend en compte la probabilité d'occurrence, la cinétique et la gravité des accidents potentiels selon une méthodologie qu'elle explicite. Elle définit et justifie les mesures propres à réduire la probabilité et les effets de ces accidents. " et de l'article R. 512-9 de ce même code : " I. L'étude de dangers mentionnée à l'article R. 512-6 justifie que le projet permet d'atteindre, dans des conditions économiquement acceptables, un niveau de risque aussi bas que possible, compte tenu de l'état des connaissances et des pratiques et de la vulnérabilité de l'environnement de l'installation. Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation, compte tenu de son environnement et de la vulnérabilité des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. II. ' Cette étude précise, notamment, la nature et l'organisation des moyens de secours dont le demandeur dispose ou dont il s'est assuré le concours en vue de combattre les effets d'un éventuel sinistre. Dans le cas des installations figurant sur la liste prévue à l'article L. 515-8, le demandeur doit fournir les éléments indispensables pour l'élaboration par les autorités publiques d'un plan particulier d'intervention. L'étude comporte, notamment, un résumé non technique explicitant la probabilité, la cinétique et les zones d'effets des accidents potentiels, ainsi qu'une cartographie des zones de risques significatifs. ". 24. Ainsi que le souligne la MRAE dans son avis du 17 juillet 2018, il résulte de l'étude de danger que les potentiels de danger et leurs conséquences sont clairement identifiés et les risques quantifiés et hiérarchisés avec des propositions de mesures de sécurité notamment sur les eaux souterraines et sans que le risque sur le bétail allégué par les requérants ne soit établi. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude de danger doit être écarté. Sur les conclusions dirigées contre la dérogation accordée en application des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement : 25. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4°La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ". 26. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. 27. Pour déterminer si une dérogation peut être accordée sur le fondement du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de porter une appréciation qui prenne en compte l'ensemble des aspects mentionnés au point précédent, parmi lesquels figurent les atteintes que le projet est susceptible de porter aux espèces protégées, compte tenu, notamment, des mesures d'évitement, réduction et compensation proposées par le pétitionnaire et de l'état de conservation des espèces concernées. 28. Pour apprécier si le projet ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de déterminer, dans un premier temps, l'état de conservation des populations des espèces concernées et, dans un deuxième temps, les impacts géographiques et démographiques que les dérogations envisagées sont susceptibles de produire sur celui-ci. S'agissant de l'imprécision de la demande de dérogation du 16 mars 2018 : 29. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007, " la demande comprend [...] La description, en fonction de la nature de l'opération projetée : - des espèces (nom scientifique et nom commun) concernées ; - du nombre et du sexe des spécimens de chacune des espèces faisant l'objet de la demande ; ". 30. Il résulte de l'instruction que la demande de dérogation cite en annexes toutes les espèces protégées animales répertoriées dans la zone d'étude sans préciser les espèces sur lesquelles l'impact a été mesuré comme significatif après application des mesures de réduction et d'évitement et pour lesquelles, le pétitionnaire sollicite une dérogation à l'interdiction à leur destruction ou à celle de leurs habitats. Par suite, la demande du 16 mars 2018 ne satisfait pas aux dispositions précitées de l'arrêté du 19 février 2017. En revanche, il n'y avait pas lieu de formuler une demande de dérogation pour mettre en œuvre un système d'effarouchement dont il n'est pas établi qu'il perturberait l'avifaune nicheuse. S'agissant de l'imprécision de l'arrêté attaqué : 31. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que la même imprécision est constatée dès lors que la dérogation n'est accordée spécifiquement que pour la destruction de deux espèces protégées, le milan royal et la pie grièche grise alors qu'une autorisation sans autre précision est donnée à la destruction de spécimens d'espèces animales mentionnés dans la demande de dérogation. Une dérogation étant d'interprétation stricte, l'arrêté est entaché d'imprécision. S'agissant de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué quant à la dérogation autorisée : 32. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 19 février 2007 : " La décision précise : En cas d'octroi d'une dérogation, la motivation de celle-ci et, en tant que de besoin, en fonction de la nature de l'opération projetée, les conditions de celle-ci, notamment - nom scientifique et nom commun des espèces concernées, - nombre et sexe des spécimens sur lesquels porte la dérogation ; ". L'arrêté par lequel le préfet accorde une telle dérogation constitue une décision administrative individuelle qui déroge aux règles générales fixées par la loi ou le règlement au sens de l'article 2 de la loi du 11 juillet 1979, et est donc soumis à l'obligation de motivation prévue par ces dispositions. Lorsqu'elle délivre une dérogation à l'interdiction notamment de dérogation à l'interdiction notamment de destruction des individus, des œufs, des nids ou des habitats naturels d'espèces protégées, l'administration doit énoncer dans sa décision les éléments de droit et de fait qui la conduisent à l'accorder, de sorte que les motifs de la décision en soient connus à sa seule lecture. Toutefois, ces dispositions n'impliquent ni que l'administration prenne explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacune des règles dont il lui appartient d'assurer le contrôle ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction. 33. Il ressort des énonciations de l'arrêté attaqué que le projet contribue à l'atteinte des objectifs fixés par le schéma régional éolien de la région du 8 octobre 2012 et que comme le souligne la société exploitante, le nouvel article L. 411-2-1 du code de l'environnement introduit une présomption que les projets d'installation de production d'énergies renouvelables répondent à une raison impérative d'intérêt public majeur. Par ailleurs, le préfet du Doubs indique que la société exploitante a examiné l'existence d'une autre solution alternative moins attentatoire à la biodiversité. Enfin, l'arrêté mentionne que la dérogation à l'interdiction notamment de destruction des individus, des œufs, des nids ou des habitats naturels d'espèces protégées est donnée sous réserve que les mesures de la séquence " éviter, réduire et compenser " (ERC) soient respectées et qu'elles fassent l'objet d'un suivi permettant de confirmer pour chacune des espèces concernées l'adéquation des mesures proposées. Par suite, l'arrêté attaqué est suffisamment motivé conformément aux dispositions de l'arrêté du 19 février 2007. S'agissant de l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur : 34. En l'espèce, le projet d'installation de production d'énergies renouvelables qui contribue à l'atteinte des objectifs fixés par le schéma régional éolien de la région du 8 octobre 2012, bénéficie en application du nouvel article L. 411-2-1 du code de l'environnement d'une présomption au regard de la condition de raison impérative d'intérêt public majeur. Même si les requérants soutiennent que le parc éolien ne contribuerait que modestement à cet objectif par une capacité de production de 18 MW correspondant à l'approvisionnement de 6 000 foyers et dont, en outre, l'estimation prévisionnelle de production annuelle ne prend pas en compte le plan de bridage et de mise à l'arrêt des éoliennes, alors que le département du Doubs dispose déjà d'un parc de soixante-douze éoliennes pouvant produire 192 MW, ces éléments ne sont toutefois pas suffisants pour renverser cette présomption. S'agissant du maintien dans un état de conservation favorable des populations d'espèces protégées concernées : 35. Même si la CNDPS a émis un avis favorable le 4 février 2020 tenant plus à des raisons économiques et financières qu'à la prise en compte de la protection de l'environnement, il résulte des avis de la MRAE, du CNPN et de l'inspection des installations classés, tous défavorables, que les mesures de réduction, d'évitement et de compensation complétées par le pétitionnaire pour répondre aux critiques desdites instances et qui reposent notamment sur un système d'effarouchement et de détection dont l'efficacité n'est pas prouvée, sur la suppression de quatre éoliennes dont l'impact n'a pas été précisément mesuré, sur un bridage des éoliennes restantes en période de fenaison dans un périmètre et pour une durée insuffisants et sur des mesures compensatoires qui tiennent au bon vouloir d'exploitants agricoles, ne permettent pas de réduire l'impact résiduel à un seuil non significatif et demeurent ainsi insuffisantes pour maintenir dans un bon état de conservation deux espèces protégées, vulnérable et en état critique, le milan royal et la pie grièche grise dont la population est en diminution constante et dont la présence et la protection dans le département du Doubs présentent un intérêt majeur pour la conservation de ces espèces. Par ailleurs, la demande de dérogation et l'arrêté l'accordant visent un ensemble d'espèces protégées d'oiseaux qui, de par son caractère trop général, ne permet pas d'apprécier si la condition du maintien dans un état de conservation favorable de ces autres espèces protégées est respectée. Il en est de même de la situation des chiroptères, sensibles à l'éolien et présents dans la zone et pourtant non visés par cette décision. Par suite, la dérogation délivrée méconnaît le I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement et est ainsi entachée d'illégalité. Sur les conclusions à fin de régularisation présentées par le préfet du Doubs : 36. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II.- En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées ". 37. La faculté ouverte par les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement relève de l'exercice d'un pouvoir propre du juge, qui n'est pas subordonné à la présentation de conclusions en ce sens. Lorsqu'il n'est pas saisi de telles conclusions, le juge du fond peut toujours mettre en œuvre cette faculté, mais il n'y est pas tenu, son choix relevant d'une appréciation qui échappe au contrôle du juge de cassation. En revanche, lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, le juge est tenu de mettre en œuvre les pouvoirs qu'il tient du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement si les vices qu'il retient apparaissent, au vu de l'instruction, régularisables. 38. Toutefois, compte-tenu des circonstances particulières de l'espèce et de la nécessité de soumettre de nouveau à enquête publique la présentation des capacités financières de la société exploitante et l'étude d'impact, insuffisante et éparse, qui impliquera nécessairement une nouvelle saisine de la MRAE et de l'inspection des installations classées ainsi que de l'obligation de présenter une nouvelle demande de dérogation devant répondre aux conditions de l'arrêté du 19 février 2017 et dont les modalités devront permettre d'assurer le maintien dans un état de conservation favorable des espèces protégées qui seront correctement identifiées et qui conduira également à saisir à nouveau le CNPN, ces vices qui affectent l'ensemble des phases de délivrance de l'autorisation unique, sont d'une importance telle qu'ils ne peuvent faire l'objet de la régularisation en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement dans un délai plus raisonnable que la présentation d'un nouveau dossier de demande d'autorisation. Par suite, la demande de régularisation présentée par l'Etat est rejetée. 39. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2020 du préfet du Doubs. Sur les conclusions à fin d'injonction : 40. L'annulation de l'arrêté du 21 avril 2020 portant autorisation unique du parc éolien implique nécessairement l'arrêt des travaux. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux liés au projet en litige auraient débuté. Par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 41. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à chaque requérant de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... B..., M. D... C... et l'association de la ligue de protection des oiseaux et non compris dans les dépens. 42. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Communailes Sud présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : L'arrêté en date du 21 avril 2020 du préfet du Doubs est annulé. Article 2 : Les conclusions à fin de sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement présentées par l'Etat sont rejetées. Article 3 : L'Etat versera à Mme A... B..., M. D... C... et l'association Ligue de protection des oiseaux une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Les conclusions de la société Communailes Sud présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à M. D... C..., à l'association Ligue de protection des oiseaux, au préfet du Doubs, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Communailes Sud. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 20NC02164 |
CETATEXT000048424320 | J5_L_2023_11_00020NC02435 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424320.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 20NC02435, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 20NC02435 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | D4 AVOCATS ASSOCIÉS | Mme Sandra BAUER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal de Châlons-en-Champagne d'enjoindre à l'administration de lui communiquer la décision de non recevabilité de sa candidature et, le cas échéant, celle de son classement, d'annuler ces décisions et d'enjoindre à l'université de Reims Champagne-Ardenne de reprendre la procédure de recrutement. Par une ordonnance n° 1901963 du 19 juin 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande sur le fondement des 4° et 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 août 2020, M. B..., représenté par Me Guimet, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du 19 juin 2020 ; 2°) d'annuler les décisions d'irrecevabilité et de classement de sa candidature ; 3°) d'enjoindre à l'université de Reims Champagne-Ardenne de réexaminer sa candidature ; 4°) de mettre à la charge de l'université de Reims Champagne-Ardenne une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'ordonnance susvisée est irrégulière dès lors que le recours aux dispositions du 4° et du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative n'est pas justifié ; elle n'a pas procédé à l'examen de tous les moyens ni précisé en quoi ils étaient irrecevables, inopérants ou non fondés, et l'a privé de la collégialité de principe à laquelle il avait droit ; - sur le fond, les décisions litigieuses sont entachées d'un défaut de motivation ; - elles ne comportent pas de signature, ni l'indication du nom et prénom et la qualité de leur auteur ; - elles sont entachées d'erreur d'appréciation dès lors qu'il n'a pas été régulièrement informé de l'audition ; - elles sont entachées d'erreur de droit s'agissant de l'application des dispositions du décret n°84-431 du 6 juin 1984 et de l'article 9 de l'arrêté du 13 février 2015 ; - c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit à sa demande de sursis à statuer. Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2020, l'université de Reims Champagne-Ardenne, représenté par Me Dreyfus, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - faute de qualification de l'intéressé et en l'absence de dispense, sa candidature ne pouvait qu'être écartée, de sorte que l'ensemble des moyens soulevés sont inopérants ; - les décisions d'irrecevabilité et de classement de sa candidature n'ont pas été matérialisées autrement que par le courrier du 17 juillet 2019. Par un courrier du 3 octobre 2023, la cour a informé les parties de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'incompétence du tribunal administratif pour connaître de la demande en annulation des décisions attaquées, qui sont relatives au recrutement d'un professeur de l'enseignement supérieur nommé par décret du Président de la République en vertu de l'article 2 de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 et dont la contestation ressortit donc, en application du 3° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, à la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d'Etat. Par un mémoire du 10 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Guimet, a produit des observations en réponse au moyen d'ordre public. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bauer, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - et les observations de Me Michel pour l'université de Reims Champagne-Ardenne. Considérant ce qui suit : Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 1. Aux termes de l'article R. 351-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire (...) ". 2. Selon l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort (...) : 3° Des litiges concernant le recrutement et la discipline des agents publics nommés par décret du Président de la République en vertu des dispositions de l'article 13 (3e alinéa) de la Constitution et des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat (...) ". En vertu de l'article 2 de l'ordonnance du 28 novembre 1958 à laquelle il est ainsi renvoyé, les professeurs des universités sont nommés par décret du Président de la République. 3. M. B..., maître de conférences, a contesté devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne des actes se rapportant à la procédure de recrutement d'un professeur de droit sur un poste vacant de l'université de Reims Champagne-Ardenne et d'enjoindre à l'université de reprendre l'examen de sa candidature. Ainsi, en vertu du 3° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative cité ci-dessus, le présent litige relève de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif s'est reconnu compétent pour juger ce litige. Il y a donc lieu d'annuler l'ordonnance attaquée pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés et, statuant par la voie de l'évocation, de transmettre la présente requête au Conseil d'Etat. D E C I D E : Article 1er : L'ordonnance n° 1901963 du 19 juin 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Chanpagne est annulée. Article 2 : Le dossier de la requête de M. B... est transmis au Conseil d'Etat. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au président de l'université de Reims Champagne-Ardenne. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Wurtz, président, Mme Bauer, présidente-assesseure, M. Meisse, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 20NC02435 2 |
CETATEXT000048424321 | J5_L_2023_11_00020NC02758 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424321.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 20NC02758, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 20NC02758 | 3ème chambre | plein contentieux | C | M. WURTZ | SELARL LE TEMPS DES DROITS | Mme Sandra BAUER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) du Bas-Rhin à lui verser la somme de 7 200 euros, montant à parfaire au jour du jugement, au titre des primes non versées à compter du 1er septembre 2018, et de lui enjoindre de rétablir sa rémunération à hauteur de 2 800 euros par mois par intégration de la somme mensuelle de 900 euros au titre de ses primes. Par un jugement n° 1903938 du 30 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2020, M. A..., représenté par Me Rosenstiehl, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 30 juillet 2020 ; 2°) de condamner l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) du Bas-Rhin à lui verser la somme de 21 600 euros, montant à parfaire au jour de l'arrêt au titre des primes non versées à compter du 1er septembre 2018 ; 3°) d'enjoindre à cet établissement de rétablir sa rémunération à hauteur de 2 800 euros par mois par intégration de la somme mensuelle de 900 euros au titre de ses primes ; 4°) de mettre à la charge de l'EPLEFPA du Bas-Rhin une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement du tribunal est irrégulier à défaut de production de la minute de la décision dûment signée par le président de chambre, le rapporteur et le greffier d'audience ; - le tribunal a dénaturé les faits ; son poste de chargé de développement à temps plein ne constituait pas une mission spécifique supplémentaire à son poste de formateur, mais correspondait à une activité à temps plein conformément aux avenants 12 et 13 sur la base d'un forfait de 209 jours travaillés par an avec un rythme hebdomadaire de 39 heures ; la mission spécialisée de responsable des plateformes Paysage - Horticulture qui lui a été proposée à compter du 1er septembre 2018 ne lui donnait pas de droit à prime mais lui imposait une obligation de réaliser des heures supplémentaires à hauteur de 320 heures annuelles en dehors de son activité de formateur de 720 heures en face à face (soit 1 440 heures en équivalent travail administratif), de sorte que le volume de travail annuel légal était dépassé ; par ailleurs, ces propositions lui ont été transmises par un courrier recommandé du 9 septembre 2018 avec demande de réponse pour le 10 septembre 2018, de sorte qu'il n'a pu bénéficier du délai règlementaire d'un mois prévu par l'article 45-4 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ; les missions qu'il exerçait précédemment lui ont été retirées pour être réaffectées à d'autres agents recrutés en contrat de travail à durée déterminée en septembre 2018 ou sous-traitées à des prestataires extérieurs, l'EPLEFPA n'a versé aux débats aucune délibération portant suppression du poste de chargé de développement ou création du poste de chargé d'ingénierie ; les échanges de courriels avec le directeur de l'EPLEFPA mettent en évidence la pression exercée par la direction pour qu'il signe les avenants ; - il aurait dû bénéficier de la prime de fonction et de résultat (PFR) à compter de la rentrée 2018, celle-ci étant prévue par l'avenant n°13 sans la limiter à l'année scolaire en cause ou, en tout état de cause, d'une autre prime permettant de pallier une baisse significative de sa rémunération ; le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 qui a abrogé la PFR en avait prévu le remplacement par le régime indemnitaire tendant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) ; la délibération n° 16 du 17 novembre 2016 prévoit le passage de certains agents de l'EPLEFPA au régime RIFSEEP et la création d'un nouveau régime indemnitaire pour les chargés de développement ayant déjà bénéficié auparavant de la PFR ; - en plus des charges courantes, il paie mensuellement un loyer de 1 250 euros, rembourse un prêt à la consommation de 255 euros mensuels et paie des frais de scolarité à sa fille ; il se trouve placé dans une situation intolérable du fait de la perte de la prime. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2021, l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles du Bas-Rhin, représenté par Me Zimmer, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - seule la minute du jugement, conservée au dossier du tribunal, doit être signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; cette dernière a été transmise par le tribunal à la cour administrative d'appel ; - l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les faits retenus par le tribunal et qui n'ont pas été dénaturés ; il n'exerce plus les fonctions de chargé de développement, et s'agissant de ses seules fonctions initiales de formateur, aucune prime particulière ne s'y attache ; il ne bénéficiait d'aucun droit acquis au maintien des missions qui lui avaient été confiées selon les avenants 12 et 13 ; l'absence éventuelle de respect des formes réglementaires applicables conformément aux dispositions de l'article 45-4 du décret du 17 janvier 1986 s'agissant des nouvelles propositions qui lui ont été faites en 2018 ne saurait entraîner de droit au maintien de ses missions antérieures ; l'avenant 13, dont il était précisé qu'il ne s'appliquait qu'à l'année scolaire 2014/2015, n'a pas fait l'objet d'un retrait mais a été modifié par l'avenant 14, signé par l'intéressé, qui prévoit que le nouveau régime indemnitaire octroyé est exclusif de toute autre prime ou rémunération ; le régime de la PFR a été supprimé en 2014 ; le poste de chargé de mission et de développement ne figure pas en annexe de la délibération du 3 juillet 2018, de sorte qu'il est établi que le poste n'a pas été reconduit ; les fiches de poste correspondant au poste de chargé de mission développement auparavant exercé par l'intéressé et celle du chargé d'ingénierie et de développement ne sont pas équivalentes ; la circonstance selon laquelle il aurait signé les avenants 15 et 16 sous la contrainte n'est pas établie, alors en tout état de cause qu'il a signé l'avenant 14 mettant fin au régime indemnitaire institué par l'avenant 13 ; - si l'intéressé soutient que la PFR aurait été remplacée par le RIFSEEP, il ne justifie d'aucun droit acquis à sa perception et il n'exerce en tout état de cause plus de fonction ouvrant droit à une prime. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bauer, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - et les observations de Me Poinsignon pour M. A... et de Me Koromyslov pour l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles. Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été recruté par l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles ((EPLEFPA) du Bas-Rhin en qualité de formateur à plein temps, par un contrat à durée déterminée de droit public du 1er avril 2005 pour la période du 1er mars 2005 au 31 août 2005, régulièrement renouvelé depuis lors par avenant et transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2009. Par un avenant du 1er septembre 2013, l'intéressé s'est vu confier à titre temporaire de nouvelles fonctions de chargé de mission pour le développement pour l'année 2013/2014, assorties d'une prime spécifique, qui ont été reconduites jusqu'à l'année scolaire 2017/2018. M. A... a ensuite refusé une proposition d'avenant par lequel, à compter de la rentrée 2018, il reprendrait son activité de formateur et, d'autre part, assurerait les fonctions spécifiques de responsable des plateformes techniques de Paysage - Horticulture - Maraîchage, et a, de ce fait, été réintégré dans ses seules missions de formateur à plein temps définies dans son contrat initial du 1er avril 2005, entraînant la perte de sa prime spécifique d'environ 900 euros par mois et obérant ainsi sa rémunération de 32 %. Par un jugement du 30 juillet 2020, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'EPLEFPA du Bas-Rhin à lui verser la somme de 7 200 euros, montant à parfaire au jour du jugement au titre des primes non versées à compter du 1er septembre 2018, et à ce qu'il lui soit enjoint de rétablir sa rémunération à hauteur de 2 800 euros par mois par intégration de la somme mensuelle de 900 euros au titre de ses primes. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il résulte de ces dispositions que seule la minute du jugement est signée, à l'exclusion de l'ampliation délivrée aux parties. En l'espèce, la minute signée est conservée au dossier du tribunal et a été transmise à la cour. Par suite, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir d'une irrégularité du jugement attaqué sur ce point. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Si M. A... a entendu soutenir que l'EPLEFPA aurait commis une faute dans l'exécution de ses engagements contractuels en ne le reconduisant pas dans ses fonctions de chargé de mission pour le développement, il ressort des pièces du dossier que l'avenant 12, modifiant initialement les attributions de M. A... pour l'affecter sur ledit poste de chargé de mission, ainsi que l'avenant 13 qui a suivi et en a repris les dispositions, précisaient qu'ils s'appliquaient à chaque année scolaire en cours, de sorte qu'il ne peut en être inféré une reconduction tacite les années ultérieures. Il ne peut dès lors utilement être soutenu que les avenants 14 et 15 aient pu avoir pour effet de retirer ou d'abroger les précédents, chaque avenant ayant en réalité cessé de produire ses effets et étant expiré à la signature du suivant. 4. Par ailleurs, si M. A... n'a pas signé l'avenant 14, il est constant qu'il a signé l'avenant 15, sans qu'il soit justifié d'une quelconque pression de sa hiérarchie à cette fin, cet avenant ayant eu pour effet de substituer au bénéfice de la prime de fonctions et de résultat afférente au poste de chargé de mission pour le développement, par ailleurs abrogée, un nouveau régime indemnitaire, spécifiquement lié à l'exercice des fonctions de chargé de mission et excluant toute autre prime. L'intéressé ne saurait se prévaloir d'un droit acquis au RIFSEEP, aucun remplacement automatique n'étant prévu entre ce nouveau régime et celui abrogé de la PFR, et alors en tout état de cause que ce dernier s'applique de droit aux seuls fonctionnaires de l'Etat, et non aux agents contractuels. 5. Il est constant que M. A... a refusé de signer le nouvel avenant qui lui était proposé à compter du 1er septembre 2018 lui proposant, d'une part, de reprendre son activité de formateur et, d'autre part, d'assurer les fonctions spécifiques de responsable des plateformes techniques de Paysage - Horticulture - Maraîchage, modification qui lui aurait permis de bénéficier d'une nouvelle prime spécifique de nature à lui conserver sa rémunération. L'intéressé ne justifie d'aucun droit à être reconduit sur son poste de chargé de mission pour le développement, qui ne figure plus au tableau des emplois annexé à la délibération du conseil d'administration de l'établissement du 3 juillet 2018, et ne démontre pas, en tout état de cause, que le poste de " chargé d'ingénierie et de développement " s'y substituerait. 6. Il s'ensuit que l'EPLEFPA n'a ainsi pas commis une faute en replaçant M. A... dans ses fonctions de formateur à temps plein telles qu'elles résultaient de son contrat de travail initial du 1er avril 2005, et auxquelles il est constant qu'aucune prime spécifique n'est attachée. L'intéressé n'est dès lors pas fondé à revendiquer le maintien des rémunérations accessoires dont il a pu bénéficier du fait de fonctions spécifiques qu'il n'occupe plus. 7. Les circonstances par ailleurs invoquées, à les supposer établies, que les formalités règlementaires prévues par l'article 45-4 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 pour la transmission de la proposition qui lui a été faite au 1er septembre 2018 n'aient pas été respectées ou que la nouvelle proposition qui lui a été faite au 1er septembre 2018 aurait entraîné un dépassement du volume annuel légal de temps de travail sont enfin dépourvues de tout lien de causalité avec le préjudice invoqué par M. A... concernant la perte de la prime litigieuse. 8. Il résulte de tout ce qui précède que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation du préjudice invoqué, consistant dans l'absence de versement, à compter du 1er septembre 2018, des primes qui étaient attachées aux fonctions de chargé de mission pour le développement. Les conclusions de M. A... à fin d'annulation du jugement attaqué doivent, par suite, être rejetées, ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme sollicitée par l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles du Bas-Rhin en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles du Bas-Rhin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) du Bas-Rhin. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Wurtz, président, Mme Bauer, présidente-assesseure, M. Barteaux, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 20NC02758 2 |
CETATEXT000048424322 | J5_L_2023_11_00020NC02855 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424322.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 20NC02855, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 20NC02855 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | SELARL GRIMALDI-MOLINA ET ASSOCIES | Mme Sandra BAUER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler son compte-rendu d'évaluation pour l'année 2018 notifié le 26 février 2019, ensemble la décision du 27 mars 2019 portant rejet de son recours gracieux formé le 19 mars 2019 et le compte-rendu d'évaluation pour l'année 2018 comportant le visa de l'autorité territoriale. Par une ordonnance n° 1904593 du 30 juillet 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 14 décembre 2021, Mme C..., représentée par Me Grimaldi, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du 30 juillet 2020 du tribunal administratif de Strasbourg ; 2°) d'annuler le compte-rendu d'évaluation pour l'année 2018 notifié le 26 février 2019, ensemble la décision du 27 mars 2019 portant rejet de son recours gracieux formé le 19 mars 2019 et le compte-rendu d'évaluation pour l'année 2018 comportant le visa de l'autorité territoriale ; 3°) d'enjoindre à la commune de Colmar de réexaminer sa valeur professionnelle et les acquis de son expérience professionnelle pour l'année 2018, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) de condamner la commune de Colmar à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que sa demande a été rejetée pour tardiveté dès lors que l'historique d'envoi établi par les services postaux démontre que la décision en cause lui a été notifiée le 16 avril 2020 ; - les dispositions de l'article 76 de la loi n°84-53 modifiée et de l'article 2 du décret n°2014-1526 du 16 décembre 2014 ont été méconnues dans la mesure où son entretien professionnel a été mené par deux personnes, Mme B..., responsable d'une des structures dans laquelle elle avait effectué des remplacements en 2018, ainsi que Mme A..., cheffe du service petite enfance ; elle a également effectué des remplacements au sein de trois autres sites en 2018, dont les responsables n'étaient pas présents ; aucune allusion sur sa valeur professionnelle à propos de ces autres remplacements n'a été mentionnée dans le compte-rendu ; si la commune soutient que l'entretien a été mené par Mme A... en qualité de supérieure hiérarchique directe, c'est bien le nom de Mme B... qui figure en tant qu'évaluateur ; or, seule sa supérieure hiérarchique directe, qui n'est pas déterminée en l'espèce, était en droit de mener l'entretien ; - les dispositions de l'article 76 de la loi n° 84-53 modifiée et celle de l'article 6 du décret précité ont été méconnues dès lors que le compte-rendu était intégralement rédigé avant l'entretien, et n'a pas été modifié ; elle a dû signer le compte-rendu en même temps que ses évaluatrices à la fin de l'entretien et n'a pas pu rédiger d'observations ayant trait aux difficultés liées à ses conditions de travail ; par ailleurs, le visa de l'autorité territoriale est complété par une appréciation complémentaire rajoutée sur le compte-rendu d'évaluation après notification, alors que la rédaction alors en vigueur de l'article 76 précité de la loi n° 83-54 n'autorisait pas l'autorité territoriale à apposer ses propres observations au moment du visa ; - le compte-rendu d'évaluation est entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur sa valeur professionnelle dès lors qu'elle n'a jamais refusé le travail d'agent d'exécution demandé, mais a simplement relevé que celui-ci ne correspondait pas aux termes de la fiche de poste définissant les missions de l'éducateur de jeunes enfants, agent de conception et d'encadrement ; le travail d'exécution réalisé dans les autres structures n'a pas été relevé par la supérieure hiérarchique directe ; ses conditions de travail sont difficiles du fait des nombreux changements d'horaires, de lieux de travail, l'installant dans la précarité et empêchant tout travail dans la durée, et des souffrances relevées régulièrement, notamment par le médecin du travail ; Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2020, la commune de Colmar, représentée par Me Rouquet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - l'accusé de réception du courrier de rejet du recours gracieux est daté du 13 avril 2018 et ne fait aucune mention du fait que le courrier aurait été retiré à une date ultérieure ; l'historique produit aux termes duquel le courrier aurait en fait été reçu ultérieurement n'a pas été produit en première instance, de sorte que la requérante ne peut s'en prévaloir ; - l'entretien a été mené par Mme A..., cheffe du service petite enfance, supérieure hiérarchique directe de Mme C... ; aucune disposition n'interdit la présence d'une autre personne ; elle n'a été privée d'aucune garantie dans la mesure où Mme B... étant la directrice de la structure au sein duquel Mme C... a principalement exercé en 2018, elle était la personne la plus à même de porter une appréciation objective sur la qualité de son travail ; - le compte-rendu d'entretien a été notifié conformément aux dispositions de l'article 6 du décret du 16 décembre 2014 dès lors qu'aucune disposition ne prévoit un délai minimum entre l'entretien et la rédaction, puis la notification du compte-rendu ; en tout état de cause, une irrégularité éventuelle n'aurait pu exercer d'influence sur le sens de la décision ni ne l'aurait privée d'une garantie ; en effet, elle a pu s'exprimer lors de l'entretien et pouvait rédiger ses observations sur le compte-rendu avant d'y apposer sa signature, puis s'est à nouveau vu communiquer le compte-rendu visé par l'autorité territoriale ; - la circulaire du 23 avril 2012 relative aux modalités d'application du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 prévoit que l'autorité hiérarchique peut apposer ses observations sur la valeur professionnelle du fonctionnaire ; en tout état de cause, la présence de ce visa, qui ne contredit en rien les observations de la supérieure hiérarchique de l'appelante, n'a exercé aucune influence sur le sens du compte-rendu et n'a pas privé l'intéressée d'une garantie dans la mesure où il lui a été communiqué ; - pour l'appréciation de la valeur professionnelle de l'agent, rien n'interdit à l'employeur public de prendre en compte la réalisation de l'ensemble des autres tâches qui lui sont confiées, y compris lorsqu'elles relèvent d'un grade inférieur au sien ; en l'espèce, les critères retenus pour l'évaluation correspondent à ceux exigés par l'article 4 du 16 décembre 2014 ; les compétences souhaitées pour le poste d'éducatrice de jeunes enfants chargée de remplacement étaient rappelées dans la fiche de poste de la requérante que cette dernière a signée ; au regard de ces éléments, la commune a considéré que de nombreuses compétences dont l'appelante était censée faire preuve, notamment en ce qui concerne la manière de servir et l'efficacité dans l'emploi, étaient encore à consolider ou à développer et a ainsi retenu un défaut d'investissement dans ses missions ; Mme C... ne produit aucun élément de nature à démontrer une erreur manifeste d'appréciation sur ce point, ni ne justifie de la difficulté alléguée de ses conditions de travail. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ; - le décret n°2014-1526 du 16 décembre 2014 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bauer, - et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme D... C..., éducatrice de jeunes enfants chargée de remplacements au sein du service de la petite enfance de la commune de Colmar, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le compte-rendu d'évaluation professionnelle dont elle a fait l'objet le 26 février 2019 au titre de l'année 2018 et d'enjoindre à la commune de réexaminer sa valeur professionnelle au titre de cette année. Par une ordonnance du 30 juillet 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande pour tardiveté. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; ". Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / (...) ". Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé. 3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a formé un recours gracieux contre le compte-rendu de son évaluation au titre de l'année 2018 par un courrier du 19 mars 2019, lequel a suspendu le délai de recours jusqu'à la notification de la décision de rejet expresse édictée par le maire de la commune de Colmar le 27 mars 2019. Si la commune produit l'avis de réception de l'envoi en recommandé de cette décision, mentionnant que le pli a été présenté le 13 avril 2019 sans comporter la date explicite à laquelle il été notifié à l'intéressée, la requérante produit pour sa part l'historique d'envoi de cette lettre recommandée établi par les services postaux et faisant état d'une notification le 16 avril 2019, la circonstance que ce document ait été produit pour la première fois en appel alors que l'intéressée aurait été en mesure de le transmettre au tribunal administratif étant sans incidence sur sa recevabilité. Dans ces conditions et alors que la commune ne conteste pas les mentions portées sur cet historique, l'administration n'établit pas que la décision attaquée a été notifiée à la date du 13 avril 2019 et, par suite, que la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2019 est tardive. Il s'ensuit que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que sa demande a été rejetée comme irrecevable par ordonnance sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. 4. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par la requérante en première instance. Sur les conclusions à fin d'annulation : 5. Aux termes de l'article 76 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée, dans sa rédaction applicable au litige : " L'appréciation, par l'autorité territoriale, de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct qui donne lieu à l'établissement d'un compte rendu. Les commissions administratives paritaires ont connaissance de ce compte rendu ; à la demande de l'intéressé, elles peuvent demander sa révision. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct (...) ". Aux termes de l'article 5 du même texte : " Le compte rendu de l'entretien, établi et signé par le supérieur hiérarchique direct, comporte une appréciation générale littérale exprimant la valeur professionnelle du fonctionnaire au regard des critères fixés à l'article 4. ". 6. La fiche de poste de la requérante précise que cette dernière effectue des remplacements au sein de diverses structures d'accueil de la petite enfance de la commune de Colmar, sous l'autorité des directeurs de structure à qui il appartient de définir les actions attendues au sein de l'établissement, et que Mme C... agit sous l'autorité de la cheffe du service de la petite enfance. Or il ressort des pièces du dossier que son entretien d'évaluation, s'il a bien été effectué en présence de la cheffe de service, a été conduit par la responsable de l'une des structures dans lesquelles la requérante a été amenée à effectuer un remplacement au titre de l'année 2018, et qui ne pouvait donc, pour l'application des dispositions précitées, au regard de la diversité des fonctions de remplacement effectuées par l'intéressée, être regardée comme le supérieur hiérarchique direct de la requérante nonobstant la circonstance que Mme C... aurait été affectée dans la structure dirigée par la personne qui a réalisé son évaluation la majeure partie de l'année 2018. L'évaluation a ainsi été menée dans des conditions irrégulières, selon la seule appréciation d'une responsable de structure, ce qui a privé Mme C... de la garantie d'un examen global de son service au vu de l'intégralité des tâches de remplacement effectuées et a été de nature à exercer une influence sur le sens de l'évaluation. Elle doit, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés, être annulée. Sur les conclusions à fin d'injonction : 7. Le motif d'annulation retenu implique qu'il soit enjoint à la commune de Colmar de procéder au réexamen de la valeur professionnelle de la requérante au titre de l'année 2018 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la commune de Colmar au titre des frais exposés qui ne sont pas compris dans les dépens. 9. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Colmar une somme de 2 000 euros à verser à la requérante au titre de ces mêmes frais. D E C I D E : Article 1er : L'ordonnance du président de la première chambre du tribunal administratif de Strasbourg du 30 juillet 2020 est annulée. Article 2 : L'évaluation professionnelle de Mme C... au titre de l'année 2018 est annulée. Article 3 : Il est enjoint à la commune de Colmar de procéder au réexamen de la valeur professionnelle de Mme C... au titre de l'année 2018 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : La commune de Colmar versera à Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Les conclusions de la commune de Colmar tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et à la commune de Colmar. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Wurtz, président, Mme Bauer, présidente-assesseure, M. Meisse, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN 2 N° 20NC02855 |
CETATEXT000048424323 | J5_L_2023_11_00020NC02919 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424323.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 20NC02919, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 20NC02919 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | SELARL JEAN PHILIPPE DEVEVEY | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision par laquelle le président de l'université de Franche-Comté a implicitement refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que la décision du 20 décembre 2017 rejetant son recours gracieux et de condamner l'université de Franche-Comté à réparer le préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison du harcèlement moral dont elle déclare avoir été victime. Par un jugement n° 1800313 du 6 août 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 6 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me Devevey, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 6 août 2020 ; 2°) d'annuler la décision par laquelle le président de l'université de Franche-Comté a implicitement refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que la décision du 20 décembre 2017 rejetant son recours gracieux ; 3°) d'enjoindre à l'université de Franche Comté de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ; 4°) de mettre à la charge de l'université le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient être victime de harcèlement moral de la part de ses collègues agrégés et aurait dû bénéficier à ce titre de la protection fonctionnelle de l'université de Franche-Comté. Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2021, l'université de Franche Comté représentée par Me Ciaudo conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par un mémoire en intervention, enregistré le 5 mai 2021, la Fédération des syndicats Sud Education, représentée par Me Renard, demande que la cour fasse droit aux conclusions de la requête. En réponse à une demande de pièces de la cour, l'université a communiqué les comptes rendus des états de services de Mme A... le 22 septembre 2023. Un mémoire produit le 23 juin 2022 par Mme A... n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 ; - le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ; - le décret n° 93-461 du 25 mars 1993 ; - le code de l'éducation ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Mme A... et celles de Me Devevey, son conseil. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., professeure certifiée et enseignante du second degré affectée à l'université de Franche-Comté depuis le 1er septembre 1994, a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle le 28 juin 2017 qui lui a été expressément refusé par une décision du 20 décembre 2017. Mme A... fait appel du jugement du 6 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur l'intervention de la fédération des syndicats SUD Education : 2. Eu égard à son objet de défense des intérêts professionnels et économiques et des droits matériels et moraux des salarié et membres de l'éducation nationale, la fédération des syndicats Sud Education justifie d'un intérêt à intervenir au soutien du recours en annulation de Mme A... à l'encontre de la décision par laquelle le président de l'université de Franche-Comté a implicitement refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par suite, son intervention est admise. Sur le bien-fondé du jugement : 3. Aux termes de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " I. - A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ". Aux termes de l'article 6 quinquies de cette même loi : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". 4. D'une part, ces dispositions établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, notamment en cas de diffamation, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances. 5. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe ensuite à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Enfin, la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. 6. En premier lieu, Mme A... soutient avoir subi depuis 2008 des agissements constitutifs selon elle de harcèlement moral de la part de ses collègues de l'unité de formation et de recherche (UFR) des sciences du langage, de l'homme et de la société (SLHS) du département d'histoire de l'université de Franche-Comté qui ont entrainé une souffrance au travail et des arrêts de travail et qui se révèlent dans la diminution de ses heures de cours la mettant en sous-service par rapport à ses collègues, son éviction de ses fonctions de responsable de la formation histoire ancienne en 2013 à la suite d'une modification des statuts de ce département, sa mise à l'écart par les professeurs enseignant les cours magistraux dans l'organisation des examens et le contenu des cours, l'affectation d'un nombre supérieur de corrections de copies, le blocage du directeur de l'UFR à sa demande d'inscription sur la liste d'aptitude pour accéder au grade d'agrégé en 2008 et la remise en cause constante de ses compétences par ses collègues. 7. Il ressort des pièces du dossier que même si Mme A... dont le service complet s'élève à 384 heures annuelles, a connu une diminution de ses heures de cours pour la seule année universitaire 2007/2008, celle-ci est justifiée par la suppression d'un groupe de travaux dirigés et de deux enseignements de troisième année de licence et de manière générale par le sureffectif d'enseignants affectés au département. En outre, il n'est pas établi qu'elle ait été mise à l'écart de l'organisation des examens et n'ait pas eu accès au contenu des cours magistraux pour lesquels elle était chargée de travaux dirigés ni qu'elle aurait eu un nombre supérieur de copies à corriger malgré la circonstance que certains enseignants-chercheurs estiment que cela relève de leur bon vouloir et non d'une répartition équitable. 8. En second lieu, même si l'avis défavorable à l'accession de Mme A... au grade d'agrégée par liste d'aptitude émis en 2008 par l'un des trois enseignants incriminés, alors qu'il était directeur de l'UFR et qui a été modifié par la suite par le recteur de l'académie de Besançon en un avis sans opposition, révèle une position de principe de rejet des enseignants souhaitant accéder à l'agrégation par cette voie, il ne constitue pas pour autant un fait révélateur d'une situation de harcèlement moral. De la même sorte, la décision, prise en 2013 par les membres du département d'histoire, de modifier les conditions d'accès aux fonctions de responsable de licence et de les réserver aux enseignants chercheurs qui a eu pour conséquence de démettre Mme A... de ses fonctions de responsable de licence qu'elle exerçait depuis deux ans, résulte d'une décision relative à l'organisation de ce département, adoptée collégialement, et ne révèle pas plus une volonté d'évincer personnellement Mme A..., pour des motifs étrangers à l'intérêt du service. Enfin, si une altercation a eu lieu en juillet 2013 entre Mme A... et l'un des enseignants, qui a conduit à l'absence de Mme A... pour raison de santé et à la reconnaissance par l'université d'un accident de service, ce fait n'est pas suffisant à lui seul pour reconnaitre l'existence d'une situation de harcèlement moral, en dépit des effets néfastes que cet incident a pu avoir sur la santé de Mme A.... 9. Dans ces conditions, s'il est incontestable que les relations de travail entre Mme A... et ses collègues enseignants-chercheurs n'étaient pas toujours satisfaisantes et épanouissantes, celle-ci ne peut toutefois pas être regardée comme apportant un faisceau d'indices suffisamment probants pour permettre de considérer comme au moins plausible une situation de harcèlement moral dont elle s'est dit victime de la part de ces derniers, de telle sorte que le refus du président de l'université de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à ce titre n'est entaché d'aucune erreur d'appréciation. 10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le président de l'université de Franche-Comté a implicitement refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que la décision du 20 décembre 2017 rejetant son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sont également rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'université de Franche-Comté et non compris dans les dépens. 12. Il n'y a pas lieu non plus de faire droit à la demande présentée par Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : L'intervention de la Fédération Sud Education est admise. Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée. Article 3 : Les conclusions de l'université de Franche-Comté présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A..., à la Fédération des syndicats Sud Education, à l'université de Franche Comté et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023 . La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 20NC02919 |
CETATEXT000048424324 | J5_L_2023_11_00020NC03583 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424324.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 20NC03583, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 20NC03583 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | ADVEN AVOCATS | M. Stéphane BARTEAUX | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'EARL du Bruehli a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 18 décembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Witternheim a approuvé le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section 4 n° 20, 21, 22 et 131 en secteur Aam. Par un jugement n° 1903090 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 décembre 2020 et le 14 janvier 2022, l'EARL du Bruehli, représentée par Me Gillig, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2020 ; 2°) d'annuler la délibération du 18 décembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Witternheim a approuvé le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section 4 n° 20, 21, 22 et 131 en secteur Aam ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Witternheim la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le classement en secteur Aam d'une partie de son exploitation, située sur les parcelles cadastrées section 4 n° 20, 21, 22 et 131, repose sur des faits matériellement inexacts et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des orientations du projet d'aménagement et de développement durables et de ses effets sur la capacité de développement de son site d'élevage ; - le règlement du secteur Aam méconnaît les dispositions des articles L. 151-8 et L. 101-3 du code de l'urbanisme dès lors qu'il plafonne le cheptel d'élevage et est étranger aux objectifs de la réglementation des sols. Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 juillet 2021 et le 1er février 2022, la commune de Witternheim, représentée par Mes Dangel et Marcantoni, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, subsidiairement à ce qu'il soit sursis à statuer pour permettre une régularisation du plan local d'urbanisme en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, et demande que la somme de 3 000 euros hors taxes soit mise à la charge de l'EARL du Bruehli en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Barteaux, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - les observations de Me Koromyslov pour l'EARL du Bruehli et de Me Dangel pour la commune de Witternheim. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 22 novembre 2010, le conseil municipal de la commune de Wittternheim a prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme de la commune. A l'issue de l'enquête publique qui s'est déroulée du 8 octobre au 9 novembre 2018, le conseil municipal a approuvé, par une délibération du 18 décembre 2018, le plan local d'urbanisme de la commune. L'EARL du Bruehli, propriétaire de parcelles qui sont le siège de son exploitation agricole, demande l'annulation du jugement du 15 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération du 18 décembre 2018 approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section 4 n° 20, 21, 22 et 131 en secteur Aam. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". Aux termes de l'article L. 101-3 du même code : " La réglementation de l'urbanisme régit l'utilisation qui est faite du sol, en dehors des productions agricoles, notamment la localisation, la desserte, l'implantation et l'architecture des constructions. (...) ". 3. Il résulte du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Witternheim qu'au sein de la zone A, ses auteurs ont créé un secteur Aam au sein duquel sont autorisés " les extensions des constructions existantes, les bâtiments de stockage et les installations directement liées à l'exploitation agricole et uniquement dans le cadre de leur mise aux normes, y compris pour les bâtiments d'élevage, à condition que le cheptel reste à effectif constant tel qu'autorisé par l'arrêté préfectoral pris en application du régime des ICPE ". 4. Le règlement afférent au secteur Aam, bien qu'il ait été adopté pour permettre à l'exploitation requérante de mettre aux normes ses installations tout en préservant les habitants de la commune d'une aggravation des nuisances susceptibles d'être générées par son activité d'élevage porcin, a pour effet de réglementer les modalités d'exercice de son exploitation et méconnaît dès lors les dispositions précitées de l'article L. 101-3 du code de l'urbanisme. Compte tenu de l'illégalité du règlement du secteur Aam, la requérante est fondée à soutenir que le classement d'une partie des parcelles cadastrées section 4 n° 20, 21, 22 et 131 dans ce secteur est illégal. 5. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la délibération en litige. 6. Il résulte de tout ce qui précède que l'EARL du Bruehli est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 18 décembre 2018 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de de Witternheim en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section 4 n° 20, 21, 22 et 131 en secteur Aam. Sur les conclusions à fin de sursis à statuer en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : 7. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre (...) un plan local d'urbanisme (...), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes: / 1° En cas d'illégalité autre qu'un vice de forme ou de procédure, pour (...) les plans locaux d'urbanisme, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité est susceptible d'être régularisée par une procédure de modification (...). / Si la régularisation intervient avant le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ". 8. La commune de Witternheim sollicite, dans l'éventualité d'une illégalité de la délibération en litige, que la cour prononce un sursis à statuer pour lui permettre de régulariser le plan local d'urbanisme sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme. Toutefois, eu égard au motif d'annulation partielle de cette délibération et à sa portée, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions. Sur les frais de l'instance : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EARL du Bruehli, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande la commune de Witternheim au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Witternheim une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'EARL du Bruehli et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2020 est annulé. Article 2 : La délibération du conseil municipal de Witternheim du 18 décembre 2018 est annulée en tant qu'elle approuve le classement en secteur Aam d'une partie des parcelles cadastrées section 4 n° 20, 21, 22 et 131. Article 3 : La commune de Witternheim versera à l'EARL du Bruehli la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Witternheim au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié sera notifié à l'EARL du Bruehli et à la commune de Witternheim. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Barteaux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : S. BARTEAUXLe président, Signé : Ch. WURTZLe greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 20NC03583 2 |
CETATEXT000048424325 | J5_L_2023_11_00020NC03776 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424325.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 20NC03776, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 20NC03776 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | SCP ARVIS & KOMLY-NALLIER | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 29 mai 2019 par laquelle la commune de... a retiré son contrat à durée déterminée renouvelé pour la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2022 et l'a radiée des effectifs à compter du 14 juin 2019 et d'enjoindre à la commune de ... de la réintégrer dans ses fonctions, dans un délai d'un mois courant à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un jugement n° 1905971 du 23 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, respectivement enregistrés le 23 décembre 2020 et le 27 octobre 2022, Mme A..., représentée par Me Arvis, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 octobre 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 29 mai 2019 par laquelle la commune de ... a retiré son contrat à durée déterminée renouvelé pour la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2022 et l'a radiée des effectifs à compter du 14 juin 2019 ; 3°) d'enjoindre à la commune de ... de la réintégrer dans ses fonctions, dans un délai d'un mois courant à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de la commune de ... le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la procédure méconnaît le principe du contradictoire dès lors que le délai de réponse de deux jours ouvrés accordé pour répondre au moyen susceptible d'être relevé d'office communiqué le vendredi 9 octobre 2020 pour l'audience du mardi 13 octobre 2020 était insuffisant alors même que le 12 octobre 2020, son conseil avait demandé le renvoi de l'audience en raison de ce délai insuffisant ; - le jugement est insuffisamment motivé quant à la réponse apportée au moyen tiré du détournement de pouvoir ; - la décision attaquée du 29 mai 2019 est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors que son contrat de travail lui a été retiré en raison de sa condamnation pénale et non de sa qualité de fonctionnaire territoriale ; - le jugement méconnaît l'autorité de la chose jugée de l'arrêt n°17VE00325 et n°17VE00327 du 12 décembre 2019 qui juge que Mme A... a été radiée des effectifs de la commune de... depuis le 1er février 2012 et de la commune de... depuis le 10 février 2012 ; - la décision attaquée du 29 mai 2019 est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas eu droit à la communication personnelle et confidentielle de son dossier administratif demandé le 27 mai 2019 ; - à titre subsidiaire, elle méconnaît l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que son recrutement n'était pas illégal et que le délai de quatre mois était dépassé ; - en tout état de cause, Mme A... pouvait être recrutée en qualité de contractuelle malgré son statut de fonctionnaire dès lors qu'elle n'est plus affectée à un emploi. Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2021 la commune de ... représentée par Me Jeandon conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des relations entre le public et l'administration, - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, - la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Jeandon, représentant la commune de .... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., fonctionnaire territoriale titulaire du grade de rédacteur en chef, a été recrutée à compter du 1er février 2016 sur contrat à durée déterminée de trois ans sur les fonctions de responsable du service financier de la ville de ..., renouvelé le 1er février 2019 pour une nouvelle durée de trois ans. Par un arrêté du 29 mai 2019, notifié le 3 juin, la ville a retiré son contrat et a mis fin à ses fonctions à compter du 14 juin 2019. Mme A... fait appel du jugement du 23 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ". 3. Ces dispositions, qui sont destinées à provoquer un débat contradictoire sur les moyens que le juge doit relever de sa propre initiative, impliquent que le délai accordé aux parties pour répondre au moyen communiqué soit raisonnable. 4. En l'espèce, la lettre de communication du vendredi 9 octobre 2020 informant les parties que le tribunal était susceptible de relever d'office un moyen, reçu par l'avocat de Mme A... à 12 h 18 le même jour, mentionne que des observations peuvent être présentées jusqu'à la date de l'audience, le mardi 13 octobre 2020. Toutefois, le tribunal administratif n'a finalement pas retenu ce moyen dans le jugement attaqué. Au surplus, même si le conseil de Mme A... a adressé un courrier au tribunal le 12 octobre 2020 sollicitant le renvoi du dossier à une autre audience, il n'a pas jugé utile de présenter des observations écrites et orales. Par suite, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité. 5. En second lieu, aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient la requérante, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation en écartant le moyen tiré du détournement de pouvoir soulevé par Mme A... en indiquant que ce détournement n'était pas établi. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 6. D'une part, aux termes de l'article 7 de la loi du 26 janvier 1984 " Les fonctionnaires territoriaux ont vocation à occuper les emplois de la fonction publique territoriale. ", de l'article 25 de cette même loi " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade. ". Par ailleurs, il résulte de l'article 25 de la loi du 26 janvier 1984 que " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. " et de l'article 25 septies que " I.- Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article ". 7. D'autre part, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision " et l'article 241-2 de ce même code : " Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré. ". 8. Il résulte de ces dispositions qu'un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits. Ainsi, l'autorité compétente pour le prendre peut en conséquence le retirer ou l'abroger alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré. Toutefois, dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à un fonctionnaire d'informer de certains éléments la collectivité publique auprès de laquelle il postule, il ne peut être regardé comme ayant commis une fraude en n'en faisant pas état. 9. D'une part, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire une obligation d'informer son futur employeur public de son statut de fonctionnaire lors de sa candidature à un emploi contractuel. D'autre part, les nombreux contentieux engagés par Mme A... depuis 2014 avec d'autres collectivités publiques qui se sont clos définitivement par la décision de la cour administrative d'appel de Versailles du 17 juillet 2023 et qui ont donné lieu à des décisions divergentes sur son statut, révèlent des incertitudes sur sa situation administrative et statutaire lors de la présentation de sa candidature et la difficulté à en faire mention alors qu'en outre elle n'était plus affectée sur aucun poste dans son administration d'origine depuis le 1er février 2012. Par suite, la fraude fondée sur un manquement à une obligation d'information sur sa qualité de fonctionnaire n'est pas caractérisée. 10. En l'espèce, la décision portant renouvellement de son contrat à durée déterminée pour une durée de trois ans signée le 28 novembre 2018 a été retirée au-delà du délai de quatre mois prévu à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration par la décision attaquée du 29 mai 2019, notifiée le 3 juin suivant et n'est pas justifiée par l'existence d'une fraude. Par suite, la décision attaquée est illégale et est annulée. 11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 mai 2019. Sur les conclusions à fin d'injonction de la réintégrer dans ses fonctions : 12. L'annulation d'une décision évinçant illégalement un agent public implique, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, outre la réintégration juridique rétroactive de cet agent à la date de la décision d'éviction illégale, entraînant la régularisation de ses droits sociaux, sa réintégration effective dans l'emploi qu'il occupait avant son éviction illégale ou dans un emploi équivalent à celui-ci. Toutefois, si l'annulation du licenciement d'un agent contractuel implique en principe la réintégration de l'intéressé à la date de son éviction, cette réintégration doit être ordonnée sous réserve de l'examen de la date à laquelle le contrat aurait normalement pris fin si la mesure d'éviction illégale n'était pas intervenue. 13. Il résulte de ce qui précède que l'annulation de la décision du 29 mai 2019 par laquelle la commune de ... a retiré le contrat à durée déterminée de Mme A... n'implique pas sa réintégration effective dans ses fonctions dès lors que son contrat aurait pris fin le 31 janvier 2022. Par suite ses conclusions à fin d'injonction tendant à sa réintégration dans ses fonctions sont rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de ... la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de ... une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n°1905971 du 23 octobre 2020 du tribunal administratif de Strasbourg et la décision du 29 mai 2019 par laquelle la commune de ... a retiré le contrat à durée déterminée du 1er février 2019 au 31 janvier 2022 conclu avec Mme A... et l'a radiée des effectifs à compter du 14 juin 2019 sont annulés. Article 2 : La commune de ... versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de ... sur le fondement de l'article L. 761-1 sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de .... Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - Mme Peton, première conseillère, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 20NC03776 |
CETATEXT000048424326 | J5_L_2023_11_00021NC00044 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424326.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 21NC00044, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC00044 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | DSC AVOCATS TA | Mme Sandra BAUER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... A... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Besançon du 13 mai 2019 leur délivrant un certificat d'urbanisme négatif concernant une opération de construction d'une maison individuelle sur une parcelle de terrain cadastrée section OS n° 50, chemin des Champs à Besançon. Par un jugement n° 1901245 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2021, M. A... et Mme C..., représentés par Me Garot, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 12 novembre 2020 ; 2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Besançon du 13 mai 2019 leur délivrant un certificat d'urbanisme négatif concernant une opération de construction d'une maison individuelle sur une parcelle de terrain cadastrée section OS n° 50, chemin des Champs à Besançon ; 3°) d'enjoindre au maire de la commune de Besançon de leur délivrer le certificat d'urbanisme sollicité ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Besançon une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'arrêté attaqué ne prévoit pas, dans son dispositif, la notification aux intéressés par lettre recommandée avec accusé de réception et ne les informe pas des voies et délais de recours ; - il n'a pas été notifié à Mme C..., propriétaire indivis ; - le certificat d'urbanisme négatif est injustifié et entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; la commune avait elle-même envisagé de préempter le terrain en cause pour y construire des logements sociaux ; cette zone classée 2AU-H est déjà urbanisée, il s'agit d'une zone pavillonnaire dans laquelle des autorisations de construire ont été accordées, de sorte que le refus opposé est discriminatoire ; la parcelle en cause est contiguë de la zone construite et en serait le prolongement naturel, son inclusion ne portant par ailleurs pas atteinte aux paysages et à l'environnement ; la soumission à une modification du plan local d'urbanisme ne peut davantage le justifier, non plus que le classement envisagé en zone naturelle qui est hypothétique. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2021, la commune de Besançon, représentée par Me Suissa, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bauer, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - et les observations de Me Naudin pour la commune de Besançon. Considérant ce qui suit : 1. Le 18 mars 2019, M. A... et Mme C..., propriétaires d'un terrain d'une superficie de 2 500 m² cadastré OS n° 50, situé sur le territoire de la commune de Besançon, ont sollicité la délivrance d'un certificat d'urbanisme, sur le fondement du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, concernant une opération de construction d'une maison individuelle. Par un arrêté du 13 mai 2019, le maire de Besançon leur a délivré un certificat d'urbanisme opérationnel négatif. Par un jugement du 12 novembre 2020, dont les intéressés relèvent appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. En premier lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, il convient d'écarter comme inopérants les moyens tirés du défaut de mention dans le dispositif de l'arrêté litigieux de sa notification par lettre recommandée avec accusé de réception, du défaut d'indication des voies et délais de recours et de l'absence de notification personnelle de cette décision à Mme C.... 3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la parcelle des requérants cadastrée OS n° 50 est classée en zone 2AU-H du plan local d'urbanisme de Besançon, dans sa version alors applicable du 26 octobre 2018. Il résulte du règlement du plan local d'urbanisme que l'urbanisation des zones 2AU est conditionnée " à une procédure de modification ou une révision du document d'urbanisme ". L'article AU2 du même règlement fixe par ailleurs les prescriptions relatives aux occupations et utilisations du sol dans l'attente d'une telle évolution du document d'urbanisme et n'autorise, s'agissant des constructions à destination d'habitation, que les travaux d'extension et d'aménagement des constructions existantes. 4. Il est constant qu'aucune procédure de modification ou de révision du plan local d'urbanisme de Besançon n'avait été mise en œuvre, à la date de l'arrêté attaqué, dans la zone " 2AU-H Torcols " où se situe la parcelle des requérants. Il résulte de l'instruction que le maire de la commune de Besançon aurait pris la même décision de délivrance aux intéressés d'un certificat d'urbanisme négatif en se fondant sur ce seul motif, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la réalité et la validité d'un second motif tenant à un classement futur de la parcelle en zone N. 5. La circonstance que la commune ait envisagé, en 2015, d'user de son droit de préemption afin de construire des logements dans cette zone est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors notamment que l'arrêté portant exercice du droit de préemption a été retiré en mars 2016 du fait de l'abandon de ce projet et que le classement de la parcelle en cause n'a pas été modifié. Les requérants ne sauraient davantage arguer de la méconnaissance du principe d'égalité en faisant valoir que des autorisations individuelles d'urbanisme ont été délivrées concernant des constructions déjà existantes, ces autorisations ayant été délivrées conformément aux dispositions susmentionnées de l'article AU2 du règlement du PLU, alors que leur propre projet visait une construction initiale. 6. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 13 mai 2019 attaqué présentées par M. A... et Mme C.... Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Besançon, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demandent M. A... et Mme C... au titre des frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. 9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... et Mme C... une somme à verser à la commune de Besançon au titre de ces mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... et Mme C... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Besançon relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme B... C... et à la commune de Besançon. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Wurtz, président, Mme Bauer, présidente-assesseure, M. Meisse, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 21NC00044 2 |
CETATEXT000048424327 | J5_L_2023_11_00021NC00530 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424327.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 21NC00530, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC00530 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES | Mme Sandra BAUER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la fiche de poste du 9 juillet 2019 valant affectation pour l'année scolaire 2019/2020 et d'enjoindre à l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) du Bas-Rhin de l'affecter sur un poste correspondant à ses compétences professionnelles. Par un jugement n° 1905535 du 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 23 février 2021, le 13 février 2023, le 21 avril 2023 et le 21 mai 2023, M. A..., représenté par Me Rosenstiehl, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 22 janvier 2021 ; 2°) d'annuler la fiche de poste du 9 juillet 2019 valant affectation pour l'année scolaire 2019/2020 ; 3°) de mettre à la charge de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole du Bas-Rhin une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement du tribunal est irrégulier à défaut de production de la minute de la décision dûment signée par le président de chambre, le rapporteur et le greffier d'audience ; - c'est à tort que le tribunal a considéré l'acte attaqué comme une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours ; - elle porte atteinte à ses droits et prérogatives dans la mesure où elle prévoit que l'intéressé devra réaliser des heures au centre de formation des apprentis (CFA) alors qu'il a été embauché par contrat en 2005 au centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) ; ces deux centres sont bien des entités distinctes dans leur mission, leur fonctionnement et leur financement au sens de l'article 4 du décret n°2014-940 du 20 août 2014, de sorte que son accord était nécessaire pour intervenir dans un autre centre et l'EPLEFPA aurait dû justifier de l'absence d'heures d'enseignements disponibles au CFPPA ; les différences de conditions de travail entre le CFA et le CFPPA sont significatives en termes de volume annuel de travail, d'horaires de travail et de pose de congés pendant les vacances scolaires ; par ailleurs, le fait de devoir partager son service entre plusieurs établissements engendre des difficultés organisationnelles, ce qui implique d'autant plus son accord ; - elle porte atteinte à ses responsabilités et à sa rémunération ; il a perdu des attributions et des perspectives de carrière compte tenu de la perte de son poste de chargé de mission développement et de la perte de la coordination de deux diplômes, le brevet professionnel Aménagements paysagers et le brevet professionnel agricole ; l'inclusion dans la fiche de poste de missions dans les deux centres, qui ne disposent pas des mêmes quotités de travail, a pour conséquence de créer une différence de rémunération des heures réalisées ; - la mesure contestée traduit une sanction à son encontre, du fait de ses relations détériorées avec la direction, et a pour objet de l'écarter de ses responsabilités et de ses fonctions en lien avec ses compétences professionnelles. Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 juin 2021, le 12 avril 2023, le 4 mai 2023 et le 9 juin 2023, l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole du Bas-Rhin, représenté par Me Zimmer, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - seule la minute du jugement doit être signée à l'exclusion de l'ampliation transmise aux parties ; - M. A... a été recruté en qualité de formateur, fonctions auxquelles correspond parfaitement la fiche de poste contestée ; la seule circonstance qu'il intervienne à la fois devant des étudiants de CFA et de CFPPA est sans incidence et ne caractérise pas une modification de sa situation administrative ; il s'agit de deux composantes de la même entité juridique, l'EPLEFPA du Bas-Rhin, de sorte qu'ils ne peuvent être considérés comme des établissements distincts, pour lesquels l'activité de formateur est la même ; son obligation de temps de service n'a pas été modifiée, non plus que le nombre de semaines durant lesquelles il peut être amené à intervenir en face à face pédagogique, soit 40 semaines ; enfin, les périodes de congés payés sont communes entre les deux centres et la seule circonstance que le fonctionnement du service influe sur la prise des jours de congés payés par M. A..., notamment en tenant compte des périodes de congés scolaires, est sans emport sur la situation administrative de l'intéressé ; - la fiche de poste n'emporte pas diminution de ses responsabilités ; la fonction de chargé de mission développement a été exercée uniquement de 2013 à 2018 ; l'intéressé n'a pas contesté sa nouvelle affectation de formateur pour l'année 2018/2019 qui est devenue définitive, et la fiche de poste pour l'année scolaire 2019/2020 n'a pas modifié les attributions sur cette mission ; le retrait de la mission " coordination du dispositif du brevet professionnel agricole (BPA) " n'entraîne pas de diminution des responsabilités et n'a pas d'incidence en termes de rémunération ; pour l'année 2019/2020, M. A... a été positionné sur d'autres missions pédagogiques hors face à face en lien avec l'animation et le suivi du dispositif Agrimov (public adulte en insertion) et en lien avec le suivi et l'animation de la FOAD (formation ouverte à distance) ; - l'accomplissement d'heures de formation devant un public d'apprentis de CFA et d'adultes en formation continue rattachés au CFPPA implique exactement la même rémunération ; son contrat de travail n'a nullement été modifié sur ce point ; la critique de l'intéressé porte en réalité sur l'absence de versement de la prime affectée à la fonction de chargé de mission développement, qu'il n'exerce plus depuis l'année scolaire 2018/2019 ; - la fiche de poste contestée ne saurait davantage s'analyser comme une sanction dès lors que les tâches qui lui sont confiées relèvent strictement et exclusivement de l'intérêt du service. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bauer, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - et les observations de Me Poinsignon pour M. A... et de Me Koromyslov pour l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles. Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été recruté par l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles ((EPLEFPA) du Bas-Rhin en qualité de formateur à plein temps, par un contrat à durée déterminée de droit public du 1er avril 2005 pour la période du 1er mars 2005 au 31 août 2005, régulièrement renouvelé depuis lors par avenant et transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2009. Par un avenant du 1er septembre 2013, l'intéressé s'est vu confier, à titre temporaire, de nouvelles fonctions de chargé de mission pour le développement pour l'année 2013/2014, assorties d'une prime spécifique, qui ont été reconduites jusqu'à l'année scolaire 2017/2018. M. A... a ensuite refusé une proposition d'avenant par lequel, à compter de la rentrée 2018, il reprendrait son activité de formateur et, d'autre part, assurerait les fonctions spécifiques de responsable des plateformes techniques de Paysage - Horticulture - Maraîchage, et a, de ce fait, été réintégré dans ses seules missions de formateur à plein temps définies dans son contrat initial du 1er avril 2005, entraînant la perte de sa prime spécifique d'environ 900 euros par mois. Par un courrier du 21 mai 2019, l'intéressé a demandé à l'EPLEFPA de le réintégrer sur un poste correspondant à ses compétences professionnelles à la rentrée 2019/2020. Par un courrier du 9 juillet 2019, l'EPLEFPA a communiqué à l'intéressé sa fiche de poste valant affectation pour la rentrée 2019/2020, soit un poste de formateur à temps plein comme en 2018/2019. Par un jugement du 22 janvier 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevables ses conclusions à fin d'annulation de cette fiche de poste. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il résulte de ces dispositions que seule la minute du jugement est signée, à l'exclusion de l'ampliation délivrée aux parties. En l'espèce, la minute signée est conservée au dossier du tribunal et a été transmise à la cour. Par suite, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir d'une irrégularité du jugement attaqué sur ce point. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable. 4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été engagé en qualité de formateur à temps complet auprès de l'EPLEFPA. Ainsi qu'il a été dit par un arrêt de la cour n° 20NC02758 de ce jour, il ne bénéficiait d'aucun droit à reconduction dans ses fonctions de chargé de mission pour le développement, ni d'aucun droit au maintien de la prime afférente. L'EPLEFPA a ainsi pu à bon droit le replacer dès la rentrée scolaire 2018/2019 dans ses seules fonctions de formateur à temps plein telles qu'elles résultaient de son contrat de travail initial du 1er avril 2005, affectation que l'intéressé n'a au demeurant pas contestée. Il est constant que la fiche de poste en litige valant affectation pour la rentrée scolaire 2019/2020 le maintient dans ces mêmes fonctions de formateur à temps plein au centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) et au centre de formation des apprentis (CFA). 5. Si l'article 3 de son contrat de travail initial précise qu'il exercera son activité sous l'autorité du directeur du CFPPA pour assurer les tâches liées à des formations d'insertion, il est constant que le CFPPA et le CFA sont tous deux des composantes de l'EPLEFPA dont ils ne constituent pas des entités juridiques distinctes. Dès lors, la seule circonstance que la fiche de poste litigieuse prévoit désormais que l'intéressé exercera ses fonctions de formateur dans les deux centres ne porte pas atteinte aux droits et prérogatives qu'il tient de son contrat, alors qu'il ne produit aucun élément démontrant que ce changement d'affectation entraînerait des modifications préjudiciables de ses conditions de travail, ni une diminution de ses responsabilités, de sa rémunération ou de ses perspectives de carrière. Par ailleurs, si M. A... soutient qu'il a perdu la mission de coordination du diplôme du brevet professionnel agricole, il est constant que cette suppression a été compensée par l'attribution d'autres missions pédagogiques consistant dans l'animation et le suivi du dispositif Agrimov et dans le suivi et l'animation de formations à distance, dont il n'est pas davantage établi qu'elles ne seraient pas comparables aux précédentes en termes d'attributions et de responsabilités. 6. Enfin si l'intéressé soutient que ce changement d'affectation constituerait une sanction déguisée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été inspiré par des considérations autres que l'intérêt du service. 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que la fiche de poste valant affectation pour 2019/2020 constituait une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours et a ainsi rejeté sa demande comme irrecevable. Ses conclusions à fin d'annulation doivent, par suite, être rejetées, ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme sollicitée par l'EPLEFPA du Bas-Rhin en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles du Bas-Rhin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) du Bas-Rhin. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Wurtz, président, Mme Bauer, présidente-assesseure, M. Barteaux, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 21NC00530 2 |
CETATEXT000048424328 | J5_L_2023_11_00021NC01162 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424328.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 21NC01162, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC01162 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | SOCIETE D'AVOCATS MAURIN & ASSOCIES | M. Eric MEISSE | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Saône a délivré à M. B... et à Mme D... C... un permis de construire en vue de la réalisation d'une maison individuelle sur un terrain cadastré section AC n° 21 et 74 et situé 4 rue du Bouleau sur le territoire de cette commune, ensemble la décision du 28 août 2019 rejetant son recours gracieux formé le 29 juin 2019. Par un jugement n° 1901897 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande et a mis à la charge de M. E... le versement à la commune de Saône et à M. C... d'une somme de 800 euros pour chacun d'eux, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 22 avril 2021, 11 janvier 2022 et 10 février 2023, M. A... E..., représenté par Me Suissa, doit être regardé comme demandant à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1901897 du tribunal administratif de Besançon du 25 février 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Saône du 29 mai 2019 et la décision du 28 août 2019 portant rejet de son recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Saône la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - en méconnaissance des articles L. 431-2, R. 431-7, R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme, le dossier de permis de construire ne permet pas d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement et l'impact visuel des bâtiments, spécialement du garage implanté en limite de propriété, sur sa propre maison ; - le projet de construction méconnaît les articles UB 7, UB 10 et UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 novembre 2021 et 1er avril 2022, Mme D... C... et M. B... C..., représentés par Me Pilati, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. E... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que les moyens invoqués par M. E... ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 novembre 2021 et 6 février 2023, la commune de Saône, représentée par Me Devevey, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. E... d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône est irrecevable et que, en tout état de cause, ce moyen, ainsi que les autres les moyens invoqués par M. E..., ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Meisse, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - et les observations de Me Naudin pour M. E... et de Me Devevey pour la commune de Saône. Considérant ce qui suit : 1. Propriétaires d'un terrain cadastré section AC n°21 et 74, situé 4 rue du Bouleau à Saône (Doubs), M. B... C... et Mme D... C... ont sollicité, le 30 mars 2019, la délivrance d'un permis de construire en vue de la construction d'une maison individuelle, d'une surface de plancher de 126,10 mètres carrés, comportant un garage implanté en limite séparative de propriété et deux places de stationnement non couvertes. Par un arrêté du 29 mai 2019, le maire de la commune a fait droit à cette demande. Résidant 2 rue du Bouleau sur la parcelle contiguë, cadastrée section AC n°20, M. A... E... a, par un courrier du 29 juin 2019, formé contre l'arrêté du 29 mai 2019 un recours gracieux, qui a été rejeté le 28 août 2019. Le 24 octobre 2019, le requérant a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2019 et de la décision du 28 août 2019. Il relève appel du jugement n° 1901897 du 25 février 2021, qui rejette cette demande. Sur le bien-fondé du jugement : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural définit, par des plans et documents écrits, l'implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l'expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. / Il précise, par des documents graphiques ou photographiques, l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement de leurs accès et de leurs abords. ". Aux termes de l'article R. 431-7 du même code : " Sont joints à la demande de permis de construire : (...) b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12. ". Aux termes de l'article R. 431-8 du même code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : (...) 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...) b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. (...) ". 3. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. 4. Il ressort des pièces du dossier que la maison de M. E... apparaît sur les documents photographiques et graphiques du projet architectural, lesquels permettent de situer le terrain d'assiette du projet dans son environnement proche et lointain et d'apprécier son intégration par rapport aux constructions avoisinantes. S'il est vrai que le garage n'y figure pas, son implantation en limite de propriété, mentionnée dans la notice explicative, est matérialisée sur le plan figurant au-dessus de ces documents et sur lequel sont reportés les points et les angles des prises de vue, ainsi que sur les plans de masse, de toiture et des façades sud-ouest, nord-ouest, nord-est et sud-est. Il est également représenté dans le document graphique illustrant le tableau des surfaces. En outre, contrairement aux allégations du requérant, le plan de masse fait apparaître, en sus du garage litigieux, sa propre maison d'habitation. Enfin, M. E... ne saurait utilement faire valoir, au soutien de son moyen tiré de l'incomplétude et de l'insuffisance du dossier de permis de construire, que le toit-terrasse végétalisé du garage, accessible aux époux C..., donnera directement sur les fenêtres de son salon. Dans ces conditions, alors même que le garage ne figure pas dans le document graphique d'intégration au site de la maison projetée, cette omission dans le dossier de permis de construire, eu égard aux éléments qu'il comporte par ailleurs, n'a pas été de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative sur la conformité du projet de construction à la réglementation d'urbanisme applicable. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône : " (...) Toiture : (...) les teintes de matériaux de couverture devront se rapprocher de celles des matériaux traditionnels de la région, soit de teinte brun-rouge, nuancé ou vieilli (...) ". 6. Il ressort des pièces du dossier, spécialement de la notice descriptive du projet architectural, du document graphique d'intégration au site du projet et du plan de toiture, que la couverture du toit de la maison projetée doit être constituée de tuiles en terre cuite plates de couleur " rouge flammé ". Contrairement à ce que soutient M. E..., cette teinte se rapproche de la teinte traditionnelle brun-rouge et peut même être regardée comme en constituant une nuance. Elle entre ainsi dans les préconisations de l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause ne peut qu'être écarté. 7. En troisième lieu, aux termes de l'article UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône : " (...) 1- Hauteur par rapport à la largeur des voies / La distance horizontale de tout point d'un bâtiment au point le plus proche de l'alignement opposé, doit être au moins égale à la différence de niveau entre ces deux points (H = L), le bâtiment devant ensuite s'incorporer à l'intérieur d'un angle de 45°. / S'il existe l'obligation de construire en retrait de l'alignement, la limite de ce retrait se substitue à l'alignement. Dans le cas des voies privées, la limite effective de la voie privée se substitue à l'alignement. / 2- Limitation absolue de la hauteur des constructions / La hauteur des constructions mesurée au faîte du toit ne peut excéder 12 mètres. / (...) ". 8. M. E... fait valoir que, en méconnaissance de l'article UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme, le garage de M. et Mme C..., qui doit être implanté en limite de propriété, ne s'incorpore pas, compte tenu de sa hauteur, à l'intérieur d'un angle de 45°. Toutefois, il résulte des dispositions en cause qu'une telle obligation vise à réglementer la hauteur des constructions par rapport à l'alignement sur la voie publique et non par rapport aux limites séparatives entre les propriétés. Par suite et alors que, en tout état de cause, la hauteur des constructions projetées, mesurée au faîte du toit, n'excède pas douze mètres et que l'alignement de la rue du Bouleau se trouve, au plus près, à une distance de 13,15 mètres du garage, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône ne peut qu'être écarté. 9. En quatrième et dernier lieu, aux termes, d'une part, de l'article UB 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône : " La distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à quatre mètres. / (...) / Toutefois, une implantation en limite séparative peut être acceptée dans les cas suivants : - La construction d'un bâtiment dont la hauteur à l'égout du toit en limite séparative ne dépasse pas quatre mètres. Dans la bande de recul de quatre mètres, cette construction est obligatoirement couverte d'un toit dont la pente, au maximum de 45°, est perpendiculaire à la limite séparative. / (...) ". 10. Aux termes, d'autre part, du premier alinéa de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative. ". 11. Les dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, prises dans l'objectif de bonne administration de la justice et de respect du droit à un délai raisonnable de jugement des recours en matière d'urbanisme, limitent le délai ouvert aux parties pour invoquer des moyens nouveaux à deux mois suivant la communication, conformément aux dispositions de l'article R. 611-3 du code de justice administrative, du premier mémoire en défense produit dans l'instance par l'un quelconque des défendeurs. Si un moyen nouveau présenté après l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense est, en principe, irrecevable, il est toujours loisible au président de la formation de jugement de fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens s'il estime que les circonstances de l'affaire le justifient. Il doit y procéder dans le cas particulier où le moyen est fondé sur une circonstance de fait ou un élément de droit dont la partie concernée n'était pas en mesure de faire état avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense et est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. 12. Contrairement à ce que soutient M. E..., le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UB 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône, invoqué pour la première fois dans un mémoire complémentaire enregistré le 11 janvier 2022, constitue un moyen nouveau, qui est distinct de celui tiré de la méconnaissance de l'article UB 10 du même règlement. Il ressort des pièces du dossier que le premier mémoire en défense, produit dans l'instance par M. et Mme C..., a été communiqué, conformément aux dispositions de l'article R. 611-3 du code de justice administrative, le 4 novembre 2021. Alors que M. E... n'établit, ni même n'allègue, que son moyen serait fondé sur une circonstance de fait ou un élément de droit dont il n'était pas en mesure de faire état avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la communication aux parties de ce premier mémoire en défense, ce moyen, invoqué postérieurement à la cristallisation des moyens prévue par les dispositions du premier alinéa de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, est irrecevable et il ne peut, par suite, qu'être écarté. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Saône du 29 mai 2019 et de la décision du 28 août 2019 portant rejet de son recours gracieux, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Sur les frais de justice : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Saône, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant le versement à la commune de Saône d'une somme de 1 000 euros et à M. et Mme C... le versement d'une somme d'un même montant sur le fondement de ces dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. E... est rejetée. Article 2 : M. E... versera à la commune de Saône une somme de 1 000 euros et à M. et Mme C... une somme d'un montant identique en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à la commune de Saône, à M. B... C... et à Mme D... C.... Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Meisse, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : E. MEISSELe président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Doubs, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 21NC01162 2 |
CETATEXT000048424329 | J5_L_2023_11_00021NC02461 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424329.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 21NC02461, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC02461 | 1ère chambre | plein contentieux | C | M. WALLERICH | MAILLARD-SALIN | M. Jean-Baptiste SIBILEAU | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SCI Les Iles 2 a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner la commune de Chalezeule à lui verser une somme de 26 074,78 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts. Par un jugement n° 2000109 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Besançon a condamné la commune de Chalezeule à verser à la SCI Les Iles 2 une somme de 19 413,73 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2019 et capitalisation des intérêts au 7 octobre 2020. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2021 et un mémoire complémentaire enregistré le 27 janvier 2023, la commune de Chalezeule représentée par Me Landbeck, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 juillet 2021 ; 2°) de rejeter la demande présentée par la SCI Les Iles 2 devant le tribunal administratif de Besançon ; 3°) de mettre à la charge de la SCI Les Iles 2 une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la demande de la SCI Les Iles 2 était irrecevable dès lors que l'action en répétition présentée par la SCI Les Iles 2 sur le fondement de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme est mal dirigée car la commune n'est pas bénéficiaire de participations indues ; - elle n'est tenue à la réparation d'aucun préjudice qui trouverait, s'il était avéré, en réalité son origine dans les agissements d'Enedis, gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité et que les équipements en cause ne sont pas des équipements publics. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2022, la SCI Les Iles 2, représentée par Me Maillard-Salin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Chalezeule au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par la commune de Chalezeule ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. La société civile immobilière (SCI) Les Iles 2 a présenté une demande de permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement situé sur le territoire de la commune de Chalezeule. Par un arrêté du 11 août 2017, le maire de cette commune a accordé le permis d'aménager sollicité. Le 30 octobre 2018, la société Enedis, chargée de la réalisation de l'extension du réseau public, a émis, à destination de la SCI Les Iles 2, une facture d'un montant total de 26 074,78 euros, que la société pétitionnaire a acquitté. La SCI Les Iles 2 a demandé à la commune de Chalezeule de prendre en charge cette somme. Par une décision du 18 novembre 2019, le maire de Chalezeule a rejeté cette demande. Par un jugement n° 2000109 du 8 juillet 2021 dont la commune de Chalezeule demande l'annulation, le tribunal administratif de Besançon a condamné la collectivité territoriale à payer à la SCI Les Iles 2 une somme de 19 413,73 euros. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : (...) 3° la réalisation des équipements propres mentionnés à l'article L. 332-15 (...) ". Aux termes de l'article L. 332-15 du même code : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés ". Il résulte de ces dispositions que seul peut être mis à la charge du bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme le coût des équipements propres à son projet. Dès lors que des équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés d'un ou, le cas échéant, plusieurs projets de construction et ne peuvent, par suite, être regardés comme des équipements propres au sens de l'article L. 332-15 précité, leur coût ne peut être, même pour partie, supporté par le titulaire de l'autorisation. Il en va de même pour les équipements que la collectivité publique prévoit, notamment dans le document d'urbanisme, d'affecter à des besoins excédant ceux du projet de construction. Aux termes de l'article L. 332-30 code de l'urbanisme : " Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées (...) ". 3. Il résulte de l'instruction que pour condamner la commune de Chalezeule à verser à la SCI Les Iles 2 une somme de 19 413,73 euros, le tribunal administratif de Besançon a estimé que la pétitionnaire devait être regardée comme exerçant non pas l'action en répétition prévue par les dispositions précitées mais une action récursoire dirigée contre la personne qu'elle estime être la véritable débitrice de la somme mise à sa charge par la société Enedis. Ce faisant, les premiers juges ont méconnu la combinaison des dispositions précitées dès lors que la voie de l'action en répétition était ouverte à la SCI Les Iles 2 dans les circonstances de l'espèce. Par suite, la commune de Chalezeule est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a admis une action récursoire dirigée contre elle et l'a condamnée à payer une somme de 19 413,73 euros à la SCI Les Iles 2. 4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCI Les Iles 2 à l'appui de ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Chalezeule. Sur la recevabilité de la demande de première instance : 5. L'action en répétition des contributions aux dépenses d'équipements publics prévue à l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme s'exerce à l'encontre de la personne bénéficiaire de ces contributions, qu'elles aient été réalisées sous la forme de participations financières ou de réalisation de travaux. La circonstance que les travaux ont été prescrits non par la commune mais par un tiers est sans incidence sur le bien-fondé de cette action en répétition. Par conséquent, la commune de Chalezeule ne peut utilement se prévaloir au stade de la recevabilité de la demande de première instance de ce que l'action en répétition serait mal dirigée. Sur la responsabilité de la commune de Chalezeule : 6. Il résulte de l'instruction et notamment de la facture émise par Enedis que la fourniture et la pose d'un poste PAC 4 UF 630 kVA et la fourniture d'un transformateur ont été mis à la charge de la SCI Les Iles 2 pour des montants respectifs de 12 528 euros et de 3 650,11 euros hors taxes, soit un montant total de 19 413,73 euros toutes taxes comprises. Or, ce transformateur a été implanté sur une parcelle appartenant à la commune et porte sur une puissance de raccordement de 630 kVA alors que le lotissement réalisé par la société SCI Les Iles 2 ne nécessite qu'une puissance de raccordement globale de 48 kVA triphasé. En outre, la société produit un échange de mail entre Enedis, la commune et un administré, résidant à proximité du futur lotissement, révélant que l'installation du nouveau poste de transformation, compte tenu de sa puissance, permettra de raccorder une partie des habitations situées dans cette rue afin de mettre fin aux difficultés du réseau basse tension. Il résulte de ce qui précède que le transformateur en cause excède par ses caractéristiques les seuls besoins constatés du lotissement construit par la SCI Les Iles 2 et ne peut ainsi être regardé comme un équipement propre au sens de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme cité au point 2 ci-dessus. Son coût ne peut en conséquence, même pour partie, être supporté par cette dernière. 7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Chalezeule n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon l'a condamnée à verser une somme de 19 413,73 euros à la SCI Les Iles 2. Sur les frais d'instance : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Les Iles 2, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Chalezeule demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Chalezeule une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI Les Iles 2 et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de la commune de Chalezeule est rejetée. Article 2 : La commune de Chalezeule versera à la SCI Les Iles 2 la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chalezeule et à la SCI Les Iles 2. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au préfet du Doubs en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 21NC02461 |
CETATEXT000048424330 | J5_L_2023_11_00021NC02588 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424330.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 21NC02588, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC02588 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | CAYLA DESTREM | M. Jean-Baptiste SIBILEAU | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2021 et un mémoire complémentaire enregistré le 7 juin 2023, la société Terra Nobilis 2, représentée par Me Cayla Destrem, demande à la cour : 1°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2021 par lequel le maire de Mont-Saint-Martin a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ; 2°) de mettre à la charge de la commune de Mont-Saint-Martin une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ; - il n'est pas établi que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial aient été convoqués à la séance de cette commission conformément aux exigences de l'article R. 752-35 du code du commerce ; - la Commission nationale d'aménagement commercial a porté une appréciation erronée sur l'impact du projet de la société pétitionnaire au regard des objectifs visés par l'article L. 752-6 du code du commerce, s'agissant de la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale Nord Meurthe-et-Mosellan, de la revitalisation du tissu commercial de centre-ville, de l'imperméabilisation des sols et de la desserte du projet par les modes de déplacement doux. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2022, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête de la société Terra Nobilis 2. Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Terra Nobilis 2 ne sont pas fondés. Par une intervention, enregistrée le 8 avril 2022, la commune de Longwy, représentée par Me Pareydt, demande que la cour rejette la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir d'une part que la requête est irrecevable en raison de l'absence d'intérêt à agir de la société Terra Nobilis contre le refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale opposé à la société Terra Nobilis 2 et d'autre part que les moyens soulevés par la société Terra Nobilis ne sont pas fondés. Par une intervention, enregistrée le 8 avril 2022, M. A... B..., représenté par Me Pareydt, demande que la cour rejette la requête de la société Terra Nobilis 2 et mette à la charge de cette dernière une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir d'une part que la requête est irrecevable en raison de l'absence d'intérêt à agir de la société Terra Nobilis contre le refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale opposé à la société Terra Nobilis 2 et d'autre part que les moyens soulevés par la société Terra Nobilis ne sont pas fondés. Par une intervention, enregistrée le 8 avril 2022, la société Céline Chaussures, représentée par Me Pareydt, demande que la cour rejette la requête de la société Terra Nobilis 2 et mette à la charge de cette dernière une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir d'une part que la requête est irrecevable en raison de l'absence d'intérêt à agir de la société Terra Nobilis contre le refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale opposé à la société Terra Nobilis 2 et d'autre part que les moyens soulevés par la société Terra Nobilis ne sont pas fondés. Un mémoire complémentaire présenté le 21 juin 2023 pour la commune de Longwy a été reçu et non communiqué. Par une ordonnance du 8 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de commerce ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Bourcellier, pour la Société Céline Chaussures, pour M. A... B... et pour la commune de Longwy. Considérant ce qui suit : 1. Le 7 décembre 2020, la société Terra Nobilis 2 a sollicité du maire de Mont-Saint-Martin la délivrance d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un ensemble commercial de 5 987,14 mètres carrés de surface de vente composé de cinq cellules de plus de 300 mètres carrés et deux cellules de moins de 300 mètres carrés. Le 9 mars 2021, la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de Meurthe-et-Moselle a émis un avis favorable à ce projet. Sur le recours des sociétés Brico Dépôt et Céline Chaussures, de M. A... B... et de la commune de Longwy, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a au contraire émis, le 10 juin 2021, un avis défavorable, lequel s'est substitué à l'avis de la commission départementale. La société Terra Nobilis 2 demande l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2021 du maire de Mont-Saint-Martin refusant la délivrance du permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. Sur la recevabilité de la requête : 2. Il ressort des pièces du dossier que le recours dont est saisi la cour doit être vu comme introduit pour le compte de la société Terra Nobilis 2 et non pour le compte de la société Terra Nobilis, malgré une regrettable erreur de plume entachant la requête. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt de la requérante à demander l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2021 doit être rejetée. Sur la légalité de l'arrêté du 28 juillet 2021 : En ce qui concerne l'insuffisante motivation de l'arrêté du 28 juillet 2021 : 3. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. / Il en est de même lorsqu'elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions ". Aux termes de l'article R. 425-22-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet a été soumis pour avis à la commission départementale d'aménagement commercial en application de l'article L. 752-4 du code de commerce, le permis de construire ne peut être délivré en cas d'avis défavorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial ". 4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées non seulement que le maire de Mont-Saint-Martin était tenu de refuser le permis de construire sollicité dès lors que la CNAC avait émis un avis défavorable, mais également que la société Terra Nobilis 2 ne peut utilement se prévaloir à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2021 en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale de la méconnaissance de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme qui constitue un moyen tiré de la régularité du permis en tant qu'il vaut autorisation de construire au sens de l'article L. 600-1-4 précité. En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 752-35 du code de commerce : 5. Aux termes de l'article R. 732-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ". Aux termes de l'aliéna deuxième de l'article 12 du règlement intérieur de la CNAC : " Le jour de la séance, le secrétariat met à disposition de chacun des membres une tablette sur laquelle peuvent être consultées les pièces des dossiers. " Les pièces sont présentées selon une charte de nommage définie par le service instructeur et approuvée par le bureau de la commission ". 6. Il ressort des pièces du dossier que la CNAC, malgré une mesure d'instruction ordonnée par la cour, n'établit pas que ses membres aient été régulièrement convoqués à l'occasion de la réunion qui s'est tenue le 10 juin 2021. Toutefois, dès lors que l'information adéquate de l'ensemble des membres de la CNAC, afin qu'ils puissent exercer utilement leur mandat, constitue, en principe, une garantie pour les seuls intéressés, la société Terra Nobilis 2 n'est pas fondée à soutenir avoir été privée d'une garantie, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du compte-rendu de la réunion du 10 juin 2021 que le maire de Longwy, la société Céline Chaussures, la communauté d'agglomération de Longwy, l'association des commerçants de Longwy mais également la société pétitionnaire ont pu présenter leurs observations à la commission nationale dont les membres ont rejeté la demande de la société Terra Nobilis 2 à l'unanimité. Il n'est pas non plus allégué que les membres de la commission n'aient pas eu accès, comme le prévoit l'article 12 du règlement intérieur précité, à l'ensemble des pièces du dossier afin d'assurer leur complète information. De surcroît, la société Terra Nobilis 2 n'établit ni même n'allègue que l'irrégularité de la convocation des membres de la CNAC ait eu une influence sur le sens de la délibération de la commission puis de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 5 ci-dessus ne peut qu'être écarté. En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce : 7. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / (...) / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / (...) 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; (...) ". S'agissant de l'incompatibilité du projet avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale Nord meurthe-et-mosellan : 8. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent. 9. Il ressort du dossier que le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale Nord meurthe-et-mosellan a pour objectif de renforcer la position de la zone d'aménagement commercial dans laquelle est situé le projet en " permettant l'accueil de nouvelles activités commerciales et de conforter celles qui existent sur la zone. L'enjeu principal est d'attirer de nouvelles enseignes et des concepts commerciaux originaux afin d'affirmer le rayonnement transfrontalier " de cette zone. Pour rejeter la demande d'autorisation d'exploitation commerciale, la CNAC s'est fondée sur la circonstance que selon elle, le projet était " partiellement incompatible " avec le document d'orientation et d'objectifs car il ne présente pas un concept original et qu'il ne proposera que des enseignes qu'elle qualifie de très classique, sans apport spécifique et qui ne feront qu'accentuer la concurrence entre les enseignes déjà existantes. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que le projet permettra de renforcer la position du pôle commercial existant et son attractivité dans ce secteur frontalier alors que les enseignes doivent être validées par les élus de la communauté d'agglomération. Dans ces circonstances la requérante est fondée à soutenir que le projet est compatible avec les orientations générales et ces objectifs du schéma de cohérence territoriale. S'agissant de la contribution du projet à la préservation et à la revitalisation du tissu commercial : 10. Les dispositions du e) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, relatives à l'effet du projet sur la préservation ou la revitalisation du tissu commercial de certains centres-villes, se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale des effets du projet sur l'aménagement du territoire, et notamment sur le rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville. En particulier, elles ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes mentionnés par ces dispositions. 11. Si la CNAC a estimé que le projet, qui prendra place au sein d'un pôle périphérique, n'est pas compatible avec les différentes actions menées avec l'Etat, en faveur des commerces de centre-ville, cette seule circonstance à la supposer exacte n'est pas de nature à justifier la décision attaquée. Par suite, la société Terra Nobilis 2 est fondée à soutenir que l'arrêté du 28 juillet 2021 est entaché d'une inexacte application des dispositions susvisées. S'agissant de la qualité environnementale du projet : 12. Il ressort des pièces du dossier que la CNAC a estimé que le projet impactera fortement l'environnement en relevant qu'il génèrera une imperméabilisation supplémentaire des sols et que le taux de perméabilité du site passera de 68 % à 32 %, même en comptabilisant la toiture végétalisée. Si la société Terra Nobilis 2 soutient que l'avis de la commission nationale repose sur des faits matériellement inexistants, elle n'assortit pas son argumentation de précisions suffisantes et n'apporte pas les éléments probants permettant de remettre en cause l'appréciation portée sur ce point par la commission. Par suite, ce moyen doit être écarté. S'agissant de l'accessibilité par les transports en commun : 13. Il ressort des pièces du dossier que la CNAC a estimé insuffisante la desserte en transport en commun dès lors que le site du projet ne sera desservi par un bus que toutes les demi-heures. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le centre commercial dont il s'agit est desservi par pas moins de trois lignes de bus assurant un total de 51 rotations par jour du lundi au vendredi entre 6 heures 48 et 18 heures 33. Le samedi, un nombre total de 38 rotations sera assuré entre 6 heures 46 et 19 heures 04. Par suite, la société Terra Nobilis 2 est fondée à soutenir que la CNAC a fait, dans les circonstances de l'espèce, une inexacte application du d) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce en retenant une insuffisante accessibilité du site par les transports en commun. En ce qui concerne la neutralisation des motifs illégaux entachant l'arrêté du 28 juillet 2021 : 14. Il résulte de ce qui précède que les motifs tirés de l'incompatibilité du projet avec le document d'orientation et d'objectifs, de la contribution du projet à la préservation et à la revitalisation du tissu commercial ainsi que de l'accessibilité par les transports en commun ne sont pas au nombre de ceux qui peuvent légalement justifier la décision attaquée. 15. Mais la CNAC s'est également fondée pour rejeter la demande de la société Terra Nobilis 2, sur deux autres motifs. 16. En premier lieu, la CNAC a estimé sans commettre d'erreur que la qualité environnementale du projet justifiait un refus de l'autorisation d'exploitation commerciale comme il a été dit au point 12 dès lors qu'il conduira à une artificialisation excessive des sols. 17. En second lieu, la CNAC a également estimé, sans que cela ne soit contesté par la requérante, que le projet méconnaissait le a du 1° du I de l'article L. 752-6 précité dès lors que le projet par sa volumétrie imposante avec trois niveaux sur un site situé en entrée du territoire français pour des clients belges ou luxembourgeois affectait fortement l'environnement et ne permettait par conséquent pas d'assurer l'intégration urbaine de l'ensemble immobilier. 18. Enfin il ressort des pièces du dossier que la CNAC aurait émis le même avis et le maire de Mont-Saint-Martin pris la même décision s'ils s'étaient fondés seulement sur ces deux motifs, ou sur l'un ou l'autre d'entre eux. 19. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Terra Nobilis 2 doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 20. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit ni aux conclusions de la société Terra Nobilis 2 présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ni à celles, en tout état de cause, de la commune de Longwy, de M. B... et de la société Céline Chaussures présentées sur le même fondement. D E C I D E : Article 1er : La requête de société Terra Nobilis 2 est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Longwy présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Les conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Les conclusions de la société Céline Chaussures présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Terra Nobilis 2, à la commune de Mont-Saint-Martin, à la Commission nationale d'aménagement commercial, à la société Céline Chaussures, à M. A... B... et à la commune de Longwy. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au préfet de Meurthe-et-Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 21NC02588 |
CETATEXT000048424331 | J5_L_2023_11_00021NC03114 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424331.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 21NC03114, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC03114 | 1ère chambre | plein contentieux | C | M. WALLERICH | GIROUTX | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'une part, d'annuler la décision du 31 août 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier Le Secq de Crepy de Boulay a mis fin à ses engagements de manière anticipée et, d'autre part, de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 33 390 euros en réparation de son préjudice. Par un jugement n° 1907465 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à ces demandes en annulant la décision du 31 août 2018, mais en rejetant ses conclusions indemnitaires. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 4 décembre 2021 et le 13 juin 2023, M. A..., représenté par Me Muller-Pistré, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 2021 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ; 2°) de faire application de la clause pénale prévue au contrat d'entremise ; 3°) de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 33 390 euros au titre de la réparation de son préjudice ou, subsidiairement, à lui verser une somme de 29 150 euros ; 4°) de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral ; 5°) de rejeter les conclusions d'appel incident du centre hospitalier de Boulay ; 6°) de mettre à la charge du centre hospitalier le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, s'agissant des frais exposés en première instance ; 7°) de mettre à la charge du centre hospitalier le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, s'agissant des frais exposés à hauteur d'appel, ainsi que les dépens. Il soutient que : - le tribunal administratif a estimé à juste titre que la décision du 31 août 2018 est entachée de vices de forme et de procédure et notamment d'incompétence toutefois, l'examen de la légalité interne de la décision du 31 août 2018 est surabondant et inopérant ; - le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur sur la qualification juridique des faits en estimant que les faits du 23 août 2018 constituaient une faute de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire ; - la décision du 31 août 2018 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'aucune indemnisation ne lui était due et en refusant de faire application de la clause pénale ; - le moyen tiré de ce que la rupture anticipée du contrat ne constituerait pas un licenciement est inopérant et mal-fondé ; - le moyen tiré de ce que le licenciement ne constituerait pas une sanction disciplinaire disproportionnée n'est pas fondé. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2022, le centre hospitalier Le Secq de Crepy de Boulay, représenté par Me Lesné, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de mettre à la charge de M. A... le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a qualifié de licenciement la rupture du contrat et a retenu sa responsabilité pour faute ; - c'est à tort que les premiers juges ont retenu le caractère disproportionné de la sanction disciplinaire ; - les conclusions indemnitaires de l'appelant tendant à la réparation de son préjudice moral sont irrecevables ; - les conclusions indemnitaires tendant à la réparation de son préjudice matériel sont mal-fondées ; - la juridiction administrative n'est pas compétente pour se prononcer sur l'application de la clause pénale. Par une ordonnance du 24 juillet 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 16 août 2023. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'indemnisation du préjudice moral présentées par M. A... dès lors qu'elles sont présentées pour la première fois en appel et que le montant, cumulé avec celui demandé au titre de l'indemnisation du préjudice matériel dépasse le montant total de l'indemnité chiffrée en première instance. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., docteur en médecine, a été recruté le 16 avril 2018 en sa qualité de médecin praticien hospitalier pour effectuer un remplacement au service de médecine du centre hospitalier Le Secq de Crepy de Boulay du 16 avril 2018 au 1er juin 2018. Son contrat à durée déterminée a été renouvelé à plusieurs reprises, dont trois fois le 4 juillet 2018, pour les mois de septembre et octobre et pour le 1er et 2 novembre 2018. Néanmoins, le 31 août 2018, les contrats signés par anticipation ont été annulés. Par un courrier du 4 juin 2019, M. A... a présenté une demande indemnitaire préalable au centre hospitalier. M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, l'annulation de la décision du 31 août 2018 et, d'autre part, la condamnation du centre hospitalier au versement d'une somme de 33 390 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi. Par un jugement du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à cette demande, en annulant la décision contestée, mais en rejetant ses conclusions indemnitaires. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation. Sur la responsabilité du centre hospitalier Le Secq de Crepy de Boulay : 2. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration. Le juge n'est, en revanche, jamais tenu, pour apprécier l'existence ou l'étendue des préjudices qui présentent un lien direct de causalité avec l'illégalité de la sanction, de rechercher la sanction qui aurait pu être légalement prise par l'administration. S'agissant de l'indemnisation demandée au titre du préjudice moral : 3. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle. 4. En l'espèce, M. A... a présenté pour la première fois en appel une demande d'indemnisation de son préjudice moral qu'il a chiffrée à 5 000 euros sans toutefois réduire pour autant le montant de l'indemnité sollicitée en première instance. Ainsi, ses prétentions en appel dépassant le montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, ses conclusions tendant à l'indemnisation de son préjudice moral sont rejetées comme irrecevables. S'agissant de l'indemnisation demandée au titre du préjudice matériel : 5. En premier lieu, M. A... sollicite l'indemnisation de son préjudice matériel résultant de l'illégalité de son licenciement, à hauteur de 33 390 euros, correspondant, selon lui, aux honoraires qu'il aurait dû percevoir s'il n'avait pas été mis fin de manière prématurée à ses contrats, dès lors que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il n'aurait pas été repositionné sur des fonctions similaires dans un autre établissement hospitalier. Il résulte cependant de l'instruction, en particulier des bulletins de paie de ce dernier émis pour les mois de septembre à novembre 2018 que M. A... a exercé une activité équivalente dès le 3 septembre 2018 au centre hospitalier d'Avranches-Granville, puis à partir du mois d'octobre au centre hospitalier de l'agglomération montargoise et au centre hospitalier de Jonzac, sans qu'il ne soit établi, au regard des rémunérations effectivement perçues au titre de cette période, une perte de revenu par rapport aux revenus escomptés s'il avait poursuivi ses missions au centre hospitalier de Boulay jusqu'au terme de ses contrats. Dans ces conditions, M. A... ne démontre pas avoir subi un préjudice financier en lien avec l'illégalité fautive dont est entachée la rupture de son contrat de travail. 6. En second lieu, les tiers à un contrat administratif ne peuvent en principe se prévaloir des stipulations de ce contrat, à l'exception de ses clauses réglementaires. Par voie de conséquence M. A... ne peut pas utilement se prévaloir de la clause pénale figurant dans le contrat d'entremise conclu entre le centre hospitalier de Boulay et la société " Allo Medic Assistance ". 7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions indemnitaires. Sur les frais d'instance : 8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... la somme que le centre hospitalier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. De même, les dispositions de cet article font obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par le M. A... soient mises à la charge du centre hospitalier. Sur les dépens : 9. La présente instance n'a donné lieu à l'exposé d'aucun dépens. Par suite, les conclusions présentées par le requérant sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier Le Secq de Crepy de Boulay sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier Le Secq de Crepy de Boulay. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - Mme Peton, première conseillère, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. Barrois Le président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de la Santé et de la Prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet N° 21NC03114 2 |
CETATEXT000048424332 | J5_L_2023_11_00022NC00849 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424332.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC00849, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC00849 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES | M. Jean-Baptiste SIBILEAU | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. AW... X... et Mme AV... J..., M. M... F..., Mme AO... AN..., M. G... O..., M. AG... R..., Mme AS... W... épouse R..., M. AR... AB..., Mme AL... Z... épouse AB..., M. I... H..., Mme U... B... épouse H..., M. C... AC..., Mme AF... V... épouse AC..., M. AI... AB..., M. A... AB..., M. AX... H..., M. AG... AE..., M. AA... AM..., Mme AK... AH... épouse AM..., M. AT... AB..., M. S... D..., M. AT... AJ..., M. K... P..., Mme L... AU... épouse P..., M. AG... Q..., M. E... N..., M. AW... T..., Mme AS... AQ..., désignée comme représentante unique, Mme AY... D... épouse de M. AD... Y... et l'association " Sauvegarde Faune Sauvage " ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 17 décembre 2019 par laquelle le conseil municipal de Battenheim a approuvé la révision du plan local d'urbanisme communal. Par un jugement n° 2001668 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 4 avril 2022 et un mémoire complémentaire enregistré le 3 novembre 2022, Mme AO... AN..., M. G... O..., M. AI... AB..., M. A... AB..., M. AT... AB..., M. AW... T..., Mme AS... AQ... et l'association " Sauvegarde Faune Sauvage ", représentés par Me Maillard, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 février 2022 ; 2°) d'annuler la délibération du 17 décembre 2019 par laquelle le conseil municipal de Battenheim a approuvé la révision du plan local d'urbanisme communal ; 3°) de condamner la commune de Battenheim à leur verser la somme de 2 000 euros que le tribunal administratif de Strasbourg a mis à leur charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans le jugement attaqué ; 4°) de mettre à la charge de la commune une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la délibération du 17 décembre 2019 est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale de la région mulhousienne dans la mesure où le site 2 identifié par le plan local d'urbanisme englobe bien un espace naturel sensible, les accès au site ne sont que des amorces, la commune n'a pas vocation à faire de la spéculation immobilière et la superficie du site 2 est de 3,6 hectares alors que le schéma de cohérence territoriale de la région mulhousienne alloue 3 hectares à la commune de Battenheim et que la révision du plan local d'urbanisme n'a pas pris en compte l'intégralité des remarques formulées par le préfet du Haut-Rhin dans ses observations du 11 juin 2019 ; - le classement des zones 1AU1 et 1AU2 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors d'une part que ce classement est incompatible avec la nature de ces zones et, d'autre part, que ce classement est motivé par la volonté d'élus de privilégier leurs propres intérêts ; - le classement d'anciennes zones AU en zones AC est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que, d'une part, ce choix n'est pas cohérent et qu'il est, d'autre part, motivé par la volonté d'élus de privilégier leurs propres intérêts ; - l'institution d'une orientation d'aménagement et de programmation ainsi que les règles posées dans le zone UC correspondant aux parcelles cadastrées section 22 n°s 169, 152, 99 et 160 sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; - la délibération du 17 décembre 2019 est entachée de détournement de pouvoir et de prise illégale d'intérêt ; - la délibération du 17 décembre 2019 est incompatible avec la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové en ce que la zone du AP... a été irrégulièrement ouverte à l'urbanisation. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2022, la commune de Battenheim, représentée par la SELARL Soler-Couteaux et Associes, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés. Un mémoire complémentaire présenté le 9 mai 2023 pour Mme AQ... et autres a été reçu et non communiqué. Un mémoire complémentaire présenté le 10 mai 2023 pour la commune de Battenheim a été reçu et non communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code pénal ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Vilchez, pour la commune de Battenheim. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 17 décembre 2019, le conseil municipal de Battenheim a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune. Par un jugement n° 2001668 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le recours pour excès de pouvoir formé contre cette décision notamment par Mme AS... AQ... Mme AO... AN..., M. G... O..., M. AI... AB..., M. A... AB..., M. AT... AB..., M. AW... T..., et l'association " Sauvegarde Faune Sauvage " (ci-après " Mme AQ... et autres "). Ces derniers interjettent appel de ce jugement. Sur la légalité de la délibération du 17 décembre 2019 : En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompatibilité de la délibération avec le schéma de cohérence territoriale de la région mulhousienne : 2. Aux termes de l'article L. 151-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Le plan local d'urbanisme respecte les principes énoncés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. Il est compatible avec les documents énumérés à l'article L. 131-4 et prend en compte ceux énumérés à l'article L. 131-5 ". Aux termes de l'article L. 131-4 du même code : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 (...) ". 3. Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier. 4. En se bornant à soutenir que la révision du plan local d'urbanisme adopté par la délibération du 17 décembre 2019 est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale de la région mulhousienne au motif que le site 2 identifié par le plan local d'urbanisme englobe un espace naturel sensible dont les accès ne sont qu'amorcés, Mme AQ... et autres n'assortissent pas le moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. De surcroît, si Mme AQ... et autres se plaignent que la commune se livrerait à de la spéculation immobilière, cette circonstance ne ressort pas des pièces du dossier. Par ailleurs, à supposer établie la circonstance que la superficie du site 2, désormais classé en zone AU est de 3,6 hectares alors que le schéma de cohérence territoriale de la région mulhousienne n'allouerait à la commune de Battenheim que 3 hectares d'urbanisation supplémentaire, Mme AQ... et autres n'établissent ni même n'allèguent que le plan local d'urbanisme contrarierait les objectifs du schéma par ce seul fait. Enfin, si les appelants soutiennent que la révision du plan local d'urbanisme aurait dû prendre en compte l'intégralité des remarques formulées par le préfet du Haut-Rhin dans ses observations du 11 juin 2019, ils n'assortissent pas cette argumentation des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. En ce qui concerne le classement des parcelles 1AU1 et 1AU2 : 5. Aux termes de l'article R. 151-20 du code de l'urbanisme : " Les zones à urbaniser sont dites "zones AU". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation. / Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone et que des orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement en ont défini les conditions d'aménagement et d'équipement, les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement. / Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU n'ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, son ouverture à l'urbanisation est subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d'urbanisme comportant notamment les orientations d'aménagement et de programmation de la zone. " 6. D'une part, la délibération du 17 décembre 2019 a classé en zones 1AU1 et 1AU2 un ensemble de parcelles d'une surface totale de 3,6 hectares au lieu-dit AP.... Il ressort des pièces du dossier et notamment d'un courrier du 1er avril 2022 de l'Office français de la biodiversité du Haut-Rhin adressé à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Grand Est que si la zone en question présente un intérêt particulier en termes de biodiversité et qu'un risque d'inondation existe, l'Office ne s'oppose pas par principe à toute forme d'aménagement ou d'urbanisation des parcelles en cause. Par ailleurs, la commission départementale de la préservation des espaces naturels agricoles et forestiers du Haut-Rhin a émis le 17 mai 2019 un avis favorable au projet de révision du plan local d'urbanisme de Battenheim. Les quelques réserves émises à cette occasion ne concernent pas la zone du AP.... Enfin, la mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) conclut à une absence d'incidences du projet sur les espèces et les habitats qui ont justifié le classement de sites, par ailleurs éloignés de plus de deux kilomètres, en zones Natura 2000. Dans ces conditions, le conseil municipal de Battenheim ne s'est pas livré à une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'espèce en classant les parcelles en litige en zone 1AU1 et 1AU2. 7. D'autre part, Mme AQ... et autres ne sauraient utilement se prévaloir de la circonstance, à la supposer établie, que d'autres parcelles auraient, de manière plus opportune, pu être classées en zones 1AU1 et 1AU2. En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le classement des zones 1AU1 et 1AU2 est entaché de détournement de pouvoir : 8. D'une part, si Mme AQ... et autres soutiennent que la délibération du 17 décembre 2019 vise à protéger les intérêts de deux conseillers municipaux qui sont propriétaires de parcelles désormais classées en zone AU, cette circonstance est insuffisante pour établir que ces deux élus auraient un intérêt distinct de celui de la commune et de la généralité de ses habitants. 9. D'autre part, Mme AQ... et autres soutiennent que le maire de la commune était motivé par sa seule volonté de privilégier l'urbanisation du site 2 afin de renflouer le budget de la commune, cette dernière étant notée 2/20 par " l'Argus des communes ".. Toutefois, la révision du plan local d'urbanisme a été approuvée par le conseil municipal et non par le seul maire de Battenheim. De surcroît, Mme AQ... et autres n'établissent par la seule production d'un article d'un site internet d'une association de contribuables ni l'état des finances de la commune qu'ils allèguent ni que l'adoption de la délibération du 17 décembre 2019 y apporte une amélioration notable. 10. Par suite, Mme AQ... et autres ne sont pas fondés à soutenir que la délibération du 17 décembre 2019 est entachée de détournement de pouvoir. En ce qui concerne le reclassement en zone AC de parcelles antérieurement situées en zone AU : 11. En premier lieu, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur en écartant, par des motifs qu'il convient d'adopter, le moyen tiré par Mme AQ... et autres de ce que le classement en zone AC des parcelles cadastrées section 28 n° 182, 183, 177, 190 et 184 et d'une partie de la parcelle cadastrée section 28 n° 172 serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. 12. En second lieu, si Mme AQ... et autres soutiennent que la délibération du 17 décembre 2019 sert les intérêts du premier adjoint au maire, également président de la commission d'urbanisme, en permettant la réalisation d'un hangar agricole à moindre frais, cette circonstance est insuffisante pour établir que cet élu aurait un intérêt distinct de celui de la commune et de la généralité de ses habitants. En ce qui concerne l'orientation d'aménagement et de programmation et les règles posées dans la zone UC : 13. Aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme : " le plan local d'urbanisme comprend : (...) 2° Un projet d'aménagement et de développement durables ; 3° Des orientations d'aménagements et de programmation (...) ". Aux termes de l'article L. 151-6 du même code : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles. (...). ". 14. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre les orientations d'aménagement et de programmation et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si les orientations d'aménagement et de programmation ne contrarient pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une orientation d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre cette orientation d'aménagement et de programmation et ce projet. 15. Contrairement à ce que soutiennent Mme AQ... et autres, on ne saurait déduire la méconnaissance des dispositions précitées des seules circonstances que la chambre d'agriculture ait considéré inopportune la création d'une orientation d'aménagement et de programmation, que le commissaire enquêteur ait émis des réserves ou de la circonstance que la délibération attaquée ne mette en place qu'une unique orientation d'aménagement et de programmation. En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de pouvoir et de la prise illégale d'intérêt : 16. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la délibération du 17 décembre 2019 soit entachée de détournement de pouvoir doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 12 ci-dessus. 17. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 432-12 du code pénal dans sa version en vigueur le 17 décembre 2019 : " Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction. ". 18. Il n'appartient pas au juge administratif, saisi dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, de se prononcer sur la qualification pénale d'actes aux fins de censurer une décision administrative. Il suit de là que Mme AQ... et autres ne peuvent utilement soutenir que la délibération attaquée serait entachée de prise illégale d'intérêt. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conseillers municipaux mis en cause par les requérants auraient exercé une influence particulière afin que la délibération prenne en compte leur intérêt personnel. 19. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 17 décembre 2019 par laquelle le conseil municipal de Battenheim a approuvé la révision du plan local d'urbanisme communal. Sur les conclusions à fin de condamnation de la commune de Battenheim : 20. Il résulte de ce qui précède que ne peuvent qu'être rejetées les conclusions à fin de condamnation de la commune de Battenheim présentées par les appelants. Sur les frais d'instance : 21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Battenheim, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme AQ... et autres demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme AS... AQ..., Mme AO... AN..., M. G... O..., M. AI... AB..., M. A... AB..., M. AT... AB..., M. AW... T... et l'association " Sauvegarde Faune Sauvage " une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Battenheim et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme AQ... et autres est rejetée. Article 2 : Mme AS... AQ..., Mme AO... AN..., M. G... O..., M. AI... AB..., M. A... AB..., M. AT... AB..., M. AW... T... et l'association " Sauvegarde Faune Sauvage " verseront à la commune de Battenheim la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme AS... AQ..., représentante unique des autres requérants en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative et à la commune de Battenheim. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. WallerichLa greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC00849 |
CETATEXT000048424333 | J5_L_2023_11_00022NC01992 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424333.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC01992, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC01992 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | CAYLA DESTREM | M. Jean-Baptiste SIBILEAU | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SAS Hermalaur et la SARL Centre aux Affaires ont demandé à la cour dans le dernier état de leurs écritures d'une part de donner acte du désistement de la Sarl Centre aux Affaires et d'autre part d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel le maire de la commune de Chaumont a accordé à la SCI AP Chaumont un permis de construire pour la création, sur un terrain situé rue Jules Chéret et rue Raymond Savignac, d'un ensemble commercial de 4 930 mètres carrés de surface de vente totale, composé d'un supermarché "Aldi " existant, d'une surface de vente de 900 mètres carrés, et de quatre cellules commerciales à créer ; Par un arrêt n° 19NC02785 du 8 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, donné acte du désistement de la SARL Centre aux Affaires et d'autre part, rejeté les conclusions présentées de la SAS Hermalaur. Par une décision du 22 juillet 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a d'une part annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 8 juillet 2021 en tant qu'il rejette la requête de la SAS Hermalaur et d'autre part renvoyé l'affaire dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Nancy. Procédure devant la cour après cassation : Par un courrier du 26 juillet 2022, les parties ont été informées de la reprise d'instance après cassation. Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 août 2022 et le 11 janvier 2023, la SCI AP Chaumont, représentée par Me Courrech, demande à la cour de rejeter la requête de la SAS Hermalaur et de mettre à la charge de celle-ci une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle se prévaut des mêmes moyens. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2022, la commune de Chaumont, représentée par Me Salamand, conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens. Par un mémoire, enregistré le 20 décembre 2022, la SAS Hermalaur, représentée par Me Cayla-Destrem, conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de commerce ; - le code de l'urbanisme - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Courrech, pour la SCI AP Chaumont. Considérant ce qui suit : 1. Le 9 juillet 2018, la société civile immobilière (SCI) AP Chaumont a déposé une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un ensemble commercial de 4 930 mètres carrés de surface de vente totale, composé d'un supermarché " Aldi " existant, d'une surface de vente de 900 mètres carrés, et de quatre cellules commerciales à créer : un magasin à l'enseigne " Action " d'une surface de vente de 1 000 mètres carrés, un magasin à l'enseigne " Gifi " d'une surface de vente de 1 680 mètres carrés, et deux cellules spécialisées dans la vente d'articles d'équipement de la personne, sans enseignes précisées, la première d'une surface de vente de 700 mètres carrés, la seconde d'une surface de vente de 650 mètres carrés. La commission départementale d'aménagement commercial de la Haute-Marne a émis le 5 novembre 2018 un avis favorable au projet. La société par actions simplifiée (SAS) Hermalaur, qui exploite un magasin à l'enseigne " La Foir'Fouille " sur le territoire de la commune de Chaumont, et la société à responsabilité limitée (SARL) Centre aux affaires ont formé un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial. Cette dernière a émis un avis favorable au projet lors de sa séance du 7 mars 2019, ce qui a conduit le maire de Chaumont à accorder le permis de construire sollicité par la SCI AP Chaumont, par un arrêté du 15 juillet 2019. La SAS Hermalaur et la SARL Centre Aux affaires demandent à la cour d'annuler ce permis de construire, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. Par un arrêt n° 1902785 du 8 juillet 2021, cette cour a donné acte du désistement de la SARL Centre aux Affaires et a rejeté au fond la requête de la SAS Hermalaur. Par une décision n° 456470 du 22 juillet 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 8 juillet 2021 en tant qu'il rejette la requête de la SAS Hermalaur et a renvoyé l'affaire à la cour dans cette mesure. Sur la légalité de l'arrêté du 15 juillet 2019 : En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie devant la Commission nationale d'aménagement commercial : 2. Aux termes de l'article L. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ". 3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation de convocation issue du dossier de la Commission nationale d'aménagement commercial, que les membres de cette commission ont été destinataires simultanément le 19 février 2019, par l'application www.e-convocations.com, d'une convocation en vue de la séance de la commission du 7 mars 2019, au cours de laquelle celle-ci a examiné le projet de la SCI AP Chaumont, soit dans le délai prévu par l'article R. 752-34 du code de commerce. Cette convocation était assortie de l'ordre du jour de cette séance et précisait que les documents visés à l'article R. 752-35 du code de commerce seraient disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. Il n'est ni établi, ni même allégué que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial n'auraient pas été mis en mesure d'accéder par ces moyens aux documents en cause, dans le délai de cinq jours prévu par ce même article. Par suite le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation de la Commission nationale d'aménagement commercial doit être écarté. En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce : 4. Dans sa rédaction applicable au litige, l'article L. 752-6 du code de commerce dispose : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / [...] b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / [...] / II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. [...] ". 5. En application de ces dispositions, l'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être accordée que si, eu égard à ses effets, le projet ne compromet pas la réalisation des objectifs prévus par la loi, appréciés notamment au regard de trois séries de critères liés à l'aménagement du territoire, au développement durable et à la protection des consommateurs que doivent prendre en considération les commissions départementales et la commission nationale d'aménagement commercial. A titre accessoire, elles peuvent également prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. S'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire : Quant à l'animation de la vie urbaine et rurale : 6. Il ressort des pièces du dossier que le projet s'implante en continuité du tissu urbain et que le terrain d'assiette se situe à proximité d'habitations et de bureaux. Il réhabilitera une friche militaire et constituera un complément aux commerces de centre-ville déjà existants. Le service instructeur de la Commission nationale d'aménagement commercial a constaté, sans que cela ne soit remis en cause par la requérante, que le projet est situé à proximité des quartiers prioritaires de la politique de la ville et concourra à un rééquilibrage de la localisation de l'offre commerciale au sud du territoire communal tout en créant une zone de " hard discount ". Il complète l'offre de services et de produits de proximité et améliore l'expérience et le confort d'achat du consommateur tout en limitant l'évasion commerciale vers Dijon et Troyes. L'offre commerciale proposée est ainsi complémentaire à celle du centre-ville de Chaumont qui souffre d'une vacance commerciale en augmentation. Quant aux flux de transports et l'accessibilité du projet par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone : 7. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 7 mars 2019, que l'augmentation de trafic générée par le projet contesté sera minime au regard des marges de fréquentation du réseau routier environnant, et il est au demeurant constant que les services instructeurs n'ont pas émis de réserve sur l'aptitude de la voirie existante à absorber le flux de circulation supplémentaire généré par le projet litigieux. Il ne ressort des pièces du dossier, ni que les estimations de trafic auraient été minimisées et se seraient fondées sur des coefficients inadaptés, ni que le dossier de demande n'aurait pas tenu compte des deux cellules commerciales dont on ne connaît ni l'activité, ni l'enseigne. En outre, la requérante ne peut pas utilement soutenir que la SCI AP Chaumont n'a pas fait réaliser une étude de trafic, une telle étude n'étant requise, ni par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce, ni par aucune autre disposition de nature législative ou règlementaire. 8. Alors que l'étude de faisabilité d'un nouveau giratoire sur l'avenue de la République visant à desservir le quartier Foch et à améliorer l'accès au projet, réalisée à la demande de la commune par le bureau d'études Euro Infra Ingénierie, a intégré la réalisation du pôle commercial projeté et la création de 222 places de stationnement, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce giratoire, dont le principe a été validé par les services de l'Etat, et qui absorbera un flux de 15 000 véhicules par jour et conservera une capacité de 74 %, serait particulièrement dangereux du fait d'un " conflit de flux ". 9. Il ressort des pièces du dossier que les livraisons par des poids lourds se feront en dehors des heures d'ouverture de l'établissement projeté, ce qui aura pour effet de limiter tout risque de conflit entre les poids lourds de livraison et les flux de la clientèle. A l'inverse, il ne ressort pas des pièces du dossier que les camions de livraison représenteront, le matin, un risque pour la sécurité des parents accompagnant leurs enfants à l'école, ni qu'ils engendreront des nuisances sonores le soir, dans un contexte où plus de 800 poids lourds empruntent déjà quotidiennement l'avenue de la République. 10. En outre, le site d'implantation du projet est desservi, toutes les 27 et 30 minutes, par deux lignes de bus : la ligne 2 Quellemèle - Chaumont le Bois, du réseau d'agglomération C MON BUS, et la ligne 3 Moulin Neuf. A ce titre, les services instructeurs ont d'ailleurs relevé la bonne desserte du projet en transports en commun. 11. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'avenue de la République dispose de pistes cyclables dans les deux sens de circulation, que la rue Jules Chéret est également adaptée à la circulation des deux roues avec la matérialisation de logo " vélo " au sol, et que la rue Savignac dispose de larges trottoirs susceptibles d'accueillir les piétons. Le dossier de demande de la société pétitionnaire prévoit par ailleurs la création de liaisons piétonnes entre les voies publiques, rues Chéret et Savignac, et l'entrée des magasins projetés. La Commission nationale d'aménagement commercial souligne, dans son avis du 7 mars 2019, que le projet bénéficie d'une bonne desserte par les modes de déplacements doux. Ainsi, il apparaît que 45 % des habitants de la zone de chalandise pourront accéder au site d'implantation du projet par de tels modes. 12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté. S'agissant de l'objectif de développement durable : Quant à l'insertion paysagère et architecturale du projet : 13. Si la direction départementale des territoires de la Haute-Marne mentionne que le projet génère des paysages cloisonnés, où chaque enseigne s'entoure de son parking avec des zones de livraison arrière peu valorisantes, elle reconnaît que c'est le cas de la plupart des réalisations de ce type et a donné un avis favorable au projet de la société pétitionnaire. Celle-ci l'a d'ailleurs fait évoluer afin de tenir compte des observations formulées par les services de l'Etat. En outre, il est constant que les espaces verts projetés représenteront 1 704 mètres carrés et que 38 arbres de haute tige seront notamment plantés. Quant à la qualité environnementale du projet : 14. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis émis par le service instructeur de la Commission nationale d'aménagement commercial dont les conclusions ne sont pas sérieusement remises en cause par la requérante, que les performances thermiques des bâtiments seront supérieures à la règlementation thermique 2012 (" RT 2012 "). De surcroît, le pétitionnaire a recours à des équipements économes en énergie en recourant notamment à un éclairage par diodes électro luminescentes des enseignes lumineuses et des bâtiments, des baies vitrées en façade principales et l'implantation de ballasts électriques. Par ailleurs, des installations photovoltaïques ont été ajoutées sur le premier bâtiment. La pétitionnaire a également marqué sa volonté de limiter l'impact du magasin sur l'environnement en recourant à une collecte mutualisée des déchets ainsi qu'à une gestion écologique des eaux pluviales et de ruissellement qui seront notamment réutilisées pour l'arrosage des espaces verts ou retraités avant leur rejet dans le réseau collectif. Quant aux nuisances de toutes natures : 15. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la construction de 119 places de stationnement. Par suite, la SAS Hermalaur n'est pas fondée à soutenir que la réalisation du projet autorisé par l'arrêté du 15 juillet 2019 va générer un surplus de besoin de stationnement dans une zone où l'offre serait déjà particulièrement défaillante. 16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté. S'agissant de la protection des consommateurs : 17. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis du ministre chargé du commerce du 28 février 2019 soumis à la Commission nationale d'aménagement commercial et dont la teneur n'est pas sérieusement contestée par la SAS Hermalaur, que le projet de la SCI AP Chaumont permettra un rééquilibrage de la localisation de l'offre commerciale au sud de Chaumont, tout particulièrement à l'égard de la zone du moulin neuf. Il permettra la création concomitante d'une " zone hard-discount " avec des enseignes comme " Aldi ", " Gifi " ou encore " Action ". Le projet autorisé par l'arrêté contesté complètera également l'offre de services et produits domestiques de proximité, et permettra d'améliorer l'expérience et le confort d'achat du consommateur. De surcroît, un des effets induits notables sera de limiter l'évasion commerciale vers Dijon et Troyes. 18. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 15 juillet 2019 méconnaîtrait des enjeux et spécificités du site " cœur d'ilôt " est dépourvu des précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. 19. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'alinéa premier de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. " Par suite, la SAS Hermalaur ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que l'arrêté du 15 juillet 2019 méconnaîtrait les dispositions du plan local d'urbanisme de Chaumont. 20. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du 3° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté. 21. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été exposé ci-dessus que les conclusions présentées par la SAS Hermalaur à fin d'annulation de l'arrêté du 15 juillet 2019 doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Chaumont, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SAS Hermalaur, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Hermalaur une somme de 1 500 euros à verser, d'une part, à la SCI AP Chaumont et, d'autre part, à la commune de Chaumont au titre des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de la SAS Hermalaur est rejetée. Article 2 : La SAS Hermalaur versera à la commune de Chaumont la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La SAS Hermalaur versera à la SCI AP Chaumont la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Hermalaur, à la commune de Chaumont, à la SCI AP Chaumont et à la Commission nationale d'aménagement commercial. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne à la préfète de la Haute-Marne, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC01992 |
CETATEXT000048424334 | J5_L_2023_11_00022NC02206 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424334.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 22NC02206, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02206 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | MANLA AHMAD | M. Stéphane BARTEAUX | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les deux arrêtés du 29 mars 2022 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de renouveler leurs titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Par un jugement n° 2203580, 2203582 du 22 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Procédure devant la cour : I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 août 2022 et le 10 octobre 2023, sous le n°22NC02206, M. F... D..., représenté par Me Manla Ahmad, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2203580, 2203582 du 22 juillet 2022 pour ce qui le concerne ; 2°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 le concernant ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4)°de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : Sur la régularité du jugement : - le tribunal administratif de Strasbourg a omis de statuer sur un moyen tiré du vice de la procédure à l'issue de laquelle a été pris l'arrêté contesté dès lors que l'avis du collège de médecins de l'OFII n'a pas été émis au regard de l'ensemble de la situation médicale de son fils E... ; Sur la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour : - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article L. 425-10 du même code ; - elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que les articles 23, 24 et 28 de cette même convention ; - elle méconnaît les stipulations des articles 7 et 24 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit en application de l'article L. 425-10 du même code ; - elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français : - elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par un mémoire, enregistré le 19 septembre 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit des observations. Par une décision bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 17 mars 2023, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 août 2022 et le 10 octobre 2023, sous le numéro 22NC02207, Mme A... D..., représentée par Me Manla Ahmad, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2203580, 2203582 du 22 juillet 2022 pour ce qui la concerne ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 29 mars 2022 la concernant ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : Sur la régularité du jugement : - le tribunal administratif de Strasbourg a omis de statuer sur un moyen tiré du vice de la procédure à l'issue de laquelle a été pris l'arrêté contesté dès lors l'avis du collège de médecins de l'OFII n'a pas été émis au regard de l'ensemble de la situation médicale de son fils E... ; Sur la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour : - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article L. 425-10 du même code ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que les articles 2, 23, 24 et 28 de cette même convention ; - elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît les stipulations des articles 7 et 24 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit en application de l'article L. 425-10 du même code ; - elle est entachée d'une d'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français : - elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par une décision bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 17 mars 2023, Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - la convention internationale des personnes handicapées ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport C... Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme D..., ressortissants albanais, sont entrés en France le 20 décembre 2018, accompagnés de leurs deux enfants mineurs. Le 6 janvier 2020, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parents d'enfant malade sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, en raison de l'état de santé de leur fils E.... Le préfet de la Moselle leur a délivré une autorisation provisoire de séjour, renouvelée jusqu'au 21 mai 2021. M. et Mme D... ont sollicité le renouvellement de cette autorisation. Par deux arrêtés du 29 mars 2022, le préfet de la Moselle a refusé de renouveler les autorisations provisoires de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Par un jugement du 22 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme D... relèvent appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 2. Il ressort des visas et des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen, opérant, invoqué par M. et Mme D... dans leurs mémoires en réplique enregistrés au greffe du tribunal le 8 juillet 2022 et tiré de ce qu'il n'était pas établi, en l'absence de production du dossier médical de leur fils, que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait statué en prenant en considération l'ensemble des pathologies dont souffre cet enfant. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement attaqué est, pour ce motif, entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation. 3. Il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions des demandes C... et Mme D... tendant à l'annulation des décisions portant refus de renouvellement de leurs autorisations provisoires de séjour et, par la voie de l'effet dévolutif, sur les conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français. Sur les décisions portant refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour : 4. En premier lieu, par un arrêté du 31 décembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Moselle a donné à M. Delcayrou, secrétaire général, délégation pour signer, entre autres, tous actes en matière de police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées manque en fait. 5. En deuxième lieu, les décisions en litige, qui n'ont pas à énoncer l'ensemble des éléments relatifs à la situation C... et Mme D..., comportent les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et satisfont, par suite, à l'exigence de motivation. 6. En troisième lieu, il ressort des pièces des dossiers, en particulier du dossier médical du fils des requérants qui a été produit à l'instance par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le collège de médecins de cette autorité a rendu son avis sur la base d'un dossier retraçant l'ensemble des pathologies de l'enfant. En outre et à supposer que les requérants aient entendu soulever un tel moyen, l'avis rendu par l'Office est conforme aux exigences de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté. 7. En quatrième lieu, les requérants, qui n'établissent pas avoir sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peuvent utilement soutenir que l'absence d'examen de leur situation au regard de cet article, que le préfet n'est pas tenu d'examiner d'office, révèlerait un défaut d'examen de leurs demandes de titre de séjour. Il ne ressort pas davantage des motifs des décisions contestées, qui font référence aux enfants C... et Mme D..., que le préfet de la Moselle n'aurait pas tenu compte de l'intérêt supérieur de ces derniers. 8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet de la Moselle se serait estimé lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 9. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. / (...) ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. " 10. D'une part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. 11. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 12. Pour refuser de renouveler l'autorisation provisoire de séjour dont bénéficiaient M. et Mme D... en qualité de parents d'un enfant malade sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 6 août 2021. Il résulte de cet avis que l'état de santé du fils des requérants nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Albanie, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'il peut y voyager sans risque. 13. Les requérants font valoir que leur fils E..., né en 2010, est atteint d'une déficience cognitive majeure associée à un trouble du spectre autistique avec épilepsie lésionnaire et une microcéphalie, qui nécessite un suivi par un neuropédiatre en hospitalisation de jour tous les deux mois. Toutefois, les comptes rendus d'hospitalisation qu'ils ont produits, antérieurs à l'avis du collège de médecins de l'OFII, qui décrivent seulement les pathologies dont souffre l'enfant ainsi que le traitement médicamenteux dont il bénéficie pour stabiliser son épilepsie, ne sont pas de nature à établir l'indisponibilité d'un suivi adapté à son handicap dans leur pays d'origine. Les considérations générales extraites d'un rapport de l'UNICEF de l'année 2015, qui relèvent en des termes généraux la stigmatisation des enfants handicapés en Albanie et les difficultés de leur prise en charge sur le plan éducatif, que corroborent des observations formulées par le Défenseur des droits dans le cadre d'autres instances contentieuses, ne sont pas davantage de nature à établir que leur fils ne pourrait pas recevoir des soins appropriés à son état de santé en Albanie. Quant au certificat médical d'un neuro-pédiatre albanais, il se borne à mentionner, sans autres précisions, que l'Albanie ne peut offrir à l'enfant la prise en charge que nécessite son état de santé. Ces diverses pièces ne sont ainsi pas de nature à remettre en cause les conclusions du collège de médecins de l'OFII concernant l'existence d'une prise en charge médicale adaptée E... en Albanie. Enfin, la circonstance que M. et Mme D... disposent en France de faibles revenus, n'est pas, par elle-même, de nature à démontrer leur impossibilité d'accéder effectivement au traitement approprié à l'état de leur enfant dans leur pays d'origine. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Moselle a fait une inexacte application des dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler leurs autorisations provisoires de séjour. 14. En septième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 15. Les requérants font valoir que l'état de santé de leur fils nécessite un suivi neuro-pédiatrique rapproché ainsi qu'une prise en charge spécialisée, préconisée par la maison départementale des personnes handicapées qui l'a orienté vers un institut médico-éducatif, et qu'une rupture de cette prise en charge entrainerait un risque vital. Ils invoquent également l'intérêt de leur fille à poursuivre sa scolarité à l'école élémentaire. Toutefois, il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que le fils C... et Mme D... ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à ses pathologies dans leur pays d'origine et qu'il ne pourrait pas y être scolarisé. Il n'est pas davantage établi que leur fille ne pourrait pas, eu égard notamment à son jeune âge, poursuivre sa scolarité en Albanie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que des articles 2, 23, 24 et 28 de cette convention, qui au demeurant ne créent des obligations qu'à l'égard des Etats sans ouvrir de droit aux intéressés, doivent être écartés. 16. En huitième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre des décisions en litige, qui ne fixent aucun pays de destination. 17. En neuvième lieu, aux termes de l'article 8 de la même convention : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 18. Il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme D..., qui sont entrés récemment sur le territoire français, ont été admis à y séjourner temporairement en raison de l'état de santé de leur fils. Ils n'établissent pas, en se bornant à se prévaloir notamment de leur participation aux activités d'un centre socio-culturel, de leur apprentissage du français et de l'activité sportive de leur fille, d'une intégration particulière à la société française. S'ils allèguent être dépourvus d'attaches familiales en Albanie, ils ne le démontrent pas, alors qu'ils y ont vécu la majeure partie de leur vie. Si leur fils est atteint d'un trouble autistique associé à des crises d'épilepsie et que la maison départementale des personnes handicapées s'est prononcée en faveur de son orientation vers un institut médico-éducatif, il ne ressort pas des pièces des dossiers qu'un accès effectif à un traitement adapté à sa situation ne serait pas possible en Albanie. Enfin, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine et à ce que leur fille y poursuive sa scolarité. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Moselle aurait porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et, par suite, qu'il aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 19. En dixième lieu, aux termes de l'article 7 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées : " (...). / 2. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants handicapés, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...)". Aux termes de l'article 24 de cette même convention : " Les États Parties reconnaissent le droit des personnes handicapées à l'éducation. En vue d'assurer l'exercice de ce droit sans discrimination et sur la base de l'égalité des chances, les États Parties font en sorte que le système éducatif pourvoie à l'insertion scolaire à tous les niveaux et offre, tout au long de la vie, des possibilités d'éducation (...). ". 20. Il résulte de ce qui a été indiqué au point 13 qu'il n'est pas établi que le fils C... et Mme D... ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge adaptée à son handicap en Albanie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 2 de l'article 7 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, ainsi que de l'article 24 de la même convention, qui au demeurant ne crée pas de droits dont les personnes privées pourraient se prévaloir envers les Etats parties, doit être écarté. 21. En dernier lieu, il ne ressort pas davantage des pièces des dossiers, compte tenu notamment de ce qui a été précédemment indiqué, qu'en prenant les décisions contestées, le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle et familiale des requérants au regard de son pouvoir de régularisation. Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français : 22. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". 23. M. et Mme D... n'établissent ni même n'allèguent qu'ils rempliraient personnellement les conditions pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Moselle a entaché d'illégalité les décisions en litige. 24. En second lieu, les requérants n'établissent pas, eu égard à ce qui a été mentionné précédemment, que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur de droit et une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions en les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Sur les décisions prononçant une interdiction de retour sur le territoire français : 25. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... n'ont pas établi l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les décisions prononçant une interdiction de retour sur le territoire français doivent être annulées par voie de conséquence de l'illégalité de ces dernières doit être écarté. 26. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ". 27. L'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément. 28. Il ressort des termes mêmes des décisions attaquées que, pour fixer à douze mois la durée des interdictions de retour sur le territoire français prononcées à l'encontre C... et Mme D..., le préfet de la Moselle a pris en compte, dans le cadre du pouvoir d'appréciation qu'il exerce à cet égard, les quatre critères énoncés par les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour retenir en particulier la courte durée de leur présence sur le territoire français, l'absence de liens anciens, stables et intenses avec la France et le fait que, s'ils ne représentent pas une menace pour l'ordre public, ils ne justifient d'aucune circonstance particulière qui s'opposerait au prononcé à leur encontre d'une interdiction de retour. Le préfet a également indiqué que M. D... s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige sont insuffisamment motivées. 29. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 18, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 30. En dernier lieu, les requérants ne démontrent pas, ainsi qu'il a été dit au point 13, que leur fils ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge adaptée à son handicap en Albanie. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir qu'en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet de la Moselle aurait entaché les décisions en litige d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces mesures sur leur situation. 31. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont fondés à demander ni l'annulation des arrêtés en tant qu'ils refusent de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de parents d'un enfant malade, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juillet 2022 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation des décisions du 29 mars 2022 portant refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à M. et Mme D.... Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme D... en première instance tendant à l'annulation des décisions portant refus de délivrer une autorisation provisoire de séjour contenues dans l'arrêté du 29 mars 2022 et le surplus des conclusions de leurs requêtes d'appel sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... née B..., à M. F... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Moselle et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Barteaux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023 Le rapporteur, Signé : S. BARTEAUXLe président, Signé : Ch. WURTZLe greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N°s 22NC02206, 22NC02207 2 |
CETATEXT000048424335 | J5_L_2023_11_00022NC02440 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424335.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC02440, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02440 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | SCP CROUVIZIER-BANTZ AVOCATS | M. Jean-Baptiste SIBILEAU | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête enregistrée sous le n° 2201928, M. D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 7 avril 2022 modifiant l'arrêté du 24 mars 2022 en tant qu'il fixe le pays de destination. Par une requête enregistrée sous le n° 2202443, M. D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 25 août 2022 portant assignation à résidence Par un jugement n°s 2201928, 2202443 du 2 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté ces deux recours. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 26 septembre 2022, M. D..., représenté par Me Crouvizier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 septembre 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 7 avril 2022 par laquelle le préfet de de Meurthe-et-Moselle a substitué le Tchad à la Guinée comme pays de destination ; 3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, pour la durée de l'instruction, une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté du 7 avril 2022 est dépourvu de base légale en raison de l'illégalité affectant l'arrêté du 24 mars 2022 portant refus de titre de séjour car ce dernier est insuffisamment motivé, son droit à être entendu a été méconnu, il est entaché d'une erreur de fait quant à son âge et son état-civil, il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté du 7 avril 2022 est dépourvu de base légale en raison de l'illégalité affectant l'arrêté du 24 mars 2022 portant obligation de quitter le territoire français qui est lui-même dépourvu de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour, entaché d'une erreur de fait, insuffisamment motivée, qui ne lui a pas été notifiée, méconnaît le droit à être entendu, méconnaît l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'arrêté du 7 avril 2022 méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2022, le préfet de de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., ressortissant tchadien déclarant être né le 20 mai 2000 est entré sur le territoire français en août 2016 selon ses dires. Le 1er septembre 2016, il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de Meurthe-et-Moselle. Le 15 novembre 2017, l'intéressé a sollicité son admission au séjour. Par un arrêté du 24 mars 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Guinée comme pays de destination. Par un arrêté du 7 avril 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a modifié l'article 3 de l'arrêté du 24 mars 2022 en substituant le Tchad à la Guinée comme pays de destination. Par une nouvelle décision du 25 août 2022, M. A... B... a été assigné à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours. Par une seconde requête, il a demandé également l'annulation de cette décision. Par un jugement commun n°s 2201928, 2202443 du 2 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 7 avril 2022 et de l'arrêté du 25 août 2022. M. A... B... interjette appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 7 avril 2022. 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 614-4 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision ". 3. L'illégalité d'un acte administratif non réglementaire ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Cette exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée. 4. En cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste. Il résulte de la réglementation postale, et notamment de l'instruction postale du 6 septembre 1990, qu'en cas d'absence du destinataire d'une lettre remise contre signature, le facteur doit, en premier lieu, porter la date de vaine présentation sur le volet " preuve de distribution " de la liasse postale, cette date se dupliquant sur les autres volets, en deuxième lieu, détacher de la liasse l'avis de passage et y mentionner le motif de non distribution, la date et l'heure à partir desquelles le pli peut être retiré au bureau d'instance et le nom et l'adresse de ce bureau, cette dernière indication pouvant résulter de l'apposition d'une étiquette adhésive, en troisième lieu, déposer l'avis ainsi complété dans la boîte aux lettres du destinataire et, enfin, reporter sur le pli le motif de non distribution et le nom du bureau d'instance 5. Il ressort des pièces du dossier que l'administration a notifié à M. A... B... l'arrêté du 24 mars 2022 par pli recommandé avec accusé de réception. Dans le cadre de l'instance introduite par l'intéressé devant le tribunal administratif de Nancy, le préfet de Meurthe-et-Moselle a produit la copie de l'avis de réception postal de ce pli envoyé à la dernière adresse déclarée par l'appelant, portant une étiquette adhésive sur laquelle a été cochée la mention " pli avisé et non réclamé ". L'enveloppe contenant cette notification a été renvoyée aux services de la préfecture. L'avis de réception indique également que le pli a été présenté le 1er avril 2022, date à laquelle a commencé à courir le délai de recours de l'article L. 614-4 précité. 6. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 24 mars 2022 est devenu définitif faute d'avoir fait l'objet, dans les délais, d'un recours contentieux. S'agissant d'un acte non réglementaire M. A... B... n'était plus recevable à exciper de son illégalité au soutien de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 7 avril 2022. 7. En second lieu, le moyen tiré de ce que M. A... B... serait exposé en cas de retour dans son pays à un traitement prohibé par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est dépourvu de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2022. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions présentées à fin d'injonction et celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC02440 |
CETATEXT000048424336 | J5_L_2023_11_00022NC02919 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424336.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC02919, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02919 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | GOLDBERG | M. Jean-Baptiste SIBILEAU | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2202579 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce recours. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 21 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Goldberg, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 juin 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 16 décembre 2021 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : s'agissant du refus de titre de séjour : - les membres du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration auteurs de l'avis du 25 janvier 2021 n'ont pas apposé eux-mêmes le fac-similé de leur signature sur l'avis dont s'agit ; - l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a ni mis en ligne ni communiqué les informations dont il dispose sur le système de soins au Kosovo ; - il ne peut bénéficier du traitement rendu nécessaire par son état de santé dans son pays ; - il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français : - elle est insuffisamment motivée ; - la préfète du Bas-Rhin n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; - elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi : - son droit à être entendu a été méconnu ; - elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français. Par une ordonnance du 30 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 février 2023. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 9 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code du travail ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant kosovare né le 24 avril 1993, est entré en France selon ses dires le 10 juin 2015. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 29 juillet 2016 sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 25 novembre 2016 la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour temporaire sur le fondement de son état de santé le 13 mars 2017. Il a bénéficié d'une première autorisation provisoire de séjour, délivrée le 13 décembre 2019, renouvelée à plusieurs reprises. Le 4 décembre 2020, il a sollicité un nouveau renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 16 décembre 2021, la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 décembre 2021. Sur la légalité de l'arrêté du 16 décembre 2021 : En ce qui concerne le refus de titre de séjour : 2. En premier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur. 3. M. A... soutient que l'avis émis le 25 janvier 2021 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas revêtu des signatures manuscrites de ses membres mais de fac-similés électroniques. Toutefois, à l'appui de ses prétentions, l'appelant verse une copie de l'avis du 25 janvier 2021 dont il ne ressort nullement qu'il ne soit pas revêtu des signatures manuscrites de ses auteurs. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction comme le sollicite M. A..., le moyen ne peut qu'être écarté. 4. En deuxième lieu, la circonstance que l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'aurait ni mis en ligne l'intégralité des informations dont elle disposerait sur le système de santé kosovare ni accepté de communiquer de telles informations postérieurement à l'édiction de la décision est sans emport sur la légalité de la décision attaquée. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / [...] ". 6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 7. Dans son avis du 25 janvier 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précise que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement adapté et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, il pouvait voyager sans risque. 8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une scoliose dorsolombaire à double courbure très évoluée récusée chirurgicalement sur un rachis standard malformatif avec de façon associée l'existence d'un pied creux neurobiologique, d'une vessie neurologique qui nécessiterait la réalisation d'un auto-sondage cinq fois par jour. L'intéressé justifie, par les différents certificats médicaux et ordonnances produits, qu'il doit, en raison de ses pathologies, être pris en charge. Toutefois, aucun des éléments versés par l'appelant ne se prononce sur une éventuelle indisponibilité au Kosovo du traitement ou du suivi dont il doit bénéficier. Dans ces conditions, les éléments produits ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins selon laquelle l'intéressé pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 10. M. A... fait valoir résider en France depuis 2015 et avoir noué des liens personnels sur le territoire. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les autorités en charge de l'asile ont rejeté sa demande de protection internationale les 29 juillet 2016 et 25 novembre 2016. De surcroît, M. A... ne pouvait ignorer la précarité de sa situation administrative dès lors notamment que son droit au séjour dépendait de l'évolution de son état de santé et qu'il n'a bénéficié que d'autorisations provisoires de séjour. Enfin, il n'est ni marié ni père d'un enfant en France alors qu'il n'est pas contesté que son père et sa fratrie résident encore au Kosovo. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté litigieux du 16 décembre 2021 n'a pas porté au droit de l'appelant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, la préfète du Bas-Rhin n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : 11. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'arrêté contesté, qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé. La préfète du Bas-Rhin, qui a mentionné dans son arrêté que M. A... était célibataire et sans enfant et qu'il n'était pas dépourvu de toute attache personnelle et familiale dans son pays d'origine, a procédé à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressé. 12. Il résulte en second lieu de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 13. En premier lieu, en l'espèce, la décision fixant le pays de renvoi a été prise après le rejet de la demande de renouvellement de titre de séjour formulée par l'intéressé, de sorte que l'administration n'avait pas à le mettre à même de présenter spécifiquement des observations sur cette mesure. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait été privé de la possibilité de présenter des éléments pertinents susceptibles d'influer sur le contenu de la décision en litige. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté. 14. En second lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise sur le fondement de décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français illégales. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté. 15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 16. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC02919 |
CETATEXT000048424337 | J5_L_2023_11_00022NC02922 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424337.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC02922, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02922 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | JEANNOT | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 19 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de renvoi. Par un jugement n° 2103336 du 23 août 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire respectivement enregistrés le 21 novembre 2022 et le 15 février 2023, M. A..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 août 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 19 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de renvoi ; 3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour valable un an et portant la mention " travailleur temporaire ", " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour : - elle est entachée d'un défaut de motivation, s'agissant notamment de la critique des actes d'état civil ; - elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ; - le préfet s'est estimé à tort être en situation de compétence liée vis-à-vis du rapport de la police de l'air et des frontières ; - ce rapport doit être écarté des débats dès lors qu'il n'est pas justifié de la qualité et de la compétence de l'auteur de celui-ci et qu'il ne respecte pas le principe du contradictoire ; - le préfet ne renverse pas la présomption d'authenticité des actes d'état civil qu'il a produits ; - le préfet n'a pas tenu compte de ce qu'une carte consulaire lui avait été délivrée, alors qu'elle implique un examen de l'authenticité de ses actes d'état civil par l'ambassade du Mali ; - dès lors que les actes d'état civil ne comportaient pas de mentions frauduleuses, il appartenait à l'autorité préfectorale de saisir les autorités maliennes de la question de l'authenticité des documents ; - elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de fait dès lors qu'il remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le préfet n'établit pas le caractère frauduleux du jugement supplétif ou de l'acte de naissance ; - le préfet a méconnu le point 2.1.3 de la circulaire du 28 novembre 2012 ; - le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ; - cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - le préfet n'a pas examiné l'existence d'éventuelles considérations ou motifs d'ordre humanitaire de nature à fonder la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il justifie de motifs sérieux de régularisation ; - cette décision est entachée d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : - cette décision est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008, dès lors que le préfet s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée pour prendre à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français ; - elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et a des conséquences manifestement excessives sur sa situation. Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code civil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ; - le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - et les observations de Me Jeannot, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant de nationalité malienne se disant né le 4 décembre 1999, est entré sur le territoire français en décembre 2016 selon ses déclarations et a été accueilli au foyer de l'enfance SAMIE le 26 décembre 2016. Par un jugement en assistance éducative du 15 février 2017, il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité. Par un courrier du 14 mars 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Sa demande a été complétée en 2020 puis en 2021. Par un arrêté du 19 août 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de renvoi. Par sa requête, M. A... relève appel du jugement du 23 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 19 août 2021 : 2. D'une part, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française.(...). ". D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article R. 431-10 du même code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". 3. Aux termes du II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. / La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu / Un décret en Conseil d'Etat précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, applicable aux légalisations intervenues à compter du 1er janvier 2021 : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français doit être légalisé pour y produire effet. La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et des affaires étrangères ". 4. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation. 5. En l'espèce, la circonstance que la date de naissance mentionnée sur l'extrait d'acte de naissance du 10 mars 2010 soit erronée et qu'il puisse en être déduit que cet extrait soit un faux est sans incidence sur l'authenticité du passeport délivré le 2 novembre 2020, de l'extrait d'acte de naissance établi le 12 octobre 2016, de la carte consulaire et de la fiche NINA n° 1 99 09 1 06 008 A60 H produite le 13 août 2019, tous concordants, dès lors que par une attestation du consul général du Mali en France du 27 décembre 2022, produite pour la première fois en appel et confirmant un précédent échange avec le consulat sur l'apposition du numéro NINA sur les actes de naissance, celui-ci atteste de leur validité. Il en résulte que le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une erreur dans l'appréciation de l'authenticité des documents d'état civil présentés par M. A.... 6. Par un second motif tiré de l'absence de caractère réel et sérieux de la formation suivie par M. A..., le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, à la date de la décision attaquée, M. A... a, malgré les absences cumulées au cours de l'année scolaire 2018-2019, obtenu son CAP " préparation et réalisation d'ouvrages électriques " en juin 2019 ainsi que son passage de la classe de première à la classe de terminale professionnelle au titre de l'année suivante. Il a par ailleurs obtenu des notes supérieures à la moyenne au cours du premier semestre de l'année 2020-2021. Dans ces conditions, en lui opposant un tel motif, le préfet a entaché sa décision portant refus de délivrance d'une erreur manifeste d'appréciation. 7. Par suite, la décision lui refusant un titre de séjour et par voie de conséquence, celles l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de renvoi, sont entachées d'illégalités et doivent être annulées. 8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions. Sur les conclusions à fin d'injonction : 9. L'exécution du présent arrêt implique uniquement que le préfet procède au réexamen de de la demande de titre de séjour de M. A... au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, notamment de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française sans qu'il apprécie à nouveau le caractère réel et sérieux du suivi de sa formation qui résulte des pièces du dossier. 10. Si l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'étranger confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et justifiant suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu permettre l'attribution à titre exceptionnel de ces cartes de séjour aux étrangers qui en formulent la demande dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire. Dès lors qu'il est constant que M. A... a sollicité la délivrance d'une carte de séjour dans l'année qui a suivi son dix-huitième anniversaire, la circonstance qu'il soit aujourd'hui âgé de plus de dix-huit ans ne saurait faire obstacle à ce que le préfet réexamine sa situation au regard l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni, le cas échéant, à ce qu'il lui délivre une carte de séjour sur ce fondement au terme de l'appréciation globale de sa situation, telle que mentionnée au point précédent. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à M. A... un récépissé de demande de titre de séjour, lequel l'autorisera en l'espèce à travailler. Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 : 11. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Jeannot, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Jeannot de la somme de 1 500 euros. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2103336 du 23 août 2022 du tribunal administratif de Nancy et l'arrêté en date du 19 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A... au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon les modalités précisées aux points 9 et 10 du présent arrêt et de délivrer à M. A... un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler pendant la durée de ce réexamen. Article 3 : L'Etat versera à Me Jeannot, avocat de M. A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Jeannot renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Jeannot et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC02922 |
CETATEXT000048424338 | J5_L_2023_11_00022NC02948 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424338.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC02948, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02948 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | BOUKARA | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 15 janvier et du 19 octobre 2021 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de validité de dix ans. Par un jugement n° 2101743 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Boukara, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 octobre 2022 ; 2°) d'annuler les décisions du 15 janvier et du 19 octobre 2021 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de validité de dix ans ; 3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de dix ans en application des stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien, dans le délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour la procédure de première instance ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour la procédure d'appel. Elle soutient que : - le préfet a méconnu l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour alors qu'elle doit bénéficier d'un certificat de résidence de dix ans sur le fondement de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien ; - les décisions attaquées sont insuffisamment motivées en fait ; - elles sont entachées d'un défaut d'examen de sa demande ; - le préfet a commis une erreur de droit en examinant un autre fondement que celui de sa demande ; - elles méconnaissent l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien dès lors que la condition d'une résidence régulière de trois années ne peut lui être opposée. La requête a été communiquée au préfet du Haut-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense. Le préfet du Haut-Rhin a communiqué le 18 octobre 2023 le certificat de résidence algérien délivré le 9 janvier 2023 à Mme A... pour une durée de dix ans. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - et les observations de Me Jeannot, substituant Me Boukara, pour Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante algérienne née en 1945, est entrée en France en dernier lieu le 18 janvier 2018 sous couvert de son passeport algérien revêtu d'un visa de court séjour. Elle a sollicité le 29 janvier 2018 la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Le préfet du Haut-Rhin lui ayant opposé un refus le 17 août 2018, elle a demandé le 16 avril 2019 son admission au séjour sur le fondement des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Elle a obtenu le 24 septembre 2019 un certificat de résidence d'une durée d'un an qui lui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 23 septembre 2021. Par lettres des 18 janvier et 26 août 2021, Mme A... a sollicité, sur le fondement de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien, la délivrance d'un certificat de résidence d'une durée de validité de dix ans que le préfet du Haut-Rhin a refusée par des décisions des 15 janvier et 19 octobre 2021. Mme A... fait appel du jugement du 17 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions. 2. Par des décisions des 15 janvier et 19 octobre 2021, le préfet du Haut-Rhin a rejeté la demande de délivrance d'un certificat de résidence d'une durée de validité de dix ans présentée le 18 janvier 2021 par Mme A.... Toutefois, il ressort des pièces du dossier que postérieurement à l'introduction de sa requête, Mme A... s'est vu remettre une carte de résident valable du 24 septembre 2022 au 23 septembre 2032 d'une durée de dix ans. Dans ces conditions, les conclusions de la requête dirigées contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 15 janvier et 19 octobre 2021 sont devenues sans objet. 3. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... en première instance et en appel et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A... tendant à l'annulation des décisions des 15 janvier et 19 octobre 2021. Article 2 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC02948 |
CETATEXT000048424339 | J5_L_2023_11_00022NC02966 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424339.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC02966, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02966 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | MAINNEVRET - MALBLANC | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 12 juillet 2022 par lesquels le préfet de l'Aube les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2201793-2201794 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, annulé les arrêtés susmentionnés et, d'autre part, enjoint au préfet de l'Aube de leur délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 25 novembre 2022, la préfète de l'Aube demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 28 septembre 2022 ; 2°) de rejeter les demandes présentées par Mme A... et M. B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. La préfète soutient que : - le magistrat désigné a commis une erreur de droit en retenant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales fondé exclusivement sur la scolarité des trois enfants les plus âgés alors que les requérants ne produisent aucun élément sur leur propre intégration professionnelle ou sociale ; - les arrêtés attaqués ne méconnaissent pas davantage l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il n'est pas établi que les enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Par un mémoire en défense enregistré le 3 janvier 2023, Mme A... et M. D... B..., représentés par Me Mainnevret, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la préfète de l'Aube sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Ils soutiennent que les moyens soulevés par la préfète ne sont pas fondés. Mme A... et M. B... ont été admis chacun au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 2 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - et les observations de Me Mainnevret, représentant Mme A... et M. B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... et M. B..., de nationalité pakistanaise, déclarent être entrés sur le territoire français le 13 août 2018 accompagnés de leurs cinq enfants âgés de 9 à 17 ans. Ils ont sollicité des autorités françaises leur admission au séjour au titre de l'asile en raison de craintes en cas de retour dans leur pays d'origine. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 novembre 2021, confirmées par décisions du 6 avril 2022 de la Cour nationale du droit d'asile. Le 9 juillet 2020, ils ont sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade et leurs demandes, en l'absence de production des documents demandés par la préfecture le 3 septembre 2020, ont été classées sans suite le 21 juin 2022. Par arrêtés du 12 juillet 2022, la préfète de l'Aube les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination. Le préfet de l'Aube relève appel du jugement du 28 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ces arrêtés et enjoint à la délivrance de titres de séjour mention " vie privée et familiale ". Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne : 2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". 3. Il résulte du jugement attaqué que le président du tribunal a, à juste titre, estimé dans les circonstances particulières de l'espèce que les arrêtés du 12 juillet 2022 portaient une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale en France de Mme A... et de M. B... dès lors qu'ils résident en France depuis 2018 avec leurs enfants scolarisés au collège et au lycée et dont les très bons résultats scolaires révèlent les importants efforts qu'ils ont effectués pour une intégration sociale et scolaire réussie telle qu'elle résulte également des nombreuses attestations établies en leur faveur par l'ensemble de leurs professeurs. La décision attaquée qui porte également atteinte à l'intérêt supérieur des enfants méconnaît ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 4. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Aube n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ses arrêtés en date du 12 juillet 2022 obligeant M. B... et Mme A... à quitter le territoire français en fixant son pays de destination en compagnie de leurs enfants mineurs. Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 : 5. Mme A... et M. B... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mainnevret avocat de Mme A... et M. B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Mainnevret de la somme de 1 500 euros. D É C I D E : Article 1er : La requête de la préfète de l'Aube est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à Me Mainnevret, avocat de Mme A... et de M. B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Mainnevret renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. D... B..., à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC02966 |
CETATEXT000048424340 | J5_L_2023_11_00022NC03066 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424340.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC03066, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC03066 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | AMM | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai. Par un jugement n° 2203290 du 28 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 7 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Amm demande : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 novembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ; 3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un certificat de résidence " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article 6-4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, à défaut de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision contestée ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'il comprenait et dès lors, les voies et délais de recours ne lui sont pas opposables ; - l'intitulé de la décision qui ne mentionne que l'obligation de quitter le territoire alors qu'elle contient un refus d'admission au séjour et une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de 12 mois est trompeur et ne lui a pas permis de contester les autres décisions ; - le refus d'admission au séjour a été édicté à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour ; - il méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; - elle méconnaît le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur le 2° de l'article L. 611-1 de ce même code alors qu'il avait demandé le renouvellement de son certificat de résidence ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - les décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire seront annulées par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire. Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les conclusions dirigées contre le refus de titre sont irrecevables comme tardives dès lors que la requête de première instance ne demandait l'annulation que de l'obligation de quitter le territoire français ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. A... dirigées contre la décision de refus d'admission au séjour du 10 novembre 2022, qui, formulées pour la première fois en appel, présentent le caractère de conclusions nouvelles et sont, comme telles, irrecevables. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... A..., ressortissant algérien né le 30 avril 1990, est entré en France le 10 janvier 2015 selon ses déclarations. Il s'est vu délivrer plusieurs certificats de résidence algérien en qualité de père d'enfant français dont le dernier expirait le 11 mars 2022. Incarcéré au centre de détention d'Ecrouves à la suite de condamnations pour des faits de violence, il en a sollicité le renouvellement par une demande adressée à la préfecture de Meurthe-et-Moselle le 16 février 2022. Par sa requête enregistrée le 16 août 2022, M. A... demande au tribunal d'annuler la mesure d'éloignement dont il soutenait avoir fait l'objet, sans régulariser sa requête par la production de la décision attaquée. En cours d'instance, son conseil fait valoir qu'il devait en réalité être regardé comme ayant sollicité l'annulation de la décision implicite de refus de renouvellement de son certificat de résidence à laquelle s'est substitué l'arrêté du 10 novembre 2022 portant refus de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 28 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation du refus d'admission au séjour : 2. Il résulte des termes de la requête introductive de première instance et du jugement attaqué qui y répond, que M. A... a dirigé exclusivement ses conclusions à fin d'annulation contre l'obligation de quitter le territoire français sans délai et a soulevé à son encontre les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 521-2 du code et de l'atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale, repris et précisés par son avocat commis d'office, destinataire de la procédure le 21 novembre 2022, lors de l'audience du 24 novembre 2022 devant le tribunal administratif de Nancy. 3. Ainsi, les conclusions tendant à l'annulation du refus d'admission au séjour, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont, par suite, irrecevables. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée en défense par le préfet doit être accueillie. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...)5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ;(...) ". 5. Même s'il est constant que M. A... est père de deux enfants de nationalité française nés respectivement le 15 décembre 2018 et le 12 juillet 2020, il ne ressort pas davantage des pièces produites en appel qu'en première instance que M. A... contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants dès lors qu'en outre il est séparé de leur mère et ne réside pas avec ses enfants pour lesquels il n'a pas de droit de garde et que sa fille B... avec laquelle il se prévaut d'entretenir des liens affectifs est prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance jusqu'au 30 décembre 2022 et n'a rendu visite qu'une seule fois à son père pendant son incarcération. Enfin, la simple production d'une attestation d'une personne indiquant qu'elle aurait reçu une somme de 300 euros en vue d'acheter des vêtements pour son fils et faire des courses pour son ex-compagne est insuffisante pour établir sa contribution financière effective. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est écarté. 6. En deuxième lieu, contrairement ce que soutient M. A..., il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet de Meurthe-et-Moselle a bien fondé sa décision sur le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur son 2°. 7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ". Il ressort des pièces du dossier qu'en dépit des efforts qu'il a consentis durant sa période d'incarcération, M. A... ne justifie d'aucune perspective concrète de réinsertion et que même s'il fait valoir qu'à sa levée d'écrou, il sera domicilié chez un membre de sa famille, le requérant n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans alors qu'il résulte en outre de ce qui est exposé au point 5 qu'il n'entretient pas de liens affectifs étroits avec ses enfants pour lesquels il ne contribue ni à leur éducation, ni à leur entretien. Dans ces conditions, et compte tenu également de la gravité et du caractère récent des faits pour lesquels M. A... a été condamné par la juridiction répressive qui a conduit à son incarcération du 6 juillet 2021 au 9 décembre 2022, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts d'intérêt public en vue desquels la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est écarté. 8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières dispositions que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant est écarté. 9. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'établit pas l'illégalité de la décision par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an devraient être annulées en raison d'une telle illégalité est écarté. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC03066 |
CETATEXT000048424341 | J5_L_2023_11_00022NC03075 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424341.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC03075, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC03075 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | LE JUNTER | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 11 mars 2022 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné, et l'arrêté du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de 24 mois. Par un jugement n° 2202693 du 26 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire respectivement enregistrés le 8 décembre 2022 et le 30 mars 2023, M. A..., représenté par Me Le Junter, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 26 septembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 11 mars 2022 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné, et l'arrêté du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de 24 mois ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans un délai de 15 jours suivant notification de la décision à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : Sur les moyens dirigés contre l'ensemble des décisions : - l'arrêté est entaché d'incompétence dès lors qu'il n'est pas établi que le préfet aurait été absent ou empêché ; - les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ; - le préfet de police n'a pas procédé à l'examen individuel sérieux de sa situation avant de prendre l'arrêté attaqué dès lors qu'il n'a pris en compte ni sa présence en situation régulière pendant 22 ans, ni la situation régulière de sa compagne, ni son activité professionnelle et ni la présence de trois frères en situation régulière dont un de nationalité française ; - les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur sa situation personnelle ; Sur les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français : - la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il justifie d'une adresse stable et que sa compagne est titulaire d'un titre de séjour ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Sur les moyens dirigés contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire : - la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'erreur de droit au regard de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a reçu une convocation à comparaître à une audience en novembre 2022 ; - la même décision est entachée d'une erreur d'appréciation quant au risque de fuite ; Sur les moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination : - il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ; - la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Sur les moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : - il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire à l'encontre de la décision portant interdiction de retour ; - la décision est entachée d'une erreur de fait dès lors que sa compagne est titulaire d'un titre de séjour ; - la même décision est entachée d'une erreur d'appréciation quant à son principe, compte tenu des circonstances humanitaires relatives à sa situation, et quant à sa durée, eu égard à l'intensité de ses liens avec la France ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés et sollicite une neutralisation de motifs quant à la régularité de la situation en France de la compagne de M. A.... M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant sénégalais né le 11 mai 1967, déclare être entré en France en 1998. A la suite de son interpellation par les services de police le 10 mars 2022, il a fait l'objet de deux arrêtés du préfet de police de Paris du 11 mars 2022 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. M. A... fait appel du jugement du 26 septembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés. Sur les conclusions aux fins d'annulation : S'agissant des moyens communs à l'ensemble des décisions : 2. Le requérant reprend en appel les moyens qu'il avait invoqué en première instance tirés de l'incompétence de l'auteur des arrêtés attaqués, de leur insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens à l'appui desquels le requérant ne présente aucun élément de fait ou de droit nouveau, par adoption de motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy. S'agissant des moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré (...) ". 4. Aucune des pièces du dossier ne permet d'établir que M. A... a obtenu ou même seulement demandé la régularisation de sa situation en France. Par suite, le préfet de police de Paris pouvait se fonder sur le 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obliger M. A... à quitter le territoire français au seul motif que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour sans que le requérant puisse utilement faire valoir la situation de sa compagne et la stabilité de son adresse qui, au demeurant ne ressortent pas des pièces soumises à la cour. Dès lors, le moyen tiré d'éventuelles erreurs de fait sur ces deux points ne peut qu'être écarté. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien- être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 6. Même si M. A... se prévaut d'une situation stable en France depuis 1998, de sa relation avec une compatriote en situation régulière, mère d'un enfant français dont il s'occuperait, de la présence de trois frères en situation régulière en France, et de l'exercice d'une activité professionnelle il ne produit aucune pièce au soutien de ces allégations alors qu'au contraire le préfet de police produit un refus de titre de séjour au nom de sa compagne du 11 février 2021. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle sont écartés. S'agissant des moyens dirigés contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire : 7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet " et de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ". 8. En premier lieu, si M. A... fait valoir qu'il devait comparaître le 22 novembre 2022 devant le tribunal judiciaire de Metz, la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire n'a ni pour objet ni pour effet de le priver du droit de se défendre devant cette juridiction, dès lors qu'il pourra, le cas échéant, s'adresser au tribunal, en vertu de l'article 410 du code de procédure pénale, pour faire valoir qu'il est dans l'impossibilité de comparaître pour une cause indépendante de sa volonté. Par suite, la décision contestée ne méconnaît pas le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 9. En deuxième lieu, il est constant que M. A... s'est prévalu d'un faux passeport français lors de son interpellation par les services de police le 10 mars 2022. Par ailleurs, il ne soutient ni même n'allègue être entré régulièrement sur le territoire français et avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Ces seuls motifs suffisent au préfet de police pour estimer qu'il existe un risque que M. A... se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français. Ainsi, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a fait une inexacte application des dispositions combinées des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu l'articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entachée sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle. S'agissant des moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination : 11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai à l'encontre de la décision fixant le pays de destination. 12. M. A... n'est pas davantage fondé à invoquer la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision fixant le pays de destination. S'agissant des moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : 13. En premier lieu, M. A... n'établit pas, ainsi qu'il vient d'être dit, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire. Par suite, il n'est pas fondé à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. 14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France de l'intéressé. 15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 9, le préfet de police de Paris n'a ni commis d'erreur de fait, ni fait une inexacte application des dispositions précitées en fixant à vingt-quatre mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français. De même, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est écarté. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police de Paris. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2022. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC03075 |
CETATEXT000048424342 | J5_L_2023_11_00022NC03076 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424342.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC03076, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC03076 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | OPYRCHAL | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2102866 du 27 janvier 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 8 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Opyrchal, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 27 janvier 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Marne de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2023, le préfet de la Haute-Marne conclut au non-lieu à statuer, l'arrêté ayant été abrogé en raison de l'octroi de la protection subsidiaire le 15 décembre 2022. Par un mémoire enregistré le 18 octobre 2023, M. A... déclare se désister purement et simplement de la requête. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., de nationalité ukrainienne, déclare être entré en France le 3 octobre 2020. Il a sollicité des autorités françaises son admission au séjour au titre de l'asile en raison de craintes en cas de retour dans son pays d'origine. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 avril 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 15 octobre 2021. Par un arrêté du 1er décembre 2021, le préfet de la Haute-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 27 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. Le désistement de M. A... est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. D É C I D E : Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de M. A.... Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Marne. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC03076 |
CETATEXT000048424343 | J5_L_2023_11_00022NC03229 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424343.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC03229, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC03229 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | CHAMPY | M. Jean-Baptiste SIBILEAU | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... D... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an. Par un jugement n° 2201560 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ce recours. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 23 décembre 2022 et un mémoire complémentaire enregistré le 24 février 2023, M. C... D... B..., représenté par Me Champy, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 1er décembre 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 20 septembre 2022 par laquelle le préfet du Jura, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an ; 3°) d'enjoindre au préfet du Jura, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français : - elle est entachée d'incompétence ; - elle est insuffisamment motivée ; - son droit à être entendu a été méconnu ; - le préfet du Jura a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ; - elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi : - elle est entachée d'incompétence ; - elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; -elle est insuffisamment motivée ; - elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ; - elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. s'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français : - elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ; - elle est disproportionnée. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2023, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 6 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... D... B..., ressortissant pakistanais né le 8 décembre 1970, est entré en France selon ses dires le 6 décembre 2015. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 10 octobre 2016 sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 20 juillet 2017 la Cour nationale du droit d'asile a confirmé la décision de l'OFPRA. M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 27 juin 2022. Par un arrêté du 20 septembre 2022, le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an. M. B... relève appel du jugement du 1er décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 septembre 2022. Sur les moyens communs : 2. En premier lieu, M. Justin Babillotte, secrétaire général de la préfecture du Jura, a reçu, par arrêté préfectoral du 23 août 2022, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le Jura, délégation de signature aux fins de prendre les mesures de la nature de celles contenues dans l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte litigieux doit être écarté. 3. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui s'est substitué à l'article L. 513-2 du même code dont se prévaut M. B... : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". 4. M. B..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, en date du 10 octobre 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 juillet 2017, soutient risquer d'être exposé à des traitements prohibés par les stipulations précisés en cas de retour au Pakistan. Toutefois il ne produit à l'appui de ses allégations aucune précision ni aucun justificatif, susceptible d'établir qu'il court personnellement des risques en cas de retour dans son pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français : 5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'arrêté contesté, qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé. Le préfet du Jura, qui a mentionné dans son arrêté que l'appelant ne produit pas d'éléments justifiant de considérations humanitaires particulières, qu'il n'a pas d'attaches familiales et personnelles en France, que son épouse et ses enfants vivent au Pakistan, a procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. B.... 6. En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent. 7. En l'espèce, l'obligation de quitter le territoire a été prise sur le fondement des dispositions du 2°, 3° et 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le rejet d'une demande de titre de séjour de l'intéressé, de sorte que l'administration n'avait pas à le mettre à même de présenter spécifiquement des observations sur cette mesure. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait été privé de la possibilité de présenter des éléments pertinents susceptibles d'influer sur le contenu de la décision en litige. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté. 8. En troisième lieu, aux termes de l'alinéa premier de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". 9. M. B... soutient qu'il est présent en France de manière continue depuis sept ans au jour de la décision attaquée, qu'il a travaillé treize mois sur les deux années précédant cette décision au moyen de contrats à durée déterminée puis à durée indéterminée depuis 2021, qu'il justifie à ce titre d'expérience et de compétences dans le domaine de la restauration et, enfin, que le centre de ses intérêts privés se situe en France. Toutefois, la durée du séjour de M. B... sur le territoire français trouve essentiellement son origine dans son refus d'exécuter les décisions d'éloignement prises à son encontre. L'intéressé ne produit aucun élément de nature à démontrer une intégration particulière sur le territoire français. Il ressort au contraire des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans charge de famille en France, mais également père d'enfants nés au Pakistan et dont il n'est pas démontré qu'ils ne résideraient plus dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, M. B... ne peut pas être regardé comme justifiant de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 précité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté. Sur la décision fixant le pays de destination : 10. En premier lieu, le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire doit être écarté dès lors que la décision contestée fait suite à une demande de M. B.... 11. En deuxième lieu, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée en fait par l'indication que l'intéressé est de nationalité pakistanaise, qu'il pourra être reconduit d'office à la frontière du pays dont il a la nationalité ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible, et qu'il n'établit pas que sa vie ou sa liberté est menacée ou qu'il est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le cadre de l'exécution de la décision. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisante motivation doit être écarté. 12. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise sur le fondement d'une décision faisant obligation de quitter le territoire français illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté. 13. En quatrième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est dépourvu de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Sur l'interdiction de retour sur le territoire français : 14. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'a pas été prise sur le fondement d'une décision faisant obligation de quitter le territoire français illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté. 15. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France des intéressés. 16. Si M. B... soutient que la présence de sa famille en France constitue une circonstance humanitaire au sens de l'article L. 612-6 précité, il n'établit ni que ses enfants et son épouse seraient effectivement en France ni de surcroît qu'ils y résideraient régulièrement. 17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence les conclusions présentées par M. B... à fin d'injonction et celles au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Jura. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC03229 |
CETATEXT000048424344 | J5_L_2023_11_00022NC03246 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424344.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 22NC03246, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC03246 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | BERTIN | Mme Sandra BAUER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 26 janvier 2022 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de renouveler son autorisation provisoire de séjour, ainsi que l'arrêté du 23 août 2022 par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2201325, 2201448 et 2201585 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Bertin, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Besançon ; 2°) d'annuler la décision du 26 janvier 2022 portant refus de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour ainsi que l'arrêté du 23 août 2022 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ; 3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " visiteur " dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et dans cette attente de lui remettre un récépissé de demande ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée de trois mois dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre infiniment subsidiaire, de procéder au réexamen de ses demandes dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour : - la décision attaquée est insuffisamment motivée en droit, laquelle était requise s'agissant d'une demande de prolongation de visa pour force majeure et prévue par le code des relations entre le public et l'administration ; - elle méconnaît l'article 33-1 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ; l'ordonnance n° 2020/328 du 25 mars 2020 prévoyait une prolongation de validité de 6 mois des autorisations provisoires de séjours et visas de long séjour expirant entre le 16 mars et le 15 juin 2020 ; - elle est entachée d'erreur de droit du fait de la remise en cause d'un droit provisoire au séjour acquis sans fraude, en l'absence de changement dans les circonstances de fait et de droit ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; à supposer qu'elle ait pu rentrer en Chine, elle aurait dû se soumettre à un confinement prolongé dans un contexte d'isolement familial et social incompatible avec son âge et son état de santé ; elle bénéficie en France d'une prise en charge matérielle et financière par sa fille et son gendre en situation régulière ; En ce qui concerne la décision portant refus de séjour : - elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen individuel de sa situation ; - elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru, à tort, en situation de compétence liée en raison de l'absence de visa long séjour et de moyens d'existence suffisants ; - elle est entachée d'une erreur de fait quant à ses ressources ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé et des conditions d'accueil en Chine ; - elle méconnaît les stipulations l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle est irrégulière en raison de l'illégalité entachant la décision de refus de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le règlement n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante chinoise née le 24 février 1958, est entrée en France le 16 juillet 2019 sous couvert d'un visa de type D portant la mention " long séjour temporaire ", valable jusqu'au 1er juillet 2020, pour y visiter sa fille et ses petits-enfants. En raison du contexte sanitaire lié à l'épidémie de Covid-19, Mme A... n'a pu regagner son pays pendant la période de validité de son visa et s'est vu délivrer, le 20 juillet 2020, une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 31 août suivant et renouvelée à plusieurs reprises, jusqu'au 20 janvier 2022. Par une décision du 26 janvier 2022, le préfet du Doubs a refusé de renouveler son autorisation provisoire de séjour et par un arrêté du 23 août 2022, il a également rejeté la demande du 4 mai 2022 de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " visiteur " de l'intéressée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 1er décembre 2022, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions. Sur les conclusions aux fins d'annulation : En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour du 26 janvier 2022 : 2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation en droit et de la méconnaissance des dispositions du règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009. 3. En deuxième lieu, Mme A... ne disposait d'aucun droit acquis à la prolongation de son autorisation provisoire de séjour, laquelle avait déjà été renouvelée à cinq reprises du 31 août 2020 jusqu'à la fin du mois de janvier 2022. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, la limitation du trafic aérien avec la Chine, en raison de laquelle lui avait été délivrée puis renouvelée une autorisation provisoire de séjour, avait disparu et qu'ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, la requérante n'établit pas avoir été dans l'impossibilité de se rendre en Chine par voie aérienne entre la dernière date de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour et la décision de refus attaquée. L'autorisation provisoire de séjour sollicitée n'ayant ni pour objet ni pour effet de permettre son installation durable sur le territoire, les circonstances selon lesquelles elle bénéficierait en France d'une prise en charge médicale, matérielle et affective par sa fille et son gendre sont sans incidence sur la légalité du refus qui lui a été opposé. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté. En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour du 23 août 2022 : 5. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour et du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressée. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources, dont le montant doit être au moins égal au salaire minimum de croissance net annuel, indépendamment de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale et de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur " d'une durée d'un an. / Il doit en outre justifier de la possession d'une assurance maladie couvrant la durée de son séjour et prendre l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : 1° Un visa de long séjour ; 2° Un visa de long séjour conférant à son titulaire, en application du second alinéa de l'article L. 312-2, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 ou L. 421-13 à L. 421-24, ou aux articles L. 421-26 et L. 421-28 lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d'une durée inférieure ou égale à un an ; (...) ". 7. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " visiteur ", le préfet du Doubs s'est fondé, ainsi qu'il pouvait le faire et sans qu'il apparaisse qu'il se soit cru lié à tort par ces éléments, sur les circonstances que l'intéressée ne justifiait plus, à la date de sa demande, d'un visa de long séjour en cours de validité, exigé par l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'elle ne disposait pas de moyens d'existence suffisants au regard des dispositions de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard est sans incidence la circonstance que la fille de Mme A... et son époux disposent d'un revenu suffisant pour la prendre en charge dès lors que les dispositions précitées exigent que les ressources propres du demandeur soient au moins égales au salaire minimum de croissance net annuel, tel n'étant pas le cas dès lors que la requérante ne justifie que d'une retraite mensuelle équivalent à 457,46 euros. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'erreur de fait doit donc être écarté. 8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 9. Si la requérante se prévaut de la présence en France de sa fille et de son gendre, qui disposent de revenus suffisants pour la prendre en charge, et de problèmes de santé nécessitant un suivi régulier, lequel ne pourra être assuré en cas de retour dans son pays d'origine en raison des conditions d'accueil de cet Etat, le titre de séjour sollicité portant la mention " visiteur " n'a pas vocation à lui conférer un droit au séjour permanent en France et implique, en tout état de cause, son retour dans son pays d'origine. Dans ces circonstances, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 10. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. 11. La fille de l'intéressée étant majeure à la date de sa demande de délivrance d'un titre de séjour, Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir de ces dispositions. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français du 23 août 2022 : 12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant refus de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour doit être écarté. 13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes en annulation des décisions attaquées. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, de même que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête susvisée présentée par Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Doubs. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Wurtz, président, Mme Bauer, présidente-assesseure, M. Meisse, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 22NC03246 2 |
CETATEXT000048424345 | J5_L_2023_11_00023NC00099 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424345.xml | Texte | CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 23NC00099, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC00099 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. WALLERICH | CHAIB | Mme Marion BARROIS | Mme ANTONIAZZI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 29 juillet 2021 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement n° 2102583 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 janvier et 17 avril 2023, M. A..., représenté par Me Chaib, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 novembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 29 juillet 2021 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; 3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision de refus de titre de séjour est entachée d'incompétence en l'absence de délégation de compétence au signataire de l'acte ; - son état civil et son âge sont établis par l'ensemble des éléments produits et le préfet ne renverse pas la présomption d'authenticité de l'article 47 du code civil ; - il peut ainsi se prévaloir d'un droit au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il en remplit les conditions. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés dès lors que le nouvel extrait d'acte de naissance est également irrégulier et qu'il ne justifie ni suivre une formation qualifiante au titre de l'année scolaire 2022/2023, ni du caractère réel et sérieux de ses études. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention franco-ivoirienne du 24 avril 1961 ; - le code civil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - et les observations de Me Jeannot, substituant Me Chaib, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant ivoirien, déclarant être né le 10 avril 2002, est entré sur le territoire français le 28 janvier 2019. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance par une ordonnance de placement provisoire du 2 avril 2019 puis par une ordonnance d'ouverture d'une tutelle d'Etat du 15 avril 2019. Par un courrier du 10 août 2019, reçu par les services de la préfecture de Meurthe-et-Moselle le 20 septembre 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son inscription en certificat d'aptitude professionnel (CAP) " maintenance des véhicules " au lycée professionnel de Dombasle-sur-Meurthe. Par une décision du 29 juillet 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande de titre de séjour. M. A... relève appel du jugement du 23 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur le cadre du litige : 2. D'une part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Aux termes de l'article 20 de l'accord franco-ivoirien du 24 avril 1961 : " Par acte de l'état civil, au sens des articles 18 et 19 ci-dessus, il faut entendre : les actes de naissance, les actes de déclaration d'un enfant sans vie, les actes de reconnaissance des enfants naturels dressés par les officiers de l'état civil, les avis de légitimation, les actes de mariage, les actes de décès, les transcriptions des ordonnances, jugements ou arrêts en matière d'état civil, les transcriptions des jugements ou arrêts de divorce et de séparation de corps ". Selon l'article 21 de ce même accord : " Seront admis, sans légalisation, sur les territoires respectifs de la République Française et de la République de Côte d'Ivoire les documents suivants établis par les autorités administratives et judiciaires de chacun des deux Etats : les expéditions des actes de l'état civil, les expéditions des décisions, ordonnances, jugements, arrêts et autres actes judiciaires, les affidavits, déclarations écrites ou autres documents judiciaires enregistrés ou déposés dans les tribunaux des deux Etats, les actes notariés, les certificats de vie des rentiers-viagers (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation. En outre, la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. A la condition que l'acte d'état civil étranger soumis à l'obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l'autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d'authenticité, l'absence ou l'irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'il contient. En particulier, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative d'y répondre, sous le contrôle du juge, au vu de tous les éléments disponibles, dont les évaluations des services départementaux et les mesures d'assistance éducative prononcées, le cas échéant, par le juge judiciaire, sans exclure, au motif qu'ils ne seraient pas légalisés dans les formes requises, les actes d'état civil étrangers justifiant de l'identité et de l'âge du demandeur. 4. D'autre part, aux termes de l'article 20 de l'accord franco-ivoirien du 24 avril 1961 : " Par acte de l'état civil, au sens des articles 18 et 19 ci-dessus, il faut entendre : les actes de naissance, les actes de déclaration d'un enfant sans vie, les actes de reconnaissance des enfants naturels dressés par les officiers de l'état civil, les avis de légitimation, les actes de mariage, les actes de décès, les transcriptions des ordonnances, jugements ou arrêts en matière d'état civil, les transcriptions des jugements ou arrêts de divorce et de séparation de corps ". Selon l'article 21 de ce même accord : " Seront admis, sans légalisation, sur les territoires respectifs de la République Française et de la République de Côte d'Ivoire les documents suivants établis par les autorités administratives et judiciaires de chacun des deux Etats : les expéditions des actes de l'état civil, les expéditions des décisions, ordonnances, jugements, arrêts et autres actes judiciaires, les affidavits, déclarations écrites ou autres documents judiciaires enregistrés ou déposés dans les tribunaux des deux Etats, les actes notariés, les certificats de vie des rentiers-viagers (...) ". Il résulte de ces stipulations que l'extrait du registre d'état civil ne figurant pas sur la liste des actes exemptés de légalisation, il ne saurait être regardé comme bénéficiant de la présomption instituée par l'article 47 du code civil. Sur les conclusions à fin d'annulation : 5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que pour justifier de sa minorité et de son état civil, M. A... a produit un passeport biométrique valable du 7 septembre 2020 au 6 septembre 2025, un extrait du registre des actes d'état civil de Lopou du 6 novembre 2018 le déclarant né le 10 avril 2002 à Vieil-Ousrou en Côte d'Ivoire, un certificat de nationalité ivoirienne du 18 décembre 2018 du président du tribunal de première instance de Yopougon ainsi qu'en dernier lieu, un nouvel extrait du registre des actes d'état civil du 31 janvier 2022 légalisé le 10 février 2022 par le sous-préfet de Lopou et le 16 février 2022 par le secrétaire général de préfecture à Abidjan qui confirme les précédents documents. 6. Même s'il ressort du rapport d'examen technique documentaire du 5 mars 2020 que le premier extrait d'acte de naissance n'étant pas légalisé, il serait irrecevable au regard de l'article 47 du code civil et que le certificat de nationalité contreviendrait aux articles 97 et 98 du code de la nationalité ivoirien, il résulte néanmoins du rapport du 30 mars 2023 relatif au nouvel extrait du registre des actes d'état civil du 31 janvier 2022 que même s'il manque les mentions obligatoires prévues aux articles 24, 42 et 42 du code de l'état civil ivoirien, le document est cohérent avec les éléments portés sur les deux documents précédemment expertisés en mars 2020 et que le passeport expertisé le 17 février 2021 est conforme et présente toutes les garanties de son caractère authentique. Par suite, M. A... a bien justifié de sa nationalité et de son état civil. 7. En second lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". 8. Il résulte de ce qui est exposé au point 6 que M. A... a bien sollicité le 10 août 2019 à l'âge de dix-sept ans une carte de séjour salarié. De plus, il ressort du rapport de la structure d'accueil que M. A... s'est parfaitement intégré et qu'il n'a plus aucun contact avec sa famille. Enfin, le caractère réel et sérieux de sa formation ne peut être remis en cause dès lors qu'il a obtenu son certificat d'aptitude professionnel (CAP) " maintenance des véhicules " au lycée professionnel de Dombasle-sur-Meurthe en juin 2021 avec une moyenne générale supérieure à 14/20 avant de poursuivre sa scolarité en première professionnelles pour l'année 2021/2022. Par suite, à la date de la décision attaquée, M. A... remplissait les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 9. Il résulte de tout ce qui précède que la décision du 29 juillet 2021 du préfet de Meurthe-et-Moselle est annulée et que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 10. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. A... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 : 11. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Chaib avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Chaib de la somme de 1 500 euros. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2102583 du 23 novembre 2021 du tribunal administratif de Nancy et l'arrêté du 29 juillet 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à Me Chaib, avocat de Me A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Chaib renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Chaib et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 23NC00099 |
CETATEXT000048424346 | J5_L_2023_11_00023NC00117 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424346.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 23NC00117, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC00117 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | DOLLÉ | Mme Sandra BAUER | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un jugement n° 2107048 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Dollé, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 1er février 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ; 2°) d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou un récépissé de demande ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : Sur la décision préfectorale portant obligation de quitter le territoire français : - elle a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu et révèle un défaut d'examen personnel de sa situation ; - elle méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sur l'interdiction de retour sur le territoire français : - elle est entachée d'insuffisance de motivation dans son principe et dans sa durée ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bauer, - et les observations de Me Dollé pour M. A.... Une note en délibéré, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 17 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant ivoirien, a déclaré être entré en France irrégulièrement le 24 février 2020. Se déclarant mineur isolé, il a sollicité sa prise en charge par le centre départemental de l'enfance de Metz qui lui a opposé un refus au terme de la période d'évaluation pour contestation de la réalité de sa minorité. Par un jugement du 19 mars 2021, le juge des enfants, saisi d'un recours à l'encontre de la décision du centre départemental de l'enfance, a prononcé une mesure d'assistance éducative à son égard et a saisi le procureur aux fins de vérification de ses documents d'identité et d'état civil. Au vu des résultats de l'enquête effectuée, M. A... a fait l'objet d'un placement en garde à vue le 14 octobre 2021 pour des faits de détention frauduleuse de faux documents administratifs constatant un droit, une identité ou une qualité. Par un arrêté du 15 octobre 2021, le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français. Par un jugement du 1er février 2022, dont l'intéressé relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de l'intéressé à fin d'annulation de ces décisions. Sur les conclusions à fin d'annulation : Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire : 2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;(...) ;5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ;(...) ". 3. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt C-141/12 et C-372/12 du 17 juillet 2014), que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations par une autorité d'un Etat membre est inopérant. D'autre part, une atteinte au droit d'être entendu garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision. 4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été mis à même de présenter toutes observations utiles sur les conditions d'obtention des documents administratifs ivoiriens dont il s'est prévalu, de même que sur son droit au séjour et sur l'éventualité d'une mesure d'éloignement, au cours de la garde à vue dont il a fait l'objet le 14 octobre 2021 à l'occasion de la procédure pour détention et usage de faux documents intentée à son encontre. Il n'établit ainsi nullement avoir été empêché de présenter l'attestation d'authenticité de son passeport biométrique ivoirien qui lui a été délivrée par le consulat général de Côte d'Ivoire à Paris alors, en tout état de cause, que le caractère authentique de ce dernier n'a pas fait l'objet d'une contestation, seules ses conditions d'obtention ayant été critiquées. La circonstance, à la supposer établie, que l'administration n'ait pas vérifié ces conditions d'obtention auprès des autorités consulaires ne saurait caractériser un défaut d'examen de sa situation, alors qu'il est constant que les services de police ont procédé, sur instruction du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Metz du 2 juillet 2021, à une évaluation des documents administratifs en possession de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être préalablement entendu et du défaut d'examen particulier de la situation de M. A... ne peuvent qu'être écartés. 5. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français :1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ". Ce dernier article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. 6. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... a présenté plusieurs documents administratifs faisant état de sa situation de minorité, l'examen technique documentaire, mené le 16 juillet 2021 sur instruction du procureur de la République, a permis d'établir que, tant l'extrait de registre d'état-civil que la copie intégrale d'acte de naissance et le certificat de nationalité ivoirienne produits par l'intéressé comportaient de nombreuses irrégularités et de conclure que, si le passeport biométrique présenté par M. A... et obtenu sur la base de ces documents présentait, quant à lui, un caractère authentique, il avait été obtenu de manière indue. L'expertise osseuse également conduite le 14 octobre 2021 a par ailleurs révélé une importante discordance par rapport à l'âge civil déclaré, concluant à un âge d'au moins 26 ans. Si le requérant se prévaut du jugement du tribunal correctionnel de Metz du 29 octobre 2021 le renvoyant des fins de la poursuite dans le cadre de la procédure pour détention et usage de faux documents, l'autorité de la chose jugée s'attachant aux décisions des juges répressifs devenues définitives ne s'attache qu'à la constatation matérielle des faits mentionnée dans le jugement. Or, ledit jugement ne comporte aucune mention de ses motifs, alors au demeurant qu'il relève par ailleurs que l'intéressé est né le 5 janvier 1995, et non, comme ce dernier l'allègue, le 5 janvier 2004. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté. Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français : 7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ". 8. En premier lieu, il résulte des termes de la décision litigieuse qu'elle comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, le préfet de la Moselle ayant notamment analysé la situation de M. A... au regard des critères prévus par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. 9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'était présent en France que depuis moins de deux ans à la date de la mesure d'éloignement et n'y justifie pas de liens personnels et familiaux, ni de circonstance humanitaire particulière justifiant l'absence d'édiction d'une mesure d'interdiction de retour. La seule circonstance qu'il poursuit des études en France ne suffit pas à caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors en tout état de cause qu'il ne justifie pas ne pas pouvoir mener à bien sa scolarité dans son pays d'origine où résident toujours ses parents. Les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent par suite être écartés. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation des décisions attaquées. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, de même que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. D E C I D E : Article 1er : La requête susvisée présentée par M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Moselle. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Wurtz, président, Mme Bauer, présidente-assesseure, M. Meisse, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 23NC00117 2 |
CETATEXT000048424347 | J5_L_2023_11_00023NC00119 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424347.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 23NC00119, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC00119 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | CABINET CEVIZ AVOCATS & CONSEILS | M. Eric MEISSE | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Par un jugement n° 2206663 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2023, M. A... B..., représenté par Me Ceviz, doit être regardé comme demandant à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2206663 du tribunal administratif de Strasbourg du 19 décembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 15 septembre 2022 ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique. Il soutient que : - la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; - la décision en litige méconnaît les articles L. 426-17 et L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il satisfait aux conditions de ressources et de résidence prévues par les dispositions en cause ; - cette décision, ainsi que la décision portant obligation de quitter le territoire français, méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B... est un ressortissant turc, né le 1er avril 1980. Il est entré régulièrement en France, le 25 janvier 2017, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants mineurs, nés le 6 juin 2008, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de long séjour en qualité de fonctionnaire turc pour exercer les fonctions d'imam pour une durée de quatre ans. Il a été mis en possession d'un titre de séjour portant la mention " visiteur ", qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 13 janvier 2021 et dont il a sollicité le renouvellement, en dernier lieu, le 7 février 2022. Estimant que, à cette date, M. B... n'était plus détaché par l'Etat turc en France et que ses ressources n'y étaient donc plus assurées, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 15 septembre 2022, a refusé de faire droit à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2022. Il relève appel du jugement n° 2206663 du 19 décembre 2022, qui rejette sa demande. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour : 3. En premier lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. La circonstance que les motifs de cette décision, qui se réfèrent au titre " visiteur " de M. B... et examinent s'il remplit toujours les conditions pour y prétendre, mentionnent à tort l'article L. 426-1 au lieu de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constitue une simple erreur de plume, qui est sans incidence sur la légalité de la décision. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté. 4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des motifs de la décision en litige, ni d'aucune des autres pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation de M. B... au regard des éléments dont elle avait connaissance. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté. 5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait entendu solliciter son admission au séjour en application de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète du Bas-Rhin n'ayant pas examiné d'office s'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre sur ce fondement, ainsi qu'il lui était loisible de le faire à titre gracieux, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause doit être écarté comme inopérant. 6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources, dont le montant doit être au moins égal au salaire minimum de croissance net annuel, indépendamment de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale et de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur " d'une durée d'un an. / Il doit en outre justifier de la possession d'une assurance maladie couvrant la durée de son séjour et prendre l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle. / Par dérogation à l'article L. 414-10, cette carte n'autorise pas l'exercice d'une activité professionnelle. / Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat ". 7. Pour refuser de renouveler le titre de séjour du requérant sur le fondement des dispositions de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur la circonstance que, M. B... n'étant plus détaché par le gouvernement turc, ses ressources en France n'étaient plus assurées. En se bornant à produire une facture d'électricité datée du 13 janvier 2022 et un extrait de compte bancaire retraçant des opérations de crédit et de débit au titre du mois de septembre 2022, l'intéressé ne conteste pas sérieusement le motif qui lui a été opposé par l'administration. Par suite, alors que M. B... a déclaré, dans sa demande de renouvellement du 3 juillet 2022, ne plus travailler en France depuis 2021 et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il continuerait à être rémunéré par son pays d'origine pour exercer les fonctions d'imam, ni qu'il occuperait un logement mis à disposition à titre gratuit, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. 8. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est arrivé en France le 25 janvier 2017 à l'âge de trente-six ans. Ayant été admis à séjourner sur le territoire français en qualité de visiteur, il n'a pas vocation à y demeurer. En dehors de son épouse et de leurs deux fils mineurs, il ne justifie d'aucune attache familiale ou personnelle sur le territoire français. Il n'établit pas davantage être isolé dans son pays d'origine, où résident notamment ses parents, un frère et une sœur. Si M. B... fait valoir qu'il ne représente aucune menace pour l'ordre public, que sa famille est bien insérée dans la société française et que l'intérêt de ses enfants est de pouvoir poursuivre leur scolarité en France au moins jusqu'à la fin de l'année scolaire, de telles circonstances ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour en France. Enfin, il n'est pas démontré que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Turquie, ni que le retour de ses deux fils dans leur pays d'origine en cours d'année scolaire équivaudrait à leur déscolarisation. Par suite, alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause doit être écarté. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 10. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 15 septembre 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Meisse, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : E. MEISSE Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 23NC00119 2 |
CETATEXT000048424348 | J5_L_2023_11_00023NC00436 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424348.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 23NC00436, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC00436 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | GAFFURI | M. Stéphane BARTEAUX | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel la préfète de l'Aube l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2202533 du 29 décembre 2022, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté et enjoint à la préfète de l'Aube de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai d'un mois. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 9 février 2023, la préfète de l'Aube, représentée par Me Termeau, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 décembre 2022 ; 2°) rejeter la demande de Mme B.... Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'elle n'avait pas procédé à un examen sérieux de la situation de Mme B... ; - l'arrêté est suffisamment motivé ; - il ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - il ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2023, Mme A... B..., représentée par Me Gaffuri, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient : En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : - son insuffisance de motivation et l'erreur de fait révèlent un défaut d'examen sérieux de sa situation ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : - elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 2 mai 2023, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Barteaux, - et les observations de Mme B... et de son époux. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... est entrée en France le 21 juillet 2021, accompagnée de ses quatre enfants, pour y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 17 janvier 2022, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 13 juillet 2022. Par un arrêté du 13 octobre 2022, pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de l'Aube a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination. La préfète de l'Aube fait appel du jugement du 29 décembre 2022, par lequel le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai d'un mois. Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement : 2. Il est constant que Mme B... est entrée sur le territoire français en 2021 avec ses quatre enfants, son époux étant demeuré au Liban. S'il ressort des pièces du dossier qu'antérieurement à l'édiction de l'arrêté du 13 octobre 2022, le conjoint de Mme B... s'est vu accorder, le 12 septembre 2022, un visa de type D à entrées multiples, valable du 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023 ainsi que, le 31 août suivant, une autorisation de travail pour un emploi de cuisinier au sein de l'entreprise " Au Libanais ", gérée par un membre de la famille, avec un contrat à durée indéterminée, il n'en demeure pas moins, ainsi qu'en atteste la copie d'un billet d'embarquement du 15 novembre 2022, que son époux n'était pas encore présent en France à la date de l'arrêté en litige. Il n'est, par ailleurs, pas établi que Mme B... aurait, au cours de la procédure d'asile, informé, comme elle l'allègue, la préfète de l'Aube de l'évolution prévisible de sa situation familiale et, en particulier, de l'arrivée à courte échéance de son conjoint, titulaire d'un visa de long séjour valant titre de séjour. Il n'est pas plus établi que la préfète de l'Aube aurait eu connaissance du visa délivré par les autorités consulaires à l'époux de Mme B.... Ainsi, la mention dans l'arrêté contesté que le conjoint de Mme B... ne résidait pas sur le territoire français et que la famille avait vocation à retourner dans son pays d'origine n'est pas, par elle-même, de nature à révéler un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. 3. Dans ces conditions, la préfète de l'Aube est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé, pour un défaut d'examen de la situation de M. B..., l'arrêté du 13 octobre 2022 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination. 4. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés en première instance et en appel par Mme B.... Sur les autres moyens soulevés par Mme B... : En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 5. En premier lieu, la décision contestée, quand bien même elle n'énonce pas tous les éléments relatifs à la situation de Mme B..., comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. 6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un billet d'embarquement produit par la requérante, que son époux n'est arrivé en France que le 15 novembre 2022, postérieurement à la date de la décision contestée. Par suite, en mentionnant dans la décision en litige que l'époux de Mme B... ne résidait pas en France, la préfète ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts. 7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 8. Mme B... demeurait en France depuis moins de deux ans à la date de l'arrêté contesté. Elle n'a pu y séjourner que la durée de l'instruction de sa demande d'asile et n'avait ainsi pas vocation, dans la mesure où celle-ci a été rejetée, à s'y installer durablement. Si elle se prévaut de la présence sur le territoire français de ses parents et d'autres membres de sa famille, elle a vécu séparée d'eux jusqu'à son entrée sur le territoire français en 2021. Par ailleurs, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches personnelles dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans. Elle ne fait valoir aucune circonstance qui s'opposerait à ce que ses enfants reprennent leur scolarité dans son pays d'origine. Elle n'établit pas davantage que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer au Liban, nonobstant le visa de long séjour délivré à son époux le 12 septembre 2022. Dans ces conditions, la préfète de l'Aube n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a pris la décision contestée et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 9. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste que la préfète aurait commise dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de Mme B... doivent être écartés. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". 11. Mme B... fait valoir qu'elle craint pour sa sécurité et celle de ses enfants en raison des menaces d'un ancien général incarcéré pour corruption à la suite des aveux qu'auraient faits son époux. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de ses allégations alors qu'au demeurant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont refusé de lui accorder le statut de réfugié après avoir relevé le caractère peu concret des menaces dont elle se déclare victime. Dans ces conditions, la décision ne méconnaît ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 12. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Aube est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 13 octobre 2022, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai d'un mois et a condamné l'Etat à verser à Me Gaffuri la somme de 1 000 euros sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions présentées en appel par Mme B... sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 décembre 2022 est annulé. Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et ses conclusions d'appel sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Barteaux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : S. BARTEAUX Le président, Signé : Ch. WURTZLe greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 23NC00436 2 |
CETATEXT000048424349 | J5_L_2023_11_00023NC01652 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424349.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 23NC01652, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC01652 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | MAINNEVRET - MALBLANC | M. Eric MEISSE | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : M. C... B... et Mme A... B..., son épouse, ont demandé chacun au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Par deux jugements n° 2202436 et n° 2202437 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes respectives. Procédures devant la cour : I. Par une requête, enregistrée le 29 mai 2023 sous le n° 23NC01652, M. C... B..., représenté par Me Mainnevret, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2202436 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 avril 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aube du 19 septembre 2022 le concernant ; 3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'une nouvelle décision ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les articles L. 423-23 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requête a été régulièrement communiquée à la préfète de l'Aube, qui n'a pas défendu dans la présente instance. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale du 7 août 2023. II. Par une requête, enregistrée le 29 mai 2023 sous le n° 23NC01653, Mme A... B..., représentée par Me Mainnevret, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2202437 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 avril 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aube du 19 septembre 2022 la concernant ; 3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'une nouvelle décision ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : - la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requête a été régulièrement communiquée à la préfète de l'Aube, qui n'a pas défendu dans la présente instance. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale du 7 août 2023. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Meisse, - et les observations de M. et Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Les requêtes n° 23NC01652 et n° 23NC01653, présentées pour M. C... B... et pour Mme A... B..., concernent un couple d'étrangers au regard de son droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. 2. M. et Mme B... sont des ressortissants géorgiens, nés respectivement les 7 décembre 1950 et 13 février 1955. Ils ont déclaré être entrés irrégulièrement en France le 23 décembre 2012. Ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 7 mars 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 17 novembre 2014. M. et Mme B... ayant sollicité leur admission au séjour pour raison de santé le 7 novembre 2014, le préfet de l'Aube, par deux arrêtés du 3 juillet 2015, dont la légalité a été confirmée par les jugements n° 1501661 et n° 1501662 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 novembre 2015, puis par les arrêts n° 15NC02380 et n° 15NC02381 de la cour administrative d'appel de Nancy du 5 août 2016, a pris à l'encontre de chacun d'eux une obligation de quitter le territoire français à laquelle ils n'ont pas déféré. Après avoir réitéré sa demande initiale le 29 octobre 2018, M. B... a été mis en possession d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, valable du 14 juin 2019 au 13 juin 2020, puis du 2 février 2021 et 1er février 2022, dont il a sollicité le renouvellement le 29 décembre 2021. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 mai 2022, la préfète de l'Aube, par deux arrêtés du 19 septembre 2022, a refusé délivrer aux requérants des titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. et Mme B... ont saisi chacun le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté le concernant. Ils relèvent appel des jugements n° 2202436 et n° 2202437 du 13 avril 2023, qui rejettent leurs demandes respectives. Sur le bien-fondé des jugements : En ce qui concerne les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". 4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. 5. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. 6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser le renouvellement du titre de séjour délivré à M. B... en qualité d'étranger malade, la préfète de l'Aube s'est notamment fondée sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 mai 2022. Selon cet avis, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de la Géorgie, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies. M. B... fait valoir qu'il souffre d'un diabète de type 2, de complications cardio-vasculaires entraînant des accidents vasculaires cérébraux et d'aphasie et que ces diverses pathologies nécessitent un suivi médical régulier, ainsi que l'assistance de son épouse pour l'accomplissement des actes de la vie courante. Toutefois, les certificats médicaux versés aux débats, émanant de médecins spécialistes ou généralistes, ne sont pas de nature, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, à remettre en cause l'appréciation de la préfète de l'Aube sur la capacité de l'étranger à voyager sans risque et sur la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine. De même, en se bornant à produire un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés du 30 juin 2020 sur l'accès aux soins en Géorgie, qui concernent des pathologies autres que celles dont il souffre, le requérant n'établit pas qu'il serait dans l'incapacité de supporter le coût financier des soins nécessités par ses affections. Par suite et alors qu'il résulte d'un certificat médical daté du 2 juin 2022 que M. B... a déjà été pris en charge en Géorgie, où il a bénéficié en 2005 d'un double pontage coronarien, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. 7. En second lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". 8. IL ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... sont arrivés en France, le 23 décembre 2022, à l'âge de soixante-deux et de cinquante-sept ans. Ils ont fait l'objet chacun, le 3 juillet 2015, d'une mesure d'éloignement à laquelle ils n'ont pas déféré. Autorisés à séjourner sur le territoire français en qualité d'étranger malade et d'accompagnant d'un étranger malade, ils n'ont pas vocation à y demeurer. S'ils se prévalent de la présence régulière en France de leur fils, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 8 juillet 2024, et de leur fille, bénéficiaire de la protection subsidiaire depuis le 19 mai 2021 et au domicile de laquelle ils sont hébergés, les intéressés, nés respectivement les 21 décembre 1978 et 4 juin 1980, ont vocation à constituer leur propre cellule familiale. Les requérants font encore valoir qu'ils entretiennent des relations étroites avec leur petit-fils et que Mme B... participe à des ateliers numériques et socio-linguistiques dans le cadre d'une association dont elle est membre depuis le 10 octobre 2021. Ils produisent, en outre, plusieurs attestations de proches ou de voisins mettant en exergue leurs qualités humaines et leurs efforts d'intégration. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas à leur conférer un droit au séjour en France. Par suite et alors que M. et Mme B... ne démontrent pas être isolés dans leur pays d'origine, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français : 9. Compte tenu de ce qui précède, les moyens tirés respectivement de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de ce qu'elles méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés de la préfète de l'Aube du 19 septembre 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes respectives. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Meisse, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, E. MEISSE Le président, Ch. WURTZ Le greffier, F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 23NC01652 et 23NC01653 2 |
CETATEXT000048424350 | J5_L_2023_11_00023NC02004 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424350.xml | Texte | CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 23NC02004, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-14 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC02004 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. WURTZ | KIPFFER | M. Eric MEISSE | M. MARCHAL | Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : M. B... A... et Mme C... A..., son épouse, ont demandé, chacun, au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Par deux jugements n° 2300046 et n° 2300101 du 21 février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes respectives. Procédures devant la cour : I. Par une requête, enregistrée le 23 juin 2023 sous le n° 23NC02004, Mme C... A..., représentée par Me Kippfer, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2300101 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy du 21 février 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 9 décembre 2022 la concernant ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : - la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas procédé à un examen complet et précis de sa situation personnelle et familiale ; - l'administration n'a pas examiné l'intérêt supérieur de son fils, né en France en octobre 2021 ; - elle a pris la décision en litige sans lui avoir demandé préalablement de produire l'ensemble des documents concernant sa situation ; - la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision portant fixation du pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023. II. Par une requête, enregistrée le 25 juin 2023 sous le n° 23NC02017, M. B... A..., représenté par Me Kippfer, demande à la cour : 1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2300046 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy du 21 février 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 9 décembre 2022 le concernant ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas examiné s'il remplissait les conditions de délivrance d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision portant fixation du pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023. Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Les requêtes n° 23NC02004 et n° 23NC02017, présentées pour Mme C... A... et pour M. B... A..., concernent un couple d'étrangers au regard de son droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. 2. M. et Mme A... sont des ressortissants ivoiriens, nés respectivement les 8 décembre 1993 et 8 juin 1994. Ils ont déclaré être entrés en France le 31 août 2020. Le 31 décembre 2021, ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mars 2022, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 28 octobre 2022. En application du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Meurthe-et-Moselle, par deux arrêtés du 9 décembre 2022, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. et Mme A... ont saisi chacun le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2022 pris à leur encontre. Ils relèvent appel des jugements n° 2300046 et n° 2300101 du 21 février 2023, qui rejettent leurs demandes respectives. Sur le bien-fondé des jugements : En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français : 3. En premier lieu, il ressort des pièces des dossiers, spécialement des motifs des décisions en litige, que le préfet de Meurthe-et-Moselle, après avoir constaté que la demande d'asile de chacun des requérants avait été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile, a procédé à un examen particulier de sa situation et a vérifié s'il pouvait légalement, au vu des éléments portés à sa connaissance, prendre à son encontre une mesure d'éloignement. En particulier, contrairement à ce que soutient M. A..., l'autorité administrative, en relevant que l'intéressé " ne se trouve pas dans l'un des cas selon lesquels un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire tels qu'ils sont définis par les articles L. 251-2 et L. 611-3 du code ", a nécessairement examiné s'il pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De même, la seule circonstance que la décision contestée par Mme A... ne mentionne pas la naissance de son fils à D...) le 2 octobre 2021 ne suffit pas à caractériser un défaut d'examen la concernant, ni à établir que le préfet se serait à tort abstenu de prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant avant de prononcer la mesure d'éloignement litigieuse. Il résulte également de ce qui précède, alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l'administration d'inviter au préalable un étranger à lui communiquer tous les éléments qu'il estime nécessaire à la bonne compréhension de sa situation personnelle et familiale, que le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté. 4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... sont arrivés en France, le 31 août 2020, à l'âge de vingt-six ans. En dehors de leur fils, né le 2 octobre 2021, ils ne justifient d'aucune attache familiale ou même personnelle en France et n'établissent pas davantage être isolés dans leur pays d'origine. De même, ils n'apportent aucun élément permettant d'apprécier leur degré d'intégration dans la société française. S'ils se prévalent de la naissance en France de leur enfant, cette circonstance ne suffit pas à leur conférer un droit au séjour. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle. Enfin, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de cet enfant. En ce qui concerne les décisions portant fixation du pays de destination : 5. Compte tenu de ce qui précède, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 9 décembre 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes respectives. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : Les requêtes de M. et de Mme A... sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Meisse, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : E. MEISSE Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 23NC02004 et 23NC02017 2 |
CETATEXT000048424351 | J6_L_2023_11_00017MA00806 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424351.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 17MA00806, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 17MA00806 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme JORDA-LECROQ | COSTA SIGRIST | M. Sylvain MERENNE | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Par un arrêt n° 17MA00806 du 8 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a porté à 21 000 euros la somme que la commune de Pietraserena et le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) de la Foata ont été solidairement condamnés à verser à M. B... A... par jugement du tribunal administratif de Bastia n° 1500591 du 12 janvier 2017, leur a enjoint de réaliser toutes les démarches nécessaires à l'accomplissement de la procédure d'expropriation portant sur le terrain d'assiette de plusieurs ouvrages publics, sauf à parvenir à une solution amiable avec M. A... ou à déplacer les ouvrages, dans un délai de six mois à compter de la date de notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et a mis à leur charge le versement de la somme de 1 000 euros chacun à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un arrêt n° 17MA00806 du 11 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a liquidé provisoirement l'astreinte à l'égard du SIVU de la Foata à la somme de 1 200 euros pour la période comprise entre le 13 mai 2019 et le 5 juin 2019 et a enjoint à la commune de Pietraserena et au SIVU de la Foata d'émettre des mandats de paiement portant sur le solde des condamnations prononcées aux articles 3 et 7 de l'arrêt du 8 novembre 2018 et à l'article 2 du jugement du 12 janvier 2017 du tribunal administratif de Bastia dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt. Par un arrêt n° 17MA00806 du 3 février 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a condamné le SIVU de la Foata à verser à M. A... la somme de 5 000 euros à titre de liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par l'arrêt de la cour administrative d'appel du 8 novembre 2018, et à l'Etat, la somme de 5 000 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. A.... Par lettre du 19 avril 2023, le greffe de la cour a invité le SIVU de la Foata à justifier l'exécution définitive de l'arrêt de la cour du 8 novembre 2018. Le SIVU de la Foata, représenté par Me Costa-Sigrist, a communiqué à la cour de nouvelles pièces portant sur l'avancée de la procédure d'expropriation en cours, enregistrées les 26 avril 2023, 21 juin 2023 et 26 juin 2023. Ces pièces ont été communiquées à M. A... et à la commune de Pietraserena, qui n'ont pas produit d'observations. Par une ordonnance du 22 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - et les observations de Me Claveau, représentant M. et Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. ". L'article L. 911-8 du même code dispose enfin que : " La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. Cette part est affectée au budget de l'Etat. ". 2. Par un arrêt n° 17MA00806 du 8 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a notamment enjoint au SIVU de la Foata de réaliser toutes les démarches nécessaires à l'accomplissement de la procédure d'expropriation portant sur le terrain d'assiette de plusieurs ouvrages publics, sauf à parvenir à une solution amiable avec M. A... ou à déplacer les ouvrages, dans un délai de six mois à compter de sa notification, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un arrêt n° 17MA00806 du 11 juillet 2019, la cour a procédé à une première liquidation de cette astreinte à la charge du SIVU de la Foata, pour la période comprise entre le 13 mai 2019, date à laquelle le délai de six mois imparti à compter de la notification de l'arrêt du 8 novembre 2018 a expiré, et le 5 juin 2019, date à laquelle la démarche permettant d'initier la procédure d'expropriation a été accomplie par le syndicat. Enfin, par un arrêt n° 17MA00806 du 3 février 2022, la cour a procédé à une nouvelle liquidation de l'astreinte à la charge du SIVU de la Foata pour la période comprise entre le 15 janvier 2020 et le 4 octobre 2021, date à laquelle le dossier complet en vue de la réalisation d'une enquête publique a été transmis au préfet de la Haute-Corse. 3. Il résulte de l'instruction que suite à la transmission, au préfet de la Haute-Corse, le 4 octobre 2021, du dossier nécessaire à la réalisation de l'enquête publique pour l'expropriation d'une partie de la parcelle cadastrée A 19, appartenant à M. A... et servant d'assiette à un répartiteur d'eau potable et au passage de canalisations, le préfet a, par arrêté du 23 mars 2022, prescrit l'ouverture des enquêtes publiques conjointes préalables, lesquelles se sont déroulées du 13 avril 2022 au 30 avril 2022. Un avis favorable du commissaire enquêteur a été émis le 18 mai 2022. Le préfet de la Haute-Corse a ensuite déclaré d'utilité publique le projet et a déclaré cessibles les parcelles nécessaires à la réalisation de cette opération par arrêté du 27 juillet 2022 puis a saisi le juge de l'expropriation par une requête enregistrée au greffe du tribunal judiciaire de Bastia le 10 août 2022. Par ordonnance du 24 janvier 2023, notifiée au SIVU de la Foata le 1er février suivant, le juge de l'expropriation a transféré la propriété des parcelles en cause, dont celle appartenant à M. A..., au SIVU de la Foata. 4. S'il ressort des éléments qui précèdent que le SIVU de la Foata justifie avoir effectué les démarches nécessaires à l'accomplissement de la procédure d'expropriation litigieuse, ce n'est toutefois qu'après la lettre du greffe de la cour du 19 avril 2023, invitant le syndicat à justifier des démarches entreprises pour exécuter l'arrêt du 8 novembre 2018, que ce dernier a produit l'ordonnance d'expropriation dont il avait connaissance depuis le 1er février 2023 et a notifié celle-ci à M. A... le 20 juin 2023 en vue de lui proposer une indemnité d'expropriation. 5. Dans ces circonstances, l'arrêt du 8 novembre 2018 de la cour doit être regardé comme ayant été entièrement exécuté à la date du 20 juin 2023. Il y a lieu, dès lors, de procéder au bénéfice de M. A... à la liquidation définitive de l'astreinte prononcée par la cour. 6. Le dossier complet en vue de la réalisation de l'enquête publique ayant été transmis au préfet par le SIVU de la Foata le 4 octobre 2021, il n'y a pas lieu de tenir compte de la période allant du 5 octobre 2021 au 1er février 2023, qui correspond à la procédure d'expropriation mise en œuvre par le préfet jusqu'à la décision prise par le juge de l'expropriation. En revanche, pour la période du 1er février 2023 au 20 juin 2023, au cours de laquelle le SIVU de la Foata a tardé à exécuter les mesures prescrites par l'arrêt de la cour, le montant de l'astreinte doit être fixé à la somme globale de 13 900 euros, sur la base d'un taux de 100 euros par jour. Cette somme sera versée pour moitié à M. A... et pour moitié au budget de l'Etat par application des dispositions précitées de l'article L. 911-8 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le SIVU de la Foata est condamné à verser, au titre de la liquidation définitive de l'astreinte, à M. A..., la somme de 6 950 euros, et à l'Etat, la somme de 6 950 euros. Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande d'exécution de M. A... est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de Pietraserena et au syndicat intercommunal à vocation unique de la Foata. Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Corse, au directeur départemental des finances publiques de la Haute-Corse et au ministère public près la cour de discipline budgétaire et financière. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente assesseure, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N°17MA00806 |
CETATEXT000048424353 | J6_L_2023_11_00021MA00832 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424353.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 21MA00832, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 21MA00832 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. PORTAIL | SELARL GRIMALDI - MOLINA & ASSOCIÉS - AVOCATS | M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL | M. QUENETTE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme B... et D... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le maire de Manosque a délivré un permis de construire une maison individuelle à M. C..., ensemble la décision implicite du 24 août 2020 portant rejet de leur recours gracieux. Par une ordonnance n° 2007395 du 15 décembre 2020, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête en application de l'article R. 222-4. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 15 février 2021, M. et Mme B... et D... A..., représentés par Me Chapuis, demandent à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 15 décembre 2020 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le maire de Manosque a délivré le permis litigieux à M. C..., ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Manosque la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité en étant fondée sur l'absence de régularisation de leur requête en application de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme, alors qu'aucune demande expresse de régularisation ne leur a été faite à cette fin ; - le projet objet du permis litigieux méconnaît l'article U3-3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Manosque dès lors, d'une part, que les parcelles sur lesquelles ce projet doit s'édifier est privé de voie de desserte, en étant ainsi inconstructibles, et que ces parcelles ne sont pas desservies par des voies conformes aux prescriptions fixées par cet article ; - ce projet méconnaît l'article U3-7 de ce règlement relatif aux limites séparatives ; - ce projet ne respecte pas l'article U3-11 du même règlement relatif à l'aspect extérieur des constructions. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2021, la commune de Manosque, représentée par Me Grimaldi conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif de Marseille, et à la mise à la charge de M. et Mme A... de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la requête est irrecevable dès lors que M. et Mme A... ne justifient d'aucun intérêt leur donnant qualité pour agir ; - aucun des moyens de la requête n'est fondé. La requête a été communiquée à M. F... C..., qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier et notamment la lettre du 25 avril 2023 de Me Chapuis indiquant que M. A... est décédé le 4 août 2022 et que son épouse, Mme E..., entend poursuivre l'instance. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Claudé-Mougel, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Dubecq, substituant Me Grimaldi, représentant la commune de Manosque. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 3 mars 2020, le maire de Manosque a délivré à M. C... un permis de construire en vue de la réalisation d'une maison individuelle sur les parcelles cadastrées section AO n° 100, 214, 215, 279 et 281, sises chemin Le Colombier sur le territoire de la commune. M. et Mme B... et D... A... relèvent appel de l'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 15 décembre 2020 qui a rejeté leur requête comme étant irrecevable. Sur la régularité de l'ordonnance : 2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code: " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser./ La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. (...) " 3. D'autre part, aux termes de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme : " Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l' article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation , du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant. (...) " Il appartient à l'auteur d'un recours contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol, autre que le pétitionnaire, de produire la ou les pièces requises par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme, notamment, s'agissant d'un requérant autre que l'Etat, une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou une association, le titre ou l'acte correspondant au bien dont les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance seraient selon lui directement affectées par le projet litigieux. 4. L'ordonnance attaqué a rejeté la requête de M. et Mme A... comme étant irrecevable sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, faute d'avoir produit, à la suite d'une invitation à régulariser leur requête qui leur a été adressée en application de celles de l'article R. 612-1 du même code, et dans le délai fixé par ces dispositions, les éléments requis par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme. Cependant, il ressort des termes de cette invitation, notifiée le 14 octobre 2020 au moyen de l'application mentionnée à l'article R. 414-6 du code de justice administrative, dite " Télérecours ", que si les dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme y étaient reproduites, aucune invitation à régulariser leur requête n'y était formulée expressément, et qu'y figurait seulement et clairement une invitation à régulariser la requête en vue de produire les éléments requis par l'article R. 600-1 de ce code. Par suite, l'auteur de l'ordonnance attaquée ne pouvait rejeter cette demande par ordonnance sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. 5. Il convient d'annuler l'ordonnance attaquée du fait de cette irrégularité, et, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer le litige pour statuer sur la demande de M. et Mme A... en tant que juge de première instance. Sur l'intérêt à agir et la recevabilité de la requête : 6. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. " Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Les écritures et les documents produits par l'auteur du recours doivent faire apparaître clairement en quoi les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien sont susceptibles d'être directement affectées par le projet litigieux. 7. Pour justifier de son intérêt à agir, Mme A... se borne à se prévaloir de sa qualité de propriétaire des parcelles cadastrées section AO n° 179 et n° 295, sans aucune précision quant à l'atteinte directe portée par le projet litigieux à ses conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien et, par ailleurs, que le projet de M. C... " entend passer sur un chemin situé sur leur parcelle ", sans même le désigner. Or, d'une part, si elle se prévaut de la circonstance que ces parcelles se situeraient à " proximité immédiate " du projet, il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section AO n° 214, 215, 279 et 281 sur lesquelles, ainsi que l'affirme la commune de Manosque sans être contredite, la maison individuelle objet du projet litigieux va se réaliser, sont séparées de la parcelle cadastrée section AO 295 appartenant à Mme A... par le chemin nommé " Le Colombier " ainsi que par une parcelle cadastrée section AO n° 296 qui est bâtie. Dans cette configuration, où cette dernière ne peut être regardée comme une voisine immédiate du projet en litige, la parcelle cadastrée section AO 295 étant distante de plus de 30 mètres de la parcelle cadastrée section AO 281 la plus proche, celle-ci ne fait état d'aucun élément établissant que ce projet est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Si, d'autre part, elle se prévaut de la circonstance que M. C... ne peut accéder à la parcelle cadastrée section AO n° 100, sur laquelle est édifiée sa maison d'habitation et qui n'est que marginalement concernée par le projet, lequel prévoit seulement qu'un accès aux parcelles concernées y sera réalisé, qu'au moyen d'une servitude conventionnelle du 11 août 1972, elle ne fait pas davantage état d'une atteinte directe aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de sa propriété, notamment en raison d'une augmentation de la circulation qui ne peut qu'être faible compte tenu de ce que seule une maison individuelle est projetée. Dès lors, Mme A... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire délivré à M. C.... 8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2020 du maire de Manosque délivrant un permis de construire à M. C..., ni de la décision implicite du 24 août 2020 portant rejet du recours gracieux à l'encontre de cet arrêté. Sur les frais liés au litige : 9. La commune de Manoque n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par Mme E... veuve A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... veuve A... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Manoque au titre de ces mêmes dispositions. D É C I D E Article 1er : L'ordonnance du 15 décembre 2020 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée. Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 3 : Mme A... versera la somme de 2 000 euros à la commune de Manosque en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à la commune de Manosque et à M. F... C... Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023 N°21MA00832 2 |
CETATEXT000048424357 | J6_L_2023_11_00021MA03773 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424357.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 21MA03773, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 21MA03773 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme FEDI | AARPI CLAMENCE AVOCATS | M. Jérôme MAHMOUTI | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le département du Var à lui payer la somme de 62 094,24 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande préalable et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1803222 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, condamné le département du Var à payer à Mme A... une somme de 3 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 14 juin 2019, d'autre part, rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er septembre 2021, le 27 juin 2022 et le 5 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Varron Charrier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement du 2 juillet 2021 en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande ; 2°) de surseoir à statuer sur sa demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices au titre de l'incidence professionnelle en attendant le placement en retraite pour invalidité ou, à tout le moins, de réserver ses droits au titre de l'indemnisation de ses préjudices au titre de l'incidence professionnelle en attendant le placement en retraite pour invalidité ; 3°) de condamner le département du Var à lui payer la somme de 60 278,78 euros au titre de ses préjudices, sauf à parfaire ; 4°) d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande préalable avec capitalisation annuelle dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil ; 5°) à titre subsidiaire, de désigner un expert afin d'évaluer ses préjudices ; 6°) en toute hypothèse, de mettre à la charge du département du Var la somme de 4 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a insuffisamment évalué son préjudice moral et ses troubles dans les conditions d'existence ; - elle sollicite, à titre principal, l'engagement de la responsabilité pour faute du département avec une réparation intégrale de l'ensemble de ses dommages et, à titre subsidiaire, l'engagement de la responsabilité sans faute du département afin d'obtenir, en complément de l'allocation temporaire d'invalidité (ATI), une indemnité complémentaire réparant les préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux réparés par l'ATI et/ ou les préjudices personnels ; - le département du Var, qui n'a pris aucune mesure pour faire cesser le comportement de harcèlement dont elle était victime alors qu'il y était tenu par les dispositions de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive de la fonction publique territoriale, engage sa responsabilité pour faute ; - elle a droit à réparation de ses préjudices à hauteur de 4 184,54 euros s'agissant des pertes de gains professionnels, de 8 500 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 7 500 euros au titre des souffrances endurées, de 15 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence et de 20 581 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; - il serait d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer en attendant la décision de placement en retraite pour invalidité afin de lui permettre de chiffrer son préjudice d'incidence professionnelle. Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 mars et 20 septembre 2022 et le 5 octobre 2023, le département du Var, représenté par Me Pontier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) à titre principal, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à payer à Mme A... la somme de 3 000 euros et de rejeter la requête ; 2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué et de rejeter la requête ; 3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de la requérante la somme de 2 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - dès lors que la situation dont se plaint Mme A... ne relève pas du harcèlement moral, il n'a pas commis de faute en ne prenant pas de mesure particulière pour la faire cesser et, par conséquent, seuls les souffrances endurées et le préjudice moral pourront être pris en charge par le département en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat dite " Moya-Caville ", à condition qu'ils présentent un lien de causalité direct et certain avec l'accident de service ; - les prétendues irrégularités dans la procédure de placement de la requérante en congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) ne sauraient être considérées comme étant à l'origine de l'accident de service ; - les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par lettre du 15 mai 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que le jugement attaqué est irrégulier en l'absence de communication par le tribunal de la demande présentée par Mme A... à la caisse de sécurité sociale à laquelle celle-ci est affiliée, alors qu'elle demandait réparation d'une lésion au sens de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Par lettre du 15 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que si Mme A... demande à la Cour de " réserver ses droits au titre de l'indemnisation de ses préjudices au titre de l'incidence professionnelle en attendant le placement en retraite pour invalidité ", une telle demande est irrecevable dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de réserver des droits. La procédure a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie du Var, qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Mahmouti, - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., rédacteur principal de première classe et occupant les fonctions d'assistante du responsable du service " solidarités logement " au sein du conseil départemental du Var, a déclaré, le 23 juin 2017, un arrêt de travail de trente jours, accompagné d'une demande d'imputation au service, à la suite d'une altercation survenue avec l'une de ses collègues au cours d'un exercice de sécurité s'étant déroulé la veille. Après l'avoir placée en congé de maladie ordinaire, le département du Var a, suite à l'expertise médicale du docteur C... du 31 août 2017 et à l'avis de la commission de réforme du 21 décembre 2017 pris à la suite d'une expertise du docteur D..., psychiatre, du 19 novembre 2018 retenant un taux de 15 % d'incapacité permanente partielle (IPP), favorables à cette imputation, finalement reconnu l'imputation au service de cet accident, par un arrêté du 9 janvier 2018. Mme A... a par ailleurs obtenu le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité avec effet au 19 novembre 2018. Elle a vainement formé le 14 juin 2018 un recours préalable afin d'obtenir " l'indemnisation des préjudices subis du fait de cet accident de service, du fait de ses placements en congé maladie ordinaire ainsi que du fait de l'abstention fautive du département qui n'a pris aucune mesure afin d'éviter qu'elle ne soit victime de harcèlement dans le cadre de l'exercice de ses fonctions ". Elle a alors demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le département du Var à lui payer la somme de 62 094,24 euros au titre de ses préjudices subis du fait de ces trois mêmes circonstances. Par un jugement du 2 juillet 2021, le tribunal a, d'une part, condamné cette collectivité à payer à Mme A... une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence au titre de la responsabilité sans faute et, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement en sollicitant une meilleure indemnisation. Elle demande, à titre principal, la réparation intégrale des dommages subis du fait de son accident de service imputable à une faute de nature à engager la responsabilité du département du Var, et, à titre subsidiaire, l'engagement de la responsabilité sans faute du département afin d'obtenir, en complément de l'allocation temporaire d'invalidité (ATI), une indemnité complémentaire réparant les préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux réparés par l'ATI et/ ou les préjudices personnels. Par la voie de l'appel incident, le département du Var demande, à titre principal, l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamné à payer à Mme A... la somme de 3 000 euros. Sur la régularité du jugement : 2. L'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ouvre aux caisses de sécurité sociale qui ont servi des prestations à la victime d'un dommage corporel un recours subrogatoire contre le responsable de ce dommage. Le huitième alinéa de cet article prévoit notamment : " L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. (...) ". En application de ces dispositions, il incombe au juge administratif, saisi d'un recours indemnitaire de la victime contre une personne publique regardée comme responsable du dommage, de mettre en cause les caisses auxquelles la victime est ou était affiliée. Le défaut de mise en cause de la caisse entache la procédure d'irrégularité. 3. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Toulon, saisi de la demande de Mme A... dirigée contre le département du Var et tendant à la condamnation de celui-ci à réparer les préjudices résultant des conditions dans lesquelles elle a été employée, a omis de mettre en cause d'office la caisse primaire d'assurance maladie du Var aux fins de l'exercice éventuel par celle-ci de l'action instituée à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Par suite, le jugement de première instance, qui est entaché d'irrégularité du fait de cette omission, doit être annulé. La cour ayant, dans la présente instance, mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Var, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme A.... Sur la demande de Mme A... : 4. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. En ce qui concerne la faute : 5. Les autorités administratives ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents. Il leur appartient à ce titre, sauf à commettre une faute de service, d'assurer la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction issue du décret du 16 juin 2000. 6. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment des quatre témoignages produits par la requérante, que celle-ci a subi durant plusieurs années des insultes et des brimades de la part d'une collègue de travail. Le 22 juin 2017 à 17 heures, au cours d'un exercice d'évacuation incendie dont elle assurait le bon déroulement en sa qualité de référente sécurité, Mme A... a été invectivée par cette même collègue. Il est établi, tant par les attestations versées au dossier, qui témoignent de la réalité de la souffrance de Mme A..., que par les éléments médicaux, notamment l'expertise du docteur C... du 31 août 2017, et l'attestation de son psychiatre du 21 février 2018, que la santé de Mme A... est très affectée par l'incident du 22 juin 2017. Il ressort également des pièces du dossier qu'elle a été hospitalisée à deux reprises, en juillet et en novembre 2017, et s'est trouvée en particulier en grande détresse psychologique en juillet 2017. Les diagnostics de " burn-out " et d'épisode dépressif majeur ont par ailleurs été médicalement posés. 7. D'autre part, il résulte de l'instruction que le département du Var, informé, tant par l'intéressée que par les autres agents du service, des agissements d'un autre agent à l'égard de Mme A..., n'a pris aucune mesure pour faire cesser ces agissements qui, contrairement à ce que soutient le département, ne constituent pas seulement des querelles entre personnes mais relèvent, eu égard à leur teneur et à leur caractère répété, de propos et d'attitudes de nature à affecter la santé psychique de la requérante. Il en résulte également que, le 22 juin 2017 à 17 heures, au cours d'un exercice d'évacuation incendie dont elle assurait le bon déroulement en sa qualité de référente sécurité, l'intéressée a été très vivement invectivée par cette même collègue. Si le rapport d'enquête interne dont se prévaut le département évoque certes les comportements de Mme A... qui avait elle-même régulièrement tenu des propos et commis des actes dénués de mesure contribuant ainsi à la détérioration du climat de travail du service, ce rapport ne remet en cause, ni la matérialité, ni la gravité des propos et attitudes de cet agent à son égard. Il en ressort également que deux autres agents du service se sont plaintes des mêmes faits qu'elle reproche au même agent. Enfin, si le département fait valoir que Mme A... avait fait état de signes anxio-dépressifs dans sa demande de reclassement formulée en 2007, il ne résulte pas de l'instruction que la survenue du dommage dont elle demande réparation serait directement causée par cette circonstance ancienne par rapport aux faits en litige. Par suite, Mme A... est fondée à engager la responsabilité du département du Var pour la faute de service qu'il a commise en laissant les agissements de cet agent à son égard perdurer sans prendre les mesures adéquates pour les faire cesser. Elle est, dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le harcèlement moral qu'elle invoque ou sur la responsabilité sans faute, fondée à obtenir la réparation intégrale de l'ensemble du dommage. En ce qui concerne les préjudices de Mme A... : S'agissant des préjudices patrimoniaux : 8. Il n'est pas contesté par la requérante que le montant de 4 513,24 euros qu'elle réclame au titre des pertes de gains professionnels lui a été versé pour partie en décembre 2017 (3 680,24 euros correspondant au demi-traitement pour la période de septembre à novembre 2017) puis en janvier 2018 (833 euros correspondant à l'indemnité d'exercice de mission annuel pour le mois de novembre 2017). Elle ne peut donc prétendre à indemnisation à ce titre. 9. En revanche, si la requérante demande l'indemnisation de l'incidence professionnelle, ce chef de préjudice n'est pas établi par la seule demande de placement en retraite pour invalidité dont elle se prévaut. Il n'y a, dès lors, pas lieu de surseoir à statuer sur ce point. Il n'appartient pas non plus à la cour de réserver les droits de la requérante au titre de ce chef de préjudice. S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux : 10. Pour solliciter une indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire, Mme A... expose que la décision refusant de reconnaître que son accident survenu le 22 juin 2017 était imputable au service a généré des conséquences sur sa vie personnelle ainsi que celle ses enfants. En s'abstenant toutefois d'étayer ses allégations qui ne ressortent par ailleurs d'aucune pièce du dossier, ce chef de préjudice n'est pas établi au regard des circonstances invoquées qui sont, en tout état de cause, pas de nature à relever du chef de préjudice dont elle demande réparation. 11. Compte tenu des éléments rappelés aux points 6 et 7 et de ce que la défense n'en conteste pas la réalité, il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par Mme A... à hauteur de 3 000 euros. Il sera également fait une juste appréciation du préjudice moral subi et des troubles dans les conditions d'existence en lui allouant la somme de 3 000 euros. 12. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise médicale du docteur C... du 31 août 2017 et de l'expertise du 19 novembre 2018 du docteur D..., tous deux missionnés par la commission départementale de réforme, que Mme A... conserve, exclusivement du fait de l'accident survenu le 22 juin 2017, une incapacité permanente partielle que le second rapport a, après consolidation, évalué à un taux de 15 %. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient le département du Var, il ne résulte pas de la circonstance que Mme A... ait fait état de signes anxio-dépressifs dans sa demande de reclassement formulée en 2007 et de celle qu'elle a elle-même suscité des conflits au sein de son service, qu'une partie de son déficit serait imputable, même partiellement, à un état antérieur. Par suite, eu égard au taux de son déficit permanent et compte tenu de l'âge de la requérante à la date de consolidation, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice à la somme de 21 000 euros, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise sur ce point. 13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin ni de surseoir à statuer, ni d'ordonner d'expertise, le département du Var doit être condamné à payer à Mme A... une somme de 27 000 euros. Sur l'appel incident présenté par le département du Var : 14. Compte tenu de tout ce qui vient d'être dit, l'appel incident présenté par le département du Var doit être rejeté. Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 15. D'une part, la somme de 27 000 euros allouée à Mme A... au point 13 sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2018, date de réception par l'administration de la demande préalable formulée par Mme A.... 16. D'autre part, aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ". Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. Mme A... a demandé, par requête enregistrée le 12 octobre 2018 au greffe du tribunal, la capitalisation des intérêts. A cette date, les intérêts n'étaient pas encore dus pour une année entière. Il y a lieu, dès lors, de faire droit à la demande de Mme A... un an après la date de réception de sa demande préalable, soit le 15 juin 2019. Sur la déclaration d'arrêt commun : 17. La caisse primaire centrale d'assurance maladie du Var, mise en cause, n'a pas produit d'observations. Il y a lieu, dès lors, de lui déclarer commun le présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Var une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le département du Var sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1803222 du 2 juillet 2021 du tribunal administratif de Toulon est annulé. Article 2 : Le département du Var est condamné à payer à Mme A... une somme de 27 000 euros. Article 3 : La somme de 27 000 euros, mentionnée à l'article 2, est assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 15 juin 2019. Article 4 : Le département du Var versera à Mme A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Var. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au département du Var et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 21MA03773 |
CETATEXT000048424361 | J6_L_2023_11_00021MA04406 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424361.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 21MA04406, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 21MA04406 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme FEDI | SELARL LVI AVOCATS ASSOCIES | Mme Lison RIGAUD | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société SERIP Group a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2018 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer l'autorisation de défricher demandée pour les parcelles cadastrées section B n°s 4026, 4027, 4028, 4029 et 4031 situées au lieu-dit la Beaumette sur le territoire de la commune de Sainte-Maxime, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1803500 du 15 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 novembre 2021 et le 30 juin 2023, la SAS Serip Group, représentée par la SELARL LVI Avocats Associés, agissant par Me Lamorlette, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 septembre 2021 ainsi que l'arrêté préfectoral du 14 mai 2018 ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ; 2°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer l'autorisation de défrichement, ou, à défaut, de reprendre l'instruction de la demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit en retenant que l'arrêté du 14 mai 2018 a été rendu au visa du procès-verbal de reconnaissance de l'état des bois du 6 avril 2018 pour en déduire que le préfet du Var n'aurait pas commis d'erreur sur le périmètre soumis à autorisation de défrichement ; - le tribunal a entaché le jugement attaqué d'une erreur de fait et d'une erreur dans l'appréciation du risque incendie ; - le tribunal a entaché le jugement attaqué d'une erreur de fait et d'une erreur dans l'appréciation du risque d'inondation. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande à la cour de rejeter la requête de la société Serip Group. Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Serip Group ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code forestier ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - et les observations de Me Douvreleur, représentant la société Serip Group. Considérant ce qui suit : 1. La société Serip Group a présenté deux demandes d'autorisation de défrichement, les 12 septembre 2017 et 27 octobre 2017, pour les parcelles cadastrées section B n° s 4026, 4027, 4028, 4029 et 4031, d'un seul tenant, pour une surface totale de 11 027 m², issues d'une parcelle plus vaste cadastrée section B n° 3813, situées au lieu-dit la Beaumette sur le territoire de la commune de Sainte-Maxime, en vue de la réalisation d'une opération immobilière d'une cinquantaine de logements. Ces demandes ont fait l'objet d'un enregistrement unique par le préfet du Var. Une reconnaissance des bois à défricher a été effectuée le 27 mars 2018 et a été transcrite dans un procès-verbal le 6 avril suivant par les services de la direction départementale des territoires et de la mer du Var (ci-après DDTM). Sur la base de ce procès-verbal, ces services ont émis un avis défavorable à l'autorisation de défrichement sollicitée le 17 avril 2018. Par un arrêté du 14 mai 2018, le préfet du Var a refusé l'autorisation de défricher sollicitée. Par courrier reçu le 16 juillet 2018, la société Serip Group a adressé au préfet du Var un recours gracieux, implicitement rejeté. La société Serip Group relève appel du jugement n° 1803500 du 15 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 14 mai 2018 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Sur le bien-fondé du jugement attaqué du tribunal administratif de Toulon du 15 septembre 2021 : 2. Aux termes de l'article L. 341-1 du code forestier : " Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière./ Est également un défrichement toute opération volontaire entraînant indirectement et à terme les mêmes conséquences, sauf si elle est entreprise en application d'une servitude d'utilité publique./ La destruction accidentelle ou volontaire du boisement ne fait pas disparaître la destination forestière du terrain, qui reste soumis aux dispositions du présent titre ". Aux termes de l'article L. 341-3 du même code : " Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation. L'autorisation est délivrée à l'issue d'une procédure fixée par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 341-4 du même code : " (...) Lorsque le préfet estime, compte tenu des éléments du dossier, qu'une reconnaissance de la situation et de l'état des terrains est nécessaire, il porte le délai d'instruction à quatre mois et en informe le demandeur dans les deux mois suivant la réception du dossier complet. (...) ". Aux termes de l'article R. 341-5 du même code : " (...) Si le préfet estime, au vu des constatations et des renseignements portés sur le procès-verbal, que la demande peut faire l'objet d'un rejet pour un ou plusieurs des motifs mentionnés à l'article L. 341-5 ou que l'autorisation peut être subordonnée au respect d'une ou plusieurs des conditions définies à l'article L. 341-6, il notifie par tout moyen permettant d'établir date certaine le procès-verbal au demandeur, qui dispose d'un délai de quinze jours pour formuler ses observations. ". 3. Il ressort des pièces du dossier que les demandes d'autorisation de défrichement présentées par la société Serip Group les 12 septembre et 27 octobre 2017 ont été enregistrées sous un numéro unique et ont fait l'objet d'une instruction unique dès lors que les parcelles cadastrées section B n° s 4026, 4027, 4028, 4029 et 4031, d'un seul tenant et d'une surface totale de 11 027 m², constituaient le tènement foncier d'une seule opération immobilière d'une cinquantaine de logements en vue de laquelle l'autorisation était sollicitée. Dans le cadre de l'instruction de ces demandes, les services de la DDTM du Var ont procédé, le 27 mars 2018, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 341-4 du code forestier, à la reconnaissance des bois à défricher et ont dressé un procès-verbal le 6 avril 2018 qui mentionne que si l'autorisation de défrichement est sollicitée sur une surface de 11 027 m², la surface soumise à autorisation est toutefois ramenée à 7 160 m² une fois exclues les zones apparaissant comme non boisées sur les orthophotoplans IGN de 1989, 1998 et 2008 et conformément au procès-verbal d'infraction dressé pour défrichement illicite le 28 juin 2016. Le procès-verbal de reconnaissance des bois à défricher inclut en revanche dans la surface soumise à autorisation les zones non boisées en l'état de friche pierreuse et herbeuse consécutives d'un défrichement et de dépôts de remblais réalisés sans autorisation entre 2013 et 2016 constatés par le procès-verbal d'infraction du 28 juin 2016. L'arrêté du 14 mai 2018 par lequel le préfet du Var a refusé de délivrer l'autorisation de défrichement sollicitée par la société Serip Group a été édicté dans le cadre de la procédure fixée par les articles R. 341-4 et R. 341-5 du code forestier au vu des constatations et des renseignements portés sur le procès-verbal de reconnaissance des bois à défricher du 6 avril 2018, qu'il vise d'ailleurs expressément. Ni la mention dans le courrier joint à la notification de cet arrêté le présentant comme " arrêté préfectoral de refus de l'autorisation de défricher 11 027 m² ", qui fait nécessairement référence à la surface totale déclarée par la société Serip Group dans ses demandes d'autorisation de défricher, ni aucune autre pièce du dossier ne démontrent que le préfet du Var aurait tenu compte d'autres surfaces que celles identifiées par ses services lors des opérations de reconnaissance des bois à défricher. Dans ces conditions, l'arrêté en litige, qui ne vise aucune autre surface que celles identifiées comme étant soumises à autorisation, ne peut être regardé comme ayant été pris en considération de la surface totale de 11 027 m² initialement déclarée par la société Serip Group. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu le périmètre soumis à autorisation de défrichement. 4. Aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : (...) 9° A la protection des personnes et des biens et de l'ensemble forestier dans le ressort duquel ils sont situés contre les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches. ". 5. Pour refuser la demande de défrichement sollicitée par la société Serip Group, le préfet du Var s'est d'abord fondé sur le motif tiré de ce que la conservation des bois et forêts sur le terrain d'assiette du projet était nécessaire à la protection des personnes, des biens et de l'ensemble forestier contre le risque incendie en retenant que ce terrain était classé en zone En'1 dans le plan de prévention des risques naturels d'incendie de forêt (PPRif) rendu immédiatement opposable dans certaines de ses dispositions sur la commune de Sainte-Maxime par un arrêté préfectoral du 18 décembre 2013, zone où les constructions nouvelles à usage d'habitation ne sont pas admises. 6. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'environnement que l'État élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, tels que, notamment, les incendies de forêt. Ces plans ont notamment pour objet, en vertu du II de cet article, de délimiter les zones exposées à ces risques et de définir, compte tenu de leur gravité, les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises dans ces zones, lesquelles peuvent consister en l'interdiction de tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation. En vertu de l'article L. 562-2 du même code, lorsqu'un projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles contient certaines des dispositions mentionnées aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 et que l'urgence le justifie, le préfet peut, après consultation des maires concernés, les rendre immédiatement opposables à toute personne publique ou privée, par une décision rendue publique. Le même article ajoute que ces dispositions cessent d'être opposables si elles ne sont pas reprises dans le plan finalement approuvé. 7. D'autre part, l'article L. 562-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'article 222 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 entrée en vigueur le 14 juillet suivant, ne prévoit aucun délai au-delà duquel les dispositions du projet de plan faisant l'objet d'une application anticipée cessent d'être opposables. À cet égard, si le dernier alinéa de l'article R. 562-2 du même code dans sa rédaction résultant du décret n° 2011-765 du 28 juin 2011 fixe un délai de trois ans, prorogeable une fois dans la limite de dix-huit mois, pour l'approbation du plan, néanmoins l'article 2 du même décret prévoit que ces dispositions ne sont pas applicables aux plans dont l'élaboration a été prescrite avant le 1er août 2011. 8. Il ressort des pièces du dossier que par arrêté du 18 décembre 2013, le préfet du Var a rendu immédiatement applicables des dispositions du projet du PPRif dont l'élaboration a été décidée par arrêté du 10 octobre 2003 compte tenu des risques naturels prévisibles d'incendie de forêt sur le territoire de la commune de Sainte Maxime. La société requérante soutient que ces dispositions doivent cesser de lui être opposables dès lors qu'elles perdurent dans l'attente que soit adopté un projet de PPRif, dont l'élaboration a été décidée en 2003 alors que, d'une part, un tel projet aurait dû être adopté dans les trois années suivant l'intervention de l'arrêté prescrivant son élaboration, délai prorogeable une seule fois dans la limite de dix-huit mois, tel que le prévoit l'article R. 562-2 du code de l'environnement, d'autre part, que les travaux d'aménagement de la voirie V8 nécessaires à l'amélioration de la défendabilité de la zone et conditionnant son classement en zone EN2 ont été réalisés et réceptionnés le 15 octobre 2015. 9. Toutefois, d'une part, il résulte des dispositions mentionnées aux points 6 et 7 du présent arrêt qu'il appartient au préfet, dans les cas où le projet de PPRif serait abandonné ou si sa finalisation prenait un retard tel que son application anticipée ne pourrait plus être regardée comme étant provisoire, de mettre fin à l'opposabilité immédiate des dispositions concernées. D'autre part, les dispositions provisoires ayant été prononcées en vue de l'élaboration d'un PPRif décidée le 10 octobre 2003, le délai prévu à l'article R. 562- 2 du code de l'environnement n'est pas opposable à la procédure d'approbation du PPRif. En outre, la circonstance que les travaux d'aménagement de la voirie identifiée V8 aient été réalisés et réceptionnés conformément aux préconisations du projet de PPRif, dans l'objectif d'amélioration de la défendabilité de la zone, n'a pas pour effet, à elle-seule, de modifier le classement dès lors qu'il résulte des dispositions précédemment mentionnées qu'une telle évolution procède nécessairement d'une décision du préfet lors de l'adoption définitive du PPRif. Ainsi, pour regrettable que soit le retard pris par le préfet du Var dans l'élaboration d'un PPRif définitif, les dispositions rendues immédiatement applicables par ce dernier demeurent applicables. Dès lors, le préfet du Var a pu, sans commettre d'erreur de droit, se fonder sur ces dernières pour apprécier le risque d'incendie caractérisant le terrain d'assiette du projet immobilier envisagé par la société Serip Group et faire application du 9e de l'article L. 341-5 du code forestier. 10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'opération d'aménagement qui constitue l'objectif poursuivi par la demande d'autorisation de défrichement de la société Serip Group consiste dans la réalisation d'un programme de 50 logements. Le terrain est classé en zone En'1j dans le règlement du PPRif, correspondant à un espace à enjeu dont le niveau d'aléa est de " modéré " à " très élevé " et dont la défendabilité est insuffisante mais améliorable. La notice de présentation du PPRif précise que la zone En'1 " peut comprendre des sous-zones à l'intérieur desquelles un zonage différent sera retenu (EN2 ou EN3) dès lors que des travaux d'amélioration de la défendabilité seront suffisamment avancés. La délimitation prend en compte la cohérence de chaque sous-zone au regard des possibilités d'évacuation des habitants et d'intervention des services de secours. ". Le zonage établi par le PPRif en cours d'élaboration, et en particulier celui rendu immédiatement applicable par arrêté du 18 décembre 2013 a été élaboré compte tenu de l'état des travaux de protection nécessaires pour rendre une zone défendable en raison des enjeux en présence et du niveau d'aléa constaté. Si les travaux de création de la voirie identifiée V8, d'une largeur de 5 mètres afin d'améliorer la défendabilité de la zone En'1j ont, ainsi qu'il a été dit précédemment, été réceptionnés par le service départemental d'incendie et de secours du Var le 15 octobre 2015, il ne ressort pas des pièces du dossier que la réalisation de cet équipement de voirie puisse, à elle seule, faire regarder l'appréciation du risque d'incendie caractérisant le terrain en cause comme étant erronée à la date de l'arrêté en litige. 11. Pour refuser la demande de défrichement sollicitée par la société Serip Group, le préfet du Var s'est également fondé sur le motif tiré de ce que la conservation des bois et forêts sur le terrain d'assiette du projet était nécessaire à la protection des personnes, des biens et de l'ensemble forestier contre le risque inondation en retenant que le terrain d'assiette du projet était " caractérisé par un aléa inondation fort à très fort, en aval du point de convergence de deux cours d'eau intermittents, sur lequel une construction de 50 logements constituerait un accroissement important du risque hydraulique et mettrait en situation potentielle de danger de nouvelles personnes et leurs biens, ainsi que les occupants des constructions situées à l'aval ". 12. La société requérante, soutient que le terrain d'assiette du projet était situé hors des zones inondables dans le plan de prévention du risque inondation (PPRI) approuvé le 9 février 2001 par arrêté préfectoral, ainsi que dans l'atlas des zones inondables (AZI) élaboré en 2015, que l'aléa de la zone du projet est mentionné comme étant en cours d'étude dans le cadre de l'élaboration du Programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI), que le ruisseau le Pilon en cause n'avait pas été identifié comme un cours d'eau par les services de la DDTM du Var dans son courrier du 9 février 2007, et que le procès-verbal de reconnaissance a considéré que le défrichement projeté n'aurait pas d'incidence sur le maintien des terres, ni n'entraînerait d'érosion sensible. Il y a lieu d'écarter les moyens ainsi soulevés par la société Serip Group par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 10 du jugement attaqué, la société requérante n'apportant aucun élément nouveau et ne critiquant pas sérieusement le bien-fondé de ces motifs devant la cour. 13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Serip Group n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2018 du préfet du Var et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la société Serip Group et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de la société Serip Group est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Serip Group et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Copie en sera adressé au préfet du Var. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente de chambre, - Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, - M. Nicolas Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. 2 N° 21MA04406 |
CETATEXT000048424375 | J6_L_2023_11_00022MA00379 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424375.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA00379, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA00379 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme FEDI | SCP GAUDIN JUNQUA-LAMARQUE & CALONI | M. Jérôme MAHMOUTI | M. GAUTRON | Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts ; - le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Mahmouti, - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., qui exerçait une activité de location-bail de propriété intellectuelle et de produits similaires depuis le 1er septembre 2002, à raison de laquelle il était assujetti sur option à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime réel normal trimestriel, a cessé son activité au 31 décembre 2018. Au titre du quatrième trimestre de l'année 2018, il a déclaré une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) due de 7 500 euros et une TVA déductible sur les autres biens et services d'un montant de 22 821 euros, et a sollicité la restitution d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 15 321 euros. Cette demande a été rejetée le 7 novembre 2019 au motif que la TVA déductible trouvait son origine dans des prestations de services dont l'intéressé ne justifiait pas le paiement effectif, sans qu'il ne se prévale par ailleurs d'une option pour le paiement de la TVA d'après les débits. M. B... relève appel du jugement du 29 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant au remboursement dudit crédit de TVA. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il résulte des termes du jugement attaqué, et plus précisément de son point 5, que le tribunal a répondu à l'invocation par M B... de la réponse ministérielle faite au sénateur Herment (JO Sénat, 27 avril 1989, p. 373 n° 595). Par suite, M B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne l'application de la loi fiscale : 3. Aux termes de l'article L. 177 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible dans les conditions fixées par l'article 271 du code général des impôts, les redevables doivent justifier du montant de la taxe déductible et du crédit de taxe dont ils demandent à bénéficier, par la présentation de documents même établis antérieurement à l'ouverture de la période soumise au droit de reprise de l'administration. ". Il suit de là que M. B... supporte la charge de la preuve du bien-fondé du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont il demande le remboursement. 4. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 242-0 G de ce code : " Lorsqu'un redevable perd cette qualité, le crédit de taxe déductible dont il dispose peut faire l'objet d'un remboursement pour son montant total ". 5. Le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. En l'espèce en application des dispositions précitées du c) du 2 de l'article 269, la taxe sur la valeur ajoutée est exigible, pour les prestations de services achetées par M. B..., lors de l'encaissement des acomptes, du prix et de la rémunération du service ou de la prestation, l'intéressé ne soutenant pas que ses prestataires auraient opté pour le paiement de la TVA d'après les débits. Le droit à déduction de la TVA portée sur les achats faits par celui-ci prenait, par conséquent, naissance lors de l'encaissement par ses fournisseurs des sommes correspondantes. L'intéressé, à qui la charge de la preuve incombe en matière de demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée, ne justifie, pas davantage en appel qu'en première instance, du paiement effectif des prestations de services au titre desquels il prétend disposer d'un montant de TVA déductible. Par suite, et comme l'a jugé à juste titre le tribunal, c'est à bon droit que l'administration a refusé de lui rembourser le crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont il sollicite le remboursement. En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale : 6. Comme l'a jugé à bon droit le tribunal, le rejet par l'administration d'une demande tendant au remboursement d'un crédit de TVA ne constituant pas un rehaussement d'impositions, le requérant ne peut utilement se prévaloir, sur ce fondement, de l'interprétation administrative de la loi fiscale alors que, par ailleurs et en tout état de cause, la réponse ministérielle faite au sénateur Herment dont il se prévaut porte sur le sort des sommes encaissées après la cessation d'activité et non de celles portant sur des dépenses engagées avant la cessation mais payées après cette cessation. 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. B... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué chargé des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA00379 |
CETATEXT000048424379 | J6_L_2023_11_00022MA00515 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424379.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA00515, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA00515 | 1ère chambre | C | M. PORTAIL | DUMAS LAIROLLE | M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL | M. QUENETTE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... D... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 27 août 2019 par lequel le maire de Saint-Julien le Montagnier a refusé de délivrer un permis de construire une maison d'habitation avec clôture à M. C..., sur un terrain situé au lieudit Le Jas des Hugous, correspondant aux parcelles cadastrées section AP n° 184, 186 et 187, sur le territoire communal. Par un jugement n° 1903914 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 3 février 2022, et un mémoire, enregistré le 14 avril 2023, M. B... D..., représenté par Me Dumas-Lairolle, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 30 novembre 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 27 août 2019 en litige ; 3°) d'enjoindre au maire de la commune de Saint-Julien le Montagnier de délivrer le permis de construire sollicité ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Julien le Montagnier la somme de 3 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le Jas des Hugou constitue un groupe d'habitations au sens des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme et les réseaux d'eau, d'assainissement et d'électricité sont présents en limite de propriété ; - l'avis du préfet, qui ne lui a pas été communiqué, lui est inopposable ; - en refusant le permis de construire sollicité, le maire a commis une erreur d'appréciation dès lors que le projet se situait bien dans la continuité des parties urbanisées du territoire communal, la construction de la maison voisine ayant d'ailleurs été autorisée quelques années auparavant, et la construction d'autres maisons ayant été autorisée dans des parties nettement moins urbanisées. Par deux mémoires en défense, enregistrés le 15 mars 2023 et le 19 mai 2023, la commune de Saint-Julien le Montagnier, représentée par Me Reghin, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D... de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la requête est irrecevable dès lors qu'elle a été enregistrée au-delà du délai d'appel de deux mois fixé par l'article R. 811-2 du code de justice administrative ; - les moyens de la requête sont inopérants dès lors que le maire était en situation de compétence liée du fait de l'avis négatif opposé par le préfet du Var à la demande de permis de construire présentée par M. C... ; - aucun de ces moyens n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Claudé-Mougel, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Dumas-Lairolle, représentant M. D..., et celles de Me Gonzales-Lopez, représentant la commune de Saint-Julien le Montagnier Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 27 août 2019, le maire de la commune de Saint-Julien le Montagnier a, au nom de l'Etat, refusé de délivrer un permis de construire une maison d'habitation avec clôture à M. C... sur un terrain situé au lieudit Le Jas des Hugous, correspondant aux parcelles cadastrées section AP n° 184, 186 et 187, appartenant à M. D... avec lequel il avait conclu une promesse de vente. M. D... relève appel du jugement du 30 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête qu'il a présenté avec M. C... à l'encontre de cet arrêté. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) / b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes. " Aux termes de l'article L. 422-5 de ce code : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : /a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) " 3. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision. 4. Il ressort des pièces du dossier que, à la date de l'arrêté attaqué, le territoire de la commune de Saint-Julien le Montagnier n'était pas couvert par un plan local d'urbanisme. En application de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, le maire de la commune devait dès lors recueillir l'avis conforme du préfet du Var avant de se prononcer sur la demande de permis de construire déposée par M. C.... Il ressort également des pièces du dossier que le préfet du Var a, le 16 juillet 2019, émis un avis conforme défavorable, en précisant au maire de la commune qu'il lui appartenait d'opposer un refus à cette demande. En vertu du principe rappelé au point 3, ce dernier était dès lors tenu de refuser de délivrer le permis de construire demandé. Compte tenu de cette situation de compétence liée dans laquelle se trouvait ladite autorité administrative, les moyens invoqués par M. D... à l'encontre de l'arrêté attaqué ne peuvent qu'être écartés comme étant sans influence sur sa légalité. 5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 6. le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. D... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune de Saint-Julien le Montagnier de délivrer le permis de construire sollicité ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais de l'instance : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Saint-Julien le Montagnier qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Saint-Julien le Montagnier au titre de ces mêmes dispositions. D É C I D E Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : M. D... versera à la commune de Saint-Julien le Montagnier la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la commune de Saint-Julien le Montagnier et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au préfet du Var. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. N° 22MA00515 2 |
|
CETATEXT000048424386 | J6_L_2023_11_00022MA01034 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424386.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA01034, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA01034 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme FEDI | CAUCHON-RIONDET;CAUCHON-RIONDET;CAUCHON-RIONDET | Mme Cécile FEDI | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de sa destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 2108250 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : I. Par une requête n° 22MA01034 et un mémoire, enregistrés le 7 avril 2022 et le 26 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Cauchon-Riondet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 janvier 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 avril 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour d'un an mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, d'instruire à nouveau sa demande et de prendre une nouvelle décision dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, l'astreinte courant pendant un délai de trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'arrêté pris dans son ensemble est insuffisamment motivé, ce qui révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ; Sur la décision de refus d'admission au séjour : - c'est à tort que le tribunal n'a pas accueilli les moyens tirés de la violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'erreur de fait ; - le tribunal n'a pas examiné sa situation au regard des critères de la circulaire du 28 novembre 2012 qui est pourtant invocable ; - le tribunal ne s'est pas prononcé sur l'erreur de fait commise par le préfet qui a indiqué à tort qu'il ne justifiait pas avoir travaillé au moins huit mois durant les vingt-quatre mois précédents ; - le fait que le contrat de travail n'a pas été visé par la DIRECCTE ne peut lui être reproché dans la mesure où le préfet n'a pas saisi à tort cette autorité ; - il remplit les critères d'admission exceptionnelle au séjour énoncés par la circulaire du 28 novembre 2012 car il justifiait, à la date de la décision contestée, d'une ancienneté de travail de plus de douze mois contrairement à ce que le préfet indique dans sa décision ; - l'impossibilité de retourner dans son pays d'origine ainsi que la durée de sa présence sur le territoire depuis l'année 2011 constituent des considérations humanitaires et des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la durée de sa présence en France, de la scolarisation de ses trois enfants, de ses efforts concernant son insertion professionnelle, et de la présence régulière de deux de ses frères sur le territoire ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans : - elle est insuffisamment motivée en droit et en fait dès lors que le préfet n'a pas examiné s'il représente une menace pour l'ordre public alors qu'il y était tenu ; - elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle est disproportionnée ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par un mémoire en défense enregistré le 24 avril 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. II. Par une requête n° 22MA01035 et un mémoire, enregistrés le 7 avril 2022 et le 26 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Cauchon- Riondet, demande à la cour : 1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 janvier 2022 ; 2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisation à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué sur son recours au fond, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient les mêmes moyens que ceux soulevés dans sa requête au fond n° 22MA01034 et, en outre, que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables. Par un mémoire en défense enregistré le 24 avril 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour ces deux procédures par deux décisions du 24 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties de l'audience publique. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Fedi, - et les observations de Me Guarnieri, substituant Me Cauchon-Riondet, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. Par la requête n° 22MA01034, M. B..., ressortissant turc, relève appel du jugement du 7 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par la requête n° 22MA01035, il demande à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. 2. Les requêtes n° 22MA01034 et n° 22MA01035 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision. Sur la requête n° 22MA01034 : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : 3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a soulevé devant le tribunal administratif un moyen tiré de l'erreur de fait contenue dans l'arrêté en litige en ce qu'il y est mentionné que l'intéressé ne justifie pas avoir travaillé pendant au moins huit mois sur les 24 mois qui venaient de s'écouler. Les premiers juges, qui se sont bornés à écarter l'erreur de fait invoquée au point 6 du jugement attaqué, n'ont toutefois pas répondu à ce moyen précis qui n'était pas inopérant. En raison de cette insuffisance de motivation, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé. 4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille. En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 12 avril 2021 : S'agissant de la décision portant refus d'admission au séjour : 5. L'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, et vise notamment le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur, retrace le parcours de M. B... en France, notamment son arrivée alléguée le 15 mars 2011 dans des conditions indéterminées, rappelle ses conditions de séjour sur le territoire français et sa situation privée et familiale mentionnant la présence de son épouse également en situation irrégulière et de leurs trois enfants mineurs. Il relève qu'il a produit un contrat de travail en qualité de façadier conclu le 29 janvier 2020. Enfin, il indique qu'il a déjà fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement le 4 mars 2013, le 31 mars 2016 et le 18 décembre 2017 et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. La seule circonstance que le préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de l'intéressé, n'a pas mentionné que ses enfants étaient scolarisés reste sans incidence sur ce point. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour serait insuffisamment motivée doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle doit également être écarté. 6. S'agissant de l'invocabilité de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, contrairement à ce que soutient le requérant, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. 7. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". 8. M. B... soutient être entré en France le 15 mars 2011, y résider depuis cette date avec sa famille et se prévaut de son contrat de travail à durée indéterminée conclu le 29 janvier 2020 avec la société " Pro façade 13 " en qualité de façadier pour solliciter son admission exceptionnelle au séjour par le travail. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'établit pas résider habituellement sur le territoire depuis l'année 2011, les documents produits notamment pour l'année 2019 ne permettant de justifier qu'une présence ponctuelle. Par ailleurs, son épouse de même nationalité que lui a également fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 26 août 2019 et la circonstance que leurs trois enfants nés respectivement le 10 décembre 2008, le 19 janvier 2010 et le 18 février 2014, ce dernier étant né en France, sont scolarisés ne constitue pas à elle seule une situation caractérisant des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. En outre, l'ensemble des pièces versées, composées essentiellement de documents de nature administrative tels que courriers de relevés de prestations de l'assurance maladie, cartes d'admission à l'aide médicale d'état, factures de fournisseur d'électricité et de documents de nature médicale, n'établissent pas l'intensité, la stabilité et l'ancienneté de liens personnels et familiaux que le requérant aurait tissés sur le territoire. Enfin, le contrat dont se prévaut M. B..., qui est d'une ancienneté de quatorze mois à la date de l'arrêté contesté, reste récent et ne permet pas de considérer que sa situation professionnelle caractérise des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet des Bouches-du-Rhône a pu refuser la demande d'admission au séjour de M. B... fondée sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 9. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a indiqué à tort, dans son arrêté, que M. B... " n'avait pas travaillé au moins huit mois durant les 24 derniers mois ", alors que, ainsi qu'il vient d'être dit, l'ancienneté professionnelle du requérant est d'un peu plus de quatorze mois à la date de l'arrêté contesté. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, et dès lors que quel que soit le nombre de mois d'ancienneté professionnelle retenu, le contrat de M. B... reste récent à la date de l'arrêté contesté, cette erreur de fait est demeurée sans incidence sur l'appréciation portée par le préfet sur le droit au séjour de l'intéressé. Le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits ne peut donc être accueilli. 10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". 11. Eu égard à ce qui a été dit précédemment au point 8, le requérant n'établit ni l'ancienneté de son séjour en France, ni l'ancienneté et la stabilité de ses liens privés et familiaux sur le territoire, ni une insertion socio professionnelle significative. En outre, s'il se prévaut de sa vie avec son épouse et de ce que ses enfants sont scolarisés sur le territoire, en classe de cinquième pour l'aînée, de cours moyen de première année pour le cadet, et en classe de cours préparatoire pour le dernier à la date de l'arrêté, il n'établit pas l'existence d'obstacle à la reconstitution de la cellule familiale dans son pays d'origine dont tous les membres de la famille ont la nationalité, ou à la poursuite de la scolarité de ses enfants en Turquie, notamment eu égard à leur jeune âge. M. B... a en outre fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement les 4 mars 2013, le 31 mars 2016 et le 18 décembre 2017. Enfin, la circonstance que ses deux frères résident régulièrement en France sous couvert de cartes de résident valables pour l'un jusqu'au 2 septembre 2025 et pour l'autre jusqu'au 15 juin 2026 ne permet pas d'établir que M. B... serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. 12. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. 13. L'arrêté contesté n'a ni pour effet, ni pour objet de séparer M. B... de ses enfants. En outre, il n'établit pas que ses enfants ne pourraient poursuivre une scolarité adaptée dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français : 14. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que la décision de refus de titre de séjour n'est pas illégale. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté. 15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme étant entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et comme portant atteinte à l'intérêt supérieur des enfants du requérant tel que protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. S'agissant de la décision d'octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours : 16. En se bornant à alléguer que la durée de trente jours contestée était insuffisante au regard de la circonstance que ses enfants étaient scolarisés, M. B... n'établit pas que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui octroyant pas un délai de départ volontaire plus long. S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans : 17. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français présentée par M. B... à l'appui de ses conclusions contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ne peut qu'être écartée. 18. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". 19. Il ressort des termes mêmes des dispositions précitées que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. 20. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément. 21. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le préfet des Bouches-du-Rhône a relevé que M. B... soutenait être entré en France le 15 mars 2011 et y résider habituellement depuis sans pouvoir toutefois l'établir, en ayant fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement, et qu'il n'était pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Si le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas fait référence, dans sa décision, au critère relatif à la menace à l'ordre public que représenterait la présence de l'intéressé sur le territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... représenterait une telle menace et que l'autorité préfectorale aurait retenu une telle circonstance à son encontre. Ainsi, dans la mesure où les termes de l'ensemble de l'arrêté en litige établissent que la situation du requérant a été appréciée au regard de sa durée de présence en France, des conditions de son séjour et de l'existence de précédentes mesures d'éloignement, le préfet des Bouches-du-Rhône a suffisamment motivé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. 22. Pour les motifs exposés précédemment dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour et compte tenu notamment de ce que M. B... a fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement qu'il ne conteste pas ne pas avoir exécutées, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni comme méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. 23. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 avril 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Sur la requête n° 22MA01035 : 24. Le présent arrêt ayant rejeté les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 janvier 2022, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22MA01035 tendant au sursis à exécution de ce même jugement. 25. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22MA01035 de M. B... aux fins de sursis à exécution du jugement du 7 janvier 2022. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 janvier 2022 est annulé. Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille ainsi que le surplus des conclusions de sa requête d'appel n° 22MA01034 et le surplus des conclusions de sa requête n° 22MA01035 sont rejetés. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Cauchon-Riondet et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. N° 22MA01034, 22MA010352 |
CETATEXT000048424388 | J6_L_2023_11_00022MA01055 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424388.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA01055, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA01055 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme FEDI | AARPI CLAMENCE AVOCATS | M. Nicolas DANVEAU | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Sosogood a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 15 juin 2020 du maire de Bandol réglementant l'activité de vente ambulante sur le littoral de cette commune. Par un jugement n° 2002201 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 8 avril 2022, la SARL Sosogood, représentée par Me Varron Charrier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 février 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 15 juin 2020 du maire de Bandol ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Bandol la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente, en l'absence de délégation régulière de signature ; - il instaure une interdiction à caractère général et absolu de l'exercice de la vente ambulante et constitue ainsi une mesure de police illégale, portant atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et au principe d'égalité entre les commerçants et n'étant pas justifié par une raison d'ordre public ; - il est entaché d'un détournement de pouvoir. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2022, la commune de Bandol, représentée par Me Callen, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 4 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 3 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - les observations de M. A..., gérant de la SARL Sosogood, et de Me Schwing, représentant la commune de Bandol. Une note en délibéré, présentée pour la SARL Sosogood, a été enregistrée le 31 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. La SARL Sosogood, qui exerce une activité de vente ambulante de nourriture et de boissons sur le domaine public, relève appel du jugement du 10 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Bandol du 15 juin 2020 réglementant l'exercice de la vente ambulante à Bandol. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. La SARL Sosogood reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de ce que l'arrêté contesté du 15 juin 2020 a été signé par une autorité incompétente. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges. 3. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique (...) / 3° Le maintien du bon ordre (...) / 4° L'inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids ou à la mesure et sur la salubrité des comestibles exposés en vue de la vente (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-3 du même code : " La police municipale des communes riveraines de la mer s'exerce sur le rivage de la mer jusqu'à la limite des eaux. ". 4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué autorise, à son article 1er, les activités de vente ambulante du 1er juillet 2020 au 1er septembre 2020, entre 10 heures et 15 heures, sur les plages dénommées " plage du grand vallat ", " plage du casino ", " plage centrale " et " plage de Renecros ". Si la société Sosogood souligne qu'aucune activité n'est possible sur ces plages du 1er janvier 2020 au 30 juin 2020 et du 2 septembre 2020 au 31 décembre 2020, il est constant que l'arrêté litigieux a pour effet d'autoriser la vente ambulante pendant la haute saison touristique qui constitue l'essentiel du chiffre d'affaires de ces commerçants, durant cinq heures par jour, et sur les plages précitées. De surcroît, en vertu de l'article 2 de l'arrêté, l'activité de vente ambulante peut être exercée toute l'année et sans restriction de période et d'horaire sur trois autres plages situées sur le territoire de la commune. Il suit de là que contrairement à ce que soutient la société Sosogood, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme prévoyant une interdiction à caractère général et absolu. 5. Il ressort en outre des éléments du dossier, qu'eu égard à l'importante fréquentation des quatre plages en cause et de leurs abords qui connaissent une importante affluence durant l'été, ainsi qu'à la nature des lieux, l'activité de vente ambulante sur ces plages présentait pour la circulation et l'ordre public en période estivale, soit du 1er juillet 2020 au 1er septembre 2020, des inconvénients de nature à justifier la règlementation de l'exercice des ventes ambulantes sur une durée limitée. A cet effet, le maire de Bandol, à qui il appartient, dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale, de réglementer dans l'intérêt de la sécurité, de la tranquillité, de la salubrité publiques et plus généralement de l'ordre public, la vente de marchandises par des commerçants ambulants, s'est notamment appuyé sur les motifs liés à " l'affluence exceptionnelle de personnes sur les plages et leurs abords en période estivale " et aux difficultés qu'entraîne cette affluence pour garantir " le maintien de l'hygiène publique ". La société appelante ne conteste pas sérieusement le bien-fondé des motifs qui ont justifié l'arrêté attaqué, en se fondant sur les circonstances que les plages autorisées sans restriction sont peu fréquentées et difficiles d'accès, et qu'un vendeur ambulant exerçant son activité sur la plage d'une autre commune réalise, entre 15 heures et 19 heures, des recettes plus importantes. Enfin, la mesure, prévue à l'article 1er de l'arrêté, interdisant aux vendeurs ambulants de s'arrêter devant les établissements commerciaux dans un rayon de 10 mètres, n'apparait ni excessive, ni disproportionnée, eu égard à l'espace important demeurant accessible à la vente ambulante sur les plages concernées et à la circonstance que trois des quatre plages ne comportent au maximum, dans leur environnement immédiat, que deux établissements. Les vendeurs ambulants étant, en outre, placés dans une situation différente de celle de ces établissements commerciaux, une telle mesure ne porte pas davantage atteinte au principe d'égalité. 6. Par suite et dans ces circonstances, le maire de la commune de Bandol a pu, sans porter une atteinte illégale au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, restreindre l'exercice du commerce ambulant par la mesure d'interdiction contestée. 7. Il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que l'arrêté contesté, s'il mentionne que " la prolifération des ventes ambulantes aux abords des plages entraîne des conséquences économiques et sociales importantes en ce qu'elles nuisent à la vitalité commerciale des communes ", est justifié par des motifs d'ordre public et n'est ainsi, en tout état de cause, pas inspiré par le seul souci de protéger le commerce local exercé notamment sur le domaine public. Dès lors, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté. 8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL Sosogood n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 juin 2020 du maire de la commune de Bandol. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bandol, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Sosogood demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SARL Sosogood une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Bandol et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de la SARL Sosogood est rejetée. Article 2 : La SARL Sosogood versera à la commune de Bandol une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme à responsabilité limitée Sosogood et à la commune de Bandol. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente assesseure, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA01055 |
CETATEXT000048424391 | J6_L_2023_11_00022MA01056 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424391.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA01056, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA01056 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme FEDI | AARPI CLAMENCE AVOCATS | M. Nicolas DANVEAU | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Sosogood a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 31 mai 2019 du maire de Saint-Raphaël réglementant l'activité de vente ambulante sur le littoral de cette commune. Par un jugement n° 1902726 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 8 avril 2022, 22 septembre 2022 et 18 octobre 2022, et un mémoire récapitulatif présenté en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 18 octobre 2022, la SARL Sosogood, représentée par Me Varron Charrier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 février 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 31 mai 2019 du maire de Saint-Raphaël ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Raphaël la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté instaure une interdiction à caractère général et absolu de l'exercice de la vente ambulante et constitue ainsi une mesure de police illégale, qui n'est justifiée par aucun motif d'intérêt général ; les seules plages autorisées sont des calanques, criques et plages inaccessibles ; - l'article 2 de l'arrêté soumettant l'activité de commerce ambulant à l'octroi préalable d'une autorisation est illégal ; il méconnaît le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et le principe d'égalité ; - le régime d'autorisation préalable prévu par l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques est inapplicable à la vente ambulante ; - la décision est entachée d'un détournement de pouvoir. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 18 juillet 2022 et 6 octobre 2022, et un mémoire récapitulatif présenté en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 20 octobre 2022, la commune de Saint-Raphaël, représentée par la SELAS LLC et associés, agissant par Me Garcia, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 3 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 18 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 janvier 2023. Un mémoire, présenté pour la SARL Sosogood le 15 octobre 2023, enregistré postérieurement à la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - les observations de M. A..., gérant de la SARL Sosogood, et de Me Baudino, représentant la commune de Saint-Raphaël. Une note en délibéré, présentée pour la SARL Sosogood, a été enregistrée le 31 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. La SARL Sosogood, qui exerce une activité de vente ambulante de nourriture et de boissons sur le domaine public, relève appel du jugement du 10 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Saint-Raphaël du 31 mai 2019 réglementant l'exercice de la vente ambulante à Saint-Raphaël. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique (...) / 3° Le maintien du bon ordre (...) / 4° L'inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids ou à la mesure et sur la salubrité des comestibles exposés en vue de la vente (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-3 du même code : " La police municipale des communes riveraines de la mer s'exerce sur le rivage de la mer jusqu'à la limite des eaux. ". 3. Il ressort des termes de l'article 1er de l'arrêté litigieux que l'interdiction d'exercer les ventes ambulantes ne porte que sur la période du 2 juin 2019 au 29 septembre 2019, et pour les horaires compris entre 11 heures et 18 heures 30. Cette interdiction, qui ne s'applique au demeurant pas sur l'intégralité du territoire de la commune, ne vise que huit des vingt-huit plages ou calanques situées à Saint-Raphaël et ne s'applique en tout état de cause pas les autres mois de l'année. Ainsi et contrairement à ce que soutient la SARL Sosogood, cette interdiction, si elle concerne les plages les plus fréquentées de la commune, est de portée limitée et ne revêt donc pas un caractère général et absolu. Par ailleurs, le maire de Saint-Raphaël, à qui il appartient, dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale, de réglementer dans l'intérêt de la sécurité, de la tranquillité, de la salubrité publiques et plus généralement de l'ordre public, la vente de marchandises par des commerçants ambulants, s'est appuyé sur les motifs tirés de ce que le littoral de la commune connaît une forte affluence touristique constatée chaque année en période estivale, nécessitant une surveillance renforcée inconciliable avec la présence de vendeurs ambulants en nombre important. Par suite, et quel que soit l'intérêt commercial que présentent les horaires compris entre 11 heures et 18 heures 30, le maire de Saint-Raphaël n'a pas méconnu l'étendue de ses pouvoirs de police et a pu, sans porter une atteinte illégale au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, restreindre l'exercice du commerce ambulant par la mesure d'interdiction contestée. 4. La société appelante soutient par ailleurs que le maire ne pouvait soumettre les marchands ambulants à une autorisation préalable d'activité et que de ce fait, l'article 2 de l'arrêté en litige, qui soumet l'exercice de " toute activité de commerce " à l'octroi d'une autorisation d'occuper temporairement le domaine public sur des emplacements déterminés est illégal. Toutefois, d'une part, et ainsi qu'il a été dit, le maire tient de son pouvoir de police, et notamment des articles L. 2212-2 et L. 2212-3 du code général des collectivités territoriales, le pouvoir de réglementer ou d'interdire la vente ambulante sur le territoire de sa commune, en particulier sur le domaine public maritime, dans l'intérêt de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques, sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie. D'autre part, il ne résulte pas de l'article 2 de l'arrêté litigieux, qui prévoit la délivrance d'autorisations d'occupation temporaire du domaine public portant sur des emplacements créés en nombre déterminé, que la commune de Saint-Raphaël ait entendu soumettre l'exercice de l'activité de vendeur ambulant à un régime d'autorisation préalable, laquelle n'implique, par nature, ni une occupation permanente d'une même portion de plage ni une installation de quelque nature que ce soit sur le domaine public requérant la délivrance d'une autorisation d'occupation. Au surplus, la commune de Saint-Raphaël fait valoir que ces dispositions de l'arrêté ont pour objet de s'appliquer aux commerçants, qui, sous couvert d'exercer une activité ambulante, stationnent au même endroit de manière prolongée sur le domaine public sans autorisation préalable. Elle ajoute, sans être sérieusement contredite, que la SARL Sosogood, comme tous les autres commerçants ambulants, a exercé librement son activité, dans le cadre fixé par l'article 1er de l'arrêté litigieux, sans que la délivrance d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public ne soit requise, et que l'ordonnance pénale du 24 août 2020 du tribunal judiciaire de Draguignan l'a condamnée seulement pour avoir exercé, le 30 juin 2019, son activité ambulante sur la plage d'Agay à défaut d'avoir respecté les horaires prescrits par l'article 1er de l'arrêté. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 2 de l'arrêté attaqué sont illégales et méconnaissent le principe de la liberté du commerce et de l'industrie. 5. Pour les mêmes motifs, et dès lors qu'il ne résulte pas de la lecture de l'article 2 de l'arrêté litigieux que le maire ait entendu instaurer un régime d'autorisation préalable à la profession de vendeur ambulant, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre les candidats à l'exercice de cette activité ne peut qu'être écarté. 6. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. (...) ". 7. Il résulte de ce qui a été exposé et des termes mêmes de l'arrêté contesté qu'en réglementant au titre de ses pouvoirs de police générale, dans l'intérêt de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques, la vente ambulante sur le littoral de sa commune, le maire de Saint-Raphaël n'a pas entendu faire application des dispositions de l'article. L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, au demeurant non visées dans l'arrêté attaqué, qui soumettent l'occupation ou l'utilisation privative du domaine public à la délivrance d'une autorisation. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le maire de la commune de Saint-Raphaël a, par l'arrêté contesté, fait à tort application des dispositions de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques ne peut qu'être écarté. 8. Il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que l'arrêté contesté est justifié par les motifs d'ordre public précités. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société appelante, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Saint-Raphaël, en prenant cette mesure de portée limitée, ait eu pour objectif de protéger les commerces sédentaires situés à proximité des plages en cause. Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit dès lors être écarté. 9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL Sosogood n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mai 2019 du maire de Saint-Raphaël. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Raphaël, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Sosogood demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SARL Sosogood une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Raphaël et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de la SARL Sosogood est rejetée. Article 2 : La SARL Sosogood versera à la commune de Saint-Raphaël une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme à responsabilité limitée Sosogood et à la commune de Saint-Raphaël. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente assesseure, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA01056 |
CETATEXT000048424400 | J6_L_2023_11_00022MA01461 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424400.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA01461, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA01461 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme FEDI | POMEON | M. Jérôme MAHMOUTI | M. GAUTRON | Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts ; - le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Mahmouti, - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Une note en délibéré, enregistrée le 27 octobre 2023, a été produite pour M. et Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. La SASU Hôtel du Golf, dont le siège est situé à Saint-Etienne, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 12 décembre 2016 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016 lui ont été notifiés ainsi que des amendes, par une proposition de rectification du 21 décembre 2017. Par un courrier du 19 février 2018, la société a désigné M. B... A... comme bénéficiaire de certains revenus distribués. L'administration en a tiré les conséquences en adressant à celui-ci et son épouse une proposition de rectification datée du 3 mai 2018 dans laquelle ces sommes ont été considérées comme des distributions occultes au sens des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts et les assujettissant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2015. Les époux A... relèvent appel du jugement du 28 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la décharge desdites cotisations. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la procédure d'imposition : 2. Les requérants réitèrent en appel, et par la même argumentation, le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance tiré de ce que la proposition de rectification datée du 3 mai 2018 serait insuffisamment motivée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 2 et 3 du jugement attaqué. En ce qui concerne le bien-fondé des impositions : S'agissant de la charge de la preuve : 3. La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'ayant pas été saisie pour avis, les dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ne sont pas applicables aux impositions en litige. Celles-ci ayant été établies à la suite de rectifications proposées selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales et les requérants les ayant refusées, la charge de la preuve de leur bien-fondé incombe, par conséquent, à l'administration. S'agissant du rejet de la comptabilité de la SASU Hôtel du Golf : 4. Si les requérants contestent l'ensemble des motifs par lesquels la vérificatrice a rejeté la comptabilité de la SASU Hôtel du golf comme non sincère et probante, il résulte de l'instruction que cette société n'a pas conservé l'intégralité de ses fichiers comptables informatiques sur l'ensemble de la période vérifiée alors que sa comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés. Elle n'a présenté que des fichiers concernant 476 journées au lieu de 1 096 jours représentant la période vérifiée. S'ils soutiennent également que cette société a présenté à la vérificatrice l'intégralité des tickets Z en format papier, il est constant que l'ensemble des fichiers informatiques n'avait pas été conservé et que la comptabilité tenue sur support informatique n'avait pas été présentée de manière complète en méconnaissance des articles L. 13, L. 47 A II et L. 102 B du livre des procédures fiscales et que la seule production des tickets journaliers ou mensuels " Z " n'est pas suffisante pour vérifier l'exhaustivité de l'enregistrement des recettes. La vérificatrice a également relevé une rupture de la chaîne informatique entre la saisie des opérations sur le logiciel de gestion commerciale et leur comptabilisation effective dû au fait que l'édition des factures ou notes de caisse n'entraînait pas leur comptabilisation automatique et que, quotidiennement, avant le service de midi, il était procédé à une remise à zéro de la caisse enregistreuse et les documents papiers édités (bandes de contrôle) étaient remis au gérant qui se chargeait de leur comptabilisation via un tableau Excel. Elle a souligné que le caractère insuffisamment détaillé de la liste des articles enregistrés sur les logiciels de caisse ne permettait pas d'identifier précisément les articles revendus et a relevé des irrégularités dans les tickets de caisse, établis à des heures et pour des tables différentes avec des montants différents qui comportent le même numéro, des interruptions dans la séquentialité des numéros de tickets de caisse et le caractère incomplet des produits vendus figurant sur les tickets. Les éléments ainsi relevés par l'administration sont suffisants pour ne pas la mettre en mesure de vérifier la réalité des recettes encaissées et sont suffisamment graves pour ôter tout caractère probant à la comptabilité de la société. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a rejeté la comptabilité de la société comme non probante et procédé à la reconstitution de ses recettes. S'agissant de la reconstitution des recettes de la SASU Hôtel du Golf : 5. L'administration a reconstitué les recettes de l'activité de restauration de cette société à partir du chiffre d'affaires généré par la vente de vins. Il résulte des termes de la proposition de rectification du 21 décembre 2017 que l'administration a déterminé le " chiffre d'affaires vin " de la société à partir des quantités achetées, obtenues par le dépouillement des factures d'achat, auxquelles ont été ajoutées les quantités en stock au 1er janvier de l'année, puis retranchées les quantités en stock au 31 décembre de la même année, à partir des données figurant sur les inventaires transmis par la société. Les recettes " vins en bouteille " ont ensuite été calculées en multipliant les achats consommés de chaque produit par les prix de vente moyen constatés sur la période vérifiée, et les recettes " vins en verre et en pots " ont été déterminées, après répartition entre les ventes de différents contenants, sur la base des ventes enregistrées sur les bandes de contrôle de caisse fournies et après prise en compte des achats non revendus tels quels (vins faisant partie des menus avec vin compris, soirée de l'AS Saint-Etienne). Il résulte également de la proposition de rectification que la détermination du " chiffre d'affaires restaurant " a été effectuée à partir des recettes de la vente du vin, selon les modalités précédemment exposées, auxquelles ont été appliquées un coefficient de 11% correspondant au pourcentage des recettes vins par rapport au total des recettes restaurant. Ce pourcentage a été calculé à partir des données partielles issues des fichiers de retranscription sur tableur des " tickets Z " mensuels transmis par la société le 24 octobre 2017 pour les mois de janvier, février, mars, juin, octobre, novembre et décembre 2015 et sur la période courant des mois d'avril 2015 à décembre 2016. Afin de déterminer les recettes nettes de l'activité restauration, le service vérificateur a ensuite déterminé un montant d'offert aux clients de 64 437 euros par an à partir de la somme des offerts figurant sur les bandes de caisse détaillées fournies par la société seulement sur 476 jours qu'elle a extrapolée aux 1 096 jours de la période vérifiée. 6. Si les requérants soutiennent que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est radicalement viciée, il résulte de l'instruction que la vérificatrice a utilisé la méthode des vins rappelée au point précédent, laquelle ne saurait, dans son principe, être radicalement viciée. 7. S'agissant des erreurs relevées par les requérants affectant, selon eux, les résultats de la reconstitution de recettes opérée, il résulte de l'instruction que le taux de 11 % de recettes vins dans les recettes du restaurant retenu par la vérificatrice ressort de l'analyse de la propre comptabilité de la SASU Hôtel du Golf dès lors que la vérificatrice a utilisé les lignes des comptes " 70114000-CA restaurant 10 % " et " 70113000-CA restaurant 20 % " figurant dans les fichiers conservés par la société vérifiée pour calculer le chiffre d'affaires " restaurant hors vin " et le chiffre d'affaires " vin " et en déterminer le taux susmentionné. En outre, il est constant que seule l'activité " restaurant " exercée par cette société a fait l'objet d'une reconstitution de recettes et non l'activité " hôtellerie ". Si les requérants soutiennent que le poste " petit déjeuner " ne peut être pris en considération dans la reconstitution du chiffre d'affaires " restaurant ", il ressort de la propre comptabilité de la société vérifiée qu'elle a elle-même comptabilisé ce poste dans son activité " restaurant " ainsi qu'il ressort de l'analyse des comptes susvisés. Ils ne sauraient ainsi soutenir que ce poste aurait dû être extourné de la reconstitution de recettes s'agissant de la partie " restaurant ". En outre, si le tableau figurant en page 16 de la proposition de rectification mentionne, à tort, une double-ligne " soirée étape # ", il ressort des calculs effectués sur ce tableau que la ligne supplémentaire n'a pas été comptabilisée. Enfin, si les requérants font valoir que le service vérificateur n'aurait pas ventilé les " postes soirée étape, soirée rest-forfait semin. nour ", il ressort toutefois du tableau précité que ces postes dont les données sont issues des fichiers transmis par la société ont été différenciés par la vérificatrice. 8. S'agissant des offerts, il résulte de la proposition de rectification adressée à la SASU Hôtel du golf que la vérificatrice a déterminé un montant d'offerts à partir de la somme des montants figurant sur les bandes de caisse, qui n'ont pu être fournies par la société que pour 476 jours, que le service a ensuite extrapolé aux 1 096 jours de la période vérifiée, justifiant un montant d'offerts identique pour l'ensemble de la période en cause. Les requérants ne contestent pas utilement ce montant d'offerts en présentant un tableau retraçant les offerts réalisés pour certains évènements et en les ajoutant au montant obtenu par la vérificatrice, lequel a déjà intégré l'ensemble des offerts réalisés. Si les requérants estiment que l'administration a sous-estimé la consommation de vin lors des soirées de l'AS Saint-Etienne et que sa politique commerciale n'a pas été prise en considération, ils ne produisent aucun élément comptable probant de nature à corroborer ses allégations. Enfin, ils ne justifient pas du taux de perte de 2 % qu'ils revendiquent pour les vins perdus, bouchonnés ou consommés par le personnel alors que la vérificatrice a extourné de la reconstitution le vin utilisé en cuisine. 9. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que la société aurait comptabilisé les recettes de vin servi au bar dans d'autres comptes que ceux évoqués au point 7. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le vin consommé au bar n'aurait pas été pris en compte. 10. Les requérants contestent la contenance des verres retenue par la vérificatrice. Toutefois, il résulte de l'instruction que celle-ci a justifié des raisons pour lesquelles elle ne retenait pas la contenance de 18 cl figurant en comptabilité pour lui substituer celle de 12 cl par verre. Elle a en effet relevé qu'une contenance au verre de vin vendu de 18 cl était incohérente dès lors que le prix de vente au centilitre pour le vin vendu au verre serait alors inférieur au prix de vente au centilitre pour le même vin vendu en bouteille ou en pot. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le prix de vente du vin, ramené au centilitre, étant d'autant plus élevé que son volume est petit, la contenance évoquée par la société vérifiée n'apparait pas justifiée. 11. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du chiffre d'affaires reconstitué au titre des exercices clos les 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016 et du rehaussement des bénéfices en découlant. S'agissant des revenus distribués résultant des minorations de recettes de la SASU Hôtel du golf : 12. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". 13. L'administration a estimé que la SASU Hôtel du golf avait, dans son courrier daté du 19 février 2018, désigné M. A... comme le bénéficiaire des charges non engagées dans l'intérêt de la société et des revenus issus des minorations de recettes de la société et considéré ces sommes comme des rémunérations et avantages occultes distribués à M. A..., constituant des avantages occultes au profit de l'intéressé, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. 14. Il résulte de l'instruction que, comme les requérants le soutiennent pour la première fois en appel, M. A... n'a été désigné par la SASU Hôtel du golf comme le bénéficiaire des minorations de recettes qu'au titre de l'année 2014 et non s'agissant de l'année 2015. 15. L'administration fait cependant valoir que ces revenus distribués par la SASU Hôtel du golf au titre dudit exercice, qui procèdent du rehaussement des bénéfices de la société, doivent être imposés sur le fondement des dispositions du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts aux termes duquel : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". 16. Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. La qualité de seul maître de l'affaire suffit en outre à regarder le contribuable comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, en l'application du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, par la société en cause, la circonstance qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes étant sans incidence à cet égard. 17. L'administration fait valoir que, lors de la vérification de comptabilité de la SASU Hôtel du golf, M. B... A... était, sur la période vérifiée, le gérant de la SARL Manade finances, associée unique de ladite SASU, et que l'intéressé, d'ailleurs officiellement directeur général de cette société depuis le 7 juin 2018, a répondu d'une manière des plus avisées et circonstanciées sur le fonctionnement quotidien de l'enregistrement comptable de cette entreprise. Si les requérants soutiennent que l'administration ne démontre pas le rôle joué par les associés au sein de la SARL Manade finances alors que les statuts de cette société précisent que le gérant est révocable par des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, ils ne remettent toutefois pas de la sorte que M. A... exerçait, sur ladite période, la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et disposait sans contrôle de ses fonds, la circonstance selon laquelle un conflit a surgi entre les associés n'étant, à elle seule et sans autre précision ni justification sur ses conséquences sur son fonctionnement, pas de nature à démontrer que ce conflit lui aurait fait perdre la direction effective de l'affaire. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration considère que M. A... était le maître de l'affaire et doit, par suite, être regardé comme ayant appréhendé les sommes réputées distribuées par la SASU Hôtel du golf. Par suite, sa qualité de seul maître de l'affaire suffit à le regarder comme bénéficiaire des revenus distribués, en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, résultant des rehaussements des bénéfices imposables de la SASU Hôtel du golf au titre de l'exercice clos en 2015. L'administration, qui est en droit à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, de substituer une base légale à celle qui a été primitivement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition, est bien fondée à demander que les revenus précités soit imposés sur le fondement du 1° de l'article 109-1 précité dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, cette substitution de base légale ne privant les appelants d'aucune garantie de procédure. En ce qui concerne les pénalités : 18. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). ". 19. Les requérants réitèrent en appel leur moyen tiré de l'absence de justification du bien-fondé de la pénalité pour manquement délibéré mise à leur charge. Compte tenu toutefois de ce que M. A... ne pouvait ignorer, en sa qualité de maître de l'affaire, les graves irrégularités entachant la comptabilité de la SASU Hôtel du golf et dont il est à l'origine, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention de celui-ci d'éluder l'impôt et, par suite, le caractère délibéré des manquements qui lui sont reprochés. Par suite, c'est à bon droit qu'elle lui a infligé les pénalités en litige. 20. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande. Sur les frais liés au litige : 21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par les requérants non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. et Mme B... A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est et à la direction contrôle fiscal Rhône-Alpes-Bourgogne. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA01461 |
CETATEXT000048424402 | J6_L_2023_11_00022MA01462 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424402.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA01462, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA01462 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme FEDI | POMEON | M. Jérôme MAHMOUTI | M. GAUTRON | Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts ; - le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Mahmouti, - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Une note en délibéré, enregistrée le 27 octobre 2023, a été produite pour M. et Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. La SASU Hôtel du Golf, dont le siège est situé à Saint-Etienne, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 12 décembre 2016 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016 lui ont été notifiés ainsi que des amendes, par une proposition de rectification du 21 décembre 2017. Par un courrier du 19 février 2018, la société a désigné M. B... A... comme bénéficiaire de certains revenus distribués. L'administration en a tiré les conséquences en adressant à celui-ci et son épouse une proposition de rectification datée du 3 mai 2018 dans laquelle ces sommes ont été considérées comme des distributions occultes au sens des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts et les assujettissant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2016. Les époux A... relèvent appel du jugement du 28 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la décharge desdites cotisations. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la procédure d'imposition : 2. Les requérants réitèrent en appel, et par la même argumentation, le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance tiré de ce que la proposition de rectification datée du 3 mai 2018 serait insuffisamment motivée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 2 et 3 du jugement attaqué. En ce qui concerne le bien-fondé des impositions : S'agissant de la charge de la preuve : 3. La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'ayant pas été saisie pour avis, les dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ne sont pas applicables aux impositions en litige. Celles-ci ayant été établies à la suite de rectifications proposées selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales et les requérants les ayant refusées, la charge de la preuve de leur bien-fondé incombe, par conséquent, à l'administration. S'agissant du rejet de la comptabilité de la SASU Hôtel du Golf : 4. Si les requérants contestent l'ensemble des motifs par lesquels la vérificatrice a rejeté la comptabilité de la SASU Hôtel du golf comme non sincère et probante, il résulte de l'instruction que cette société n'a pas conservé l'intégralité de ses fichiers comptables informatiques sur l'ensemble de la période vérifiée alors que sa comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés. Elle n'a présenté que des fichiers concernant 476 journées au lieu de 1 096 jours représentant la période vérifiée. S'ils soutiennent également que cette société a présenté à la vérificatrice l'intégralité des tickets Z en format papier, il est constant que l'ensemble des fichiers informatiques n'avait pas été conservé et que la comptabilité tenue sur support informatique n'avait pas été présentée de manière complète en méconnaissance des articles L. 13, L. 47 A II et L. 102 B du livre des procédures fiscales et que la seule production des tickets journaliers ou mensuels " Z " n'est pas suffisante pour vérifier l'exhaustivité de l'enregistrement des recettes. La vérificatrice a également relevé une rupture de la chaîne informatique entre la saisie des opérations sur le logiciel de gestion commerciale et leur comptabilisation effective dû au fait que l'édition des factures ou notes de caisse n'entraînait pas leur comptabilisation automatique et que, quotidiennement, avant le service de midi, il était procédé à une remise à zéro de la caisse enregistreuse et les documents papiers édités (bandes de contrôle) étaient remis au gérant qui se chargeait de leur comptabilisation via un tableau Excel. Elle a souligné que le caractère insuffisamment détaillé de la liste des articles enregistrés sur les logiciels de caisse ne permettait pas d'identifier précisément les articles revendus et a relevé des irrégularités dans les tickets de caisse, établis à des heures et pour des tables différentes avec des montants différents qui comportent le même numéro, des interruptions dans la séquentialité des numéros de tickets de caisse et le caractère incomplet des produits vendus figurant sur les tickets. Les éléments ainsi relevés par l'administration sont suffisants pour ne pas la mettre en mesure de vérifier la réalité des recettes encaissées et sont suffisamment graves pour ôter tout caractère probant à la comptabilité de la société. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a rejeté la comptabilité de la société comme non probante et procédé à la reconstitution de ses recettes. S'agissant de la reconstitution des recettes de la SASU Hôtel du Golf : 5. L'administration a reconstitué les recettes de l'activité de restauration de la société à partir du chiffre d'affaires généré par la vente de vins. Il résulte des termes de la proposition de rectification du 21 décembre 2017 que l'administration a déterminé le " chiffre d'affaires vin " de la société à partir des quantités achetées, obtenues par le dépouillement des factures d'achat, auxquelles ont été ajoutées les quantités en stock au 1er janvier de l'année, puis retranchées les quantités en stock au 31 décembre de la même année, à partir des données figurant sur les inventaires transmis par la société. Les recettes " vins en bouteille " ont ensuite été calculées en multipliant les achats consommés de chaque produit par les prix de vente moyen constatés sur la période vérifiée, et les recettes " vins en verre et en pots " ont été déterminées, après répartition entre les ventes de différents contenants, sur la base des ventes enregistrées sur les bandes de contrôle de caisse fournies et après prise en compte des achats non revendus tels quels (vins faisant partie des menus avec vin compris, soirée de l'AS Saint-Etienne). Il résulte également de la proposition de rectification que la détermination du " chiffre d'affaires restaurant " a été effectuée à partir des recettes de la vente du vin, selon les modalités précédemment exposées, auxquelles ont été appliquées un coefficient de 11% correspondant au pourcentage des recettes vins par rapport au total des recettes restaurant. Ce pourcentage a été calculé à partir des données partielles issues des fichiers de retranscription sur tableur des " tickets Z " mensuels transmis par la société le 24 octobre 2017 pour les mois de janvier, février, mars, juin, octobre, novembre et décembre 2015 et sur la période courant des mois d'avril 2015 à décembre 2016. Afin de déterminer les recettes nettes de l'activité restauration, le service vérificateur a ensuite déterminé un montant d'offert aux clients de 64 437 euros par an à partir de la somme des offerts figurant sur les bandes de caisse détaillées fournies par la société seulement sur 476 jours qu'elle a extrapolée aux 1 096 jours de la période vérifiée. 6. Si les requérants soutiennent que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est radicalement viciée, il résulte de l'instruction que la vérificatrice a utilisé la méthode des vins rappelée au point précédent, laquelle ne saurait, dans son principe, être radicalement viciée. 7. S'agissant des erreurs relevées par les requérants affectant, selon eux, les résultats de la reconstitution de recettes opérée, il résulte de l'instruction que le taux de 11 % de recettes vins dans les recettes du restaurant retenu par la vérificatrice ressort de l'analyse de la propre comptabilité de la SASU Hôtel du Golf dès lors que la vérificatrice a utilisé les lignes des comptes " 70114000-CA restaurant 10 % " et " 70113000-CA restaurant 20 % " figurant dans les fichiers conservés par la société vérifiée pour calculer le chiffre d'affaires " restaurant hors vin " et le chiffre d'affaires " vin " et en déterminer le taux susmentionné. En outre, il est constant que seule l'activité " restaurant " exercée par cette société a fait l'objet d'une reconstitution de recettes et non l'activité " hôtellerie ". Si les requérants soutiennent que le poste " petit déjeuner " ne peut être pris en considération dans la reconstitution du chiffre d'affaires " restaurant ", il ressort de la propre comptabilité de la société vérifiée qu'elle a elle-même comptabilisé ce poste dans son activité " restaurant " ainsi qu'il ressort de l'analyse des comptes susvisés. Ils ne sauraient ainsi soutenir que ce poste aurait dû être extourné de la reconstitution de recettes s'agissant de la partie " restaurant ". En outre, si le tableau figurant en page 16 de la proposition de rectification mentionne, à tort, une double-ligne " soirée étape # ", il ressort des calculs effectués sur ce tableau que la ligne supplémentaire n'a pas été comptabilisée. Enfin, si les requérants font valoir que le service vérificateur n'aurait pas ventilé les " postes soirée étape, soirée rest-forfait semin. nour ", il ressort toutefois du tableau précité que ces postes dont les données sont issues des fichiers transmis par la société ont été différenciés par la vérificatrice. 8. S'agissant des offerts, il résulte de la proposition de rectification adressée à la SASU Hôtel du golf que la vérificatrice a déterminé un montant d'offerts à partir de la somme des montants figurant sur les bandes de caisse, qui n'ont pu être fournies par la société que pour 476 jours, que le service a ensuite extrapolé aux 1 096 jours de la période vérifiée, justifiant un montant d'offerts identique pour l'ensemble de la période en cause. Les requérants ne contestent pas utilement ce montant d'offerts en présentant un tableau retraçant les offerts réalisés pour certains évènements et en les ajoutant au montant obtenu par la vérificatrice, lequel a déjà intégré l'ensemble des offerts réalisés. Si les requérants estiment que l'administration a sous-estimé la consommation de vin lors des soirées de l'AS Saint-Etienne et que sa politique commerciale n'a pas été prise en considération, ils ne produisent aucun élément comptable probant de nature à corroborer ses allégations. Enfin, ils ne justifient pas du taux de perte de 2 % qu'ils revendiquent pour les vins perdus, bouchonnés ou consommés par le personnel alors que la vérificatrice a extourné de la reconstitution le vin utilisé en cuisine. 9. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que la société aurait comptabilisé les recettes de vin servi au bar dans d'autres comptes que ceux évoqués au point 7. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le vin consommé au bar n'aurait pas été pris en compte. 10. Les requérants contestent la contenance des verres retenue par la vérificatrice. Toutefois, il résulte de l'instruction que celle-ci a justifié des raisons pour lesquelles elle ne retenait pas la contenance de 18 cl figurant en comptabilité pour lui substituer celle de 12 cl par verre. Elle a en effet relevé qu'une contenance au verre de vin vendu de 18 cl était incohérente dès lors que le prix de vente au centilitre pour le vin vendu au verre serait alors inférieur au prix de vente au centilitre pour le même vin vendu en bouteille ou en pot. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le prix de vente du vin, ramené au centilitre, étant d'autant plus élevé que son volume est petit, la contenance évoquée par la société vérifiée n'apparait pas justifiée. 11. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du chiffre d'affaires reconstitué au titre des exercices clos les 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016 et du rehaussement des bénéfices en découlant. S'agissant des revenus distribués résultant des minorations de recettes de la SASU Hôtel du golf : 12. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". 13. L'administration a estimé que la SASU Hôtel du golf avait, dans son courrier daté du 19 février 2018, désigné M. A... comme le bénéficiaire des charges non engagées dans l'intérêt de la société et des revenus issus des minorations de recettes de la société et considéré ces sommes comme des rémunérations et avantages occultes distribués à M. A..., constituant des avantages occultes au profit de l'intéressé, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. 14. Il résulte de l'instruction que, comme les requérants le soutiennent pour la première fois en appel, M. A... n'a été désigné par la SASU Hôtel du golf comme le bénéficiaire des minorations de recettes qu'au titre de l'année 2014 et non s'agissant de l'année 2016. 15. L'administration fait cependant valoir que ces revenus distribués par la SASU Hôtel du golf au titre de l'exercice précité, qui procèdent du rehaussement des bénéfices de la société, doivent être imposés sur le fondement des dispositions du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts aux termes duquel : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". 16. Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. La qualité de seul maître de l'affaire suffit en outre à regarder le contribuable comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, en l'application du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, par la société en cause, la circonstance qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes étant sans incidence à cet égard. 17. L'administration fait valoir que, lors de la vérification de comptabilité de la SASU Hôtel du golf, M. B... A... était, sur la période vérifiée, le gérant de la SARL Manade finances, associée unique de ladite SASU, et que l'intéressé, d'ailleurs officiellement directeur général de cette société depuis le 7 juin 2018, a répondu d'une manière des plus avisées et circonstanciées sur le fonctionnement quotidien de l'enregistrement comptable de cette entreprise. Si les requérants soutiennent que l'administration ne démontre pas le rôle joué par les associés au sein de la SARL Manade finances alors que les statuts de cette société précisent que le gérant est révocable par des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, ils ne remettent toutefois pas de la sorte que M. A... exerçait, sur ladite période, la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et disposait sans contrôle de ses fonds, la circonstance selon laquelle un conflit a surgi entre les associés n'étant, à elle seule et sans autre précision ni justification sur ses conséquences sur son fonctionnement, pas de nature à démontrer que ce conflit lui aurait fait perdre la direction effective de l'affaire. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration considère que M. A... était le maître de l'affaire et doit, par suite, être regardé comme ayant appréhendé les sommes réputées distribuées par la SASU Hôtel du golf. Par suite, sa qualité de seul maître de l'affaire suffit à le regarder comme bénéficiaire des revenus distribués, en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, résultant des rehaussements des bénéfices imposables de la SASU Hôtel du golf au titre de l'exercice clos en 2016. L'administration, qui est en droit à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, de substituer une base légale à celle qui a été primitivement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition, est bien fondée à demander que les revenus précités soit imposés sur le fondement du 1° de l'article 109-1 précité dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, cette substitution de base légale ne privant les appelants d'aucune garantie de procédure. En ce qui concerne les pénalités : 18. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". 19. Les requérants réitèrent en appel leur moyen tiré de l'absence de justification du bien-fondé de la pénalité pour manquement délibéré mise à leur charge. Compte tenu toutefois de ce que M. A... ne pouvait ignorer, en sa qualité de maître de l'affaire, les graves irrégularités entachant la comptabilité de la SASU Hôtel du golf et dont il est à l'origine, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention de celui-ci d'éluder l'impôt et, par suite, le caractère délibéré des manquements qui lui sont reprochés. Par suite, c'est à bon droit qu'elle lui a infligé les pénalités en litige. 20. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande. Sur les frais liés au litige : 21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par les requérants non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. et Mme B... A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est et à la direction contrôle fiscal Rhône-Alpes-Bourgogne. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA01462 cm |
CETATEXT000048424404 | J6_L_2023_11_00022MA01661 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424404.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA01661, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA01661 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme FEDI | DUDOGNON JESSICA | M. Nicolas DANVEAU | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier de Puget-Theniers à lui payer la somme de 19 960,60 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'absence de requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée et du recours abusif par l'établissement hospitalier à des contrats à durée déterminée. Par un jugement n° 1905099 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de Mme C.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 14 juin 2022, Mme C..., représentée par Me Dudognon, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 29 avril 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 5 septembre 2019 par laquelle la directrice du centre hospitalier de Puget-Theniers a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices subis du fait de l'absence de requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée et du recours abusif par l'établissement hospitalier à des contrats à durée déterminée ; 3°) de condamner le centre hospitalier de Puget-Theniers à lui payer, en réparation de ses préjudices, la somme de 19 960,60 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2019 ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Puget-Theniers la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête est recevable ; - elle a été titulaire de 33 contrats de travail à durée déterminée qui doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée ; - son employeur a fait un usage abusif des contrats à durée déterminée, contraire à la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union européenne et sa lettre du 3 septembre 2018 constitue un licenciement, ce qui lui ouvre droit à être indemnisée ; - les contrats qu'elle a conclus sont entachés de nullité dès lors qu'ils ne comportent aucune définition précise du motif du recrutement et portent sur des fonctions autres que celles qui ont été effectivement exercées ; les décisions de non-renouvellement sont irrégulièrement fondées sur son état de santé ou sa maternité ; - elle est fondée à obtenir la réparation de ses préjudices pour un montant total de 19 960,60 euros. La procédure a été communiquée au centre hospitalier de Puget-Theniers, qui n'a pas produit d'observations. Par une ordonnance du 30 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mars 2023. Les parties ont été informées le 8 août 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision de rejet de la demande préalable indemnitaire datée du 5 septembre 2019, laquelle a eu pour seul effet de lier le contentieux indemnitaire. Mme C... a répondu à ce moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 9 août 2023, aux termes duquel elle ne demande plus l'annulation de cette décision du 5 septembre 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union Européenne du 28 juin 1999 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ; - la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ; - le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ; - le décret n° 2015-1434 du 5 novembre 2015 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau, rapporteur, - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... a été recrutée par le centre hospitalier de Puget-Theniers à compter du 1er août 2007 par plusieurs contrats de travail à durée déterminée, le dernier de ces contrats étant arrivé à terme le 30 septembre 2018 et n'ayant pas été renouvelé. Elle a demandé à la directrice du centre hospitalier, par lettre du 29 août 2019, l'indemnisation de ses préjudices résultant du recours abusif par l'établissement hospitalier à ces contrats à durée déterminée. Sa demande a été rejetée par décision du 5 septembre 2019. Par un jugement du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Puget-Theniers à lui verser la somme de 19 960,60 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Mme C... relève appel de ce jugement. Sur le désistement partiel : 2. Il ressort du mémoire enregistré le 9 août 2023 devant la cour que Mme C... ne demande plus l'annulation de la décision du 5 septembre 2019 par laquelle la directrice du centre hospitalier de Puget-Theniers a rejeté sa demande indemnitaire préalable. Dès lors, elle doit être regardée comme ayant abandonné ses conclusions dirigées contre cette décision. Un tel désistement partiel étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la requalification des contrats de travail : 3. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction issue de l'article 16 de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique : " Par dérogation à l'article 3 du titre Ier du statut général, les emplois permanents mentionnés au premier alinéa de l'article 2 peuvent être occupés par des agents contractuels lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient, notamment lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires hospitaliers susceptibles d'assurer ces fonctions ou lorsqu'il s'agit de fonctions nouvellement prises en charge par l'administration ou nécessitant des connaissances techniques hautement spécialisées. / Les emplois à temps non complet d'une durée inférieure au mi-temps et correspondant à un besoin permanent sont occupés par des agents contractuels. / Les agents ainsi recrutés peuvent être engagés par des contrats d'une durée indéterminée ou déterminée. Les contrats à durée déterminée mentionnés ci-dessus sont d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par décision expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. / Si, à l'issue de la période de reconduction mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. ". L'article 47 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique a modifié les troisième et quatrième alinéas de cet article 9 et ajouté les cinquième, sixième et septième alinéas selon la rédaction suivante : " Les agents ainsi recrutés peuvent être engagés par des contrats d'une durée indéterminée ou déterminée. Lorsque les contrats sont conclus pour une durée déterminée, celle-ci est au maximum de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par décision expresse dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Tout contrat de travail conclu ou renouvelé en application du présent article avec un agent qui justifie d'une durée de services publics effectifs de six ans sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par décision expresse, pour une durée indéterminée. / La durée de six ans mentionnée au quatrième alinéa est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés au titre du présent article et de l'article 9-1. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même établissement relevant de l'article 2. Pour l'appréciation de cette durée, les services accomplis à temps non complet et à temps partiel sont assimilés à du temps complet. / Les services accomplis de manière discontinue sont pris en compte, sous réserve que la durée de l'interruption entre deux contrats n'excède pas quatre mois. / Lorsqu'un agent atteint les conditions d'ancienneté mentionnées aux quatrième à avant-dernier alinéas avant l'échéance de son contrat en cours, celui-ci est réputé conclu à durée indéterminée. L'autorité d'emploi lui adresse une proposition d'avenant confirmant cette nouvelle nature du contrat. " 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9-1 de cette même loi, dans sa rédaction issue de l'article 17 de la loi du 26 juillet 2005 précitée : " Les établissements peuvent recruter des agents contractuels pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires hospitaliers indisponibles ou autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel. Les agents ainsi recrutés sont engagés par des contrats d'une durée déterminée. / Ils peuvent également recruter des agents contractuels pour faire face temporairement et pour une durée maximale d'un an à la vacance d'un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par le présent titre. ". Aux termes du I de cet article 9-1, dans sa version modifiée par l'article 48 de la loi du 12 mars 2012 précitée : " I. - Les établissements peuvent recruter des agents contractuels pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires ou d'agents contractuels autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé annuel, d'un congé de maladie, de grave ou de longue maladie, d'un congé de longue durée, d'un congé pour maternité ou pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, d'un congé de solidarité familiale, de l'accomplissement du service civil ou national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux ou de leur participation à des activités dans le cadre des réserves opérationnelle, de sécurité civile ou sanitaire ou en raison de tout autre congé régulièrement octroyé en application des dispositions réglementaires applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière. / Le contrat est conclu pour une durée déterminée. Il est renouvelable, par décision expresse, dans la limite de la durée de l'absence de l'agent à remplacer. ". 5. Enfin, aux termes de l'article 41 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Lorsque l'agent contractuel a été recruté par un contrat à durée déterminée susceptible d'être renouvelé en application des dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables, l'autorité signataire du contrat notifie à l'intéressé son intention de renouveler ou non le contrat, au plus tard : / (...) 3° Deux mois avant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée supérieure à deux ans. / (...) Pour la détermination de la durée du délai de prévenance, les durées d'engagement mentionnées aux 1°, 2° et 3° sont décomptées compte tenu de l'ensemble des contrats conclus avec l'agent, y compris ceux conclus avant une interruption de fonctions, sous réserve que cette interruption n'excède pas quatre mois et qu'elle ne soit pas due à une démission de l'agent. (...) ". 6. En l'espèce et en tout état de cause, la durée cumulée d'emploi non interrompu de Mme C..., dont les contrats de travail ont été conclus sur le fondement de l'article 9-1 de la loi du 9 janvier 1986, est inférieure à six années, compte tenu de ses périodes d'engagement allant d'août 2007 à septembre 2009 et de juillet 2014 à septembre 2018. La requérante ne justifie ainsi pas remplir la condition prévue à l'article 9 de cette même loi, qui prévoit la transformation d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée lorsque l'agent justifie d'une durée continue de services publics effectifs de six ans. Elle ne saurait dès lors, soutenir que la décision de ne pas renouveler son contrat prise le 3 septembre 2018 doive être regardée comme un licenciement. 7. Mme C... soutient par ailleurs que les 33 contrats de travail qu'elle a conclus entre 2007 et 2018 doivent être transformés de plein droit en contrat à durée indéterminée dès lors que les fonctions exercées ne correspondent pas à celles fixées contractuellement, que les contrats ne prévoient aucun motif précis de recrutement, que ces derniers n'ont pas été renouvelés à trois reprises en 2009, 2015 et 2018 en raison de son état de santé et de sa maternité, et que la lettre l'informant du non renouvellement de son dernier contrat n'a pas respecté le délai de prévenance d'un mois. Toutefois, même à les supposer établies, de telles irrégularités ne sauraient justifier la requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée. En ce qui concerne le recours abusif aux contrats à durée déterminée : 8. Aux termes de l'article 1er de la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union européenne du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée : " La présente directive vise à mettre en œuvre l'accord cadre sur le travail à durée déterminée, figurant en annexe, conclu le 18 mars 1999 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP) ". Aux termes de l'article 2 de cette directive : " Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 10 juillet 2001 ou s'assurent, au plus tard à cette date, que les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d'accord, les États membres devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d'être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. (...) ". En vertu des stipulations de la clause 5 de l'accord-cadre annexé à la directive, relative aux mesures visant à prévenir l'utilisation abusive des contrats à durée déterminée : " 1. Afin de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n'existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d'une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l'une ou plusieurs des mesures suivantes : a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ; b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ; c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail. 2. Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c'est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée : a) sont considérés comme "successifs" ; b) sont réputés conclus pour une durée indéterminée ". 9. Ces dispositions, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, imposent aux États membres d'introduire de façon effective et contraignante dans leur ordre juridique interne, s'il ne le prévoit pas déjà, l'une au moins des mesures énoncées aux a) à c) du paragraphe 1 de la clause 5, afin d'éviter qu'un employeur ne recoure de façon abusive au renouvellement de contrats à durée déterminée. Lorsque l'État membre décide de prévenir les renouvellements abusifs en recourant uniquement aux raisons objectives prévues au a), ces raisons doivent tenir à des circonstances précises et concrètes de nature à justifier l'utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs. Il ressort également de l'interprétation de la directive retenue par la Cour de justice de l'Union européenne que le renouvellement de contrats à durée déterminée afin de pourvoir au remplacement temporaire d'agents indisponibles répond, en principe, à une raison objective au sens de la clause citée ci-dessus, y compris lorsque l'employeur est conduit à procéder à des remplacements temporaires de manière récurrente, voire permanente, alors même que les besoins en personnel de remplacement pourraient être couverts par le recrutement d'agents sous contrats à durée indéterminée. Toutefois, si l'existence d'une telle raison objective exclut en principe que le renouvellement des contrats à durée déterminée soit regardé comme abusif, c'est sous réserve qu'un examen global des circonstances dans lesquelles les contrats ont été renouvelés ne révèle pas, eu égard notamment à la nature des fonctions exercées par l'agent, au type d'organisme qui l'emploie, ainsi qu'au nombre et à la durée cumulée des contrats en cause, un abus. 10. Par ailleurs, si les dispositions précitées des articles 9 et 9-1 de la loi du 9 janvier 1986, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, autorisent le recours à une succession de contrats à durée déterminée pour recruter des agents, afin de procéder notamment à des remplacements de fonctionnaires temporairement indisponibles ou à des vacances d'emplois, elles ne font cependant pas obstacle à ce qu'en cas de renouvellement abusif de tels contrats, l'agent concerné puisse se voir reconnaître un droit à l'indemnisation du préjudice éventuellement subi lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Dans cette hypothèse, il incombe au juge, pour apprécier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause. 11. Il résulte de l'instruction que, entre août 2007 et septembre 2009, puis entre juillet 2014 et septembre 2018, le centre hospitalier de Puget-Theniers a employé Mme C... en qualité d'agent des services hospitaliers non titulaire sous couvert de 33 contrats de travail à durée déterminée. Toutefois, il est constant que Mme C... n'a pas été employée entre octobre 2009 et juin 2014, soit une période de plus de quatre ans, puis pendant plus de deux mois entre le 1er janvier et le 9 mars 2016. Il résulte par ailleurs de l'instruction que les contrats ont été conclus avec le centre hospitalier pour un motif suffisamment précis. Le premier contrat, dont la durée a été prolongée par plusieurs avenants successifs, a été conclu le 1er août 2007 en vue d'un remplacement pour congés annuels, alors que les contrats suivants l'ont été sur le fondement de l'article 9-1 de la loi du 9 janvier 1986, pour permettre le remplacement d'agents momentanément indisponibles, qui peut être fréquent dans un établissement hospitalier eu égard au nombre de ses agents. Au surplus et en tout état de cause, un tel vice, à le supposer même établi, apparaît sans lien avec les préjudices dont il est demandé réparation. Il n'est pas davantage établi que le centre hospitalier aurait mis un terme, en 2009, 2015 puis 2018, aux contrats de travail de Mme C... pour un motif étranger à l'intérêt du service, lié à son état de santé ou à sa maternité, ces décisions se bornant à constater le non renouvellement du contrat à durée déterminée en raison de l'arrivée du terme de son dernier engagement. Enfin, et contrairement à ce que soutient Mme C..., il ne résulte pas de l'instruction, au vu du seul extrait du planning de travail produit, que celle-ci aurait été " contrainte " d'exercer des fonctions d'aide-soignante distinctes de celles d'agent des services hospitaliers prévues dans les différents contrats. Dans ces circonstances, et alors que le renouvellement d'un contrat à durée déterminée arrivé à son terme n'est pas un droit pour l'agent, la requérante n'est pas fondée à soutenir que son recrutement ne constituait pas le cadre juridique adapté pour faire face aux besoins de l'établissement hospitalier et que ce dernier aurait abusivement recouru aux engagements à durée déterminée. En ce qui concerne la méconnaissance du délai de prévenance : 12. Aux termes de l'article 41 du décret précité du 6 février 1991 : " Lorsque l'agent contractuel a été recruté par un contrat à durée déterminée susceptible d'être renouvelé en application des dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables, l'autorité signataire du contrat notifie à l'intéressé son intention de renouveler ou non le contrat, au plus tard : / (...) 3° Deux mois avant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée supérieure à deux ans. / (...) Pour la détermination de la durée du délai de prévenance, les durées d'engagement mentionnées aux 1°, 2° et 3° sont décomptées compte tenu de l'ensemble des contrats conclus avec l'agent, y compris ceux conclus avant une interruption de fonctions, sous réserve que cette interruption n'excède pas quatre mois et qu'elle ne soit pas due à une démission de l'agent. (...) ". 13. Si la méconnaissance de ce délai est sans incidence sur la légalité de la décision de ne pas renouveler le contrat de l'agent, cette illégalité constitue en revanche une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'établissement, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. 14. Il résulte de ce qui a été exposé au point 11 que Mme C... a été employée, à partir de 2014, par le centre hospitalier de Puget-Theniers pendant une période continue de plus de quatre ans, à l'exception d'une seule interruption de deux mois et neuf jours allant du 1er janvier 2016 au 9 mars 2016. Son dernier contrat, conclu le 2 juillet 2018, devait prendre fin le 30 septembre suivant. S'il est constant que le centre hospitalier n'a informé Mme C... de son intention de ne pas renouveler son contrat que par lettre du 3 septembre 2018, alors qu'elle aurait dû l'être au moins deux mois avant le terme de son engagement contractuel, la requérante, qui a en tout état de cause été rémunérée jusqu'à l'échéance de son contrat de travail, ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance d'un préjudice qui serait lié à une information tardive du non-renouvellement de son dernier contrat. Sa demande présentée à ce titre ne peut, dès lors, qu'être rejetée. 15. Il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires présentées par Mme C.... 16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Il est donné acte à Mme C... de son désistement de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 5 septembre 2019 par laquelle la directrice du centre hospitalier de Puget-Theniers a rejeté sa demande indemnitaire préalable. Article 2 : La requête de Mme C... est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... et au centre hospitalier de Puget-Theniers. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente assesseure, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA01661 |
CETATEXT000048424407 | J6_L_2023_11_00022MA01989 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424407.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA01989, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA01989 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme FEDI | BOUGASSAS | Mme Lison RIGAUD | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer l'annulation de l'arrêté du 25 septembre 2019 par lequel le maire de Grasse a prononcé à son encontre une sanction de révocation à compter du 5 octobre 2019. Par un jugement n° 1905681 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 25 septembre 2019 et mis à la charge de la commune de Grasse la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 juillet 2022 et le 16 mars 2023, la commune de Grasse, représentée par Me Bougassas, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mai 2022 ; 2°) de rejeter la requête de M. A... ; 3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - à titre liminaire, la matérialité des faits jugés a été explicitement constatée par le juge pénal et confirmée par le tribunal administratif ; - le jugement attaqué est irrégulier compte tenu de la contradiction de ses motifs ; - le jugement attaqué est fondé sur des faits matériellement inexacts ; - le tribunal administratif a faussement qualifié les faits et a entaché son jugement d'erreur de droit dans l'application du principe de proportionnalité ; - le jugement attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2022, M. D... A..., représenté Par Me Persico, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête de la commune de Grasse ; 2°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mai 2022 ; 3°) d'annuler l'arrêté du maire de Grasse en date du 25 septembre 2019 ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Grasse la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - et les observations de Me Persico, représentant M. A.... Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 20 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. M. D... A..., recruté par la commune de Grasse par un contrat à durée déterminée le 7 janvier 2013, a été titularisé en qualité d'adjoint territorial du patrimoine le 1er avril 2015. Par un jugement du 26 juillet 2019, devenu définitif, le tribunal correctionnel de Grasse l'a reconnu coupable des faits de corruption de mineur de plus de 15 ans pour des faits commis du 9 au 31 mars 2019 et l'a condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve durant deux ans. Par un arrêté du 25 septembre 2019, le maire de la commune de Grasse a infligé à M. A... la sanction disciplinaire de la révocation à compter du 5 octobre 2019. La commune de Grasse relève appel du jugement du 18 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a prononcé l'annulation de cet arrêté et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur le bien-fondé du jugement attaqué du tribunal administratif de Nice du 18 mai 2022 : 2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". En application de ces dispositions, les faits commis par un fonctionnaire en dehors du service peuvent constituer une faute passible d'une sanction disciplinaire lorsque, eu égard à leur gravité, à la nature des fonctions de l'intéressé et à l'étendue de ses responsabilités, ils ont eu un retentissement sur le service, jeté le discrédit sur la fonction exercée par l'agent ou sur l'administration, ou encore si ces faits sont incompatibles avec la qualité d'agent public. 3. Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. (...) ". 4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. 5. Il ressort de l'arrêté contesté du 25 septembre 2019 que, pour prononcer la révocation de M. A..., le maire de la commune de Grasse lui a fait grief d'avoir entretenu pendant plusieurs mois une relation avec un mineur de plus de quinze ans usager de la bibliothèque municipale au sein de laquelle il exerce ses fonctions, ayant conduit à une condamnation par le tribunal correctionnel de Grasse en date du 26 juillet 2019 à une peine de prison de dix-huit mois assortie d'un sursis total avec mise à l'épreuve de deux ans. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 26 juillet 2019, le tribunal correctionnel de Grasse a condamné M. A... à une peine d'emprisonnement délictuel de dix-huit mois, assortie d'un sursis probatoire d'une durée de deux ans et d'obligations particulières dont notamment celles de se soumettre à des mesures d'examen, de contrôle, de traitement et de soins médicaux même sous le régime de l'hospitalisation et l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, a rejeté la demande de dispense d'inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire à l'encontre de l'intéressé de la condamnation ainsi prononcée et a constaté l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles de ce dernier. En raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux constatations matérielles, retenues par le juge pénal dans une décision dont il est constant qu'elle est devenue définitive, et qui s'impose tant aux autorités qu'aux juridictions administratives, la matérialité de ces faits, également retenus dans les motifs de l'arrêté contesté du 25 septembre 2019, doit être regardée comme établie. En outre, il ressort des pièces du dossier que la victime, née le 23 septembre 2003, âgée de quinze ans et demi à la date des faits, présentait un parcours personnel problématique et un état psychologique vulnérable dont M. A... avait connaissance, que M. A... l'a rencontrée sur son lieu de travail, à la bibliothèque municipale où il exerçait ses fonctions, que, contrairement à ce qu'il soutient en défense, il n'a pas été manipulé par le jeune garçon de quinze ans mais a pris une part active à l'engagement de la relation sexuelle et affective nouée avec lui, qu'il a d'ailleurs reconnu avoir offert au jeune garçon des cadeaux en échanges de relations sexuelles. Dans ces conditions, eu égard à la nature et à la gravité de ces faits au titre desquels M. A... a été reconnu coupable par le tribunal correctionnel de Grasse ainsi qu'à celle des fonctions et des obligations qui incombent à tout fonctionnaire, y compris en dehors du service, les circonstances que ces faits n'aient reçu aucune publicité, que son médecin psychiatre traitant ait attesté qu'il ne présentait pas de dangerosité pour autrui ni aucun risque de récidive, que sa manière de servir a été évaluée de manière favorable par sa hiérarchie depuis 2014, que le jeune garçon victime de ces faits aurait lui-même été l'auteur d'agressions sexuelles par le passé, et que le contexte familial dans lequel évolue ce dernier est problématique, ne sont pas de nature à établir qu'en le révoquant par une décision du 25 septembre 2019, le maire de la commune de Grasse ait pris une sanction disproportionnée, en raison de faits survenus en mars 2019. 6. Il suit de là que c'est à tort que, le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur un motif erroné du caractère disproportionné de la sanction en litige pour annuler la décision en date du 25 septembre 2019. 7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Nice. 8. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été signé par Mme C... B..., adjointe au maire de Grasse et déléguée au personnel. La commune de Grasse a versé aux débats l'arrêté du 23 septembre 2015 par lequel le maire de la commune lui a donné délégation de fonctions et de signature pour tous courriers, actes réglementaires, actes individuels ou contractuels, toutes pièces et actes relatifs à ses compétences dans le domaine des " ressources humaines, de l'optimisation des ressources humaines, de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de la mutualisation des services, de la médecine du travail, et des affaires juridiques. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué doit être écarté. 9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen relatif à la régularité du jugement soulevé par la commune de Grasse, que la commune de Grasse est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision en date du 25 septembre 2019. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Grasse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Grasse et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1905681 du 18 mai 2022 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... devant la cour administrative d'appel de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : M. A... versera à la commune de Grasse la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. D... A... et à la commune de Grasse. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente de chambre, - Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, - M. Nicolas Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA01989 |
CETATEXT000048424409 | J6_L_2023_11_00022MA02040 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424409.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA02040, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA02040 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme FEDI | ATORI AVOCATS | Mme Lison RIGAUD | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme H... I..., M. G... D... et leur fille Mme C... D..., sont les parents et la sœur de M. A... D..., qui a trouvé la mort, avec son épouse, lors d'un accident de la route survenu dans la nuit du 20 au 21 novembre 2017 au niveau du pont F..., chemin dit J..., sur le territoire de la commune d'Arles. Ils ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Arles à leur payer la somme globale de 132 600 euros en réparation des préjudices nés pour eux du fait du décès de leur fils et frère et de son épouse, se décomposant comme suit : - 50 000 euros en réparation du préjudice d'affection de M. G... D... résultant de la perte de son fils et de sa belle-fille ; - 50 000 euros en réparation du préjudice d'affection de Mme H... I... résultant de la perte de son fils et de sa belle-fille ; - 30 000 euros en réparation du préjudice d'affection de Mme C... D... résultant de la perte de son frère et de sa belle-sœur ; - 2 600 euros à M. G... D... et Mme H... I... au titre des frais d'obsèques. Par un jugement n° 2006529 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2022, Mme H... I..., M. G... D... et Mme C... D..., représentés par la SARL Atori Avocats, agissant par Me Bousquet, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner la commune d'Arles à leur payer la somme globale de 132 600 euros en réparation de leurs préjudices se décomposant comme suit : - 50 000 euros en réparation du préjudice d'affection de M. G... D... résultant de la perte de son fils et de sa belle-fille ; - 50 000 euros en réparation du préjudice d'affection de Mme H... I... résultant de la perte de son fils et de sa belle-fille ; - 30 000 euros en réparation du préjudice d'affection de Mme C... D... résultant de la perte de son frère et de sa belle-sœur ; - 2 600 euros à M. G... D... et Mme H... I... au titre des frais d'obsèques ; 3°) de mettre à la charge de la commune d'Arles la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. -1 du code de justice administrative, et aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de constat d'huissier. Ils soutiennent que : - le tribunal administratif de Marseille a procédé à une analyse manifestement erronée des faits soumis à son appréciation ; - la responsabilité de la commune d'Arles est engagée en raison du défaut d'entretien normal de l'ouvrage à raison des préjudices nés pour eux de l'accident de la route dans lequel leur fils et frère a trouvé la mort en compagnie de son épouse ; - la responsabilité de la commune d'Arles est engagée également en raison de la faute de son maire dans l'exercice de son pouvoir de police ; - la commune d'Arles doit en conséquence être condamnée à les indemniser au titre de ces préjudices, à hauteur de 50 000 euros pour chacun des parents du défunt, et de 30 000 euros pour sa sœur, outre 2 600 euros au titre des frais d'obsèques. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2022, la commune d'Arles, représentée par la SCP Lesage Berguet Gouard-Robert, agissant par Me Berguet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - les conditions d'engagement de sa responsabilité ne sont pas réunies, tant sur le terrain de l'entretien normal de l'ouvrage public que sur celui de la faute ; - les moyens invoqués par les requérants ne sont donc pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la voirie routière ; - le code de la route ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud ; - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ; - et les observations de Me Bernard, représentant Mme I..., M. D... et Mme D.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... D... et son épouse, Mme B... E..., ont trouvé la mort, lors d'un accident de la circulation automobile survenu dans la nuit du 20 au 21 novembre 2017 au niveau du pont F..., chemin dit J..., sur le territoire de la commune d'Arles, alors qu'ils circulaient dans le sens allant du Mas de la Galegière vers Arles. 2. Mme H... I..., M. G... D... et Mme C... D..., respectivement parents et sœur de feu A... D... et beaux-parents et belle-sœur de feue B... E..., relèvent appel du jugement n° 2006529 du 3 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête tendant à la réparation de leurs préjudices. Sur la responsabilité de la commune d'Arles pour défaut d'entretien normal de la voie publique : 3. Pour obtenir réparation, par la collectivité maître de l'ouvrage ou son concessionnaire, des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, - en l'espèce la voirie -, les usagers doivent démontrer, d'une part, la réalité de leur préjudice, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur eux, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage ou au concessionnaire de l'ouvrage, soit d'établir qu'ils ont normalement entretenu l'ouvrage, soit l'existence d'une force majeure, soit de démontrer la faute de la victime. 4. Il est constant que l'accident mortel dont ont été victimes M.A... D... et son épouse est survenu après que le véhicule dans lequel ils circulaient sur le chemin dit J..., dans le sens de circulation allant du Mas de la Galegière vers Arles, a chuté dans le canal de la vallée des Baux, depuis le pont dit " F... ". Les chemins de la J... et de la Galegière constituent une voie sans issue, interdite à la circulation à l'exception des riverains ainsi que l'indique un panneau situé au début du chemin de la J..., à proximité de la rocade d'Arles. Ce chemin et celui de la Galegière qui le prolonge après le pont F... ne desservent que des champs et une dizaine d'habitations. 5. Les requérants imputent cet accident au mauvais état du pont dit " F... ", vétuste, délabré, dangereux et trop étroit. 6. Il résulte des constatations policières relatées dans le procès-verbal établi le 21 novembre 2017, qu'aucune trace de freinage n'a été relevée sur le chemin de la Galegière, avant le pont, mais que des traînées rectilignes marquant un frottement important sur le bitume ont été constatées au milieu de la chaussée dans le virage, se poursuivant en direction de la partie gauche du pont, jusqu'à la limite du bas-côté qui est seulement marquée par une ornière, ainsi que des traces noirâtres en travers de la chaussée, menant directement dans le parapet situé sur le côté droit du pont, correspondant à des traces de pneumatiques. Le procès-verbal relève encore que le parapet est endommagé sur cinq mètres, sa première partie située à l'entrée du pont étant couchée. Cette trajectoire révèle donc que l'accident est survenu en raison d'un défaut de maîtrise du véhicule qui s'est produit avant que le véhicule ne soit sur le pont. 7. Certes, ces constatations policières et les constats d'huissier versés à la procédure établissent le mauvais état de la voirie aux abords du pont F... et la vétusté du parapet dont était équipé celui-ci à la date de l'accident en cause, défectuosités qui ne sont d'ailleurs pas sérieusement contestées par la commune d'Arles. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ce défaut d'entretien normal de la voirie caractérisé notamment par l'absence de marquages au sol, l'absence de glissière de sécurité et de parapet suffisant sur le pont F... et d'éclairage de la voie, le mauvais état du bitume de cette voie, serait à l'origine de la perte de contrôle de son véhicule par M. A... D... qui est intervenu ainsi qu'il a été dit au point 6 avant que la voiture n'arrive sur le pont et alors que le conducteur, qui résidait provisoirement à proximité du lieu de l'accident, connaissait la configuration de l'endroit. Il résulte de tout ce qui précède que l'accident en litige est imputable à la seule faute de M. A... D.... Sur la responsabilité de la commune d'Arles pour faute du maire dans l'exercice de son pouvoir de police : 8. Si le procès-verbal de police relève, comme il a été dit, que le bitume était en mauvais état, notamment sur le chemin de la Galegière où il est abîmé, présentant des déformations, des creux et bosses notamment au niveau du virage à proximité du pont, et que la zone ne comportait pas de marquage au sol, d'éclairage public ou de panneau de limitation de vitesse, il relève, outre la présence d'un panneau de sens interdit, celle de part et d'autre du pont F..., de panneaux de signalisation type A14 présentant un point d'exclamation, indiquant un danger, auxquels sont joints des panonceaux portant la mention " absence de parapet " et limitant le tonnage, ainsi que, dans le sens de circulation emprunté par A... D... qui conduisait le véhicule seul impliqué, un panneau balisant le virage, de couleurs bleue et blanche, matérialisant le virage à droite et implanté avant l'entrée du pont. Enfin, le procès-verbal précise que, dans les deux sens de circulation, un panneau de signalisation de danger annonçant un virage est implanté 150 mètres avant le pont. La dangerosité résultant des virages qui précèdent le pont de part et d'autre de celui-ci et l'absence de parapet sur cet ouvrage faisaient ainsi l'objet d'une signalisation adaptée. 9. Il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de la commune d'Arles sur le terrain de la faute du maire dans l'exercice de son pouvoir de police. 10. Compte tenu de tout ce qui précède, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête. Par suite, leurs conclusions formulées devant la cour au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il en va de même, dans les circonstances de l'espèce, de celles formulées par la commune d'Arles à ce titre. D É C I D E : Article 1er : La requête Mme I..., M. D... et Mme D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Arles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme H... I..., représentante unique des requérants et à la commune d'Arles. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente, - Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, - M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023 : 2 N° 22MA02040 |
CETATEXT000048424414 | J6_L_2023_11_00022MA02337 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424414.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA02337, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA02337 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme FEDI | ADER-REINAUD | Mme Cécile FEDI | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2200467 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 23 août 2022, M. D..., représenté par Me Ader Reinaud, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 avril 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 5 août 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Il soutient que : - il réside sur le territoire français depuis le 17 septembre 2015 ; - il contribue à l'entretien et à l'éducation de son fils né sur le territoire le 19 décembre 2015. La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2022. Par une ordonnance du 14 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Fedi. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 8 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande aux fins d'annulation de l'arrêté du 5 août 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination. 2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 3. M. D... soutient résider habituellement sur le territoire depuis le 17 septembre 2015, être inséré du fait de son métier de mécanicien et contribuer à l'entretien et à l'éducation de son fils B..., né sur le territoire le 19 décembre 2015. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré sur le territoire pour la dernière fois le 26 mars 2016 muni d'un visa d'une validité de trente jours délivré par les autorités espagnoles à Oran. S'il affirme contribuer à l'entretien et à l'éducation de son fils né sur le territoire issu de son union avec une compatriote, et pour lequel il ne produit pas de certificat de naissance, il n'aurait toutefois reconnu son enfant que le 5 mars 2020 et ne justifie pas, par la production de quelques photographies, de factures de magasins d'habillement et d'ameublement et de factures de fast-food éparses comprises pour la plupart pour la période de la fin de l'année 2019 et du début de l'année 2020, ainsi que d'un justificatif de déplacement du 30 octobre 2020 pour un trajet domicile école, de liens stables, anciens et intenses avec son fils. Les attestations produites en appel, peu circonstanciées et faisant état de ce que le requérant emmène son fils chez le coiffeur ou dans des lieux de restauration rapide ne permettent pas plus qu'en première instance d'établir de tels liens. Si M. D... soutient en outre devant la cour que la mère de son fils lui aurait transféré l'entière autorité parentale sur ce dernier, le document rédigé à cet effet le 20 janvier 2022 par Mme C... et visé par l'officier d'état-civil d'Aix-en-Provence est toutefois postérieur à la date de l'arrêté en litige et par conséquent sans incidence sur sa légalité. Par ailleurs, les pièces produites, composées d'attestations d'élection de domicile au sein d'une association depuis l'année 2015, de trois courriers de l'assurance maladie du 12 avril 2017, 24 janvier 2018 et du 1er juin 2018 lui indiquant son admission à l'aide médicale d'état, et les factures d'achat de pièces détachées automobiles ne permettent pas d'établir une insertion socio-professionnelle significative de M. D.... Enfin, il n'est pas établi que l'intéressé serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident, selon ses déclarations à la préfecture, ses parents et ses trois frères et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien doit être écarté. 4. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 août 2021. 5. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. D... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction du requérant. DECIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me Ader Reinaud et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. N° 22MA023372 |
CETATEXT000048424420 | J6_L_2023_11_00022MA02604 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424420.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA02604, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA02604 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme FEDI | IBRAHIM;IBRAHIM;IBRAHIM | Mme Cécile FEDI | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de sa destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 2200836 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : I. Par une requête n° 22MA02604, enregistrée le 19 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Ibrahim, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 avril 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 septembre 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant droit au travail dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 1-1 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il est présent de manière continue et habituelle sur le territoire depuis sa dernière entrée le 27 août 2001 ; - il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans est illégale dès lors qu'il est présent sur le territoire depuis l'année 2001. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés. II. Par une requête n° 22MA02605, enregistrée le 19 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Ibrahim, demande à la cour : 1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 avril 2022 ; 2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient les mêmes moyens que ceux soulevés dans sa requête au fond n° 22MA02604 et, en outre, que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour ces deux procédures par deux décisions du 2 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Fedi. Considérant ce qui suit : 1. Par la requête n° 22MA02604, M. A..., ressortissant algérien, relève appel du jugement du 22 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par la requête n° 22MA02605, il demande à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. 2. Les requêtes n° 22MA02604 et n° 22MA02605 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision. Sur la requête n° 22MA02604 : En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation : 3. Aux termes de l'article 6 alinéa 1 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ". 4. M. A..., qui est entré en France le 27 août 2001 sous couvert d'un visa Schengen de trente jours établi le 22 août 2001 par le Consulat de France à Alger soutient qu'il réside sur le territoire de manière habituelle depuis lors. Afin de pouvoir bénéficier des stipulations précitées, les pièces versées au dossier doivent établir une résidence sur le territoire du 30 septembre 2011 au 30 septembre 2021, date de l'arrêté en litige. Toutefois, l'ensemble des pièces versées n'établissent pas plus en appel qu'en première instance qu'il résidait de façon habituelle et ininterrompue sur le territoire au titre de cette période. Si le requérant produit essentiellement des documents médicaux, des relevés bancaires, des relevés de prestations de l'assurance maladie, ainsi que des cartes d'admission à l'aide médicale d'état et des quittances de loyer, il ne peut justifier de sa présence sur le territoire de juin 2016 à décembre 2016, période pour laquelle aucune pièce n'est produite au dossier, la dernière pièce produite au titre de cette année étant un courrier de l'assurance maladie du 24 mai 2016 que le requérant verse en appel. En outre, pour établir sa présence entre juillet 2017 et juin 2018, période contestée par le tribunal, le requérant produit devant la cour une ordonnance médicale en date du 3 août 2017 qui ne comporte toutefois pas de tampon de pharmacie indiquant que le médicament aurait été retiré et des courriers épars qui ne peuvent établir sa présence pour le second semestre de l'année 2017. Si en revanche il établit devant la cour sa présence pour le premier semestre de l'année 2018 par la production d'une attestation du consul du 21 mars 2018 de non délivrance d'un document de voyage, d'un courrier du 18 avril de l'association Adil en vue de l'aider pour trouver des solutions à ses problèmes de loyers impayés, ainsi qu'une déclaration préremplie de revenus signée le 9 mai 2018, il n'établit toutefois pas sa présence pour le second semestre de cette année 2018 par le courrier de délivrance d'une carte vitale du 12 octobre. Par ailleurs, ainsi que le mentionne le préfet des Bouches-du-Rhône dans son mémoire en défense de première instance, M. A... ne présente de copie intégrale d'aucun passeport. Ainsi, les éléments produits n'établissent pas que M. A... résidait en France depuis plus de dix ans à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit dès lors être écarté. 5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". 6. Si M. A... soutient résider habituellement sur le territoire depuis l'année 2001, l'ensemble des pièces versées au dossier composées uniquement de documents de nature administrative et médicale ne permet toutefois pas d'établir l'existence de liens personnels et familiaux anciens, stables et intenses. En outre, M. A... ne peut se prévaloir d'aucune insertion socioéconomique significative, et il a fait l'objet de quatre précédentes mesures d'éloignement, dont les deux dernières sont en date des 6 novembre 2013 et 23 octobre 2018. Célibataire et sans enfant, il n'établit ni même n'allègue qu'il serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où vit sa mère ainsi que l'indiquent les mentions non contestées de l'arrêté en litige, et où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône n'pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. 7. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ". 8. Eu égard aux conditions du séjour en France de M. A... exposées au point 6, au fait que l'intéressé n'a pas constitué sur le territoire français le centre de ses intérêts privés et familiaux et qu'il a fait l'objet de quatre précédentes mesures d'éloignement, la décision de l'interdire de retour sur le territoire pour une durée de deux ans n'apparaît pas disproportionnée. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 septembre 2021. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. Sur la requête n° 22MA02605 : 10. Le présent arrêt ayant rejeté les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 avril 2022, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22MA02605 tendant au sursis à exécution de ce même jugement. 11. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées également dans cette instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution de la requête n° 22MA02605 de M. A.... Article 2 : La requête n° 22MA02604 de M. A... et le surplus des conclusions de la requête n° 22MA02605 sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Ibrahim et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. N° 22MA02604,22MA026052 |
CETATEXT000048424422 | J6_L_2023_11_00022MA02613 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424422.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA02613, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA02613 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme FEDI | KUHN-MASSOT | Mme Cécile FEDI | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination. Par un jugement n° 2201126 du 6 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Kuhn-Massot, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 mai 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 octobre 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 3-2 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il est entaché d'une erreur d'appréciation pour avoir considéré qu'il représente une menace pour l'ordre public ; - il est entaché d'une erreur de fait pour avoir indiqué qu'il était entré irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il justifie d'une entrée avec visa délivré le 1er septembre 2016 ; - il méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 1-4 de l'accord franco-algérien. La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Fedi, - et les observations de Me Kuhn-Massot, représentant M. A..., en présence de M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 6 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande aux fins d'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination. 2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résident en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; (...) ". Il résulte de ces stipulations que le respect de la condition qu'elles posent tenant à l'exercice même partiel de l'autorité parentale n'est pas subordonné à la vérification de l'effectivité de l'exercice de cette autorité. 3. Si l'accord franco-algérien ne subordonne pas la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien à la condition que l'intéressé ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ne prive toutefois pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public. 4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est le père d'un enfant français né le 27 avril 2020 issu de son union avec une ressortissante française, qu'il a reconnu 21 octobre 2019 préalablement à sa naissance. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... n'exercerait pas l'autorité parentale sur son fils, de sorte qu'il peut prétendre à la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations de l'article 6 précité de l'accord franco-algérien, Toutefois, M. A... a été condamné le 10 janvier 2018 par le président du tribunal de grande instance de Marseille à cinq cents euros d'amende pour circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance le 23 novembre 2017, puis le 13 juillet 2018 par le tribunal correctionnel de Marseille à huit mois d'emprisonnement avec mandat de dépôt à l'audience pour acquisition et détention non autorisée d'arme, munition ou de leurs éléments de catégorie B et transport sans motif légitime d'arme, munition ou de leurs éléments de catégorie B le 11 juillet 2018. Eu égard à la gravité de ces faits, qui sont encore récents à la date de l'arrêté en litige, le préfet a pu légalement décider de refuser de délivrer à M. A... le certificat de résidence sollicité au motif de la menace qu'il représente pour l'ordre public, et ce quand bien même M. A... était engagé dans une démarche d'insertion professionnelle en effectuant des missions intérimaires de déménagement ou de travaux de jardinage à compter du 25 août 2021. 5. Le requérant se prévaut de ce que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait pour avoir indiqué que " l'intéressé serait entré en France le 28 mai 2017 dans des circonstances indéterminées " alors qu'il est entré régulièrement sur le territoire. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré régulièrement sur le territoire le 20 septembre 2016 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de type C valable du 1er septembre 2016 au 25 février 2017 délivré en qualité de famille C..., et qu'il a bénéficié d'un titre de séjour valable du 13 octobre 2016 au 12 octobre 2017. Toutefois, le refus de délivrance de titre de séjour n'est pas fondé sur l'entrée irrégulière de M. A..., mais sur la menace à l'ordre public qu'il représente, de sorte que l'erreur qui entache l'arrêté constitue simplement une erreur de plume qui a été, en tout état de cause, sans influence sur le raisonnement du préfet et n'a pas été, dès lors, de nature à entacher l'arrêté d'illégalité. 6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... est entré sur le territoire le 20 septembre 2016 et a bénéficié d'un titre de séjour valable du 13 octobre 2016 au 12 octobre 2017. A la suite de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français lui a été opposé le 27 novembre 2017. Le 3 janvier 2019, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pour une durée de deux ans, et a été éloigné du territoire de manière forcée le 20 janvier 2019, sans que M. A... n'établisse à quelle date il est revenu sur le territoire. S'il se prévaut de sa vie commune avec la mère de son fils né le 27 avril 2020, les deux attestations de vie commune établies par sa compagne ont été rédigées le 16 juillet 2018, alors qu'il était incarcéré, et au mois de janvier 2019, alors qu'il a été éloigné de manière forcée du territoire à cette date. L'avis d'impôt 2021 de l'intéressé libellé à l'adresse de sa compagne et la facture d'électricité du 16 novembre 2021 également libellée au nom de l'intéressé à l'adresse de sa compagne ne suffisent pas à elles seules à établir la réalité de la vie commune de l'intéressé avec la mère de son fils. Concernant les liens du requérant avec son fils, l'attestation d'un médecin généraliste établie le 13 juillet 2021 indiquant que l'intéressé a accompagné à plusieurs reprises son fils en consultation et présente un réel intérêt pour son enfant, et celle de la directrice de la crèche de son fils établie le 6 juillet 2021 indiquant que l'intéressé est présent dans la vie de son fils et qu'il vient régulièrement le chercher, sont récentes à la date de l'arrêté en litige et ne sont pas suffisantes pour établir la réalité et l'intensité des relations de M. A... avec son fils. En outre, la circonstance qu'il effectue des missions intérimaires depuis la fin du mois d'août 2021 n'est pas de nature à caractériser une insertion socioéconomique significative. Dans ces conditions, et alors même que sa compagne et son fils résideraient sur le territoire national, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, le préfet des Bouches-du-Rhône en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard au but de protection de l'ordre de public en vue duquel ce refus a été pris. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 8. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : "1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / 2. Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées (...) ". 9. D'une part, M. A... ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de son recours pour excès de pouvoir, de l'alinéa 2 des stipulations précitées, qui sont dépourvues d'effet direct. D'autre part, compte tenu de ce qui a été dit au point 7, M. A... ne justifie pas de manière probante des liens intenses qu'il aurait développés avec celui-ci. Ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Kuhn-Massot et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. N° 22MA026132 |
CETATEXT000048424424 | J6_L_2023_11_00022MA02929 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424424.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA02929, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA02929 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme FEDI | BRACCINI | M. Jérôme MAHMOUTI | M. GAUTRON | Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mahmouti. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante comorienne, relève appel du jugement du 11 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône pris le 30 décembre 2021 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays de renvoi. Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 30 décembre 2021 : En ce qui concerne la décision refusant l'admission au séjour : 2. La décision contestée comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté. 3. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ". 4. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec, même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ses compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en œuvre des dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application de ces principes. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français. 5. Il ressort des pièces du dossier que le rapport d'analyse de l'Institut national de la police scientifique en date du 12 avril 2021 conclut que M. C... B..., ressortissant français ayant reconnu la fille de Mme A... le jour de sa naissance, le 28 décembre 2018, " ne peut pas être le père biologique " de cette enfant. En outre, il ressort de l'audition de M. C... B..., d'une part, que celui-ci a expressément indiqué avoir reconnu l'enfant à la demande de Mme A... et souhaité lui permettre de pouvoir ainsi bénéficier d'un titre de séjour, et d'autre part, que les déclarations faites par chacun des deux intéressés divergent quant à la période durant laquelle ils ont eu ensemble des relations sexuelles. Ainsi, au regard de ces éléments précis et concordants sur lesquels il s'est fondé, le préfet des Bouches-du-Rhône doit être regardé comme établissant que la reconnaissance de paternité de l'enfant Chahrazad par M. C... B... présentait un caractère frauduleux. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, était légalement fondé à refuser, pour ce seul motif, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par Mme A.... Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 423-7 doit, dès lors, être écarté. 6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de son audition devant les services de police, que Mme A... a cherché à obtenir un titre de séjour en incitant M. C... B... à faire une déclaration frauduleuse de paternité. En outre, elle ne démontre pas ne pas pouvoir poursuivre aux Comores, son pays d'origine, sa vie avec son enfant, ou même avec sa seconde fille dont le père est lui aussi un ressortissant comorien séjournant en situation irrégulière en France. Si elle fait valoir que celui qui s'est présenté comme le père de son enfant continue d'entretenir avec ce dernier une relation affective et matérielle, il ne vit toutefois pas avec lui et, en outre, il n'est ni allégué ni démontré que ce lien ne pourrait perdurer si l'intéressée regagnait son pays d'origine avec son enfant. Enfin, elle ne justifie pas d'une insertion socioprofessionnelle particulière. Dans ces conditions, et eu égard à la brève durée du séjour en France de l'intéressée, qui y est entrée en 2017, l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie familiale n'est pas disproportionnée aux buts poursuivis par l'arrêté contesté. Il s'ensuit que, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral du 30 décembre 2021 méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 8. Aux termes de l'article de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 selon lesquelles " dans toutes les décisions qui concernent les enfants... l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". La décision contestée portant refus d'admission au séjour n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les stipulations précitées de la convention relative aux droits de l'enfant. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 9. La décision contestée comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté. 10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée procéderait d'un examen incomplet de la situation personnelle de l'intéressée. 11. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7. 12. Compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, et eu égard au fait que si le premier enfant de Mme A... entretient une relation affective avec celui qui s'est présenté comme son père, il ne vit pas avec lui, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de la requérante ou celle de son enfant. 13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 14. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Sur les frais liés à l'instance : 15. Par voie de conséquence de tout ce qui vient d'être dit, les conclusions présentées par la requérante sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D..., à Me Braccini et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA02929 cm |
CETATEXT000048424426 | J6_L_2023_11_00022MA03052 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424426.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA03052, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA03052 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme FEDI | KNISPEL | M. Nicolas DANVEAU | M. GAUTRON | Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la mutualité ; - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - et les observations de Me Knispel, représentant Mme B... et M. E.... Considérant ce qui suit : 1. Mme C... A..., admise le 10 novembre 2009 en hospitalisation libre au centre hospitalier intercommunal (CHI) du bassin de Thau en raison d'un syndrome dépressif, y a fait une tentative de suicide le 17 novembre suivant et demeure, en raison de l'anoxie cérébrale prolongée qui en a résulté, dans un état neurovégétatif irréversible. Mme F... B..., mère de Mme A..., désignée comme tutrice légale de sa fille par un jugement du tribunal d'instance de Sète du 4 novembre 2010, agissant tant en cette qualité qu'en son nom propre, et M. D... E..., fils de Mme A..., ont recherché la responsabilité du CHI du bassin de Thau devant le tribunal administratif de Montpellier. Par un jugement du 29 mars 2021, le tribunal administratif a jugé que le CHI du bassin de Thau a commis une faute ayant entraîné une perte de chance de 60 % d'éviter le dommage, et condamné cet établissement au paiement d'une indemnité de 255 600 euros en réparation des préjudices subis par Mme A..., et de deux indemnités de 6 000 euros et de 3 600 euros versées respectivement à Mme B... et à M. E... en réparation de leurs préjudices propres. Par une ordonnance du 15 septembre 2021, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par Mme B..., en son nom propre et en celui de Mme A... ainsi que M. E... contre ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit aux demandes. Par une décision n° 458396 du 13 décembre 2022, le Conseil d'Etat a annulé, sur le pourvoi de Mme B... en son nom propre et en celui de sa fille ainsi que de M. E..., cette ordonnance et renvoyé à la cour le jugement de cette affaire. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques alors en vigueur, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers "doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci ". Cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit. Alors que la qualité de professeur d'espagnol titulaire est notamment mentionnée dans la requête d'appel et le rapport d'expertise psychiatrique établi le 15 décembre 2020, le ministre de l'éducation nationale, qui emploie Mme A..., laquelle a la qualité de fonctionnaire de l'Etat, n'a pas été appelé en cause par le tribunal administratif de Montpellier. En ne communiquant pas au ministre de l'éducation nationale la demande de Mme B... et de M. E..., respectivement mère et fils de Mme A... et agissant tous deux en leur nom propre ainsi que de tutrice légale s'agissant de Mme B..., le tribunal administratif de Montpellier a entaché son jugement d'irrégularité. Il y a lieu dès lors d'annuler le jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier, en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit aux conclusions des requérants. 3. Le ministre de l'éducation nationale ayant été mis en cause par la cour, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... et M. E... tant devant le tribunal administratif deMontpellier que devant la cour. Sur la responsabilité : 4. Il résulte de l'instruction, en particulier des expertises ordonnées par les tribunaux de grande instance et administratif de Montpellier, que Mme A... présentait un trouble de l'humeur caractérisé par un état dépressif récurrent majeur de forme mélancolique. Il est relevé notamment que la symptomatologie dépressive de l'intéressée, qui présentait un risque de passage à l'acte suicidaire, nécessitait une surveillance médicale régulière et quotidienne qui n'a pas été assurée. En outre, aucune évaluation du risque suicidaire n'a été effectuée, et la planification du programme de soins mis en place n'était pas adaptée à son état dépressif. Enfin, le médecin en charge du suivi et de la surveillance de Mme A... n'était ni qualifié, ni spécialisé en psychiatrie. Ces éléments sont de nature à établir un défaut de surveillance et une faute dans l'organisation du service public hospitalier de nature à engager la responsabilité du CHI du bassin de Thau, qui ne le conteste pas. Enfin, le taux de perte de chance d'échapper aux graves séquelles liées à l'anoxie cérébrale, déterminé par l'expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier à 60 % et qui apparaît justifié au regard du risque suicidaire majeur présenté par l'intéressée au moment de son admission et des manquements retenus qui participent d'une absence de prise en charge psychiatrique et médico-psychologique adaptée, n'est critiqué par aucune des parties en appel. Sur les préjudices : En ce qui concerne la fin de non-recevoir : 5. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué. 6. Il résulte de l'instruction que les requérants ont demandé, en première instance, comme dans leur mémoire enregistré devant la cour le 10 mars 2023, la condamnation du CHI du bassin de Thau à hauteur de 650 000 euros pour différents chefs de préjudices subis par Mme A... et ayant tous pour fait générateur la faute de surveillance commise par l'établissement hospitalier au cours de sa prise en charge. Dans le dernier état de ses écritures en appel et en réponse au moyen d'ordre public soulevé le 9 juin 2023, les requérants demandent, à titre principal, dans l'hypothèse d'une annulation du jugement du tribunal et d'une évocation de l'affaire par la cour, de condamner le CHI du bassin de Thau à verser à Mme B..., en sa qualité de tutrice de Mme A..., et après application du taux de perte de chance de 60 %, la somme totale de 1 449 189,69 euros. Par cette nouvelle demande, les requérants majorent certains chefs de préjudice invoqués dans leurs écritures précédentes, tels que le déficit fonctionnel permanent et les pertes de gains professionnels, et invoquent de nouveaux chefs de préjudices, tels que le préjudice d'incidence professionnelle, le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice esthétique temporaire, le préjudice sexuel et le préjudice d'établissement. Toutefois, une telle demande doit être examinée dans le respect des principes définis au point précédent, y compris dans l'hypothèse d'une évocation de l'affaire par le juge d'appel. Ainsi, si ces préjudices se rattachent au même fait générateur, les requérants n'apportent aucune justification sérieuse de ce que les dommages invoqués au soutien de leur demande portée à 1 449 189,69 euros seraient nés, se seraient aggravés ou se seraient révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement du 29 mars 2021. Par suite, il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée par le CHI du bassin de Thau et de rejeter comme irrecevables, s'agissant des préjudices subis par Mme A..., la demande des requérants en appel en tant qu'elle excède le quantum de 650 000 euros. En ce qui concerne les préjudices subis par Mme A... : S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux : 7. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier, que l'état de santé de Mme A... peut être considéré comme stabilisé au terme d'une période de trois ans d'évolution de son état végétatif, démarrant le 17 novembre 2009 et se terminant le 17 novembre 2012. L'intéressée doit ainsi être regardée comme ayant subi un déficit fonctionnel temporaire de 100 % au cours de cette période. En retenant un taux mensuel d'indemnisation de 500 euros, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme A... au titre du déficit fonctionnel temporaire en l'évaluant, après application du taux de perte de chance, à la somme de 10 800 euros. 8. Il résulte de l'instruction que l'expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier a évalué à 7 sur une échelle allant de 1 à 7 les souffrances endurées par Mme A..., lesquelles sont à la fois physiques, du fait des blessures subies, et psychologiques, celle-ci présentant une altération sévère de la conscience et étant dans l'impossibilité de communiquer avec autrui. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce poste de préjudice, en l'évaluant, après application du taux de perte de chance de 60 %, à la somme de 22 800 euros. 9. Il résulte des éléments exposés au point 4 que Mme A... est dans un état végétatif chronique, dont l'état de santé a été consolidé le 17 novembre 2012, soit trois ans après sa tentative de suicide. Elle présente de manière permanente des disgrâces et déformations des membres inférieurs avec enroulement des extremités des quatre membres du fait de la tétraplégie spastique dont elle souffre. Toutefois, un tel préjudice n'apparaît pas distinct du préjudice esthétique permanent indemnisé au point 12. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées à ce titre doivent être rejetées. 10. Il résulte de l'instruction que Mme A... présente un déficit fonctionnel permanent imputable de 100 % correspondant, au vu des conclusions de l'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal administratif, à une tétraplégie spastique, séquellaire d'une anoxie cérébrale due à sa tentative de suicide, caractérisée par une paralysie des membres inférieurs et supérieurs. L'expert souligne l'état grabataire de Mme A... caractérisé par une absence de mouvements du fait de lésions au niveau du système nerveux central permettant leur fonctionnement, une altération sévère de la conscience, une communication impossible et une incontinence urinaire et fécale totale. Compte tenu de ce que Mme A... était âgée de 47 ans à la date de la consolidation de son état, le 12 novembre 2012, ce chef de préjudice sera justement indemnisé par l'octroi d'une somme de 210 000 euros, compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu. 11. Au regard de l'importance des troubles et du handicap dont souffre Mme A..., dont le déficit fonctionnel permanent a été déterminé par l'expert à 100 %, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément en l'évaluant à la somme de 31 500 euros, compte tenu du taux de perte de chance de 60 %. 12. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise contradictoire que le préjudice esthétique permanent peut être évalué à 7 sur une échelle de 1 à 7, au regard des déformations des membres inférieurs résultant de la tétraplégie spastique dont souffre Mme A.... Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évaluer ce chef de préjudice, compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu, à la somme de 22 800 euros. 13. Le préjudice sexuel, s'il n'a pas été reconnu par l'expert, doit être regardé comme étant caractérisé, compte tenu de l'âge de la victime et de son lourd handicap. Par suite, celui-ci peut être évalué, dans les circonstances particulières de l'espèce, et compte tenu du taux de perte de chance, à la somme de 18 000 euros. 14. Le handicap dont est atteinte la requérante la prive de la possibilité de réaliser un projet de vie familiale. Ce préjudice d'établissement sera justement évalué à la somme de 24 000 euros, compte tenu du taux de perte de chance de 60 %. S'agissant des préjudices patrimoniaux : Quant aux frais d'assistance par une tierce personne : 15. Si les conclusions des requérants présentées dans leur mémoire enregistré le 23 juin 2023 mentionnent un préjudice d'assistance à tierce personne temporaire évalué à 4 248 euros, ils précisent cependant que la victime a perçu des prestations sociales ayant permis la prise en charge intégrale de ce préjudice et qu'ils ne sollicitent de ce fait pas d'indemnisation. La demande présentée au titre de ce préjudice à hauteur de 4 248 euros doit, par voie de conséquence, être rejetée. Quant aux pertes de revenus et à l'incidence professionnelle : 16. Les requérants soutiennent que Mme A... présente, du fait des graves séquelles liées à l'anoxie cérébrale prolongée subie, un état grabataire qui la rend inapte à l'exercice de toute activité professionnelle, de sorte qu'elle est fondée à obtenir la réparation des pertes de revenus et du préjudice d'incidence professionnelle subis. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier, que Mme A..., qui était professeur d'espagnol titulaire dans un lycée à Sète, souffrait de troubles dépressifs depuis 1994, qu'elle était placée, au moment de son hospitalisation, en congé de longue maladie d'une durée de six mois et qu'un traitement antidépresseur lui avait été prescrit depuis six semaines. La cour ne dispose ainsi pas, en l'état de l'instruction et au regard de l'expertise et de l'état antérieur de l'intéressée, et indépendamment des séquelles résultant de la faute commise par le CHI du bassin de Thau, de suffisamment d'éléments d'information pour apprécier si la pathologie psychique dont souffrait Mme A... et qui est à l'origine de son arrêt de travail aurait permis à l'intéressée de reprendre, de manière certaine, son activité professionnelle ou une autre activité susceptible de lui donner droit à une rémunération. Elle ne dispose pas non plus d'informations suffisantes pour déterminer, dans l'hypothèse où Mme A... n'aurait pas été, en dépit de son état antérieur, dans l'incapacité de reprendre ses fonctions du fait de sa pathologie psychique, à partir de quand cette reprise du travail aurait été possible. Il s'ensuit, dès lors, qu'il y a lieu d'ordonner, avant dire droit, une expertise et de confier à l'expert la mission définie à l'article 7 du présent arrêt. En ce qui concerne les préjudices subis par Mme B... et M. E... : 17. Mme B... a subi un préjudice d'affection du fait des souffrances subies par sa fille et un préjudice moral qui résulte pour elle de son handicap. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 6 000 euros après application du taux de 60 %. Pour les mêmes motifs, et alors qu'aucun élément n'établit que M. E... n'aurait plus de relations avec sa mère, il y a lieu d'évaluer son préjudice d'affection à la somme de 3 600 euros, compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu. 18. Il résulte de tout ce qui précède que la somme que le CHI du bassin de Thau a été condamné à payer à Mme A... doit être portée à 339 900 euros. Par contre, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier à condamner le CHI du bassin de Thau à payer respectivement à Mme B... et à M. E... les sommes de 6 000 euros et de 3 600 euros en réparation de de leurs préjudices propres. Sur les droits de la CPAM de l'Hérault : En ce qui concerne la recevabilité de la demande : 19. Lorsqu'un jugement ayant statué sur des conclusions indemnitaires de la victime fait l'objet d'un appel de cette dernière, la caisse appelée en cause par la cour administrative d'appel ne peut régulièrement présenter devant le juge d'appel d'autres conclusions que celles de sa demande de première instance, en y ajoutant seulement, le cas échéant, celles tendant au remboursement des prestations servies à la victime postérieurement à l'intervention du jugement. 20. Il résulte de l'instruction que la CPAM de l'Hérault, bien que régulièrement appelée en cause par le tribunal administratif de Montpellier, n'a pas sollicité, en première instance, le remboursement des prestations qu'elle a servies à Mme A... en conséquence de son dommage. Dans ces conditions, elle n'est pas recevable à demander, pour la première fois en appel, la condamnation du CHI du bassin de Thau et la mutuelle générale de l'éducation nationale à lui verser les sommes correspondant aux débours exposés avant l'intervention du jugement rendu par les premiers juges le 29 mars 2021, au titre des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport. Par suite, les conclusions présentées par la CPAM de l'Hérault doivent, dans cette mesure, être rejetées comme irrecevables. En ce qui concerne les débours : 21. La CPAM de l'Hérault produit, à l'appui de sa demande d'appel, un relevé des débours exposés, un décompte détaillé des prestations et une attestation d'imputabilité du médecin conseil du service médical d'Occitanie. Il ressort de ces éléments que les frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport exposés à compter du 29 mars 2021 s'élèvent à la somme, non contestée par le CHI du bassin de Thau, de 241 551,06 euros, soit 144 930,64 euros après application du taux de perte de chance de 60 %. Il suit de là que la CPAM de l'Hérault est fondée à demander que soit mise à la charge du CHI du bassin de Thau la somme de 144 930,64 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2023, date d'enregistrement au greffe de la cour de son mémoire en demandant le bénéfice. La capitalisation des intérêts a été demandée à l'occasion du mémoire de la CPAM de l'Hérault enregistré le 8 juin 2023. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 8 juin 2024, date à laquelle sera due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. 22. Le remboursement à la caisse par le tiers responsable des prestations qu'elle sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente. Il ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord. En l'espèce, le CHI du bassin de Thau déclare s'opposer au versement immédiat d'un capital. L'indemnisation doit donc prendre la forme d'une rente. Il ressort du document justificatif produit par la CPAM de l'Hérault que les dépenses de santé futures exposées par elle s'élèvent à la somme annuelle de 121 095,36 euros, qui n'est pas remise en cause par le centre hospitalier. En conséquence, le CHI du bassin de Thau versera à la CPAM de l'Hérault une rente annuelle, après application du taux de perte de chance retenu, de 72 657,22 euros revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion : 23. Aux termes de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2023 : " Les montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 115 euros et 1 162 euros au titre des remboursements effectués au cours de l'année 2023. ". 24. En application des dispositions précitées, la CPAM de l'Hérault a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 1 162 euros auquel elle a été fixée par l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale. En conséquence, le CHI du bassin de Thau versera à la CPAM de l'Hérault la somme de 1 162 euros. 25. Compte tenu des éléments exposés au point 16, il y'a lieu de réserver jusqu'en fin d'instance les droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué dans le présent arrêt. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1903584 du 29 mars 2021 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il n'a que partiellement fait droit aux conclusions des requérants. Article 2 : La somme que le CHI du bassin de Thau a été condamné à payer à Mme A..., représentée par Mme B..., par le tribunal administratif de Montpellier est portée à 339 900 euros. Cette somme sera éventuellement augmentée après expertise d'une somme correspondant aux préjudices relatifs à la perte de revenus et à l'incidence professionnelle subis par Mme A... dans la limite d'une condamnation totale de 650 000 euros. Article 3 : Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Montpellier par Mme B... et par M. E... en leur nom personnel sont rejetées en tant qu'elles excèdent les sommes de 6 000 euros et de 3 600 euros qui leur ont été respectivement accordées par le jugement n° 1903584 du 29 mars 2021. Article 4 : Les conclusions présentées devant la cour par Mme B... et par M. E... en leur nom personnel sont rejetées. Article 5 : Le CHI du bassin de Thau est condamné à payer à la CPAM de l'Hérault la somme de 144 930,64 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2023, et de la capitalisation des intérêts à compter du 8 juin 2024, puis à chaque échéance annuelle éventuelle à compter de cette date. Article 6 : Le CHI du bassin de Thau est condamné à payer à la CPAM de l'Hérault une rente annuelle d'un montant de 72 657,22 euros. Cette rente sera revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code la sécurité sociale. Article 7 : Le CHI du bassin de Thau versera à la CPAM de l'Hérault la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Article 8 : Le surplus des conclusions de la CPAM de l'Hérault est rejeté. Article 9 : Il est ordonné, avant de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'indemnisation des pertes de revenus et du préjudice d'incidence professionnelle invoqués par les requérants, une expertise confiée à un médecin psychiatre, qui aura pour mission : 1°) de se faire communiquer tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission et notamment ceux qui sont relatifs au suivi médical, interventions, soins et traitements dont Mme A... faisait l'objet avant son hospitalisation le 10 novembre 2009 ; 2°) de décrire précisément l'état de santé et la pathologie de Mme A... à la date de son hospitalisation ; 3°) d'indiquer si cet état de santé rendait ou non Mme A... inapte de manière définitive et absolue à la reprise de son activité professionnelle ou, à défaut, de toute autre activité professionnelle lui donnant droit à une rémunération ; 4°) de préciser, dans l'hypothèse où cet état de santé ne rendait pas Mme A... inapte de manière définitive et absolue à la reprise de son activité professionnelle ou, à défaut, de toute autre activité professionnelle lui donnant droit à une rémunération, à partir de quelle date cette reprise du travail aurait été possible ; 5°) de donner à la cour tous éléments d'appréciation de nature à lui permettre de se prononcer sur l'état de santé de Mme A..., indépendamment de la faute commise par le centre hospitalier des séquelles qui en ont résulté. Article 10 : L'expert accomplira la mission définie à l'article 7 dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Article 11 : L'expertise sera menée contradictoirement entre Mme A... représentée par Mme G... B..., le centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, la mutuelle générale de l'éducation nationale, le ministre de l'éducation nationale et la rectrice de la région académique Occitanie. Article 12 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires, dans le délai qui sera fixé par la présidente de la cour. Il en notifiera copie aux personnes intéressées, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord desdites parties. Article 13 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance. Article 14 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B..., à M. D... E..., au centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, à la mutuelle générale de l'éducation nationale, au ministre de l'éducation nationale et à la rectrice de la région académique Occitanie. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente assesseure, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA03052 |
CETATEXT000048424429 | J6_L_2023_11_00022MA03126 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424429.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA03126, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA03126 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. PORTAIL | LEVHA | M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT | M. QUENETTE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. Par un jugement n° 2206372 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 20 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Levha, demande à la Cour : 1°) d' annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 novembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation familiale et personnelle ; - cette décision méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - l'obligation de quitter le territoire est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ; - l'obligation de quitter le territoire méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles des articles 3-1 et 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. d'Izarn de Villefort a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante algérienne, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Elle relève appel du jugement du 22 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., née le 7 mars 1984, est entrée en France le 13 août 2015, munie d'un visa Schengen valable 30 jours. Le 15 décembre 2016, elle a épousé un compatriote titulaire d'un certificat de résidence valable 10 ans, qui est le père de son enfant né le 1er janvier 2019. La requérante, qui avait cependant quitté le domicile familial depuis le 31 octobre 2018 à la suite d'un acte de violence commis par son époux à son encontre, bénéficie depuis d'un hébergement en apparthôtel au titre du 115 et perçoit une aide financière en sa qualité de mère d'un enfant en bas âge, sans avoir tenté d'exercer une activité professionnelle. Par un jugement du 23 mars 2023, le divorce a été prononcé entre les époux. Mme B..., qui a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 31 ans, y dispose d'attaches familiales dans la mesure où ses parents et ses 7 frères et sœurs y résident. Elle s'est soustraite à l'obligation de quitter le territoire dont elle avait fait l'objet le 9 janvier 2018. Elle fait valoir ses difficultés motrices dues à une poliomyélite contractée au cours de l'enfance, la scolarisation de son enfant et sa participation aux activités scolaires, sa maîtrise de la langue française et son implication dans une activité théâtrale depuis 2022. Eu égard cependant à la durée et aux conditions du séjour de Mme B..., en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doivent être écartés. Pour les mêmes motifs et en dépit de l'acte de violence commis par son ex-époux en 2018 et des pressions psychologiques qu'il aurait continué à exercer sur la requérante par la suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de la requérante et des conséquences de sa décision doit également être écarté. 4. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 5 Le jugement du 23 mars 2023 cité au point précédent décide, d'une part, que Mme B... exercera seule l'autorité parentale sur son enfant et que son domicile constituera la résidence habituelle de ce dernier, d'autre part, que le père de celui-ci bénéficiera d'un droit de visite en lieu neutre une fois par mois. Ce jugement constate l'absence de l'intéressé au cours de la procédure et le fait qu'il n'a pas participé systématiquement aux rencontres en lieu neutre avec son enfant deux fois par mois que l'ordonnance de non-conciliation du 10 décembre 2020 avaient prévues. Compte tenu de l'âge de cet enfant et de l'ensemble de ces circonstances, son père titulaire d'un certificat de résidence valable 10 ans pouvant librement circuler entre la France et l'Algérie, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire : 6. D'une part, le moyen selon lequel l'obligation de quitter le territoire est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour doit être écarté dès lors que l'illégalité de cette dernière décision n'est pas établie. 7. D'autre part, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles des articles 3-1 et 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les motifs énoncés respectivement aux points 3 à 5. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 8. Le moyen selon lequel la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté dès lors que l'illégalité de ces dernières décisions n'est pas établie. 9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Levha et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. N° 22MA03126 2 nb |
CETATEXT000048424431 | J6_L_2023_11_00022MA03145 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424431.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA03145, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA03145 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme FEDI | OLOUMI - AVOCATS & ASSOCIÉS | M. Nicolas DANVEAU | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois. Par un jugement n° 2201080 du 14 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 23 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Hmad, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 14 décembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 du préfet des Alpes-Maritimes ; 3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; 4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est entaché d'erreurs de fait et d'erreurs d'appréciation ; - il n'a pas sollicité de demande d'admission au séjour par le travail mais seulement sur le fondement de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; en tout état de cause, il disposait déjà d'une autorisation de travail sous la forme d'un récépissé de demande de titre de séjour et le préfet ne pouvait donc exiger qu'il fournisse une demande d'autorisation de travail à l'appui de sa demande de titre de séjour ; - la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, au regard des stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, du 7° de l'article 313-11 et de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - sa présence stable et continue sur le territoire français depuis plus de dix ans est établie ; le préfet était tenu de saisir la commission des titres de séjour prévue à l'article L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'ensemble de sa famille réside sur le territoire français et il ne dispose plus d'aucune attache privée ou familiale dans son pays d'origine ; - il justifie son insertion professionnelle sur le territoire français ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour. La requête a été transmise au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense. Par une ordonnance du 29 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau ; - et les observations de Me Hmad, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant tunisien né le 10 juillet 1973, relève appel du jugement du 14 décembre 2022 du tribunal administratif de Nice ayant rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne le refus de séjour : 2. M. A... soutient qu'il n'a pas sollicité son admission au séjour par le travail et que le préfet a examiné uniquement sur ce fondement les pièces concernant son insertion professionnelle. Cependant, un tel moyen est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, le préfet ayant également statué sur la demande d'admission au séjour présentée par le requérant au titre de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 7 mars 1988 et de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas tenu compte de ces pièces pour examiner la demande de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions et que l'arrêté serait, de ce fait, entaché d'un défaut d'examen de sa situation. 3. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 4. M. A... soutient qu'entré en France en 2004, il y réside habituellement depuis lors, y travaille en qualité d'agent d'entretien et y a établi le centre de sa vie privée et familiale avec ses frères de nationalité française. Toutefois, si M. A... se prévaut ainsi d'une présence continue en France depuis 2004, celle-ci n'est toutefois établie par aucune pièce pour les années 2004, 2006 et 2010. Des pièces parcellaires sont seulement produites pour les années 2005, 2007 à 2009 et 2011 à 2021. A cet égard, les avis d'imposition produits par l'intéressé font état d'une absence de revenus de sa part. En outre, les autres pièces produites pour ces années, tels que des documents médicaux, des factures ou des pièces portant sur ses droits à l'aide médicale de l'Etat, sont insuffisamment variées et nombreuses pour justifier de sa résidence habituelle en France au titre de ces années. L'arrêté attaqué mentionne en outre, sans être contesté sur ces points, que M. A... est célibataire et sans enfant et qu'il a fait l'objet de précédentes obligations de quitter le territoire français, les 19 mai 2006, 26 février 2009, 25 octobre 2012 et 18 septembre 2014. Enfin, la circonstance qu'il soit titulaire depuis le 1er janvier 2022 d'un contrat de travail à durée indéterminée, que ses deux frères de nationalité française résident en France et que ses parents soient décédés ne suffit pas à établir qu'il a effectivement transposé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux et qu'il serait dépourvu d'attaches privées et familiales en Tunisie, son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 30 ans. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté contesté, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, cet arrêté ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché cet arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A.... 5. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ". 6. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". 7. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, bien que l'accord franco-tunisien ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation au titre de l'activité salariée. En revanche, les dispositions précitées de l'article L. 435-1 sont applicables aux ressortissants tunisiens s'agissant de la délivrance, au titre de la régularisation, d'une carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale. 8. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France et de son insertion professionnelle, ne justifie pas, au regard des éléments exposés au point 4, d'éléments de sa vie personnelle pouvant constituer des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également de l'ensemble des pièces produites que M. A... ne justifie pas d'une présence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans, de sorte que le préfet des Alpes-Maritimes n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. Enfin, si M. A... soutient que l'arrêté préfectoral, qui souligne qu'il n'a pas produit de demande d'autorisation de travail, est entaché d'erreurs de fait et de droit dès lors qu'il était en possession d'un récépissé de titre de séjour l'autorisant à travailler, cet élément est en tout état de cause sans incidence sur sa légalité dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, le requérant n'a pas sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de l'exercice d'une activité salariée et que, d'autre part, le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les seuls motifs mentionnés au point 4. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : 9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, le requérant n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2022 du préfet des Alpes-Maritimes. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente assesseure, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. N° 22MA03145 2 cm |
CETATEXT000048424434 | J6_L_2023_11_00023MA00193 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424434.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 23MA00193, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 23MA00193 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme FEDI | ZERROUKI | M. Jérôme MAHMOUTI | M. GAUTRON | Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mahmouti. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant nigérian, relève appel du jugement du 17 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation dirigée contre l'arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination. 2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 3. M. B... A... est entré en France de manière irrégulière et s'y est maintenu malgré l'édiction à son encontre d'une obligation de quitter le territoire en date du 24 juin 2019 dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Marseille le 8 novembre 2019 et par la cour de céans le 10 mars 2021. Par ailleurs, il ne démontre l'existence d'aucun obstacle à ce qu'il retourne dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans selon ses déclarations et à ce qu'il y poursuive sa vie familiale avec sa compagne, de même nationalité que lui et séjournant elle aussi sur le territoire français en situation irrégulière, ainsi qu'avec leurs enfants. Dans ces conditions, et compte tenu de ce que les pièces que le requérant verse au débat n'établissent sa présence continue en France que depuis au mieux l'année 2017 et eu égard à la circonstance qu'il ne justifie pas d'une insertion socioprofessionnelle particulière, l'arrêté préfectoral contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". L'arrêté attaqué n'a pas pour effet de contraindre M. B... A... à se séparer de ses enfants ou d'imposer au plus âgé d'entre eux d'interrompre toute scolarité. Si le requérant fait valoir que ses enfants, qui sont scolarisés en France, seraient confrontés à des difficultés d'intégration en cas de retour au Nigéria, rien ne s'oppose, ainsi qu'il a été dit, à la reconstitution de la cellule familiale dans ce pays dont les deux parents sont originaires et où M. B... A... a vécu la plus ample partie de sa vie. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les stipulations précitées de la convention relative aux droits de l'enfant. 5. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux deux points précédents, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées tant à titre principal qu'à titre subsidiaire doivent être rejetées ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 23MA00193 cm |
CETATEXT000048424436 | J6_L_2023_11_00023MA00222 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424436.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 23MA00222, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 23MA00222 | 1ère chambre | C | M. PORTAIL | DESFOUR | M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL | M. QUENETTE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement n° 2101072 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2023, et des mémoires enregistrés le 1er février 2023 et le 26 avril 2023, M. B... A..., représenté par Me Desfour, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 octobre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne fait pas mention des traitements qui lui sont nécessaires, ni des éléments sur lesquels il s'est fondé pour estimer qu'il pouvait en bénéficier dans son pays d'origine, ni ne fait mention de la présence de sa mère en France, titulaire d'un titre de séjour, et de son épouse et de ses enfants arrivés sur le territoire en 2022 à la suite de l'offensive russe contre son pays ; - le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; - la commission du titre de séjour n'a pas été consultée en méconnaissance de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français d'immigration et d'intégration (OFII) ; - l'arrêté attaqué est irrégulier par voie de conséquence de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins de l'OFII, qui ne précise pas la nature et la durée de son traitement ; - cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'y a pas d'accès effectif à un traitement contre sa pathologie en Ukraine ; - il doit pouvoir bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 décembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille. La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Claudé-Mougel a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., de nationalité ukrainienne, demande l'annulation du jugement du 11 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 10 août 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) désigné afin d'émettre un avis doit préciser : " a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ". 3. En premier lieu, l'arrêté du 10 août 2020 litigieux vise les textes dont il est fait application, en particulier le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, en précisant les éléments déterminants de la situation du requérant, dont son identité, sa date de naissance, la date de son entrée sur le territoire français ainsi que ceux ayant conduit à lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, en visant également l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII à la suite du contrôle du dossier médical de l'intéressé. Aucune disposition n'imposait au préfet des Bouches-du-Rhône de faire mention des traitements qui lui sont nécessaires, ni des éléments sur lesquels il s'est fondé pour estimer qu'il pouvait en bénéficier dans son pays d'origine. Il en ressort également que le préfet des Bouches-du-Rhône a examiné la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en relevant qu'il ne faisait valoir aucun motif exceptionnel, ni considération humanitaires qui justifierait son admission au séjour sur ce fondement, ainsi qu'au regard des stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en mentionnant que M. A... n'établissait pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résidaient alors son épouse et ses deux enfants. A ce dernier égard, M. A... ne peut sérieusement soutenir que cet arrêté ne fait pas mention de la présence régulière de sa mère en France, alors que le titre de séjour qu'il produit a été délivré à cette dernière le 30 août 2021, ni de celle de son épouse et de ses enfants, alors qu'il indique lui-même qu'ils sont arrivés sur le territoire en 2022. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux serait entaché d'une insuffisance de motivation. 4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté rappelée au point précédent, que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A.... Ce moyen doit également être écarté. 5. En troisième lieu, s'il ressort de l'examen de l'arrêté attaqué que le préfet des Bouches-du-Rhône a pris en compte l'avis du collège des médecins de l'OFII, il n'en résulte pas qu'il se serait estimé en situation de compétence liée par rapport à cet avis. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 6. En quatrième lieu, il ressort de l'avis du collège des médecins de l'OFII que si l'état de santé de M. A..., qui souffre du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et d'une hépatite C, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié en Ukraine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays, vers lequel il peut voyager sans risque. Si M. A... produit des articles de presse sur la situation sanitaire en Ukraine entre 2012 et 2015, ces éléments, par leur généralité et leur ancienneté, sont insuffisants pour remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII. Il en est de même du rapport issu du programme commun des Nations unies sur le VIH/sida qui est relatif aux restrictions existantes à l'accueil des personnes atteintes du VIH en 2019 dans le monde, au demeurant rédigé en anglais. Les autres éléments que produit le requérant, tel que les rapports de l'Agence des Nations Unies pour les Réfugiés et de l'Organisation mondiale de la Santé, sont postérieurs à l'arrêté litigieux et à l'offensive déclenchée contre l'Ukraine par la Russie, et ne sont dès lors pas susceptibles de remettre en cause cet avis à la date à laquelle il a été rendu, ni à établir que le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation, à la date à laquelle il l'a pris. 7. En cinquième lieu, l'absence de mention de la durée du traitement, qui a pour objet de préciser si le demandeur nécessite des soins de longue durée ou non pour l'attribution d'un titre de séjour à raison de son état de santé, n'est pas de nature à entacher la régularité de l'avis du collège de médecins de l'OFII, dès lors que celui-ci a estimé que M. A... pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux serait illégal par voie de conséquence de l'illégalité de cet avis, alors au demeurant que cet arrêté n'a pas été pris pour l'exécution de cet avis qui n'en constitue pas davantage la base légale, doit donc, en tout état de cause, être écarté. 8. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, la commission du titre de séjour " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer (...) une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité. M. A... qui, ainsi que cela résulte du point précédent, ne remplit pas les conditions pour prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 de ce code, n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône devait soumettre sa demande à la commission du titre de séjour. 9. En septième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ". 10. Si M. A... se prévaut de la situation de guerre en Ukraine pour soutenir que devait lui être délivré un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces circonstances sont postérieures à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, et ne sont dès lors pas de nature à établir l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile justifiant, à cette date, la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement. 11. En huitième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. 12. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré sur le territoire français le 19 juin 2019 à l'âge de 39 ans. Eu égard à cette arrivée récente, et alors que son épouse et ses deux enfants résidaient en Ukraine à la date de l'arrêté attaqué et ne l'ont rejoint que postérieurement, en avril 2022, le requérant n'est pas fondé à soutenir que ledit arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nonobstant la circonstance que sa mère est présente régulièrement sur le territoire, le titre de séjour dont elle bénéficie ne lui ayant été au demeurant délivré que le 30 août 2021 ainsi qu'il a été dit au point 3, soit également postérieurement à la date de l'arrêté attaqué. 13. En neuvième et dernier lieu, M. A... ne peut utilement soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'arrêté attaqué ne comporte aucune mesure d'éloignement. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D É C I D E Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Desfour. Copie en sera adressée au préfet des préfet des Bouches-du-Rhône et à l'office français de l'immigration et de l'intégration Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. N° 23MA00222 2 |
|
CETATEXT000048424438 | J6_L_2023_11_00023MA00335 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424438.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 23MA00335, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 23MA00335 | 1ère chambre | C | M. PORTAIL | JEAN-JOEL GOVERNATORI AVOCAT | Mme Caroline POULLAIN | M. QUENETTE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'association pour la qualité de vie à Valberg (AQ2V), le syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", M. C... F... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le maire de la commune de Péone a accordé à la SARL Loremag un permis de construire un programme résidentiel sur un terrain situé au lieu-dit " E... ", ensemble les décisions implicites portant rejet de leurs recours gracieux. Par un jugement n° 2105498 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 février, 14 juin et 30 juillet 2023, l'AQ2V, le syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", M. F... et M. B..., représentés par Me Busson, demandent à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 8 décembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021 ; 3°) d'annuler les décisions implicites portant rejet de leurs recours gracieux ; 4°) de mettre à la charge in solidum de la commune de Péone et de la SARL Loremag une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'objet social de l'AQ2V lui confère intérêt à agir, son président ayant qualité pour la représenter ; l'immeuble " Le Sun Neige " est voisin immédiat et l'importance du projet entrainerait notamment une perte de vue, d'intimité et d'ensoleillement pour ses copropriétaires ; ceux-ci, dûment représentés par leur syndic ou agissant à titre individuel, ont ainsi également intérêt pour agir ; - les notifications prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ont bien été effectuées ; - c'est à tort que le tribunal a écarté les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 431-16 du code de l'urbanisme ainsi que des articles UB 7, UB 12 et UB 15 du plan local d'urbanisme et L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ; - le projet méconnaît l'article UB 8 du plan local d'urbanisme, l'égout de toit en partie nord de la façade est du bâtiment B2 étant situé à 9,21 mètres du sol naturel ; - le dossier de demande ne permet pas d'apprécier le respect de l'article UB 13 du plan local d'urbanisme dès lors qu'il ne comporte pas de précision sur le stationnement des vélos et des véhicules hybrides ou électriques ; un document établi postérieurement à la délivrance du permis ne peut à cet égard être pris en compte ; - les dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme ne sont pas respectées ; - le projet aurait dû être refusé en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme au regard du risque incendie dès lors que le point d'eau est situé à plus de 200 mètres de l'autre côté de la route départementale et que le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie n'est pas respecté ; - le projet méconnaît l'article UB14 du plan local d'urbanisme et les articles R. 431-9 et R. 431-13 du code de l'urbanisme ; l'accès est prévu par un parc de stationnement public sur lequel un flux de circulation va être apporté et dont plusieurs places seront rendues inutilisables ; non seulement l'accord du gestionnaire est requis, mais le déclassement du parking aurait dû être effectué ; l'échange prévu avec la commune ne respecte pas les dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme. Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 juin et 11 septembre 2023, la commune de Péone, représentée par Me de Poulpiquet de Brescanvel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 7 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'objet social de l'association ne lui confère pas qualité à agir ; - il n'est pas justifié que le projet serait de nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance des biens des co-propriétaires de l'immeuble " Le Sun Neige " ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés ; - la Cour pourra faire application des dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme et subsidiairement de celles de l'article L. 600-5-1 du même code. Par des mémoires enregistrés les 9 juin, 12 juillet et 24 août 2023, la SARL Loremag, représentée par Me Governatori, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 8 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'objet social de l'association ne lui confère pas qualité à agir ; il n'est en outre pas justifié de la qualité de son représentant car le conseil d'administration qui l'a autorisé à agir n'a pas été valablement constitué ; - il n'est pas justifié que le projet serait de nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance des biens des co-propriétaires de l'immeuble " Le Sun Neige ", dont MM. F... et B... ; la qualité du syndic pour représenter les co-propriétaires n'est pas justifiée ; - la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ; - la Cour pourra faire application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme. Par lettre du 18 octobre 2023, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l'application éventuelle de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Des observations ont été enregistrées pour la commune de Péone et la SARL Loremag le 24 octobre 2023, et pour les requérants le 25 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le décret n° 2003-1169 du 2 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Poullain, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Busson, représentant les requérants, et de Me Lefèbvre, représentant la SARL Loremag. Considérant ce qui suit : 1. Par arrêté du 23 avril 2021, le maire de la commune de Péone a délivré à la SARL Loremag un permis de construire un programme résidentiel, composé de " gros chalets d'appartements collectifs et de chalets individuels ", créant 103 logements sur un terrain situé lieu-dit " E... " dans la station de ski de Valberg, cadastré section AD n° 11, 12, 15, 18, 19, 21, 22 et 23, pour une surface de plancher créée de 7 075 m². L'association pour la qualité de vie à Valberg (AQ2V), le syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", M. F... et M. B... relèvent appel du jugement du 8 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté, ensemble les décisions portant rejet de leurs recours gracieux. Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance et à la requête d'appel : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". 3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. 4. En premier lieu, il ressort des statuts de l'association AQ2V, régulièrement déclarée, d'une part, qu'elle a notamment pour objet " d'agir pour la sauvegarde de l'intérêt collectif dans le domaine de l'environnement, de l'aménagement harmonieux et équilibré du territoire et de l'urbanisme " " sur le territoire de la station de Valberg " et, d'autre part, que son conseil d'administration a compétence pour " décider d'ester devant les juridictions et mandater à cette fin le président ". Dès lors que le projet autorisé prévoit la création de 103 logements et 7 075 m² de surface de plancher sur des parcelles qui sont aujourd'hui vierges de toute construction au centre de la station de Valberg, il ne saurait être sérieusement contesté qu'il est susceptible de modifier de façon conséquente le cadre de vie, l'aménagement et l'équilibre de celle-ci, de telle sorte que l'objet de l'association lui confère intérêt à demander l'annulation du permis litigieux. Par ailleurs, lors de ses réunions des 20 septembre 2021 et 5 janvier 2023, le conseil d'administration a donné autorisation à son président pour ester en justice devant toutes juridictions afin d'obtenir l'annulation du permis de construire en litige. En outre, si le juge doit s'assurer de la réalité de l'habilitation du représentant de l'association qui l'a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée. La circonstance que le conseil d'administration de l'association requérante qui a autorisé son président à ester en justice aurait été irrégulièrement composé est dès lors sans influence sur la recevabilité de sa demande de première instance. 5. En second lieu, l'immeuble " Le Sun Neige " est voisin immédiat des parcelles d'assiette des constructions, certains appartements étant particulièrement orientés vers celles sur lesquelles seront implantés les immeubles collectifs. Eu égard aux caractéristiques du projet telles qu'elles viennent d'être rappelées, ses copropriétaires, tant MM. F... et B... à titre personnel, que leur ensemble organisé en syndicat, justifient d'un intérêt à agir. Par délibérations des 21 octobre 2021 et 27 juin 2023, l'assemblée générale des co-propriétaires a donné autorisation au syndic d'ester en justice devant toutes juridictions, et particulièrement de relever appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 8 décembre 2022, afin d'obtenir l'annulation du permis de construire en litige. La circonstance que la première de ces autorisations a été donnée postérieurement à l'introduction de la demande de première instance est sans influence sur la recevabilité de celle-ci, la régularisation de la requête pouvant à cet égard intervenir jusqu'à la clôture de l'instruction. 6. Il résulte de tout ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées en défense doivent être écartées. Sur le bien-fondé du permis de construire : 7. En premier lieu, si, dans leurs premières écritures, les requérants indiquaient qu'ils développeraient ultérieurement leurs moyens dans un nouveau mémoire, aucun complément n'a été par la suite apporté sur les méconnaissances alléguées des articles R. 431-16 du code de l'urbanisme, UB 7, UB 12 et UB 15 du plan local d'urbanisme et L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales. Ces moyens ne sont dès lors pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et doivent être écartés. 8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme applicable en zone de montagne : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, (...) ". Aux termes de l'article L. 122-5 du même code : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, (...) ". Aux termes de l'article L. 172-1 du code de l'urbanisme : " Les directives territoriales d'aménagement approuvées avant le 13 juillet 2010 restent en vigueur. / Elles sont soumises aux dispositions des articles L. 172-2 à L. 172-5. ". Aux termes de l'article L. 172-2 du même code : " Les dispositions des directives territoriales d'aménagement qui précisent les modalités d'application des dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne prévues aux chapitres Ier et II du titre II du présent livre s'appliquent aux personnes et opérations qui y sont mentionnées. ". 9. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet aux dispositions du code de l'urbanisme particulières à la montagne, le cas échéant au regard des prescriptions d'une directive territoriale d'aménagement demeurée en vigueur qui sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions des articles L. 122-1 et suivants du même code. 10. Il est constant que la commune de Péone est concernée par la directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes approuvée par décret du 2 décembre 2003. Cette directive précise pour l'application de la loi montagne, pour les communes classées dans le secteur du " haut pays ", en son article III. 234, que " La forme urbaine ou l'inscription dans le site sont des éléments déterminants pour l'identification des bourgs, villages, hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants ainsi que pour l'appréciation des possibilités d'extension en continuité. ", puis que " la continuité de l'urbanisation implique la proximité visuelle mais non la contiguïté des espaces bâtis. L'urbanisation en continuité peut intégrer des espaces non bâtis de faible dimension à l'échelle de l'unité urbaine considérée (...) ; ", que " les limites de la continuité sont établies à partir des protections existantes et des critères suivants : / critères physiques liés au terrain : reliefs, secteur de forte déclivité, cours d'eau, vallons... ; / critères résultant de l'analyse du paysage et notamment : / l'intérêt propre des paysages : protection des socles de villages, des secteurs à fort impact visuel, préservation des vues ; / l'impact qu'aurait l'urbanisation sur la structure du paysage et l'équilibre entre les espace bâtis et les espaces naturels ; " et que " lorsqu'il existe à proximité des bourgs, villages, hameaux (...) des espaces partiellement urbanisés, leur urbanisation pourra être renforcée. Ce renforcement pourra permettre de favoriser la continuité avec ces pôles bâtis, (...) ". Ces prescriptions sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme relatives à la montagne. 11. En l'espèce, les auteurs du plan local d'urbanisme de la commune de Péone ont classé les parcelles d'implantation du projet en zone UBb et UD et ont défini une orientation d'aménagement et de programmation pour ce secteur, afin d'y permettre des opérations en lien avec l'accueil touristique, une résidence de tourisme et des logements. Il ressort des pièces du dossier que si ces parcelles s'ouvrent au sud et à l'ouest sur des espaces naturels, elles s'insèrent au nord, à l'est et au sud-est au sein du front bâti constituant la station de Valberg, qui constitue un village au sens des dispositions citées ci-dessus. Leur construction favorisera la continuité de ce front au centre de la station, présent de part et d'autre de la route départementale 28, en respectant la structure du paysage délimité au sud et à l'ouest par des espaces boisés que le projet n'atteindra pas, ainsi que par la route de Garibeuil. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'urbanisation des parcelles litigieuses ne s'inscrirait pas en continuité du village et ne respecterait pas les dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme. 12. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". 13. Si les requérants soutiennent que le projet ne respecte pas le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie des Alpes-Maritimes, ce document relève d'une législation distincte du code de l'urbanisme et n'est pas directement opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier, alors qu'il n'est pas contesté que le service départemental d'incendie et de secours a rendu un avis favorable à la délivrance du permis litigieux, que le projet, eu égard à son emplacement par rapport aux points d'eau incendie, serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique. Le maire n'a dès lors pas commis d'erreur manifeste d'appréciation à cet égard. 14. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article UB 8 du règlement du PLU de la commune de Péone relatif à la hauteur des constructions : " (....) Secteur UBb : La hauteur des constructions, mesurée en tout point des façades du sol naturel ou excavé jusqu'à l'égout du toit ne pourra excéder 9 m (A...+3). Elle comprend la hauteur des combles mesurée depuis l'égout du toit jusqu'au sommet de la construction. Celle-ci ne pourra excéder 3 mètres (....) ". 15. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, les plans de coupes qui figurent au dossier délimitent, par un tracé en pointillé rouge la hauteur de 9 mètres mesurée à partir du terrain naturel, en deçà duquel sont présentés l'ensemble des égouts de toit de tous les bâtiments constituant le projet. Toutefois, s'agissant du bâtiment B2 qui concentre les critiques des requérants, il ressort des pièces du dossier, et particulièrement du plan de sa façade est, PC5.4.1, que les égouts du toit se situent à 1 676,47 mètres du nivellement général de la France. Si ce plan mentionne le niveau du sol, à 1 667,94 mètres du nivellement général de la France, à l'aplomb de l'égout du toit du côté sud du bâtiment, pour une hauteur de construction à cet endroit de 8,53 mètres, il ne donne pas d'indication précise s'agissant du niveau du sol à l'aplomb de l'égout du toit de son côté nord. Ce niveau paraît toutefois similaire à celui du côté sud du bâtiment B1 situé à proximité immédiate, soit 1 667,21 mètres du nivellement général de la France. Les courbes de niveau qui figurent sur le plan de toiture, PC5.4.3, confirment, d'une part, que le niveau du sol à l'aplomb de l'angle sud-est du bâtiment est plus haut que celui à l'aplomb de son angle nord-est et, d'autre part, que ce dernier est très proche de celui du cheminement piétons qui passe devant le bâtiment, de 1 667,19 mètres du nivellement général de la France. Il ressort ainsi de ces éléments que la hauteur du bâtiment à l'égout du toit est à cet endroit de l'ordre de 9,27 mètres, et par conséquent supérieure à la limite fixée par l'article UB 8 du règlement du plan local d'urbanisme. Le moyen tiré de la méconnaissance de cette disposition doit dès lors être accueilli. 16. En cinquième lieu, les dispositions de l'article UB 13 du règlement du plan local d'urbanisme précisent que " L'ensemble des constructions autorisées dans la zone doivent disposer d'un nombre de places, d'une surface et de dispositifs minimums nécessaires pour les stationnements des vélos, véhicules hybrides et électriques conformément à la réglementation en vigueur. Pour le stationnement des véhicules hybrides, il est exigé 1 borne de rechargement ". 17. S'il ressort du plan " sous-sol -1 " que 20 % des places de stationnement seront équipées pour la recharge de véhicules électriques et hybrides et que six locaux d'emplacements vélos, d'une superficie totale de 104 m², sont prévus au niveau - 1 des constructions situées en zone UBb, il est constant que ce plan a été établi au cours du mois de novembre 2022, postérieurement à la délivrance du permis attaqué le 23 avril 2021. Il ne peut en conséquence être pris en compte pour apprécier la légalité de l'autorisation litigieuse. Dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le projet, tel que présenté à l'autorité municipale, comportait des éléments relatifs au stationnement des vélos et véhicules hybrides et électriques, les requérants sont fondés à soutenir que les dispositions de l'article UB 13 du règlement du plan local d'urbanisme ont été méconnues. 18. En sixième lieu, aux termes du 3ème alinéa de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder. ". Aux termes de l'article R. 431-13 du même code : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. ". L'article UB14 du règlement du plan local d'urbanisme précise " Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée. ". 19. Ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, l'accès aux terrains est assuré par la route départementale 28, via un passage qui est aujourd'hui un parking public qui lui est attenant et en est séparé par un petit terre-plein. Il ne saurait dès lors être contesté que les terrains auront ainsi accès direct à une voie publique au sens de l'article UB14 cité ci-dessus, selon d'ailleurs les mêmes modalités que l'ensemble des riverains de ce côté de cette voie départementale et sans que rien ne permette de conclure qu'il en résulterait un risque pour la sécurité de la circulation publique. Il ressort par ailleurs de l'arrêté contesté lui-même, alors que le projet de construction ne porte pas sur une dépendance du domaine public, que les services compétents du département des Alpes-Maritimes ont rendu un avis favorable à celui-ci. Enfin, le passage en cause demeure affecté à l'usage direct du public et le département n'avait pas à procéder à un déclassement du domaine public. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UB14 du règlement du plan local d'urbanisme et des articles R. 431-9, R. 431-13 et R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté. 20. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : / 1° Le versement de la taxe d'aménagement (...) / 2° Le versement des contributions aux dépenses d'équipements publics (...) / 3° La réalisation des équipements propres mentionnées à l'article L. 332-15 ; / 5° Le versement de la redevance d'archéologie préventive (...) ". Aux termes de l'article L. 332-15 du même code : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés ". 21. Il ressort des pièces du dossier qu'est prévue la cession au département d'une petite parcelle de terrain par le pétitionnaire pour la création de trois places de stationnement public en entrée de sa propriété, afin de rétablir les trois places qui devront être supprimées sur le parking public attenant pour créer l'accès des constructions litigieuses à la voie publique. Cette cession gratuite, dont il n'est pas même allégué qu'elle satisferait à un besoin du projet de construction et participerait à la réalisation d'un équipement propre nécessaire à sa réalisation, ne figure pas parmi les obligations auxquelles peuvent être tenus les bénéficiaires d'autorisations de construire en application de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme. Elle est par suite illégale. Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : 22. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. 23. En dépit des vices dont le permis de construire litigieux est atteint, une mesure de régularisation n'impliquerait pas d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Le permis de construire contesté est donc susceptible d'être régularisé. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et d'impartir à la commune de Péone un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt afin de produire la mesure de régularisation nécessaire. D É C I D E: Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de l'AQ2V, du syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", de M. F... et de M. B..., jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois, afin de permettre à la SARL Loremag et à la commune de Péone de régulariser les vices retenus par le présent arrêt aux points 15, 17 et 21. Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la qualité de vie à Valberg, au syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", à M. C... F..., à M. D... B..., à la commune de Péone et à la SARL Loremag. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : -M. Portail, président, -M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, -Mme Poullain, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. 2 N° 23MA00335 |
|
CETATEXT000048424449 | J6_L_2023_11_00023MA00670 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424449.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 23MA00670, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 23MA00670 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme FEDI | ALMAIRAC | Mme Lison RIGAUD | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2300065 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 17 mars 2023, Mme A... épouse B..., représentée par Me Almairac, demande à la cour : 1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; 2°) de " réformer " le jugement du tribunal administratif de Nice du 10 février 2023 ; 3°) d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2022 du préfet des Alpes-Maritimes ; 4°) d'enjoindre au préfet Alpes-Maritimes de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, laquelle renonce par avance à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Elle soutient que : - l'arrêté en litige est insuffisamment motivé au regard des dispositions des articles L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; - il est entaché d'erreur de droit, le préfet des Alpes-Maritimes s'étant abstenu d'examiner sa demande de titre de séjour déposée le 9 juillet 2021 ; - il méconnaît les dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il viole les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ; - il viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - il méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire. Mme A... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Rigaud a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... A... épouse B..., ressortissante russe née le 23 octobre 1982, relève appel du jugement du 10 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 décembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle : 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ". 3. Par une décision du 28 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a statué sur la demande de Mme A... épouse B.... Il n'y a donc pas lieu de statuer sur sa demande d'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ". 5. En l'espèce, l'arrêté en litige du 28 décembre 2022 vise les stipulations internationales et les dispositions législatives et réglementaires en vigueur au jour de son édiction, notamment les articles L. 542-2 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise, entre autre, que la deuxième demande de réexamen de la demande d'asile de Mme A... épouse B... a été rejetée par l'Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides et qu'elle ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire. Cet arrêté mentionne également les raisons pour lesquelles le préfet estime que la décision ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'intérêt supérieur de ses enfants au sens de la convention internationale des droits de l'enfant. L'arrêté en litige comporte ainsi avec suffisamment de précision, et de manière non stéréotypée, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent, mettant à même la requérante d'en comprendre le sens et la portée. A ce titre, l'absence de mention du dépôt d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour et de la décision implicite née sur cette demande en cours de contestation devant le tribunal administratif ne saurait caractériser une insuffisance de motivation. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation révélant un défaut d'examen sérieux doit être écarté. 6. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". 7. Le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide de prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger qui se trouve dans le cas mentionné au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, y compris si un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour lui a été délivré pendant la durée d'instruction de cette demande de titre de séjour. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour au demandeur, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. 8. S'il ressort des pièces du dossier que Mme A... épouse B... a déposé, par courrier du 8 juillet 2021, reçu par les services de la préfecture le 9 juillet suivant, une demande d'admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il en ressort également qu'une décision implicite de rejet de cette demande est née, dont la requérante a demandé communication des motifs par courrier du 22 novembre 2021 reçu le 23 novembre suivant et qu'elle a contesté par un recours en annulation devant le tribunal administratif de Nice, toujours pendant. La demande d'admission au séjour de la requérante n'était donc pas en cours d'instruction à la date de l'arrêté attaqué. Ainsi, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet des Alpes-Maritimes en s'abstenant d'examiner sa demande d'admission au séjour doit être écarté. 9. Si la requérante soutient que l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui est pas applicable, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait examiné sa situation au regard des dispositions de cet article. 10. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'Office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : (...) 2° Lorsque le demandeur : (...) c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 542-4 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. ". 11. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué, qui ne sont pas contestés par la requérante, ainsi que des autres pièces du dossier, qu'elle a introduit, le 21 mars 2016, une deuxième demande de réexamen et que ses demandes ont été définitivement rejetées. Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et nonobstant la circonstance qu'elle avait l'intention de déposer une nouvelle demande de réexamen de sa demande d'asile compte tenu de nouveaux éléments, elle ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 12. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". 13. Selon ses déclarations, Mme A... épouse B... est entrée pour la dernière fois en France en novembre 2014 avec son époux et leurs deux enfants mineurs nés le 31 janvier 2009 et le 24 mai 2010 en Russie, pour y solliciter le réexamen de leur demande d'asile. Ce dernier a été définitivement rejeté. Elle se prévaut de la durée de la présence continue en France de la cellule familiale, de la scolarisation de ses enfants, dont le troisième est né en France le 17 septembre 2015, de ses efforts d'intégration par le suivi de cours sociolinguistique dans une association, des promesses d'embauche dont bénéficie son époux et de leurs craintes de persécution en cas de retour en Russie. Toutefois, alors que cette dernière circonstance demeure sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir la réalité d'une intégration sociale ou professionnelle particulière en France de la requérante et de sa famille. L'époux de la requérante est également en situation irrégulière et tous deux n'établissent pas être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, Mme A... épouse B..., qui ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que la cellule familiale soit reconstituée dans leur pays d'origine et que ses enfants y poursuivent leur scolarité, n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. 14. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 15. L'arrêté en litige n'a ni pour objet ni pour effet, de séparer les enfants de la requérante de l'un de leurs deux parents, tous deux en situation irrégulière sur le territoire français et de nationalité russe, alors même que leurs trois enfants, mineurs, sont scolarisés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. 16. Si la requérante soulève un moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce dernier doit être écarté comme étant inopérant, l'arrêté en litige ne statuant pas sur une demande d'admission au séjour. 17. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". 18. Mme A... épouse B..., ressortissante russe d'origine tchétchène, soutient qu'elle craint des représailles et des persécutions en cas de retour en Russie dès lors que son époux n'a pas déféré à la convocation qui lui a été envoyée pour rejoindre l'armée russe dans le cadre du conflit armé entre son pays et l'Ukraine, et produit au soutien de ses allégations la traduction et la copie de la convocation pour le 7 octobre 2022 adressée à son époux par le commissariat militaire de la République de Tchétchénie pour un contrôle médical d'aptitude au service militaire. Ce seul document ne permet toutefois pas d'établir que l'époux de la requérante est effectivement soumis à une obligation militaire et sa mobilisation certaine dans le contexte de la guerre conduite par la Russie contre l'Ukraine, ni, par conséquent, qu'elle serait, ainsi que son époux, exposée à des risques personnels et actuels de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est opérant qu'à l'égard de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, ne peut qu'être écarté. 19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... épouse B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 28 décembre 2022. Ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. D É C I D E : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par Mme A... épouse B.... Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... épouse B... est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B..., à Me Almairac et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente de chambre, - Mme Lison Rigaud, présidente-assesseure, - M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. 23MA00670 2 |
CETATEXT000048424451 | J6_L_2023_11_00023MA00671 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424451.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 23MA00671, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 23MA00671 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme FEDI | ALMAIRAC | Mme Lison RIGAUD | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2300066 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 17 mars 2023, M. B..., représenté par Me Almairac, demande à la cour : 1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; 2°) de " réformer " le jugement du tribunal administratif de Nice du 10 février 2023 ; 3°) d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2022 du préfet des Alpes-Maritimes ; 4°) d'enjoindre au préfet Alpes-Maritimes de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, laquelle renonce par avance à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : - l'arrêté en litige est insuffisamment motivé au regard des dispositions des articles L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; - il est entaché d'erreur de droit, le préfet des Alpes-Maritimes s'étant abstenu d'examiner sa demande de titre de séjour déposée le 9 juillet 2021 ; - il méconnaît les dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il viole les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ; - il viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - il méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Rigaud a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant russe né le 25 juin 1979, relève appel du jugement du 10 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 décembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle : 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ". 3. Par une décision du 28 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a statué sur la demande de M. B.... Il n'y a donc pas lieu de statuer sur sa demande d'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ". 5. En l'espèce, l'arrêté en litige du 28 décembre 2022 vise les stipulations internationales et les dispositions législatives et réglementaires en vigueur au jour de son édiction, notamment les articles L. 542-2 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise, entre autre, que la deuxième demande de réexamen de la demande d'asile de M. B... a été rejetée par l'Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides et qu'elle ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire. Cet arrêté mentionne également les raisons pour lesquelles le préfet estime que la décision ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'intérêt supérieur de ses enfants au sens de la convention internationale des droits de l'enfant. L'arrêté en litige comporte ainsi avec suffisamment de précision, et de manière non stéréotypée, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent, mettant à même le requérant d'en comprendre le sens et la portée. A ce titre, l'absence de mention du dépôt d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour et de la décision implicite née sur cette demande en cours de contestation devant le tribunal administratif ne saurait caractériser une insuffisance de motivation. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation révélant un défaut d'examen sérieux doit être écarté. 6. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". 7. Le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide de prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger qui se trouve dans le cas mentionné au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, y compris si un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour lui a été délivré pendant la durée d'instruction de cette demande de titre de séjour. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour au demandeur, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. 8. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... a déposé, par courrier du 8 juillet 2021, reçu par les services de la préfecture le 9 juillet suivant, une demande d'admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il en ressort également qu'une décision implicite de rejet de cette demande est née, dont le requérant a demandé communication des motifs par courrier du 22 novembre 2021 reçu le 23 novembre suivant et qu'il a contesté par un recours en annulation devant le tribunal administratif de Nice, toujours pendant. La demande d'admission au séjour du requérant n'était donc pas en cours d'instruction à la date de l'arrêté attaqué. Ainsi, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet des Alpes-Maritimes en s'abstenant d'examiner sa demande d'admission au séjour doit être écarté. 9. Si le requérant soutient que l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui est pas applicable, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait examiné sa situation au regard des dispositions de cet article. 10. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'Office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : (...) 2° Lorsque le demandeur : (...) c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 542-4 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. ". 11. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué, qui ne sont pas contestés par le requérant, ainsi que des autres pièces du dossier, qu'il a introduit, le 21 mars 2016, une deuxième demande de réexamen et que ses demandes ont été définitivement rejetées. Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et nonobstant la circonstance qu'il avait l'intention de déposer une nouvelle demande de réexamen de sa demande d'asile compte tenu de nouveaux éléments, il ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 12. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". 13. Selon ses déclarations, M. B... est entré pour la dernière fois en France en novembre 2014 avec son épouse et leurs deux enfants mineurs nés le 31 janvier 2009 et le 24 mai 2010 en Russie, pour y solliciter le réexamen de leur demande d'asile. Ce dernier a été définitivement rejeté. Il se prévaut de la durée de la présence continue en France de la cellule familiale, de la scolarisation de ses enfants, dont le troisième est né en France le 17 septembre 2015, de ses efforts d'intégration et de ceux de son épouse, des promesses d'embauche dont il bénéficie et de leurs craintes de persécution en cas de retour en Russie. Toutefois, alors que cette dernière circonstance demeure sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir la réalité d'une intégration sociale ou professionnelle particulière en France du requérant et de sa famille. L'épouse du requérant est également en situation irrégulière et tous deux n'établissent pas être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, M. B..., qui ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que la cellule familiale soit reconstituée dans leur pays d'origine et que ses enfants y poursuivent leur scolarité, n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. 14. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 15. L'arrêté en litige n'a ni pour objet ni pour effet, de séparer les enfants du requérant de l'un de leurs deux parents, tous deux en situation irrégulière sur le territoire français et de nationalité russe, alors même que leurs trois enfants, mineurs, sont scolarisés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. 16. Si le requérant soulève un moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce dernier doit être écarté comme étant inopérant, l'arrêté en litige ne statuant pas sur une demande d'admission au séjour. 17. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". 18. M. B..., ressortissant russe d'origine tchétchène, soutient qu'il craint d'être incarcéré et persécuté en cas de retour en Russie dès lors qu'il n'a pas déféré à la convocation qui lui a été envoyée pour rejoindre l'armée russe dans le cadre du conflit armé entre son pays et l'Ukraine, et produit au soutien de ses allégations la traduction et la copie de sa convocation pour le 7 octobre 2022 par le commissariat militaire de la République de Tchétchénie pour un contrôle médical d'aptitude au service militaire. Ce seul document ne permet toutefois pas d'établir qu'il est effectivement soumis à une obligation militaire et sa mobilisation certaine dans le contexte de la guerre conduite par la Russie contre l'Ukraine, ni, par conséquent, qu'il serait exposé à des risques personnels et actuels de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est opérant qu'à l'égard de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, ne peut qu'être écarté. 19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 28 décembre 2022. Ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. D É C I D E : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. B.... Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Almairac et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente de chambre, - Mme Lison Rigaud, présidente-assesseure, - M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. 23MA00671 2 |
CETATEXT000048424454 | J6_L_2023_11_00023MA01014 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424454.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 23MA01014, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 23MA01014 | 1ère chambre | C | M. PORTAIL | DESFOUR | M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL | M. QUENETTE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2206381 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023, M. B... A..., représenté par Me Desfour, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 novembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 3 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : Sur le refus de titre de séjour : - la décision litigieuse est insuffisamment motivée ; - le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; - la commission du titre de séjour n'a pas été consultée en méconnaissance de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français d'immigration et d'intégration (OFII) ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié au Maroc ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Sur la décision portant obligation de quitter le territoire : - la décision litigieuse est insuffisamment motivée ; - le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; - cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ; - cette décision méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sur la décision fixant le pays de renvoi : - la décision litigieuse est insuffisamment motivée ; - le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ; - cette décision méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste quant à ses conséquences sur sa situation personnelle. M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille. La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Claudé-Mougel a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., de nationalité marocaine, demande l'annulation du jugement du 22 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 3 mai 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. " Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser l'admission au séjour sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour : 3. En premier lieu, l'arrêté attaqué du 3 mai 2022 vise les textes dont il est fait application, en particulier l'article L. 425-9 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en précisant les éléments déterminants de la situation du requérant, dont son identité, sa date de naissance, la date de son entrée sur le territoire français et les motifs ayant conduit à lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement, en visant également l'avis rendu le 30 mars 2022 par le collège des médecins de l'OFII à la suite du contrôle du dossier médical de l'intéressé. Il en ressort également que le préfet des Bouches-du-Rhône a examiné la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en relevant qu'il ne faisait valoir aucun motif exceptionnel, ni considération humanitaires qui justifierait son admission au séjour sur ce fondement, ainsi qu'au regard des stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en mentionnant que M. A..., célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 50 ans et où réside l'ensemble de sa fratrie. Ledit arrêté mentionne en outre que l'intéressé n'établit pas l'existence d'une des protections envisagées par l'article L. 611-3 du code faisant obstacle à qu'il fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire, que sa situation ne justifie pas qu'à titre exceptionnel, un délai supérieur lui soit accordé et qu'il sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité, ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité, ou à destination de tout autre pays où il est légalement admissible. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux serait entaché d'une insuffisance de motivation. 4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté rappelée au point précédent, que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A.... Ce moyen doit également être écarté. 5. En troisième lieu, s'il ressort de l'examen de l'arrêté attaqué que le préfet des Bouches-du-Rhône a pris en compte l'avis du collège des médecins de l'OFII, il n'en résulte pas qu'il se serait estimé en situation de compétence liée par rapport à cet avis. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 6. En quatrième lieu, il ressort de l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII le 30 mars 2022 que si l'état de santé de M. A..., qui souffre d'un diabète de type 2 entraînant des complications ophtalmologiques et néphrologiques ainsi que d'une dépression sévère avec tentatives de suicide, pour laquelle il a été hospitalisé en août 2019 et août 2020, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié au Maroc, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays, vers lequel il peut voyager sans risque. Les certificats médicaux produits à l'instance par l'intéressé, tous postérieurs à cet avis, ne viennent pas le contredire utilement en mentionnant seulement, pour l'un, qu'" un retour au Maroc apparaît défavorable " sans davantage de précision et, pour l'autre, que les prises en charge de M. A... ne peuvent être mises en place dans ce pays dans l'hypothèse d'un séjour ou d'un voyage, non plus que les autres éléments produits par le requérant, dont un rapport de l'observatoire national du développement humain qui fait état, de façon générale, des disparités d'accès aux soins au Maroc et un article de presse portant sur la situation d'un seul hôpital psychiatrique dans cet Etat, alors qu'un autre rapport relatif à la santé mentale au Maroc, établi par différents contributeurs marocains et français, universitaires et praticiens hospitaliers, souligne une profonde volonté de réforme et un fort engagement sur cette question du gouvernement, qui en a fait une priorité nationale depuis 2012, ainsi que les avancées considérables déjà intervenues, en dépit des disparités persistantes sur le territoire. Le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation ne peut dès lors qu'être écarté. 7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, la commission du titre de séjour " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer (...) une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité. M. A... qui, ainsi que cela résulte du point précédent, ne remplit pas les conditions pour prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 de ce code, n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône devait soumettre sa demande à la commission du titre de séjour. 8. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. 9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré sur le territoire français en 2014 à l'âge de 50 ans, qu'il est célibataire et sans enfants, et que l'ensemble de sa fratrie réside au Maroc. La seule circonstance qu'il a occupé un emploi à temps partiel en 2014 et 2015, en qualité d'ouvrier de production au sein du centre d'hébergement et de réinsertion L'Etape de Rognes, et qu'il est employé en cette même qualité depuis 2021, également à temps partiel, auprès de l'association d'insertion par le travail Les ateliers de Trévaresse, ne suffit pas à établir qu'il aurait en France le centre de ses intérêts privés et familiaux et, par suite, que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni que le préfet aurait commis une erreur manifeste quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle. 10. En septième et dernier lieu, le requérant ne peut utilement soutenir que la décision lui refusant le titre de séjour sollicité méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que cette décision n'a pas pour objet de l'éloigner du territoire. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire : 11. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 4 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait insuffisamment motivée, ni que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation. 12. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 10 du présent arrêt que la décision refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour est légale. Le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ne peut donc qu'être écarté. 13. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste quant à ses conséquences sur sa situation personnelle. 14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi :/ 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ;/ 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ;/ 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible./ Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " 15. Ainsi qu'il a été dit au point 6, M. A... n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Maroc. Il n'établit pas davantage qu'il y serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants au sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de cette convention, ainsi que des dispositions l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut, dans ces conditions, qu'être écarté. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 16. D'une part, pour mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 4 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait insuffisamment motivée, ni que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation. 17. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, M. A... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi de la mesure d'éloignement méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste quant à ses conséquences sur sa situation personnelle. 18. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 15 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'être écarté. 19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D É C I D E Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...,au ministre de l'intérieur et à Me Desfour. Copie en sera adressée au préfet des préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. N° 23MA01014 2 nb |
|
CETATEXT000048424456 | J6_L_2023_11_00023MA01265 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424456.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 23MA01265, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 23MA01265 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme FEDI | OLOUMI - AVOCATS & ASSOCIÉS | Mme Lison RIGAUD | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 17 octobre 2022 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 2205000 du 30 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023, M. B..., représenté par Me Oloumi, demande à la cour : 1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; 2°) d'annuler le jugement du 30 décembre 2022 ; 3°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 octobre 2022 ; 4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non admission dans un délai de 8 jours et en accuser l'exécution en l'informant et en informant la cour ; 5°) en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail pendant le réexamen de sa demande en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou la délivrance d'un titre de séjour ; 6°) en cas d'annulation de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de mettre immédiatement fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en application de l'article L. 614-17 du même code ; 7°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme allouée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : - le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé et que le magistrat désigné par le tribunal administratif de Nice a omis d'examiner les moyens tirés du caractère stéréotypé de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 octobre 2022, de l'illégalité du signalement aux fins d'admission dans le système d'information Schengen et de la nécessité d'ordonner son effacement ; - la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'erreur de fait et ne procède pas à une analyse de sa situation personnelle ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille et méconnaît ainsi l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - il justifie de circonstances particulières qui font obstacle à ce que le préfet puisse adopter une décision de refus d'octroi de délai de départ volontaire ; - la décision portant interdiction de retour sur le territoire national est fondée sur une décision illégale ; - elle est illégale dès lors qu'il justifie de circonstances humanitaires ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille et méconnaît ainsi l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ; - il revient au préfet des Alpes-Maritimes de préciser si le requérant fait ou ne fait pas l'objet de signalement aux fins de non-admission sur le système d'information Schengen ; - le signalement aux fins d'admission dans le système d'information Schengen est illégal ; - il s'en rapporte, pour le reste, à ses écritures produites en première instance. M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2023. La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations du public avec l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de Mme Rigaud a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., de nationalité géorgienne, relève appel du jugement du 30 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 octobre 2022 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et prononçant une interdiction de retour pour une durée de deux ans. Sur les conclusions aux fins d'admission au bénéficie de l'aide juridictionnelle provisoire : 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ". 3. Par une décision du 31 mars 2023, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions présentées par l'intéressé tendant à ce que la cour l'admette provisoirement à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet à la date du présent arrêt. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer. Sur la régularité du jugement : 4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". 5. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le magistrat désigné a expressément répondu aux moyens soulevés par le requérant de manière motivée en fait et en droit. En particulier, le magistrat désigné a répondu, par une motivation suffisante, au moyen tiré de ce que la décision en litige serait stéréotypée au point 5 de son jugement. 6. En ne répondant pas au moyen tiré de l'illégalité du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, moyen inopérant dès lors, d'une part, qu'une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et, d'autre part, que le magistrat a expressément répondu aux moyens relatifs à l'interdiction de retour sur le territoire français, le magistrat désigné n'a pas entaché son jugement de défaut d'examen d'un moyen. 7. Contrairement à ce que soutient le requérant, le magistrat désigné a statué sur sa demande d'injonction au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non admission au point 15 de son jugement. 8. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne le moyen commun aux différentes décisions : 9. Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". 10. D'une part, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, et vise notamment les articles L. 311-1, L. 311-2, L. 611-1, L. 611-2, L. 612-1 à L. 612-4, L. 612-6 à L. 612-10, L. 613-1, L. 613-2, L. 721-3 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 3 de la convention internationale sur les droits de l'enfant. D'autre part, il indique que l'intéressé n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant avec lequel il ne démontre pas la réalité des liens, et qu'il ne démontre pas avoir l'autorité parentale. En outre, l'arrêté relève que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'il n'établit pas être dans l'impossibilité d'y retourner pour y mener sa vie privée et familiale. La circonstance que le préfet des Alpes-Maritimes, qui n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de l'intéressé, n'ait pas mentionné que sa fille était scolarisée en France n'entache pas la motivation de l'arrêté en litige d'insuffisance. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant et du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. B... doivent être écartés. En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire : 11. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. (...). ". L'article L. 612-3 dudit code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ". 12. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet des Alpes-Maritimes a refusé d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire aux motifs qu'il est entré illégalement sur le territoire français, qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'il n'a pas présenté de passeport en cours de validité lors de son interpellation, qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, qu'il a déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire national lors de son audition et qu'il ne justifie pas de résidence effective et permanente. Si M. B... justifie d'un passeport valide à la date de l'arrêté, il ne peut cependant être regardé comme justifiant d'une résidence effective et permanente en France avec sa conjointe. En outre, il est constant que le requérant s'est abstenu d'entamer toute démarche en vue d'obtenir la régularisation de sa situation administrative depuis le rejet définitif de sa demande d'asile en 2020, qu'il a déclaré au cours de son audition par les services de police le 17 octobre 2022 vouloir se maintenir en France et qu'il n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours édictée à son encontre le 7 avril 2021 et qui lui avait été notifiée le 9 avril 2021. Le préfet des Alpes-Maritimes a pu, pour ces motifs, estimer que le risque de fuite était caractérisé et refuser d'octroyer à M. B... un délai de départ volontaire sans méconnaitre les dispositions précitées ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation. 13. Si M. B... se prévaut de sa situation professionnelle, du rejet de son mariage par la société géorgienne et par sa famille élargie et de la scolarisation de sa fille en France, ces éléments, à les supposer établis, ne constituent pas des circonstances particulières au sens des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. 14. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 15. M. B... soutient qu'il vit sur le territoire français depuis 2019 avec son épouse et leur fille, née en Géorgie le 17 décembre 2006, qui est scolarisée au lycée professionnel Vauban à Nice. Toutefois, les pièces qu'il produit ne justifient d'aucune circonstance faisant obstacle à la reconstitution de la cellule familiale dans son pays d'origine dont tous les membres de la famille sont ressortissants, son épouse étant également en situation irrégulière, ou à la poursuite de la scolarité de sa fille dans leur pays d'origine. Par ailleurs, M. B... n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans. En outre, si M. B... déclare travailler en France, les pièces versées au dossier, insuffisamment nombreuses et variées, ne permettent pas d'établir une insertion socioéconomique significative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 16. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation. 17. L'arrêté attaqué n'a pas pour effet de contraindre M. B... à se séparer de sa fille et le requérant n'établit pas que la cellule familiale qu'il forme avec son épouse, ressortissante géorgienne, également en situation irrégulière, ne pourrait pas se reconstituer dans leur pays d'origine. Il n'est pas plus démontré que sa fille ne pourrait pas poursuivre sa scolarité en Géorgie. Dans ces conditions, le moyen titré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. 18. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions en annulation de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire doivent être rejetées. En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français : 19. Il résulte de ce qui précède que la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire étant légale, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette dernière. 20. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. M. B... se prévaut de la présence en France de son épouse et de sa fille, qui est scolarisée au lycée, ces éléments ne constituent pas des circonstances humanitaires qui auraient permis de justifier que le préfet des Alpes-Maritimes n'édicte pas une interdiction de retour à son encontre. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation de sa situation. 21. Pour les mêmes motifs que ceux développés au point 15 du présent arrêt, l'interdiction de retour sur le territoire français n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. 22. Ainsi qu'il a été dit au point 17 du présent arrêt, l'épouse de M. B... est comme lui, en situation irrégulière. Rien ne fait obstacle à ce qu'elle reparte avec lui accompagnés de leur fille mineure dans leur pays d'origine où cette dernière pourra poursuivre normalement sa scolarité. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant. 23. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français doivent être rejetées. 24. En dernier lieu, lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. La décision portant interdiction à M. B... de revenir sur le territoire français pendant un délai de deux ans n'étant pas illégale, pour les motifs énoncés ci-dessus, le requérant n'est en tout état de cause pas fondé à exciper de l'illégalité de cette dernière. En ce qui concerne les autres moyens invoqués : 25. En se bornant à déclarer qu'il s'en rapporte à ses écritures produites en première instance, sans les intégrer à la requête et sans produire ses écritures de première instance, M. B... n'émet aucune critique à l'encontre du jugement attaqué et ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs que le magistrat désigné aurait pu commettre en écartant ces moyens. 26. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2022. Sur les conclusions à fin d'injonction : 27. Le présent arrêt, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par conséquent, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. Sur les frais liés au litige : 28. L'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. B.... Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Oloumi et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente de chambre, - Mme Lison Rigaud, présidente-assesseure, - M. Nicolas Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. 2 N° 23MA01265 |
CETATEXT000048424458 | J6_L_2023_11_00023MA01268 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424458.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 23MA01268, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 23MA01268 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme FEDI | LARBRE | Mme Lison RIGAUD | M. GAUTRON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 4 janvier 2021 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes doit être regardé comme ayant rejeté sa demande de titre de séjour et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 9 396,75 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi. Par un jugement n° 2101025 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 4 janvier 2021 et a rejeté ses conclusions indemnitaires. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023, Mme C... épouse E..., représentée par Me Larbre, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 16 mars 2023 ; 2°) d'annuler la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 4 janvier 2021 ; 3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 10 396, 75 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le courrier du 4 janvier 2021 s'analyse comme une décision rejetant sa demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale " ; - le préfet s'est mépris sur sa demande en l'interprétant comme une demande de regroupement familial alors qu'il s'agissait d'une demande de carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; - la décision attaquée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable et porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; - l'illégalité de cette décision est d'autant plus patente que le préfet des Alpes-Maritimes lui a finalement délivré un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 20 juillet 2022 au 19 juillet 2023 ; - l'erreur commise par les services de la préfecture est constitutive d'une faute qui lui a causé un préjudice dès lors qu'elle a été privée d'une chance de percevoir des salaires résultant de l'impossibilité d'être embauchée en raison de l'absence de titre de séjour ; - le tribunal s'est mépris sur l'existence du lien de causalité entre l'illégalité fautive de la décision du 4 janvier 2021 et le préjudice qu'elle invoque en s'appuyant sur des faits inexacts ; - elle sollicite également le paiement de la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral. La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire. Par un courrier du 5 octobre 2023, les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de Mme C..., nouvelles en appel, en tant qu'elles excèdent le montant de 9 396,75 euros et de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 4 janvier 2021 compte tenu de la délivrance le 22 juillet 2022 du titre de séjour sollicité par Mme C.... Par un mémoire, enregistré le 13 octobre 2023, Mme C... épouse E..., représentée par Me Larbre, a présenté des observations en réponse à ces moyens relevés d'office. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud ; - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... épouse E..., ressortissante marocaine née le 18 février 1991, a formé le 22 octobre 2020, une demande de renouvellement de son titre de séjour avec changement de statut, notifiée aux services de la préfecture des Alpes-Maritimes le 3 novembre 2020. Par un courrier du 4 janvier 2021, les services de la préfecture des Alpes-Maritimes ont répondu à Mme C... qu'ils n'étaient pas compétents pour connaître de sa demande au motif qu'il s'agissait d'une demande de regroupement familial. Mme C... relève appel du jugement du 16 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 4 janvier 2021 et rejeté ses conclusions indemnitaires. Sur la recevabilité des conclusions en appel : 2. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'enregistrement de sa requête, le préfet des Alpes-Maritimes a délivré à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, valable du 20 juillet 2022 au 19 juillet 2023. Si Mme C... a soutenu devant les premiers juges qu'elle devait se voir délivrer un titre de séjour d'une durée de deux ans en application des dispositions du 3° de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du I de l'article L. 313-17 du même code et du 2° de l'article L. 313-18 de ce code, alors applicables, dès lors qu'elle était déjà titulaire d'une carte de séjour " travailleur temporaire " d'une durée d'un an, valide entre du 15 novembre 2019 au 14 novembre 2020, il ressort cependant des pièces du dossier que l'intéressée n'a pas sollicité la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle sur le fondement de l'article L. 313-17 et ne démontre pas, au demeurant, qu'elle satisfait à la condition de continuer de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont elle était précédemment titulaire. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu'en délivrant un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme C... le 20 juillet 2022 pour une durée d'un an, le préfet des Alpes-Maritimes a donné entière satisfaction à la demande d'admission au séjour présentée par l'intéressée. 3. Il résulte de ce qui précède que, dès la date à laquelle la requête a été enregistrée devant la cour, les conclusions à fin d'annulation étaient dépourvues d'objet. Elles sont, par suite, irrecevables. 4. La personne qui a demandé au tribunal administratif la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors qu'ils se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle. 5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la circonstance que Mme C... a, en première instance, seulement demandé réparation de la perte de chance de percevoir des salaires résultant de l'illégalité de la décision du 4 janvier 2021 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande d'admission au séjour, ne fait pas obstacle à ce qu'elle sollicite en appel l'indemnisation du préjudice moral qu'elle estime imputable à cette illégalité. En revanche, en l'absence d'éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement attaqué, ses prétentions ne sont recevables que dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, soit 9 396,75 euros. Le surplus des conclusions indemnitaires de Mme C... doit donc être rejeté comme irrecevable. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la faute commise par l'Etat : 6. Le tribunal a prononcé l'annulation de la décision du 4 janvier 2021 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande d'admission au séjour présentée par Mme C.... Il ressort en effet des pièces du dossier, comme l'ont retenu les premiers juges, en particulier du formulaire de demande d'admission au séjour adressé par Mme C... aux services de la préfecture des Alpes-Maritimes, que l'intéressée a expressément sollicité le renouvellement de son titre de séjour avec changement de statut en demandant un titre " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 7e du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En considérant que la demande de Mme C... s'analysait comme une demande de regroupement familial pour se déclarer incompétent pour en connaître, le préfet des Alpes-Maritimes a entaché sa décision d'une erreur quant à la teneur de la demande de l'intéressée. La décision du 4 janvier 2021, qui s'analyse comme un refus d'admission au séjour, est donc à ce premier titre entachée d'illégalité. 7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 7e du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". 8. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France le 19 novembre 2018 sous couvert d'un visa touristique de type C entrées multiples. Elle a été titulaire d'une carte de séjour " travailleur temporaire " valable du 15 novembre 2019 au 14 novembre 2020. Elle a été engagée, en qualité d'interne en médecine, comme stagiaire associée au sein du centre hospitalier universitaire de Nice de décembre 2019 à novembre 2020 et a notamment participé à l'activité du service de néphrologie-dialyse-transplantation de cet établissement pour la prise en charge des patients pendant l'épidémie de Covid-19 de novembre 2019 à octobre 2020. Par ailleurs, le 31 août 2016, elle s'est mariée avec M. D... E..., un compatriote titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " salarié ", ensuite naturalisé français par décret du 6 août 2021, ce dernier étant employé comme ingénieur en contrat à durée indéterminée. Ensemble ils ont donné naissance au jeune A..., né à Cannes le 21 avril 2019. La réalité de la vie commune avec son époux, au sein du logement dont ce dernier est propriétaire, est établie au plus tard depuis l'entrée en France de Mme C.... Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, Mme C... est fondée à soutenir que la décision par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour a porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée contraire aux dispositions et stipulations précitées. La décision du 4 janvier 2021 est donc à ce second titre entachée d'illégalité. 9. Par suite, ces illégalités constituent une faute de nature à engager la responsabilité de l'État à l'égard de Mme C... à raison des préjudices certains et directs qu'elle a causés et qu'il appartient à l'intéressée d'établir. En ce qui concerne les préjudices subis : 10. Mme C... soutient que la faute commise par le préfet des Alpes-Maritimes l'a privée d'une chance sérieuse de percevoir des revenus. Il résulte de l'instruction qu'elle devait être engagée en qualité d'assistante spécialiste associée à temps plein au sein du service de néphrologie de centre hospitalier universitaire de Nice, à compter du 1er septembre 2021, pour un salaire mensuel brut de 2 537 euros auquel devait s'ajouter des services de permanence de soins à raison d'environ 8,5 astreintes par mois au taux de 42,64 euros bruts l'une, 2 à 3 pages de cinq heures liées aux déplacements d'astreinte au taux de 110,01 euros bruts l'une ainsi que 3 demi-gardes effectuées en hémodialyse à 110,01 euros bruts l'une. Si Mme C... a été mise en possession d'un récépissé de demande de titre de séjour du 21 juillet 2021 renouvelé jusqu'au 20 janvier 2022, il résulte de l'instruction, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Nice au point 5 du jugement attaqué, que ce récépissé valant autorisation provisoire de séjour n'autorisait pas son titulaire à occuper un emploi. La requérante a ensuite été mise en possession, à compter du 17 janvier 2022 jusqu'au 16 juillet 2022, d'un récépissé de demande de carte de séjour l'autorisant à travailler et a conclu un contrat de travail d'une durée d'un an à compter du 16 février 2022 au sein du centre hospitalier universitaire de Nice en qualité d'assistant spécialiste associé des hôpitaux. Mme C... justifie ainsi que le refus illégal de renouveler son titre de séjour lui a fait perdre une chance sérieuse d'occuper l'emploi d'assistant spécialiste associé à temps plein au sein du service de néphrologie du centre hospitalier universitaire de Nice à compter du 1er septembre 2021 et jusqu'au 17 janvier 2022. Elle est donc fondée à soutenir que les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'une erreur de droit en niant l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'illégalité de la décision attaquée et la perte de chance de pouvoir travailler pour rejeter sa demande indemnitaire. Elle a ainsi droit à l'indemnisation de ce chef de préjudice pour la période de trois mois et demi allant du 1er septembre 2021, date à laquelle son embauche était prévue au sein du centre hospitalier universitaire de Nice, jusqu'au 17 janvier 2022, date de délivrance de l'autorisation provisoire de séjour l'ayant autorisée à travailler. 11. Mme C... sollicite une indemnisation correspondant à la moitié de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir en tant d'assistant spécialiste associé à temps plein. Les pièces produites à l'appui de sa requête justifient des montants de rémunération bruts mensuels qu'elle allègue dans ses écritures. Dans ces conditions, le préjudice matériel subi par Mme C..., et dont la réparation incombe à l'Etat, s'établit à la somme totale de 11 959,50 euros. Il y a donc lieu de condamner l'Etat à réparer le préjudice matériel de Mme C... dans la limite de ses conclusions indemnitaires, soit 9 396,75 euros. 12. Si Mme C... demande l'indemnisation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 du présent arrêt, qu'en l'absence d'éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement attaqué, ses prétentions ne sont recevables que dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, soit 9 396,75 euros. Il y a lieu, par suite, de rejeter la demande d'indemnisation de ce second chef de préjudice. 13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à demander la condamnation de l'Etat, à raison de l'illégalité qui entache le refus de séjour du 4 janvier 2021, à lui payer la somme totale de 9 396,75 euros. 14. Mme C... est donc fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande indemnitaire. Sur les frais liés au litige : 15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 16 mars 2023 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires de Mme C.... Article 2 : L'Etat est condamné à payer la somme de 9 396,75 euros à Mme C.... Article 3 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente de chambre, - Mme Lison Rigaud, présidente-assesseure, - M. Nicolas Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. 2 N° 23MA01268 |
CETATEXT000048424463 | J7_L_2023_11_00021DA02767 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424463.xml | Texte | CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 21DA02767, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de DOUAI | 21DA02767 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme Viard | LANCKRIET | Mme Dominique Bureau | M. Carpentier-Daubresse | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 28 mai 2019 par lequel le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières a prononcé à son encontre la sanction de la révocation à compter du 3 juin 2019 et de mettre à la charge du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières la somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par une demande distincte, Mme B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le maire de la commune de Ferrières l'a radiée des cadres à compter du 3 juin 2019 et de mettre à la charge du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières la somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Enfin, par une demande distincte, transmise au tribunal administratif d'Amiens par une ordonnance du 19 juin 2020 du président du tribunal administratif de Lille, Mme B... a demandé l'annulation de l'avis du 7 novembre 2019 par lequel le conseil de discipline de recours de la région Hauts-de-France a estimé que la sanction de la révocation était justifiée à son égard et de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par un jugement n° 1902498, 1902700 et 2001745 du 23 juin 2021, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir joint les demandes de Mme B..., d'une part, a annulé l'arrêté du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières du 28 mai 2019 en tant qu'il fixe une date de révocation et de radiation des cadres de Mme B... antérieure au 19 juin 2019, d'autre part, a annulé l'arrêté du maire de la commune de Ferrières du 13 juin 2019 en tant qu'il fixe une date de radiation des cadres de Mme B... antérieure au 19 juin 2019, et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 décembre 2021 et le 25 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Stéphanie Calot-Foutry, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières du 28 mai 2019 et de l'arrêté du 13 juin 2019 du maire de la commune de Ferrières, dans la mesure où ces arrêtés s'appliquent à compter du 19 juin 2019 ; 2°) d'annuler l'arrêté du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières du 28 mai 2019 et l'arrêté du 13 juin 2019 du maire de la commune de Ferrières, dans la mesure où ces arrêtés s'appliquent à compter du 19 juin 2019 ; 3°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières la somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : - les faits qui lui sont reprochés ne peuvent être tenus pour établis eu égard tant à l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'ordonnance par laquelle le procureur de la République a classé sans suite la plainte pour faux et usage de faux déposée à son encontre par le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières qu'aux constatations de fait contenues dans le jugement du 15 juin 2018 du tribunal administratif d'Amiens prononçant l'annulation de la décision de licenciement pour inaptitude professionnelle prise à son encontre ; - la sanction de la révocation revêt un caractère disproportionné par rapport à la gravité des faits qui lui sont reprochés ; - l'arrêté du 28 mai 2019 est entaché de détournement de pouvoir. Par des mémoires, enregistrés le 3 mai 2022 et le 14 juin 2022, le syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et la commune de Ferrières, représentés par Me Sophie Lanckriet, concluent au rejet de la requête et demandent, en outre, à la cour de mettre à la charge de Mme B... le versement à chacun d'eux de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la requête est tardive ; - les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 8 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 août 2022. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 % par une décision du 28 septembre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Berjon, représentant le syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et la commune de Ferrières. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a été nommée agent administratif titulaire au sein du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et de la commune de Ferrières en 2007 pour y exercer, à temps partiel, les fonctions de secrétaire. Par un arrêté du 28 mai 2019, le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières a prononcé à son encontre la sanction de la révocation à compter du 3 juin 2019. Par un arrêté du 13 juin 2019, le maire de la commune de Ferrières l'a, en conséquence, radiée des cadres de la fonction publique. Saisi par Mme B..., le conseil de discipline de recours de la région Hauts-de-France a rendu un avis favorable à sa révocation. Mme B... a contesté ces deux arrêtés et cet avis devant le tribunal administratif d'Amiens. Elle relève appel du jugement du 23 juin 2021 en tant que ce tribunal, après avoir annulé l'arrêté du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières du 28 mai 2019 et celui du maire de la commune de Ferrières du 13 juin 2019, dans la mesure seulement où ces arrêtés fixaient une date d'effet antérieure au 19 juin 2019, a rejeté le surplus de ses demandes dirigées contre ces deux décisions. Sur la légalité de l'arrêté du 28 mai 2019 du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières : 2. Pour prononcer à l'encontre de Mme B... la sanction de la révocation, par l'arrêté contesté du 28 mai 2019, le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières s'est fondé sur deux griefs tirés de manquements par l'intéressée à son devoir de probité et à son devoir d'obéissance. En ce qui concerne la matérialité des faits reprochés à Mme B... : S'agissant du grief tiré d'un manquement au devoir de probité : 3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes du jugement n° 1602635 rendu par le tribunal administratif d'Amiens le 15 juin 2018, que Mme B... avait demandé, le 16 août 2016 à ce tribunal, de condamner le syndicat intercommunal scolaire de Ferrières à lui verser la nouvelle bonification indiciaire au titre de la période du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2016. Au cours de cette instance, elle s'est prévalue d'un arrêté lui accordant cet élément de rémunération, sur lequel elle a apposé le cachet du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières avant de se le notifier à elle-même malgré l'absence de signature par le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et alors que, par un courrier du 12 septembre 2015, celui-ci avait rejeté sa demande. Mme B... ne conteste pas sérieusement avoir ainsi tiré parti de ses fonctions de secrétaire du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières pour établir un document destiné à lui procurer frauduleusement un avantage injustifié au détriment de cet établissement public intercommunal. Les faits qui lui sont reprochés sont ainsi suffisamment établis. 4. En second lieu, si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision du procureur de la République prononçant un classement sans suite, tirée de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Par suite, et alors que la matérialité des faits qui lui sont reprochés est établie par l'autorité administrative, Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir de la décision du 25 avril 2019 par laquelle le procureur adjoint de la République de Beauvais a procédé au classement sans suite de la plainte pour faux et usage de faux déposée le 20 juillet 2018 par le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières, au motif que l'infraction reprochée était insuffisamment caractérisée. S'agissant du grief tiré d'un manquement au devoir d'obéissance : 5. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours du remplacement de Mme B..., qui se trouvait en congé de maladie, par un agent mis à la disposition du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et de la commune de Ferrières par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Oise, cet agent a relevé que l'intéressée n'exécutait pas convenablement les missions qui lui incombaient, notamment en ce qui concerne le paiement des factures du syndicat intercommunal, la gestion des salaires du personnel et la réalisation d'opérations de trésorerie. Mme B... a refusé de se conformer aux instructions contenues dans une lettre d'avertissement adressée le 30 mars 2015 par le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières qui, après avoir dressé une liste des manquements constatés, lui ordonnait de réaliser un certain nombre de tâches et prévoyait des mesures d'organisation susceptibles de faciliter l'exécution par l'intéressée de ses missions. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis. En ce qui concerne le caractère fautif des faits reprochés à Mme B... et le caractère proportionné de la sanction : 6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. 7. En premier lieu, les faits commis par Mme B..., mentionnés aux points 3 et 5, sont constitutifs d'un manquement aux devoirs d'obéissance et de probité, qui incombent à tout fonctionnaire et sont rappelés aux articles 25 et 28, alors en vigueur, de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. 8. En second lieu, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, applicable au litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / (...) / Quatrième groupe : / (...) / la révocation ". 9. Mme B... affirme que sa manière de servir n'avait donné lieu à aucun reproche avant le changement de gouvernance de la commune de Ferrières et du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières, à la suite des élections municipales de 2014. Elle fait également valoir qu'un climat de mésentente s'était installé entre elle et sa hiérarchie, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif d'Amiens dans deux jugements n° 1602640 et n° 1602658 du 15 juin 2018, annulant les décisions de licenciement pour incapacité professionnelle prononcées à son encontre par le maire de la commune de Ferrières et le syndicat intercommunal scolaire de Ferrières, respectivement, par un arrêté du 7 janvier 2016 et par un arrêté du 15 janvier 2016 confirmé le 29 juillet 2016. Toutefois, l'ensemble de ces éléments n'est pas de nature à atténuer la gravité des fautes commises par Mme B..., qui fondent l'arrêté contesté du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières. Dans ces conditions, la sanction de la révocation prononcée à son encontre ne revêt pas un caractère disproportionné. En ce qui concerne le moyen tiré d'un détournement de pouvoir : 10. Mme B... fait valoir que le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrière avait très tôt manifesté à son égard l'intention de l'écarter de ses fonctions en raison d'une animosité personnelle, dès lors que, dans l'exercice de son mandat de maire de la commune de Ferrière, il l'avait suspendue de ses fonctions dès le 26 juin 2015 et, au terme de cette mesure conservatoire, avait installé son poste de travail dans la salle du conseil municipal en lui interdisant d'accéder aux deux bureaux du rez-de chaussée et de " perturber le travail de [son] collègue " ou les " habitants de la commune venant pour des renseignements ou autre ". Elle souligne également que l'intitulé de l'arrêté du 7 janvier 2016 du maire de la commune de Ferrières prononçant son licenciement pour inaptitude professionnelle, de même que celui des deux arrêtés du 31 décembre 2015 et du 4 janvier 2016 ayant le même objet, en définitive annulés par leur auteur et remplacés par l'arrêté du 7 janvier 2016, faisaient référence à la sanction disciplinaire de la révocation. Mme B... se prévaut, enfin, de ce que ce dernier arrêté, ainsi que ceux du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières du 15 janvier 2016 et du 29 juillet 2016, prononçant sa révocation pour inaptitude professionnelle, ont été annulés par le tribunal administratif d'Amiens au motif que les faits qui lui étaient reprochés n'étaient pas constitutifs d'une telle inaptitude. 11. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier des signatures figurant sur plusieurs documents produits par les parties, que, contrairement à ce que soutient Mme B..., les mandats de maire de la commune de Ferrières et de président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières n'étaient pas exercés par la même personne. 12. Par ailleurs, si l'un des griefs sur lequel se fonde l'arrêté contesté du 28 mai 2019, prononçant à l'encontre de Mme B... la sanction de la révocation, repose en partie sur les faits qui lui avaient antérieurement été reprochés en tant que constitutifs d'une inaptitude professionnelle, désormais qualifiés de manquement par l'intéressée à son devoir d'obéissance, et pour lesquels le maire de la commune de Ferrières avait initialement envisagé de lui infliger une sanction, la procédure disciplinaire ayant donné lieu à l'édiction de cet arrêté a été engagée, le 9 octobre 2018, à la suite du prononcé du jugement n° 1602635 du 15 juin 2018 du tribunal administratif d'Amiens, lequel faisait état de la production, par Mme B..., d'un arrêté lui accordant le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire, établi par ses soins et présenté comme émanant du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières. L'arrêté contesté du 28 mai 2019 a ainsi été pris en considération de la révélation d'un fait nouveau, commis par Mme B... dans le cadre de ses relations avec le syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et constitutif d'un manquement par l'intéressée à son devoir de probité. 13. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté du 28 mai 2019 ait été pris par le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières dans un but étranger à la volonté de sanctionner le comportement fautif de Mme B.... Il s'ensuit que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi. Sur la légalité de l'arrêté du maire de la commune de Ferrières portant radiation des cadres : 14. Aux termes de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte : / (...) / 4° De la révocation. / (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une décision de radiation n'est prise, pour la gestion des cadres, qu'en conséquence de la cessation définitive de fonctions résultant d'une décision administrative ou juridictionnelle antérieure. 15. Mme B... ayant fait l'objet d'une sanction de révocation et par suite ayant perdu la qualité de fonctionnaire, le maire de la commune de Ferrières était, ainsi qu'il l'a indiqué dans la décision contestée, tenu, en application des dispositions législatives citées au point précédent, de prononcer sa radiation des cadres. Dès lors que le présent arrêt rejette les conclusions de Mme B... dirigées contre l'arrêté du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières du 28 mai 2019 lui infligeant la sanction de la révocation, il n'y a pas lieu d'annuler, par voie de conséquence, la décision du maire de la commune de Ferrières du 13 juin 2019. 16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières du 28 mai 2019 et contre l'arrêté du maire de la commune de Ferrières du 13 juin 2019, en tant que ces arrêtés s'appliquent à compter du 19 juin 2019. Sur les frais relatifs à l'instance : 17. Les dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et de la commune de Ferrières, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présence instance. 18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les frais, non compris dans les dépens, exposés par le syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et la commune de Ferrières dans la présente instance. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et la commune de Ferrières sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au syndicat intercommunal scolaire de Ferrières, à la commune de Ferrières et à Me Calot-Foutry. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La rapporteure, Signé : D. Bureau La présidente de chambre, Signé : M.-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne à la préfète de l'Oise ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 21DA02767 |
CETATEXT000048424464 | J7_L_2023_11_00022DA01186 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424464.xml | Texte | CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01186, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01186 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme Viard | AARPI ADMYS AVOCATS | M. Frédéric Malfoy | M. Carpentier-Daubresse | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens : Sous le n° 2100009, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel le président de la communauté de communes Thelloise a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'autre part, d'enjoindre au président de la communauté de communes Thelloise de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de prendre en charge les soins qui lui sont liés dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et enfin de mettre à la charge de la communauté de communes Thelloise une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sous le n° 2100962, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 du président de la communauté de communes Thelloise en ce qu'il lui refuse la prolongation de son congé de longue maladie du 1er mars 2021 au 30 avril 2021, d'autre part, d'enjoindre au président de la communauté de communes Thelloise de la placer en congé de longue maladie pour une durée de six mois à compter du 1er novembre 2020 dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le même délai et enfin de mettre à la charge de la communauté de communes Thelloise une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sous le n° 2101795, d'une part, d'annuler l'arrêté du 18 mars 2021 par lequel le président de la communauté de communes Thelloise l'a radiée des cadres pour abandon de poste à compter du 15 mars 2021 ainsi que l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel ce président a décidé une retenue sur son traitement pour la période du 1er mars au 15 mars 2021, d'autre part, d'enjoindre au président de la communauté de communes Thelloise de la placer dans une position régulière à compter du 1er mars 2021, de lui verser ses arriérés de rémunération et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux. En outre, Mme B... a demandé que soit mise à la charge de la communauté de communes Thelloise une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2100009, 2100962 et 2101795 du 6 avril 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté l'ensemble de ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 7 juin 2022, le 20 février 2023 et le 29 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Delarue, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler les décisions attaquées ; 3°) d'enjoindre à la communauté de communes Thelloise de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de prendre en charge les soins qui lui sont liés dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) d'enjoindre à la communauté de communes Thelloise de la placer en congé de longue maladie pour une durée de six mois dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le même délai ; 5°) d'enjoindre à la communauté de communes Thelloise de la placer dans une position régulière à compter du 1er mars 2021, de lui verser ses arriérés de rémunération et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux ; 6°) de mettre à la charge de la communauté de communes Thelloise une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier ; ses visas mentionnent une note en délibéré enregistrée le 25 mars 2022 dans la requête n° 2100962 alors qu'elle n'a adressé aucune note en délibéré ; - l'arrêté du 2 novembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité de sa maladie au service a été pris sans qu'un rapport du médecin de prévention soit adressé à la commission de réforme ; l'omission de cette formalité imposée par l'article 37-7 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 l'a privée d'une garantie et vicie la procédure de consultation de la commission de réforme ; l'existence du rapport du médecin de prévention ne peut être établie par l'attestation du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Oise ; il n'est pas davantage établi que le médecin de prévention aurait été informé de la réunion de la commission de réforme et de son objet ; - il n'est pas démontré que les documents médicaux fondant sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ont été effectivement communiqués à la commission de réforme ; cette omission, constitutive d'une méconnaissance de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, l'a privée d'une garantie ; - l'avis rendu par la commission de réforme est également irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que le mandat de son président ait été régulièrement prolongé ; les dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 ont donc été méconnues ; - en l'absence de motivation, notamment en ce qui concerne le lien de causalité entre les fonctions exercées et la maladie, l'avis défavorable rendu par la commission de réforme méconnaît l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004 ainsi que l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation en ce qui concerne le lien entre sa maladie et le service et méconnaît l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - l'arrêté du 19 février 2021 refusant de prolonger son congé de longue maladie pour la période comprise entre le 1er mars et le 30 avril 2021 est intervenu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le médecin de prévention n'a pas remis son rapport au comité médical en méconnaissance des articles 9, 24 et 33 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; ce rapport est requis, même lorsque le comité médical est saisi d'une demande d'avis sur la prolongation du congé de longue maladie ; en outre, ce rapport était obligatoire dès lors que le comité médical devait également se prononcer sur son aptitude à reprendre ses fonctions ; en l'absence d'un tel rapport, elle a été privée d'une garantie ; - il a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le comité médical s'est prononcé au regard de l'avis du comité médical supérieur du 1er décembre 2020 rendu sur la demande de congé de longue durée ; - il a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le comité médical n'avait pas été saisi d'une demande d'avis sur son aptitude à reprendre son poste ; - l'irrégularité de la procédure découle également de ce que le comité médical s'est prononcé sur son aptitude à reprendre son poste sans avoir procédé aux examens prévus par les articles 12 et 13 de l'arrêté ministériel du 3 octobre 1977 relatif aux examens médicaux effectués en vue du dépistage chez les candidats aux emplois publics des affections ouvrant droit au congé de longue maladie et de l'octroi aux fonctionnaires des congés de longue maladie ; - cet arrêté a aussi été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il se prononce implicitement sur la capacité de Mme B... à reprendre son poste sans qu'un médecin spécialiste agréé ne se soit prononcé sur son aptitude à la reprise ; - il est entaché d'une erreur de droit, la communauté de communes Thelloise s'étant crue liée par l'avis du comité médical ; - sa maladie rendant nécessaire un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée, la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 3° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ; - l'arrêté du 18 mars 2021 portant radiation des cadres pour abandon de poste est intervenu selon une procédure irrégulière dès lors que le temps imparti par la mise en demeure pour rejoindre son poste était insuffisant ; - son état de santé justifiait qu'elle soit convoquée à une visite de reprise avec le médecin de prévention ; l'absence d'une telle visite fait obstacle à ce qu'elle puisse être regardée en situation d'abandon de poste ; - en sollicitant une visite médicale de reprise, elle a manifesté sa volonté de ne pas rompre le lien avec le service ; - à défaut d'être affectée sur un emploi précis à la date du 15 mars 2021, elle ne peut être considérée comme ayant abandonné son poste ; - l'arrêté du 18 mars 2021 portant radiation des cadres pour abandon de poste et l'arrêté du 19 mars 2021 opérant une retenue sur son traitement doivent être annulés en conséquence de l'illégalité de la décision 19 février 2021 refusant de prolonger son congé de longue maladie. Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 janvier et 14 mars 2023, la communauté de communes Thelloise, représentée par Me Creveaux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est régulier ; - les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 30 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 avril 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - l'arrêté du 3 octobre 1977 relatif aux examens médicaux effectués en vue du dépistage chez les candidats aux emplois publics des affections ouvrant droit au congé de longue maladie et de l'octroi aux fonctionnaires des congés de longue maladie ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Creveaux pour la communauté de communes Thélloise. Considérant ce qui suit : 1. Depuis le 1er janvier 2016, Mme A... B..., rédactrice territoriale, exerçait en qualité d'instructrice droit des sols, au sein du service de l'urbanisme de la communauté de communes Thelloise. Elle a été placée en congé de longue maladie à partir du 1er août 2018. Le 12 février 2020, Mme B... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. La commission de réforme a rendu un avis défavorable à cette demande le 18 juin 2020 et le président de la communauté de communes Thelloise a rejeté la demande de l'intéressée, par un arrêté du 25 juin 2020. Toutefois, il a retiré cet arrêté le 21 octobre 2020 qui faisait l'objet d'une contestation auprès du tribunal administratif d'Amiens de la part de Mme B..., cette dernière invoquant une irrégularité lors du recueil de l'avis de la commission de réforme. A nouveau saisie, la commission de réforme a rendu un nouvel avis défavorable le 24 septembre 2020. Par un arrêté du 2 novembre 2020, le président de la communauté de communes Thelloise a alors de nouveau rejeté la demande de l'intéressée. Mme B... a demandé l'annulation de cette décision au tribunal administratif d'Amiens aux termes d'une requête enregistrée sous le n° 2100009. 2. Par la suite, consulté le 18 février 2021, le comité médical départemental s'est prononcé en faveur de la prolongation du congé de longue maladie de Mme B... du 1er novembre 2020 au 18 février 2021 et de son aptitude à exercer ses fonctions à cette dernière date. Par un arrêté du 19 février 2021, le président de la communauté de communes Thelloise a prolongé son congé de longue maladie du 1er novembre 2020 au 28 février 2021. Par une deuxième requête enregistrée sous le n° 2100962, Mme B... en a demandé l'annulation au tribunal administratif d'Amiens, en tant que cet arrêté lui refuse la prolongation de ce congé du 1er mars 2021 au 30 avril 2021. 3. Enfin, au vu de l'avis précité du comité médical départemental, par un courrier du 19 février 2021, le président de la communauté de communes Thelloise a décidé que Mme B... était apte à reprendre son service à compter du 1er mars 2021. Mme B... n'ayant cependant pas rejoint son service à cette date, la collectivité lui a adressé un courrier daté du 5 mars 2021 la mettant en demeure de reprendre ses fonctions le 15 mars 2021 à 8 heures 30. L'intéressée ne s'est pas présentée aux jour et heure précités de sorte que par un arrêté du 18 mars 2021, le président de la communauté de communes Thelloise a radié Mme B... des cadres pour abandon de poste. Le lendemain, par un arrêté du 19 mars 2021, cette même autorité a décidé d'opérer une retenue sur le traitement de Mme B... pour la période courant du 1er au 15 mars 2021. Par une troisième requête, enregistrée sous le n° 2101795, Mme B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens l'annulation de ces deux arrêtés. 4. Le tribunal administratif d'Amiens, qui a joint les trois requêtes, a rejeté l'ensemble de ses demandes par un jugement du 6 avril 2022. Mme B... relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 5. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique [...] Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. ". 6. Eu égard à l'objet de l'obligation ainsi prescrite, qui est de permettre à l'auteur de la note en délibéré de s'assurer que la formation de jugement en a pris connaissance, la circonstance qu'une note en délibéré n'a pas été mentionnée dans la décision, en méconnaissance de cette obligation, ne peut être utilement invoquée pour contester cette décision que par la partie qui a produit cette note. 7. Il ressort des visas du jugement la mention d'une note en délibéré enregistrée le 25 mars 2022 dans la requête n° 2100962 présentée par Mme B.... Il est constant que l'auteur de cette note est la communauté de communes Thelloise. L'attribution erronée de cette note à Mme B... constitue une simple erreur matérielle sans influence sur la régularité du jugement. En tout état de cause, compte tenu du principe précédemment rappelé, Mme B..., qui n'est pas l'auteure véritable de la note en délibéré, ne peut utilement invoquer ce moyen de régularité. Sur le bien-fondé du jugement : Sur les conclusions d'annulation de la décision du 2 novembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité de la maladie au service : 8. En premier lieu, aux termes de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, applicable à la situation de Mme B... : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 (2°, 2e alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui lui est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné. ". 9. Si Mme B... soutient qu'aucun rapport écrit n'a été établi par le médecin de prévention en vue de l'examen de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, cette affirmation est contredite par le courrier que le président du centre de gestion (CDG) de la fonction publique territoriale de l'Oise a adressé au président de la communauté de communes Thelloise le 22 mars 2021. Il ressort de ce courrier, la confirmation, par le président du CDG, d'une part, que le dossier soumis à la commission de réforme contenait un rapport du médecin de prévention, en date du 18 mai 2020, établi lors d'une visite médicale à laquelle s'était présentée Mme B..., transmis sous pli confidentiel à la commission, et d'autre part, que l'agent concerné venu consulter son dossier à trois reprises les 10 juin, 6 août et 21 septembre 2020 s'était vu remettre une copie intégrale de son dossier contenant ce rapport. Dans ces conditions, ce courrier suffisamment précis et circonstancié, émanant d'une autorité qui n'est pas liée à la collectivité d'emploi de l'agent, doit être regardé comme de nature à établir l'existence du rapport du médecin de prévention, au demeurant soumis au secret médical. Mme B..., n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie que constitue la transmission, à la commission de réforme, du rapport écrit d'un médecin du service de médecine préventive. 10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. / Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". 11. Il ressort des observations consignées dans le courrier cité au point 9, que le dossier dont avait été initialement saisie la commission de réforme devant siéger le 18 juin 2020, comportait les documents remis par Mme B... sous pli confidentiel, mais que les membres de la commission avaient omis d'en prendre connaissance. Pour ce motif, l'examen de la situation de Mme B... a été renvoyé à une séance programmée le 24 septembre 2020. S'il apparaît, dans le procès-verbal de cette seconde séance, la mention selon laquelle l'agent n'a remis aucun document, cette indication ne permet pas d'affirmer, comme le fait l'appelante, que l'ensemble des documents qu'elle avait souhaité soumettre initialement à l'appréciation des membres de la commission de réforme n'auraient pas été mis à leur disposition. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la commission de réforme a statué sur la base d'un dossier incomplet. 12. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 susvisé : " Le président de la commission de réforme est désigné par le préfet qui peut choisir soit un fonctionnaire placé sous son autorité, soit une personnalité qualifiée qu'il désigne en raison de ses compétences, soit un membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. Dans ce cas, un président suppléant, n'appartenant pas à la même collectivité, est désigné pour le cas où serait examinée la situation d'un fonctionnaire appartenant à la collectivité dont est issu le président. Le président dirige les délibérations mais ne participe pas au vote. / Cette commission comprend : / 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; / 2. Deux représentants de l'administration ; / 3. Deux représentants du personnel. (...) ". Aux termes de l'article 8 du même arrêté : " (...) Le mandat au sein de la commission de réforme des représentants des collectivités se termine au terme du mandat de l'élu, quelle qu'en soit la cause. Celui-ci est dès que possible remplacé ou reconduit dans ses attributions. (...) Toutefois, en cas de besoin, notamment en cas d'urgence, le mandat des membres de la commission de réforme peut être prolongé jusqu'à l'installation des nouveaux titulaires. (...) ". 13. Il ressort du courrier déjà cité du 22 mars 2021 du président du centre de gestion de l'Oise, que le président de la commission de réforme doit être regardé comme ayant été désigné par le préfet en qualité de membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. Il est constant qu'il n'était plus titulaire de son mandat à la date du 24 septembre 2020, au cours de laquelle il a présidé la séance de la commission chargée d'examiner la situation de Mme B.... Contrairement aux affirmations contenues dans ce courrier, sa qualité d'administrateur du CDG ne permet pas de considérer qu'à cette dernière date, il était membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme au sens des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004, qui ne concernent que les élus des assemblées délibérantes des collectivités territoriales. Toutefois, si, selon le troisième alinéa de l'article 3 précité, le président de la commission de réforme dirige les délibérations sans participer aux votes, cette circonstance ne le prive pas de la qualité de membre de la commission. Dans ces conditions, les dispositions de l'article autorisant, en cas de besoin, notamment en cas d'urgence, la prolongation du mandat des membres de la commission de réforme jusqu'à l'installation des nouveaux titulaires lui sont applicables au même titre que les membres représentant des collectivités. Il s'ensuit que dans l'attente de l'installation des nouveaux titulaires de ces collectivités, le mandat du président de la commission de réforme pouvait être prolongé. A cet égard, le délai écoulé entre le mois de juin 2020 et le 24 septembre suivant ne saurait être regardé comme excessif, compte tenu notamment de la crise sanitaire à laquelle les collectivités et les administrations étaient confrontées. En tout état de cause, à supposer que les dispositions de l'article 8 ne puissent être étendues au mandat du président de la commission de réforme, la prolongation irrégulière de son mandat n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de l'arrêté contesté dès lors qu'il est constant que le président n'a pas voix délibérative et elle ne saurait ainsi être regardée comme ayant, en l'espèce, privé Mme B... d'une garantie, laquelle n'allègue au demeurant pas que le président aurait cherché à influencer les membres de la commission ou aurait fait preuve de partialité ou d'une animosité particulière à son encontre. Par suite, ce moyen doit être écarté. 14. En quatrième lieu, l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004 susvisé dispose : " Les avis sont émis à la majorité des membres présents. Ils doivent être motivés, dans le respect du secret médical. ". 15. Il ressort du procès-verbal de séance du 24 septembre 2020 de la commission de réforme que cette dernière a estimé, en précisant le motif de sa saisine et le sens défavorable de son avis, que la pathologie " est hors tableau d'une maladie professionnelle avec un taux d'IPP de 20 % au vu des éléments du dossier, taux inférieur à 25 % ", pour en conclure que les conditions du congé d'invalidité temporaire imputable au service n'étant pas remplies, la pathologie ne peut être reconnue imputable au service. Il résulte de ces énonciations, que cet avis satisfait à l'exigence de motivation qui résulte de l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004. 16. En cinquième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 17. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / (....) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". 18. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique territoriale, que depuis l'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret dont l'intervention était, au demeurant, prévue par le VI de cet article 21 bis. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, soit le 12 avril 2019. 19. Dès lors que les droits des agents en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée, la situation de Mme B... dont le syndrome dépressif pour épuisement moral et décompensation a été diagnostiqué le 1er août 2018, conformément à ce que l'intéressée a indiqué dans sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service présentée le 12 février 2020, était exclusivement régie par les conditions de forme et de fond prévues avant l'entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires relatives au nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. 20. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 21. Pour demander que soit reconnu le lien direct avec l'exercice de ses fonctions du syndrome dépressif qu'elle a déclaré auprès de son employeur le 12 février 2020, Mme B... invoque un contexte professionnel à l'origine de la dégradation de son état de santé ayant débuté à compter du mois de mars 2018, correspondant à sa reprise d'activité, à la suite d'une interruption pour cause de maladie depuis le mois de novembre 2017. 22. Il ressort des expertises médicales versées au dossier, réalisées par deux médecins agréés à la demande de la collectivité ainsi que des certificats établis par des médecins psychiatres assurant la prise en charge et le suivi de Mme B..., que l'intéressée présente, depuis le 1er août 2018, un état anxiodépressif sans état antérieur et sans facteurs prédisposants, pour lequel elle bénéficie d'un suivi régulier par un psychothérapeute, un médecin psychiatre et se rend en consultation dans un hôpital spécialisé dans les pathologies de " souffrance au travail ". Pour conclure à l'origine professionnelle de son affection psychique, ces praticiens se fondent sur le récit fait par Mme B..., des conditions dans lesquelles elle a repris son travail, après son interruption de quatre mois, pour une pathologie intestinale particulièrement invalidante. Selon le médecin agréé, qui l'a examinée le 3 septembre 2019 dans le cadre de sa demande de congé de longue maladie, Mme B... ayant vécu une situation médicale douloureuse et difficile pendant quatre mois attendait un peu de bienveillance de son employeur et d'empathie, mais s'est trouvée confrontée à une remise en cause de sa situation médicale par sa hiérarchie, comportement qualifié " d'agression ". Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu reprocher, au cours des mois de mai et juin 2018, par la responsable du service urbanisme puis par la directrice générale des services, des retards et des absences, notamment à des réunions, qui n'avaient fait l'objet d'aucune information ou demande préalable, qui l'ont contrainte à devoir se justifier notamment par la production de certificats d'arrêts de travail ainsi qu'à régulariser ses absences. Si, dans ce contexte, en particulier lors d'échanges de courriels ou d'entretiens avec la directrice générale des services, Mme B... a pu nourrir le sentiment d'une remise en cause de la réalité de sa pathologie et de la sincérité de ses arrêts de travail, il ne ressort toutefois pas du dossier que la directrice générale des services aurait exigé la production de l'ensemble des feuillets composant les certificats d'arrêt de travail remis. La circonstance que dans ce contexte de suspicion de remise en cause de sa maladie, Mme B... en soit venue, après un entretien ayant eu lieu le 28 juin avec la directrice générale des services, à lui proposer de consulter son dossier médical et à se soumettre à un contrôle médical, ne permet pas d'établir la volonté de la directrice de remettre en cause sa pathologie ou les motifs de ses retards ou absences dès lors que par un courriel du 3 juillet, cette dernière lui a fait connaître que sa situation était régularisée et qu'elle n'entendait pas s'immiscer dans sa vie privée en consultant son dossier médical. Si Mme B... impute également la dégradation de son état de santé à un incident s'étant produit avec un collègue l'ayant raillée sur le ton d'une allusion raciste au sujet de son régime alimentaire au cours d'une pause déjeuner du 4 juin 2018, il ne ressort aucunement qu'elle ait mis cet épisode en exergue dans ses doléances auprès des experts agréés ou de ses médecins traitants. Au demeurant, contrairement à ce qu'elle soutient, il ressort des pièces du dossier que son employeur n'est pas demeuré silencieux à la suite de cet incident dès lors qu'elle a convoqué l'agent pour l'admonester. Enfin, il ressort du témoignage circonstancié de la responsable du service urbanisme, qui n'est pas contesté par Mme B..., que dès son retour le 19 mars 2018, l'intéressée s'est mise en retrait et s'est placée dans une attitude d'isolement et de distanciation avec sa communauté de travail. Par suite, alors même que les médecins psychiatres experts ont estimé établi le lien entre la pathologie anxiodépressive de Mme B... et le service, le contexte professionnel ne permet pas de caractériser des conditions de travail de nature à susciter le développement de cette maladie. 23. Dans ces conditions, le président de la communauté de communes Thelloise n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 en refusant de reconnaître l'imputabilité au service du syndrome anxiodépressif développé par Mme B.... 24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2020 par laquelle le président de la communauté de communes Thelloise a refusé de reconnaître l'imputabilité de sa pathologie au service. Sur les conclusions d'annulation de la décision du 19 février 2021 refusant de prolonger le congé de longue maladie du 1er mars au 30 avril 2021 : 25. En premier lieu, aux termes de l'article 9 du décret du 30 juillet 1987 susvisé : " Le médecin du service de médecine préventive prévu à l'article 108-2 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée compétent à l'égard du fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir s'il le demande communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 24, 33 et 37-7 ci-dessous. / L'intéressé et l'administration peuvent faire entendre le médecin de leur choix par le comité médical. ". En vertu de l'article 24 de ce décret : " Lorsque l'autorité territoriale estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs d'un fonctionnaire, que celui-ci se trouve dans la situation prévue à l'article 57 (3° ou 4°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée, elle peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 25 ci-dessous. Un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive attaché à la collectivité ou établissement dont relève le fonctionnaire concerné doit figurer au dossier. ". En outre, aux termes de l'article 33 du même décret : " Le comité médical, consulté sur l'aptitude d'un fonctionnaire territorial mis en congé de longue maladie ou de longue durée à reprendre l'exercice de ses fonctions, peut formuler des recommandations sur les conditions d'emploi de l'intéressé sans qu'il puisse porter atteinte à sa situation administrative. / Le dossier soumis au comité médical comporte un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive. / Si l'intéressé bénéficie d'un aménagement des conditions de son travail, le comité médical, après avis du service de médecine préventive, est appelé de nouveau, à l'expiration de périodes successives d'une durée comprise entre trois et six mois, à formuler des recommandations auprès de l'autorité territoriale sur l'opportunité du maintien ou de la modification de ces aménagements. / (...) ". Enfin, selon les dispositions de son article 31 : " Le bénéficiaire d'un congé de longue maladie ou de longue durée ne peut reprendre ses fonctions à l'expiration ou au cours dudit congé que s'il est reconnu apte après examen par un spécialiste agréé et avis favorable du comité médical compétent. / Cet examen peut être demandé soit par le fonctionnaire, soit par la collectivité ou l'établissement dont il relève. / Les conditions exigées pour que la réintégration puisse être prononcée sont fixées par l'arrêté prévu à l'article 39 ci-dessous. ". 26. La situation régie par les dispositions de l'article 24 cité ci-dessus, correspond exclusivement au cas où l'administration sollicite le comité médical pour placer d'office l'agent en position de congé de maladie. Dans ces conditions, Mme B..., qui a sollicité la prolongation de son congé de longue maladie, ne peut utilement invoquer leur méconnaissance, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges. 27. En revanche, il résulte de la combinaison des articles 31 et 33 du décret du 30 juillet 1987 que lorsque le comité médical est consulté sur une demande de prolongation du congé de longue maladie, il doit nécessairement se prononcer sur l'aptitude de l'agent à reprendre l'exercice de ses fonctions, ce qui implique alors que le dossier soumis au comité médical comporte un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive. 28. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 29. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin chargé de la prévention aurait remis un rapport au comité médical départemental conformément à ce que prévoient les dispositions rappelées au point 25. La décision contestée est ainsi entachée d'un vice de procédure. Toutefois, la communauté de communes a produit un courriel daté du 25 janvier 2021, que la direction des ressources humaines a adressé au médecin de prévention pour l'informer que le dossier de demande de prolongation du congé de longue maladie de Mme B... serait examiné par le comité médical départemental le 18 février 2021, de sorte que, s'il l'estimait utile, il était loisible à ce dernier de présenter des observations écrites dans la perspective de cette séance dont il avait été informé. De plus, le comité médical ayant déjà été saisi de la situation de Mme B... pour l'octroi du congé de maladie initial et son renouvellement, il disposait d'éléments suffisants pour émettre son avis quant à l'aptitude de Mme B... à reprendre ses fonctions, en connaissance de cause. Dans ces circonstances, l'absence de rapport écrit du médecin de prévention n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de l'arrêté contesté, qui au demeurant prolonge le congé de longue maladie pour une période de quatre mois et il ne saurait être regardé comme ayant, en l'espèce, privé Mme B... d'une garantie. 30. En deuxième lieu, aux termes de l'article 25 du décret du 30 juillet 1987 susvisé : " Pour bénéficier d'un congé de longue maladie ou de longue durée le fonctionnaire en position d'activité, ou son représentant légal, doit adresser à l'autorité territoriale une demande appuyée d'un certificat de son médecin traitant spécifiant qu'il est susceptible de bénéficier des dispositions de l'article 57 (3° ou 4°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée. / Le médecin traitant adresse directement au secrétaire du comité médical compétent un résumé de ses observations et les pièces justificatives qui peuvent être prescrites dans certains cas par l'arrêté visé à l'article 39 du présent décret. / Au vu de ces pièces, le secrétaire du comité médical fait procéder à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé compétent pour l'affection en cause. / Le dossier est ensuite soumis au comité médical. Si le médecin agréé qui a procédé à la contre-visite ne siège pas au comité médical, il peut être entendu par celui-ci. / L'avis du comité médical est transmis à l'autorité territoriale qui, en cas de contestation de sa part ou du fonctionnaire intéressé, le soumet pour avis au comité médical supérieur visé à l'article 5 du présent décret. (...) ". 31. Mme B... ne conteste pas que son dossier comportait les pièces requises par l'article 25 cité ci-dessus, mais soutient que son dossier était irrégulièrement composé dans la mesure où le comité médical départemental s'est prononcé au vu d'un avis du comité médical supérieur qui n'avait pas été saisi de son congé de longue maladie. Il ressort des pièces du dossier que dans son avis rendu le 18 février 2021, le comité médical départemental a visé l'avis émis par le comité médical supérieur lors d'une séance du 1er décembre 2020. Il est constant que le comité médical supérieur n'avait été saisi que de l'examen de la demande d'octroi d'un congé de longue durée. Dès lors, la circonstance que son avis ait été visé, n'est susceptible d'avoir exercé aucune influence sur le sens de l'avis rendu par les membres du comité médical. Au surplus, d'une part, il n'est pas contesté que le comité médical supérieur s'était par ailleurs, facultativement, prononcé défavorablement et d'autre part, que la collectivité avait indiqué son souhait de ne pas remettre en cause l'octroi du congé de longue maladie sur la période antérieure. Dans ces conditions, et alors que le comité médical départemental, a rendu un avis favorable unanime à la demande de prolongation du congé de longue maladie pour une durée de quatre mois sur la base des documents médicaux qui lui étaient soumis, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que, pour se prononcer, ce comité se serait fondé sur l'avis du comité médical supérieur, ni qu'il se serait senti lié par celui-ci. 32. En troisième lieu, aux termes de l'article 32 du décret du 30 juillet 1987 : " Si, au vu de l'avis du comité médical compétent et éventuellement de celui du comité médical supérieur, dans le cas où l'autorité territoriale ou l'intéressé jugent utile de le provoquer, le fonctionnaire est reconnu apte à exercer ses fonctions, il reprend celles-ci dans les conditions fixées à l'article 33 ci-dessous. / (...) ". 33. Il résulte de ce qui a été dit au point 29, contrairement à ce que soutient l'appelante, que le comité médical s'est prononcé sur son aptitude à la reprise de ses fonctions. De même, il ressort des dispositions précitées des articles 31 et 32, que si l'avis de l'expert agréé est requis, il n'appartient pour autant qu'au seul comité départemental d'émettre l'avis final sur l'aptitude ou l'inaptitude et celui-ci n'est pas lié par le sens de l'avis rendu par le médecin expert. 34. En quatrième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) ". 35. D'abord, ainsi qu'il a été dit au point 31, pour apprécier la demande de prolongation du congé de longue maladie de Mme B..., le comité médical départemental s'est prononcé après avoir pris en considération l'ensemble des pièces médicales à sa disposition et ne s'est pas fondé sur l'avis du comité médical supérieur du 1er décembre 2020. 36. Ensuite, si Mme B... soutient que tous les éléments médicaux convergent pour démontrer que son état de santé ne lui permettait pas de reprendre son poste, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, ni l'avis rendu par un médecin expert agréé le 3 septembre 2019 sur la prolongation du congé de longue maladie, ni celui du psychiatre agréé daté du 25 mars 2019, ni la circonstance qu'en 2020, elle continuait d'être suivie par un psychiatre et son médecin traitant, ne sont de nature à établir qu'au début de l'année 2021, sa maladie présentait un caractère invalidant et de gravité confirmée. A cet égard, l'avis du médecin expert l'ayant examinée le 2 février 2021, qui se contente d'indiquer un état clinique compatible avec une prolongation du congé de longue maladie d'une durée de six mois, ne comporte aucune appréciation sur le caractère invalidant et de gravité de la pathologie. Dès lors, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation en regard des dispositions du 3° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, que le président de la communauté de communes Thelloise a pu refuser de prolonger le congé de longue maladie de Mme B... au-delà du 1er mars 2021. 37. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 19 février 2021 par laquelle le président de la communauté de communes Thelloise a refusé de prolonger son congé de longue maladie du 1er mars 2021 au 30 avril 2021. Sur les conclusions d'annulation de l'arrêté du 18 mars 2021 prononçant la radiation des cadres pour abandon de poste : 38. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé. 39. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été mise en demeure, par un courrier du 5 mars 2021, de rejoindre son poste le 15 mars suivant, à 8 h 30. Il est constant que ce courrier de mise en demeure, dont elle était en mesure d'apprécier la portée, lui a été notifié le 10 mars 2021. Par suite, le délai laissé à Mme B... pour rejoindre son poste était suffisant. 40. En deuxième lieu, l'agent qui se trouve en position de congé de maladie est regardé comme n'ayant pas cessé d'exercer ses fonctions. Par suite, il ne peut en principe faire l'objet d'une mise en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service à la suite de laquelle l'autorité administrative serait susceptible de prononcer son licenciement pour abandon de poste. Il en va toutefois différemment lorsque l'agent, reconnu apte à reprendre ses fonctions par le comité médical départemental, se borne, pour justifier sa non présentation ou l'absence de reprise de son service, à produire un certificat médical prescrivant un nouvel arrêt de travail sans apporter, sur son état de santé, d'éléments nouveaux par rapport aux constatations sur la base desquelles a été rendu l'avis du comité médical. 41. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le courrier du 5 mars 2021 mettant Mme B... en demeure de reprendre ses fonctions le 15 mars 2021, l'informait qu'elle encourait un risque de radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable en cas de non-reprise. Si l'intéressée se prévaut de ce que le comité médical ne se serait pas formellement prononcé sur sa reprise du travail à son poste puisqu'il l'avait estimée apte à " des missions relevant de son cadre d'emplois ", il ressort cependant du même avis que le comité a estimé que le maintien en congé de longue maladie n'était plus justifié à compter du 19 février 2021 de sorte qu'il a nécessairement estimé qu'elle pouvait réintégrer les fonctions qu'elle occupait auparavant au sein de la collectivité. Si, dans son avis, le comité a par ailleurs, préconisé une visite médicale de reprise avec le médecin de prévention, cette recommandation ne saurait être regardée comme suggérant une affectation sur un autre emploi ou sur un poste aménagé, qu'au demeurant l'intéressée n'a pas sollicité. De même, si le comité médical a indiqué que l'agent devait bénéficier d'une visite médicale de reprise avec le médecin de prévention, son objet n'était pas de définir les modalités médicales de sa reprise mais de s'assurer du respect des dispositions du décret n°85-603 du 10 juin 1985 qui instaure une surveillance médicale renforcée pour les agents réintégrés après un congé de longue maladie. A cet égard aucune disposition n'impose à l'administration d'organiser la visite de reprise avant le retour effectif de l'agent au service. 42. D'autre part, si, pour justifier son absence, Mme B... se prévaut, à compter du 1er mars 2021, de trois arrêts de travail délivrés successivement les 1er, 2 et 9 mars, respectivement pour les journées du 1er mars, puis du 2 au 9 mars et enfin du 10 au 29 mars, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, il apparaît qu'ils constituent des arrêts de prolongation des précédents arrêts de travail en lien avec son syndrome anxiodépressif. Aussi, Mme B... ne peut être regardée comme justifiant avoir apporté des éléments nouveaux sur son état de santé par rapport aux constatations sur la base desquelles a été rendu l'avis du comité médical départemental du 18 février 2021, l'ayant déclarée apte à reprendre ses fonctions. Dans ces conditions, Mme B... ne pouvant être regardée comme ayant apporté une justification médicale à son absence irrégulière, le président de la communauté de communes Thelloise était fondé à la radier des cadres pour abandon de poste. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté. 43. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2021 par lequel le président de la communauté de communes Thelloise a prononcé sa radiation des cadres. Sur les conclusions d'annulation de l'arrêté du 19 mars 2021 prononçant une retenue sur traitement en l'absence de service fait : 44. En l'absence d'illégalité de la décision de radiation des cadres pour abandon de poste, les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 19 mars 2021 opérant une retenue sur son traitement pour absence de service fait du 1er mars au 14 mars 2021, ne peuvent qu'être rejetées. 45. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que la requête de Mme B... doit être rejetée. Sur les frais liés au litige : 46. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Thelloise, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme B... au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la communauté de communes Thelloise sur ce même fondement. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes Thelloise présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la communauté de communes Thelloise. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : F. Malfoy La présidente de chambre, Signé : M-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au préfet de l'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, N. Roméro N° 22DA01186 2 |
CETATEXT000048424465 | J7_L_2023_11_00022DA01658 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424465.xml | Texte | CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01658, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01658 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme Borot | GENIES | M. Jean-Marc Guerin-Lebacq | M. Carpentier-Daubresse | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le président du conseil régional des Hauts-de-France a refusé de reconnaître l'imputabilité de sa maladie au service et de condamner la région Hauts-de-France à l'indemniser de ses préjudices. Par un jugement n° 2100531 du 2 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2022 et le 24 mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Fillieux, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2022 ; 2°) de désigner un expert afin de se prononcer sur sa situation médicale et l'origine de sa pathologie ; 3°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le président du conseil régional des Hauts-de-France a refusé de reconnaître l'imputabilité de sa maladie au service ; 4°) d'enjoindre à la région Hauts-de-France de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de la région Hauts-de-France une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision contestée est entachée d'incompétence ; - il n'a pas été informé de la possibilité de se faire assister par un médecin dans les conditions prévues par l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 et a ainsi été privé d'une garantie ; - la commission de réforme a omis de se prononcer sur son taux d'incapacité, en méconnaissance de l'article 37-8 du décret du 30 juillet 1987 ; - la commission ne pouvait se prononcer sur sa situation alors que son état n'était pas consolidé ; - il devait être placé en congé d'invalidité temporaire imputable au service de façon provisoire, dans l'attente de sa consolidation ; - son état préexistant ne fait pas obstacle à la reconnaissance d'une maladie professionnelle dès lors que cet état n'aurait pas suffi à le mettre dans l'incapacité d'exercer ses fonctions et que l'aggravation de sa pathologie présente un lien direct avec ses conditions de travail ; - sa pathologie doit être reconnue comme imputable au service en application du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 dès lors qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice de ses fonctions, qu'elle a entraîné une incapacité permanente de 25 % et qu'elle ne résulte pas de son comportement mais de ses conditions de travail ; - il a droit au bénéfice d'un congé d'invalidité temporaire imputable au service à compter du 29 juin 2020. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2023, la région Hauts-de-France, représentée par Me Genies, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la circonstance que la convocation à la commission de réforme omette de préciser la possibilité de se faire assister d'un médecin n'a pas privé le requérant d'une garantie ; - la pathologie du requérant n'est pas imputable au service, eu égard à son état antérieur ; - cette pathologie trouve son origine déterminante dans le comportement du requérant, de telle sorte qu'elle doit être détachée du service. La région Hauts-de-France a présenté le 12 octobre 2023 un mémoire qui n'a pas été communiqué. Par une ordonnance du 12 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 octobre 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Dantec, représentant M. B..., et de Me Genies, représentant la région Hauts-de-France. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjoint administratif territorial de la région Hauts-de-France, est affecté à la direction du patrimoine immobilier, sur le site du service de gestion foncière et immobilière implanté à Amiens. Placé en congé de maladie depuis le 29 juin 2020, il a présenté une demande d'imputabilité de sa maladie au service, qui a été rejetée par un arrêté du président du conseil régional des Hauts-de-France du 24 décembre 2020. Par un jugement du 2 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020. M. B... relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, par un arrêté du 4 mars 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la région, le président du conseil régional des Hauts-de-France a donné délégation à Mme C..., responsable du département de la gestion du personnel, pour signer, notamment, les actes de gestion se rapportant aux accidents de service et aux maladies professionnelles. Mme C... avait donc compétence pour signer, le 24 décembre 2020, l'arrêté refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. B.... Par suite, le moyen tiré d'une prétendue incompétence de l'auteur de l'acte contesté doit être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 14 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le secrétariat de la commission de réforme convoque les membres titulaires et l'agent concerné au moins quinze jours avant la date de la réunion. / La convocation mentionne la liste des dossiers à examiner, les références de la collectivité ou de l'établissement employeur, l'objet de la demande d'avis (...) ". Aux termes de l'article 16 du même arrêté : " (...) Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". 4. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 27 novembre 2020, M. B... a été convoqué à la séance de la commission de réforme prévue le 14 décembre suivant et a été informé, par ce même courrier, de la possibilité de se faire entendre par la commission et d'y être assisté, sans autre précision. L'appelant soutient que, dûment informé de la possibilité de se faire assister d'un médecin de son choix ou par un conseiller, il aurait privilégié la première option dès lors que l'assistance par un médecin devant la commission de réforme est plus appropriée que celle apportée par un représentant du personnel. Toutefois, en informant M. B... de la possibilité d'être assisté devant la commission de réforme, le courrier du 27 novembre 2020 l'a mis à même de solliciter le concours de toute personne de son choix, dont un médecin. En outre, il ressort des pièces du dossier que le requérant ne s'est pas rendu à la séance du 14 décembre 2020, que deux représentants du personnel y ont assisté à sa demande pour le défendre et que la commission a disposé du rapport d'expertise établi par un médecin psychiatre l'ayant examiné et a ainsi été suffisamment éclairée sur sa situation médicale. Dans ces conditions, la circonstance que le courrier du 27 novembre 2020 omette de préciser la possibilité d'être assisté par un médecin n'a privé l'intéressé d'aucune garantie et n'a pas eu d'incidence sur le sens de l'arrêté contesté. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif (...) / IV. - Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 37-8 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Le taux d'incapacité permanente servant de seuil pour l'application du troisième alinéa du même IV est celui prévu à l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale. / Ce taux correspond à l'incapacité que la maladie est susceptible d'entraîner. Il est déterminé par la commission de réforme compte tenu du barème indicatif d'invalidité annexé au décret pris en application du quatrième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ". 6. Il n'est pas contesté que le syndrome anxiodépressif dont souffre M. B... ne relève pas des tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Par ailleurs, il résulte des dispositions précitées du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 que la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles est subordonnée à la réalisation de deux conditions cumulatives, tenant, d'une part, à ce que la pathologie présente un lien essentiel et direct avec l'exercice des fonctions et, d'autre part, à ce qu'elle entraîne une incapacité correspondant à un taux déterminé. Il ressort des pièces du dossier que, le 14 décembre 2020, la commission de réforme a rendu un avis défavorable sur la demande d'imputabilité de M. B... au motif que son état antérieur ne permet pas de rattacher de manière exclusive, directe et certaine sa pathologie aux missions exercées. La commission a donc estimé que la maladie de M. B... n'a pas de lien essentiel et direct avec l'exercice de ses fonctions et que la première condition prévue pour la reconnaissance d'une imputabilité au service n'est pas remplie. Elle n'avait donc pas à se prononcer sur la seconde condition prévue par le IV de l'article 21 bis se rapportant au taux d'incapacité résultant de la pathologie. Pour les mêmes raisons, et contrairement à ce que soutient le requérant, la commission n'était pas tenue d'attendre la consolidation de son état de santé pour se prononcer sur cette incapacité. Le moyen tiré d'un vice de procédure sur ce point ne peut qu'être écarté. 7. En quatrième lieu, pour l'application des dispositions du troisième alinéa du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, citées au point 5, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 8. M. B... soutient que sa situation professionnelle s'est dégradée à compter de l'année 2018 avec l'arrivée d'un nouveau directeur et une réorganisation du service lui faisant craindre de devoir changer de poste. Estimant avoir fait l'objet de reproches injustifiés et de divers agissements dénigrants et humiliants, il indique avoir fait l'objet d'accusations infondées en mars 2020 qui ont conduit à sa suspension à titre provisoire puis à son exclusion temporaire pour une durée de trois mois à titre disciplinaire. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du médecin psychiatre du 1er octobre 2020, que si M. B... présente une personnalité anxieuse obsessionnelle ancienne, son incapacité de travail résulte d'un syndrome dépressif d'intensité sévère apparu après qu'il a été suspendu de ses fonctions le 13 mars 2020 puis sanctionné le 16 juillet suivant. Si le rapport du médecin psychiatre évoque un trouble thymique antérieur, il est précisé que ce trouble a cessé en 1992. Il n'est donc pas établi que l'état antérieur de l'intéressé aurait déterminé à lui seul son incapacité professionnelle, alors que le médecin psychiatre comme le médecin de prévention ont conclu à une origine professionnelle de son syndrome dépressif. Dans les circonstances de l'espèce, et en l'absence de tout élément de sa vie personnelle pouvant expliquer la symptomatologie de M. B... à compter de l'année 2020, les difficultés tenant à sa situation professionnelle depuis cette date ont pu se trouver à l'origine d'une souffrance au travail dont a résulté sa pathologie dépressive. 9. Toutefois, s'il est vrai que pour suspendre M. B... à titre provisoire le 13 mars 2020, l'administration lui a reproché d'avoir, le 10 mars précédent, fait une proposition sexuelle à une collègue, ce que celle-ci a démenti, il ressort des pièces du dossier qu'il a eu à son égard un geste et des propos à connotation sexuelle, inappropriés dans le cadre du service. Par ailleurs, le comportement au travail de M. B... se caractérise depuis plusieurs années par un manque de tempérance, puisqu'il impose sa présence de façon intrusive dans les bureaux de ses collègues, en alternant périodes de tension et périodes d'accalmie, et que l'intéressé se trouve à l'origine d'une dégradation des conditions de travail au sein du service. Outre un comportement inadapté dans les relations avec ses collègues, sa hiérarchie et les partenaires institutionnels de la région, l'administration a retenu le geste et les propos inappropriés du 10 mars 2020 pour engager une procédure disciplinaire contre M. B..., conduisant à une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois, dont il n'est pas démontré qu'elle serait entachée d'inexactitude matérielle ou serait disproportionnée. Le requérant ne démontre ni qu'il ferait l'objet de reproches infondés dans la réalisation de ses missions, ni que celles-ci seraient contrôlées par un agent dépourvu d'autorité hiérarchique, ni encore que ses évaluations auraient subi une baisse injustifiée ou que l'administration se refuserait à appliquer les restrictions médicales le concernant. Il résulte de ce qui précède que le comportement de M. B... dans le cadre professionnel, qui a justifié l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre le 20 avril 2020, lequel a été suivi d'un arrêt de travail à compter du 29 juin suivant, doit être regardé comme étant la cause déterminante de la dégradation de ses conditions de travail à la région Hauts-de-France. Un tel comportement est constitutif d'un fait personnel de l'agent de nature à détacher la maladie du service. 10. En dernier lieu, M. B... ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'il présente une incapacité de 25 % dès lors que sa pathologie ne présente pas de lien essentiel et direct avec le service. La circonstance qu'il aurait dû bénéficier d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire pendant l'instruction de sa demande est également sans influence sur la légalité de la décision contestée. 11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Hauts-de-France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. B... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme dont la région Hauts-de-France demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la région Hauts-de-France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la région Hauts-de-France. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 22DA01658 |
CETATEXT000048424466 | J7_L_2023_11_00022DA01679 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424466.xml | Texte | CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01679, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01679 | 3ème chambre | plein contentieux | C | Mme Viard | GENIES | M. Jean-Marc Guerin-Lebacq | M. Carpentier-Daubresse | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 mars 2020 par lequel le président du conseil régional des Hauts-de-France l'a suspendu de ses fonctions, l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le président du conseil régional a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux, et de condamner la région Hauts-de-France à lui verser la somme de 47 000 euros en réparation des préjudices subis en raison de la sanction, et, d'autre part, d'annuler la décision du 27 juillet 2021 par laquelle le président du conseil régional a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral et de condamner la région Hauts-de-France à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices imputables à ces agissements. Par un jugement n° 2000947, 2101502 et 2102969 du 2 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 13 mars 2020 et a rejeté le surplus des demandes de M. B.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 juillet 2022, un mémoire complémentaire enregistré le 2 juin 2023 et un mémoire en réplique enregistré le 22 juin 2023, M. A... B..., représenté par Me Fillieux, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2022 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 juillet 2021 par laquelle le président du conseil régional des Hauts-de-France a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral, et à la condamnation de la région Hauts-de-France à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices imputables à ces faits de harcèlement ; 2°) d'annuler la décision du 27 juillet 2021 et de condamner la région Hauts-de-France à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices ; 3°) d'enjoindre à la région Hauts-de-France de réexaminer sa demande de protection fonctionnelle dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la région Hauts-de-France une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le mémoire en défense est irrecevable, en l'absence de délégation du conseil régional chargeant son président de défendre dans la présente instance ; - la décision contestée est entachée d'incompétence ; - ce moyen est d'ordre public et par suite recevable ; - la décision contestée est illégale dès lors qu'il justifie d'éléments laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; - ces éléments, qui ont débuté avec la nomination d'un nouveau directeur de service et le projet de l'affecter dans un poste comptable, résultent de ce que : ses tâches sont contrôlées par un agent n'exerçant aucune autorité hiérarchique à son égard ; il fait l'objet de reproches injustifiés sur sa manière de servir ; ses supérieurs hiérarchiques l'accusent de faits répréhensibles qui ne sont pas établis ; il a été suspendu de ses fonctions en raison de ces mêmes faits, alors que cette mesure de suspension a été annulée par le tribunal administratif ; l'autorité disciplinaire a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion pour une durée de trois mois alors que la durée d'exclusion initialement envisagée était fixée à un mois ; l'administration ne respecte pas les recommandations de son médecin traitant et du médecin de prévention ; il a été laissé dans l'incertitude pendant plusieurs mois s'agissant de son affectation décidée dans le cadre d'une réorganisation des services ; ses évaluations ont baissé en 2018 et 2019 ; - ces faits portent atteinte à sa dignité et à sa santé mentale, ont compromis son avenir professionnel et sont à l'origine de préjudices moral et financier évalués à la somme de 50 000 euros. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 2 juin 2023 et 16 juillet 2023, la région Hauts-de-France, représentée par Me Genies, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le président du conseil régional a reçu délégation pour défendre à l'instance ; - le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte est irrecevable en appel, dès lors que le requérant n'a soulevé aucun moyen de légalité externe devant le premier juge ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés ; - aucune faute ne peut être reprochée à l'administration. Par une ordonnance du 12 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 octobre 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Dantec, représentant M. B..., et de Me Genies, représentant la région Hauts-de-France. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjoint administratif territorial de la région Hauts-de-France, est affecté à la direction du patrimoine immobilier, sur le site du service de gestion foncière et immobilière implanté à Amiens. Par un arrêté du 13 mars 2020, le président du conseil régional des Hauts-de-France l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire puis, par un arrêté du 16 juillet suivant, a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois. Par un courrier du 20 avril 2021, M. B... a demandé à son employeur de lui accorder la protection fonctionnelle en raison de faits de harcèlement moral dont il estime être la victime dans le cadre de ses fonctions depuis 2018, ainsi que l'indemnisation de ses préjudices. Cette demande de protection a été rejetée par un courrier du 27 juillet 2021. M. B... a saisi le tribunal administratif d'Amiens de trois demandes tendant, respectivement, à l'annulation de l'arrêté du 13 mars 2020, à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2020 et à celle de la décision du 27 juillet 2021 refusant de lui accorder la protection fonctionnelle, cette dernière demande étant assortie de conclusions visant à la réparation des préjudices imputables aux faits de harcèlement allégués. Par un même jugement du 2 juin 2022, le tribunal administratif a joint les trois demandes, a annulé l'arrêté de suspension provisoire du 13 mars 2020 et a rejeté le surplus des demandes. M. B... relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il rejette ses conclusions d'annulation de la décision du 27 juillet 2021 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle, et de condamnation de l'administration à réparer ses préjudices. Sur la recevabilité du mémoire en défense : 2. Aux termes de l'article L. 4231-7-1 du code général des collectivités territoriales : " Le président du conseil régional (...) peut, par délégation du conseil régional, être chargé pour la durée de son mandat d'intenter au nom de la région les actions en justice ou de défendre la région dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil régional (...) ". 3. Par une délibération du 2 juillet 2021, le conseil régional des Hauts-de-France a donné à son président, pour la durée de son mandat, délégation à l'effet notamment de défendre la région dans les actions intentées contre elle devant toutes les juridictions, sans exception. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les écritures produites en défense par la région sont irrecevables. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la légalité externe de la décision du 27 juillet 2021 : 4. Par un arrêté du 5 juillet 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la région, le président du conseil régional des Hauts-de-France a donné délégation à M. C..., directeur général des services, pour signer tous actes, arrêtés, décisions et correspondances en toutes matières, à l'exclusion du recrutement, du licenciement des personnels permanents de catégorie A et des nominations individuelles dans les emplois fonctionnels et de direction, des rapports destinés au conseil régional et à la commission permanente, et des convocations aux réunions du conseil régional et de la commission permanentes. M. C... avait donc compétence pour signer, le 27 juillet 2021, la décision refusant d'accorder la protection fonctionnelle à M. B.... Par suite, le moyen tiré d'une prétendue incompétence de l'auteur de l'acte contesté doit être écarté. En ce qui concerne la légalité interne de la décision du 27 juillet 2021 : 5. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, repris à l'article L. 134-5 du code général de la fonction publique : " I. - A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire (...) / IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce. 6. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, repris depuis à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 7. En premier lieu, M. B... soutient faire l'objet de reproches injustifiés de la part de ses supérieurs hiérarchiques et renvoie sur ce point au rapport établi le 13 mars 2020 par le directeur du patrimoine immobilier, mentionnant un échange téléphonique houleux avec un agent de la commune d'Amiens, le refus du requérant de partager ses dossiers informatiques dans le cadre d'un travail en réseau, et le non-respect de consignes dans un dossier concernant la commune de Montdidier. Il ressort toutefois de ce rapport très circonstancié que M. B... présente un manque de tempérance dans son comportement professionnel, puisqu'il impose sa présence de façon intrusive dans les bureaux de ses collègues, en alternant périodes de tension et périodes d'accalmie, et se trouve à l'origine d'une dégradation des conditions de travail au sein du service. Eu égard à leur contenu peu approprié dans des échanges professionnels, les courriels produits en défense corroborent les critiques sur le comportement de l'intéressé, que le conseil de discipline a d'ailleurs retenu comme établies dans sa séance du 7 juillet 2020. La capture d'écran produite par le requérant ne contredit pas le reproche adressé sur l'absence de partage des dossiers. Les échanges de courriels dont se prévaut M. B... révèlent une volonté de sa part de vérifier, avant leur exécution, la validité des consignes de ses supérieurs hiérarchiques et n'infirment pas non plus la critique sur le non-respect de ces consignes. Dans ces conditions, les reproches mentionnés dans le rapport du 13 mars 2020 et auxquels renvoie M. B..., ne sont pas de nature à caractériser l'existence d'un harcèlement moral. 8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des éléments produits par M. B... que les mentions, toujours portées dans le rapport du 13 mars 2020, sur l'altercation intervenue à une date ancienne dans le service, et qui a nécessité un " recadrage " par un collègue, seraient infondées. Le requérant conteste vivement les propos de sa supérieure hiérarchique, repris dans le rapport du directeur du patrimoine immobilier, expliquant le comportement de M. B..., qualifié de " destroy " et de très agité, par la prise de médicaments associée à une consommation d'alcool certains soirs de semaine. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas soutenu que la supérieure hiérarchique du requérant aurait publiquement exprimé son opinion sur l'origine de l'intempérance de M. B..., ou en aurait fait part à d'autres agents que le directeur, alors en outre que l'autorité compétente n'en a pas tenu compte pour engager une procédure disciplinaire à son encontre. Par suite, l'opinion exprimée par la supérieure hiérarchique de l'intéressé auprès du directeur du patrimoine immobilier sur une supposée consommation d'alcool ne revêt pas le caractère d'un agissement constitutif de harcèlement moral. 9. En troisième lieu, M. B... soutient que l'administration l'a suspendu à titre conservatoire puis l'a sanctionné pour avoir fait, le 10 mars 2020, une proposition d'attouchement sexuel à une collègue, dont il conteste la réalité. S'il est vrai que le tribunal administratif a annulé la mesure de suspension au motif que cette proposition ne présente pas un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité, il ressort des pièces du dossier, notamment du témoignage de la collègue du requérant, qu'il a eu à son égard un geste et tenu des propos inappropriés à connotation sexuelle. Outre un comportement inadapté et un manque de tempérance dans les relations avec ses collègues, sa hiérarchie et les partenaires institutionnels de la région, ce geste et ces propos inappropriés ont été seuls retenus par l'administration pour engager une procédure disciplinaire contre M. B..., conduisant à une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois. Il n'est aucunement démontré que cette sanction serait fondée sur des faits matériellement inexacts ou serait disproportionnée. Par suite, si les faits commis le 10 mars 2020 ont donné lieu à des accusations contre l'appelant et à sa suspension provisoire alors que l'une de ces accusations n'était pas avérée, cette circonstance n'est pas de nature à établir que M. B... est victime d'un harcèlement moral. 10. En quatrième lieu, M. B... n'apporte à l'instance aucun élément laissant supposer que l'administration lui aurait imposé des déplacements professionnels en méconnaissance des recommandations de son médecin traitant et du médecin de prévention interdisant les déplacements supérieurs à quarante-cinq minutes et les trajets en voiture supérieurs à trente minutes. Si M. B..., qui réside près d'Amiens, relève que le conseil de discipline s'est tenu le 7 juillet 2020 à Lille, supposant un temps de déplacement supérieur aux recommandations médicales, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait demandé que la séance se tienne à Amiens, dans les conditions prévues à l'article 1er du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989, ou qu'il aurait sollicité de pouvoir intervenir à cette séance par visioconférence. Par ailleurs, la région Hauts-de-France soutient sans être contredite avoir autorisé le requérant à télétravailler deux jours par semaine, conformément aux prescriptions médicales. Dans ces conditions, les allégations du requérant sur le non-respect de ces prescriptions ne font pas présumer l'existence d'un harcèlement moral. 11. En dernier lieu, il ne ressort aucunement des courriels produits à l'instance que les tâches de M. B... feraient l'objet d'un contrôle par un agent dépourvu de toute autorité hiérarchique. S'il reproche à l'administration d'avoir envisagé un changement de poste dans le cadre de la réorganisation des services, et de l'avoir laissé dans l'incertitude pendant plusieurs mois, l'administration indique que l'intéressé a finalement été maintenu dans ses fonctions. Il ne ressort pas des comptes-rendus d'évaluation professionnelle de M. B..., qui n'expose aucun argument précis sur ce point, que son évaluation aurait subi une baisse injustifiée à compter de l'année 2018. 12. Il suit de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que les faits dont il se plaint révèlent des agissements répétés constitutifs d'un harcèlement moral, pour lequel l'administration devait lui accorder la protection fonctionnelle. En ce qui concerne les conclusions indemnitaires : 13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à solliciter l'indemnisation des préjudices résultant selon lui des faits de harcèlement moral allégués, qui ne sont pas établis. 14. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Hauts-de-France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. B... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme dont la région Hauts-de-France demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la région Hauts-de-France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la région Hauts-de-France. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 22DA01679 |
CETATEXT000048424467 | J7_L_2023_11_00022DA01806 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424467.xml | Texte | CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01806, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01806 | 3ème chambre | plein contentieux | C | Mme Viard | GUILMAIN | M. Frédéric Malfoy | M. Carpentier-Daubresse | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) O Grand Buffet a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, à titre principal, d'annuler la décision du 6 novembre 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les sommes de 108 600 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et de 5 106 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement ainsi que la décision du 23 janvier 2020 rejetant son recours gracieux contre cette décision et de la décharger de ces sommes, d'autre part, à titre subsidiaire, de réduire le montant des sommes réclamées. Enfin, elle a demandé de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2002525 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 août 2022 et le 15 août 2023, la SARL O Grand Buffet, représentée par Me Guilmain, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 6 novembre 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 108 600 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et la somme de 5 106 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement ainsi que la décision du 23 janvier 2020 rejetant son recours gracieux contre cette décision ; 3°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 113 706 euros ; 4°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de lui reverser la somme de 125 077 euros déjà prélevée ; 5°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les décisions attaquées ont été prises par une personne incompétente ; - la décision du 6 novembre 2019 a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire et des principes généraux du respect des droits de la défense, repris notamment à l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration ; l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) doit préalablement informer l'employeur de la possibilité de solliciter la communication du procès-verbal qui sert de fondement à la sanction ; or, elle n'a pas été informée de cette possibilité ; - la décision est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que les deux salariés lui ont présenté des cartes d'identité portugaises lors de l'embauche ; elle n'avait aucun motif de penser qu'elles étaient falsifiées ; - elle a agi en toute bonne foi ; - le principe non bis in idem s'oppose à ce qu'elle soit à nouveau sanctionnée dès lors qu'elle a déjà fait l'objet d'une sanction administrative prononcée par le préfet du Nord le 11 juillet 2019, lequel avait ordonné la fermeture de l'établissement pour une semaine en raison de l'emploi d'étrangers démunis de titre ; - la sanction prise à son encontre apparaît disproportionnée ; - le montant de la contribution spéciale mise à sa charge doit être réduit dès lors qu'elle n'est pas en situation de récidive, qu'elle a agi de bonne foi, qu'elle a respecté la législation du travail s'agissant de l'embauche des salariés en cause et qu'elle rencontre des difficultés financières. Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SARL O Grand Buffet sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 22 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, - et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Lors d'un contrôle, effectué le 7 mars 2019 conjointement avec les services de la police aux frontières, les services de l'inspection du travail ont constaté, dans un établissement de restauration situé à Prouvy géré par la société à responsabilité limitée (SARL) O Grand Buffet, la présence de deux ressortissants sénégalais, employés sans titre les autorisant à travailler et à séjourner en France. Par une décision du 6 novembre 2019, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la SARL O Grand Buffet la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 108 600 euros, assortie de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement prévue par les dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 5 106 euros. Le 23 janvier 2020, l'OFII a rejeté le recours gracieux formé le 17 décembre 2019 par la SARL O Grand Buffet contre cette décision. La SARL O Grand Buffet relève appel du jugement du 4 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions et à ce que soit prononcée la décharge du paiement des contributions mises à sa charge. Sur le bien-fondé du jugement : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ". 3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article L. 8271-17 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Outre les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler. / Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions.". En outre, aux termes de l'article R. 8253-3 de ce code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". 4. Ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant. Cependant, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise désormais l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus. Par suite, l'OFII est tenu d'informer l'intéressé de son droit de demander la communication du procès-verbal d'infraction sur la base duquel ont été établis les manquements qui lui sont reprochés. 5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail (...) / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de fixer le montant de cette contribution. (...) / Sont applicables à la contribution forfaitaire prévue au premier alinéa les dispositions prévues aux articles L. 8253-1 à L. 8253-5 du code du travail en matière de recouvrement et de privilège applicables à la contribution spéciale ". 6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. 7. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 24 septembre 2019, le directeur général de l'OFII a informé la SARL O Grand Buffet qu'un procès-verbal, dressé par les services de l'inspection du travail du Nord à la suite d'un contrôle effectué le 7 mars 2019, avait permis d'établir qu'elle avait employé deux travailleurs en situation irrégulière sur le territoire français et dépourvus de titre les autorisant à exercer une activité salariée. Ce courrier lui faisait connaître qu'elle était susceptible de se voir appliquer la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail ainsi que la contribution forfaitaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle disposait d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre pour faire valoir ses observations. Toutefois, il ne ressort ni des termes de ce courrier ni ne résulte de l'instruction que la SARL O Grand Buffet ait été informée de son droit de demander la communication du procès-verbal d'infraction sur la base duquel les manquements qui lui étaient reprochés avaient été établis. Il n'est à cet égard pas contesté qu'elle n'a pas sollicité elle-même ou par l'intermédiaire de son conseil la communication du procès-verbal dressé à la suite du contrôle des services de l'inspection du travail. Dans ces conditions, en méconnaissance du principe général des droits de la défense, la SARL O Grand Buffet n'a pas été mise à même de demander les pièces fondant les sanctions dont elle était susceptible de faire l'objet et a ainsi été privée d'une garantie. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SARL O Grand Buffet est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 novembre 2019 du directeur général de l'OFII lui appliquant la contribution spéciale et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement et de la décision du 23 janvier 2020 rejetant son recours gracieux. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler ce jugement ainsi que ces décisions et par suite de la décharger de l'obligation de payer les sommes de 108 600 euros et de 5 106 euros mises à sa charge respectivement au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sur les conclusions à fin d'injonction : 9. La SARL O Grand Buffet sollicite qu'il soit enjoint à l'OFII de lui restituer la somme de 125 077 euros correspondant aux montants de 108 600 euros et de 5 106 euros mis à sa charge respectivement au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire, majorées des sommes de 10 860 euros et de 511 euros en raison du non-paiement, dans les huit jours, des deux titres exécutoires émis à son encontre le 16 décembre 2019. 10. Il est constant qu'une saisie a été opérée le 11 octobre 2022 sur le compte bancaire de la société appelante pour bloquer les sommes de 119 460 euros et de 5 617 euros. A moins que l'OFII n'adopte une nouvelle décision de sanction selon une procédure régulière, dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt, l'annulation de la décision du 6 novembre 2019 et la décharge prononcées précédemment impliquent nécessairement que soient restituées à la SARL O Grand Buffet, outre les sommes prélevées au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire, les sommes mises à sa charge au titre de la majoration appliquée sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales. 11. Par suite, sous réserve de ce qui a été dit au point 10, il y a lieu d'enjoindre à l'autorité administrative compétente de restituer à la SARL O Grand Buffet la somme de 108 600 euros prélevée au titre de la contribution spéciale et celle de 5 106 euros prélevée au titre de la contribution forfaitaire ainsi que les majorations afférentes de 10 860 euros et de 511 euros, soit une somme totale de 125 077 euros. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL O Grand Buffet, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'OFII, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'OFII la somme demandée par la SARL O Grand Buffet au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2002525 du 4 juillet 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé. Article 2 : Les décisions du directeur général de l'OFII des 6 novembre 2019 et 23 janvier 2020 sont annulées. Article 3 : La SARL O Grand Buffet est déchargée de l'obligation de payer les sommes de 108 600 euros et de 5 106 euros mises à sa charge respectivement au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire par la décision de l'OFII du 6 novembre 2019. Article 4 : Il est enjoint à l'autorité administrative compétente, de restituer à la SARL O Grand Buffet la somme totale de 125 077 euros prélevée au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire majorées, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, à moins que, dans ce délai, l'autorité administrative compétente n'adopte une nouvelle décision de sanction selon une procédure régulière. Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par la SARL O Grand Buffet est rejeté. Article 6 : Les conclusions présentées par l'OFII sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié la SARL O Grand Buffet et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Copie en sera délivrée au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : F. Malfoy La présidente de chambre, Signé : M-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, N. Roméro N° 22DA01806 2 |
CETATEXT000048424468 | J7_L_2023_11_00022DA01834 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424468.xml | Texte | CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01834, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01834 | 3ème chambre | plein contentieux | C | Mme Viard | SCP SAVOYE ET ASSOCIES | M. Jean-Marc Guerin-Lebacq | M. Carpentier-Daubresse | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, dans le dernier état de ses écritures, de condamner la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de région Hauts-de-France à lui verser, à titre principal, la somme totale de 33 883,94 euros et, à titre subsidiaire, la somme de 28 448,04 euros, en réparation des préjudices consécutifs à son licenciement. Par un jugement n° 2006437 du 22 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a condamné la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France à verser à M. B... la somme de 2 387,21 euros en réparation de ses préjudices et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 22 août 2022, et un mémoire en réplique enregistré le 26 septembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Jamais, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement n° 2006437 du 22 juin 2022 en tant que le tribunal administratif de Lille a limité à la somme de 2 387,21 euros l'indemnité mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France en réparation des préjudices qu'il a subis ; 2°) de porter le montant de l'indemnité due en réparation de ses préjudices, à titre principal, à la somme totale de 39 384,14 euros, à titre subsidiaire, à la somme de 33 883,94 euros, et, à titre infiniment subsidiaire, à celle de 28 448,04 euros ; 3°) de mettre la somme de 3 500 euros à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - sa mutation géographique de Saint-Quentin à Lille a été décidée en méconnaissance de l'article 2 de l'annexe 5 à l'article 28 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie dès lors que les possibilités éventuelles d'aménagement de l'organisation du travail du poste concerné ou de mutation fonctionnelle au sein de son établissement d'origine n'ont pas été envisagées au cours de l'entretien de concertation préalable le 27 mars 2019, que des aménagements d'horaires étaient en tout état de cause inenvisageables, que de tels aménagements ou un poste en télétravail auraient été refusés par l'employeur, et que la mutation n'a pas été prise dans le respect de sa vie privée et familiale ; - la mutation litigieuse ne répond à aucun intérêt du service en lien avec une opération de réorganisation et de mutualisation des emplois et s'inscrit en réalité dans un projet de suppression des postes implantés en Picardie ; - sa mutation à Lille et celle de sa compagne, également employée par la chambre de commerce et d'industrie, de Saint-Quentin à Laon constituent un détournement de procédure visant à le contraindre à présenter sa démission, évitant ainsi à la chambre de commerce et d'industrie de lui verser l'indemnité prévue en cas de licenciement pour suppression de poste ; - les fautes commises par l'administration sont à l'origine d'un préjudice matériel constitué de la différence entre le montant de l'indemnité pour licenciement pour refus de mutation, qu'il a perçue, et celui de l'indemnité pour licenciement pour suppression de poste, et correspondant à la somme de 33 996,93 euros à titre principal, de 28 496,73 euros à titre subsidiaire ou de 23 060,83 euros à titre infiniment subsidiaire ; - il a subi un second préjudice matériel en raison des frais de transport indûment exposés pour un montant de 387,21 euros, ainsi qu'un préjudice moral évalué à la somme de 5 000 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2022, la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France, représentée par Me Forgeois, conclut à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande présentée devant le tribunal administratif de Lille, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle n'a commis aucune faute au regard de l'article 2 de l'annexe 5 à l'article 28 du statut du personnel administratif dès lors que les éventuelles possibilités d'aménagement de l'organisation du travail du poste concerné ont été envisagées et que les contraintes familiales du requérant ont été prises en compte ; - la mutation géographique du requérant était justifiée par l'intérêt du service et ne constitue aucunement un détournement de procédure ; - le requérant ne saurait obtenir réparation pour avoir été privé de l'indemnité de licenciement pour suppression de poste dès lors que son poste n'a pas été supprimé mais transféré à Lille ; - le montant demandé à ce titre est surévalué ; - les autres préjudices invoqués ne sont pas établis, en l'absence de faute. Un mémoire a été présenté le 6 octobre 2023 par la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France, qui n'a pas été communiqué. Par une ordonnance du 27 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à la date du 6 octobre 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ; - l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Forgeois, représentant la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France. Considérant ce qui suit : 1. M. B... a été recruté le 21 octobre 2002 en qualité de technicien informatique par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de l'Aisne, à laquelle a succédé, comme employeur, la CCI de la région Picardie le 1er janvier 2013 puis la CCI de région Hauts-de-France le 1er janvier 2017. M. B..., qui exerçait son activité professionnelle à Saint-Quentin (Aisne), a été informé le 19 mars 2019 de la décision de transférer son poste de travail à Lille (Nord) dans le cadre d'un projet de mutualisation et de rationalisation des ressources de la CCI. Après un entretien de concertation préalable à mutation géographique le 27 mars 2019 et un avis de la commission paritaire régionale le 15 avril suivant, la CCI de région Hauts-de-France a prononcé la mutation géographique de M. B... à Lille, à compter du 3 juin 2019. L'intéressé ayant refusé d'accepter cette mutation, pour raisons familiales, la CCI de région Hauts-de-France lui a notifié, le 10 juillet 2019, sa décision de licenciement pour refus de mutation géographique, à l'initiative de l'employeur. Estimant que ce licenciement était intervenu dans des conditions irrégulières, M. B... a saisi le tribunal administratif de Lille en vue d'obtenir réparation de ses préjudices matériels et moraux pour un montant fixé, en dernier lieu, à la somme totale de 33 883,94 euros à titre principal et de 28 448,04 euros à titre subsidiaire. Par un jugement du 22 juin 2022, les premiers juges ont condamné la CCI de région Hauts-de-France à lui verser la somme de 2 387,21 euros et ont rejeté le surplus de ses conclusions. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. La CCI de région Hauts-de-France demande à la cour d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande du requérant. Sur la responsabilité : 2. Aux termes de l'article 2 de l'annexe 5 à l'article 28 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie : " La mutation géographique à l'initiative de l'employeur est décidée par la CCI employeur dans le cadre de l'organisation régionale des services et conduit à un transfert du poste entraînant une modification du lieu de travail de l'agent concerné. / (...) Tout agent concerné par une procédure de mutation géographique doit bénéficier d'un entretien de concertation préalable avec la direction des ressources humaines de la CCI qui l'emploie. Au cours de cet entretien, la direction des ressources humaines expose précisément la mesure envisagée et, notamment, ses conséquences quant au lieu de travail de l'agent concerné. Elle présente également les éventuelles possibilités d'aménagement de l'organisation du travail du poste concerné ou de mutation fonctionnelle au sein de l'établissement d'origine de l'agent. / La décision de mutation géographique est prise dans le respect de la vie familiale et personnelle de l'agent concerné. / (...) La notification doit être dûment motivée et préciser les motifs de la mutation géographique effectuée dans l'intérêt du service, dans le cadre de la réorganisation ; elle indique la date de prise des fonctions au minimum 1 mois après la notification et les nouvelles conditions d'emploi (...) ". 3. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du courriel adressé le 3 avril 2019 par M. B... à la direction des ressources humaines de la CCI de région Hauts-de-France, que les possibilités d'aménagement de l'organisation du travail du poste transféré à Lille ont été envisagées lors de l'entretien de concertation préalable du 27 mars 2019, au cours duquel ont notamment été évoqués un éventuel forfait horaire, l'aménagement des horaires de travail, la nécessité ou non d'une présence à plein temps à Lille, la fréquence des déplacements professionnels et les missions comprises dans le périmètre du poste. Les possibilités d'aménagement ont d'ailleurs été exposées sur ces différents points par l'administration, dans son courriel adressé en réponse le 12 avril 2019. La CCI de région Hauts-de-France doit donc être regardée comme ayant présenté, au cours de l'entretien de concertation, les possibilités d'aménagement de l'organisation du travail du poste transféré, au sens des dispositions précitées, quand bien même elles ne permettaient pas de répondre à l'ensemble des contraintes induites par la mutation du requérant. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la CCI aurait commis une faute sur ce point. 4. En deuxième lieu, M. B... et sa compagne, également employée par la CCI de région Hauts-de-France, exerçaient tous les deux leur activité professionnelle à Saint-Quentin quand ils ont fait l'objet, en juin 2019, d'une mutation géographique respectivement à Lille et à Laon. Le couple avait alors à sa charge un enfant en bas âge et une fille de treize ans, issue d'une première union de la conjointe de M. B.... Il n'est pas contesté que l'affectation du requérant dans le département du Nord impliquait pour celui-ci un temps de trajet quotidien de cinq heures environ, alors que la mutation concomitante de sa compagne dans un secteur géographique éloigné de Lille ne permettait pas à celle-ci de l'y rejoindre. Répondant aux interrogations de M. B... sur un éventuel aménagement de poste afin de rendre celui-ci compatible avec les contraintes personnelles et familiales induites par son changement d'affectation, la direction des ressources humaines de la CCI s'est bornée à lui assurer, dans le courriel précité du 12 avril 2019, un examen attentif de ses demandes à venir d'aménagement d'horaires et de rapprochement familial. L'avenant à la lettre d'engagement prévoyant la mutation de M. B... à compter du 3 juin 2019 ne prévoyait aucune mesure d'aménagement ou d'organisation de son poste de travail compatible avec sa vie personnelle et familiale, conduisant l'intéressé à refuser la mutation à Lille dès le 14 juin suivant. Dans ces conditions, et ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la décision de mutation géographique prise à l'encontre de M. B... n'a pas été prise dans le respect de sa vie familiale et personnelle, en violation des dispositions précitées de l'article 2 de l'annexe 5 à l'article 28 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie. 5. En troisième lieu, il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 novembre 2017 que la CCI de région Hauts-de-France a arrêté un schéma directeur régional qui prévoit la transformation des organismes consulaires picards, dont la CCI de l'Aisne, en chambres de commerce et d'industrie locales, ainsi qu'une évolution du réseau consulaire régional afin de permettre une meilleure mutualisation et rationalisation des ressources. L'assemblée générale de la CCI de région Hauts-de-France s'est prononcée le 27 septembre 2018 sur un plan d'orientation stratégique affirmant la poursuite de la politique engagée de réorganisation, de mutualisation, de rationalisation et d'ajustement des moyens humains, techniques et financiers des fonctions relevant du support et du pilotage des activités transversales, dont la fonction " systèmes d'information ". D'après le procès-verbal de la délibération du 27 septembre 2018, aucune des suppressions d'emploi envisagées dans le cadre de cette politique de mutualisation et de rationalisation ne concerne le poste occupé par M. B... à la CCI de l'Aisne. Il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal de la commission paritaire régionale du 8 avril 2019, que le transfert de deux postes, dont celui du requérant, a été décidé dans le cadre de la politique précitée de mutualisation et de rationalisation des ressources, impliquant un renforcement des équipes de la direction des systèmes d'information implantée à Lille. La circonstance que M. B... a été remplacé plusieurs mois après son refus d'accepter une mutation géographique à Lille ne suffit pas à démontrer que le transfert de poste, et donc cette mutation, ne répondaient pas aux objectifs poursuivis par la CCI de région Hauts-de-France dans la réorganisation de ses services. Par suite, la CCI est fondée à soutenir que la mutation géographique dont M. B... a fait l'objet est justifiée par l'intérêt du service. 6. En dernier lieu, si la CCI de région Hauts-de-France procède à des suppressions d'emplois dans le cadre de sa politique précitée de mutualisation et de rationalisation, il n'est pas établi qu'elle aurait entendu supprimer le poste occupé par M. B... à la CCI de l'Aisne, et non le transférer sur son site à Lille. Il résulte de ce qui a été au point précédent que, contrairement à ce que soutient le requérant, la mutation géographique induite par ce transfert de poste est justifiée par l'intérêt du service. L'absence de mesures d'accompagnement, notamment horaires, tenant compte de la situation familiale du requérant ne permet pas de caractériser une intention de son employeur de le placer dans une situation telle qu'il soit conduit à refuser la mutation et à démissionner. Par suite, il n'est pas établi que la décision de mutation aurait eu pour but de le contraindre à présenter sa démission, évitant à la CCI de lui verser une indemnité de licenciement pour suppression d'emploi. 7. Il résulte de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que la CCI de région Hauts-de-France a méconnu les dispositions de l'article 2 de l'annexe 5 à l'article 28 du statut du personnel administratif des CCI, en application desquelles la décision de mutation doit être prise dans le respect de la vie familiale et personnelle de l'agent concerné. Sur les préjudices : 8. En premier lieu, l'illégalité fautive commise par la CCI de région Hauts-de-France, qui a décidé la mutation de M. B... sans respecter sa vie familiale et personnelle, n'implique pas que l'intéressé, licencié pour avoir refusé cette mutation, perçoive une indemnité de licenciement pour suppression de poste. Il n'est donc pas fondé à demander l'indemnisation du préjudice financier résultant de la différence entre le montant de cette indemnité et celui de l'indemnité de licenciement pour refus de mutation qu'il a perçue. 9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la décision de mutation litigieuse a contraint M. B... à des déplacements professionnels à Lille pour un montant total de 707,20 euros, pris en charge par l'employeur dans la limite de 319,99 euros. Le requérant est donc fondé à obtenir l'indemnisation du préjudice résultant du reste à charge et correspondant à la somme de 387,21 euros. 10. En dernier lieu, le non-respect de sa vie familiale et personnelle est à l'origine pour M. B... d'un préjudice moral dont il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une plus juste appréciation en portant le montant de l'indemnité accordée par les premiers juges de la somme de 2 000 euros à celle de 4 000 euros. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a limité à 2 387,21 euros le montant des réparations mises à la charge de la CCI de région Hauts-de-France, qu'il y a lieu de porter à la somme de 4 387,21 euros. Il résulte également de ce qui précède que les conclusions incidentes présentées par la CCI ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la CCI de région Hauts-de-France demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CCI de région Hauts-de-France une somme de 2 000 euros à verser à M. B... sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : L'indemnité mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de région Hauts-de-France par le jugement du tribunal administratif de Lille n° 2006437 du 22 juin 2022 en réparation des préjudices subis par M. B... est portée de la somme de 2 387,21 euros à celle de 4 387,21 euros. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille n° 2006437 du 22 juin 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : La CCI de région Hauts-de-France versera une somme de 2 000 euros à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La requête de M. B... est rejetée pour le surplus. Article 5 : L'appel incident de la CCI de région Hauts-de-France et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de région Hauts-de-France. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 22DA01834 |
CETATEXT000048424469 | J7_L_2023_11_00022DA01849 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424469.xml | Texte | CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01849, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01849 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme Viard | WILINSKI | M. Jean-Marc Guerin-Lebacq | M. Carpentier-Daubresse | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 2 mars 2020 par lequel le maire de la commune de Douai a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, déclarée le 14 mai 2019, et de prendre en charge à ce titre les arrêts de travail et les frais médicaux et pharmaceutiques consécutifs à cette pathologie. Par un jugement n° 2002165 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 25 août 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 19 avril 2023, Mme A... B..., représentée par Me Wilinski, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 28 juin 2022 ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 mars 2020 ; 3°) d'enjoindre à la commune de Douai de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Douai le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal administratif a omis d'analyser son mémoire en réplique du 3 juin 2021, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments produits à l'appui de ce mémoire et se rapportant à une circonstance de fait dont elle n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction ; - elle souffre d'un syndrome anxiodépressif imputable à ses conditions de travail. Par deux mémoires en défense enregistrés les 23 décembre 2022 et 9 mai 2023, la commune de Douai, représentée par Me Simoneau, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les premiers juges n'ont commis aucune irrégularité dès lors que les pièces produites par la requérante dans son mémoire en réplique du 3 juin 2021 ne se rapportent à aucune circonstance de fait nouvelle susceptible d'influer sur l'issue du litige ; - la maladie dont souffre la requérante ne présente aucun lien avec le service. Par une ordonnance du 9 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 mai 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Wilinski, représentant Mme B..., et de Me Perdrieux, représentant la commune de Douai. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., rédactrice principale de 2ème classe, a été affectée le 1er janvier 2017 dans les services de la commune de Douai, afin d'y exercer les fonctions de gestionnaire des ressources humaines chargée des conditions de travail. Placée en congé de maladie à compter du 10 avril 2019, elle a présenté le 14 mai suivant une demande d'imputabilité de sa pathologie au service. Par un arrêté du 2 mars 2020, la commune de Douai a rejeté cette demande et a refusé la prise en charge des arrêts de travail et des frais médicaux et pharmaceutiques en lien avec la pathologie de Mme B.... Celle-ci relève appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2020. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision. 3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a produit un mémoire en réplique le 3 juin 2021, accompagné de six pièces jointes, postérieurement à la date de clôture de l'instruction fixée au 23 mars 2021 par une ordonnance intervenue le 23 février précédent. Toutefois, les cinq documents médicaux datés des 27 avril et 11 mai 2021 se rapportent à la situation de santé de l'intéressée, débattue dans le cours de l'instruction, et ne comportent aucune circonstance de fait nouvelle imposant une réouverture de l'instruction. Si Mme B... se prévaut plus particulièrement du sixième document, constitué du procès-verbal de la commission administrative paritaire se prononçant sur sa demande de révision de son compte-rendu d'évaluation, elle n'établit pas l'impossibilité d'en faire état avant la clôture de l'instruction alors que la commission a rendu son avis le 16 septembre 2020, plus de six mois avant la date de clôture. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, faute pour le tribunal d'avoir rouvert l'instruction et communiqué son mémoire en réplique. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Mme B... a été placée en congé de maladie à compter du 10 avril 2019 en raison d'un syndrome anxio-dépressif qui a donné lieu à une première constatation médicale le 8 janvier 2019. Cette pathologie, dont elle demande qu'elle soit reconnue comme imputable au service, a donc été diagnostiquée à une date antérieure à l'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires résultant de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. La situation de Mme B... doit dès lors être appréciée au regard des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction antérieure à l'intervention de l'ordonnance du 19 janvier 2017 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 5. Pour l'application des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 6. Mme B..., qui a pris son poste à la commune de Douai le 1er janvier 2017, indique que sa situation professionnelle s'est dégradée au cours de l'année 2019, conduisant à sa mise en congé de maladie pour un syndrome anxio-dépressif à compter du 10 avril 2019. Il ressort des pièces du dossier que les relations entre Mme B... et sa hiérarchie ont commencé à se dégrader au début de l'année 2019, après l'entrée en fonction de la nouvelle directrice des ressources humaines. À l'occasion de l'entretien d'évaluation du 8 janvier 2019 et de l'entretien du 18 mars suivant, des observations lui ont été adressées sur sa manière de servir et des réserves ont été formulées sur ses chances d'obtenir une promotion dans la catégorie supérieure ou une augmentation de rémunération. Il en a résulté une situation conflictuelle entre Mme B... et la directrice et son adjointe, ainsi qu'il ressort d'ailleurs du procès-verbal de la commission administrative paritaire du 16 septembre 2020. Selon le rapport d'expertise médicale, établi le 23 octobre 2019 à la demande de la commission de réforme, Mme B... présente un syndrome anxio-dépressif en lien avec ses conditions de travail, nécessitant des arrêts de travail directement en rapport avec cette maladie. Un suivi psychothérapique et un traitement psychotrope ont été mis en place afin de soigner la requérante. Dans les circonstances de l'espèce, et en l'absence de tout antécédent psychiatrique connu, la situation professionnelle particulièrement tendue rencontrée par Mme B... au cours de l'année 2019 a pu se trouver à l'origine d'une souffrance au travail dont a résulté sa pathologie dépressive. 7. Toutefois, il ne ressort pas des éléments produits à l'instance que les propos tenus à Mme B... sur sa manière de servir et ses chances de promotion auraient été injustifiés ou inappropriés de la part de ses supérieurs hiérarchiques, ou qu'ils auraient été exprimés dans des termes excessifs, au-delà de ce qu'exige l'exercice de l'autorité hiérarchique. Il n'est pas plus établi que les missions confiées à la requérante auraient été modifiées à partir de 2019 dans des conditions telles qu'une surcharge de travail en aurait résulté. La circonstance qu'elle aurait été écartée d'une réunion organisée le 26 mars 2019 ne suffit pas à démontrer une volonté de l'isoler au sein du service. En revanche, la commune de Douai produit le rapport de l'entretien du 18 mars 2019 et les témoignages de plusieurs agents du service dont il ressort qu'après avoir été informée de ses faibles perspectives d'avancement, Mme B... s'est d'elle-même placée en position de retrait dans le service et a adopté, de façon systématique, un comportement peu coopératif et même agressif à l'égard de l'adjointe à la directrice des ressources humaines. Les propos prêtés à la directrice des ressources humaines, tels que retranscrits dans un constat d'huissier du 1er septembre 2022, ne révèlent pas tant l'isolement auquel l'auraient contrainte ses collègues, que le clivage qu'elle a suscité au sein du service par son comportement. Il résulte de ce qui précède que l'attitude de retrait et d'opposition de Mme B... doit être regardée comme étant la cause déterminante de la dégradation de ses conditions de travail à la commune de Douai. Un tel comportement est constitutif d'un fait personnel de l'agent de nature à détacher la maladie du service. 8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Douai, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B... demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme dont la commune de Douai demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Douai présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Douai. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 22DA01849 |
CETATEXT000048424470 | J7_L_2023_11_00022DA01854 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424470.xml | Texte | CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01854, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01854 | 3ème chambre | plein contentieux | C | Mme Viard | LEVESQUES | M. Jean-Marc Guerin-Lebacq | M. Carpentier-Daubresse | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la commune de Louviers à lui verser la somme de 30 337,32 euros en réparation des pertes de revenus résultant du refus de reconnaître l'imputabilité au service de ses congés de maladie et la somme de 18 669,12 euros en réparation des préjudices en lien avec la perte de son emploi pour invalidité. Par un jugement n° 2004381 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a condamné la commune de Louviers à verser à Mme A..., dans un délai de deux mois, une indemnité correspondant aux traitements dus au titre de ses congés de maladie imputables au service et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 26 août 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 16 juin 2023, la commune de Louviers, représentée par Me Enard-Bazire, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 6 juillet 2022 en tant qu'il la condamne à indemniser Mme A... ; 2°) de rejeter la demande présentée par l'intéressée devant le tribunal administratif en vue de l'indemnisation de ses pertes de revenus ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les conclusions indemnitaires présentées devant les premiers juges étaient irrecevables dès lors que les arrêtés plaçant Mme A... en congé de maladie ordinaire à demi-traitement étaient devenus définitifs, en l'absence de demande d'annulation présentée dans le délai de recours contentieux, et que le recours indemnitaire n'a pas été introduit dans un délai raisonnable ; - l'administration n'a commis aucune faute en plaçant l'intéressée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement dès lors que, eu égard à son état antérieur, ses arrêts de travail ne présentent pas de lien suffisamment direct avec l'accident de service survenu le 5 mai 2014 ; - les congés de maladie postérieurs à la date de consolidation du 17 mai 2015 ne peuvent être pris en charge au titre de l'accident de service ; - les préjudices invoqués ne sont pas imputables à la pathologie de l'intimée ; - l'administration n'a pas manqué à ses obligations d'aménagement de poste et de reclassement dès lors que Mme A... n'a pas demandé à travailler dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, que la fiche de poste a été modifiée à plusieurs reprises afin de tenir compte des restrictions médicales, que l'intéressée a été déclarée définitivement inapte à son poste le 7 avril 2017 et à tous postes le 10 novembre suivant et que la mise à la retraite pour invalidité résulte pour l'essentiel de l'état antérieur non imputable au service ; - un éventuel manquement à ses obligations d'aménagement et de reclassement ne pourrait concerner que la période du 22 février 2016 au 19 septembre 2017 ; - l'inaptitude définitive de Mme A... et sa mise à la retraite pour invalidité résultent de son syndrome dépressif et de l'aggravation de sa lombalgie qui ne sont pas imputables au service ; - les pertes de revenus subies au cours de la période du 22 février 2016 au 31 décembre 2018 doivent être évaluées à la somme de 21 729,28 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 18 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Levesques, conclut : 1°) au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Louviers à lui verser la somme de 27 278,26 euros en réparation des pertes de revenus résultant du refus de reconnaître l'imputabilité au service de ses congés de maladie, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement attaqué ; 2°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 6 juillet 2022 en tant qu'il rejette ses conclusions en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi, et à la condamnation de la commune de Louviers à lui verser la somme de 18 669,12 euros à ce titre ; 3°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Louviers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa demande présentée devant le tribunal administratif était recevable dès lors que le caractère définitif des décisions la plaçant en congé de maladie ordinaire ne faisait pas obstacle à l'exercice d'un recours indemnitaire, que la responsabilité de la commune est engagée pour ne pas avoir envisagé l'aménagement de son poste ou un éventuel reclassement, et qu'aucun délai raisonnable ne lui est opposable ; - la commune de Louviers n'a pas exécuté le jugement attaqué, justifiant qu'elle demande la condamnation de la collectivité à lui verser la somme de 27 278,26 euros en réparation de ses pertes de revenus ; - la commune a commis une faute en la maintenant en congé de maladie ordinaire depuis le 28 septembre 2015, alors que ses congés sont imputables à l'accident de service du 5 mai 2014 ; - elle a également commis une faute en s'abstenant de procéder à l'aménagement de son poste ou à un reclassement tenant compte des prescriptions médicales ; - les manquements de la commune sont à l'origine de pertes de revenus au titre de la période du 22 février 2016 au 31 décembre 2018, pour un montant de 27 278,26 euros, et de sa mise à la retraite pour invalidité, dont le préjudice est évalué à la somme de 18 669,12 euros. Par une ordonnance du 20 juin 2023, l'instruction a été close à la date du 10 juillet 2023, à 12 heures. Par une décision du 26 janvier 2023, le président du bureau d'aide juridictionnelle a maintenu, pour la présente instance, la décision du 25 janvier 2021 admettant Mme A... à l'aide juridictionnelle totale devant le tribunal administratif de Rouen. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - et les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Adjointe technique de 2ème classe affectée à la commune de Louviers, où elle exerçait les fonctions d'agent d'entretien, Mme A... a été victime d'un accident sur son lieu de travail le 5 mai 2014. L'imputabilité au service de cet accident a été reconnue par la commune de Louviers, qui a placé Mme A... en congé de maladie à plein traitement, avec prise en charge des soins, jusqu'au 27 septembre 2015. L'intéressée a ensuite bénéficié d'un congé de maladie ordinaire puis, à la suite de deux jugements du tribunal administratif de Rouen des 16 janvier et 27 février 2018 annulant les mesures de gestion prises sur ce point, elle a été placée en congé de maladie imputable au service, avec maintien d'un plein traitement, jusqu'au 21 février 2016. Mme A... a été de nouveau placée en congé ordinaire de maladie après cette date, puis en disponibilité d'office du 28 septembre 2016 au 27 septembre 2018, avec le bénéfice d'un demi-traitement. Maintenue ensuite dans les effectifs de la commune, toujours à mi-traitement, dans l'attente que la commission de réforme donne son avis, Mme A... a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er janvier 2019. Relevant divers manquements se rapportant à la prise en charge de ses arrêts de travail, à l'adaptation de son poste et à l'absence de reclassement, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Louviers à réparer les préjudices résultant de ses pertes de traitement et de la perte de son emploi. Par un jugement du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a condamné la commune de Louviers à verser à Mme A..., dans un délai de deux mois, une indemnité correspondant aux traitements dus au titre de ses congés de maladie imputables au service pour la période du 22 février 2016 au 31 décembre 2018 et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. La commune de Louviers relève appel de ce jugement. Mme A... saisit la cour de conclusions incidentes tendant à la réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif : 2. D'une part, et contrairement à ce que soutient la commune de Louviers, les arrêtés plaçant Mme A... en congé de maladie ordinaire à demi-traitement ont emporté des effets juridiques sur sa situation individuelle qui ne sont pas exclusivement financiers, de sorte qu'ils ne sauraient être regardés comme ayant un objet purement pécuniaire. Par suite, la circonstance que ces arrêtés sont devenus définitifs n'a pas pour effet de priver Mme A... de la possibilité de demander l'indemnisation des préjudices résultant de leur caractère illégal. 3. D'autre part, si le recours visant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique doit être précédé d'une réclamation auprès de l'administration, il ne tend pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968. Il s'ensuit que la commune de Louviers ne saurait utilement se prévaloir de la règle selon laquelle, pour un recours tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision, le principe de sécurité juridique impose au destinataire de la décision de saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. 4. Il résulte de ce qui précède que la commune de Louviers n'est pas fondée à soutenir que la demande présentée par Mme A... devant les premiers juges était irrecevable. En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Louviers : 5. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi, emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / (...) La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables (...) ". Enfin, aux termes de l'article 36 du même décret : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées (...) en service (...) peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par dérogation à l'article 19, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale ". 6. Le droit, prévu par les dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, d'un fonctionnaire en congé de maladie à conserver l'intégralité de son traitement en cas de maladie provenant d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. 7. Il résulte en outre de la combinaison des dispositions citées au point 5 que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service et qui se trouve dans l'incapacité permanente d'exercer ses fonctions au terme d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée, doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emploi, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes. S'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation. Il appartient à l'autorité compétente de se prononcer sur la situation de l'intéressé au vu des avis émis par le comité compétent, sans être liée par ceux-ci. En l'absence de modification de la situation de l'agent, l'administration a l'obligation de le maintenir en congé de maladie avec plein traitement jusqu'à la reprise de service ou jusqu'à sa mise à la retraite, qui ne peut prendre effet rétroactivement. 8. D'une part, Mme A..., qui exerçait les fonctions d'agent d'entretien, a été victime d'un accident de service le 5 mai 2014, qui a entrainé l'apparition de lombalgies et son placement en congé de maladie. Pour contester tout lien entre cet accident de service et les arrêts de travail de Mme A..., après le 22 février 2016 et jusqu'au 31 décembre 2018, la commune de Louviers se prévaut de l'expertise médicale réalisée le 29 décembre 2015 et des avis rendus par la commission de réforme les 15 février et 12 avril 2018, dont il ressort que les congés de maladie et les soins postérieurs à la date de consolidation, fixée au 17 mai 2015, ne sont pas imputables à cet accident. Toutefois, la consolidation retenue pour les lésions imputables à un accident de service ne fait pas obstacle à ce que des douleurs ressenties après cette consolidation et relevant de la même symptomatologie que celles ayant conduit à la reconnaissance de l'imputabilité, présentent un lien direct et certain avec l'accident de service initial et soient reconnues comme également imputables. Si dans son avis précité du 15 février 2018, la commission de réforme retient que l'incapacité résultant de la pathologie lombaire de l'intéressée est imputable à un état antérieur, pour un taux de 7 %, et à l'accident de service, pour un taux de 8 %, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait présenté une lombalgie avant la survenue de cet accident. Il n'est pas non plus établi, ni même soutenu par la commune, que le syndrome dépressif également retenu par la commission de réforme le 15 février 2018 expliquerait à lui seul les arrêts de travail de Mme A..., alors que, dans des avis antérieurs des 10 septembre 2015 et 10 mars 2016, la commission envisage une reprise d'activité sur un poste aménagé tenant compte de restrictions médicales en lien avec ses seules douleurs lombaires. Dans ces conditions, la maladie qui a mis l'intimée dans l'impossibilité d'accomplir son service d'agent d'entretien pendant la période litigieuse est en lien direct avec l'accident survenu dans l'exercice de ses fonctions, quand bien même ce lien ne serait pas exclusif. 9. D'autre part, Mme A..., dont la maladie provient d'un accident de service et qui s'est trouvée dans l'incapacité permanente d'exercer ses fonctions initiales d'agent d'entretien au terme de douze mois de congé maladie, n'a pu être placée en congé de longue maladie ou de longue durée, et devait donc bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'était pas possible, être mise en mesure de demander son reclassement. Il ressort des rapports d'expertise médicale des 19 mai et 20 décembre 2015 et des avis de la commission de réforme des 10 septembre 2015 et 10 mars 2016 qu'une reprise d'activité était envisageable sur un poste aménagé excluant le port de charges supérieures à cinq kilogrammes et des flexions et rotations du tronc, d'abord dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique à compter de septembre 2015 puis à temps plein à compter de mars 2016. La commune de Louviers soutient avoir proposé un tel poste aménagé dès le 26 mai 2015. Toutefois, elle renvoie sur ce point à une fiche de poste décrivant les missions d'agent d'entretien assurées par Mme A... avant son accident, et qui ne prend pas en compte les restrictions médicales précitées. Si la fiche de poste proposée le 31 mars 2016 retient ces restrictions, le médecin de prévention a estimé le 18 avril 2016 que le poste ainsi aménagé était incompatible avec l'état de santé de Mme A... qui devait être hospitalisée pendant un mois pour recevoir des soins en lien avec sa lombalgie et permettant une rééducation et une réadaptation à l'effort physique. Il ne résulte pas de l'instruction que les fiches de poste des 29 novembre 2016 et 17 janvier 2017, en tous points identiques à celle du 31 mars 2016, auraient correspondu à l'état de santé de Mme A.... Au demeurant, le comité médical s'est prononcé le 7 avril 2017 pour une inaptitude totale de l'intéressée à ses fonctions d'agent d'entretien, impliquant un reclassement dans un emploi sans port de charges, ni position penchée en avant ou exposition aux trépidations. La commune de Louviers ne démontre pas avoir mis à même Mme A... de demander un tel poste de reclassement avant le 10 novembre 2017, date à laquelle le comité médical a constaté qu'elle était inapte à tous postes. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'a pu bénéficier de l'adaptation de son poste de travail et, à supposer qu'il fut possible, n'a pas été mise en mesure de demander son reclassement. Ainsi qu'il a été dit au point 7, il appartenait donc à la commune de Louviers, en l'absence de toute possibilité de reprise, de la maintenir en congé de maladie avec plein traitement jusqu'à sa mise à la retraite, intervenue le 1er janvier 2019. 10. Il résulte de ce qui précède qu'en plaçant Mme A... en congé de maladie ordinaire non imputable au service puis en disponibilité d'office, avec le bénéfice d'un demi-traitement, la commune de Louviers a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. En ce qui concerne les préjudices : 11. En premier lieu, Mme A... n'a perçu qu'un demi traitement du 22 février 2016, date à laquelle elle est arrivée au terme de la période de congé de maladie ordinaire à plein traitement, au 31 décembre 2018, avant sa mise à la retraite pour invalidité. Si elle demande en appel la condamnation de la commune à lui verser à ce titre la somme de 27 278,26 euros, sans en expliciter le mode de calcul et en renvoyant à ses bulletins de paie, la commune de Louviers produit sur ce point des éléments financiers, non contestés par l'intéressée, dont il ressort que les pertes de revenus subies pendant la période litigieuse s'établissent à la somme totale de 21 729,28 euros. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir ce montant pour fixer l'indemnité due à Mme A.... 12. En second lieu, invoquant le refus fautif de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail, ainsi que des manquements de la commune aux obligations d'aménagement de poste et de reclassement, Mme A... soutient qu'elle s'est trouvée dans une situation de déclassement économique et social, qu'elle n'a pas pu entreprendre le programme médical de restauration fonctionnelle de son rachis, et qu'elle a développé un syndrome dépressif, ces circonstances ayant conduit à son inaptitude professionnelle et à la perte de son emploi. Il résulte de l'instruction que la mise à la retraite de Mme A... pour invalidité résulte de sa pathologie lombaire correspondant à une incapacité globale de 15 %, en partie seulement imputable au service à hauteur de 8 %, et à un syndrome dépressif représentant un déficit fonctionnel de 20 %. Si le certificat médical du 9 février 2018, que l'intéressée produit à l'instance, fait état de ses lombalgies et de sa pathologie psychiatrique, il n'en ressort aucunement que ses lésions lombaires, pour la partie non imputable au service, et son syndrome dépressif auraient pour origine le refus de la commune de prendre en charge l'ensemble de ses arrêts de travail au titre de l'accident de service du 5 mai 2014 ou les manquements allégués dans l'aménagement de poste ou la procédure de reclassement. Il n'est pas plus établi par Mme A..., qui renvoie sur ce point à ses propres déclarations, que ce refus de prise en charge aurait rendu impossible la réalisation d'un programme médical de restauration lombaire et aurait ainsi fait obstacle à une reprise d'activité. Dans ces conditions, en l'absence de démonstration d'un lien de causalité entre son inaptitude professionnelle définitive et un comportement fautif de l'administration, elle n'est pas fondée à solliciter une indemnisation à ce titre. 13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Louviers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser à Mme A... une indemnité correspondant à ses pertes de revenus entre le 22 février 2016 et le 31 décembre 2018. Il résulte encore de ce qui précède que le montant de cette indemnité doit être fixé à la somme de 21 729,28 euros. Sur les intérêts : 14. Aux termes de l'article 1231-7 du code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement (...) ". 15. Tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts au taux légal au jour de son prononcé jusqu'à son exécution, même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts. Dès lors, la demande de Mme A... tendant à ce que lui soient alloués, à compter de la date du jugement attaqué, des intérêts au taux légal sur la somme que la commune de Louviers a été condamnée à lui verser est dépourvue de tout objet et doit être rejetée Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la commune de Louviers demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. 17. Par ailleurs, Mme A... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. L'avocat de Mme A... n'a pas demandé que lui soit versée par la commune de Louviers la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si celle-ci n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de Mme A... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la commune de Louviers est rejetée. Article 2 : La commune de Louviers est condamnée à verser la somme de 21 729,28 euros à Mme A... en réparation des pertes de revenus subies du 22 février 2016 au 31 décembre 2018. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 6 juillet 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Louviers, à Mme B... A... et à Me Levesques. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-Lebacq La présidente de chambre, Signé : M.-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 22DA01854 |
CETATEXT000048424471 | J7_L_2023_11_00023DA00126 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424471.xml | Texte | CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 23DA00126, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de DOUAI | 23DA00126 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme Viard | CABINET AMELE MANSOURI | M. Jean-Marc Guerin-Lebacq | M. Carpentier-Daubresse | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2201506 du 27 décembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 20 janvier 2023, Mme C... E..., représentée par Me Mansouri, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 27 décembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade dans un délai de trente jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation aux fins de la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé en tant qu'il écarte les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté et d'une méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - il est encore insuffisamment motivé en tant qu'il se prononce sur la légalité de la décision fixant le pays de destination ; - la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'incompétence ; - cette décision est insuffisamment motivée en droit et en fait ; - le préfet a omis de procéder à un examen de sa situation avant de lui refuser le droit au séjour ; - sa fille nécessite des soins dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qui ne peuvent être prodigués en Algérie ; - le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ; - le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont le refus de séjour est entaché ; - cette décision est entachée d'incompétence et n'est pas suffisamment motivée ; - cette décision méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1, 6, 24, 26 et 27 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le préfet a omis de procéder à un examen de sa situation avant de décider son éloignement ; - il a ordonné son éloignement sans abroger son autorisation de séjour en cours de validité ; - la décision fixant le pays de destination est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont la mesure d'éloignement est entachée. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2023, le Préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 20 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 octobre 2023. Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme E..., ressortissante algérienne née le 8 novembre 1983, est entrée en France le 8 novembre 2019, accompagnée de sa fille A... B... alors âgée de six ans. Une autorisation provisoire de séjour lui a été délivrée pour une durée de six mois à compter du 19 mars 2021, en qualité de parent d'enfant malade, et a été renouvelée à deux reprises les 9 août 2021 et 31 janvier 2022. Par un arrêté du 14 mars 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler l'autorisation provisoire de séjour de Mme E..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée à l'expiration de ce délai. Mme E... relève appel du jugement du 27 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, pour écarter le moyen tiré d'une incompétence de l'auteur de l'acte contesté, le tribunal administratif a retenu que M. D..., directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Seine-Maritime, disposait d'une délégation en vertu de l'arrêté du 21 décembre 2021, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer les décisions relevant des attributions de sa direction, notamment les refus de délivrance de titres de séjour et les mesures d'éloignement des étrangers. Le tribunal a ainsi répondu de façon suffisante au moyen soulevé par Mme E... qui n'a présenté dans sa requête devant les premiers juges aucun élément permettant de douter du caractère exécutoire de l'arrêté de délégation du 21 décembre 2021 lors de l'édiction de l'arrêté contesté du 14 mars 2022. Par suite, le moyen tiré d'une prétendue irrégularité du jugement attaqué doit être écarté. 3. En deuxième lieu, Mme E... a soulevé devant le tribunal administratif le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, en faisant état de la nécessité pour sa fille de poursuivre des soins sur le territoire français. Les premiers juges ont écarté ce moyen en renvoyant au point 8 de leur jugement écartant toute illégalité de la décision de refus de séjour au motif que l'enfant pouvait suivre des soins appropriés à son état de santé en Algérie et en constatant que cette décision n'avait ni pour objet ni pour effet de séparer l'enfant de sa mère qu'elle avait vocation à accompagner dans leur pays d'origine. Le jugement est donc également motivé de façon suffisante en tant qu'il écarte le moyen tiré d'une méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant. 4. En dernier lieu, Mme E... a contesté la légalité de la décision fixant le pays de renvoi devant le tribunal en se bornant à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Les premiers juges n'ont entaché leur jugement d'aucune insuffisance de motivation en relevant que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français devait être écarté, pour en déduire ensuite que la requérante n'était pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. En premier lieu, Mme E... reprend en appel, sans apporter aucun élément nouveau, son moyen tiré d'une incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser (...) le renouvellement (...) de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ". 7. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... qui a sollicité le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'enfant malade, aurait en outre demandé la délivrance d'un certificat de résidence en application des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Dans ces conditions, la circonstance que ces stipulations ne soient pas visées dans l'arrêté contesté du 14 mars 2022 n'est pas de nature à révéler une insuffisance de motivation en droit. En outre, cet arrêté expose la situation personnelle de Mme E..., précise les éléments relatifs à l'état de santé de sa fille et énonce les raisons pour lesquelles le préfet de la Seine-Maritime a refusé le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour comme accompagnant. Cette décision de refus, qui n'avait pas à reprendre tous les éléments factuels se rapportant à la situation de la requérante et de sa fille, comporte ainsi l'ensemble des considérations de fait en constituant le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus d'autorisation provisoire de séjour doit être écarté. 8. D'autre part, la décision portant obligation de quitter le territoire français rappelle les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme E... n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision lui refusant un titre de séjour, laquelle est suffisamment motivée. 9. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour pour les parents étrangers d'enfants dont l'état de santé nécessite des soins dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, en l'absence d'accès effectif à des soins appropriés dans leur pays d'origine, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, autorise de façon provisoire le séjour d'un ressortissant algérien pour l'accompagnement de son enfant malade. 10. Le préfet de la Seine-Maritime a rejeté la demande de Mme E... au vu de l'avis rendu le 6 octobre 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que, si l'état de santé de sa fille nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme E... souffre d'une maladie autosomique récessive responsable d'une paraplégie spastique progressive, d'un retard psychomoteur et d'une atteinte cognitive sévère, nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire avec des soins de kinésithérapie, d'orthopédie et d'orthophonie. Afin d'établir que, contrairement à ce qu'a estimé le préfet, sa fille ne pourra bénéficier d'une prise en charge appropriée en Algérie, la requérante verse en appel des attestations de médecins pédiatres algériens qui indiquent qu'une prise en charge adaptée à la pathologie de l'enfant n'est pas possible en Algérie, en l'absence d'établissement médico-éducatif suffisamment spécialisé et équipé au regard de cette pathologie, ainsi qu'un certificat d'un praticien de l'hôpital Robert-Debré du 25 mars 2022 affirmant qu'une prise en charge spécialisée ne peut être dispensée dans le pays d'origine de la famille. Toutefois, s'il ressort du compte-rendu de l'hôpital Robert-Debré du 6 décembre 2022 que les soins de kinésithérapie, d'orthopédie et d'orthophonie dont a besoin la jeune A... B... sont actuellement dispensés au sein d'un institut médico-éducatif, les documents médicaux précités et les articles de presse sur les carences du système sanitaire algérien ne suffisent pas à démontrer que, compte tenu de la pathologie de l'enfant, les soins dont elle a besoin n'existeraient pas en Algérie et ne seraient pas disponibles dans des conditions permettant d'y avoir accès, quand bien même ils ne seraient pas équivalents à ceux offerts en France dans le cadre d'un institut spécialisé. La circonstance que des investigations médicales étaient en cours à la date de la décision contestée, afin de déterminer l'origine génétique de la pathologie de l'enfant, n'est pas de nature à établir l'absence en Algérie d'un traitement approprié qui a pour objet la prise en charge de son handicap. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en refusant de renouveler l'autorisation provisoire de séjour de Mme E.... 11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". 12. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que l'absence d'accès effectif à un traitement approprié en Algérie n'est pas établie. Dans ces conditions, alors en outre que les décisions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer l'enfant de sa mère, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le refus d'admission au séjour et la mesure d'éloignement porteraient atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes raisons, les moyens tirés d'une prétendue méconnaissance des articles 6, 24, 26 et 27 de cette convention, par lesquels les Etats parties reconnaissent le droit de tout enfant à la vie, au meilleur état de santé possible, au bénéfice de la sécurité sociale et à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement, ne peuvent qu'être écartés. 13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 14. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... est entrée en France le 8 novembre 2019, moins de trois ans avant l'intervention de la décision contestée, et ne justifie d'aucune intégration particulière dans la société française, alors que son époux réside en Algérie. Comme il a été dit plus haut, il n'est pas établi que sa fille ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de la famille. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 15. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté contesté, que le préfet de la Seine-Maritime a examiné la situation de la requérante et de sa fille, au vu de la demande dont il était saisi, avant de statuer sur la demande d'autorisation provisoire au séjour. La circonstance que le préfet, s'interrogeant sur une éventuelle régularisation à titre humanitaire et sur l'opportunité d'une mesure d'éloignement, a précisé dans son arrêté que la requérante n'exerce aucune activité professionnelle est insusceptible de caractériser un défaut d'examen. Mme E... n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet a omis de procéder à un examen approfondi de sa situation avant de lui refuser l'accès au séjour et de l'éloigner. 16. En septième lieu, la circonstance que l'arrêté contesté ne prononce pas expressément l'abrogation de l'autorisation provisoire de séjour en cours de validité à la date du 14 mars 2022, tout en lui en refusant le renouvellement, est sans influence sur la légalité de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme E.... 17. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour serait illégale. Elle n'est donc pas plus fondée à se prévaloir de sa prétendue illégalité pour soutenir que, par voie d'exception, la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait elle-même illégale. De même, les moyens soulevés à l'encontre de la mesure d'éloignement étant écartés, la requérante n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette mesure pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi. 18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Amèle Mansouri. Copie du présent arrêt sera délivrée au préfet de la Seine-Maritime. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 23DA00126 |
CETATEXT000048424472 | J7_L_2023_11_00023DA00143 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424472.xml | Texte | CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 23DA00143, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de DOUAI | 23DA00143 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme Viard | SELAFA CASSEL | Mme Marie-Pierre Viard | M. Carpentier-Daubresse | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 11 décembre 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'obtention de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ". Par un jugement n° 2101716 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision et a enjoint au ministre des armées d'attribuer à M. B... la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 janvier 2023, le ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande de M. B... présentée en première instance. Il soutient que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce que la décision litigieuse était entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que M. B... ne peut être regardé comme ayant souscrit un engagement au sens des dispositions de l'article D. 352-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et que les unités dans lesquelles il a été affecté n'ont pas été reconnues comme combattantes en Algérie durant les périodes où celui-ci y était affecté. Par un mémoire enregistré le 5 mai 2023, M. B..., représenté par la S.E.L.A.F.A. Cabinet Cassel, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ordonnance du 9 mai 2023 la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 juillet 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente-rapporteure, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., titulaire d'une carte d'ancien combattant délivrée par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre au titre de sa participation à la guerre d'Algérie du 8 mai 1962 au 26 janvier 1963, a demandé, le 1er juillet 2019, au ministre des armées la délivrance de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ". Par une décision du 11 décembre 2020, sa demande a été rejetée par la ministre des armées au motif qu'il avait la qualité d'appelé et pas d'engagé volontaire. Le ministre des armées relève appel du jugement du 22 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté. 2. D'une part, aux termes de l'article D. 352-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Peuvent prétendre, sur leur demande, à la croix du combattant volontaire avec barrette Afrique du Nord les militaires des forces armées françaises et les membres des formations supplétives françaises, qui, titulaires de la carte du combattant au titre de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc et de la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre, ont contracté un engagement pour participer dans une unité combattante aux opérations : 1° En Algérie, du 31 octobre 1954 au 3 juillet 1962 ; 2° Au Maroc, du 1er juin 1953 au 2 mars 1956 ; 3° En Tunisie, du 1er janvier 1952 au 20 mars 1956. A défaut de la carte du combattant au titre de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, les candidats déjà titulaires de la carte du combattant au titre d'un autre conflit pourront se prévaloir de leur qualité de combattant de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc sur présentation d'un certificat ou attestation délivré par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre authentifiant cette qualité. ". Il résulte de ces dispositions que la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord " ne peut être attribuée qu'aux militaires qui ont souscrit leur engagement dans l'intention délibérée de participer dans une unité combattante aux opérations mentionnées à l'article D. 352-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 4132-9 du code de la défense : " L'engagé est celui qui est admis à servir en vertu d'un contrat dans les grades de militaire du rang et de sous-officier ou d'officier marinier, dans une armée ou une formation rattachée ". 4. Pour rejeter par la décision contestée du 11 décembre 2020 la demande de M. B... tendant à l'attribution de la croix de combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ", la ministre des armées s'est fondée sur le motif tiré de ce qu'il avait servi en Algérie en qualité d'appelé. 5. S'il est constant que M. B... est titulaire de la carte du combattant et de la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre, il ressort des pièces du dossier qu'il a été appelé à l'activité le 1er janvier 1962. S'il se prévaut de la signature, le 13 janvier 1962, d'une demande de volontariat pour suivre un peloton d'élèves officiers de réserve, réservé à son contingent, alors qu'il était alors affecté au groupement d'instruction des troupes de marine de Fréjus, cette circonstance ne peut être assimilée à la conclusion d'un contrat d'engagement au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article D. 325-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Il en est de même de la présence sur ce document de la mention manuscrite " pour servir en Afrique du Nord " ajoutée par l'intéressé, qui ne se rattache à aucune date et à aucune unité, laquelle n'est pas plus de nature à faire regarder M. B... comme remplissant la condition susmentionnée. La ministre des armées pouvait dès lors, pour ce seul motif, rejeter la demande présentée par M. B... tendant à la délivrance de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ". 6. Il est également constant qu'aucune des unités où l'intéressé a été affecté n'a été reconnue comme unité combattante au cours des périodes pendant lesquelles il y servait, qu'il s'agisse en l'occurrence de l'école militaire d'infanterie de Cherchell où il a été affecté à la suite de son débarquement à Alger le 7 mai 1962 et de la 3ème compagnie du 21ème régiment d'infanterie où il a été affecté à compter de novembre 1962. A ce titre, la circonstance que ces unités ont été reconnues comme combattantes sur plusieurs périodes antérieures à ses affectations ne suffit pas à leur conférer, pour l'intégralité de la période mentionnée au 1° de l'article D. 352-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, la qualité d'unité combattante. Dans ces conditions, le ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que M. B... ne remplissait pas l'ensemble des conditions exposées au point 2 pour l'obtention de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ". 7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision litigieuse en considérant que M. B... avait la qualité d'engagé volontaire et non d'appelé et que la circonstance que l'unité dans laquelle il avait servi en Algérie n'avait pas été reconnue comme combattante pendant les périodes au cours desquelles il y a été affecté ne faisait pas obstacle à la délivrance de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ". Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif 8. Si M. B... fait valoir que la décision attaquée mentionne, de manière erronée, qu'il a été appelé à servir le 13 octobre 1961 alors qu'il a été appelé à l'activité le 1er janvier 1962, cette erreur matérielle, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur la légalité de la décision, laquelle s'apprécie au regard du respect des conditions énumérées à l'article D. 325-11 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 9. Enfin, si M. B... soutient que des militaires se trouvant dans la même situation que lui ont obtenu l'avantage qu'il sollicite, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 10. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1 : Le jugement n° 2101716 du 22 novembre 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Vard, présidente-rapporteure, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-assesseur, Signé : J.-M. Guérin-Lebacq La présidente de chambre, présidente-rapporteure, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, N.Roméro N° 23DA00143 2 |
CETATEXT000048424473 | J7_L_2023_11_00023DA00224 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424473.xml | Texte | CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 23DA00224, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de DOUAI | 23DA00224 | 3ème chambre | plein contentieux | C | Mme Borot | SELARL CAMPANARO OHANIAN | M. Frédéric Malfoy | M. Carpentier-Daubresse | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Couverdure a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision implicite, née le 26 avril 2021, par laquelle la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent a rejeté son mémoire en réclamation, de condamner cette commune, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision de 208 720,75 euros avec intérêts à compter du 31ème jour suivant la réception de chacune des deux situations non réglées, au taux de la Banque centrale européenne (BCE) en vigueur, augmenté de huit points, et de condamner la commune à lui verser la somme provisionnelle de 80 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour paiement tardif. Par une ordonnance n° 2102119 du 18 janvier 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a condamné la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à verser à la société Couverdure une provision de 97 167,55 euros majorée de l'intérêt au taux légal, majoré de huit points de pourcentage à compter du 3 septembre 2019 ainsi que la somme forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros. Procédure devant la cour : I - Par une requête enregistrée le 7 février 2023 sous le n° 23DA00224 et des mémoires enregistrés le 30 mars 2023, le 1er septembre 2023 et le 13 octobre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent, représentée par Me Campanaro, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de rejeter l'intégralité des demandes de la société Couverdure ; 3°) de mettre à la charge de la société Couverdure la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens. Elle soutient que : - son appel est recevable ; - l'ordonnance est insuffisamment motivée, d'une part, en ce que le juge a omis d'identifier les parties au contrat ayant le pouvoir d'admettre les acomptes mensuels et de procéder à leur paiement, d'autre part, en ce qu'il a omis de viser les pièces, actes et stipulations desquels il a déduit que la situation d'acompte n° 4 avait été validée, et, enfin, en ce qu'il a omis de préciser les raisons pour lesquelles il a jugé que les malfaçons constatées lors de la réception avec réserves des travaux n'avaient aucune incidence sur le caractère non contestable de la créance invoquée par la société Couverdure ; - le juge des référés du tribunal a entaché son ordonnance d'une erreur de qualification des faits dans son analyse des modalités d'admission des situations d'acomptes mensuels, et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8.1 du CCAP en considérant la situation d'acompte n° 4 comme ayant été validée du fait de la transmission et du visa de la société Scoping alors qu'elle ne l'a pas été, ni par le maître d'ouvrage, ni par son mandataire et ne peut donc donner lieu à la naissance d'une créance ; - la situation d'acompte n° 5 n'a fait l'objet d'aucune validation par le maître d'œuvre ou le maître d'ouvrage et son mandataire ; de plus, elle a été formellement contestée ; - la nécessité de devoir faire procéder à des reprises des travaux par d'autres entreprises pour un montant de 98 844,65 euros, ainsi que les retards accusés dans l'exécution desdits travaux et dans la transmission des dossiers d'exécution du marché générant des pénalités de retard à hauteur de 89 929,76 euros selon un décompte arrêté provisoirement au 9 octobre 2019, rendent incertaine la créance que soutient détenir la société Couverdure ; - en conséquence, l'obligation dont se prévaut la société Couverdure présente le caractère d'une créance sérieusement contestable. Par des mémoires en défense enregistrés les 22 mars, 18 avril 2023, 4 mai 2023 et 13 octobre 2023, ces deux derniers mémoires n'ayant pas été communiqués, la société Couverdure, représentée par Me Rouch, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler la décision implicite de rejet de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent, née le 26 avril 2021 de son mémoire en réclamation, d'annuler l'ordonnance attaquée en tant que le juge des référés a limité la condamnation de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à la somme provisionnelle de 97 167,55 euros TTC, et en tant qu'il a limité l'indemnité forfaitaire pour paiement tardif à 40 euros et a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent d'une part, à lui verser une provision de 208 720,75 euros TTC avec intérêts au taux de la BCE en vigueur, majoré de huit points de pourcentage à compter du 3 septembre 2019 en ce qui concerne la situation d'acompte n° 4 (équivalente à 97 171,55 euros TTC) et, à compter du 1er octobre 2019 en ce qui concerne la situation d'acompte n° 5 (équivalente à 111 549,20 euros TTC), d'autre part, à lui verser une somme provisionnelle de 80 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour paiement tardif ; 3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à lui verser la somme de 97 167,55 euros TTC avec intérêts au taux de la BCE en vigueur, majoré de huit points de pourcentage à compter du 3 septembre 2019 au titre de la situation n° 4 et la somme de 38 847,67 euros TTC avec intérêts au taux de la BCE en vigueur, majoré de huit points de pourcentage à compter du 1er octobre 2019 au titre de la situation n° 5 ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens. Elle soutient que : - l'ordonnance attaquée est suffisamment motivée ; - elle détient une créance non sérieusement contestable correspondant aux situations d'acomptes n° 4 et n° 5 que la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent ne lui a pas versées, pour un montant total de 208 720,75 euros TTC ; - c'est à bon droit que le juge des référés a considéré comme validée la situation d'acompte n° 4, mais il a commis une erreur d'appréciation dans le quantum de la provision accordée en considérant comme non-validée la situation d'acompte n° 5 ; - c'est à tort que le juge des référés a déduit de la provision accordée la somme de 707,34 euros du montant de la situation n° 4, en lieu et place de celle de 703,34 euros, au titre du versement déjà réalisé par la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent ; - c'est à tort que le juge des référés a estimé que les sommes dues porteraient intérêt au taux légal majoré de huit points, alors que, s'agissant de retard de paiement dans le cadre d'un marché public, les intérêts de retard sont calculés au taux de la BCE en vigueur, majoré de huit points de pourcentage à compter de la date à laquelle les sommes auraient dues être payées. II - Par une requête enregistrée le 24 février 2023 sous le n° 23DA00345, la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent, représentée par Me Campanaro, demande à la cour de surseoir à l'exécution de l'ordonnance n° 2102119 du 18 janvier 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen. Elle soutient qu'il existe une série de moyens sérieux et de nature à justifier l'annulation de cette ordonnance. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de la commande publique ; - l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux et l'annexe à cet arrêté ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Malfoy, premier conseiller, - les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Campanaro pour la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent, de Me Nadal, pour la société Couverdure. Considérant ce qui suit : 1. La commune de Saint-Sébastien-de-Morsent a confié à la société Couverdure, dans le cadre de la construction d'un complexe sportif, la couverture d'un terrain de tennis extérieur et la construction d'un vestiaire attenant. Ces éléments correspondent au lot n° 14 du marché public conclu le 30 mai 2018 pour un montant total de 340 414,69 euros HT, somme à laquelle s'ajoute un montant de 65 115,78 euros HT au titre des avenants au marché. Dans le cadre de cette opération, le cabinet Dedale est intervenu en qualité d'architecte maître d'œuvre, la société Eure Aménagement Développement (EAD), anciennement dénommée Senova, en qualité de maître d'ouvrage délégué, et la société Scoping en qualité de bureau d'études techniques. Par ordre de service émis le 18 juillet 2018, la société EAD a invité la société Couverdure à recevoir notification du marché de travaux et à en démarrer l'exécution. Au regard de l'avancée des travaux, la société Couverdure a par la suite transmis pour paiement les situations d'acompte n° 1, n° 2 et n° 3 qui lui ont été réglées pour des montants respectifs de 16 268,81 euros HT, 31 861,81 euros HT et 35 629,25 euros HT. La société Couverdure a ensuite établi une situation d'acompte n° 4 en date du 25 juillet 2019, d'un montant de 73 721,41 euros HT pour laquelle seul un règlement de 703,34 euros a été exécuté en sa faveur en octobre 2019. Le 30 août 2019, la société Couverdure a ensuite transmis une situation d'acompte n° 5 pour un montant de 89 239,36 euros HT, qui n'a fait l'objet d'aucun règlement. La société Couverdure a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à lui verser, à titre de provision, la somme de 208 720,75 euros TTC. La commune de Saint-Sébastien-de-Morsent relève appel de l'ordonnance du 18 janvier 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser à la société Couverdure une somme de 97 167,55 euros majorée de l'intérêt au taux légal majoré de huit points de pourcentage depuis le 3 septembre 2019 ainsi que la somme forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros. Par des conclusions d'appel incident, la société Couverdure demande la réformation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a limité la condamnation de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à la somme provisionnelle de 97 167,55 euros et l'indemnité forfaitaire pour paiement tardif à la somme de 40 euros. Sur la jonction : 2. Les requêtes enregistrées sous les n° 23DA00224 et n° 23DA00345, tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution de la même ordonnance. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée : 3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation est non sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. 4. Si l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, cette règle ne fait toutefois pas obstacle, eu égard notamment au caractère provisoire d'une mesure prononcée en référé, à ce qu'il soit ordonné au maître d'ouvrage de verser au titulaire d'un tel marché une provision au titre d'une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l'exécution du marché, alors même que le décompte général et définitif n'aurait pas encore été établi. Lorsque le maître de l'ouvrage ne procède pas au versement d'acomptes auxquels a droit le titulaire du marché, ce dernier peut demander au juge des référés le versement d'une provision représentative de tout ou partie de leur montant. 5. D'une part, aux termes de l'article 11 du cahier des clauses administrative générales applicables aux marchés de travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009, dont relève le marché litigieux : " 11.1. / Le règlement des comptes du marché se fait par des acomptes mensuels et un solde établis et réglés comme il est indiqué à l'article 13. ". Aux termes de cet article 13 : " 13.1. Demandes de paiement mensuelles : / 13.1.1. Avant la fin de chaque mois, le titulaire remet sa demande de paiement mensuelle au maître d'œuvre, sous la forme d'un projet de décompte. / (...) 13.1.8. / Le projet de décompte mensuel établi par le titulaire constitue la demande de paiement ; cette demande est datée et mentionne les références du marché. / Le titulaire envoie cette demande de paiement mensuelle au maître d'œuvre par tout moyen permettant de donner une date certaine. / 13.1.9. / Le maître d'œuvre accepte ou rectifie le projet de décompte mensuel établi par le titulaire. Le projet accepté ou rectifié devient alors le décompte mensuel. / (...) 13.2.1. / A partir du décompte mensuel, le maître d'œuvre détermine le montant de l'acompte mensuel à régler au titulaire. / (...) 13.2.2. / Le maître d'œuvre notifie par ordre de service au titulaire l'état d'acompte mensuel et propose au représentant du pouvoir adjudicateur de régler les sommes qu'il admet. / Cette notification intervient dans les sept jours à compter de la date de réception de la demande de paiement mensuelle du titulaire. / Si cette notification n'intervient pas dans un délai de sept jours à compter de la réception de la demande du titulaire, celui-ci en informe le représentant du pouvoir adjudicateur qui procède au paiement sur la base des sommes qu'il admet. : (...) ". 6. D'autre part, aux termes des stipulations de l'article 8.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché en litige : " - Décomptes et acomptes mensuels / Les modalités de règlement des comptes sont les suivantes : / Par dérogation à l'article 13.3.2 du CCAG Travaux, l'état d'acompte sera notifié au titulaire par le mandataire (au plus tard lors du règlement de l'acompte / ou dans un délai de 6 jours) si le projet de décompte mensuel remis par le titulaire a été modifié. / (...) " . Aux termes des stipulations de l'article 11 du CCAP : " - Pénalités / 11.1 - Pénalités de retard / Lorsque le délai contractuel d'exécution ou de livraison est dépassé, par le fait du titulaire, celui-ci encourt, par jour de retard et sans mise en demeure préalable, une pénalité fixée à 1.0/3 000, conformément aux stipulations de l'article 20.1 du CCAG - travaux (...) / 11.2 - Autres pénalités spécifiques / En cas d'absence aux réunions de chantier, les entreprises dont la présence est requise se verront appliquer une pénalité forfaitaire fixée à 300,00 euros par absence . (...) ". 7. En premier lieu, si la situation n° 4 correspondant à un montant de 97 874,89 euros TTC, a été validée le 23 août 2019 par la société Scoping agissant en qualité de maître d'œuvre, il ne résulte pas de l'instruction que, conformément aux stipulations précitées de l'article 13.2.2, le représentant du pouvoir adjudicateur ait admis les sommes demandées dans l'acompte mensuel. En conséquence, à ce stade, aucune notification de l'état d'acompte mensuel ne devait être adressée au titulaire du marché. En revanche, il ressort de l'état d'acompte mensuel " n° 4 V2 " correspondant à la situation n° 4, établi par le mandataire EAD et signé le 15 octobre 2019 et dont la société Couverdure a reçu notification, que des pénalités pour retard résultant notamment d'absences aux rendez-vous de chantier ont été arrêtés à la somme de 89 929, 76 euros TTC. Si la société Couverdure conteste le bien-fondé des pénalités infligées par le maître d'ouvrage, elle n'apporte toutefois pas d'éléments permettant d'invalider les motifs fondant l'infliction de ces pénalités, résultant du constat, par le maître d'ouvrage délégué, de soixante-treize jours de retard d'exécution de travaux et de quinze absences à des réunions de chantier. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'en raison de nombreuses malfaçons dans la réalisation de l'ouvrage, la réception en a été prononcée avec de nombreuses réserves, lesquelles ont nécessité l'intervention de deux sociétés tierces pour effectuer des travaux de reprise à hauteur de 98 844,65 euros. Dans ces circonstances, à la date du présent arrêt, l'existence de l'obligation dont se prévaut la société Couverdure ne peut être regardée comme présentant un caractère non sérieusement contestable au sens des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. 8. En second lieu, il résulte de l'instruction que la société Couverdure a établi, le 30 août 2019, un état de situation n° 5 s'élevant à la somme de 135 072,20 euros TTC, adressé à la société EAD mandataire agissant pour le compte de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent. Il résulte d'un supplément d'instruction diligenté auprès de la société Scoping que cette dernière a établi un état d'acompte n° 5 revêtu de la signature de son représentant précédée de la mention " reçu le 11 mai 2021, vérifié et transmis au maître d'ouvrage le 11 mai 2021 ". Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que, conformément aux stipulations précitées de l'article 13.2.2, le représentant du pouvoir adjudicateur ait admis les sommes demandées dans l'acompte mensuel. En conséquence, à ce stade, aucune notification de l'état d'acompte mensuel ne devait être adressée au titulaire du marché. Il s'ensuit que la société Couverdure ne pouvant prétendre au règlement de sommes non admises, sa créance ne présente pas un caractère non sérieusement contestable, au sens des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative comme l'a retenu à bon droit le tribunal. 9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de l'ordonnance, que la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser, à titre de provision, à la société Couverdure la somme de 97 167,55 euros, majorée des intérêts au taux légal majoré de huit points de pourcentage depuis le 3 septembre 2019 ainsi que la somme forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros. 10. Il résulte de ce qui a été dit au point 8, que les conclusions d'appel incident de la société Couverdure doivent être rejetées. Sur la demande de sursis à exécution de l'ordonnance : 11. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions tendant à l'annulation de l'ordonnance attaquée, les conclusions de la requête n° 23DA00345 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance sont devenues sans objet. Sur les frais liés à l'instance : 12. Les conclusions de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Couverdure, la somme que demande la commune au même titre. DÉCIDE : Article 1er : L'ordonnance n° 2102119 du 18 janvier 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen est annulée en tant qu'elle a condamné la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à verser, à titre de provision, à la société Couverdure, la somme de 97 167,55 euros, majorée des intérêts au taux légal majoré de huit points de pourcentage depuis le 3 septembre 2019 ainsi que la somme forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros. Article 2 : La demande présentée par la société Couverdure devant le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, ses conclusions d'appel incident et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23DA00345 tendant au sursis à l'exécution de l'ordonnance du 18 janvier 2023. Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent et à la société Couverdure. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : F. Malfoy La présidente de chambre, Signé : MP. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, N. Roméro N° 23DA00224, 23DA00345 2 |
CETATEXT000048424474 | J7_L_2023_11_00023DA00295 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424474.xml | Texte | CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 23DA00295, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de DOUAI | 23DA00295 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme Viard | SOCIETE D'AVOCATS ITPM | Mme Dominique Bureau | M. Carpentier-Daubresse | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 3 mars 2022 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a prononcé son expulsion du territoire français et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son avocate au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par un jugement n° 2203089 du 23 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 février 2023, le 31 mars 2023 et le 3 octobre 2023 à 11 heures 36, M. B..., représenté par Me Jean-Olivier Pilet demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2022 du préfet du Pas-de-Calais ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il n'a pas bénéficié d'une procédure contradictoire régulière ; - il n'a pas bénéficié du droit d'être entendu préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté ; - cet arrêté est insuffisamment motivé ; - il n'a pas été précédé d'un examen sérieux de sa situation particulière ; - il est entaché d'inexactitude matérielle, tant en ce qui concerne le caractère contradictoire de la procédure que les conditions de son séjour en France ; - il porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - lui-même et son épouse sont exposés, en cas de retour en Algérie, à des risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2023, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 12 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 octobre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le traité sur l'Union européenne ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, - et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant algérien né le 20 février 1978 est, selon ses déclarations, entré en France en 2005. Le 4 décembre 2006, un certificat de résidence pour ressortissant algérien lui a été délivré en qualité de père d'un enfant français né, le 13 septembre 2006, de sa relation avec une ressortissante française. Ce titre de séjour a été renouvelé, pour une durée de dix ans, jusqu'au 3 septembre 2017. Le 3 décembre 2021, la commission d'expulsion a émis un avis défavorable à son expulsion du territoire français. Par un arrêté du 3 mars 2022, le préfet du Pas-de-Calais a, néanmoins, prononcé son expulsion sur le fondement des dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... relève appel du jugement du 23 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la légalité externe de l'arrêté contesté : 2. En premier lieu, les dispositions des articles L. 632-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile subordonnent l'expulsion d'un étranger du territoire français à l'information préalable de l'intéressé et à sa convocation devant une commission d'expulsion, composée de magistrats. Devant cette commission, l'intéressé peut être assisté d'un conseil en bénéficiant, le cas échéant, de l'aide juridictionnelle, ou de toute personne de son choix, ainsi que d'un interprète, et faire valoir toutes les raisons qui militent contre son expulsion. A l'issue des débats devant la commission, un procès-verbal enregistrant les explications de l'étranger est transmis, avec l'avis motivé de la commission, à l'autorité administrative compétente pour statuer et également communiqué à l'étranger. Le législateur a, ainsi, institué des dispositions qui régissent de manière complète les règles de procédure administrative auxquelles est soumise l'intervention des arrêtés d'expulsion, dans des conditions qui garantissent aux intéressés le respect des droits de la défense. Ces dispositions excluent, par suite, l'application de celles de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui figuraient antérieurement à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, prévoyant une procédure contradictoire préalable à l'intervention des décisions qui doivent être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code. Dès lors, le moyen tiré par M. B... de ce que la mesure d'expulsion prise à son encontre a méconnu les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté comme inopérant. 3. En deuxième lieu, il résulte clairement des dispositions des articles 1 à 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 que celle-ci n'est applicable qu'aux décisions de retour qui sont prises par les Etats membres au motif que les étrangers sont en situation de séjour irrégulier. En revanche, la directive n'a pas vocation à régir les procédures d'éloignement qui reposent sur des motifs distincts, notamment la menace à l'ordre public. Les mesures d'expulsion prévues par les dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas pour objet de tirer les conséquences de l'irrégularité du séjour des ressortissants de pays tiers mais de prévenir les risques que comporte pour l'ordre public la présence d'un étranger sur le territoire national. En tout état de cause, en admettant même que la situation de M. B... puisse être regardée comme régie par le droit de l'Union européenne et que le principe du droit pour toute personne d'être entendue préalablement à l'intervention d'une décision administrative qui lui est défavorable, principe général du droit de l'Union européenne, lui soit applicable, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été entendu, le 3 décembre 2021, par la commission d'expulsion, devant laquelle, en présence d'un représentant du préfet du Pas-de-Calais, il a pu faire valoir avec l'assistance d'un avocat tous les éléments militant contre son expulsion, et dont l'avis a été transmis au préfet. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait été privé de la possibilité de mieux faire valoir sa défense. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté. 4. En troisième lieu, l'arrêté contesté cite les dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne les faits commis par M. B..., ainsi que les condamnations pénales dont il a fait l'objet et l'existence d'incidents disciplinaires constatés pendant sa détention et, enfin, précise qu'en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés et du risque de récidive, la présence de l'intéressé sur le territoire français constitue une menace grave et persistante pour l'ordre public. Le même arrêté relève, par ailleurs, les principaux éléments propres à la situation familiale de M. B... pris en compte par le préfet et l'absence de projet professionnel de l'intéressé à l'issue de sa détention. Cet arrêté comporte, ainsi, un énoncé suffisant des considérations de droit est de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour prendre sa décision et est, par suite, suffisamment motivé. Sur la légalité interne de l'arrêté contesté : 5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu en particulier de la motivation de l'arrêté contesté et des mentions figurant dans le procès-verbal de l'avis de la commission d'expulsion, que le préfet du Pas-de-Calais n'ait pas procédé à un examen suffisamment sérieux de la situation particulière de M. B.... 6. En deuxième lieu, la circonstance, alléguée par l'appelant, que l'arrêté contesté mentionne à tort qu'il " a été informé par contradictoire préalable que le préfet du Pas-de-Calais envisageait de prendre un arrêté d'expulsion à son encontre et qu'il a pu faire valoir ses observations " n'est, en toute hypothèse, pas constitutive d'une erreur de fait entachant les motifs de la décision contestée et, est, par suite, sans incidence sur sa légalité. Si M. B... soutient, en outre, que le préfet du Pas-de-Calais a commis une erreur de fait en relevant que son titre de séjour avait expiré en 2017, cette affirmation n'est assortie d'aucune précision ni justification permettant d'en apprécier le bien-fondé. 7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné, par le tribunal correctionnel de Bobigny, à une peine de dix mois d'emprisonnement, dont cinq avec sursis, pour des faits de violences aggravées par deux circonstances suivie d'une incapacité supérieure à huit jours, menaces de mort, rébellion et outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique commis le 25 décembre 2013 et, par la cour d'assises du Nord à une peine de réclusion criminelle de dix ans pour des faits de tentative de viol sous la menace d'une arme commis le 13 mars 2011. Par ailleurs, l'intéressé a fait l'objet de multiples signalements par les forces de police de 2007 à 2014 pour des faits divers de violences, d'altercations et de dégradations. Enfin, il résulte du rapport ponctuel de situation établi le 4 mai 2021 par le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) du centre de détention de Bapaume, cité dans le procès-verbal de la commission d'expulsion et dont M. B... ne conteste pas la teneur, que celui-ci ne reconnaît toujours pas, dix ans plus tard, les faits de tentative de viol à raison desquels il a été condamné, ni n'exprime de compassion envers la victime, alors que la synthèse du centre national d'évaluation à l'issue d'un séjour du 16 février au 29 mars 2020, également mentionné dans le procès-verbal de la commission d'expulsion, a relevé un risque élevé de récidive. Les résultats d'examens biologiques réalisés en janvier 2023, postérieurement à l'arrêté contesté, produits par l'intéressé afin de démontrer qu'il ne s'adonne plus à la consommation d'alcool ne suffisent pas à écarter un tel risque de récidive. Dans ces conditions, la menace pour l'ordre public représentée par la présence de M. B... sur le territoire français est de nature à justifier qu'une mesure d'expulsion soit prononcée à son encontre. 9. D'autre part, M. B... fait valoir qu'il a épousé, le 3 mai 2014, une compatriote en situation régulière à la date de l'arrêté contesté et que de cette union est née le 3 mai 2015 une fille, âgée de sept ans à la date de cet arrêté. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que l'épouse de M. B... a été victime en Algérie, en particulier en décembre 2013, de graves violences de la part de son précédent mari qui a, en outre, violemment agressé son père après la fuite de celle-ci en Europe. Ces faits ont justifié l'octroi à l'épouse de M. B... du bénéfice de la protection subsidiaire, par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 avril 2016. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que, le 12 octobre 2020, l'épouse de M. B... a expressément renoncé au bénéfice de cette protection et que cette renonciation a été enregistrée le 18 novembre 2020. Par ailleurs, M. B... produit un certificat médical rédigé le 16 juin 2022 par un médecin généraliste, faisant état de troubles psychologiques affectant sa fille, en lien avec l'angoisse d'être séparée de son père, des troubles qu'elle risquerait de développer en cas de séparation effective, ainsi que des difficultés d'adaptation qu'elle rencontrerait en Algérie. Cependant, l'analyse contenue dans cet unique certificat n'est corroborée, sur le plan médical, par aucun autre document établi par un professionnel de santé. Il ressort, en outre, des pièces du dossier, qu'au cours d'une audition, le 27 septembre 2021, par les services de police, la mère du fils aîné de l'appelant a déclaré que ceux-ci n'entretenaient plus aucune relation depuis 2014. Les termes de l'attestation signée par la mère du jeune homme, selon lesquelles elle " s'était trompée " et avait omis de mentionner que le fils de M. B... et son père avaient conservé des contacts téléphoniques pendant l'incarcération de ce dernier, ne suffisent pas, à elles-seules, à remettre en cause ses premières déclarations. Enfin, si M. B... se prévaut de la présence en France de ses trois frères en situation régulière, il ne conteste ni avoir conservé des attaches familiales en Algérie, dont ses parents et certains membres de sa fratrie, ni, d'ailleurs, s'être rendu dans son pays d'origine en 2015. 10. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de ce qui a été dit aux deux points précédents et eu égard, notamment, à la gravité de la menace pour l'ordre public représentée par la présence de M. B... sur le territoire français et à ce que l'impossibilité pour l'intéressé de poursuivre sa vie familiale en Algérie ne peut être tenue pour établie, la mesure d'expulsion prise à son encontre le 3 mars 2022 ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté. 11. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. 12. Dans les circonstances analysées aux points 8 et 9, la mesure d'expulsion prise à l'encontre de M. B... le 3 mars 2022 n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de son fils et de sa fille ni, par suite, les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. M. B... ne saurait, en outre, utilement faire valoir sur le fondement de ces stipulations, ni l'état de grossesse de son épouse ni la naissance d'un second enfant issu de leur union le 9 juin 2023, tous deux postérieurs à cet arrêté. 13. Enfin, en cinquième lieu, l'arrêté contesté n'a pas pour objet de désigner le pays à destination duquel M. B... sera éloigné en exécution de la mesure d'expulsion prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté les exposerait, lui-même et son épouse, à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme inopérant. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Pas-de-Calais. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La rapporteure, Signé : D. Bureau La présidente de chambre, Signé : M.-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 23DA00295 |
CETATEXT000048424475 | J7_L_2023_11_00023DA00368 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424475.xml | Texte | CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 23DA00368, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de DOUAI | 23DA00368 | 3ème chambre | plein contentieux | C | Mme Viard | GYS | Mme Marie-Pierre Viard | M. Carpentier-Daubresse | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SARL Loon-bâtiment a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 28 septembre 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Hauts-de-France lui a infligé, en application de l'article L. 8115-1 du code du travail, une amende administrative d'un montant total de 7 800 euros pour non-respect de ses obligations en matière d'hygiène. Par un jugement n° 2008539 du 27 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 27 février 2023, la SARL Loon-bâtiment, représentée par Me Gys, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 28 septembre 2020 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la procédure est irrégulière dès lors que le courrier l'informant des manquements constatés aurait dû être notifié à son préposé, titulaire d'une délégation de pouvoir, à ce titre pénalement responsable du chantier. En contestant l'opposabilité de cette délégation, l'administration du travail a entaché sa décision d'un détournement de pouvoir ; - la décision en litige est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où seule la durée des travaux dont la société était responsable en sa qualité de sous-traitante, c'est-à-dire environ deux mois, sur un chantier de plus longue durée, constituait la durée à prendre en considération pour l'application des articles R. 4534-137 et suivants du code du travail qui adaptent certaines dispositions relatives à l'hygiène sur les chantiers de moins de quatre mois ; - elle est entachée d'erreurs de fait dès lors qu'elle se fonde à tort sur des constats erronés de l'inspection du travail. Par une ordonnance du 11 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 juin 2023, à 12 heures. Le ministre du travail, de l'emploi et l'insertion a produit, le 16 octobre 2023, après la clôture de l'instruction, un mémoire en défense qui n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la directive communautaire 92/57/CEE du Conseil du 24 juin 1992 ; - le code du travail ; - la loi n°93-1418 du 31 décembre 1993 ; - la loi n°2018-727 du 10 août 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La SARL Loon-bâtiment a fait l'objet, le 29 août 2019, d'un contrôle des services de l'inspection du travail de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Hauts-de-France sur le chantier de construction d'une maison individuelle dans un lotissement situé à Téteghem (Nord), dans le cadre duquel intervenaient trois de ses salariés. Au cours de ce contrôle, l'inspecteur du travail a constaté des manquements à plusieurs dispositions du code du travail relatives aux installations sanitaires. Après mise en œuvre de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 8115-5 du code du travail, la DIRECCTE des Hauts-de-France a, par une décision du 28 septembre 2020, prononcé à l'encontre de la SARL Loon-bâtiment une amende administrative d'un montant total de 7 800 euros. La société relève appel du jugement du 27 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail dans sa rédaction résultant de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, soit adresser à l'employeur un avertissement, soit prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : / (...) / 5° Aux dispositions prises pour l'application des obligations de l'employeur relatives aux installations sanitaires, à la restauration et à l'hébergement prévues au chapitre VIII du titre II du livre II de la quatrième partie, ainsi qu'aux mesures relatives aux prescriptions techniques de protection durant l'exécution des travaux de bâtiment et génie civil prévues au chapitre IV du titre III du livre V de la même partie pour ce qui concerne l'hygiène et l'hébergement ". 3. La société réitère, en appel, le moyen soulevé en première instance tiré du caractère irrégulier de la procédure au motif que le courrier l'informant des manquements constatés aurait dû être notifié à son préposé, titulaire d'une délégation de pouvoir, à ce titre pénalement responsable du chantier. Toutefois, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, si le délégataire peut être pénalement responsable des infractions susceptibles d'être constatées en matière d'hygiène et de sécurité, cette délégation n'est pas de nature à exonérer la société appelante, qui est l'employeur au sens des dispositions précitées de l'article L.8115-1 du code du travail, de veiller à ce que des installations conformes à la réglementation soient effectivement mises à disposition des salariés durant l'exécution des travaux sous peine de sanction administrative. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision en litige est entachée d'un vice de procédure doit être écarté. Pour les mêmes motifs et alors que les sanctions pénale et administrative relèvent de régimes juridiques distincts, le moyen tiré du détournement de pouvoir, à le supposer soulevé par le requérant, doit être écarté. 4. En second lieu, aux termes de l'article R. 4534-137 du code du travail : " Sous réserve de l'observation des dispositions correspondantes prévues par la présente section, il peut être dérogé, dans les chantiers dont la durée n'excède pas quatre mois, aux obligations relatives : / 1° Aux installations sanitaires, prévues par les articles R. 4228-2 à R. 4228-7 et R. 4228-10 à R. 4228-18 ; / 2° A la restauration, prévues par les articles R. 4228-22 à R. 4228-25 ". 5. La directive communautaire 92/57/CEE du Conseil du 24 juin 1992 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en œuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles a introduit la notion de chantier pour l'application des mesures d'hygiène et de sécurité. Cette directive définit, en son article 2, le chantier temporaire ou mobile comme " tout chantier où s'effectuent des travaux du bâtiment ou du génie civil, dont la liste non exhaustive figure à l'annexe I " et son considérant 8 précise que " lors de la réalisation d'un ouvrage, un défaut de coordination, notamment du fait de la présence simultanée ou successive d'entreprises différentes sur un même chantier temporaire ou mobile, peut entrainer un nombre élevé d'accidents du travail ". Aux termes de l'article L. 235-3 du code du travail, devenu désormais l'article L.4532-2, issu de la loi du 31 décembre 1993 portant transposition de cette directive : " Une coordination en matière de sécurité et de santé des travailleurs est organisée pour tout chantier de bâtiment ou de génie civil où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, entreprises sous-traitantes incluses, afin de prévenir les risques résultant de leurs interventions simultanées ou successives et de prévoir, lorsqu'elle s'impose, l'utilisation des moyens communs tels que les infrastructures, les moyens logistiques et les protections collectives ". 6. Il résulte clairement de l'ensemble des dispositions et principes qui viennent d'être rappelés aux points 4 à 5, que, pour apprécier l'étendue et le respect des obligations qui pèsent, en matière d'hygiène et de sécurité de leurs salariés, sur chacune des entreprises intervenant sur un chantier temporaire ou mobile de bâtiment et de génie civil imposant la présence simultanée ou successive d'entreprises différentes, la durée totale du chantier, entendue comme la durée d'intervention de l'ensemble des entreprises concourant à la réalisation de l'ouvrage, doit être retenue et non la durée d'intervention de chacune des entreprises pour l'exécution des travaux correspondant au marché ou lot dont elle a été attributaire. 7. Il résulte de l'instruction, et notamment du courrier du gérant daté du 10 septembre 2019, que l'intervention de la SARL Loon-bâtiment sur le chantier, qui consistait en des travaux de maçonnerie, a duré du 5 juillet au 3 septembre 2019, soit près de deux mois. Toutefois, ce chantier, impliquant l'intervention de plusieurs entreprises pour chaque lot, devait s'étendre sur une durée prévisionnelle de douze mois conformément au plan général simplifié de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé établi par le constructeur en sa qualité de donneur d'ordres. Or, selon les dispositions de l'article R. 4534-137 du code du travail énoncées ci-dessus et en application des principes rappelés au point précédent, sauf à ce que la durée du chantier sur lequel elle déploie ses salariés n'excède pas quatre mois, la société, en sa qualité d'employeur du bâtiment et des travaux publics, était soumise aux obligations relatives aux installations sanitaires, prévues par les articles R. 4228-2 à R. 4228-7 et R. 4228-10 à R. 4228-18 du code du travail. Aussi, l'appelante ne peut utilement se prévaloir de l'intervention postérieure d'autres sociétés sur ce même chantier pour s'exonérer de ses obligations législatives et réglementaires en la matière. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France s'est fondé sur des dispositions inapplicables pour prendre la décision contestée ne peut qu'être écarté. 8. En troisième lieu, en vertu de l'article R. 4228-1 du code du travail : " L'employeur met à la disposition des travailleurs les moyens d'assurer leur propreté individuelle, notamment des vestiaires, des lavabos, des cabinets d'aisance et, le cas échéant, des douches ". Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration a prononcé une amende sanctionnant la méconnaissance de la législation en matière d'hygiène, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer non sur les éventuels vices propres de la décision litigieuse mais sur le bien-fondé et le montant de l'amende fixée par l'administration. S'il estime que l'amende a été illégalement infligée, dans son principe ou son montant, il lui revient, dans la première hypothèse, de l'annuler et, dans la seconde, de la réformer en fixant lui-même un nouveau quantum proportionné aux manquements constatés et aux autres critères prescrits par les textes en vigueur. 9. Pour prononcer la sanction litigieuse à l'encontre de la SARL Loon-bâtiment, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi s'est fondé sur l'absence de mise à disposition sur le chantier d'un lavabo distribuant de l'eau potable à température réglable, d'un cabinet d'aisance nettoyé quotidiennement et dont les effluents sont évacués suivant les règlements sanitaires et d'un vestiaire collectif. L'appelante conteste la matérialité des manquements ainsi constatés. 10. Aux termes de l'article R. 4228-7 du code du travail : " Les lavabos sont à eau potable. / L'eau est à température réglable et est distribuée à raison d'un lavabo pour dix travailleurs au plus. / Des moyens de nettoyage et de séchage ou d'essuyage appropriés sont mis à la disposition des travailleurs. Ils sont entretenus ou changés chaque fois que cela est nécessaire ". Aux termes de l'article R. 4534-141 du code du travail : " Les employeurs mettent à la disposition des travailleurs une quantité d'eau potable suffisante pour assurer leur propreté individuelle. Lorsqu'il est impossible de mettre en place l'eau courante, un réservoir d'eau potable d'une capacité suffisante est raccordé aux lavabos afin de permettre leur alimentation. / Dans les chantiers mentionnés à l'article R. 4534-137, sont installés des lavabos ou des rampes, si possible à température réglable, à raison d'un orifice pour dix travailleurs. / Des moyens de nettoyage et de séchage ou d'essuyage appropriés, entretenus et changés chaque fois que nécessaire, sont mis à disposition des travailleurs. ". 11. La SARL Loon-bâtiment soutient qu'elle a respecté ces obligations dès lors que ses trois salariés pouvaient accéder à un lavabo muni d'un réservoir d'eau potable d'une capacité suffisante et que les dispositions applicables à sa situation n'imposaient pas l'installation d'un lavabo à température réglable. Cependant, il résulte de ce qui a été exposé aux points 4 à 7 que la société n'entrait pas, eu égard à la durée du chantier, dans le champ d'application de la dérogation prévue à l'article R. 4534-137 du code du travail. Par suite, elle était soumise, en sa qualité d'employeur, aux obligations prévues à l'article R. 4228-7 précité du code du travail qui prévoit notamment la mise à disposition d'un lavabo permettant la distribution de l'eau à température réglable. En outre, en se bornant à soutenir qu'un lavabo accompagné d'un réservoir contenant de l'eau potable d'une quantité suffisante était mis à disposition des trois salariés présents sur le chantier, la société n'apporte pas d'éléments suffisamment étayés et probants susceptibles d'invalider les constats opérés par l'inspecteur du travail, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, selon lesquels à l'occasion du contrôle effectué le 29 août 2019 ce récipient était " vide " et non " pratiquement vide " comme le soutient la société en se référant aux manquements relevés par l'administration lors d'un second contrôle effectué le 18 septembre 2019 sur un autre chantier du lotissement. Enfin, si elle se prévaut, sans l'établir, d'un remplissage quotidien de ce récipient, il résulte cependant des dispositions précitées que les travailleurs doivent disposer, en permanence, d'une quantité suffisante d'eau potable pour assurer leur propreté individuelle. Ce premier manquement doit donc être regardé comme établi. 12. Aux termes de l'article R. 4534-144 du code du travail : " Sur les chantiers, des cabinets d'aisance conformes aux dispositions des articles R. 4228-11 à R. 4228-15 sont mis à la disposition des travailleurs ". L'article R. 4228-11 du même code prévoit que : " (...) / [Les cabinets d'aisance] sont équipés de chasse d'eau (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article R. 4228-13 de ce code : " L'employeur fait procéder au nettoyage et à la désinfection des cabinets d'aisance et des urinoirs au moins une fois par jour. ". Enfin, aux termes de l'article R. 4228-15 de ce code : " Les effluents des cabinets d'aisance sont évacués conformément aux règlements sanitaires ". 13. Il ressort de la décision attaquée, qui relève l'absence de toute autre installation sanitaire dans le périmètre du chantier permettant aux salariés d'assurer leur hygiène corporelle, que l'administration a retenu, d'une part, le défaut de mise à disposition d'un cabinet d'aisance nettoyé quotidiennement et, d'autre part, l'absence de conformité de l'installation aux exigences précitées des articles R. 4228-11 et R. 4228-15 du code du travail du fait du dysfonctionnement du système d'évacuation des effluents. Il ressort en effet du courrier d'observations de l'inspecteur du travail daté du 29 août 2019 que " l'actionnement de la pompe à piston ne laissait apparaître aucun débit d'eau " et que " son état de propreté était tel qu'il ne permettait pas d'être utilisé dans des conditions de dignité satisfaisante par les travailleurs, qui ont d'ailleurs déclaré utiliser un seau ". S'il est constant qu'un cabinet d'aisance chimique portable équipé d'un système de vidange par cassette était mis à disposition des salariés sur le chantier, les constats précis et circonstanciés de l'inspection du travail ne sont pas utilement contredits par les seules dénégations de la société alors même qu'il résulte des termes de la décision attaquée que la réparation de l'installation n'a été constatée que lors de la contre-visite effectuée le lendemain par l'inspection du travail. En outre, la circonstance que l'appelante met à disposition de son personnel du matériel de nettoyage et effectue à leur égard des rappels réguliers en matière d'hygiène ne permet pas de l'exonérer de son obligation de procéder à un nettoyage journalier, et non hebdomadaire comme elle l'indique dans sa note de service du 3 décembre 2015, du cabinet d'aisance mis à disposition sur le chantier. Dans ces conditions, ce second grief doit être considéré comme établi. 14. Aux termes de l'article R. 4534-139 du code du travail, que les premiers juges ont à bon droit substitué aux dispositions de l'article R. 4228-2 du même code dès lors que les manquements contestés ont été relevés lors de l'exécution des travaux dans le domaine du bâtiment et du génie civil : " L'employeur met à la disposition des travailleurs un local-vestiaire : / 1° Convenablement aéré et éclairé, et suffisamment chauffé ; / 2° Nettoyé au moins une fois par jour et tenu en état constant de propreté ; / 3° Pourvu d'un nombre suffisant de sièges. Il est interdit d'y entreposer des produits ou matériels dangereux ou salissants ainsi que des matériaux. / Lorsque l'exiguïté du chantier ne permet pas d'équiper le local d'armoires-vestiaires individuelles en nombre suffisant, le local est équipé de patères en nombre suffisant. / Pour les chantiers souterrains, le local est installé au jour. ". Aux termes de l'article R. 4534-140 du même code : " Lorsque les installations prévues à l'article R. 4534-139 ne sont pas adaptées à la nature du chantier, des véhicules de chantier spécialement aménagés à cet effet peuvent être utilisés pour permettre aux travailleurs d'assurer leur propreté individuelle, de disposer de cabinets d'aisances, de vestiaires et, si possible, de douches à l'abri des intempéries (...) ". 15. Il résulte des termes des dispositions précitées de l'article R. 4534-139 du code du travail que les installations devant être mises à disposition des travailleurs par l'employeur doivent nécessairement se trouver sur le lieu des chantiers concernés. Par suite, la SARL Loon-Bâtiment, qui ne conteste pas l'absence de local à usage de vestiaire sur le chantier qui lui a été confié au 30 ter, rue Pablo Picasso, à Téteghem, mais indique que ses salariés pouvaient se changer au siège de l'entreprise, situé à Loon-Plage, avant de rejoindre le chantier, n'est pas fondée à soutenir que lesdites dispositions n'imposaient pas la présence d'un local à usage de vestiaire sur le site même du chantier et que la DIRECCTE des Hauts-de-France aurait dès lors commis une erreur de fait en retenant ce dernier grief. 16. Il résulte de tout ce qui précède que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Par suite, sa requête doit être rejetée. Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL Loon-bâtiment demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SARL Loon-bâtiment est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Loon-bâtiment et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le président-assesseur, Signé : J.-M. Guérin-Lebacq La présidente de chambre, présidente-rapporteure, Signé : M.-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, N. Roméro 1 2 N°23DA00368 1 3 N°"Numéro" |