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JURITEXT000048430358 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430358.xml | ARRET | Cour d'appel d'Orléans, 5 décembre 2019, 19/025041 | 2019-12-05 00:00:00 | Cour d'appel d'Orléans | Constate ou prononce le désistement d'instance et/ou d'action | 19/025041 | C1 | ORLEANS | COUR D'APPEL D'ORLÉANS2ème chambre commerciale, économique et financièree.mail : [Courriel 5] No RG 19/02504 - No Portalis DBVN-V-B7D-F7TM Copies le : 05/12/2019à la SCP GUILLAUMA PESME ORDONNANCE D'INCIDENT LE 05 DECEMBRE 2019, NOUS, Carole CAILLARD, Président de chambre chargé de la mise en état à la cour d'appel d'ORLEANS, assisté de Marie-Claude DONNAT, Greffier, dans l'affaire ENTRE : la SA BANQUE DU GROUPE CASINO Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité[Adresse 3][Localité 4] Ayant pour avocat postulant Me Pierre GUILLAUMA, membre de la SCP GUILLAUMA-PESME, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Jean-Pierre HAUSSMANN, membre de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, avocat au barreau de l'Essonne, DÉFENDEUR à L'INCIDENT- APPELANT d'un Jugement en date du 14 Mars 2019 rendu par le Tribunal d'Instance de BLOIS D'UNE PART,ET : [I] [T][Adresse 1][Adresse 1][Localité 2] Défaillant DÉFENDEUR à L'INCIDENT - INTIMÉD'AUTRE PART, Après avoir entendu les Conseils des parties à notre audience du JEUDI 21 novembre 2019, il leur a été indiqué que l'ordonnance serait prononcée, par mise à disposition au greffe, le JEUDI 05 décembre 2019. EXPOSE La société Banque du groupe Casino a interjeté appel le 10 juillet 2019 d'un jugement rendu le 14 mars 2019 par le tribunal d'instance de Blois dans le litige l'opposant à M. [I] [T]. Le greffe a adressé à l'appelante un avis de caducité le 24 octobre 2019 afin de solliciter ses observations sur le fait qu'aucun acte de signification de la déclaration d'appel n'apparaissait avoir été remis au greffe, dans le délai d'un mois prévu par l'article 902 du Code civil, courant en l'espèce à compter du 23 Septembre 2019 et sur la caducité de la déclaration d'appel susceptible d'être encourue. Le conseil de l'appelante a produit un acte d'assignation et signification des conclusions et pièces du 15 octobre 2019 délivré à l'intimé. Les parties ont été convoquées à l'audience d'incident du 21 novembre 2019. Le 19 novembre 2019, l'appelante a adressé des conclusions aux termes desquelles elle se désiste de son recours, demande de dire ce désistement parfait en l'absence de constitution et de conclusions d'intimé et de statuer ce que de droit sur les dépens. CELA ÉTANT EXPOSÉ : Au regard des conclusions de désistement du 19 novembre 2019 et du fait que l'intimé n'a pas constitué avocat, il convient de constater le désistement d'appel de la société Banque du groupe Casino lequel, étant fait sans réserves, et intervenant sans qu'aient été formulés un appel incident ou une demande incidente, emporte acquiescement au jugement entrepris, par application de l'article 403 du code de procédure civile et extinction de l'instance et dessaisissement de la cour. Il résulte de la combinaison des articles 399 et 405 du code de procédure civile que le désistement d'appel emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l'instance éteinte. PAR CES MOTIFS Constatons le désistement d'appel de la société Banque du groupe Casino du recours enrôlé sous le numéro de rôle RG 19-2504 ainsi que l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour; Disons que la société Banque du groupe Casino conservera la charge des dépens de l'instance d'appel. ET la présente ordonnance a été signée par le Conseiller de la mise en état et le Greffier LE GREFFIER LE CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT | |||||||||
JURITEXT000048430359 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430359.xml | ARRET | Cour d'appel de Versailles, 3 décembre 2019, 18/007771 | 2019-12-03 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée | 18/007771 | 13 | VERSAILLES | COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 53A 13e chambre ARRÊT No CONTRADICTOIRE DU 03 DÉCEMBRE 2019 No RG 18/00777 - No Portalis DBV3-V-B7C-SEYZ AFFAIRE : SA DEXIA CRÉDIT LOCAL C/ SA PROMOCIL Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRENo chambre : 4No Section : No RG : 2015F02240 Expéditions exécutoiresExpéditionsCopiesdélivrées le : 03/12/2019 à : Me Mélina PEDROLETTI Me Richard NAHMANY TC NANTERRE RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE TROIS DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : LA SA DEXIA CRÉDIT LOCAL inscrite au RCS de NANTERRE sous le no 351 804 042, agissant aux poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège[Adresse 1][Localité 4] Représentée par Maître Mélina PEDROLETTI avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 et par Maître Dominique LEFORT avocat plaidant au barreau de PARIS. APPELANTE**************** LA SA PROMOCIL Société Anonyme d'Habitation à Loyer ModéréNo SIRET : 445 520 398[Adresse 3][Localité 2] Représentée par Maître Richard NAHMANY avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 485 et par Maître Stéphanie BARRE-HOUDART avocat plaidant au barreau de PARIS. INTIMÉE **************** Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Octobre 2019, Madame Delphine BONNET, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de : Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,Madame Delphine BONNET, Conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN La société anonyme Dexia crédit local (la société Dexia) est un établissement de crédit spécialisé dans les prêts au secteur public. Par acte du 15 mai 2006, elle a régularisé avec la société anonyme d'HLM Promocil un contrat de prêt no MPH983698EUR portant sur un montant de 14 514 357,39 euros conclu pour une durée de trente-deux ans et six mois et destiné à refinancer un contrat de prêt antérieur. Le montant des taux d'intérêt applicables suivait trois phases : une première phase à taux fixe, suivie d'une deuxième phase s'étendant de 2007 à 2027 durant laquelle s'appliquait un taux d'intérêt structuré dont le calcul variait selon l'évolution de la différence entre le cours CMS EUR 30 ans et le cours CMS EUR 2 ans, puis une dernière phase à taux fixe jusqu'au 1er décembre 2038, date d'échéance du prêt. Le 6 juillet 2007 les parties ont conclu un contrat de prêt no MPH985376EUR destiné à refinancer le prêt du 15 mai 2006 pour un montant égal au capital restant dû, soit la somme de 13 954 936,65 euros, et ce pour un durée de trente-et-un ans et sept mois s'achevant le 1er décembre 2038. Le taux d'intérêt applicable au remboursement de ce prêt suivait également trois phases : - une première phase à un taux fixe annuel de 1,89 % , du 1er décembre 2007 au 1er décembre 2010,- une deuxième phase à taux variable en fonction de l'évolution de la parité Euro-Franc suisse par rapport à la parité Euro-Dollar américain selon les modalités suivantes :- si le cours Euro-Franc suisse est supérieur ou égal au cours Euro-Dollar américain, le taux d'intérêt est de 3,38%,- si le cours Euro-Franc suisse est strictement inférieur au cours Euro-Dollar américain, le taux d'intérêt est de 4,38% majoré de 30 % fois la différence entre les deux cours,- une troisième phase à taux fixe de 3,38%, du 1er décembre 2027 au 1er décembre 2038. La hausse substantielle du Franc suisse fin 2009 a entraîné l'inversion entre les cours de change Euro/Franc suisse et EUR/USD, risquant ainsi le déclenchement de l'application du taux d'intérêt applicable à 3,68 % +30 % du delta entre ces cours. Lors d'une réunion du 12 avril 2011, alors que le taux d'intérêt contractuel anticipé était de 9,09 % la société Dexia a présenté à la société Promocil deux propositions de refinancement du prêt du 6 juillet 2007 : - soit la souscription d'un nouveau prêt d'un montant de 11 647 415,94 euros à taux fixe ;- soit un réaménagement du prêt par la stipulation d'un passage temporaire, pour les échéances 2011, 2012, 2013 et 2014, à un taux fixe de 4,85% avant de revenir à la formule d'indexation stipulée au contrat du 6 juillet 2007, puis l'application lors de la troisième phase de remboursement du taux Euribor 12 mois, avec en outre une modification du mode d'amortissement, qui de ligne à ligne deviendrait progressif à 5 %. Le 8 juin 2011, le conseil d'administration de la société Promocil a donné son accord sur un refinancement du prêt, indiquant que « la finalité de ce refinancement serait de passer temporairement à taux fixe les trois prochaines échéances. » Par courrier du 6 septembre 2011, la société Dexia a adressé à la société Promocil une offre indicative de refinancement, qui prévoyait l'application d'un taux fixe de 5,50 % aux échéances de 2011, 2012 et 2013 au lieu du taux d'intérêt structuré stipulé au contrat du 6 juillet 2007, ainsi que l'application du taux Euribor 12 mois lors de la troisième phase en lieu et place du taux fixe de 3,38 %, outre la modification du mode d'amortissement. Le 19 septembre 2011, à la suite d'une conversation téléphonique avec la société Promocil, la société Dexia a communiqué une télécopie de confirmation décrivant les caractéristiques essentielles du nouveau prêt de refinancement et sur laquelle le client a donné son accord écrit. Le 24 novembre 2011, la société Promocil a signé le contrat de prêt noMPH276404EUR établi le 3 octobre 2011 par la société Dexia. Ce contrat prévoit, conformément à la télécopie du 19 septembre, l'application du taux d'intérêt selon les modalités suivantes : - une première phase à taux fixe de 4,90 %, du 1er décembre 2011 au 1er décembre 2013 exclu,- une deuxième phase à taux variable en fonction de l'évolution de la parité Euro-Franc suisse par rapport à la parité Euro-Dollar américain, avec un taux de 3,38 % si le cours Euro-Franc suisse est supérieur ou égal au cours Euro-Dollar américain, ou un taux de 3,38 % + 29,50 % du delta si le cours Euro-Franc suisse est inférieur au cours Euro-Dollar américain, du 1er décembre 2013 au 1er décembre 2027 exclu,- une troisième phase à taux fixe égal à l'Euribor 12 mois. L'article 12 du contrat comporte en outre une clause relative au taux effectif global calculé à la date d'émission du contrat, soit 6,05 % l'an. Les 21 mai et 3 juin 2013, la société Dexia a adressé de nouvelles propositions de financement à la société Promocil, qui les a déclinées. Les 9 février et 4 mai 2015, la société Dexia a adressé à sa co-contractante deux documents présentant l'évolution attendue à ces dates du taux d'intérêt. Par assignation du 24 novembre 2015, la société Promocil a saisi le tribunal de commerce de Nanterre afin d'obtenir la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêt et conséquemment la substitution du taux légal au taux d'intérêt prévu au contrat MPH 276404EUR pour défaut d'indication du TEG dans l'acte constatant le contrat de prêt au moment de l'échange des consentements des parties ainsi que le remboursement des intérêts trop perçus. Par jugement contradictoire du 15 décembre 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a : - dit que la télécopie du 19 septembre 2011 constitue un contrat de prêt,- dit que la stipulation de l'intérêt conventionnel figurant sur la télécopie du 19 septembre 2011 est nulle et que le taux d'intérêt légal doit lui être substitué depuis le 19 septembre 2011,- débouté la société Dexia de sa demande relative à la confirmation de la télécopie du 19 septembre 2011, - débouté la société Dexia de sa demande relative à la réfection de la télécopie du 19 septembre 201l et à la régularisation du taux d'intérêt contractuel,- débouté la société Dexia de sa demande relative à la prescription,- condamné la société Dexia à rembourser à la société Promocil la somme de 2 180 964,65 euros, somme à parfaire au regard des intérêts excédentaires ultérieurement éventuellement versés après le 2 décembre 2016, majorée des intérêts de droit avec capitalisation des intérêts,- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement,- condamné la société Dexia à payer à la société Promocil la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné la société Dexia à supporter les dépens. La société Dexia a interjeté appel de cette décision le 5 février 2018. Par ordonnance d'incident du18 avril 2019, le conseiller de la mise en état a débouté la société Dexia de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la publication de l'ordonnance mentionnée à l'article 55-I al. 1-2o de la loi du 10 août 2018. Dans ses dernières conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 11 septembre 2019, elle demande à la cour de : - infirmer le jugement en toutes ses dispositions ; I] sur la demande en nullité du taux d'intérêt contractuel, infirmer le jugement et rejeter la demande nouvelle fondée sur un TEG erroné, 1) sur le grief tiré de l'absence de TEG dans la télécopie : - à titre principal, rejeter la demande en raison de ce que la télécopie du 19 septembre 2011 n'est pas un « écrit constatant un contrat de prêt »,- à titre de premier subsidiaire, déclarer la demande irrecevable comme prescrite,- à titre de second subsidiaire, rejeter la demande en raison de la confirmation,- à titre de troisième subsidiaire, rejeter la demande en raison de la réfection, 2) sur le grief tiré du TEG erroné : - à titre principal, déclarer la demande irrecevable comme prescrite,- à titre de premier subsidiaire, rejeter la demande en raison de ce que le « contrat de prêt » de 2011 n'est pas un « écrit constatant un contrat de prêt »,- à titre de second subsidiaire, rejeter la demande en raison de la confirmation,- à titre de troisième subsidiaire, rejeter la demande en raison de ce que le taux effectif global mentionné dans le « contrat de prêt » de 2011 n'est pas erroné, 3) sur les deux griefs : - à titre infiniment subsidiaire, rejeter la demande en raison de ce que la sanction d'une absence de TEG ou d'un TEG erroné n'est pas la nullité du taux d'intérêt contractuel,- au cas où la nullité du taux d'intérêt contractuel serait prononcée, dire qu'elle a pour conséquence :- de rendre applicable le taux d'intérêt structuré contractuel pour les échéances annuelles à compter du 1er décembre 2011 (inclus et jusqu'à l'échéance du 1er décembre 2026 incluse) dans sa formule du contrat de prêt de 2007, à l'exclusion de toute application du taux légal,- de rendre applicable le taux d'intérêt fixe de 3,38 % pour les échéances du 1er décembre 2027 (incluse) au 1er décembre 2038, à l'exclusion de toute application du taux légal, II] condamner la société Promocil à 80 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel avec distraction au profit de maître Pedroletti, selon l'article 699 du code de procédure civile. Dans ses dernières conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 3 septembre 2019, la société Promocil demande à la cour de : - déclarer recevable mais mal fondé l'appel principal interjeté par la société Dexia,- la déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions,y faisant droit, - confirmer le jugement en toutes ses dispositions,- prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels pour le contrat MPH276404EUR en raison du défaut de mention du taux effectif global dans l'écrit constatant le contrat de prêt, à savoir la télécopie du 19 septembre 2011 et/ou l'erreur affectant le taux effectif global,- dire que le taux d'intérêt légal doit être substitué au taux d'intérêt prévu au contrat MPH276404EUR depuis sa conclusion, soit le 19 septembre 2011,- condamner la société Dexia à la restitution, à son bénéfice, du trop-perçu estimé pour les années 2012 à 2018 à la somme de 2 717 848,50 euros, somme à parfaire au regard des versements excédentaires qui pourraient intervenir ultérieurement, - dire que pour le temps d'exécution restant à courir du contrat MPH276404EUR, le calcul des intérêts produits sera fait par application du taux légal en lieu et place du taux conventionnel,- dire et juger que la restitution du trop-perçu portera intérêts au taux légal,- ordonner la capitalisation des intérêts,- débouter la société Dexia de l'ensemble de ses demandes, prétentions et moyens comme infondés,- condamner la société Dexia à lui verser la somme de 30 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- condamner la société Dexia aux entiers dépens avec distraction au profit de la Selarl Houdart et associés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2019. Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. SUR CE, Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer l'appel de la société Dexia recevable. 1) sur la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêt en raison du défaut de mention du taux effectif global dans la télécopie du 19 septembre 2011 La société Dexia fait valoir que la demande de nullité du taux d'intérêt contractuel doit être rejetée par infirmation du jugement quant à l'absence de TEG au motif, à titre principal, que la télécopie ne peut être qualifiée de contrat de prêt compte tenu de l'objet limité du consentement des parties en 2011 et, à titre subsidiaire, en ce que d'une part elle est prescrite, d'autre part en raison de la confirmation et enfin en raison de la réfection réalisée par le contrat de prêt de 2011. - sur la nature de la télécopie du 19 septembre 2011 La société Dexia soutient que le "contrat de prêt de 2011" n'est qu'un simple réaménagement du contrat de prêt de 2007 et non un nouveau contrat de prêt, nonobstant sa dénomination et son article 1er, soulignant qu'il y a une totale continuité entre le contrat de prêt de 2007 et le "contrat de prêt" de 2011 puisqu'il n'y a eu aucun nouvel accord des parties, ni sur le montant du capital, ni sur la durée du prêt, ni sur les dates d'échéance, ni sur les modalités de remboursement anticipé, qui ont fait l'objet d'un accord en 2007 et non en 2011, et qu'il n'y a eu de nouvel accord, en dehors du passage temporaire à taux fixe pour trois échéances, que sur le mode d'amortissement, mais celui-ci n'a pas d'influence sur le montant du taux d'intérêt et ne concerne donc pas le TEG, sur un taux d'intérêt classique pour une phase lointaine (2027-2038, taux Euribor 12 mois au lieu du taux fixe de 3,38%) et sur une modification accessoire et exclusivement favorable à Promocil de la formule du taux structuré en cas d'activation de l'indexation. Elle affirme que la seule cause du « contrat de prêt » de 2011 n'est pas de conclure un nouveau contrat de prêt mais seulement de conclure un avenant de passage temporaire à taux fixe, comme cela a été voté par le conseil d'administration de la société Promocil le 8 juin 2011, les autres modifications n'étant qu'accessoires. Après avoir décrit la procédure de conclusion du contrat de prêt, la société Promocil soutient que la commune intention des parties a été de procéder à une opération de refinancement par la conclusion d'un nouveau contrat de prêt tel que cela ressort des propositions indicatives de refinancement de la société Dexia du 12 avril 2011, de la délibération de son conseil d'administration du 8 juin 2011, de l'offre de refinancement du 6 septembre 2011, de la télécopie de confirmation du 19 septembre 2011 et du contrat émis le 3 octobre 2011 qu'elle a signé le 24 novembre suivant. Elle souligne qu'il y a remboursement anticipé du prêt au moyen d'un nouveau prêt et non pas simplement modification de ses conditions financières. Elle prétend qu'en conséquence la télécopie de confirmation du 19 septembre 2011 est un acte constatant un contrat de prêt, relevant que ce document expose les conditions du remboursement du prêt quitté et ses caractéristiques financières puis les caractéristiques principales du prêt mis en place et qu'il y est précisé que la signature vaut accord sur cette opération lequel constitue un engagement irrévocable de l'emprunteur. Elle affirme que la conclusion du contrat de prêt s'opère au moyen, et au moment de cet échange de télécopie, et que donc une fois l'échange réalisé le prêt est conclu définitivement, le contrat de prêt formel signé par la suite n'étant qu'une simple mise en forme juridique des conditions de cette opération de prêt structuré. L'article 1er (montant et objet) du contrat de prêt émis le 3 octobre 2011 et signé le 24 novembre 2011stipule très clairement, comme les précédents prêts du 15 mai 2006 et du 6 juillet 2007, qu'il a pour objet de "refinancer en date du 01/12/2011 à hauteur de 11 647 415,94 euros le contrat de prêt no MPH258823EUR" et énonce que le prêt nouveau est «autonome du contrat de prêt refinancé et est exclusivement régi par les dispositions du présent contrat » et que « par la souscription du présent contrat les sommes refinancées sont réputées remboursées au prêteur à la date du refinancement ». L'opération de refinancement du prêt existant par un prêt nouveau comporte en effet deux opérations juridiques simultanées et indissociables : le remboursement anticipé du prêt «refinancé» et le versement des fonds correspondant au montant du nouveau prêt dit de «refinancement», les deux flux se compensant l'un avec l'autre. Il s'agit donc bien d'un nouveau contrat de prêt et non pas d'un simple avenant ou d'un réaménagement. Le tribunal s'est également livré à une analyse complète des éléments produits par la société Promocil, à savoir les propositions indicatives de refinancement de la société Dexia du 12 avril 2011, la délibération du conseil d'administration du 8 juin 2011, l'offre de refinancement du 6 septembre 2011 et la télécopie elle-même du 19 septembre 2011 et, par des motifs pertinents que la cour adopte, après avoir écarté la qualification d'avenant au contrat de 2007, a jugé que la télécopie 2011 constituait un écrit constatant un contrat de prêt, au sens de l'article L. 314-5 ancien du code de la consommation et de l'article L. 313-4 du code monétaire et financier, en sorte que le TEG devait être mentionné sur la télécopie du 19 septembre 2011. La décision est confirmée de ce chef. - sur la prescription de la demande La société Dexia soutient que la demande en nullité du taux d'intérêt contractuel pour absence de TEG doit être déclarée irrecevable comme prescrite au motif que le taux d'intérêt structuré litigieux a été consenti par le contrat de prêt du 6 juillet 2007 et que le délai de prescription quinquennale de l'action en nullité du taux d'intérêt contractuel doit courir au plus tard à compter de cette date en sorte que le délai a expiré le 6 juillet 2012 alors que l'assignation date du 24 novembre 2015, répétant que le "contrat de prêt" de 2011 n'a pour seul objet que de stipuler un passage temporaire à taux fixe. La société Promocil répond que la prescription ne peut pas lui être opposée, l'assignation ayant été délivrée le 24 novembre 2015 dans le délai de cinq ans prévu à l'article 1304 du code civil tandis que la télécopie date du 19 septembre 2011. L'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel exercée par l'emprunteur qui a obtenu un concours financier pour les besoins de son activité professionnelle court, s'agissant d'un prêt, de la date de la convention. Contrairement à ce que soutient la société Dexia, en présence non pas d'un réaménagement du contrat de 2007 mais d'un nouveau contrat de prêt, l'action de la société Promocil en nullité de la stipulation d'intérêts a commencé à courir à compter de la télécopie du 19 septembre 2011 date à laquelle l'emprunteur a pu constater l'absence de TEG dès la réception de ce document. Cette action introduite le 24 novembre 2015, dans le délai de prescription quinquennale, est donc recevable. - sur la confirmation La société Dexia fait valoir pour l'essentiel que la demande de nullité de la stipulation des intérêts contractuels doit être rejetée lorsque comme en l'espèce il y a eu confirmation, laquelle résulte du paiement des intérêts sans réserve par la société Promocil et de la signature du "contrat de prêt" par celle-ci le 24 novembre 2011. Elle relève que la connaissance de l'absence de mention du TEG dans la télécopie relève de sa simple lecture et qu'ainsi la société Promocil en payant sans réserves les intérêts contractuels antérieurement à l'assignation et en signant l'acte mentionnant le TEG a entendu réparer ce vice. La société Promocil soutient que le paiement par un emprunteur d'intérêts conventionnels en méconnaissance de l'omission ou de l'erreur commise par son prêteur ne peut valoir régularisation et confirmation sauf à interdire aux emprunteurs d'agir en nullité de la clause d'intérêts conventionnelle dès lors qu'ils auraient versé les intérêts de leur prêt en sorte qu'aucune sanction de la méconnaissance de la réglementation du TEG ne serait alors possible. Elle ajoute que la société Dexia n'apporte pas la démonstration qu'en versant les intérêts à partir du 1er décembre 2011 et a fortiori en signant le contrat de prêt formalisé, elle était consciente du vice résultant de l'absence de la mention du TEG dans la télécopie et avait l'intention de le couvrir. La confirmation d'un acte entaché d'une nullité relative peut être effectuée. En application de l'article 1338, devenu 1182, du code civil, elle suppose à la fois la connaissance du vice affectant l'acte et l'intention de le réparer. En l'espèce, la société Promocil, qui ne pouvait pas ignorer que la télécopie ne comportait pas la mention du nouveau taux effectif global, connaissait le vice l'affectant et a néanmoins par la suite signé le 24 novembre 2011 le contrat de prêt mentionnant ce taux puis payé les échéances à partir du 1er décembre 2011 démontrant ainsi sa volonté de renoncer à se prévaloir de l'omission antérieure et de valider l'acte. Le jugement doit donc être infirmé de ce chef et le moyen tiré de l'omission du taux effectif global dans la télécopie du 19 novembre 2011 sera donc écarté, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens développés par les parties sur cette question. 2) sur la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêt en raison de l'erreur affectant le taux effectif global A titre principal, la société Dexia conclut à l'irrecevabilité de la demande en raison de la prescription. A titre subsidiaire, elle conclut au rejet de la demande d'une part au motif que le contrat de 2011 n'est pas un écrit constatant un contrat de prêt, reprenant les arguments développés sur l'absence de qualification de la télécopie du 19 novembre 2011, d'autre part en raison de la confirmation de l'acte par le paiement des intérêts sans réserves, et ensuite en raison de l'absence de TEG erroné. Il a déjà été répondu à la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Dexia ci-dessus. Pour les mêmes motifs que précédemment développés la demande de la société Promocil n'est pas prescrite et est recevable. De même, il a été dit que la télécopie du 19 septembre 2011 est un écrit constatant un contrat de prêt et que les dispositions des articles L. 314-5 ancien du code de la consommation et L. 313-4 du code monétaire et financier sont applicables au nouveau contrat de prêt conclu entre les parties en 2011. - sur l'erreur de TEG La société Dexia fait observer que la société Promocil dans son assignation du 24 novembre 2015 jusqu'à ses conclusions du 25 janvier 2019 n'avait soulevé que le moyen tiré de l'absence de TEG dans la télécopie et n'a soulevé ce second moyen tiré du caractère erroné du TEG qu'à la suite de l'arrêt de la cour de céans du 27 novembre 2018 qui a admis à tort le caractère erroné du TEG en raison de sa date de calcul au motif que le « contrat de prêt » faisant suite à la télécopie n'était qu'un instrumentum en sorte que le TEG devait être calculé à la date de la télécopie. Elle fait valoir que l'article R. 313-1 1 ancien du code de la consommation invoqué par la société Promocil n'est pas applicable au TEG du contrat litigieux dès lors qu'il n'y aucune adaptation du taux d'intérêt qui est fixé dès la conclusion du contrat de prêt. Elle soutient qu'elle s'est conformée à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a été méconnue par l'arrêt précité du 27 novembre 2018, applicable aux prêts à taux variable, lui permettant de choisir un seul exemple pour calculer le TEG, pourvu qu'il soit significatif, sans avoir à se référer à une date précise. Elle estime que la référence aux dernières parités de change connues à la date d'émission du contrat de prêt (3 octobre 2011) est un exemple significatif, ce d'autant que, dans les deux cas, 19 septembre et 3 octobre 2011 la différence entre les parités EUR/CHF et EUR/USD était négative, ce qui confirmait le déclenchement de l'indexation du taux structuré, et donc le bien-fondé de la décision de Promocil de conclure un passage temporaire à taux fixe. Elle estime qu'il est contraire à tout bon sens de prononcer la nullité du taux d'intérêt contractuel en raison des variations aléatoires du TEG, alors que ces variations auraient pu conduire au résultat inverse et ainsi exclure la nullité, sans pour autant ni remettre en cause la seule information qui pouvait intéresser Promocil, ni donner à celle-ci une information sur le coût réel du prêt. La société Promocil soutient que le contrat de prêt n'étant qu'un simple instrumentum ne révélant pas un nouvel accord des parties, n'emportant ni confirmation, ni réfection, le TEG ajouté dans cet acte aurait dû être calculé à la date de la télécopie constatant l'accord des parties sur le contrat de prêt soit le 19 septembre 2011 et non à la date d'émission du contrat formalisé, le 3 octobre 2011, en sorte que le TEG qui y est mentionné est erroné puisqu'il ressortissait à 6,90 % et non pas à 6,05 % comme mentionné dans l'acte. Elle fait valoir, en réponse à l'argumentation de la société Dexia et se référant à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en septembre 2011, que pour les prêts à taux variable l'article qui n'évoque pas "d'exemple" impose que le TEG soit calculé en partant de l'hypothèse que le taux d'intérêt et les autres frais resteront fixes par rapport au niveau initial et s'appliqueront jusqu'au terme du contrat de crédit et soutient ainsi que le "niveau initial " ne peut être que le niveau du taux variable tel qu'il est à la date de l'accord des parties, et non à une date postérieure en sorte que le TEG du refinancement de 2011 devait être calculé en appliquant les données disponibles au 19 septembre 2011 et non pas celles disponibles à la date d'édition de l'instrumentum de 2011, soit le 3 octobre 2011, et ce d'autant plus que cette date d'édition est totalement déconnectée de la date de signature par l'emprunteur qui est bien postérieure. Elle rappelle enfin que de jurisprudence constante, la Cour de cassation assimile la mention d'un taux effectif global erroné à l'absence de mention du taux effectif global. Le taux effectif global figurant dans le contrat de prêt émis le 3 octobre 2011 est de 6,05 %. Il n'est pas contesté par la société Dexia que le TEG calculé au 19 septembre 2011, date de la télécopie scellant l'accord des parties, ressort à 6,90 %, selon l'analyse du cabinet financier Orféor, au demeurant non produite aux débats ni en première instance ni en appel par l'intimée, soit un taux supérieur de 0,85 % au TEG indiqué.Contrairement à ce que soutient la banque Dexia le contrat de prêt daté du 3 octobre 2011 n'est pas un negotium mais un simple instrumentum en ce qu'il a seulement mis en forme l'accord auquel les parties étaient parvenues antérieurement en y ajoutant le taux effectif global omis dans la télécopie antérieure, lequel aurait donc dû être calculé à la date de la télécopie et non, comme l'a fait Dexia, à la date de ce contrat. La société Dexia ne peut sérieusement soutenir qu'il n'y a pas lieu à se référer à une date précise pour calculer le TEG puisque celui-ci doit être calculé à la date de conclusion du prêt, et ce nonobstant le fait que la variation du TEG entre la date de la télécopie et la date d'émission du contrat de prêt est due à la variation des parités EUR/CHF et EUR/USD, qui était aléatoire. La société Promocil est donc fondée à prétendre que le taux effectif global indiqué dans cet acte, 6,05 %, est erroné. - sur la confirmation La société Dexia prétend qu'en payant les intérêts sans réserves lors des échéances des 1er décembre 2011, 2012, 2013 (taux fixe de 4,90 %) et du 1er décembre 2014 alors que l'indexation du taux structuré était déclenchée, la société Promocil a manifesté la volonté de réparer le vice tiré du TEG prétendument erroné. Elle soutient que le mémorandum d'Orféor montre que la société Promocil avait nécessairement connaissance de la prétendue erreur du TEG lors du paiement des intérêts sans réserves puisque la variation du TEG entre le 19 septembre 2011 et le 3 octobre 2011 est due aux variations des parités EUR/CHF et EUR/USD, parités parfaitement connues de la société Promocil qui a pu suivre quotidiennement la variation de ces parités afin d'estimer la variation du taux structuré et le risque de réalisation de la condition suspensive déclenchant l'indexation, à savoir une différence arithmétiquement négative entre les parités EUR/CHF et EUR/USD. Elle fait également état de la totale indifférence de la société Promocil au TEG figurant dans le contrat de prêt de 2011 (comme pour l'absence de TEG dans la télécopie) puisque ce contrat n'est pas celui qui a stipulé le taux d'intérêt structuré en vigueur, que Promocil ne se préoccupait lors de la conclusion de ce contrat de prêt que du montant du taux fixe des échéances de 2011 à 2013, et non de comparer une offre de Dexia à l'offre d'autres banques ni de vérifier l'incidence de ce taux fixe sur toute la durée du prêt. La société Promocil soutient, comme pour l'absence de mention du TEG dans la télécopie du 19 septembre 2011, que le paiement des intérêts ne vaut que confirmation du consentement de l'emprunteur à payer des intérêts au titre du prêt mais ne vaut pas confirmation du consentement à payer les intérêts du prêt tels qu'ils ont été irrégulièrement stipulés au regard de l'article 1907 du code civil et de la législation sur le taux effectif global. Elle ajoute que les conditions de la confirmation ne sont pas réunies dès lors que la société Dexia n'apporte pas la démonstration qu'en versant les intérêts à compter du 1er décembre 2011 elle était consciente du vice et avait l'intention de le couvrir. La confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer. Si curieusement la société Promocil n'a pas produit l'analyse du cabinet Orféor, et s'il ne fait pas de doute que cette société d'HLM suivait attentivement la variation des parités EUR/CHF et EUR/USD, la connaissance par celle-ci de l'erreur de TEG affectant le contrat de 2011 n'est toutefois pas démontrée par la société Dexia en sorte que la confirmation de l'acte ne saurait être déduite du paiement sans réserves des intérêts les 1er décembre 2011, 2012, 2013 et le 1er décembre 2014 alors que l'indexation du taux structuré était déclenché. Ce moyen sera écarté. 3) sur la sanction du TEG erroné Après avoir rappelé que la sanction de la nullité du taux intérêt contractuel par sa substitution par le taux légal résulte uniquement de la jurisprudence de la Cour de cassation, la société Dexia fait état de la remise en cause de cette jurisprudence par des juges du fond puis par le législateur. Elle soutient que la jurisprudence de la Cour de cassation est désavouée par la réforme de 2018-2019 soulignant que l'ordonnance du 17 juillet 2019 instaure la sanction de la déchéance des intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice de l'emprunteur. Elle souligne que la loi du 10 août 2018 et l'ordonnance du 17 juillet 2019 ont mis en plein jour l'absence de tout fondement textuel de la jurisprudence de la Cour de cassation et l'absence de tout caractère proportionnel de la sanction de la nullité du taux d'intérêt. Puis, elle se réfère à une jurisprudence de la CJUE et soutient que si cette juridiction avait à statuer sur le TEG dans les prêts structurés (ce qui ne saurait être le cas faute de tout texte de droit de l'UE en matière de prêts à des professionnels et de TEG), elle déciderait certainement que la sanction de la nullité du taux d'intérêt retenu par la Cour de cassation ne serait pas proportionnée. Elle soutient qu'il est impossible de maintenir l'actuelle jurisprudence de la Cour de cassation sur la nullité du taux d'intérêt, laquelle ne peut plus ni se fonder sur l'article 1907 alinéa 2 du code civil ni prétendre que sa jurisprudence conduit à une sanction proportionnée en sorte qu'elle doit nécessairement procéder à un revirement inéluctable de sa jurisprudence. La société Dexia invite la cour à anticiper ce revirement, soutenant que cette anticipation du revirement de jurisprudence par les juges du fond est d'autant plus impérieuse que leurs décisions appliquant l'actuelle jurisprudence de la Cour de cassation encourent le risque d'être cassées, en ce que la loi du 10 août 2018 et l'ordonnance précitée ont ôté toute base légale à la jurisprudence fondée sur l'article 1907 code civil. Elle ajoute qu'il n'y a aucun droit acquis à la nullité du taux d'intérêt chez les emprunteurs. Elle demande donc à la cour de céans d'écarter la sanction de la nullité du taux d'intérêt qui est dénuée de caractère proportionnel en ce que le TEG n'était d'aucune utilité pour l'information de la société Promocil, et en ce que le préjudice subi par la société Promocil est inexistant puisque le TEG ne donne aucune indication sur le montant du taux d'intérêt structuré. La société Promocil rappelle qu'il est de jurisprudence constante que la nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel entraîne la substitution du taux légal au taux conventionnel à l'ouverture du crédit. Elle soutient en premier lieu que les modifications des dispositions du code de la consommation et du code monétaire et financier issues de l'ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 sont sans effet sur le cas d'espèce précisant qu'en l'absence de ratification par le Parlement, l'ordonnance en cause n'a que le caractère d'un acte administratif en sorte que la réforme mise en oeuvre par le gouvernement n'est pas acquise, en second lieu que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif, et enfin que le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation auquel la société Dexia invite la cour d'appel à participer n'a pas ce caractère d'évidence que l'appelante s'emploie à imposer. Elle affirme qu'en l'état actuel du droit positif la Cour de cassation ne peut décider autre chose que ce qu'elle a décidé jusqu'à présent et elle demande en conséquence la substitution du taux légal au taux d'intérêt stipulé au contrat de 2011 et la restitution des intérêts trop perçus. L'article 55 de la loi no 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance a autorisé le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi visant à modifier les dispositions du code de la consommation et du code monétaire et financier relatives au taux effectif global et à prévoir les mesures de coordination et d'adaptation découlant de ces modifications en vue de clarifier et d'harmoniser le régime des sanctions civiles applicables en cas d'erreur ou de défaut de ce taux, en veillant en particulier, conformément aux exigences énoncées par la directive 2008/48/CE concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE et par la directive 2014/17/UE sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010, au caractère proportionné de ces sanctions civiles au regard des préjudices effectivement subis par les emprunteurs. L'ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d'erreur du taux effectif global retient une sanction civile unique posée par le premier alinéa du nouvel article L. 341-48-1 du code de la consommation : « En cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux annuel effectif global (?), le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l'emprunteur ». Le rapport au Président de la République relatif à cette ordonnance précise que "l'habilitation ne prévoyant pas que le nouveau régime de sanction doit s'appliquer aux actions en justice introduites avant la publication de l'ordonnance, celle-ci ne comprend pas de disposition sur ce point. Il revient donc aux juges civils d'apprécier, selon les cas, si la nouvelle sanction harmonisée présente un caractère de sévérité moindre que les sanctions actuellement en vigueur et, dans cette hypothèse, d'en faire une application immédiate dans le cadre d'actions en justice introduites avant la publication de l'ordonnance." Si l'ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 n'a pas encore été ratifiée, le projet de loi la ratifiant a été déposé à l'assemblée nationale le 2 octobre 2019, soit dans le délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance prévu à l'article 55 de la loi d'habilitation du 10 août 2018, en sorte que l'ordonnance du 17 juillet 2019 est entrée en vigueur au jour de sa publication. Contrairement à ce que soutient la société Promocil, l'emprunteur n'a pas de droits acquis à obtenir l'application de la sanction prétorienne de la substitution du taux légal au taux contractuel dès lors que celle-ci n'est prévue par aucun texte législatif. L'évolution du droit positif résultant de l'ordonnance du 17 juillet 2019, et qui a pu auparavant inspirer le législateur dans la rédaction de la loi no 204-844 du 29 juillet 2014 relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public, conduit à apprécier différemment la sanction applicable en cas d'absence ou d'erreur de TEG résultant de la jurisprudence constante de la Cour de cassation pour mettre fin à l'automacité de la sanction et de l'effet d'aubaine qu'elle représente pour certains emprunteurs cherchant à obtenir la substitution du taux conventionnel par le taux légal particulièrement bas actuellement en sorte qu'elle n'est souvent pas proportionnée au manquement constaté. Il convient de rappeler que le TEG a pour l'emprunteur une fonction essentiellement informative. En l'espèce, dès lors que les objectifs de la société Promocil lors des négociations ayant abouti au nouveau contrat de prêt de 2011 étaient de garantir le passage temporaire à taux fixe des échéances de 2011 à 2014 et d'agir en fonction des opportunités du marché pour se prononcer en parfaite connaissance de cause sur la proposition de refinancement "taux optionnel indexé sur l'écart des cours de change EUR/CHF et EUR/USD", la mention d'un TEG exact au jour de la télécopie n'était d'aucune utilité pour son information ni sur le coût réel du prêt, ni sur les conséquences du passage temporaire à taux fixe étant relevé d'une part que la variation du TEG entre la date de la télécopie (19 septembre 2011) et la date d'émission du contrat de prêt (3 octobre 2011) est due à la variation des parités EUR/CHF et EUR/USD qui était aléatoire et qui aurait pu conduire à la situation inverse, celle où le TEG calculé à la date de la télécopie aurait été inférieur au TEG calculé à la date d'émission du contrat de prêt (au lieu d'être supérieur) et d'autre part que le contrat de prêt précisait que "du fait des caractéristiques du prêt, le taux effectif global ne peut être fourni qu'à titre indicatif. Ainsi, à titre d'information, le taux effectif global, calculé conformément à la loi susvisée et sur la base des derniers index et cours de change publiés à la date d'émission du contrat, est à ce jour de 6,05 % l'an, soit un taux de période de 6,05 % pour une durée de période de 12 mois. Ce taux effectif global indicatif ne saurait être opposable à Dexia Crédit Local dans des hypothèses différentes." Il convient en conséquence, compte tenu de la sévérité que présente pour la société Dexia la sanction de la substitution du taux légal au taux contractuel et de l'absence de préjudice démontré pour la société Promocil résultant du caractère erroné du TEG mentionné dans le contrat de prêt du 3 octobre 2011, d'écarter la sanction prétorienne qui n'est manifestement pas proportionnée compte tenu du taux légal actuellement en vigueur et, infirmant le jugement, de débouter la société Promocil de toutes ses demandes. PAR CES MOTIFS, La cour statuant par arrêt contradictoire, Déclare l'appel de la société Dexia crédit local recevable, Infirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que la télécopie du 19 septembre 2011 constitue un contrat de prêt et rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de la société Promocil, Statuant à nouveau sur les autres chefs, Dit que la mention du taux annuel effectif global dans le contrat de prêt émis par la société Dexia crédit local le 3 octobre 2011 est erronée, Dit qu'il n'en est résulté aucun préjudice pour la société d'HLM Promocil, Déboute la société d'HLM Promocil de ses demandes, Condamne la société d'HLM Promocil aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers pourront être recouvrés directement par maître Pedroletti conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, Déboute les parties du surplus de leurs demandes. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le greffier,La présidente, | Arrêt rendu le 3 décembre 2019 par la 13ème chambre de la cour d’appel de Versailles RG 18/00777 Droit du crédit, financement du crédit, coût du crédit, taux d'intérêt du crédit, taux effectif global du crédit erroné, sanction, substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel (non), motifs, sanction manifestement disproportionnée compte tenu du taux légal en vigueur, absence de préjudice démontré pour l’emprunteur. Arguant que le contrat de prêt litigieux mentionne un TEG erroné, l’emprunteur sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que la stipulation de l’intérêt conventionnel figurant au contrat de prêt est nulle et que le taux d’intérêt légal doit lui être substitué conformément à une jurisprudence établie de la Cour de cassation. La Cour infirme la décision des premiers juges en tenant compte de l'évolution du droit positif résultant de l'ordonnance du 17 juillet 2019 qui conduit à apprécier différemment la sanction applicable en cas d’absence ou d’erreur de TEG résultant de la jurisprudence constante de la Cour de cassation. La Cour considère que, compte tenu de la sévérité que présente pour la banque la sanction de la substitution du taux légal au taux contractuel et de l’absence de préjudice démontré pour l’emprunteur résultant du caractère erroné du TEG mentionné dans le contrat de prêt, il convient d’écarter la sanction prétorienne qui n’est manifestement pas proportionnée compte tenu du taux légal actuellement en vigueur, l’emprunteur n’ayant pas de droits acquis à obtenir son application dès lors que celle-ci n’est prévue par aucun texte législatif. |
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JURITEXT000007628033 | JAX2007X01XZZX0000000048 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/07/62/80/JURITEXT000007628033.xml | ARRET | Cour d'appel d'Aix-en-Provence, CT0257, du 8 janvier 2007, 16 | 2007-01-08 00:00:00 | Cour d'appel d'Aix-en-Provence | 16 | CT0257 | AIX_PROVENCE | M. THIBAULT- LAURENT, président | ARRÊT DU 8 JANVIER 2007 ARRÊT No 16/D/2007 13ème CHAMBRE COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCEREQUÉRANTABDELLI Bachir CONTRADICTOIRE grosse délivréeleà Maître ARRÊT SUR DEMANDE DE MISE EN LIBERTÉ Prononcé en audience publique, le LUNDI 8 JANVIER 2007, par la 13ème chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE REQUÉRANT :X... é le 14 Août 1973 à BOUHADJAR (ALGERIE)filiation inconnuede nationalité algériennemariédemeurant : 4 bis bld St Roch - 06000 NICE Détenu à la Maison d'arrêt de NICE(Mandat de dépôt du 11/03/2005 - Mise en liberté sous CJ du 07/12/2005 - Mandat de dépôt du 10/02/2006)Comparant En présence du MINISTERE PUBLIC ARRÊT No 16/D/2007DÉROULEMENT DES DÉBATS : A l'audience publique du LUNDI 8 JANVIER 2007,Le Président a constaté l'identité du requérant Le Conseiller GAUDINO a présenté le rapport de l'affaire Le requérant a été entendu sur sa demande de mise en liberté,Le Ministère Public a pris ses réquisitions Le requérant ayant eu la parole en dernier Le Président a ensuite indiqué que l'arrêt serait prononcé le jour même, à l'issue du délibéré et à la reprise de l'audience. DÉCISION :Rendue en audience publique, après en avoir délibéré conformément à la loi, Par arrêt en date du 22 mai 2006, la Cour d'appel de céans a confirmé un jugement prononcé le 10 février 2006 par le Tribunal correctionnel de NICE qui a déclaré ... X... coupable :* d'avoir, à NICE (06), courant janvier 2005, détenu et importé des stupéfiants, en l'espèce plusieurs dizaines de kilos de cannabis,* d'avoir, à NICE (06), courant février 2005, tenté de détenir de stupéfiants, en l'espèce du cannabis, ladite tentative étant caractérisée par le commencement d'exécution suivant : collecte d'argent, recrutement d'un chauffeur d'une voiture de location, trajet en Espagne, contrats avec le fournisseur Farid BEN AISSA et n'ayant manqué son effet qu'en raison de circonstances extérieures à l'auteur ou au complice, en l'espèce la non réception des marchandises à Madrid faits prévus et réprimés par les articles 222-37 al.1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 al.1, 222-50, 222-51, 121-4, 121-5 du code pénal, L 5132-7, L 5132-8 al.1, R 5132-74, R 5132-77 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 ;* d'avoir, à NICE (06), courant janvier 2005, tenté d'importer des stupéfiants, en l'espèce du cannabis, ladite tentative étant caractérisée par le commencement d'exécution suivant : collecte d'argent, recrutement d'un chauffeur d'une voiture de location, trajet en Espagne, contrats avec le fournisseur Farid BEN AISSA et n'ayant manqué son effet qu'en raison de circonstances extérieures à l'auteur ou au complice, en l'espèce la non réception des marchandises à Madrid faits prévus et réprimés par les articles 222-36 al.1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49, 222-50, 222-51, 121-4, 121-5 du code pénal, L 5132-7, L 5132-8 al.1, R 5132-74, R 5132-77, R 5132-78 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990,- et en répression, l'a condamné à la peine de quatre ans d'emprisonnement, a décerné mandat de dépôt à son encontre, et a ordonné la confiscation des scellés....B... ajoutant, la Cour a condamné... X... à la peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire national, et a ordonné son maintien en détention.L'intéressé a formé un pourvoi en cassation le 26 mai 2006. ARRÊT No 16/D/2007Par acte au greffe de la Maison d'arrêt de NICE en date du 2 octobre 2006, ... X... a présenté une demande de mise en liberté.* * *Les faits sont les suivants :Au cours du mois d'août 2004, les services de police reçoivent un renseignement anonyme dénonçant ...B... comme trafiquant de coca'ne.Comme à l'accoutumée, l'enquête qui va alors débuter aura pour technique le placement sur un système d'écoute du téléphone de ...B... et la surveillance physique du suspect.Les écoutes téléphoniques vont apporter rapidement deux éléments : - d'une part, ...Y... vend des stupéfiants à divers personnes (à ...Z... notamment), - d'autre part, il prend régulièrement rendez-vous avec un homme qu'il surnomme "Paquet", identifié comme étant Laurent Y....L'enquête aurait pu s'arrêter à ce stade, mais lors d'un double conversation téléphonique entre Y... et un individu non identifié, appelant d'une cabine publique et ayant visiblement pour objet une commande de produits stupéfiants, l'inconnu va solliciter un numéro de téléphone au nom de Samira Z..., téléphone utilisé par Bachir X.... En outre, un correspondant habituel de Y..., un nommé Jean SALVATORE, est aussi en contact physique et téléphonique avec ce même X....La police logiquement plaçait donc sous surveillance téléphonique Bachir X.... L'opération s'avérait très fructueuse puisqu'elle permettait de suivre, en direct, deux voyages, organisées par X..., vers l'Espagne où il entrait en contact avec Farid BEN AISSA, suspecté de trafic de stupéfiants.Bachir X... nie tous les faits qui lui sont reprochés et il a même nié être celui qu'on entendait sur les interceptions téléphoniques. Il s'est enfui quand la police a voulu linterpeller et dans le passé il a usé de noms différents. A ce titre, il faut se souvenir que ce n'est que parce qu'il a usurpé divers identités que son casier judiciaire ne présente que deux condamnations. En réalité il a été condamné en 1994, 1996 et 1997 pou r cession de stupéfiants et infraction à la législation sur les étrangers (sous deux noms).... X... reconnaît qu'il s'est rendu à deux reprises en Espagne. Il prétend qu'il s'agissait "d'y faire la fête". A l'audience de première instance, il donne une nouvelle version, inédite, selon laquelle il devait vendre à ...L... une alpha Roméo appartenant à un individu dont il ignore le nom, version censée expliquer ses contacts fréquents avec ce dernier.Lors du voyage du 17, 18 et 19 janvier 2005, les écoutes téléphoniques attestent de la mise en place d'un système bien connu : une voiture "ouvreuse" dans laquelle se trouve ...M... et X... et une voiture "suiveuse" dans laquelle se trouve seul A..., les premiers informant le second des contrôles de police. X... dans ses dénégations, fait semblant de ne pas comprendre que l'on s'étonne d'un tel dispositif pour aller voir des prostituées en Espagne.* * *A l'audience de la Cour :Le Ministère Public a requis le rejet de la demande.Le prévenu a persisté dans sa demande. ARRÊT No 16/D/2007Attendu que le prévenu soutient q'il a la charge de trois enfants en bas âge et qu'il a besoin de travailler pour subvenir à leurs besoins ;Mais attendu que les charges qui pèsent sur ... X... d'avoir participé à un trafic de stupéfiants sont lourdes ; que le prévenu s'étant déjà livré par le passé à la revente de produits stupéfiants, il y a lieu de craindre un renouvellement de l'infraction ;Attendu, dès lors, qu'il apparaît que la détention est le seul moyen de prévenir le renouvellement de l'infraction, cause d'un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public, en raison notamment de la gravité des faits ;Attendu qu'il y a donc lieu de rejeter sa demande de mise en liberté ;PAR CES MOTIFS :LA COUR, statuant en audience publique, le Ministère Public entendu, en présence du requérant, par arrêt contradictoire Vu les articles 144 et 148-1 du Code de Procédure Pénale ; EN LA FORME, reçoit ... X... en sa demande de mise en liberté, AU FOND, la rejette Ordonne son maintien en détention ; LE TOUT conformément aux articles visés au présent arrêt et aux articles 512 et suivants du Code de Procédure Pénale. COMPOSITION DE LA COUR :PRÉSIDENT : Monsieur THIBAULT-LAURENT ASSESSEURS : Madame GAUDINO, Conseiller, et Maître CAMPANA Jean-Jacques, avocat au barreau de Marseille, en remplacement de Monsieur CABAUSSEL, conseiller empêché, par application des dispositions de l'article 510 du code de procédure pénale MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur SERDET, Substitut GénéralGREFFIER : Monsieur VIOLET Le Président et les assesseurs ont participé à l'intégralité des débats sur le fond et au délibéré.L'arrêt a été lu par le Président conformément à l'article 485 dernier alinéa du Code de Procédure Pénale en présence du Ministère Public et du Greffier.LE GREFFIER LE PRÉSIDENT | ||||||||
JURITEXT000048508224 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/50/82/JURITEXT000048508224.xml | ARRET | Cour d'appel de Basse-Terre, 25 novembre 2019, 19/015701 | 2019-11-25 00:00:00 | Cour d'appel de Basse-Terre | Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 19/015701 | 13 | BASSE_TERRE | COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE ORDONNANCE DE RETENTION ADMINISTRATIVE DU 25 NOVEMBRE 2019 R.G : No RG 19/01570 - No Portalis DBV7-V-B7D-DFSB Décision déférée à la Cour : Ordonnance Référé du Juge des libertés et de la détention de POINTE-A-PITRE, décision attaquée en date du 22 Novembre 2019, enregistrée sous le no 19/578 Monsieur LE PREFET DE LA GUADELOUPE[Adresse 6][Localité 2] Non comparant, ni représenté, bien que régulièrement convoqué Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUEPrès le Tribunal de Grande-Instance de Pointe-à-Pitre Appelants de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention près le Tribunal de Grande-Instance de Pointe-à-Pitre, rendue le 22 Novembre 2019 statuant sur une demande de prolongation d'une mesure de rétention administrative Monsieur [E] [Y] [I]Né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 4] (HAITI)Actuellement retenu au centre de rétention administrative[Adresse 5][Localité 3] Comparant Assisté de Maître Guylène NABAB, avocat au barreau de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy L'affaire a été débattue le 25 Novembre 2019, en audience publique, devant la cour composée de : Mme Catherine BRUN, Présidente de chambre, déléguée par ordonnance du premier président de la Cour d'Appel de Basse-Terre, assistée de M. Rony PAKIRY, greffier Le ministère public, représenté par M. Eric RAVENET, Substitut général près la Cour d'Appel de Basse-Terre Le juge des libertés et de la détention de Pointe à Pitre a rendu le 22 novembre 2019 à 11h48 une ordonnance rejetant la demande de prolongation de rétention administrative de [E] [Y] [I], notifiée au procureur de la République à 12h15. Le ministère public a interjeté appel de cette décision avec demande d'effet suspensif le 22 novembre 2019 à 13h22 et a notifié sa déclaration d'appel motivée à monsieur le Préfet de la Guadeloupe, monsieur le Directeur de la PAF de la Guadeloupe, à [E] [Y] [I] et à son avocat Maître [D] le 22 novembre 2019 à 14h43, soit dans le délai prévu par la loi. Le préfet de la Guadeloupe a interjeté appel de cette décision le 22 novembre 2019. Au cours de l'audience, [E] [Y] [I] a estimé que ses droits avaient été bafoués car il n'avait pas vu de médecin une fois par jour comme cela avait été prescrit. Il a déclaré ne pas prendre régulièrement le traitement qui lui a été donné par le médecin car il ne voyait l'infirmière que tous les deux ou trois jours. Il a ajouté qu'avant son interpellation il n'avait aucun problème de santé et ne prenait aucun traitement. Il a souhaité bénéficier d'un temps supplémentaire pour préparer son départ. Après avoir dit qu'il vivait avec sa compagne avec laquelle il prévoyait de se marier, il a admis qu'ils vivaient non loin l'un de l'autre mais pas ensemble. Monsieur l'Avocat Général a estimé que la procédure était régulière et a demandé l'infirmation de la décision dont appel ainsi que la prolongation de la mesure de rétention compte tenu des garanties insuffisantes offertes par [E] [Y] [I]. La défense a sollicité la confirmation de la décision déférée à la cour. [E] [Y] [I] a eu la parole en dernier. SUR CE LA COUR, Il résulte des pièces transmises que [E] [Y] [I], de nationalité haïtienne, est entré de façon clandestine sur le territoire français. Contrôlé le 18 novembre 2019 conformément à l'article 78-2 du code de procédure pénale sur la commune des Abymes, il était dans l'incapacité de justifier de son identité déclarée et était retenu aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Il n'était pas en mesure de produire les documents requis. Conformément aux dispositions de l'article L611-1-1 du CESEDA, ses droits lui étaient notifiés. Il bénéficiait alors d'une visite médicale au terme de laquelle le Docteur [W] attestait que l'état de santé de [E] [Y] [I] était compatible avec la mesure de garde à vue tout en précisant qu'il existait une nécessité pour le gardé à vue "de voir le médecin une fois par jour pendant la durée de sa garde à vue et/ou toute prolongation". A l'issue du délai de vingt-quatre heures prévu par ce texte, quand l'étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France la durée de la retenue effectuée en application de ce même article 78-3 s'impute sur celle de la retenue pour vérification du droit de séjour. C'est dans ces conditions que l'autorité préfectorale a pris un arrêté no2019/618 prononçant l'obligation de quitter le territoire français en date du 18/11/2019 assorti d'une mesure de rétention administrative au CRA des Abymes. Le mardi 19 novembre 2019, le Docteur [O] [V], exerçant à la clinique les Eaux Claires procédait à un nouvel examen médical de [E] [Y] [I] et estimait qu'il présentait un gastrite aigue liée probablement au stress, prescrivait du Loxen 20mg jusqu'à trois fois par jour si TA supérieure à 16/10mmHg, ajoutant "pas de critère de gravité par ailleurs, ok retour à domicile, revoir médecin traitant selon évolution, revenir si aggravation." Le préfet saisissait le 20 novembre 2019 le juge des libertés et de la détention de Pointe à Pitre aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours. Le juge des libertés et de la détention de Pointe à Pitre, par ordonnance du 22 novembre 2019, a considéré la procédure irrégulière et rejeté la demande du préfet en prolongation de la rétention administrative, au regard des dispositions de l'article L511-4 10o du CESEDA qui précise que ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français "l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié". Pour ce magistrat, le premier certificat médical du 18/11/2019 indiquant que [E] [Y] [I] avait besoin de voir un médecin une fois par jour pendant toute la durée de sa garde à vue, et l'autorité préfectorale n'ayant pas fait en sorte que cette visite soit effective, la rétention administrative de [E] [Y] [I] était entachée d'irrégularité. Pour autant, le juge des libertés et de la détention ne justifie pas en quoi l'état de santé de l'appelant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, alors que - à deux reprises, son état de santé a été déclaré compatible avec la mesure de rétention administrative les 18 et 19 novembre 2019,- à l'occasion de la seconde visite médicale en date du 19 novembre 2019, le Docteur [V] [O], qui constatait que l'intéressé présentait une gastrite aigue probablement liée au stress, n'estimait pas nécessaire un suivi régulier, ne prescrivait qu'un suivi d'évolution et un nouvel examen en cas d'aggravation seulement. Dans ces conditions, le dernier certificat médical étant revenu sur la nécessité d'une visite médicale une fois par jour et ne prescrivant qu'un nouvel examen en cas d'aggravation des symptômes, l'autorité préfectorale a respecté les droits de la personne placée en rétention administrative. Par ailleurs, [E] [Y] [I] s'est maintenu de manière irrégulière sur le territoire national depuis novembre 2010, qui serait la date de son arrivée clandestine en Guadeloupe, y compris après les décisions de rejet de sa demande d'asile déposée à l'OFPRA du 06/05/2011 ainsi que son recours à la CNDA en date du 16/04/2014. Le risque de fuite, conformément à l'article L551-1 du CESEDA apparaît non négligeable dés lors qu'il s'est précédemment soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, ce qui a été le cas le 23 juin 2017 à l'occasion de l'arrêté préfectoral no2017/2439 rejetant une demande de délivrance de titre de séjour. Il ne justifie pas d'une vie privée et familiale ancienne et stable en Guadeloupe même s'il a reconnu un enfant français vivant en Guadeloupe alors qu'il reconnaît lui-même ne pas en être le père biologique et qu'il ne vit pas avec la mère de cet enfant. Le préfet n'a pu organiser l'éloignement de [E] [Y] [I] vers son pays d'origine dans les délais prévus par la loi compte tenu de ce qu'il a demandé son admission au bénéfice de l'asile. Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise et d'ordonner la prolongation de la rétention administrative de [E] [Y] [I] pour un délai de vingt-huit jours. PAR CES MOTIFS Reçoit le Préfet de la Guadeloupe et le Procureur de la République de Pointe-à-Pitre en leur appel, Infirme l'ordonnance entreprise, Ordonne la prolongation de la rétention administrative de [E] [Y] [I] pour un délai de vingt-huit jours à compter du 22 Novembre 2019 Dit que l'ordonnance sera notifiée par tout moyen aux intéressés. Fait à Basse-Terre, le 25 Novembre 2019 à 12 H 00. Le greffier Le magistrat | |||||||||
JURITEXT000048508225 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/50/82/JURITEXT000048508225.xml | ARRET | Cour d'appel de Papeete, 22 novembre 2019, 18/001291 | 2019-11-22 00:00:00 | Cour d'appel de Papeete | Radie l'affaire pour défaut de diligence des parties | 18/001291 | 10 | PAPEETE | COUR D'APPEL DE PAPEETEGREFFE CIVIL No minute : 519 No de répertoire général : RG 18/00129 LISTE DES PARTIES ET AVOCATS DU DOSSIER APPELANT M. [H] [S]AJ Totaleassisté de Me Etienne CHAPOULIE, avocat au barreau de POLYNESIE INTIMEE La Compagnie d'Assurance Generaliassistée de Me Thibaud MILLET, avocat au barreau de POLYNESIE O R D O N N A N C E M. Patrice GELPI, conseiller chargé de la mise en état, assisté de Mme Faimano NATUA, faisant fonction de greffier ; RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE : Par ordonnance d'injonction de payer du 23 juin 2015, le président du tribunal de première instance de Papeete a enjoint à Monsieur [H] [S] de payer à la compagnie d'assurances GENERALI la somme de 58.781 francs CFP correspondant au montant de la prime de sa police d'assurance. L'ordonnance d'injonction de payer lui a été signifiée le 20 juillet 2015. Monsieur [H] [S] a formé opposition à cette ordonnance le 6 août 2015. Par jugement du 27 novembre 2017, auquel la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, le tribunal de première instance de Papeete a :- déclare recevable l'opposition formée par Monsieur [H] [S] à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 23 juin 2015 par le tribunal civil de première instance de Papeete ;- mis à néant ladite ordonnance ;- statuant à nouveau, débouté Monsieur [H] [S] de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement ;- condamné Monsieur [H] [S] à payer à la compagnie d'assurances GENERALI la somme de 58.781 francs CFP ;- débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;- condamné Monsieur [H] [S] à payer à compagnie d'assurances GENERALI la somme de 100.000 francs CFP sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;- et condamné Monsieur [H] [S] aux dépens qui pourront être recouvrés comme il est prévu à l'article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française. Suivant requête enregistrée au greffe le 12 avril 2018, M. [H] [S] a relevé appel de cette décision. Aux termes de conclusions enregistrées au greffe le 20 juillet 2017, il a soulevé un incident par lequel il sollicite un sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du tribunal de première instance de Papeete, sur sa demande visant à constater la nullité de l'avenant du 25 avril 2013 à sa police d'assurance. Il a maintenu sa demande par conclusions déposées le 12 août 2019. La compagnie d'assurances GENERALI a répliqué sur cet incident par conclusions déposées au greffe le 15 mai 2019. Conformément aux dispositions de l'article 60 du code de procédure civile de la Polynésie française, les parties ont été appelées à l'audience d'incident fixée devant le conseiller de la mise en état le 25 octobre 2019. A l'issue de celle-ci, la décision a été mise en délibéré au 13 décembre 2019. SUR CE : Vu les dispositions des articles 50, 51, alinéa 2, 56 à 58, 60 à 62 du code de procédure civile de la Polynésie française ; Vu les conclusions sur incident rappelées ci-dessus, auxquelles il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des moyens des parties ; Le sursis à statuer est une mesure d'administration judiciaire que le conseiller de la mise en état peut ordonner, même d'office, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Le présent appel défère à la censure de la cour le jugement ayant condamné Monsieur [S] à payer à la compagnie d'assurances GENERALI une somme de 58 781 francs CFP, correspondant au paiement de la prime due au titre de l'avenant du 25 avril 2013 à sa police d'assurance no AC962800, couvrant son local professionnel pour la période du 1er mars 2013 au 1er mars 2014. Or, il apparaît que Monsieur [S] a introduit une nouvelle instance devant le tribunal de première instance de Papeete, par acte d'huissier du 26 avril 2018, aux fins de voir prononcer la nullité de cet avenant de renouvellement et dire que ce dernier est nul et de nul effet. Il est également établi que la compagnie d'assurances GENERALI, invoquant une identité de moyens et d'objets entre l'instance ayant donné lieu au jugement querellé et celle introduite par assignation du 26 avril 2018, a soulevé une exception de litispendance devant le premier juge. Celle-ci a cependant été rejetée aux termes d'une ordonnance du juge de la mise en état du 13 mars 2019. Il n'appartient pas au conseiller de la mise en état, dont les pouvoirs sont strictement limités par les dispositions rappelées ci-dessus et dont les ordonnances n'ont pas, au principal, autorité de la chose jugée, de statuer sur le fond du litige. Par conséquent, il ne lui revient pas, en l'espèce, d'apprécier le bien-fondé des moyens de Monsieur [S] tirés de l'inexistence ou de la nullité de l'avenant contractuel précité, ou d'examiner l'incidence procédurale de l'articulation de ces demandes. En revanche, il n'est pas contestable que le sort du présent recours dépend de la décision à intervenir quant à la nullité dudit avenant, puisque l'exigibilité de la prime correspondant en résulte. Il est donc manifestement dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de faire droit à la demande de sursis à statuer présentée par l'appelant. Par suite, il n'est pas justifié de faire droit à la demande formée par la compagnie GENERALI au titre des frais irrépétibles. Les dépens de la présente instance seront joints à ceux du fond. PAR CES MOTIFS, Le conseiller de la mise en état, statuant par ordonnance susceptible de recours dans les conditions fixées par l'article 62 du code de procédure civile de la Polynésie française : Dit qu'il sera sursis à statuer sur l'ensemble des demandes des parties dans l'attente de la décision définitive à intervenir dans l'instance enrôlée sous le numéro 18/201 devant le tribunal de première instance de Papeete ; Ordonne le retrait du présent dossier du rôle de la cour ; Dit qu'il sera réinscrit à première demande de la partie la plus diligente justifiant du prononcé de ladite décision définitive ; Déboute la compagnie d'assurances GENERALI de sa demande au titre des frais irrépétibles ; Dit que les dépens de l'instance d'incident seront joints à ceux du fond. Papeete, le 22 novembre 2019. P/Le Greffier,Le magistrat chargé de la mise en état, signé : F. NATUA signé : P. GELPI Copies authentiques délivrées à Me Chapoulie, M. [S], Me Millet le 22.11.2019 | |||||||||
JURITEXT000048508226 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/50/82/JURITEXT000048508226.xml | ARRET | Cour d'appel de Papeete, 27 novembre 2019, 19/000247 | 2019-11-27 00:00:00 | Cour d'appel de Papeete | Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 19/000247 | 03 | PAPEETE | No 39 ____________ Copie exécutoire délivrée à :- M. [Y]- Me da Silveirale 27.11.2019 REPUBLIQUE FRANCAISE COUR D'APPEL DE PAPEETE O R D O N N A N C E RG 19/00024 ; Rendue le 27 novembre 2019 en audience publique par monsieur le premier président de la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Mme Faimano NATUA, faisant fonction de greffier ; Sur requête déposée et enregistrée au greffe de la cour d'appel le 8 août 2019 aux fins d'interjeter appel à l'encontre la décision suivante: Ordonnance de taxe no 2019/H11 du délégataire de M. le Bâtonnier de l'Ordre des avocats statuant en matière de taxation d'honoraires du 4 juillet 2019 ; Demandeur : Monsieur [Z] [Y], né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant à [Adresse 4] ; Comparant ; Défenderesse : Maître [G] [C], représentant la Selarl [C] & Associés, dont le siège est sis [Adresse 2] ; Ayant pour avocat la Selarl SdS Avocat, représenté par Me Sarah da Silveira avocat au barreau de Papeete ; Après débats en audience publique du 13 novembre 2019, devant M. VOUAUX-MASSEL, Premier Président, assisté de Mme NATUA, faisant fonction de greffier, l'affaire a été mise en délibéré pour l'ordonnance de référé être rendue ce jour par mise à disposition au greffe de la juridiction. O R D O N N A N C E, Saisi par requête de M. [Z] [Y] en date du 29 avril 2019, le délégataire du Bâtonnier a taxé les honoraires et frais de Me Linda KINTZLER, avocate au barreau de Papeete, à la somme de 282.500 francs CFP et déclaré irrecevable les demandes indemnitaires de M. [Y]. La décision lui ayant été notifiée le 20 juillet 2019, M. [Z] [Y] interjetait appel suivant lettre recommandée du 29 juillet 2019. M. [Z] [Y] qui expose avoir réglé à Me [C] une somme de 720.400 francs CFP pour les affaires qui l'ont opposé à son employeur, la société SOCIMAT, conteste devoir la somme supplémentaire de 226.000 francs CFP que lui réclame son avocate. Il demande en particulier qu'eu égard à sa situation financière et à sa situation vis-à-vis de son employeur, il lui soit accordé une remise totale de la taxation d'honoraires ou du moins que celle-ci soit revue à la baisse. A défaut, il demande que le montant de la taxation fixée par le délégataire du Bâtonnier à 282.500 francs CFP soit ramenée au montant effectivement réclamée par Me [G] [C], soit la somme de 226.000 francs CFP. Me [C] fait plaider que sur la note d'honoraires du 24 janvier 2018 correspondant à la procédure d'appel interjeté à l'encontre du jugement du Tribunal du travail du 11 décembre 2014 une importante remise lui a d'ores et déjà été accordé (378.900 francs CFP), et ce alors que le taux horaire avait déjà été ramené de 28.250 à 22.600 francs CFP. Me [C] demande en conséquence au premier président de confirmer la décision du délégataire du Bâtonnier en ce qu'il a dit que M. [Z] [Y] était redevable des honoraires dus et de constater que Me [C] a sollicité la fixation de ses honoraires à hauteur de 226.000 francs CFP, de sorte que M. [Y] soit condamné au paiement de ladite somme. Me [C] sollicite en outre la condamnation de M. [Y] à lui payer une indemnité de 90.000 francs CFP au titre de ses frais irrépétibles. SUR CE, L'article 10 de la loi no71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par la loi no 2015-990 du 6 août 2015 énonce : « Les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. En matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires, les droits et émoluments de l'avocat sont fixés sur la base d'un tarif déterminé selon des modalités prévues au titre IV bis du livre IV du code de commerce. Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi no91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. Toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. » Il n'est pas contesté en l'espèce que M. [Z] [Y] a refusé la signature de la convention d'honoraires que lui a proposée Me [C]. Or, il résulte, en premier lieu, des débats et des pièces produites, que Me [G] [C] a conseillé et assisté M. [Z] [Y] dans quatre procédures différentes qui l'ont opposé devant différentes juridictions à son employeur la société SOCIMA, lesquelles procédures suivies par Me [C] ont donné lieu à l'établissement de notes d'honoraires qui, au vu des différentes fiches comptables versées aux débats, ont toutes été réglées par M. [Y]. Toutefois, il est constant que la présente contestation a trait aux honoraires afférents à une cinquième procédure dans laquelle Me [C] a apporté son assistance à M. [Z] [Y], à savoir l'appel interjeté à l'encontre du jugement du Tribunal du travail du 11 décembre 2014. Or, il résulte de l'état détaillé des diligences accomplies par Me [C], de la longueur de la procédure (quatorze audiences de mises en état, entretien à huit reprises et quatre jeux de conclusions) et enfin de la multiplicité et de la relative complexité des points soulevés, tels qu'ils sont énoncés dans l'arrêt du 21 décembre 2017 produit aux débats (primes, reclassement, commissions, harcèlement et discrimination), que le temps que le cabinet [C] indique y avoir consacré, à savoir 2.080 minutes, n'apparaît nullement disproportionné. Or, non seulement Me [C] a appliqué un taux horaire tout à fait raisonnable de 22.600 francs CFP, mais encore a fait bénéficier M. [Y], sur le montant total de la facture, d'une remise de 378.900 francs CFP, de sorte que le solde restant dû n'est plus que de 226.000 francs CFP. C'est dès lors à juste titre que Me [G] [C] a demandé la taxation de ses honoraires à la somme de 226.000 francs CFP HT. Il convient toutefois de rectifier l'ordonnance de taxe rendue par le délégataire du Bâtonnier qui, par erreur, à taxer les honoraires et frais dus à la somme de 282.500 francs CFP. L'équité ne commande pas de faire application de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française. Me [C] sera déboutée de la demande d'indemnité qu'elle a formée de ce chef. PAR CES MOTIFS, Le premier président, Déclare recevable en la forme l'appel interjeté par M. [Z] [Y] à l'encontre de l'ordonnance de taxe rendue par le délégataire du Bâtonnier le 4 juillet 2019, mais ledit seulement très partiellement fondé; En conséquence, infirme la dite ordonnance de taxe, Et statuant à nouveau, Taxe les honoraires et frais restant dus à Me [G] [C] à la somme de 226.000 francs CFP TTC, au paiement de laquelle M. [Z] [Y] est condamné ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ; Condamne M. [Z] [Y] aux dépens de la présente instance. Prononcé à Papeete, le 27 NOVEMBRE 2019. P/Le Greffier, Le Président, signé : Faimano NATUAsigné : Régis VOUAUX-MASSEL | |||||||||
JURITEXT000048508227 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/50/82/JURITEXT000048508227.xml | ARRET | Cour d'appel de Papeete, 22 novembre 2019, 19/003611 | 2019-11-22 00:00:00 | Cour d'appel de Papeete | Prononce la jonction entre plusieurs instances | 19/003611 | 10 | PAPEETE | COUR D'APPEL DE PAPEETE[Adresse 2][Adresse 3]Tél. [XXXXXXXX01] – [XXXXXXXX01]Fax. [XXXXXXXX01]Bureaux ouverts : 8 H à 12 H Chambre Civile--- RG : No 19/00361APPELANTE Mme [X] [R] [M] assistée de Me Olivier JANNOT, avocat au barreau de POLYNESIE INTIMES Mme [S] [W]assistée de Me François QUINQUIS, avocat au barreau de POLYNESIE M. [Y] [W]Mme [U] [O] ép. [P] Mme [U] [P] ép. [R] [M]assistée de Me Mathieu LAMOURETTE, avocat au barreau de POLYNESIE Mme [N] [T] Mme [U] [V] [W] ép. [R] [M]assistée de Me Diana KINTZLER, avocat au barreau de POLYNESIE ORDONNANCE DE JONCTION no 520 Nous, Régis VOUAUX-MASSEL, Premier Président, assisté de Faimano NATUA, faisant fonction de greffier ; Vu les articles 51 et 440-5 du Code de procédure civile de Polynésie française ; Il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'instruire et de juger ensemble les instances inscrites au répertoire général sous les RG 19/00361 et RG 19/000348 ; PAR CES MOTIFS, Ordonne la jonction des instances numéro No RG 19/00361 et RG 19/000348, numéro sous le numéro unique No RG 19/00348 ; A Papeete, le 22 novembre 2019. Le greffier,Le Premier Président, signé signé Copies notifiées ce jour. | |||||||||
JURITEXT000048508228 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/50/82/JURITEXT000048508228.xml | ARRET | Cour d'appel de Basse-Terre, 25 novembre 2019, 19/015691 | 2019-11-25 00:00:00 | Cour d'appel de Basse-Terre | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 19/015691 | 13 | BASSE_TERRE | COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE ORDONNANCE DE RETENTION ADMINISTRATIVE DU 25 NOVEMBRE 2019 No RG 19/01569 - No Portalis DBV7-V-B7D-DFSA Décision déférée à la cour : Ordonnance du Juge des libertés et de la détention de POINTE-A-PITRE, décision attaquée en date du 21 Novembre 2019, enregistrée sous le no 19/00579 Monsieur [T] [O]Né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 6] (HAITI)de nationalité haïtiennedemeurant Chez Mme [M] [B][Adresse 1][Localité 5] Non comparant, représenté par Maître Guylène NABAB, avocat au barreau de la Guadeloupe, de Saint-Martin et Saint-Barthélémy Monsieur PREFET DE LA GUADELOUPE[Adresse 7][Localité 4] Non comparant, ni représenté bien que régulièrement convoqué L'affaire a été débattue le 25 Novembre 2019, en audience publique, devant la cour composée de : Madame Catherine BRUN, Président de chambre, déléguée par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Basse-Terre, assisté de M. Rony PAKIRY, greffier Le ministère public était représenté par M. Jean Dominique TRIPPIER, substitut général à la Cour d'Appel de Basse-Terre [T] [O], de nationalité haïtienne, a fait l'objet d'un arrêté du Préfet de Guadeloupe en date du 24 juin 2019 prononçant son refus de séjour et son obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, avec une interdiction de retour pendant un an. Le même arrêté l'assignait à résidence [Adresse 2], lui fixant pour obligation de se présenter trois fois par semaine les lundi, mercredi et vendredi à la brigade de gendarmerie du Moule afin de faire connaître les modalités de son départ Le 21 novembre 2019 à 11h30 le juge des libertés et de la détention de Pointe à Pitre a rendu un ordonnance autorisant le Préfet de Guadeloupe à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie afin de visiter le domicile de [T] [O] sis chez Mme [Y] [B] 101 résidence [Adresse 1] afin de s'assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière ou, si le départ n'est pas possible immédiatement, de lui notifier une décision de placement en rétention. Par courrier faxé au greffe de la cour le 22 novembre 2019 à 11h12, [T] [O] a interjeté appel de cette décision. Il indiquait qu'il avait été interpellé le 21 novembre 2019 après midi à son domicile sis [Adresse 1]. Il admettait ne pas avoir respecté ses obligations de pointage mais évoquait son état de santé pour le justifier, précisant être en attente d'une intervention chirurgicale pour une hernie discale. Il soulevait la nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, affirmant qu'il n'était plus soumis aux obligations de pointage de l'assignation à résidence puisque le délai de départ volontaire de 30 jours était expiré, alors que la cour de cassation juge que la visite domiciliaire ne peut être autorisée que lorsque la mesure d'assignation à résidence est en cours au moment de la requête du préfet. Par ailleurs, sa situation juridique était celle de l'article L513-4 du CESEDA et non pas celle de l'article L561-1. Il concluait en demandant à la cour de fixer une audience, d'infirmer la décision contestée, d'annuler la mesure de rétention administrative, de prononcer sa mise en liberté immédiate et de condamner le Préfet à payer à son conseil la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. A l'audience de la cour M. L'avocat général a requis la confirmation de l'ordonnance dont appel. Maître [H] a plaidé l'infirmation de la décision déférée. SUR CE LA COUR, l'appel a été formé dans les conditions prévues par la loi, il est donc recevable. Il résulte de la procédure que le juge des libertés et de la détention a statué au regard des conditions d'application de l'article L214-4 du CESEDA qu'il a estimé être remplies et non pas de l'article L561-1 ou L513-4 comme il est souligné dans l'acte d'appel. Ce texte, qui s'inscrit dans le Livre 2 du code sur l'entrée en France - TITRE 1 conditions d'admission chapitre 4 interdiction administrative du territoire, prévoit que l'autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention de l'autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu'ils visitent le domicile de l'étranger afin de s'assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière ou, si le départ n'est pas possible immédiatement, de lui notifier une décision de placement en rétention. Il dispose en outre de manière expresse l'applicabilité de l'article L561-2 de ce code ne concerne que la procédure prévue aux troisième à sixième alinéas du II de cet article. Il n'y a donc ni ambiguïté ni erreur dans la décision attaquée quant à la base textuelle de l'autorisation accordée même si dans sa motivation elle fait état des conditions dans lesquelles M. [O] s'est maintenu sur le territoire français au delà des délais qui lui avaient été accordés et en faisant fi des obligations qui lui avaient été imposées. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner si les conditions d'application des articles L561-1 ou L513-4, non applicables à l'espèce, sont remplies. Il convient en conséquence de rejeter en toutes ses dispositions les demandes de l'appelant et de confirmer la décision attaquée qui répond aux exigences de la loi. PAR CES MOTIFS Reçoit [T] [O] en son appel, Rejette les demandes de l'appelant, confirme la décision attaquée, Dit que l'ordonnance sera notifiée par tout moyen aux intéréssés Fait à Basse-Terre, le 25 Novembre 2019 à 11 H 00 Le greffier Le magistrat, | |||||||||
JURITEXT000048508229 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/50/82/JURITEXT000048508229.xml | ARRET | Cour d'appel de Basse-Terre, 27 novembre 2019, 19/015751 | 2019-11-27 00:00:00 | Cour d'appel de Basse-Terre | Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 19/015751 | 13 | BASSE_TERRE | COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE ORDONNANCE DE RETENTION ADMINISTRATIVE DU 27 NOVEMBRE 2019 No RG 19/01575 - No PORTALIS : DBV7-V-B7D-DFSJ Décision déférée à la cour : Ordonnance du Juge des libertés et de la détention de POINTE-A-PITRE, décision attaquée en date du 25 Novembre 2019, enregistrée sous le no 19/01575 Monsieur le PREFET DE LA GUADELOUPE[Adresse 7][Localité 4] Non comparant, ni représenté bien que régulièrement convoqué Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUEPrès le Tribunal de Grande-Instance de Pointe-à-Pitre Appelants d'une ordonnance de rejet de prolongation de la mesure de rétention administrative rendue le 25 Novembre 2019 par le juge des libertés et de la détention près le Tribunal de Grande-Instance de Pointe-à-Pitre Monsieur [C] [F]Né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 6] (HAITI)de nationalité haïtiennedemeurant Chez Mme [J] [N][Adresse 1][Localité 5] Non comparant, ni représenté L'affaire a été débattue le 26 Novembre 2019, en audience publique, devant la cour composée de : Madame Catherine BRUN, Président de chambre, déléguée par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Basse-Terre, assisté de Mme Liliane ROY-CAMILLE, greffier Le ministère public était représenté par M. Eric RAVENET, substitut général à la Cour d'Appel de Basse-Terre [C] [F], de nationalité haïtienne, a fait l'objet d'un arrêté du Préfet de Guadeloupe en date du 24 juin 2019 prononçant son refus de séjour et son obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, avec une interdiction de retour pendant un an. Cet arrêté a été notifié à l'intéressé le 17 septembre 2019. Le même arrêté l'assignait à résidence [Adresse 2] [Localité 5], lui fixant pour obligation de se présenter trois fois par semaine les lundi, mercredi et vendredi à la brigade de gendarmerie [Localité 5] afin de faire connaître les modalités de son départ. [C] [F] n'a pas respecté les obligations de pointage et s'est maintenu sur le territoire national au delà du délai fixé pour un départ volontaire. Le 21 novembre 2019 à 11h30 le juge des libertés et de la détention de Pointe à Pitre a rendu un ordonnance autorisant le Préfet de Guadeloupe à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie afin de visiter le domicile de [C] [F] sis chez Mme [H] [N] [Adresse 1] [Localité 5] afin de s'assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière ou, si le départ n'est pas possible immédiatement, de lui notifier une décision de placement en rétention. [C] [F] n'a pas pu être reconduit à la frontière immédiatement et a fait l'objet d'un arrêté préfectoral en date du 21 novembre 2019 prononçant son placement en rétention administrative . Le juge des libertés et de la détention de Pointe à Pitre a rendu le 25 novembre 2019 à 11h47 une ordonnance déclarant la procédure de placement en rétention administrative de [C] [F] irrégulière et disant n'y avoir lieu à la prolongation du maintien en rétention de [C] [F] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire. Le 25 novembre 2019 à 13h50, le procureur de la République de Pointe à Pitre a interjeté appel de cette décision avec demande d'effet suspensif de l'ordonnance rendue. Le 25 novembre 2019 à 14h34, le préfet de la Guadeloupe a interjeté appel de cette décision. Maître [M] a adressé une télécopie à la cour le 26/11/2019 à 12h20 indiquant qu'elle ne pouvait se présenter à l'audience et que son client, [C] [F], ne pouvait se déplacer pour des raisons de santé. Le ministère public a été entendu en ses réquisitions, sollicitant que la procédure soit déclarée régulière et que la rétention administrative de [C] [F] soit prolongée. SUR CE LA COUR, sur la recevabilité Au terme de l'article R552-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le délai d'appel est de 24 heures à compter du prononcé de l'ordonnance. Ce délai, calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile est décompté d'heure à heure. Les appels ont été formés dans les conditions de temps et de forme prévues par la loi, ils sont donc recevables. Sur l'irrégularité de la procédure, En droit, l'article 63-3 du code de procédure pénale dispose que toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, être examinée par un médecin désigné par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire. (...) Le médecin se prononce sur l'aptitude au maintien en garde à vue et procède à toutes constatations utiles. Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences incombant aux enquêteurs en application du présent alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande. Il résulte également de l'article L551-2 que l'étranger est informé pendant toute la période de la rétention qu'il peut demander l'assistance d'un médecin. Il appartient au juge de vérifier l'effectivité de l'exercice de ce droit. En l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que - le procès-verbal établi le 21 novembre 2019 par la BTA de LE MOULE, de notification, d'exercice des droits et déroulement de la retenue, dans son feuillet 3, mentionne qu'il n'a pas été possible de requérir un médecin pouvant intervenir dans un délai de trois heures car les trois médecins contactés, les Docteurs [R], [Z] et [I] n'étaient pas disponibles. - le règlement intérieur du CRA indique qu'un médecin est présent au centre le lundi ou le vendredi de 12 à 13 heures. - M. [F] admet avoir rencontré l'infirmière au centre médical et avoir pris des médicaments, ce qui signifie qu'il a été pris en charge médicalement. Les gendarmes ont placé [C] [F] en mesure de retenue administrative à 15h40 le 21 novembre 2019. Le jour même à 18 heures 15, il était mis fin à cette mesure et [C] [F] était transporté au centre de rétention administrative. Durant cette période, les gendarmes ont effectué les diligences indispensables dans le délai prévu par la loi mais se sont heurtés à une impossibilité de mettre en oeuvre le droit de l'intéressé à être vu par un médecin du fait de l'indisponibilité des médecins contactés. Il n'existe pas pour les forces de l'ordre d'obligation de résultat qui les oblige à contacter tous les médecins situés dans un proche périmètre géographique ainsi que l'a indiqué le premier juge. Le fait de contacter trois médecins dont les noms sont énumérés par procès-verbal suffit à établir les diligences exécutées et il ne peut se déduire aucune irrégularité de l'absence de visite médicale effective. Par ailleurs, à son arrivée au C.R.A, [C] [F], assisté d'un interprète, s'est vu notifier par procès-verbal établi le 21 novembre 2019 à 18h50 par le brigadier de police [Y] [U], ses droits comprenant notamment la possibilité de voir un médecin. Il n'a pas spécifiquement demandé à voir un médecin à cette occasion. En application de l'article R. 553-3 7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le règlement intérieur du centre de rétention prévoyant que l'infirmerie du centre était accessible aux retenus, qu'un médecin y donnait des consultations sur rendez-vous le lundi ou le vendredi de 12 à 13 h et qu'un infirmier y assurait des permanences, [C] [F] a été en mesure de rencontrer effectivement un médecin. Placé en rétention administrative le jeudi 21 novembre 2019, [C] [F] avait donc toute possibilité pour rencontrer le médecin. [C] [F] a, au surplus, admis avoir vu l'infirmière du service médical du CRA et avoir bénéficié d'un traitement médicamenteux de sorte qu'il ne justifie pas d'un grief lié au fait qu'il n'ait pas pu rencontrer un médecin. C'est en conséquence à tort que le premier juge a dit que la procédure était entachée d'irrégularité et dit qu'en conséquence il n'y avait lieu à son maintien dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire. Sur la prolongation de la rétention administrative de [C] [F] [C] [F] est entré de manière clandestine sur le territoire français le 24 juillet 2015 et s'est maintenu de manière irrégulière sur le territoire, sans document d'identité lui permettant de séjourner régulièrement en Guadeloupe. Les dispositions de l'article L511-1 du CESEDA lui sont, en conséquence, applicables. Il existe un risque que [C] [F] se soustrait à la mesure alors que bénéficiaire d'une décision d'assignation à résidence, il n'en a pas respecté les obligations et n'a pas quitté le territoire national dans le délai qui lui était imparti. Son absence à l'audience de la cour paraît également signifiante de son désengagement vis à vis de ses obligations légales. [C] [F] ne justifie pas d'une vie privée et familiale ancienne et pérenne en Guadeloupe puisqu'il ressort des contradictions entre ses dires et les éléments de la procédure. En effet, il a pu indiquer vivre avec Mme [N] depuis plus de trois ans, voire quatre ans alors que l'attestation produit par cette dernière fait état d'un concubinage depuis septembre 2017, soit seulement deux ans. Dans ces conditions, il convient d'infirmer la décision déférée et d'ordonner la prolongation de la rétention de [C] [F]. PAR CES MOTIFS Déclare recevables les appels de Monsieur le procureur de la République de Pointe à Pitre et de Monsieur le Préfet de Guadeloupe, Infirme l'ordonnance dont appel, Déclare régulière la procédure en rétention administrative de [C] [F] Ordonne la prolongation de la rétention administrative de [C] [F] pour un délai de 28 jours à compter du 23 novembre 2019. Dit que l'ordonnance sera notifiée par tout moyen aux intéréssés Fait à Basse-Terre, le 27 Novembre 2019 à 09 H 30 Le greffier Le magistrat, | |||||||||
JURITEXT000007628033 | JAX2007X01XZZX0000000048 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/07/62/80/JURITEXT000007628033.xml | ARRET | Cour d'appel d'Aix-en-Provence, CT0257, du 8 janvier 2007, 16 | 2007-01-08 00:00:00 | Cour d'appel d'Aix-en-Provence | 16 | CT0257 | AIX_PROVENCE | M. THIBAULT- LAURENT, président | ARRÊT DU 8 JANVIER 2007 ARRÊT No 16/D/2007 13ème CHAMBRE COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCEREQUÉRANT...X... CONTRADICTOIRE grosse délivrée le à Maître ARRÊT SUR DEMANDE DE MISE EN LIBERTÉ Prononcé en audience publique, le LUNDI 8 JANVIER 2007, par la 13ème chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE REQUÉRANT :X... é le 14 Août 1973 à CCCC (SSSS) filiation inconnue de nationalité algérienne marié demeurant : ...- 06000 NICE Détenu à la Maison d'arrêt de NICE(Mandat de dépôt du 11/03/2005 - Mise en liberté sous CJ du 07/12/2005 - Mandat de dépôt du 10/02/2006)Comparant En présence du MINISTERE PUBLIC ARRÊT No 16/D/2007DÉROULEMENT DES DÉBATS : A l'audience publique du LUNDI 8 JANVIER 2007,Le Président a constaté l'identité du requérant Le Conseiller GAUDINO a présenté le rapport de l'affaire Le requérant a été entendu sur sa demande de mise en liberté,Le Ministère Public a pris ses réquisitions Le requérant ayant eu la parole en dernier Le Président a ensuite indiqué que l'arrêt serait prononcé le jour même, à l'issue du délibéré et à la reprise de l'audience. DÉCISION :Rendue en audience publique, après en avoir délibéré conformément à la loi, Par arrêt en date du 22 mai 2006, la Cour d'appel de céans a confirmé un jugement prononcé le 10 février 2006 par le Tribunal correctionnel de NICE qui a déclaré ... X... coupable :* d'avoir, à NICE (06), courant janvier 2005, détenu et importé des stupéfiants, en l'espèce plusieurs dizaines de kilos de cannabis,* d'avoir, à NICE (06), courant février 2005, tenté de détenir de stupéfiants, en l'espèce du cannabis, ladite tentative étant caractérisée par le commencement d'exécution suivant : collecte d'argent, recrutement d'un chauffeur d'une voiture de location, trajet en Espagne, contrats avec le fournisseur...L... et n'ayant manqué son effet qu'en raison de circonstances extérieures à l'auteur ou au complice, en l'espèce la non réception des marchandises à Madrid faits prévus et réprimés par les articles 222-37 al.1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 al.1, 222-50, 222-51, 121-4, 121-5 du code pénal, L 5132-7, L 5132-8 al.1, R 5132-74, R 5132-77 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 ;* d'avoir, à NICE (06), courant janvier 2005, tenté d'importer des stupéfiants, en l'espèce du cannabis, ladite tentative étant caractérisée par le commencement d'exécution suivant : collecte d'argent, recrutement d'un chauffeur d'une voiture de location, trajet en Espagne, contrats avec le fournisseur ...L.... et n'ayant manqué son effet qu'en raison de circonstances extérieures à l'auteur ou au complice, en l'espèce la non réception des marchandises à Madrid faits prévus et réprimés par les articles 222-36 al.1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49, 222-50, 222-51, 121-4, 121-5 du code pénal, L 5132-7, L 5132-8 al.1, R 5132-74, R 5132-77, R 5132-78 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990,- et en répression, l'a condamné à la peine de quatre ans d'emprisonnement, a décerné mandat de dépôt à son encontre, et a ordonné la confiscation des scellés....B... ajoutant, la Cour a condamné... X... à la peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire national, et a ordonné son maintien en détention.L'intéressé a formé un pourvoi en cassation le 26 mai 2006. ARRÊT No 16/D/2007 : Par acte au greffe de la Maison d'arrêt de NICE en date du 2 octobre 2006, ... X... a présenté une demande de mise en liberté. * * *Les faits sont les suivants :Au cours du mois d'août 2004, les services de police reçoivent un renseignement anonyme dénonçant ...B... comme trafiquant de coca'ne.Comme à l'accoutumée, l'enquête qui va alors débuter aura pour technique le placement sur un système d'écoute du téléphone de ...B... et la surveillance physique du suspect.Les écoutes téléphoniques vont apporter rapidement deux éléments : - d'une part, ...Y... vend des stupéfiants à divers personnes (à ...Z... notamment), - d'autre part, il prend régulièrement rendez-vous avec un homme qu'il surnomme "Paquet", identifié comme étant ...Y....L'enquête aurait pu s'arrêter à ce stade, mais lors d'un double conversation téléphonique entre Y... et un individu non identifié, appelant d'une cabine publique et ayant visiblement pour objet une commande de produits stupéfiants, l'inconnu va solliciter un numéro de téléphone au nom de Samira Z..., téléphone utilisé par...X.... En outre, un correspondant habituel de Y..., un nommé ...N..., est aussi en contact physique et téléphonique avec ce même X....La police logiquement plaçait donc sous surveillance téléphonique Bachir X.... L'opération s'avérait très fructueuse puisqu'elle permettait de suivre, en direct, deux voyages, organisées par X..., vers l'Espagne où il entrait en contact avec ...L..., suspecté de trafic de stupéfiants.... X... nie tous les faits qui lui sont reprochés et il a même nié être celui qu'on entendait sur les interceptions téléphoniques. Il s'est enfui quand la police a voulu linterpeller et dans le passé il a usé de noms différents. A ce titre, il faut se souvenir que ce n'est que parce qu'il a usurpé divers identités que son casier judiciaire ne présente que deux condamnations. En réalité il a été condamné en 1994, 1996 et 1997 pou r cession de stupéfiants et infraction à la législation sur les étrangers (sous deux noms).... X... reconnaît qu'il s'est rendu à deux reprises en Espagne. Il prétend qu'il s'agissait "d'y faire la fête". A l'audience de première instance, il donne une nouvelle version, inédite, selon laquelle il devait vendre à ...L... une alpha Roméo appartenant à un individu dont il ignore le nom, version censée expliquer ses contacts fréquents avec ce dernier.Lors du voyage du 17, 18 et 19 janvier 2005, les écoutes téléphoniques attestent de la mise en place d'un système bien connu : une voiture "ouvreuse" dans laquelle se trouve ...M... et X... et une voiture "suiveuse" dans laquelle se trouve seul A..., les premiers informant le second des contrôles de police. X... dans ses dénégations, fait semblant de ne pas comprendre que l'on s'étonne d'un tel dispositif pour aller voir des prostituées en Espagne. * * *A l'audience de la Cour :Le Ministère Public a requis le rejet de la demande.Le prévenu a persisté dans sa demande. ARRÊT No 16/D/2007Attendu que le prévenu soutient q'il a la charge de trois enfants en bas âge et qu'il a besoin de travailler pour subvenir à leurs besoins ; Mais attendu que les charges qui pèsent sur ... X... d'avoir participé à un trafic de stupéfiants sont lourdes ; que le prévenu s'étant déjà livré par le passé à la revente de produits stupéfiants, il y a lieu de craindre un renouvellement de l'infraction ; Attendu, dès lors, qu'il apparaît que la détention est le seul moyen de prévenir le renouvellement de l'infraction, cause d'un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public, en raison notamment de la gravité des faits ; Attendu qu'il y a donc lieu de rejeter sa demande de mise en liberté ; PAR CES MOTIFS :LA COUR, statuant en audience publique, le Ministère Public entendu, en présence du requérant, par arrêt contradictoire Vu les articles 144 et 148-1 du Code de Procédure Pénale ; EN LA FORME, reçoit ... X... en sa demande de mise en liberté, AU FOND, la rejette Ordonne son maintien en détention ; LE TOUT conformément aux articles visés au présent arrêt et aux articles 512 et suivants du Code de Procédure Pénale. COMPOSITION DE LA COUR :PRÉSIDENT : Monsieur THIBAULT-LAURENT ASSESSEURS : Madame GAUDINO, Conseiller, et Maître CAMPANA Jean-Jacques, avocat au barreau de Marseille, en remplacement de Monsieur CABAUSSEL, conseiller empêché, par application des dispositions de l'article 510 du code de procédure pénale MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur SERDET, Substitut GénéralGREFFIER : Monsieur VIOLET Le Président et les assesseurs ont participé à l'intégralité des débats sur le fond et au délibéré.L'arrêt a été lu par le Président conformément à l'article 485 dernier alinéa du Code de Procédure Pénale en présence du Ministère Public et du Greffier.LE GREFFIER LE PRÉSIDENT | ||||||||
JURITEXT000048550572 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550572.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 20 octobre 2023, 19/13662 | 2023-10-20 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 19/13662 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 19/13662No Portalis 352J-W-B7D-CRFZ3 No MINUTE : Assignation du :19 Novembre 2019 JUGEMENT rendu le 20 Octobre 2023 DEMANDERESSES Société [D] [R] AND COMPANY[R] Corporate Center[Adresse 6]S (USA) S.A.S.U. [R] FRANCE[Adresse 2] [Adresse 5][Localité 4] représentée par Maître [MD] [T] du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0033 DÉFENDERESSE S.A.S. [UR] SANTÉ (anciennement MYLAN S.A.S.)[Adresse 1][Localité 3] représentée par Maître Denis SCHERTENLEIB de la SAS SCHERTENLEIB AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0948 Copies délivrées le :- Maître [T] #J33 (exécutoire)- Maître [K] #A948 (ccc)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-présidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur [U] [Z], Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 14 Avril 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023, puis prorogé, en dernier lieu, le 20 Octobre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société de droit des États-Unis ‘[D] [R] and company' (la société [D] [R]) est titulaire du brevet européen désignant la France EP 1 313 508 (ci-après le brevet), portant en substance sur l'utilisation d'un antifolate, le pemetrexed disodique, en combinaison avec la vitamine B12 dans le traitement du cancer. Ce brevet a été demandé le 15 juin 2001 sous priorité de plusieurs demandes des États-Unis des 30 juin 2000, 27 septembre 2000 et 18 avril 2001. Il a été délivré le 18 avril 2007 et a expiré le 15 juin 2021. Le pemetrexed seul était déjà connu à la date de priorité ; il avait déjà fait l'objet d'un brevet déposé en 1990. 2. Avec la société [R] France, qui dit fabriquer en France le pemetrexed disodique pour le compte des sociétés du groupe [D] [R], elle reproche à la société [UR] la commercialisation d'une spécialité générique de pemetrexed sous la forme d'un sel différent, le pemetrexed diarginine, en contrefaçon du brevet selon elles. La société [UR] estime pour sa part le brevet nul et conteste le caractère contrefaisant de son médicament, le Pemetrexed Mylan. La société [R] France fonde sa demande sur les faits de contrefaçon mais la qualifie de concurrence déloyale, ce que la société [UR] conteste également. 3. Le brevet a fait l'objet d'une opposition devant l'office européen des brevets (l'Office), rejetée, et a fait l'objet de très nombreux procès en Europe. Il n'a pas été annulé par une décision définitive. D'autres spécialités génériques, identiques ou différentes, ont été jugées contrefaisantes, parfois en infirmant un premier jugement écartant la contrefaçon. 4. La société [D] [R] et la société [R] France (ensemble, les sociétés [R]) ont assigné le 19 novembre 2019 la société [UR], alors dénommée Mylan, en contrefaçon du brevet. Une demande de mesures provisoires en cours de procédure a finalement été abandonnée. L'instruction a été close le 8 septembre 2022. 5. Dans leurs dernières conclusions (5 juillet 2022) les sociétés [R], qui résistent aux demandes adverses, demandent, avec exécution provisoire, d'une part de voir reconnaitre que l'exploitation du Pemetrexed Mylan contrefait toutes les revendications du brevet, d'autre part de condamner « en conséquence » la société [UR] à payer une provision de 2 500 000 euros à la société [R] France et de lui ordonner, en vue de l'établissement définitif de leur préjudice, de leur communiquer plusieurs types d'informations concernant la période du 1er décembre 2014 au 15 juin 2021 (sous astreinte), sous le contrôle du juge de la mise en état, dans le cadre d'un cercle de confidentialité auquel n'auront accès qu'un représentant de chaque partie et les avocats. Elles demandent en outre la condamnation de la défenderesse à leur payer in solidum 254 815 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens (avec recouvrement par leur avocat). 6. Dans ses dernières conclusions (1er septembre 2022), la société [UR] soulève l'irrecevabilité de la société [R] France à agir en contrefaçon du brevet, résiste à l'ensemble des demandes y compris l'exécution provisoire, demande reconventionnellement de déclarer le brevet nul, et de condamner in solidum les sociétés [R] à lui payer 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement d'exclure la société [R] France du cercle de confidentialité. MOTIVATION I . Demande reconventionnelle en nullité du brevet Page 4 1. Présentation du brevet Page 4 2. Nouveauté s'agissant d'une application thérapeutique ultérieure Page 5 3. Activité inventive Page 9 4. Suffisance de description des revendications Page 17 a. Revendications 1 à 11 (réalisation de l'effet technique) Page 18 b. Revendications 12 à 14 (formulation impossible à mettre en oeuvre) Page 19 5. Extension de l'objet Page 20II . Demandes de la société [D] [R] en contrefaçon du brevet Page 21 1. Principe de responsabilité Page 21 a. Portée du brevet à l'égard des autres sels de pemetrexed Page 24 Contrefaçon littérale Page 24 Contrefaçon par équivalence Page 24 b. Vente de pemetrexed seul Page 26 c. Conclusion sur la contrefaçon Page 26 2. Réparation et autres mesures Page 27III . Demandes de la société [R] France en concurrence déloyale Page 28IV . Dispositions finales Page 29 I . Demande reconventionnelle en nullité du brevet 7. En application de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich (la Convention sur le brevet européen, ci-après la Convention), lequel est ainsi rédigé : « (1) Sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ; b) le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ; c) l'objet du brevet européen s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ou, lorsque le brevet a été délivré sur la base d'une demande divisionnaire ou d'une nouvelle demande déposée en vertu de l'article 61, si l'objet du brevet s'étend au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu'elle a été déposée ; (...). » 1 . Présentation du brevet 8. Il ressort de la description du brevet (et entre parenthèses des explications apportées par les parties) que le pemetrexed fait partie de la classe des antifolates dont la propriété est d'inhiber une ou plusieurs enzymes nécessitant des folates (lesquelles sont nécessaires à la réplication de l'ADN, donc à la multiplication des cellules), ce qui leur confère un effet antinéoplasique (c'est-à-dire anticancéreux), mais que leur effet, qui n'est pas spécifique aux cellules cancéreuses, entraine potentiellement une toxicité grave allant jusqu'à la mort, ce qui limite voire empêche leur utilisation. Le brevet énumère plusieurs tentatives antérieures pour atténuer cette toxicité, qui se sont révélées insuffisantes : l'administration de stéroïdes, d'acide folique ou, pour éviter les maladies infectieuses, des composés rétinoïdes tels que la vitamine A, ou des compléments de vitamine B12, folate et vitamine B6. 9. La description expose alors qu'il a été constaté, de manière surprenante et inattendue, que certains effets toxiques des antifolates en général et du pemetrexed disodique en particulier, tels que la mortalité et les effets non hématologiques (fatigue et éruptions cutanées) pouvaient être significativement réduits, sans affecter l'activité thérapeutique, par un agent réducteur de l'acide méthylmalonique, tel que la vitamine B12, éventuellement combiné à un agent de liaison à la protéine fixant les folates [la FBP], tel que l'acide folique, ce qui a été confirmé par des essais menés sur des souris puis sur des patients atteints de cancer. 10. Elle indique que « la présente invention concerne en règle générale une utilisation dans la fabrication d'un médicament pour réduire la toxicité associée à l'administration d'un antifolate à un mammifère par l'administration audit mammifère d'une quantité efficace dudit antifolate en combinaison avec un agent qui abaisse l'acide méthylmalonique comme la vitamine B12 » (p. 4, l. 18-23). 11. Le brevet comprend 14 revendications, toutes invoquées dans le présent litige, la revendication 1 étant ainsi rédigée : « 1. Utilisation du pemetrexed disodique dans la fabrication d'un médicament pour une utilisation dans une thérapie en combinaison destinée à inhiber la croissance tumorale chez des mammifères auxquels ledit médicament doit être administré en combinaison avec la vitamine B12 ou un dérivé pharmaceutique de celle-ci [parmi une liste de tels dérivés]. » 12. Les revendications 2 à 11, dépendantes, portent sur l'ajout, dans la combinaison, d'un « agent de liaison à la protéine fixant les folates » choisi parmi une liste, dont l'acide folique (revendication 2), l'utilisation en particulier de l'acide folique (3), de la vitamine B12 ou de certains de ses dérivés en particulier (4 et 5), la séquence d'administration (6 à 9), la forme d'administration (10 et 11). 13. La revendication 12, indépendante, est ainsi rédigée : « 12. Produit contenant du pemetrexed disodique, de la vitamine B12 ou un dérivé parmaceutique de celle-ci [parmi la même liste que dans la revendication 1] et, éventuellement, un agent de liaison à la protéine fixant les folates choisi dans le groupe constitué de [certains composants dont l'acide folique], sous forme d'une préparation combinée pour l'utilisation simultanée, séparée ou successive dans l'inhibition de la croissance tumorale. » 14. Les revendications 13 et 14, dépendantes de la revendication 12, précisent le composé dérivé de la B12 ou l'agent de liaison contenu dans le produit. 2 . Nouveauté s'agissant d'une application thérapeutique ultérieure Moyens des parties 15. La société [UR], tout en indiquant par ailleurs ne pas contester par principe la brevetabilité des nouvelles applications thérapeutiques de produits déjà connus, via des revendications dites de « type suisse », telle qu'elle a été admise depuis les années 1980 par l'Office européen, rappelle que la lettre de la Convention sur le brevet européen dans sa version applicable au présent brevet interdit les brevets de nouvelle utilisation thérapeutique, relativise alors la portée de la position de l'Office dans l'ordre juridique national, et soutient qu'en tout état de cause tant la position de l'Office que la jurisprudence française imposent dans un tel cas une condition non remplie en l'espèce, à savoir que pour être brevetable, la nouvelle utilisation thérapeutique d'un produit connu doit poursuivre « un but nouveau » qui doit être spécifié dans la revendication, alors qu'ici le brevet revendique l'usage d'un produit connu, le pemetrexed, pour une utilisation déjà connue, le traitement des cancers, nonobstant les éventuelles innovations « extérieures » telles que la combinaison avec d'autres substances, et indépendamment de l'effet sur la toxicité puisque celui-ci n'est pas revendiqué. Elle estime que le brevet aurait pu valablement revendiquer (comme dans la demande initiale) l'usage de la B12 pour réduire la toxicité du pemetrexed, mais que la protection conférée aurait alors été différente, tandis qu'ici le brevet revient selon elle à recréer artificiellement un monopole sur le pemetrexed. 16. La société [D] [R] expose que toute nouvelle utilisation thérapeutique d'un composé connu est brevetable à condition qu'elle soit nouvelle et inventive, et qu'ici la nouvelle utilisation est le recours à une thérapie de combinaison avec la vitamine B12, produisant un effet technique nouveau, à savoir la réduction de la toxicité du pemetrexed sans affecter négativement son efficacité thérapeutique dans le traitement du cancer, sans qu'il soit besoin de revendiquer cet effet dès lors que l'utilisation, elle, est bien spécifiée dans la revendication. Appréciation du tribunal 17. La Convention sur le brevet européen de 1973 (la Convention), dans sa version applicable au présent brevet, délivré avant l'entrée en vigueur de la révision adoptée en 2000 sans qu'une disposition transitoire ne lui applique rétroactivement celle-ci, interdit de breveter les méthodes thérapeutiques, mais permet de breveter les produits pour la mise en oeuvre d'une telle méthode (article 52, paragraphe 4). L'article 54, paragraphe 5 de la Convention, relatif à la nouveauté, précise, en substance, qu'une substance ou composition déjà connue reste brevetable pour la mise en oeuvre d'une application thérapeutique s'il s'agit de sa première application thérapeutique. Il en résulte a priori qu'une application thérapeutique ultérieure d'une substance dont une première application thérapeutique était déjà connue n'est pas brevetable (c'est en cela que diffère la Convention dans sa version modifiée en 2000, en prévoyant désormais à l'article 54, paragraphe 5, que l'exigence de nouveauté n'exclut pas la brevetabilité d'une substance une composition pour toute utilisation spécifique dans une méthode thérapeutique à condition que cette utilisation soit nouvelle). 18. Néanmoins, l'office européen des brevets (l'Office), depuis une série de décisions anciennes (G 1/83, G 5/83, G 6/83) admet la brevetabilité des nouvelles applications thérapeutiques, dans le cadre de l'ancienne version de la Convention, sous une formulation indirecte, dite de type suisse, consistant à revendiquer non pas le produit dans un usage thérapeutique, comme le permet la Convention aujourd'hui, mais l'utilisation du produit (la substance ou composition) pour obtenir un médicament destiné à une application thérapeutique (déterminée, nouvelle et inventive). Cette position de l'Office est demeurée constante (voir notamment, en 2010, G 2/08, [I]), a été validée par la révision de la Convention, et a été suivie dans son principe par la jurisprudence des Etats parties à la Convention, dont la France, ce que la société [UR], au-delà de l'apparente contradiction du détail de son argumentation, ne conteste pas. Au demeurant, la Cour de cassation reconnait l'objectif d'interprétation convergente des textes européens et nationaux (Cass. Com., 30 aout 2023, no20-15.480, point 9). 19. Dans le même sens, ni la jurisprudence ni l'Office n'exigent un « but » nouveau. 20. Dans ce cadre, les parties s'opposent en substance sur deux points : 1) le principe de l'usage d'une substance en combinaison avec d'autres est-il susceptible d'être un usage nouveau de cette substance ? 2) en supposant qu'il soit requis que cet usage entraine un effet technique nouveau, cet effet doit-il être expressément revendiqué, et quel est cet effet au cas présent (le traitement du cancer ou la réduction de la toxicité du pemetrexed) ? 21. S'agissant du type d'application thérapeutique susceptible d'être nouvelle, rien ne justifierait d'en figer l'analyse par une liste de catégories préétablies, et de la même manière qu'il est admis qu'une posologie ou un mode d'administration est susceptible d'être nouveau (voir à nouveau G 2/08), une application en combinaison peut être également nouvelle. C'est également en ce sens qu'a jugé la division d'opposition de l'Office à l'égard du présent brevet (à son point 2.4, pièce [R] no11 p. 5). Au cas présent, il est constant que l'utilisation du pemetrexed en combinaison avec la vitamine B12 (pour le traitement des cancers) n'était pas comprise dans l'état de la technique. Le brevet revendique donc l'usage du pemetrexed dans la fabrication d'un médicament destiné à une utilisation déterminée et nouvelle. 22. S'agissant de l'exigence d'un effet technique, il est acquis qu'en règle générale il s'agit d'une condition soit du caractère inventif soit de la suffisance de description de l'invention (voir G 1/03, point 2.5.2, 3e § pour une délimitation) et non de sa nouveauté, et il ne ressort pas avec certitude des décisions de l'Office que celui-ci y voie également une condition spécifique pour apprécier la nouveauté d'une application thérapeutique. Toutefois, la distinction entre le fait d'apprécier l'effet technique dès le stade de la nouveauté, ou seulement au stade de l'activité inventive, pour autant qu'elle puisse avoir une incidence en théorie (elle a été débattue devant la Cour de cassation pour l'arrêt de la chambre commerciale du 6 décembre 2017, no15-19.725, sans que la Cour ait finalement eu à la trancher), n'en a aucune au cas présent : pour être brevetable, la nouvelle utilisation revendiquée doit avoir un effet technique, et les parties n'exposent pas en quoi la solution pourrait être différente selon que cet effet technique est examiné au stade de la nouveauté ou au stade de l'activité inventive. Il peut donc y être répondu ici sur la nouveauté comme l'ont fait les parties, pour répondre au moyen de la société [UR] selon lequel cet effet aurait dû être expressément revendiqué. 23. Il ressort de la description du brevet que l'invention se propose de résoudre un problème technique relatif à la toxicité des antifolates et en particulier du pemetrexed (disodique). Son problème technique allégué est donc, de façon évidente, la réduction de la toxicité du pemetrexed sans affecter son efficacité thérapeutique. Le traitement des tumeurs fait certes partie de l'application thérapeutique revendiquée (il s'agit d'une application en combinaison avec la B12 pour traiter les tumeurs) mais n'est pas l'effet technique spécifique de cette application thérapeutique : l'effet de la combinaison n'est pas de traiter le cancer mais de réduire la toxicité causée en le faisant. Par ailleurs la réalité de cet effet technique n'est pas contestée en l'espèce au titre de la nouveauté ou de l'activité inventive (il l'est au titre de la suffisance de description, abordée plus loin). 24. Quant à savoir si cet effet aurait dû être revendiqué, aucune des décisions communiquées par les parties, qu'elles soient françaises ou émanant de l'Office, ne va en ce sens, et aucun argument ne soutient sérieusement une telle exigence. 25. En premier lieu, c'est par une erreur d'analyse que la société [UR] déduit une telle obligation des décisions de l'Office ou de la jurisprudence. En effet, l'arrêt de la Cour de cassation qu'elle cite (Cass. Com., 6 décembre 2017, no15-19.726, rendu le même jour et sur le même brevet que l'arrêt précité, et qui constitue à la connaissance du tribunal le seul arrêt motivé concernant une application thérapeutique ultérieure) énonce seulement que l'obtention d'un « effet thérapeutique » « est une caractéristique technique fonctionnelle de la revendication » de sorte que pour que l'invention soit suffisamment décrite la personne du métier doit être en mesure de retrouver cet effet dans la description. En d'autres termes, quelle que soit la lettre des revendications, l'effet thérapeutique (donc un effet technique) est nécessairement tenu pour revendiqué. Cet arrêt reprend au demeurant les termes de décisions de l'Office, citées par la société [UR] elle-même, qui estiment également que l'effet technique « est une caractéristique technique qui qualifie l'invention » et qui indiquent clairement que « la nouvelle utilisation peut correspondre à l'obtention d'un effet technique qui vient d'être découvert et qui est décrit dans le brevet » sans jamais exiger expressément que cet effet soit explicitement revendiqué (G 2/88, points 9.1 et 10.3, pièce [UR] no97, pp. 23 et 25 ; voir également G 2/21, point 74, qui rappelle qu'en matière de seconde application thérapeutique, l'effet technique est un élément de la revendication, donc que sa réalisation est en principe une question de suffisance de description). 26. En second lieu, au-delà même de l'absence de décision allant en ce sens, la société [UR] n'expose pas en quoi il résulterait de la Convention que l'effet technique d'une invention devrait être explicitement revendiqué lorsqu'il s'agit d'une invention de nouvelle application thérapeutique. Sauf à ajouter au texte une condition qu'il ne contient pas, il est donc indifférent que l'effet technique soit explicitement revendiqué. 27. Ainsi, la revendication 1 (et par suite les autres revendications, dépendantes ou portant sur le produit correspondant) porte sur une application thérapeutique déterminée et nouvelle d'une substance connue, et est formulée d'une façon (de « type suisse ») qui permet de considérer l'invention comme nouvelle en vertu de l'article 54, paragraphe 5 de la Convention (dans sa rédaction antérieure à la révision de 2000). 3 . Activité inventive Documents de l'art antérieur cités 28. Les parties citent les documents suivants pour établir l'état de la technique et les connaissances générales de la personne du métier à la date de priorité du brevet, qui seront identifiés dans la présente décision comme l'ont fait les parties (en général), par le nom souligné ci-dessous : - [N], Antifolate Drugs in Cancer Therapy [Les Médicaments antifoliques dans le traitement du cancer], 1999, partiellement communiqué (pièce [UR] no36). Il s'agit d'un recueil de 22 articles, en autant de chapitres, dont sont invoqués les chapitres 8 et 12, soit respectivement : - [LD], Preclinical Pharmacology Studies and the Clinical Developement of a [Localité 7] Multitargeted Antifolate, MTA (LY231514) [Etudes de pharmacologie préclinique et développement clinique d'un nouvel antifolate multicible (etc)] ; il s'agit du pemetrexed ; - [P], Preclinical and Clinical Evaluation of the Glycinamide Ribonucleotide Formuyltransferase Inhibitors Lometrexol and LY309887 [Evaluation préclinique et clinique des inhibiteurs de la glycinamide ribonucléotide formyltransférase Lométrexol et LY309887] ; - la société [UR] cite en outre un extrait du chapitre 2 (La Biochimie des folates). - [ZR], [O] and Vitamin B12, in Proceedings of the Nutrition Society [[O] et vitamine B12, in Travaux de la Société de nutrition], 1999 (pièce [UR] no35). - [E], Essential Nutrients in Carcinogenesis, in Advances in Experimental Medicine and Biology volume 206 [Nutriments essentiels dans la carcinogénèse, in Avancées en médecine et biologie expérimentales, volume 206], 1986 (basé sur un symposium de 1985, dates dont la preuve est suffisamment rapportée) (pièce [UR] no37). - [L], An Overview of [O] Metabolism: Features Relevant to the Action and Toxicities of Antifolate Anticancer Agents, in Seminars in Oncology, Vol. 26 No 2 Suppl. 6 [Vue d'ensemble du métabolisme des folates : caractéristiques pertinentes pour l'action et les toxicités des agents anticancéreux antifolates, in Colloques d'oncologie, Vol. 26 No 2, Suppl 6], avril 1999 (pièce [UR] no38). - [OD], Role of Folic Acid in Modulating the Toxicity and Efficacy of the Multitargeted Antifolate, LY231514, in Anticancer research [Rôle de l'acide folique dans la modulation de la toxicité et de l'efficacité de l'antifolate multiciple LY231514, in Recherche anticancer], 1998 (le LY231514 est le pemetrexed) (pièce [UR] no39). - [C], Weekly lometrexol with daily oral folic acid is appropriate for phase II evaluation [Le lometrexol en prise hebdomadaire avec de l'acide folique en prise quotidienne par voie orale peut être utilisé pour une évaluation en phase II], 2 janvier 2000 (pièces [UR] no40 et 41). - [G], Sensitivity of Serum MMA and Total Homocysteine Determinations for Diagnosing Cobalamin and [O] Deficiencies, in The American Journal of Medicine, volume 96 [Sensibilité du MMA sérique et déterminations de l'homocystéine totale pour le diagnostic des carences en cobalamine et en folates], 1994 (pièce [UR] no42). - [B] I, Relationship of vitamin metabolite profile to toxicity, *2139, in Proceedings of ASCO volume 17 [Relation antre le profil de métabolites de vitamines et la toxicité in Travaux de l'ASCO volume 17], 1998. Il s'agit d'un abrégé (pièce [UR] no43). - [F], Relationship of vitamin metabolite profile, drug exposure, and other patient characteristics to toxicity, in Annals of Oncology [Relation antre le profil de métabolites de vitamines, l'exposition au médicament et d'autres caractéristiques du patient avec la toxicité, in Annales d'oncologie], 1998 (pièce [UR] no44). - IBIS Guide to Drug-Herb and Drug-Nutrient Interactions [Guide IBIS des interactions herbe-médicament et nutriment-médicament], 1999 (pièce [UR] no68). - [M], The Effect of folic acid supplementation on the toxicity of low-dose methotrexate in patients with rheumatoid arthritis, in Arthritis and Rheumatism [Effet d'une supplémentation par de l'acide folique sur la toxicité du méthotrexate à faible dose chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, in Arthrite et rhumatisme], 1990 (pièce [UR] no102). - [H] I, A Phase I and Pharmacokinetic (PK) Study of the Multitargeted Antifol (MTA) LY231514 with Folic acid (Meeting abstract), American Society of Clinical Oncology (ASCO), 1998 ASCO Annual Meeting [Etude de phase I et pharmacocinétique de l'antifolate multi-cible (AMT) LY231514 avec de l'acide folique (résumé de colloque), rencontres annuelles 1998 de la Société américaine d'oncologie clinique], 1998 (pièce [R] no53) - [H] II, idem, in Annals of Oncology, Supplements 4 to Volume 9 [idem, in Annales d'oncologie], 1998 (pièce [R] no54). - [J], A Phase I Evaluation of LY231514, a [Localité 7] Multitargeted Antifolate, administered every 21 days, in Proceedings of ASCO vol. 15, Abstract 1559 [Evaluation de phase I du LY231514, un nouvel antifolate multi-cible, administré tous les 21 jours, in Travaux de l'ASCO, résumé 1559], 15 mai 1996 (pièce [R] no57, recommuniquée à l'identique en pièce no62). - [A], A Phase I clinical study of the antipurine antifolate lometrexol (DDATHF) given with oral folic acid, in Investigational New Drugs 14: 325-335 [Etude de phase I du nouvel antifolate antipurine lometrexol (DDATHF) administré avec de l'acide folique oral], 1996 (pièce [R] no58). - [ND], extrait de la fiche du dictionnaire [ND] de 1999 concernant la vitamine B12 (pièce [R] no32). - Receptagen, demande de brevet WO 96/08515 intitulée (traduite en français) Anti-récepteurs et inhibiteurs de croissance des récepteurs et des sites de liaison de la vitamine B12 / Transcobalamine II, publié en 1996 (pièce [R] no41). - RCP du Tomudex, Résumé des caractéristiques du produit (RCP) du tomudex, nom commercial du raltitrexed, un autre antifolate, aux États-Unis, février 1998 (pièce [R] no63). Moyens des parties Viatris 29. La société [UR] soutient à titre principal que l'invention réside dans la combinaison du pemetrexed avec de la vitamine B12 pour inhiber la croissance tumorale, ce qui n'a aucun effet à cet égard, et n'est donc pas inventif. 30. Subsidiairement, à supposer que le problème technique soit de réduire les effets toxiques de l'antifolate pemetrexed disodique sans affecter son efficacité thérapeutique, la société [UR] soutient que la personne du métier est une équipe composée d'un oncologue et d'un biochimiste connaissant le cycle des folates et le mode d'action des médicaments antifolates, et lui prête ainsi des connaissances générales, illustrées par les documents [N], [ZR] et [E], selon lesquelles le cycle des folates, que les antifolates cherchent à perturber, est lié à un autre cycle, celui de la méthylation, par l'intermédiaire d'une enzyme, la méthionine synthase, dépendant de la vitamine B12, laquelle est ainsi nécessaire au bon fonctionnement des deux cycles, une carence en B12 se traduisant par une pseudo-carence en folates dans leur forme utilisable dans le cycle de l'ADN. 31. Elle estime également de façon générale que la recherche d'une solution à la première partie du problème technique (réduire la toxicité) implique la seconde (préserver l'efficacité), car aucune recherche ne serait menée sur celle-là si celle-ci n'était pas atteinte (cela reviendrait à « tuer les patients »), de sorte qu'il n'est pas nécessaire selon elle de vérifier l'effet sur l'efficacité dans chaque antériorité. 32. Dans ce cadre, elle estime que l'homme du métier était incité à administrer de la B12 pour deux raisons distinctes. 33. En premier lieu, elle soutient que l'art antérieur enseigne que les folates (ou l'acide folique) ont un effet favorable sur la toxicité des antifolates ([L]), dont le lometrexol ([C], [N]) mais en particulier le pemetrexed ([N], [OD]), sans réduire son efficacité (car la dose peut être considérablement augmentée grâce à la diminution de la toxicité) ce qui améliorerait in fine la sélectivité antitumorale du médicament ([OD]). Que les données du document [OD] viennent d'une étude sur des souris et non des humains ne lui fait pas perdre sa pertinence, estime-t-elle, car il est impossible éthiquement d'étudier en premier lieu la toxicité d'un produit sur les humains. 34. Or, explique-t-elle, puisque la personne du métier sait que la B12 est nécessaire à l'efficacité des folates, elle considèrera que l'ajout de B12 permet de garder des quantités de folates actifs élevées, et donc de diminuer la toxicité des antifolates. Elle fait valoir que le lien entre B12 et diminution des effets toxiques a d'ailleurs déjà été fait à propos du lometrexol ([N]), et d'un autre antifolate encore, le méthotrexate (Ibis, [M]). 35. Elle estime que la personne du métier aurait bien consulté les données concernant ces autres antifolates, car le brevet les évoque, ils ont le même mode d'action (chacun inhibe une enzyme du cycle des folates que le pemetrexed inhibe aussi), il y avait à l'époque très peu d'antifolates, et le lometrexol a presque la même structure moléculaire que le pemetrexed. En outre, précise-t-elle, le document [B] I justifie lui-même les études qu'il évoque par des analogies entre différents antifolates, outre que si l'art antérieur enseigne qu'ajouter de l'acide folique et de la B12 réduit la toxicité de deux antifolates, il n'y aurait pas d'invention à proposer la même chose pour un troisième. 36. En deuxième lieu, elle expose que l'art antérieur enseigne d'une part que l'homocystéine, qui est transformée en méthionine dans le cycle de la méthylation qui requiert de la vitamine B12 ([ZR]), dépend donc de cette vitamine, et qu'une déficience en B12 est logiquement liée à l'augmentation du taux d'homocystéine ([N], [G], [L]), d'autre part que ce taux d'homocystéine avant traitement est corrélé à la toxicité du pemetrexed pendant le traitement ([L], [B] I et II), ce dont elle déduit que la personne du métier était incitée à utiliser la vitamine B12 pour réduire le taux d'homocystéine et donc la toxicité du pemetrexed. Cette utilisation devait ainsi être simplement confirmée expérimentalement si besoin, donc par des essais de routine. 37. Plus généralement, le fait que la B12 soit évoquée dans l'art antérieur sous l'angle d'une déficience n'aurait pas empêché selon elle d'envisager une supplémentation même en l'absence de déficience, car la question n'est pas de savoir s'il y a une déficience mais si la B12 a une incidence sur la toxicité des antifolates. Elle souligne qu'au demeurant, pour l'acide folique, l'art antérieur enseigne une supplémentation même sans carence. 38. Elle conteste tout préjugé contre l'usage de la B12, estimant que les deux éléments invoqués en ce sens ([ND], Receptagen) sont trop limités. Elle estime également qu'il suffit pour écarter l'activité inventive qu'un ou deux documents mènent à l'invention, indépendamment de ce que d'autres documents ne mettent pas la personne du métier sur le chemin de l'invention. [W] 39. La société [D] [R] fait valoir à titre liminaire des « indicateurs objectifs » d'activité inventive que sont selon elle l'importance du progrès technique apporté à un problème ancien, malgré un préjugé à l'encontre de l'usage de la vitamine B12 et ayant donné lieu à la seule application autorisée du pemetrexed à ce jour. Elle estime de façon générale que l'argumentation de la société [UR] relève d'une démarche a posteriori et qu'il faut au contraire rechercher si l'invention découlait raisonnablement et logiquement de l'art antérieur, au regard de l'entier problème technique, à savoir non seulement la réduction de la toxicité mais aussi le maintien de l'efficacité thérapeutique du pemetrexed, qu'elle reproche à la société [UR] de négliger. La personne du métier est selon elle un oncologue spécialisé dans les antifolates, qui a des connaissances en biochimie, mais pas celles d'un biochimiste spécialisé faisant partie d'une équipe de recherche : elle fait valoir qu'une telle définition extensive n'a été retenue par aucune juridiction. 40. Elle soutient que les documents invoqués ne font, pour certains, pas partie de l'état de la technique, car ils concernent le domaine de la nutrition, sans lien avec le cancer ([ZR], [G]), ou sont en lien avec une autre maladie (Ibis, [M]). Elle estime également que la personne du métier n'aurait pas consulté des documents concernant un autre antifolate tel que le lometrexol ([P], [L], [A], [C]) ou le méthotrexate (Ibis et [M] encore), car ces produits ont un mode d'action différent, outre que le lometrexol n'avait pas été autorisé donc n'aurait pas été consulté pour résoudre le problème technique. Elle estime que la combinaison des chapitres 8 et 12 de [N] ([LD], [P]) résulte d'un raisonnement a posteriori et que rien n'y incitait la personne du métier, et se prévaut à l'égard de plusieurs documents d'une attestation de leurs auteurs respectifs selon laquelle aucun d'eux ne menait à l'invention. 41. Dans ce cadre, elle conteste de façon générale que l'état de la technique suggérât ou envisageât une supplémentation en B12 en combinaison avec du pemetrexed pour en réduire la toxicité tout en en maintenant l'efficacité thérapeutique. 42. En particulier, elle soutient, en premier lieu, que la supplémentation en acide folique n'était pas enseignée par l'art antérieur, faisant valoir que les documents invoqués en ce sens par la société [UR] soit s'appuient seulement sur une étude concernant des souris, peu prédictive pour les humains, et révèlent indirectement une diminution de l'efficacité car lors de l'étude la dose de pemetrexed a été multipliée par 100 ([LD] et [OD]), soit portent sur le lometrexol ([P]) voire, en outre, ne mentionnent pas l'effet thérapeutique ([L], qui ne ferait que référence à [A]), et sont tous contredits par une étude postérieure, spécifique au pemetrexed et portant sur des humains, donc plus pertinente ([H] I et II, éventuellement comparés avec [J]), révélant non seulement la baisse considérable d'efficacité du pemetrexed lors d'une supplémentation en acide folique mais aussi l'apparition d'autres toxicités (rénales notamment) en augmentant la dose de pemetrexed. Un dernier document ([C]), quoique postérieur, présente selon elle les mêmes défauts et ignore les études [H]. Au contraire, ajoute-t-elle, le RCP du tomudex (raltitrexed), autre antifolate, contre-indiquait expressément l'acide folique, qui pouvait interférer avec son action. 43. Elle conteste qu'il puisse s'en inférer une incitation à supplémenter les patients en B12 : outre qu'ils ne devraient pas être inclus dans l'état de la technique, les documents sur lesquels s'appuie la société [UR] ne font selon elle au mieux que des suggestions spéculatives, partielles et générales sur un produit dont le développement avait déjà été suspendu ([P]), alors qu'il était établi à la date de priorité que la toxicité du pemetrexed n'était pas corrélée à l'acide méthylmalonique ([B]), qui serait le marqueur spécifique de la B12 ([ZR]). Elle reproche également à la société [UR] de faire une présentation erronée de la B12 et de son impact, en isolant et exagérant l'importance de l'enzyme méthionine synthase (nécessaire au cycle de la méthylation) dans le cycle des folates alors que le propre schéma du document [ZR] montre d'autres sources de folates utilisables dans le cycle de l'ADN, outre que, rappelle-t-elle, rien n'indiquerait un problème du statut de la B12 chez les patients traités au pemetrexed. 44. En deuxième lieu, la société [D] [R] conteste la pertinence alléguée du niveau d'homocystéine. Elle expose d'abord qu'est seulement démontré un lien entre le taux d'homocystéine avant le traitement par pemetrexed et la toxicité pendant ce traitement (et non une variation de l'homocystéine à cause du pemetrexed), simple corrélation préalable qui n'aurait pas incité la personne du métier à réduire ce taux, et conteste ensuite le lien entre taux d'homocystéine et B12, faisant valoir que ce taux est un marqueur non spécifique de la B12, contrairement à l'acide méthylmalonique, lequel, précisément, serait sans lien avec la toxicité selon l'art antérieur ([B] I). Appréciation du tribunal 45. En application de l'article 56 de la Convention de Munich, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. 46. Pour apprécier l'activité inventive d'un brevet, il convient de déterminer d'une part l'état de la technique, d'autre part le problème technique objectif à résoudre, et enfin d'examiner si l'invention revendiquée aurait été évidente pour la personne du métier. Les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à la personne du métier, ils permettaient à l'évidence à ce dernier d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci. 47. La personne du métier est celle du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, no11-18.440). Ce problème est, ici, comme exposé à la partie précédente, la réduction de la toxicité du pemetrexed sans affecter son efficacité dans le traitement des cancers. La personne du métier est donc spécialiste du traitement du cancer, en particulier par des antifolates, et connait leur mécanisme d'action et leur métabolisme. 48. La société [UR] n'allègue pas qu'au regard de l'état de la technique le plus proche, le problème technique tel qu'il ressort du brevet doive être reformulé. Elle allègue seulement à titre principal que la solution technique apportée par l'invention serait limitée au traitement du cancer sans tenir compte de la réduction de la toxicité, ce dont il a déjà été démontré ci-dessus qu'elle était fantaisiste (cf point 23). 49. Les documents [LD] et [OD] enseignent, à partir d'une étude sur des souris, qu'une supplémentation en acide folique réduit considérablement la toxicité du pemetrexed tout en préservant (voire améliorant légèrement) son efficacité antitumorale, et estiment qu'il en résulte une meilleure sélectivité antitumorale du médicament. Que cela passe par une augmentation de la dose de pemetrexed est indifférent, le problème technique n'étant pas de limiter cette dose. Ces résultats vont dans le même sens que ceux obtenus pour d'autres antifolates, en particulier le lometrexol, comme l'indiquent les documents [P] ou [A], ce dernier étant évoqué par le document [L] qui estime cette constatation « sans surprise ». Certes, le document [H] I mentionne une réponse tumorale chez un patient seulement, sur les 21 traités avec du pemetrexed et de l'acide folique lors de l'étude dont il fait état, ce qui est très peu, alors que le document [J], à propos d'une étude de phase I sans mentionner l'acide folique, fait état d'une réponse (minimale ou partielle) chez 10 des 37 patients suivis. Toutefois, ces seuls résultats apparemment décevants ne sont que deux résumés d'études de phase I, dont l'objectif était d'abord d'étudier la toxicité et dont le protocole n'est au demeurant pas entièrement détaillé, ce qui limite la possibilité de les comparer entre elles. Ils ne contredisent donc pas entièrement la piste apparemment prometteuse par ailleurs de la supplémentation en acide folique. Il en résulte que la personne du métier était incitée à vérifier par des opérations de routine l'effet de l'acide folique sur la toxicité et l'efficacité du pemetrexed pour les humains. 50. Le document [L] expose plus généralement le métabolisme des folates en lien avec l'action et la toxicité des médicaments anticancéreux antifolates. Il considère notamment comme acquis que la supplémentation en acide folique réduit la toxicité des antifolates, bien que le niveau des folates ne soit pas corrélé avec cette toxicité. Dans ce cadre, il enseigne que l'acide folique, en plus de son action sous différentes formes dans plusieurs réactions menant à la synthèse de l'ADN, intervient également dans les réactions cellulaires de méthylation, une fois réduit en 5-méthyltétrahydrofolate, dont le groupe méthyle est utilisé par l'enzyme méthionine synthase pour transformer d'une part ce méthyltétrahydrofolate en tétrahydrofolate, d'autre part l'homocystéine en méthionine, laquelle participe alors aux réactions de méthylation de la cellule et est régénérée en homocystéine. La réaction catalysée par la méthionine synthase requiert, en outre, de la vitamine B12. Il conclut qu'un manque tant de B12 que de folate entraine une augmentation du niveau plasmatique d'homocystéine (faisant référence sur ce point au document [G]), et termine en rappelant que le niveau d'homocystéine prédit la toxicité du pemetrexed, en renvoyant au document [B] I. 51. Le document [B] I, en effet, faisant état d'essais de phase II, enseigne qu'une corrélation a été observée entre les niveaux d'homocystéine avant le traitement au pemetrexed et l'apparition de certaines toxicités à des niveaux graves pendant ce traitement : la neutropénie et la thrombopénie (qui sont des toxicités hématologiques), des mucites ou des diarrhées (qui sont gastriques). Le niveau maximum d'homocystéine n'a, en revanche, pas changé au cours du traitement. Ce document expose enfin qu'aucune corrélation n'a été observée entre ces toxicités et les autres facteurs testés, dont l'acide méthylmalonique ; or le document [G], notamment, enseigne que l'acide méthylmalonique est un bon marqueur du statut de la vitamine B12. 52. Dans ce cadre, le document [L] apporte à la personne du métier une explication à l'intérêt prédictif du taux d'homocystéine : celui-ci peut agir comme révélateur d'une quantité insuffisante de folates, dont l'effet protecteur est tenu pour acquis par ailleurs. La personne du métier est donc amenée à voir dans l'homocystéine le marqueur du folate, dont il connait le rôle, et non un facteur indépendant sur lequel il serait incité à agir séparément. Le document [B] I confirme donc l'intérêt pour l'acide folique, tout en détournant la personne du métier de la vitamine B12, qui agit certes également sur le taux d'homocystéine mais dont l'autre marqueur, l'acide méthylmalonique, n'est pas lié à la toxicité de l'antifolate. Dans ce cadre, la personne du métier ne peut y voir aucune incitation à vouloir baisser le taux d'homocystéine pour lui-même, et en particulier pas par la B12. 53. On ne peut, a fortiori, y voir une incitation générale à apporter de la B12 pour favoriser le cycle des folates, comme la société [UR] le déduit du seul constat de l'effet favorable de l'acide folique (cf ci-dessus point 34). Il serait en effet paradoxal de vouloir seulement favoriser le cycle des folates en général alors que le but des médicaments antifolates est précisément de le perturber. Il n'est donc pas possible d'affirmer que la personne du métier aurait voulu améliorer par principe et autant que possible l'efficacité du cycle des folates pour améliorer l'effet protecteur de la supplémentation en acide folique (ce qui tend à trouver simplement un antidote au médicament, donc à le neutraliser), en particulier avec de la B12, sauf à ce que l'état de la technique suggère un rôle spécifique à cette molécule allant au-delà d'une simple contribution au bon fonctionnement du cycle des folates. 54. Certes, la société [UR], en s'appuyant sur les documents [ZR] et [E], allègue un rôle particulier à la B12 à travers la réaction de déméthylation du méthyltétrahydrofolate, en ce que l'inhibition de cette réaction bloque in fine l'ensemble du cycle des folates par l'accumulation du folate cellulaire en méthyltétrahydrofolate (qui parvient déjà à la cellule sous cette forme dans l'alimentation naturelle, selon [ZR]). Cependant, le document [ZR] indique que le cycle de la méthylation peut être affecté par une carence en B12 mais aussi en folate ou en vitamine B6 (p. 447, colonne de droite, 2e paragraphe). Ainsi, à supposer même que la personne du métier eût pu consulter ces documents, le premier relevant de la recherche en nutrition, non en pharmacologie, et concernant un lien, entre les folates et la vitamine B12, auquel elle n'avait aucune raison de s'intéresser particulièrement, le second portant en fait sur l'éventuel effet cancérigène du méthotrexate, auquel la personne du métier n'avait pas davantage de raison de s'intéresser pour résoudre le présent problème technique, il en résulte seulement une information sur le caractère indispensable d'un cycle parmi tous ceux qui impliquent les folates et le caractère indispensable à ce cycle de plusieurs éléments, dont les folates eux-mêmes, sans qu'il s'en dégage une indication claire sur les chances de succès, à l'égard du problème technique en cause, de l'usage de la vitamine B12 en particulier. Au mieux, comme l'a relevé la cour fédérale de justice allemande en parlant du document [ZR], il ne s'en infère qu'une perspective « plutôt vague ». Ce n'est qu'a posteriori, une fois l'invention connue, que le rôle de la vitamine B12 apparait utile : les documents [ZR] et [E] permettent rétrospectivement de comprendre l'invention, mais celle-ci n'en découlait pas de façon évidente, même en les combinant avec les autres documents examinés ici. 55. Dans le même sens, le document [P], sur le lometrexol (chapitre 12 de l'anthologie [N]) indique, mais de façon bien plus générale, sans explication technique, que les voies biochimiques des cofacteurs folates nécessitent aussi des quantités adéquates de vitamines B12 et B6, de sorte que le statut de ces trois vitamines (acide folique, B6, B12) pourrait influencer significativement le degré de toxicité pendant la chimiothérapie (p. 270, 4e paragraphe). Cette affirmation, relativement vague en elle-même (il ne s'agit que d'une supposition), s'inscrit seulement dans le cadre d'une description de l'effet favorable d'une supplémentation en acide folique. Elle ne fait, en définitive, que rappeler l'utilité de vérifier l'éventuel impact négatif d'une carence dans d'autres éléments, ce qui est loin d'une incitation à vérifier spécifiquement l'effet d'une supplémentation dans l'un de ces éléments en particulier. Au demeurant, le tribunal observe que s'il faut inclure le document [ZR] dans l'état de la technique, celui-ci, en enseignant que l'acide folique apporté en grande quantité par supplémentation orale se retrouve dans la circulation sanguine sous cette forme, et non sous la forme 5-méthyltétrahydrofolate (p. 442, 1re colonne), implique que la supplémentation en acide folique réduit le besoin en déméthylation des folates, donc en B12, par rapport à l'apport alimentaire normal (lors duquel les folates parviennent à la cellule principalement en tant que 5-méthyltétrahydrofolate). 56. Le document Ibis, quant à lui, fait seulement état, d'une façon très peu claire, d'un effet délétère du méthotrexate sur le niveau de vitamine B12, notamment dans les globules rouges, et sans que l'on puisse en déduire la moindre indication sur l'utilité réelle d'une supplémentation en vitamine B12 dans le cadre d'un traitement chimiothérapeutique par un antifolate en général et par le pemetrexed en particulier (outre qu'il parle d'une autre pathologie, de doses plus faibles de méthotrexate, et justifie expressément son propos par un mode d'action différent du méthotrexate dans cette autre maladie par rapport au cancer...). Le document [M], enfin, émet lui aussi seulement une hypothèse spéculative sur l'utilité de vérifier le niveau de vitamine B12 avant un traitement au méthotrexate, pour la même raison générique que les documents précédents, à savoir que le cycle des folates requiert la présence de B12. 57. Des indications aussi vagues sont d'autant moins suffisantes à créer une espérance de réussite raisonnable ou une incitation pour la personne du métier qu'elles ne sont corroborées par aucun autre élément de l'état de la technique, lequel tend au contraire à marginaliser voire écarter le rôle spécifique de la vitamine B12 : celle-ci n'est jamais mentionnée seule dans le cadre d'un raisonnement spécifique à la toxicité d'un antifolate, sauf par le document [B] I, qui enseigne précisément que le marqueur spécifique de la B12, l'acide méthylmalonique, n'est pas corrélé à la toxicité du pemetrexed. La société [UR] ne conteste pas que l'acide méthylmalonique soit un marqueur pertinent du statut de la B12, mais soutient que l'homocystéine l'est tout autant. Le document [G], dont elle se prévaut, enseigne néanmoins que le niveau d'homocystéine est un meilleur marqueur du statut des folates, et que ce n'est que combiné à l'étude de l'acide méthylmalonique qu'il sert utilement de marqueur pour la B12 également, ce qui va dans le même sens que les documents examinés plus haut, à savoir que le rôle prédictif de l'homocystéine n'incite pas en soi à voir un rôle dans la B12 elle-même. 58. La personne du métier était encore d'autant moins incitée à envisager la piste de la vitamine B12 qu'elle savait, par ailleurs, que cette vitamine était suspectée de favoriser le développement tumoral, comme l'enseigne le [ND], qui est un ouvrage de référence. Le tribunal observe au demeurant que cette information est confirmée, par exemple, par le document [E], qui relève à la fois que la carence en vitamine B12 a un effet cancérigène, mais également que la vitamine B12 en excès stimule clairement la croissance des tumeurs (p. 321, dernier paragraphe). Cette variation d'effets potentiels en fonction de la dose donne de la crédibilité à la position de la société [D] [R] selon laquelle, à supposer que l'art antérieur incite à vérifier et traiter les éventuelles carences en B12, il n'en résulterait pas pour autant une incitation à supplémenter d'office les patients. Enfin, si, comme le souligne la société [UR] à propos du document [ND], il s'agit seulement d'une mise en garde générale, il n'en demeure pas moins que la personne du métier était invitée à la circonspection face à une intervention non spécialement suggérée et non maitrisée dans des mécanismes imparfaitement connus, aux conséquences imprévisibles. 59. Ainsi, seule une indication franche aurait pu approcher suffisamment la personne du métier de la résolution du problème technique au point de rendre celle-ci évidente ; tel n'est pas le cas ici. 60. L'invention, qui ne découle pas de façon évidente de l'état de la technique, est donc inventive. 4 . Suffisance de description des revendications Moyens des parties 61. La société [UR] estime les revendications 1 à 11 insuffisamment décrites car le brevet ne démontrerait pas la plausibilité de l'effet technique de l'invention. En effet, explique-t-elle, à suivre la position de la société [D] [R] sur l'activité inventive, le maintien de l'efficacité du pemetrexed n'était pas plausible, et les études sur les souris, dont la société [D] [R] contestait par ailleurs le caractère prédictif, n'y suffisent donc pas, tandis que l'étude sur des humains décrite dans le brevet ne mentionne pas le maintien de l'efficacité (seulement la toxicité), et fait objectivement état de résultats thérapeutiques très faibles alors qu'il était connu que le pemetrexed avait un effet thérapeutique. 62. Elle critique par ailleurs les revendications 12 à 14 en ce qu'elles portent sur un « produit » contenant du pemetrexed disodique, de la B12 et un folate, sous forme d'une préparation combinée mais pouvant être administrée de façon simultanée, séparée ou successive : elle soutient en effet que l'administration simultanée n'est pas décrite dans le brevet, et que l'administration séparée ou successive des éléments composants un produit unique n'a aucun sens. 63. La société [D] [R] répond qu'en application de la jurisprudence citée par la société [UR], il suffit que le brevet « reflète » l'effet de l'invention, et affirme que tel est le cas ici, à travers, d'une part, les essais menés sur des souris, dont elle conteste avoir dénié toute pertinence en principe, expliquant avoir critiqué le document [OD] non pas pour le principe d'études sur des souris, mais parce que ces études avaient été contredites ensuite par des études sur des humains et présentaient d'autres faiblesses, et à travers, d'autre part, des essais sur des humains, dont elle conteste qu'ils traduisent une perte d'efficacité. 64. À propos des revendications 12 à 14, elle estime que la personne du métier comprendra que le mot « produit » ne désigne pas un composé unique, car il résulte tant de ses connaissances générales que de l'ensemble de la description du brevet que les différents composants doivent être administrés sous des formes et des moyens différents. Selon elle, la revendication 12 l'indique, en mentionnant qu'il s'agit d'une « préparation combinée ». Ainsi, les mots « produits contenant » désigneraient la préparation combinée de trois composés distincts, administrés séparément, mais il s'agirait toujours d'un « produit » dans la mesure où ces composés sont destinés à être utilisés en combinaison et font globalement partie d'une même « préparation » thérapeutique. Elle estime que la société [UR] adopte une interprétation strictement littérale et déformée de la revendication. Appréciation du tribunal 65. Comme rappelé ci-dessus, il résulte des articles L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle et 138, sous b), de la Convention sur le brevet européen que le brevet est déclaré nul s'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. a. Revendications 1 à 11 (réalisation de l'effet technique) 66. Lorsqu'une revendication porte sur une application thérapeutique ultérieure d'une substance ou composition, l'obtention de l'effet thérapeutique nouveau est une caractéristique technique fonctionnelle de la revendication, de sorte que, pour satisfaire à l'exigence de suffisance de description, la demande de brevet doit refléter cette application directement et sans ambigüité, de manière que la personne du métier comprenne que les résultats reflètent cette application, sans qu'il soit pour autant nécessaire de démontrer cet effet thérapeutique (Cass. Com., 6 décembre 2017, no15-19.726). Dans le même sens, l'Office conclut que la personne du métier doit trouver « crédible » à la lecture de la demande de brevet que l'effet technique est atteint (G 2/21, point 77 ; voir aussi G 1/03, point 2.5 et en particulier 2.5.2, 3e §). 67. Au cas présent, il est constant que la demande de brevet mentionne des études réalisées sur des souris dont les résultats indiquent très nettement une réduction de la toxicité, sans dégradation de l'efficacité, du pemetrexed lorsque des souris ont reçu une supplémentation en vitamine B12 et acide folique, ou en vitamine B12 seule. Ces études suffisent à rendre l'effet technique crédible, ou à ce qu'il soit reflété par la demande. 68. Cette conclusion n'est pas en contradiction avec le raisonnement mené sur l'activité inventive, le présent tribunal ayant, précisément, donné le même crédit aux essais sur des souris du document [OD] (cf ci-dessus point 49). 69. Au demeurant, les essais sur des souris évoqués dans la demande de brevet sont corroborés par une étude menée sur des humains, dont il est constant qu'elle révèle une amélioration de la toxicité. Elle fait également état d'une réponse antitumorale chez davantage de patients traités selon l'invention que chez le groupe témoin (respectivement 17,8% contre 5.9%), ce qui suffit à étayer le fait qu'il n'y a pas d'affaiblissement de l'efficacité thérapeutique. Le fait que cette réponse soit faible dans les deux cas est indifférent : d'une part la présente invention n'implique pas que le pemetrexed soit efficace sur tous les types de tumeur, d'autre part, comme l'avait pourtant relevé la société [UR] elle-même dans son raisonnement sur l'activité inventive en critiquant la comparaison faite par la société [D] [R] entre les études des documents [H] et [J], et suivie en cela par le tribunal (cf ci-dessus point 49), le fait que d'autres études antérieures aient montré de meilleurs résultats pour le pemetrexed n'invalide pas la comparaison menée dans le brevet et selon laquelle la supplémentation en B12 et en acide folique a été associée à de meilleurs résultats thérapeutiques. 70. La contestation de la suffisance de description des revendications 1 à 11 est donc écartée. b. Revendications 12 à 14 (formulation impossible à mettre en oeuvre) 71. La revendication 12, pour mémoire, est ainsi rédigée : « 12. Produit contenant du pemetrexed disodique, de la vitamine B12 ou un dérivé parmaceutique de celle-ci [parmi la même liste que dans la revendication 1] et, éventuellement, un agent de liaison à la protéine fixant les folates choisi dans le groupe constitué de [certains composants dont l'acide folique], sous forme d'une préparation combinée pour l'utilisation simultanée, séparée ou successive dans l'inhibition de la croissance tumorale. » 72. Même en cherchant avec la meilleure volonté possible à mettre en oeuvre cette revendication, la personne du métier serait confrontée au problème insoluble d'administrer un « produit » consistant en une « préparation combinée » mais d'une façon « séparée » ou « successive », par des modes d'administration dont il est constant qu'ils sont distincts (voie orale, voie intraveineuse, voie intramusculaire) : il n'est pas possible de concevoir en quoi une préparation serait « combinée » lorsqu'elle doit être préparée et administrée en autant de façons distinctes qu'elle contient de composants, ni même en quoi il s'agirait d'une seule « préparation ». La mise en oeuvre de ces deux modes d'utilisation revendiqués est donc impossible. 73. Il en va de même de l'utilisation « simultanée », dont la société [D] [R] ne conteste pas qu'elle n'est aucunement décrite. 74. Quant aux revendications 13 et 14, dépendantes de la revendication 12, elles précisent seulement le composé dérivé de la B12 ou l'agent de liaison contenus dans le produit. 75. Par conséquent, les revendications 12 à 14 sont annulées. 5 . Extension de l'objet Moyens des parties 76. La société [UR] estime que la société [D] [R] a inversé la logique de ses revendications lors de la procédure d'examen en revendiquant l'utilisation du pemetrexed avec la vitamine B12 pour réduire la toxicité de celui-là, alors que la demande visait l'utilisation de la B12 pour réduire cette même toxicité. Ainsi, explique-t-elle, l'invention portait initialement sur une nouvelle utilisation de la vitamine B12, et non une nouvelle utilisation du pemetrexed. Elle ajoute que si, dans la demande initiale, la revendication 9 portait sur le pemetrexed, il s'agissait d'une revendication de méthode de traitement, non brevetable, et le déposant a justement supprimé ce type de revendication lorsque sa demande internationale est entrée en phase européenne. 77. La société [D] [R] répond que l'invention porte sur une thérapie en combinaison (pemetrexed disodique avec B12) qui était expressément mentionnée dans la demande et revendiquée par la revendication 9 de la demande initiale. Appréciation du tribunal 78. Comme rappelé ci-dessus, il résulte des articles L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle et 138, sous c), de la Convention sur le brevet européen que le brevet est déclaré nul si son objet s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée. 79. La demande de brevet a été déposée par le système de coopération internationale de l'OMPI (« PCT ») (pièce [UR] no8). Elle porte notamment (revendication 9) sur l'administration du pemetrexed disodique en combinaison avec un agent réducteur d'acide méthylmalonique (concrètement, la B12 et ses dérivés), laquelle est également décrite (p. 3, lignes 8-10, p.6 ligne 16). 80. Le fait que cette revendication ne soit pas brevetable en application de la Convention sur le brevet européen est indifférent pour apprécier si la combinaison concernée était présente dans la demande initiale. 81. Au demeurant, la combinaison est indéniablement décrite dans la demande initiale. S'agissant d'une combinaison, elle est par définition présente dans la demande dans tous ses éléments : la B12 et le pemetrexed. Le fait qu'elle soit revendiquée sous l'angle du pemetrexed auquel est ajoutée de la B12, ou réciproquement de la B12 à laquelle est ajouté du pemetrexed a certes une influence sur la portée de la protection et la façon de faire respecter le brevet en pratique, mais elle est indifférente à l'égard de l'objet de la demande, qui est la combinaison. 82. Le grief d'extension de l'objet du brevet n'est donc pas caractérisé. 83. Par conséquent, la demande en nullité est rejetée, sauf en ce qui concerne les revendications 12 à 14. II . Demandes de la société [D] [R] en contrefaçon du brevet 1 . Principe de responsabilité Moyens des parties [W] 84. La société [D] [R], estimant à titre liminaire que le seul statut de générique du produit Alimta suffit à démontrer la contrefaçon, soutient également que les revendications du brevet portent sur toutes les formes pharmaceutiques du pemetrexed avec de la vitamine B12. 85. À cet égard, elle soutient d'abord que si le brevet est limité au pemetrexed disodique, c'est seulement parce qu'il s'agissait de la seule forme de pemetrexed alors en développement, mais la forme du sel est sans pertinence pour l'objet de l'invention, le cation choisi ne jouant aucun rôle dans l'effet thérapeutique et les effets secondaires graves, de sorte que la personne du métier comprendra que le brevet parle en fait du pemetrexed en général et que la forme de sel disodique est un élément non-essentiel de l'invention. 86. Elle ajoute que les revendications ont été limitées au seul pemetrexed disodique sans impliquer un renoncement à protéger d'autres formes de pemetrexed mais seulement pour mettre le fascicule en cohérence (seul le pemetrexed disodique en particulier étant mentionné dans la description), ce qui a été demandé par l'examinateur au regard de l'article 123 (2) de la Convention (ajout de matière), qui est selon elle un motif formel, en tout cas un motif qui, contrairement à ceux tenant à l'art antérieur, donc à la brevetabilité, n'aurait aucune incidence sur la portée de la revendication et n'interdirait pas d'invoquer la contrefaçon par équivalence, comme l'ont jugé toutes les juridictions supérieures ayant connu de ce brevet. 87. Elle estime encore que la protection s'étend aux simples variantes d'exécution, à ce qui ne diffère que par des éléments accessoires, indépendamment de la clarté de la revendication, ce qui est le cas ici selon elle, le médicament de la société [UR] reproduisant les moyens essentiels des revendications (même principe actif, pour des patients devant recevoir une supplémentation en acide folique et en vitamine B12, pour le traitement de tumeurs chez des mammifères). 88. Elle fait valoir par ailleurs que le pemetrexed ne peut pas être utilisé sans vitamine B12. 89. Subsidiairement, elle invoque une contrefaçon par équivalence, qui s'étend à tous les moyens exerçant la même fonction en vue d'un résultat semblable à condition que la fonction soit nouvelle, le moyen étant, expose-t-elle, ce qui résout le problème technique, à savoir ici la combinaison (pemetrexed et B12), et la fonction étant l'effet technique premier produit par la mise en oeuvre du moyen, permettant de parvenir au résultat de l'invention (soit la réduction de la toxicité en préservant l'effet thérapeutique). Elle en déduit que toute combinaison basée sur d'autres formes de pemetrexed mais ayant la même fonction pour le même résultat constitue une contrefaçon par équivalent. Viatris 90. La société [UR], qui fait d'abord valoir que la revendication de type suisse couvre non pas un produit mais le procédé d'obtention du produit (en vue d'une utilisation thérapeutique déterminée), ce qui offrirait une protection moins étendue, insiste plus généralement sur le fait qu'un brevet d'application thérapeutique ultérieure ne doit pas empêcher la commercialisation du produit pour les applications antérieurement connues, de sorte qu'en commercialisant seulement du pemetrexed (diarginine), dont le brevet antérieur avait expiré, et non de la B12, elle n'a mis en oeuvre aucune revendication du brevet. 91. Certes, expose-t-elle, le résumé des caractéristiques de son médicament générique mentionne l'administration de vitamine B12, mais seulement à titre de donnée de sécurité, issue du médicament d'origine, ce qu'elle n'a pas le droit de retirer, et la société [D] [R] abuserait de cette situation de fait, car il s'agit, soutient-elle, d'un enjeu de santé publique, principe constitutionnel qui doit primer sur le droit de propriété intellectuelle. Elle estime également que cette simple indication ne suffit pas à constituer un acte de contrefaçon car, d'une part, une telle indication n'est pas mentionnée parmi les actes caractérisant une contrefaçon, d'autre part la prémédication par la B12 est un traitement distinct, sur lequel elle n'intervient pas en se contentant de vendre du pemetrexed. Plus généralement, elle conteste l'impossibilité absolue d'employer le pemetrexed seul, et estime que celui-ci aurait probablement été autorisé même sans l'ajout de B12, car il y avait déjà des essais de phase III en cours avant l'invention. 92. La société [UR] conteste également la contrefaçon littérale car son médicament contient un sel diarginine du pemetrexed et non un sel disodique, seul visé par les revendications, dont le texte est clair, interdisant selon elle toute interprétation, ce que confirmerait la procédure d'examen, lors de laquelle le déposant a expressément renoncé à revendiquer le pemetrexed seul face à l'objection de l'examinateur, ce qui exclurait définitivement les autres formes de pemetrexed du champ de la protection, y compris par équivalence, le motif de cette objection étant par ailleurs indifférent, estime-t-elle. 93. S'agissant enfin de la contrefaçon par équivalence, outre l'incidence de la procédure d'examen rappelée au point précédent, elle souligne qu'il faut une fonction nouvelle pour que le moyen argüé de contrefaçon soit équivalent à l'invention, car c'est à cette seule condition, explique-t-elle, que le moyen sur lequel porte l'invention peut être protégé en tant que « moyen général » et couvrir tout autre moyen équivalent exerçant la même fonction en vue du même résultat. Elle expose qu'au cas présent, la caractéristique de l'invention n'est pas une combinaison de produit mais une utilisation nouvelle du pemetrexed disodique et que la fonction du pemetrexed pour inhiber la croissance tumorale était connue, ainsi que celle de ses différents sels, seule la vitamine B12 se voyant dotée d'une nouvelle fonction (réduire la toxicité du premier). Elle ajoute que le pemetrexed diarginine n'est pas techniquement équivalent du pemetrexed disodique et qu'ils ont des propriétés différentes, quant à leur forme (solution ou poudre), leur stabilité et les effets de leur excipient respectif sur les patients. Elle soutient subsidiairement que s'il fallait considérer que le brevet portait sur la combinaison de pemetrexed et de vitamine B12 dans un usage thérapeutique ultérieur, le brevet ne serait pas davantage contrefait car elle ne fournit pas de combinaison de produit. Appréciation du tribunal 94. L'article L. 613-3 interdit, à défaut de consentement du propriétaire du brevet : « a) La fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ; b) L'utilisation d'un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l'offre de son utilisation sur le territoire français ; c) L'offre, la mise sur le marché, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet. » 95. L'atteinte aux droits du propriétaire du brevet est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité de son auteur, par l'article L. 615-1 du même code. 96. En vertu de l'article 69, paragraphe 1, de la Convention sur le brevet européen, l'étendue de la protection conférée par le brevet européen ou par la demande de brevet européen est déterminée par les revendications, mais la description et les dessins servent à interpréter les revendications. 97. Le protocole interprétatif de l'article 69 précise le sens de celui-ci par deux articles, dans les termes suivants : « Article premierPrincipes généraux L'article 69 ne doit pas être interprété comme signifiant que l'étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée au sens étroit et littéral du texte des revendications et que la description et les dessins servent uniquement à dissiper les ambigüités que pourraient recéler les revendications. Il ne doit pas davantage être interprété comme signifiant que les revendications servent uniquement de ligne directrice et que la protection s'étend également à ce que, de l'avis d'un homme du métier ayant examiné la description et les dessins, le titulaire du brevet a entendu protéger. L'article 69 doit, par contre, être interprété comme définissant entre ces extrêmes une position qui assure à la fois une protection équitable au titulaire du brevet et un degré raisonnable de sécurité juridique aux tiers. Article 2Equivalents Pour la détermination de l'étendue de la protection conférée par le brevet européen, il est dûment tenu compte de tout élément équivalent à un élément indiqué dans les revendications. » 98. Ainsi, l'article premier du protocole définit le cadre d'interprétation de la lettre des revendications, tandis que l'article 2, allant au-delà, impose de « tenir compte » des équivalents. a. Portée du brevet à l'égard des autres sels de pemetrexed Contrefaçon littérale 99. La revendication 1 du brevet porte sur l'utilisation du « pemetrexed disodique ». Il est constant que la société [UR] ne commercialise pas du pemetrexed disodique, mais du pemetrexed diarginine. Le pemetrexed disodique est un dérivé pharmaceutique du pemetrexed au même titre que le pemetrexed diarginine, les deux sont distincts et le second n'est pas inclus dans le premier. La seule façon d'interpréter la revendication comme incluant néanmoins le pemetrexed diarginine serait de prendre la lettre de la revendication comme une simple ligne directrice et de considérer qu'à la lecture de la description, la personne du métier serait d'avis que le titulaire du brevet aurait en fait entendu protéger quand-même les autres dérivés du pemetrexed, mais une telle interprétation est précisément un des deux extrêmes que l'article premier du protocole entend empêcher. 100. La vente du Pemetrexed Mylan n'est donc pas une contrefaçon littérale de la revendication 1 du brevet (ni, par conséquent, des revendications 2 à 11, qui en sont dépendantes). Contrefaçon par équivalence 101. En droit français, une « contrefaçon par équivalence de moyens » est retenue lorsqu'un moyen distinct du moyen breveté exerce la même fonction, qui n'était pas déjà connue, en vue de parvenir à un résultat identique. La fonction est entendue comme l'action de produire, dans l'application qui lui est donnée, un premier effet technique (Cass. Com., 27 juin 2018, no16-20.644, 6 février 2019, no17-21.585, et pour une illustration récente, 28 juin 2023, no22-10.124). 102. L'intérêt d'une interprétation convergente de textes européens et nationaux poursuivant la même finalité (Cass. Com., 30 aout 2023, no20-15.480) invite à rechercher une approche convergente avec la pratique des juridictions des autres Etats parties à la Convention. En droit anglais, l'équivalence est retenue lorsque (i) la variante atteint substantiellement le même résultat d'une façon substantiellement identique à l'invention (c'est-à-dire le concept inventif révélé par le brevet), (ii) il serait évident pour la personne du métier, à la lecture du brevet à la date de priorité, en sachant que la variante atteint le même résultat, qu'elle le fait de la même manière, et (iii) que la personne du métier n'aurait pas conclu que le breveté souhaitait que le respect strict du sens littéral de la revendication était un élément essentiel de l'invention (Cour suprême du Royaume-Uni, 12 juillet 2017, Actavis and others v. [D] [R], point 66, pièce [R] no12). Ce raisonnement diffère ainsi de celui des juridictions françaises en ce qu'il est plus souple dans l'analyse de la façon d'atteindre le résultat (il ne la limite pas à une fonction définie comme « le premier effet technique » et ne lui impose pas explicitement une condition de nouveauté), mais tient compte en revanche de la compréhension de la personne du métier à la date de priorité quant au caractère équivalent de la variante et à l'intention du déposant. Dans le même sens, le droit allemand (cité notamment dans la même décision britannique) tient compte de la compréhension de la personne du métier. 103. Au cas présent, les juridictions de tous les Etats parties à la Convention ayant eu à connaitre de l'équivalence de dérivés du pemetrexed avec le pemetrexed disodique ont retenu une équivalence (parfois en appel après une première décision écartant l'équivalence, et hormis une décision de première instance en Belgique qui a été annulée à raison de la composition du tribunal sans que la cour d'appel se prononce ensuite sur le fond). 104. La revendication 1 du brevet protège ici l'utilisation du pemetrexed disodique dans la fabrication d'un médicament destiné à être utilisé en combinaison avec la vitamine B12. L'utilisation du pemetrexed disodique est certes un moyen impliqué dans le résultat technique de l'invention, comme le soutient la société [UR], et la fonction du pemetrexed disodique, qui est de se fixer à trois enzymes spécifiques pour en inhiber le fonctionnement, était connue. 105. Il ne s'agit toutefois pas du moyen que la demanderesse lui reproche de reproduire par équivalence. Le moyen invoqué est en effet l'utilisation combinée du médicament contenant ce pemetrexed disodique avec de la vitamine B12, tandis que la variante litigieuse est l'utilisation combinée d'un médicament contenant du pemetrexed diarginine avec de la vitamine B12. La question est alors de savoir s'il s'agit bien d'un moyen protégeable par équivalence. 106. Une combinaison de moyens peut être protégée par équivalence si elle a elle-même une fonction nouvelle (Cass. Com., 15 septembre 2009, no08-14.741, cité par la société [D] [R]). Dans la présente invention, l'utilisation combinée du pemetrexed disodique avec la vitamine B12 a une fonction qui n'est pas exactement connue, car l'effet dans l'organisme de l'administration de la vitamine B12 à l'égard de l'administration de pemetrexed disodique n'est ni décrit dans le brevet, ni connu de l'art antérieur, ni expliqué par les parties au regard de connaissances ultérieures, étant rappelé que la réduction de la toxicité n'est pas la fonction du moyen mais le résultat technique de l'invention : la fonction est la manière dont le moyen contribue au résultat technique, elle ne se confond pas avec lui (autrement, un moyen qui atteindrait le même résultat mais d'une façon différente serait également considéré contrefaisant, alors qu'il ne serait pas équivalent au plan technique, par exemple une autre vitamine que la B12 dont on aurait découvert qu'elle réduirait également la toxicité du pemetrexed à travers une action métabolique tout à fait différente). Cette combinaison a néanmoins indéniablement une fonction, permettant d'atteindre le résultat technique de l'invention, et cette fonction, nouvelle, est distincte de la somme des fonctions du pemetrexed disodique et de la B12 envisagés séparément. 107. Or, nonobstant les différences éventuelles des caractéristiques secondaires du pemetrexed diarginine, il est constant qu'il a exactement le même effet thérapeutique que le pemetrexed disodique, et que son utilisation combinée avec de la vitamine B12 agit de la même manière dans l'organisme, pour atteindre le même résultat, à savoir une toxicité réduite mais une efficacité maintenue comparée à l'utilisation du pemetrexed diarginine seul. Une telle identité de fonction est au demeurant consubstantielle à son autorisation en tant que médicament générique. 108. L'utilisation du pemetrexed diarginine dans la fabrication d'un médicament destiné à être utilisé en combinaison avec de la vitamine B12 est donc équivalente à l'utilisation du pemetrexed disodique aux mêmes fins. 109. La portée ainsi donnée au brevet n'excède pas ce qui est nouveau et inventif dans l'invention. La procédure d'examen n'apporte aucune preuve supplémentaire à cet égard et est donc indifférente. b. Vente de pemetrexed seul 110. La société [UR] souligne que la revendication 1 du brevet porte sur un procédé (l'utilisation d'une substance dans la fabrication d'un médicament) et non un produit (la substance ou le médicament lui-même). Toutefois, comme le rappelle la société [D] [R], la revendication de procédé interdit également l'exploitation du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet. Il est constant que [UR] exploite un médicament contenant du pemetrexed diarginine, donc un produit obtenu directement par le procédé objet du brevet. Sa contestation sur ce point est ainsi manifestement dépourvue de sérieux. 111. Il est également constant que pour des raisons de sécurité, la documentation relative au médicament de la société [UR] explique qu'il faut également administrer de la vitamine B12 au patient. Le médicament est donc destiné à être utilisé en combinaison avec de la vitamine B12 (dans un traitement visant à inhiber la croissance tumorale chez des mammifères), indépendamment de ce que la société [UR] fournisse elle-même, ou non, cette vitamine. Que cette utilisation soit obligatoire, qui plus est pour des raisons impératives de santé publique, n'est évidemment pas de nature à écarter la contrefaçon. Il s'agit au contraire de la preuve que la vente de pemetrexed diarginine ne peut être faite que pour l'utilisation brevetée. Le fait que l'administration de pemetrexed seul aurait peut-être pu être autorisée est indifférent dès lors que, dans la réalité, elle ne l'a pas été. c. Conclusion sur la contrefaçon 112. En vendant du pemetrexed diarginine pour le traitement du cancer, devant nécessairement être utilisé en combinaison avec de la vitamine B12, la société [UR] a contrefait (par équivalence) la revendication 1 du brevet. 113. Aucun des faits reprochés à la société [UR] ne concerne d'autres revendications sans concerner également la revendication 1. Il n'est donc pas besoin d'examiner la contrefaçon de ces autres revendications. 2 . Réparation et autres mesures Moyens des parties 114. La société [D] [R] demande, au titre du droit d'information, sous astreinte, l'identité des fabricants, grossistes, importateurs, exportateurs, transbordeurs des produits, les quantités stockées, produites, importées, exportées, transbordées, commercialisées, livrées, reçues ou commandées (avec dates et prix), les marques des produits pertinents et tous leurs éléments d'identification (y compris numéro de série), la marge brute réalisée sur la vente du Pemetrexed Mylan et toute autre préparation contrefaisante, et les noms et adresses de ses clients. 115. Elle soutient qu'au-delà des prix et quantités, les autres informations sont nécessaires pour « appréhender l'ensemble des actes relatifs au Pemetrexed Mylan » en France et vérifier l'exhaustivité des chiffres donnés. Elle accepte que les informations soient communiquées dans le cadre d'un cercle de confidentialité, afin de pouvoir communiquer elle-même des données confidentielles. 116. Elle ne demande pas de provision. 117. La société [UR] estime que les informations demandées visent à pallier l'absence d'éléments communiqués par la demanderesse pour évaluer son préjudice, relèvent du secret des affaires, ne sont pas pertinentes pour évaluer le montant du préjudice mais visent en réalité à obtenir des informations commerciales sur un concurrent direct, d'autant plus que le brevet a expiré le 15 juin 2021. Elle demande subsidiairement que les informations soient communiquées dans le cadre d'un cercle de confidentialité limité aux parties intéressées. Appréciation du tribunal 118. L'article L. 615-5-2 du code de la propriété intellectuelle, appliquant l'article 8 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, prévoit au bénéfice du demandeur à l'action en contrefaçon de brevet un droit d'information en vertu duquel la juridiction peut ordonner, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits ou procédés argüés de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argüés de contrefaçon ou mettant en oeuvre des procédés argüés de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits, la mise en oeuvre de ces procédés ou la fourniture de ces services. 119. Les informations demandées à la société [UR] relatives au Pemetrexed Mylan sont pertinentes pour apprécier l'origine et les réseaux de distribution de ce produit, à ceci près que l'identité des clients n'est prévue par la loi que dans la mesure où elle permet d'identifier les réseaux de distribution. Il n'est donc pas utile au cas présent de donner accès à des informations relatives aux clients finaux des produits. En outre, aucun autre produit ou procédé n'est argüé de contrefaçon, de sorte que les informations doivent se limiter à celui-ci. 120. Les parties s'accordent sur un cercle de confidentialité accessible à leurs avocats et à une personne physique en leur sein, qui peut donc être ordonné, en application des articles L. 153-1 et R. 153-1 et suivants du code de commerce. III . Demandes de la société [R] France en concurrence déloyale Moyens des parties 121. À titre liminaire, la société [R] France expose agir en responsabilité de droit commun car les « actes de contrefaçon » commis par la société [UR] constitueraient à son égard des « actes de concurrence déloyale » lui causant un préjudice. 122. La société [UR] conteste la recevabilité de cette société à solliciter toute mesure fondée sur les dispositions du code de la propriété intellectuelle, l'action en contrefaçon de brevet étant réservée au titulaire ou au licencié, et ajoute qu'aucune faute n'est démontrée au titre de la concurrence déloyale. La société [R] France ne conteste pas qu'elle n'est pas licenciée du brevet. 123. Sur le fond, la société [R] France, qui sollicite un cercle de confidentialité pour prouver son préjudice définitif, demande dans l'attente une provision de 2 500 000 euros se fondant sur une substitution totale de ses ventes par celles de la société [UR] dont elle déduit une perte correspondant au prix officiel du médicament depuis 2020, qui est le plus bas de son histoire, diminué des couts variables, qu'elle propose de fixer provisoire à 50% car ils s'élèvent, affirme-t-elle, à un taux bien inférieur en réalité. 124. La société [UR] estime cette demande infondée en ce que le seul fait fautif serait la mention de la vitamine B12 dans le résumé des caractéristiques de son produit, ce qui n'est pas la raison pour laquelle les clients l'achètent, que son produit a des avantages sur celui de la société [R] France, que d'autres concurrents commercialisaient du pemetrexed donc que la société [R] France n'aurait pas vendu chaque dose vendue par la société [UR], que le prix officiel n'est pas pertinent car les hôpitaux négocient les prix, même en situation de monopole, que la marge alléguée est erronée pour être fondée sur une marge globale du groupe entier, qu'il faudrait prendre en compte la marge nette, tenant compte des couts fixes, qui est seulement de 6%, que la société [R] France a déjà obtenu une provision de 20 millions d'euros contre la société Fresenius, qui était restée bien plus longtemps qu'elle sur le marché que la société [UR], laquelle n'avait en outre que 3,48% des parts de marché, enfin que la demande de provision viserait à échapper à un vrai débat contradictoire sur le préjudice. Appréciation du tribunal 125. Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, et chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. 126. Au visa de ces deux textes, il est constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce. A cet égard, les procédés consistant, par imitation des signes d'un concurrent, à créer dans l'esprit du public une confusion de nature à tromper la clientèle et la détourner, caractérisent des actes de concurrence déloyale. 127. Par ailleurs, la contrefaçon est définie par l'article L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle comme toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles L. 613-3 à L. 613-6. Il s'agit d'une faute. 128. Toutefois, l'article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle réserve l'action en contrefaçon au titulaire du brevet ou au licencié dans certaines conditions. Eux seuls ont donc qualité à invoquer le caractère fautif d'une contrefaçon, toute autre personne étant privée du droit d'agir au sens de l'article 31 du code de procédure civile. 129. En l'espèce, quoiqu'interpellée sur ce point, la société [R] France affirme expressément ne pas être licenciée du brevet. Elle ne peut donc pas rechercher la réparation du préjudice que lui causerait la contrefaçon, et ne peut que, comme elle le fait, fonder sa demande sur la concurrence déloyale, ce qui requiert de caractériser une faute, laquelle peut certes correspondre aux mêmes faits matériels que la contrefaçon mais doit obéir aux conditions juridiques de la concurrence déloyale. 130. Or la société [R] France n'allègue aucun fait susceptible d'être qualifié de fautif en application des règles de la concurrence déloyale (ni risque de confusion, ni dénigrement, ni débauchage ou désorganisation fautive, ni parasitisme). 131. Par conséquent, sa demande est rejetée. IV . Dispositions finales 132. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 133. La présente décision, qui répond à l'ensemble des demandes, met fin à l'instance. La société [UR], qui perd le procès, est tenue aux dépens. Elle doit alors payer à la société [D] [R], au titre des frais exposés, une somme de 200 000 euros, au regard de l'équité et compte tenu de l'attestation établie par le directeur financier du cabinet de son avocat, mais aussi de ce que cette attestation concerne également le cout de la défense de la société [R] France dont les demandes rejetées. 134. L'exécution provisoire est nécessaire au regard de l'ancienneté de l'affaire, et compatible avec sa nature sauf en ce qui concerne l'inscription de la nullité au registre des brevets. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Déclare nulles les revendications 12 à 14 de la partie française du brevet ; Rejette la demande en nullité pour le surplus ; Ordonne la transmission de la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, au directeur de l'INPI aux fins d'inscription au registre national des brevets, à l'initiative de la partie la plus diligente ; Dit qu'en exploitant le médicament Pemetrexed Mylan, la société [UR] santé a contrefait le brevet ; Rejette la demande de provision de la société [R] France au titre de la concurrence déloyale ; Ordonne à la société [UR] santé de communiquer à la société [D] [R] and company, (a) tous documents susceptibles d'attester de façon exhaustive, (b) ou une attestation d'un expert comptable ou commissaire au compte indépendant attestant, en en certifiant l'exactitude et l'exhaustivité, des informations suivantes relatives à l'exploitation en France du médicament Pemetrexed Mylan pour la période comprise entre le 1er décembre 2014 et le 15 juin 2021 : - les noms et adresses des fabricants, grossistes, importateurs, exportateurs, transbordeurs du médicament,- les quantités produites, importées, exportées, transbordées, reçues, vendues, livrées ou commandées, leur prix, leur date,- la marge brute réalisée sur la vente du médicament (selon les mêmes périodes),- les noms et adresses des distributeurs du médicament (à l'exclusion des clients finaux tels que les hôpitaux) ; et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai de 80 jours suivant la signification du jugement, qui courra au maximum pendant 90 jours ; se réserve la liquidation de l'astreinte ; Dit que sauf meilleur accord des parties, ces éléments, et tout élément que souhaiterait également communiquer dans ce cadre la société [D] [R] and company, seront communiqués de façon confidentielle, dans le cadre d'un cercle de confidentialité dont feront partie, pour chacune des parties concernées ([D] [R] and company et [UR] santé) :- une personne physique en leur sein - et leur avocat (et ses collaborateurs ou salariés informés des obligations découlant de l'article L. 153-2 du code de commerce), qui signeront un accord de confidentialité ; Renvoie les parties à la détermination amiable du préjudice ; Condamne la société [UR] santé aux dépens (avec faculté de recouvrement pour Me [T] pour ceux dont il aurait fait l'avance sans en recevoir provision) ainsi qu'à payer 200 000 euros à la société [D] [R] and company au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne son inscription au registre des brevets. Fait et jugé à Paris le 20 Octobre 2023 Le Greffier La Présidente[X] [S] [V] [Y] | x |
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JURITEXT000048550573 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550573.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 10 novembre 2023, 22/06063 | 2023-11-10 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/06063 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/06063No Portalis 352J-W-B7G-CW5XB No MINUTE : Assignation du :18 Mai 2022 JUGEMENT rendu le 10 Novembre 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. GAIATREND[Adresse 2][Localité 3] représentée par Maître Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617 DÉFENDERESSE S.A.S. GROUP DATA[Adresse 4][Localité 1] représentée par Maître Nicolas MONNOT de la SELARL GASTAUD LELLOUCHE - HANOUNE MONNOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0430 Copies délivrées le :- Maître GREFFE #E617 (ccc)- Maître MONNOT #G430 (exécutoire)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistée de Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 07 Juillet 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. Par jugement de ce tribunal du 14 décembre 2021 (19/8769), signifié le 13 janvier 2022, la société Group data a notamment été condamnée, à raison d'une contrefaçon de la marque européenne Malawia (no13 842 794), à payer 3 200 euros de dommages et intérêts à la société Gaiatrend pour les faits antérieurs au 1er janvier 2020 et une provision de 2 000 euros pour les faits postérieurs, ainsi qu'à1) « remettre à la société Gaïatrend [au titre du droit d'information] l'intégralité des factures qu'elle-même a reçues ou émises pour l'achat ou la vente de produits dont le nom, la description ou tout autre élément contient « Malawia » ou « Malawi », concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020, certifiées par expert-comptable ; dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement puis sous astreinte de 200 euros par jour de retard, qui courra au maximum pendant 180 jours ; » 2) rappeler les produits contrefaisants des circuits commerciaux et les détruire, à ses frais, « dans un délai de 30 jours puis sous astreinte de 500 euros par jour de retard [...] qui courra au maximum pendant 180 jours ; » 3) à ne pas « faire fabriquer, fabriquer, commercialiser sur le territoire de l'Union européenne des arômes, concentrés d'arômes et liquides aromatisés pour cigarettes électroniques marqués ‘Malawia' ou ‘Malawi' (précédés ou non d'un article) », et ce « sous astreinte de 100 euros par infraction constatée passés 15 jours suivant la signification du présent jugement », « chaque unité de produit fabriquée ou offerte à la vente étant une infraction distincte » ; le tribunal se réservant la liquidation des astreintes. 2. La société Gaiatrend, estimant que les factures transmises le 24 janvier 2022 étaient insuffisantes et que des produits contrefaisants étaient toujours commercialisés par des revendeurs de la société Group data, a assigné celle-ci en liquidation des astreintes 1) et 2) et nouvelle astreinte, le 18 mai 2022. Au cours de l'instance, elle a formé une demande incidente en contrefaçon à raison de nouveaux faits, et la société Group data, estimant le préjudice réel inférieur à la provision accordée par le jugement du 14 décembre 2021, en a demandé reconventionnellement la restitution partielle. L'instruction a été close le 12 janvier 2023. Prétentions des parties 3. Dans ses dernières conclusions (3 janvier 2023), la société Gaiatrend résiste aux demandes reconventionnelles et demande la condamnation de la société Group data à lui payer 36 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte sur le droit d'information (1) avec fixation d'une nouvelle astreinte définitive de 1 500 euros par jour, 90 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte sur le rappel et la destruction des produits (2), 15 000 euros de dommages et intérêts au titre des nouveaux faits de contrefaçon et 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 4. Dans ses dernières conclusions (11 janvier 2023), la société Group data résiste à l'ensemble des demandes ainsi qu'à l'exécution provisoire et demande elle-même, en substance, de fixer à 126 euros le préjudice au titre des ventes postérieures au 1er janvier 2020 et condamner la société Gaiatrend à lui restituer en conséquence 1 874 euros de trop-perçu, ainsi qu'à lui payer 50 000 euros pour procédure abusive et 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le recouvrement des dépens par son avocat, « sous sa due affirmation ». Moyens des parties 5. Sur la première astreinte, la société Gaiatrend, en premier lieu, conteste l'exhaustivité des factures communiquées dans le délai, critiquant l'absence d'attestation de l'expert-comptable permettant de s'en assurer, ainsi que le tableau produit par la défenderesse qui est impropre selon elle à prouver cette exhaustivité et est même incomplet par rapport aux factures déjà communiquées. Elle souligne encore que certaines factures ont elles-mêmes été communiquées de façon incomplète et estime la défenderesse incohérente quand elle affirme avoir rappelé les produits dès le 27 juillet 2020 alors qu'il s'agit aussi de la date de sa dernière facture. Quant à l'attestation d'expert-comptable finalement produite par la défenderesse en décembre 2022, elle l'estime hors délai et lui reproche de ne pas comprendre de facture d'achat alors qu'elle certifie reprendre l'intégralité des factures « reçues ou émises pour l'achat ou la vente ». 6. En second lieu, elle reproche à la débitrice de n'avoir pas transmis de factures certifiées relatives à ses achats d'arôme pur entré dans la composition des produits qu'elle a ensuite commercialisés sous les signes contrefaisants, précisant que l'obligation concernait les achats antérieurs au 1er janvier 2020 dès lors qu'ils correspondaient à la fabrication de produits vendus après cette date. Le tableau produit par la défenderesse sur ce point est également inutile, estime-t-elle, faute de certification par un expert-comptable. 7. Sur la seconde astreinte, la société Gaiatrend soutient que l'obligation de rappel et destruction des produits contrefaisants n'a pas été exécutée dès lors que deux sites dont la société Group data est le fournisseur continuaient à commercialiser des flacons revêtus des termes illicites plusieurs mois après le jugement. Elle conteste la force probante et la portée des attestations produites par la débitrice et estime au contraire que celle-ci est restée inactive alors qu'elle aurait dû s'enquérir des quantités restant en stock chez ses clients et les rappeler puis vérifier que ses revendeurs avaient supprimé toute référence aux produits contrefaisants. Elle estime également, à partir du contenu d'un troisième site, que la société Group data incite ses clients à reproduire le signe Malawi dans les annonces de son nouveau produit Blend M. 8. Sur la nouvelle contrefaçon, elle invoque l'usage du signe Malawi dans le code source de la page du site internet de la société Group data consacrée à son nouveau produit, Blend M. Elle estime indifférent que ce signe ne soit pas visible pour le consommateur dès lors que son usage permet de capter une partie de la clientèle du titulaire de droits, ce qui caractérise également selon elle une atteinte à la fonction de la marque et un « usage à titre de marque ». ** 9. En défense, sur la première astreinte, la société Group data fait valoir, à propos des factures de vente, que les parties manquantes de certaines factures sont les pages qui ne concernent pas les produits litigieux, qu'elle communique en tout état de cause un tableau dont son expert comptable certifie qu'il reprend l'intégralité des factures visées au jugement, que l'oubli de 15 flacons (pour 60 euros) dans la première version de ce tableau est indifférente dès lors que la facture correspondante avait bien été communiquée. À propos des factures d'achats, elle explique que celles-ci émanaient toutes de la société Robertet (anciennement Charabot) qui les avait déjà communiquées dans l'instance ayant donné lieu au jugement du 14 décembre 2021 et qui a communiqué ensuite une attestation de son commissaire aux comptes relative à leur exhaustivité. Elle ajoute qu'il n'y a eu aucun achat en 2020. 10. Sur la seconde astreinte, s'appuyant sur l'attestation des gérants des sociétés correspondant aux trois sites cités par la demanderesse, elle affirme avoir contacté ses clients pour rappeler les produits dès le 27 juillet 2020 (date de sa dernière facture, ce qui correspond bien au plus tard à la date de la dernière vente, de sorte qu'elle n'y voit aucune incohérence) et soutient que les faits invoqués ne lui sont pas imputables. Elle rappelle plus généralement l'obligation de vérifier la proportionnalité de l'astreinte à l'enjeu du litige. 11. Contre la nouvelle demande en contrefaçon, elle explique que le terme Malawi ne figurait que dans les méta-données du produit Blend-M qui remplaçait l'ancien produit Malawi, données visibles uniquement dans le code source de la page, donc invisibles au public, ce dont elle conclut qu'il ne peut y avoir d'atteinte aux fonctions de la marque. Contre l'exécution provisoire, elle indique être une petite entreprise pour qui les condamnations auraient des conséquences excessives et ce d'autant plus, estime-t-elle, que la société Gaiatrend ne subit aucun préjudice. 12. Sur sa demande reconventionnelle en restitution partielle de la provision, la société Group data fait valoir que les factures de vente en 2020 montrent un chiffre d'affaires de 1 269,64 euros, ce qui, en appliquant la même méthode que dans le jugement du 14 décembre 2021, établit un préjudice de 126 euros alors que la provision était de 2 000 euros. 13. Elle estime enfin les demandes abusives, en ce que la société Gaiatrend s'est plainte de ne pas avoir reçu les informations qu'elle avait obtenues dès le 24 janvier 2022 et a saisi le tribunal pour critiquer la présence d'un ancien visuel ou d'un ancien nom du produit sur trois sites internet, ce qui établit selon elle que l'action a été engagée de mauvaise foi, sans même répondre au courrier qu'elle lui avait envoyé avec les pièces. Elle critique également la nouvelle demande en contrefaçon formée sans démontrer une seule commercialisation du liquide Malawi / Malawia. Elle expose que cette procédure s'inscrit dans un « contexte de harcèlement judiciaire ». Note en délibéré 14. À l'audience, la société Group data a été autorisée à produire en cours de délibéré une preuve de ce que son tableau servant à attester de l'exhaustivité des factures communiquées a bien été signé par son expert-comptable. Elle a communiqué une note et une pièce en ce sens le 24 juillet 2023, expliquant n'avoir pu demander une attestation à son expert-comptable (à cause des congés) mais que la preuve qu'il est l'auteur du tableau ressort du courriel par lequel il le lui avait adressé. La société Gaiatrend n'a pas fait parvenir de note en réponse. MOTIVATION I . Astreintes 15. Par application de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte provisoire est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. En outre, elle est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère. 16. Cette mesure, indépendante des dommages et intérêts, a uniquement un but comminatoire, pour contraindre le débiteur à s'exécuter. Elle dépend donc de la capacité de résistance de celui-ci, et sa liquidation nécessite d'apprécier les circonstances qui ont entouré l'inexécution, notamment la bonne ou mauvaise volonté du débiteur comme du créancier de l'obligation. 17. Il est également nécessaire, en application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, d'apprécier, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel on liquide l'astreinte et l'enjeu du litige (Cass. 2e Civ., 20 janvier 2022, no20-15.261). 18. Enfin, lorsqu'une astreinte assortit une décision de condamnation à une obligation de faire, il incombe au débiteur condamné de rapporter la preuve qu'il a exécuté son obligation. 1 . Injonction de communiquer les factures 19. L'obligation mise à la charge de la société Group data est de communiquer « l'intégralité des factures qu'elle-même a reçues ou émises pour l'achat ou la vente de produits [sous le signe Malawia ou Malawi], concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020, certifiées par expert-comptable ». Intégralité des factures émises 20. Il ne s'agit pas, contrairement à ce que semble exiger la société Gaiatrend, d'une obligation de communiquer une attestation d'un expert-comptable sur l'ensemble des achats et des ventes : certes une telle attestation est utile pour prouver l'exhaustivité des factures communiquées et la preuve incombe au débiteur, mais il s'agit seulement d'une question de preuve de l'exécution et non d'une condition à l'exécution elle-même. Il en résulte que la date à laquelle une telle attestation est produite est indifférente sur le respect du délai d'exécution. L'attestation, au cas présent, ne sert qu'à prouver a posteriori que la communication de factures était complète. 21. Dans ce cadre, il est constant que la société Group data a communiqué le 24 janvier 2022, dans le délai, 14 factures de ventes de liquides aromatisés portant le nom Le Malawi (pièces Group data 3 et 4). 22. Ces factures sont toutes revêtues du tampon de la société Fiderco, dont il est constant qu'elle est expert-comptable, ce qui permet de les estimer « certifiées ». 23. La société Group data communique par ailleurs un document (sa pièce 5 bis) contenant d'une part un tableau intitulé « récapitulatif des ventes E-liquides et concentrés ‘Le Malawi' » qui liste les 14 mêmes factures, d'autre part un texte disant « Ce tableau reprend l'intégralité des factures reçues ou émises pour l'achat ou la vente de produits dont le nom, la description ou tout autre élément contient ‘Malawia' ou ‘Malawi', concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020 ». Le document contient le cachet de la société Fiderco et une signature. 24. La pièce produite par la société Group data en délibéré est un courriel envoyé d'une adresse au nom de cette société (fiderco.fr) vers l'adresse du gérant de la société Group data, ayant pour objet « Urgent procès » et disant lui envoyer « le tableau dûment signé. » Cette pièce prouve que la société Fiderco a bien adressé un tableau à la société Group data pour les besoins du procès, mais évidemment pas qu'il s'agit du même tableau que celui produit en pièce 5 bis. Toutefois, elle corrobore l'existence de la société Fiderco, son implication dans l'exécution du jugement, et ainsi la réalité du tampon et de la signature figurant au bas de la pièce 5 bis. En l'absence d'une contestation expresse de la réalité de ce document et de la portée du courriel communiqué en délibéré, ces éléments suffisent à prouver que la pièce 5 bis émane de la société Fiderco. 25. Il en résulte que l'expert-comptable de la société Group data certifie que les 14 factures communiquées dans le délai imposé par le jugement représentent l'intégralité des factures de vente de produits Malawia ou Malawi. Le fait qu'une ancienne version de ce tableau fût erronée est indifférente dès lors d'une part que l'erreur ne portait que sur une partie du contenu d'une facture qui, elle, était bien mentionnée au tableau et avait bien été communiquée, erreur ainsi décelable aisément et sans portée sur la fiabilité du tableau quant au nombre total de factures, d'autre part que cette erreur est isolée au sein d'un ensemble par ailleurs correct. 26. Il en résulte également que ce tableau, fiable hormis cette erreur marginale, permet de confirmer le contenu des factures, mêmes lorsque celles-ci n'ont pas été communiquées en entier : il confirme en effet, indirectement, que les pages omises ne concernaient pas les produits litigieux. Le tribunal observe néanmoins que cette omission volontaire de certaines pages des factures témoigne d'une franche mauvaise volonté dans l'exécution ou a minima d'une désinvolture fautive, laissant le créancier dans le doute face à des éléments volontairement expurgés d'une partie de leur contenu sans qu'aucun effort ne soit fait pour expliquer, justifier ou corroborer ce choix. 27. Le fait, encore, que la pièce 5 bis affirme porter sur l'intégralité des factures d'achat et de vente concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020, alors qu'elle ne contient aucune facture d'achat, n'est pas davantage susceptible d'affecter sa crédibilité. Il n'est pas contesté, en effet, que la société Group data n'a acquis aucun produit identifié par les signes litigieux après le 1er janvier 2020. La société Gaiatrend donne certes un autre sens à l'expression « concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020 », mais indépendamment de l'interprétation correcte à donner à cette expression (qui est examinée ci-dessous au titre des factures reçues), il était évidemment possible d'y lire, comme l'a fait l'expert comptable, que seules étaient concernées les factures relatives à des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020, quelle que soit l'identité du vendeur (Group data ou son fournisseur). Il n'en résulte donc aucun doute sur la fiabilité du document. 28. Ainsi, la pièce 5 bis suffit à prouver que les 14 factures certifiées communiquées dans le délai concernent l'intégralité des factures émises par la société Group data pour la période considérée. Intégralité des factures reçues 29. La société Group data estime avoir respecté l'obligation de communiquer l'intégralité des factures « d'achat », c'est-à-dire les factures qu'elle a reçues, dès lors qu'elle n'a pas acheté de produits litigieux depuis le 1er janvier 2020, donc qu'il n'y avait aucune facture à communiquer. La société Gaiatrend estime à l'inverse que l'injonction concerne les achats, quelle que soit leur date, dès lors qu'ils ont servi à la fabrication de produits dont la vente a été réalisée depuis le 1er janvier 2020, et que la société Group data devait alors lui remettre les factures antérieures. 30. Cette lecture n'est toutefois pas compatible avec le sens et la construction grammaticale de l'injonction prononcée par le tribunal, à savoir, pour mémoire : « remettre à la société Gaïatrend [au titre du droit d'information] l'intégralité des factures qu'elle-même a reçues ou émises pour l'achat ou la vente de produits dont le nom, la description ou tout autre élément contient « Malawia » ou « Malawi », concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020, certifiées par expert-comptable ; dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement puis sous astreinte de 200 euros par jour de retard, qui courra au maximum pendant 180 jours » (soulignement ajouté). 31. En effet, l'interprétation de la société Gaiatrend implique que la proposition « concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020 » s'applique à « l'achat ou la vente de produits » et exprime l'idée que cet achat « concerne des ventes » quand il porte sur un élément utilisé dans la fabrication du produit vendu, ce qui est doublement erroné : d'une part, il s'agit d'une extension considérable, que rien ne justifie dans le contexte, du sens du verbe « concerner », d'autre part le thème de la phrase est « les factures », qui sont l'objet du verbe principal (« remettre »), celui de la subordonnée relative « qu'elle-même a reçues ou émises... », celui de la proposition verbale « certifiées par expert-comptable », et donc logiquement celui de la proposition « concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020 ». Il est ainsi impossible de conclure que « les factures qu'elle-même a reçues ou émises pour l'achat ou la vente de produits dont le nom (...) contient ‘Malawia' (...), concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020 » veut dire « les factures d'achat (et de vente) portant sur des produits entrés dans la composition de produits vendus depuis le 1er janvier 2020 » (les parties en italique marquent les éléments ajoutés in fine dans le chef de dispositif selon le sens que lui donne la société Gaiatrend. » 32. L'impossibilité d'une telle interprétation ressort également de ce qu'elle revient à faire reposer la portée de l'obligation sur un élément interne, potentiellement secret et surtout extrêmement difficile à vérifier en pratique : le fait qu'un produit ait été fabriqué à partir d'un arôme lui-même vendu sous le signe litigieux. Pour le vérifier, il faudrait savoir si, pour chaque lot fabriqué par le débiteur, l'ingrédient utilisé à ce moment-là était désigné sous le signe litigieux ou non, ce qui impose au débiteur de l'obligation une charge probatoire particulièrement lourde, difficilement prévisible au regard de la lettre du texte de l'injonction voire impossible à atteindre pour des fabrications ayant eu lieu avant son prononcé et donc incompatible avec une astreinte. 33. Au demeurant, cette interprétation ne se justifie pas par l'objectif poursuivi par l'injonction faite à la société Group data. En effet, le jugement avait relevé (p. 22, 4e §) que sur l'ensemble de l'arôme vendu par la société Charabot à la société Group data sous un signe contrefaisant, une partie avait été utilisée pour fabriquer des produits non contrefaisants, ce dont il résulte que la quantité d'arôme contrefaisant achetée par la société Group data n'est pas corrélée au préjudice causé spécialement par celle-ci. Connaitre cette quantité achetée n'a donc d'intérêt que pour déterminer indirectement les quantités vendues par le fournisseur, la société Charabot. Or le jugement a retenu à l'égard de celle-ci qu'il était nécessaire d'obtenir des informations relatives à ses ventes depuis 2015, et non seulement depuis 2020. Si l'objectif de l'injonction faite à la société Group data était de vérifier le préjudice causé par la société Charabot, alors l'injonction de remettre les factures d'achat n'aurait pas été limitée à 2020. Par ailleurs, le jugement aurait également fait la même injonction aux autres clients de la société Charabot partie au procès, ce qui n'est pas le cas. 34. À l'inverse, l'interprétation selon laquelle les « ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020 » s'entendent au sens large de toutes les ventes quelle que soit l'identité du vendeur (les ventes réalisées par la société Group data ou les ventes réalisées vers la société Group data) est la lecture la plus immédiate, la plus simple et la seule grammaticalement correcte. Elle fixe une limite temporelle aisée à vérifier et permet d'atteindre l'objectif de l'injonction, qui est de connaitre la masse contrefaisante et les fournisseurs éventuels du contrefacteur pendant la période concernée. 35. Dans ce cadre, la pièce 5 bis de la société Group data suffit à confirmer qu'aucune facture n'a été reçue par celle-ci depuis le 1er janvier 2020 pour l'achat ou la vente de produits contrefaisants. L'obligation, qui n'impliquait évidemment une remise que si de telles factures existaient, est donc respectée. 36. Par conséquent, l'obligation assortie d'une astreinte ayant été entièrement exécutée dans le délai imposé, les demandes en liquidation d'astreinte et en nouvelle astreinte doivent être rejetées. 2 . Rappel et destruction des produits contrefaisants 37. La société Group data affirme avoir procédé au rappel des produits, dès avant le jugement, par téléphone. Le jugement n'imposait pas de procéder au rappel par écrit mais le choix d'une méthode orale impose à la débitrice de prouver rétrospectivement le respect de son obligation. 38. En ce sens, elle démontre, par l'attestation du dirigeant de la société Ziklop stor, qui distribue ses produits (sa pièce 12), qu'elle a informé celle-ci avant le jugement du 14 décembre 2021 que les produits Malawia devaient être détruits et remplacés par des produits référencés Blend M. 39. Moins précis, le dirigeant d'un autre client de la société Group data, la société Eurovape (pièce Group data no14) confirme avoir été informé dès 2019 du remplacement du nom Malawi par Blend-M. Cette date est certes douteuse dans la mesure où des factures de la société Group data mentionnaient encore des produits Malawi en 2020, mais en l'absence de tout élément indiquant le contraire, il peut quand-même en être déduit avec suffisamment de certitude que la société Group data a bien informé la société Eurovape de la nécessité de remplacer les produits contrefaisants (ce qui implique de ne pas les vendre et de les détruire). 40. Si la société Gaiatrend met en doute la réalité du rappel de produits, en particulier à l'égard de cette société Eurovape, c'est en raison du maintien, sur les pages du site de celle-ci consacrées aux nouveaux produits Blend M, de l'image des anciens produits sur lesquels le signe Le Malawi est visible (pièce Gaiatrend 6, pp. 28-31). Dans le même sens, elle critique la présence, dans l'annonce du nouveau produit Blend M sur le site de la société Ziklop stor, du signe Malawi. Elle invoque en second lieu le maintien, sur un site pos.capvap.com, de produits Le Malawia (sa pièce 6, p. 10). 41. Toutefois, en premier lieu, la société Eurovape, dans son attestation, explique qu'il s'agit d'un oubli lors de la modification de la référence du produit. Quelle qu'en soit la cause, le seul maintien de l'image de l'ancien produit Le Malawi sur la fiche du nouveau produit Blend-M est secondaire par rapport au changement de dénomination qui prouve à lui seul que la société Group data a notifié à son client un remplacement de produit dont il peut être déduit l'arrêt de toute vente du précédent dans le délai prévu par le jugement. 42. De même, la présence du signe Malawi dans l'annonce du produit intitulé Blend M sur le site de la société Ziklop stor n'indique pas que le produit effectivement vendu est toujours un produit siglé Malawi. Elle est certes fautive, mais outre que rien ne permet d'imputer cette annonce à une autre personne que la seule société Ziklop stor qui édite le site, elle ne fait que confirmer la réalité d'une substitution de produit en rappelant au consommateur le produit illicite substitué. 43. En second lieu, la société Group data allègue que le site pos.capvap.com était celui d'une société dissoute depuis 2018 et communique pour le confirmer l'attestation du dirigeant d'une (nouvelle) société Capvap qui affirme que le produit litigieux se trouvait sur un ancien site qui n'est plus en fonctionnement (pièce Group data no11). Cette attestation, qui montre qu'une activité existe toujours sous le nom Capvap, ne permet pas de démontrer que le site litigieux était réellement inactif. En revanche, rien ne contredit l'attestation lorsqu'elle affirme ensuite que ce produit n'était pas disponible ni au magasin ni en ligne, ce qui est corroboré par l'explication donnée par la société Group data et non contredite selon laquelle le visuel du site litigieux est un ancien visuel (étiquette blanche) alors que depuis plusieurs années l'étiquette de ses produits est noire (comme le confirment par exemple les visuels litigieux du site eurovape). La présence sur le site pos.capvap.com d'un produit siglé Le Malawi est donc le maintien d'une annonce ancienne, qui n'est pas imputable à la société Group data et ne permet pas de mettre en doute la réalité du rappel de ses produits que les attestations citées ci-dessus aux points 37 et 38 et la preuve du changement de dénomination du produit sur les sites eurovape.fr et ziklopstore.fr permettent de démontrer. 44. L'obligation de rappel et destruction des produits a donc été exécutée dans le délai, et la demande de liquidation de l'astreinte est rejetée. II . Contrefaçon 45. Le droit d'agir de la société Gaiatrend, licenciée de la marque, n'est pas contesté. 46. Le droit conféré par la marque de l'Union européenne, auquel l'atteinte est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle, est prévu par l'article 9 du règlement 2017/1001, rédigé en ces termes : « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque; (...) » 47. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que le droit exclusif du titulaire de la marque, qui n'est pas absolu, ne l'autorise à s'opposer à l'usage d'un signe par un tiers en vertu de l'article 9, dans les conditions énumérées au paragraphe 2, sous a) et b), que si cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, et notamment à sa fonction essentielle, qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal football club, C-206/01, point 51 ; plus récemment, CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34). 48. La Cour de justice a, dans ce cadre, indiqué - d'une part, que l'usage par un tiers d'un mot-clé identique à une marque dans le cadre d'un service de référencement pour une annonce payante sur un moteur de recherche en ligne, que ce soit (1) pour présenter ses produits comme une alternative à ceux du titulaire ou (2) pour induire les internautes en erreur, était un usage « pour des produits ou des services » au sens du règlement ou de la directive sur les marques (CJUE, 23 mars 2010, Google, C-236/08, points 69 à 73) ; - d'autre part que cet usage portait atteinte à la fonction essentielle d'indication d'origine de la marque lorsque l'annonce du tiers (1) suggérait l'existence d'un lien économique entre lui et le titulaire de la marque ou (2) qu'un internaute normalement informé et raisonnablement attentif ou avisé n'était pas en mesure de savoir, sur la base du lien promotionnel et du message commercial qui y était joint, si l'annonceur était un tiers par rapport au titulaire de la marque ou bien, au contraire, économiquement lié à lui (CJUE, Google, précité, points 89, 90). 49. Il en va également ainsi lorsque le signe utilisé par l'annonceur est seulement similaire à la marque, et même s'il n'apparait pas dans l'annonce (CJUE, 25 mars 2010, BergSpechte, C-278/08, dispositif, et point 19) 50. Cette analyse, menée pour des annonces payantes sur un moteur de recherche, a été appliquée à l'usage d'un signe identique à la marque dans des mots-clés pour influencer le référencement naturel d'un moteur de recherche, même si le signe n'est pas visible par l'internaute, lorsque le résultat de la recherche propose à celui-ci une alternative aux produits ou services du titulaire de la marque (première condition à l'usage « pour des produits ou des services ») et qu'il ne lui permet pas, ou seulement difficilement, de savoir si les produits ou services visés par ce référencement proviennent du titulaire de la marque, d'une entreprise ayant un lien économique avec celui-ci ou d'un tiers (Cass. Com., 18 octobre 2023, no20-20.055, points 15 à 17 ; étant observé que bien que cet arrêt ne le rappelle pas, il faut, pour être illicite, que l'usage soit fait dans la vie des affaires, ce qui implique un usage volontaire visant un avantage économique, ce qui suppose que la présence du signe dans le code-source ne soit pas une simple coïncidence mais ait pour objet d'influencer le référencement ; cf CJUE, Google, précité, points 50 à 55). 51. Ces critères peuvent ainsi, par analogie, être appliqués à l'usage d'un signe non pas identique mais seulement similaire à la marque, comme mot-clé invisible non pas pour une annonce payante mais seulement pour le référencement sur Internet, lorsqu'il a le même objet, à savoir présenter les produits de l'utilisateur comme une alternative à ceux du titulaire, et qu'il cause un risque de confusion dont résulte une atteinte à la fonction essentielle de la marque. 52. Dans la présente espèce, l'usage litigieux est l'usage invisible d'un mot-clé, Malawi, similaire à la marque, Malawia, ayant non pas pour objet et pour effet d'influencer le référencement naturel sur un moteur de recherche en ligne, mais ayant pour effet d'influencer les résultats de recherche internes au site internet de la société Group data (datasmoke.com). 53. Il est en effet établi (pièce Gaiatrend 6, pp. 39-43) qu'une recherche avec le mot-clé Malawi dans la barre de recherche interne au site datasmoke.com renvoie à deux résultats, qui sont les deux versions (« e-liquide » et concentré d'arôme) de sa nouvelle gamme Blend-M dont il est constant qu'elle remplace l'ancienne référence contrefaisante, Le Malawi. Il est en outre admis par la société Group data que le signe Malawi était présent dans le code source de la page de chacun de ces deux produits (ce qu'elle explique par la subsistance des méta-données de l'ancien produit après son changement de nom). 54. Néanmoins, à supposer que le signe Malawi ait été utilisé volontairement par la société Group data dans le but d'influencer le résultat de recherches pour ses produits, rien, dans le résultat de cette recherche, n'est susceptible de conduire le public pertinent, normalement informé et raisonnablement attentif, à avoir un doute sur l'entreprise à l'origine des produits et son lien éventuel avec le titulaire de la marque : outre que la recherche a été faite depuis le site de la société Group data (ce qui réduit l'attente du public de trouver d'autres origines commerciales pour les produits qui s'y trouvent), les produits ne contiennent, ni dans leur nom, ni dans leur description, ni dans leur représentation visuelle, aucun signe évoquant la marque, ni la société Gaiatrend ni aucune autre marque de celle-ci, de sorte que face à ces produits, le public pertinent n'est pas susceptible de les croire issus du titulaire de la marque ou d'une entreprise liée économiquement à celui-ci. Aucun risque de confusion entrainant une atteinte à la fonction essentielle de la marque n'est donc caractérisé. 55. Par conséquent, la demande en contrefaçon est rejetée. III . Demande reconventionnelle en fixation du préjudice et restitution partielle de la provision 56. La réparation du dommage causé par la contrefaçon est prévue par l'article L. 716-4-10 du code de propriété intellectuelle selon lequel, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en compte distinctement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière, et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Cette disposition s'inscrit dans le cadre de la réparation intégrale du préjudice, en vertu duquel la partie lésée doit se trouver dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence des faits litigieux, sans perte ni profit pour elle. 57. Le jugement du 14 décembre 2021 avait retenu que les ventes de produits contrefaisants avaient causé à la société Gaiatrend un préjudice économique correspondant à environ 10% du chiffre d'affaires des contrefacteurs (en tenant compte de l'estimation du taux de report des clients, du bénéfice marginal de la société Gaiatrend sur ses produits et du bénéfice du contrefacteur), à laquelle s'ajoutait un préjudice environ deux fois plus important, qualifié de « moral » et correspondant en réalité à l'incidence de la contrefaçon sur la valeur de la marque. 58. La société Group data ne conteste pas le calcul suivi dans ce jugement ; elle oublie seulement de tenir compte du préjudice que celui-ci qualifiait de « moral ». La société Gaiatrend, quant à elle, n'a pas conclu sur cette demande. 59. L'intégralité des factures émises par la société Group data permet d'établir un chiffre d'affaires total sur les produits contrefaisants, à partir du 1er janvier 2020, de 1 269,64 euros HT (pièce Group data 5 bis). 60. Il en résulte pour la société Gaiatrend un préjudice total de 400 euros. 61. Il est constant que la provision de 2 000 euros a été payée. La société Gaiatrend doit donc restituer 1 600 euros à la société Group data. IV . Abus et dispositions finales Abus 62. En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. 63. Le droit d'agir en justice dégénère en abus lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action ou un moyen que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 64. Les demandes de la société Gaiatrend consistent, ici, à appliquer sans prudence (en s'abstenant notamment de toute discussion préalable) une analyse rapide de la portée du jugement du 14 décembre 2021 puis à invoquer une contrefaçon reposant sur de nouveaux faits très minimes mais posant une question juridique complexe et en partie nouvelle qu'elle n'a pas pour autant estimé nécessaire d'étudier sérieusement. 65. Néanmoins, la légèreté de la société Gaiatrend a été, en partie, provoquée par la propre désinvolture de la société Group data, dont il a été démontré ci-dessus qu'elle avait exécuté le jugement d'une façon volontairement ambigüe et suscitant la suspicion. 66. Cette légèreté n'est donc pas inexcusable, et l'abus, dès lors, n'est pas caractérisé. Dispositions finales 67. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 68. La société Group data gagne le procès ; néanmoins, étant elle-même, par sa faute, en partie à l'origine du litige et ainsi d'une partie des frais qu'elle a dû exposer à ce titre, l'équité justifie de ne faire droit à sa demande d'indemnité de procédure qu'à hauteur de 2 000 euros. 69. L'exécution provisoire est de droit et rien ne justifie ici d'y déroger. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Rejette la demande en liquidation de l'astreinte assortissant l'obligation de remettre des factures et la demande en fixation d'une nouvelle astreinte à ce titre ; Rejette la demande en liquidation de l'astreinte assortissant l'obligation de rappel et destruction des produits ; Rejette la demande de la société Gaiatrend en dommages et intérêts pour contrefaçon ; Fixe à 400 euros le préjudice causé à la société Gaiatrend par les faits de contrefaçon objet du jugement du 14 décembre 2021, à partir du 1er janvier 2020 ; Condamne la société Gaiatrend à restituer à ce titre 1 600 euros à la société Group data ; Rejette la demande reconventionnelle pour abus ; Condamne la société Gaiatrend aux dépens (recouvrables par Me Monnot pour ceux dont il aurait fait l'avance sans en recevoir provision) ainsi qu'à payer 2 000 euros à la société Group data au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Fait et jugé à Paris le 10 Novembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000048550574 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550574.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 10 novembre 2023, 21/05819 | 2023-11-10 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/05819 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/05819No Portalis 352J-W-B7F-CUJOH No MINUTE : Assignation du :16 Avril 2021 JUGEMENT rendu le 10 Novembre 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. GENOT[Adresse 3][Localité 7] représentée par Maître Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0009 et par Maître Myriam JEAN, avocat au barreau de METZ, avocat plaidant. DÉFENDERESSES S.A.R.L. [P] LEMOINE[Adresse 4][Localité 7] S.C.I. [Adresse 1][Adresse 1][Localité 7] représentée par Maître Christophe LEVY-DIERES de la SELEURL ARGONE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0135 Copies éxécutoires délivrées le : - Maître DAUCHEL #W009- Maître LEVY-DIERES # A135 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 01 Juin 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2023, puis prorogé en dernier lieu au10 Novembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoireen premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La sarl Genot exploite sous le nom commercial et l'enseigne ‘Maison des soeurs macarons' un commerce de confiseries et en particulier de macarons de [Localité 7]. Elle est titulaire d'une marque semi-figurative française ‘Maison des soeurs macarons à [Localité 7]' numéro 1 428 634 déposée en 1987 pour renouveler un dépôt antérieur de 1977 et enregistrée pour désigner des macarons (classe 30), représentée ci-dessous (ci-après la marque Maison des soeurs macarons). 2. La société [P]-lemoine (ci-après la société [P]) exploite un commerce de même genre et la SCI [Adresse 1] (ci-après la SCI [Adresse 1]), dont le dirigeant est le même, est propriétaire depuis 2018 d'un local au rez-de-chaussée à l'adresse éponyme, ayant abrité l'atelier historique de l'enseigne Maison des soeurs macarons et contenant toujours d'anciens fours à bois. 3. La SCI [Adresse 1] est titulaire de la marque française semi-figurative ‘[5] [Adresse 1]' numéro 4 531 162 déposée le 6 mars 2019 et enregistrée le 16 aout suivant pour désigner divers produits en classe 30 et divers services en classe 41 (ci-après la marque [5]), représentée ci-dessous. 4. La société Genot a déposé le 19 aout 2020 une marque verbale française ‘Soeurs macaron' pour désigner des produits en classe 30 et des services en classe 35, à laquelle les sociétés [P] et [Adresse 1] ont fait opposition le 9 novembre 2020, en se prévalant de la marque [5] de la SCI [Adresse 1], de la dénomination de celle-ci, de son « nom commercial ou enseigne » Musée [5] [Adresse 1] des soeurs macarons, ainsi que du nom de domaine [5].fr dont la société [P] s'est dite titulaire. 5. Reprochant alors à ces sociétés l'usage de signes contenant les termes « soeurs macarons », dont celui de la marque [5], la société Genot les a assignées en contrefaçon de la marque Maison des soeurs macarons, concurrence déloyale et nullité de la marque [5], le 16 avril 2021. La procédure d'opposition devant l'Institut national de la propriété intellectuelle est suspendue dans l'attente de la présente décision. L'instruction a été close le 7 février 2023. Prétentions des parties 6. Dans ses dernières conclusions (23 septembre 2022), la société Genot, qui soulève l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles et y résiste au fond, invoque d'une part la contrefaçon de sa marque et une concurrence déloyale, demandant 100 000 de provision à la seule société [P] au titre de la contrefaçon et 120 000 euros de dommages et intérêts définitifs aux sociétés [P] et [Adresse 1] prises solidairement au titre de la concurrence déloyale, outre 20 000 euros (définitifs) pour préjudice moral et d'image aux deux titres et aux deux sociétés prises solidairement, ainsi qu'un droit d'information contre la société [P] et des mesures d'interdiction et de publication, d'autre part la nullité de la marque de la défenderesse. Elle demande par ailleurs d'enjoindre à la défenderesse de retirer son opposition à sa nouvelle marque et réclame enfin 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 7. Dans leurs dernières conclusions (5 décembre 2022), les sociétés [P] et [Adresse 1] résistent aux demandes, reconventionnellement demandent la nullité de la marque Maison des soeurs macarons, subsidiairement sa déchéance, la nullité de la marque Soeurs macaron, invoquent une concurrence déloyale au titre de laquelle la société [P] demande 278 473,50 euros « à parfaire » pour préjudice économique et 15 000 euros pour préjudice moral ainsi que des mesures d'interdiction et publication. Elles demandent enfin ensemble 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et « les frais de la médiation ». Moyens des parties 8. La société Genot estime que la marque [5] est nulle pour caractère trompeur, pour risque de confusion avec sa marque antérieure et son nom commercial, pour fraude et mauvaise foi. Elle lui reproche en effet de faire croire que les pâtisseries vendues sous cette marque sont fabriquées dans le « four des soeurs macarons » au 10 de la rue homonyme alors que ne s'y trouve qu'un musée, d'avoir pour objectif de faire croire que la société [P] fabrique les pâtisseries traditionnelles des soeurs macarons et de viser encore à l'empêcher, elle, d'exploiter sa marque. 9. Sur la contrefaçon, elle reproche à la société [P] d'utiliser l'appellation « Soeurs macarons » à titre commercial et publicitaire sur sa vitrine, son site internet, la page du site des journées du patrimoine consacrée au musée du [Adresse 1], lequel ne serait, selon elle, qu'un alibi pour placer l'expression « Soeurs macarons » sur le site de la société [P]. 10. Sur la concurrence déloyale, elle soutient que la société [P] s'approprie la marque, le « patrimoine secret », la « recette authentique » et l'histoire réelle des soeurs macarons, en faisant le lien avec les [5], en utilisant cette appellation dans sa communication commerciale et en ligne pour désigner une pâtisserie sans mettre en oeuvre le « savoir faire particulier de la recette originale tenue secrète », et en cherchant à susciter la confusion et en recourant à une communication axée sur la recette historique et la tradition. Elle lui reproche également d'utiliser la même présentation des produits, vendus également à la douzaine. 11. Sur son préjudice, elle estime d'abord nécessaire de connaitre le nombre de macarons vendus depuis 2019 par la société [P] et le chiffre d'affaires associé car celle-ci utilise depuis cette date la dénomination Soeurs macarons dans sa communication pour faire croire qu'elle détient le savoir-faire de la recette originale. Dans l'attente de ces documents, elle demande une provision de 100 000 euros. S'agissant de la concurrence déloyale et parasitaire, elle fait valoir son chiffre d'affaires annuel de 541 805 euros sur les macarons, ses investissements pour renforcer l'excellence du savoir-faire transmis depuis plusieurs siècles et promouvoir la notoriété de ses macarons (123 000 euros HT de dépenses de communication en cinq ans). Elle invoque encore un préjudice moral et d'image de 20 000 euros du fait de la dilution de sa marque et de la contestation par la société [P] de l'existence d'une recette secrète, ce qu'elle qualifie de comportement dénigrant. 12. Contre la demande reconventionnelle en nullité de sa marque Maisons des soeurs macarons, qu'elle estime prescrite, elle conteste le caractère trompeur de la marque. Contre la demande reconventionnelle en concurrence déloyale, dont elle estime qu'elle met « en évidence [la] démarche déloyale » des sociétés [P] et [Adresse 1], la société Genot rappelle la chaine de succession de fonds de commerce et de transmission de savoir-faire, explique revendiquer seulement la seule recette des soeurs macarons et non la seule recette de macarons de Nancy, affirme que l'histoire des soeurs macarons est un fait historique et estime que c'est même pour cette raison que la SCI [Adresse 1] a acquis l'appartement et le four pour en faire un musée. ** 13. Les sociétés [P] et [Adresse 1] soulèvent la nullité de la marque Maison des soeurs macarons pour caractère trompeur, car cette marque suppose selon elles que les soeurs macarons seraient à l'origine de l'entreprise, que celle-ci aurait été fondée en 1793 et qu'une recette secrète aurait été transmise depuis au titulaire de la marque, ce qui est faux, affirment-elles, contestant notamment la succession invoquée par la demanderesse et en particulier le fait que la première successeuse des « soeurs macarons » fût la nièce de l'une d'elle comme l'affirme la demanderesse. Elles estiment que dans ce cadre le déposant de la marque aurait en réalité tenté de s'approprier un patrimoine historique sur lequel il n'avait aucun droit. Elles en invoquent subsidiairement la déchéance en ce qu'elle serait devenue trompeuse en entretenant faussement le lien avec le lieu de fabrication historique au [Adresse 1], qui n'est plus le lieu de fabrication actuel, mais auquel renvoient selon elles dans la marque l'élément verbal « Maison des soeurs macarons » et le dessin de religieuse qui correspond au vitrail encastré dans une porte du bâtiment, vitrail qui est d'ailleurs, ajoutent-elles, reproduit sans autorisation sur la boutique et le site internet de la société Genot. Elles ont précisé dans leurs dernières conclusions que la fin de non-recevoir dirigée contre leur demande en nullité n'était pas recevable faute d'avoir été présentée au juge de la mise en état. Celui-ci n'est pas intervenu avant de prononcer la clôture. 14. Contre la demande en nullité de la marque [5], les sociétés [P] et [Adresse 1] font valoir qu'elle n'est pas trompeuse dès lors qu'il y a bien un musée à l'adresse indiquée, qui abrite bien les fours historiques des soeurs macarons, contestent toute mauvaise foi ou intention de nuire, expliquant avoir simplement déposé la marque dans le cadre de l'exploitation d'un immeuble dont la SCI [Adresse 1] est propriétaire et précisant que la marque n'est utilisée que pour le musée dont la communication précise qu'il est exploité par la « Confiserie [P] ». Elles contestent tout risque de confusion en soulignant que les marques sont différentes, ajoutent que conceptuellement les marques font référence aux soeurs macarons qui sont, estiment-elles, un symbole historique et comme tel insusceptible d'appropriation. Elles rappellent qu'une enseigne ou un nom commercial ne peut pas servir d'antériorité sauf à être connu sur l'ensemble du territoire. 15. Contre la demande en contrefaçon, elles soutiennent que la marque de la demanderesse ne lui donne pas de droit de propriété sur le signe verbal Soeurs macarons, insistent sur le fait que les soeurs macarons font partie du patrimoine historique de [Localité 7] et ne sauraient dès lors être appropriées par la société Genot, font valoir que le signe litigieux n'est utilisé que pour le musée situé au [Adresse 1], qu'aucun acte de contrefaçon n'est imputable à la société [P], les occurrences du signe Soeurs macarons sur son site ne suscitant aucun risque de confusion ou consistant en la mention des fours, ce qui n'est pas contrefaisant, estiment-elles. Elles ajoutent que le fait qu'un lien vers le site de la société [P] apparaisse sur la page du site des journées du patrimoine dédiée au [Adresse 1], ne leur est pas imputable, ce site étant un site du gouvernement. 16. Contre la demande en concurrence déloyale, elles indiquent ne pas exploiter la marque [5] pour un commerce de vente de macarons, seulement pour un musée, sans faire de lien entre la « Confiserie [P] » ou le musée et la prétendue recette secrète de la société Genot, et sans aucun risque de confusion. 17. Contre les mesures et réparations réclamées, elles estiment que la demanderesse ne démontre pas son préjudice mais que puisqu'elle le chiffre déjà elle n'a pas besoin de connaitre le chiffre d'affaires de la société [P], de sorte que la demande de communication en ce sens devrait être rejetée. Elles soulignent que leur commerce de macarons est exploité exclusivement sous les signes de la Confiserie [P] et non Soeurs macarons. Elles contestent l'existence de tout risque de confusion, y compris s'agissant de la concurrence déloyale, font valoir que la demanderesse n'allègue aucune perte et rappellent que les faits litigieux ont débuté en 2019. 18. Sur leur demande reconventionnelle en concurrence déloyale, elles reprochent à la société Genot de se prétendre dépositaire d'une recette authentique des soeurs macarons alors que celles-ci ne sont qu'une légende et qu'il est faux de dire qu'une des soeurs macarons a transmis cette recette à sa nièce alors d'une part qu'il ne s'agissait pas de sa nièce mais de la nièce par alliance de sa soeur et d'autre part que rien n'indique qu'une recette aurait été transmise. Ce comportement donne selon elles à la société Genot un avantage concurrentiel indu, qu'elles estiment à 5% de son chiffre d'affaires annuel soit 278 473,50 euros. Elles lui reprochent en outre de se présenter à tort comme le seul fabricant de « véritables » macarons de [Localité 7] ce qui vulgariserait les produits de la société [P] et lui causerait ainsi un préjudice forfaitaire de 15 000 euros. Elles en déduisent que la société Genot doit se voir contraindre à cesser de revendiquer tout lien de succession qu'elle aurait avec les soeurs macarons et toute référence à une recette secrète et authentique. MOTIVATION I . Demande reconventionnelle en nullité de la marque Maison des soeurs macarons 19. Soulevé également par les sociétés [P] et [Adresse 1] par voie d'exception à l'encontre de la demande en contrefaçon formée par la société Genot, le moyen de défense tiré de la nullité de cette marque est recevable quand bien même une demande d'annulation de la marque par voie d'action se heurterait à une fin de non-recevoir. Il est donc nécessaire de l'examiner. 1 . Nullité 20. Les parties s'appuient sur le code de la propriété intellectuelle dans sa version en vigueur depuis le 15 décembre 2019. Toutefois, les conditions de validité d'une marque, qui s'apprécient à la date de la demande d'enregistrement, sont régies par la loi en vigueur à cette date, c'est-à-dire ici la loi du 31 décembre 1964 sur les marques, dont l'article 3 prévoit notamment que ne peuvent être considérées comme marques celles qui comportent des indications propres à tromper le public. 21. Les sociétés [P] et [Adresse 1] soutiennent en substance que la marque est trompeuse en ce qu'elle revendiquerait une origine et une recette secrète remontant aux religieuses [R] [X] et [L] [C], figures légendaires qui furent appelées « soeurs macarons », alors qu'une transmission de celles-ci jusqu'à la société Genot ne serait pas prouvée (et ce d'autant moins qu'il s'agirait seulement d'une légende) et que cette origine serait en fait un patrimoine commun de la ville de [Localité 7]. 22. Ce raisonnement suppose que le public pertinent connait l'histoire des « soeurs macarons » et comprend, en voyant la marque dont les mentions verbales complètes sont « Maison des soeurs macarons à [Localité 7] (déposé) - origine des macarons de [Localité 7] - maison fondée en 1793 - marque de fabrique », qu'il s'agit du commerce originel fondé par ces religieuses. 23. Une telle affirmation est toutefois erronée : le public pertinent, c'est-à-dire les consommateurs de macarons, donc le grand public, raisonnablement informé, n'a pas une connaissance aussi pointue de l'histoire du produit. Confronté à cette marque (représentée ci-dessus au point 1), le public est seulement conduit à penser que les produits visés sont vendus par une entreprise pouvant légitimement prétendre à une origine vers la fin du XVIIIe siècle (« maison fondée en 1793 ») et un rôle précurseur dans le développement desdits produits dans la ville de [Localité 7] (« origine des macarons de [Localité 7] »). 24. S'agissant du nom lui-même (Maison des soeurs macarons), le public n'y verra aucune indication : un tel nom peut avoir de nombreuses explications, par exemple une référence à des religieuses, ce qu'indique également le dessin, mais sans que cette référence suffise à laisser entendre au public qu'il s'agit d'une caractéristique réelle du produit, notamment au regard de son origine ou sa fabrication. Quant à l'existence d'une recette authentique transmise depuis l'origine, elle n'est pas indiquée par la marque. 25. Il faut donc seulement vérifier si les deux attentes que la marque fait naitre dans l'esprit du public, indiquées au point 23, sont fausses, étant rappelé que la charge de la preuve incombe à celui qui allègue le caractère trompeur de la marque. 26. La marque litigieuse a été déposée par [G] [Y] en 1987 (la loi de 1964 ne prévoyait pas le renouvèlement mais seulement des dépôts successifs tous les 10 ans). Celui-ci était propriétaire du fonds de commerce connu sous le nom de Maison des soeurs macarons, qu'il a cédé le 31 janvier 1991 à la société Genot (pièce Genot no24). 27. [G] [Y] avait succédé à ses parents, les époux [O] [Y] et [R] [M] (pièce Genot no24), qui avaient eux-mêmes acquis le fonds de commerce sur les époux [O] [K] et [A] [E] en 1935 (pièces Genot no23 et 24), qui l'avaient eux-mêmes acquis en 1920 sur les époux [W] [K] et [F] [T] (pièce Genot no23 et 22b), qui l'avaient acquis en 1903 sur les époux [S] [K] et [A] [J] (pièces Genot no22a et 22b), le fonds étant alors déjà connu sous le nom de Maison des soeurs macarons et situé à la même adresse du [Adresse 2] (devenue [Adresse 1]). [S] [K] avait auparavant déposé une marque semi-figurative Maison des soeurs macarons à [Localité 7] en 1893 (pièce Genot no4), cédée avec le fonds en 1903 (et dont le devenir ultérieur n'est pas indiqué par les parties). 28. Il est constant que cette adresse est celle à laquelle vivaient, ou auraient vécu selon la légende s'il s'agit seulement d'une « légende », les soeurs [R] (ou [N]) [X] et [L] [C], qui sont les « soeurs macarons » à l'origine du nom (comme l'affirment elles-mêmes les sociétés [P] et [Adresse 1] dans leurs conclusions p. 7, p. 33 et comme l'attestent de nombreuses pièces dont elles se prévalent, par exemple no9b). Les sociétés [P] et [Adresse 1] invoquent elles-mêmes un récit paru au XIXe siècle, en 1863, dans le journal Figaro, qui fait état du commerce de macarons déjà situé [Adresse 2] sous l'enseigne Les Soeurs macarons en référence aux deux religieuses qui y auraient été accueillies à la Révolution, commerce dont les macarons « sont toujours, au dire des gourmets, aussi bons que par le passé » (leur pièce no7a), récit cité mot pour mot en 1875 dans un autre ouvrage dont elles se prévalent (leur pièce no7b, Hostelains et taverniers de [Localité 7]), qui ajoute que le commerce des Soeurs macarons au [Adresse 2] appartient alors aux [D], depuis que la dernière survivante des deux soeurs macarons, [N] [X], y aurait associé sa nièce, mariée à un [D]. Ce récit est complété encore par une autre pièce communiquée par les sociétés [P] et [Adresse 1] (leur pièce no7c, Histoire de [Localité 7], 1909, p. 773) qui donne la date de 1793 pour la fermeture du couvent des deux religieuses et confirme la transmission du commerce des [D] aux [K]. Un dernier document cité par les sociétés [P] et [Adresse 1] elles-mêmes (leur pièce no7d, Les Rues de [Localité 7], 1885), va jusqu'à affirmer que le commerce du [Adresse 2] est alors l'unique fabricant des macarons de [Localité 7]. 29. Pour la période antérieure, la société Genot démontre que le [Adresse 2] était déjà désigné comme un immeuble présentant une enseigne des Soeurs macarons dans un journal d'annonces dont la date, ajoutée à la main mais non contestée, est le 16 juin 1829 (sa pièce no78). 30. Il en résulte que le commerce à l'enseigne des Soeurs macarons, dont le déposant de la marque pouvait valablement se dire le successeur, est susceptible d'être à l'origine des macarons de [Localité 7] comme l'affirme la marque et qu'il correspond à un récit impliquant deux religieuses ayant commencé à fabriquer des macarons à l'adresse de ce commerce après la fermeture de leur couvent en 1793. 31. Il résulte également de ce qui précède que l'histoire des « soeurs macarons », qu'elle soit réelle ou non, est indissociable du commerce de macarons dont le déposant de la marque était le propriétaire. Il ne s'agit donc pas d'un « patrimoine commun » comme l'affirment péremptoirement les sociétés [P] et [Adresse 1]. 32. Par conséquent, le moyen tiré du caractère trompeur de la marque est écarté. 2 . Déchéance 33. La déchéance est régie par les textes en vigueur à la date à laquelle la prise d'effet de la déchéance est demandée. Il faut supposer ici qu'il s'agit de la date à partir de laquelle des faits de contrefaçon sont reprochés à la société [P], soit le courant de l'année 2019. 34. L'article 20 de la directive 2015/2436 rapprochant les législations des États membres sur les marques (la directive), entré en vigueur le 15 janvier 2019 sans délai de transposition, et reprenant les dispositions en substance identiques de l'article 12, paragraphe 2 de la directive 2008/95, prévoit la déchéance de la marque devenue trompeuse dans les termes suivants : « Le titulaire d'une marque peut être déchu de ses droits lorsque, après la date de son enregistrement, la marque:(...)b) risque, par suite de l'usage qui en est fait par le titulaire ou avec son consentement pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, d'induire le public en erreur notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique de ces produits ou de ces services. » 35. Ces dispositions sont mises en oeuvre en droit interne en des termes non incompatibles par l'article L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction antérieure au 15 décembre 2019. 36. Les sociétés [P] et [Adresse 1] soutiennent en substance que la marque serait devenue trompeuse car elle renverrait à la « maison » des soeurs macarons, qui serait l'immeuble situé au 10 de la rue du même nom, alors que les produits désignés par la marque ne sont plus ni fabriqués ni vendus en ce lieu. 37. La marque, qui ne mentionne aucune adresse ni aucun nom de lieu hormis la ville de [Localité 7], contient l'élément verbal « maison », ce qui dans une marque s'entend a priori au sens d'entreprise commerciale et non de bâtiment d'habitation. Cette interprétation est au demeurant confirmée par un autre élément verbal de la marque précisant que cette « maison » a été fondée en 1793, ce qui renvoie sans équivoque pour le public à la fondation de l'entreprise et non à la construction d'un immeuble. 38. Quant à la correspondance entre le dessin d'une femme pouvant être une religieuse dans la marque et le même dessin sur une vitre du [Adresse 1], elle est évidemment indifférente : outre que le grand public ne connait pas cette coïncidence, elle n'est pas de nature à laisser penser que le produit vendu sous la marque a un lien avec le lieu où se trouve ce dessin. 39. S'agissant enfin de l'absence d'autorisation de reproduire ce vitrail dans la marque, le tribunal n'est pas parvenu à comprendre en quoi le propriétaire d'un immeuble pourrait par principe interdire aux tiers de reproduire des éléments de cet immeuble, et en quoi cela aurait une incidence sur le caractère trompeur d'une marque. 40. Le moyen de déchéance, dépourvu de sérieux, est donc écarté. 41. Il en résulte que la marque contestée n'est ni nulle, ni déchue, et que la demande reconventionnelle en ce sens, à la supposer recevable, est en toute hypothèse infondée et peut donc être rejetée. II . Demande en nullité de la marque [5] 42. L'article 4 de la directive 2015/2436, dont le délai de transposition a expiré avant le dépôt de la marque en cause, régit la nullité d'une marque nationale à raison de la mauvaise foi du déposant dans les termes suivants : « 2. Une marque est susceptible d'être déclarée nulle si sa demande d'enregistrement a été faite de mauvaise foi par le demandeur. Un État membre peut aussi prévoir qu'une telle marque est refusée à l'enregistrement. » 43. S'agissant de la mauvaise foi, l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle en vigueur à la date du dépôt de la demande d'enregistrement, qui permet la revendication de la marque déposée en fraude des droits du demandeur, combiné au principe selon lequel la fraude corrompt tout, autorise une interprétation conforme à l'article 4, paragraphe 2, précité, de la directive, prévoyant la nullité de la marque déposée de mauvaise foi (voir, en ce sens, Cass. Com., 17 mars 2021, no18-19.774). 44. La cause de nullité tirée de la mauvaise foi s'applique lorsqu'il ressort d'indices pertinents et concordants que le titulaire d'une marque a introduit la demande d'enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l'intention de porter atteinte, d'une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l'intention d'obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque, notamment de la fonction essentielle d'indication d'origine (CJUE, 29 janvier 2020, Sky, C-371/18, point 75 et jurisprudence citée). 45. La logique commerciale du dépôt de la marque litigieuse au regard des activités du déposant est un facteur pertinent (CJUE, 12 septembre 2019, Koton, C-104/18 P, point 62 in fine), mais sans pouvoir déduire une mauvaise foi de la seule absence d'activité économique, le déposant disposant d'un délai de cinq ans pour débuter l'usage sérieux de sa marque (CJUE, Sky, précité, points 76 et 78). 46. Il est constant que la marque litigieuse a été déposée par la SCI [Adresse 1] essentiellement pour désigner une activité de musée au [Adresse 1], qui est le local où se trouvait jusqu'au début des années 1980 l'atelier de l'entreprise des époux [O] [Y] et [R] [M] et de leur successeur [G] [Y], qui a ultérieurement cédé le fonds à la société Genot. 47. Il résulte de l'analyse menée ci-dessus aux points 27 à 29 que le local du [Adresse 1], où se trouvent les fours auxquels la marque litigieuse fait référence, était le local, à partir de 1829 (au moins) et jusqu'au début des années 1980, du commerce de macarons connu sous le nom de (Maison des) Soeurs macarons dont la société Genot est aujourd'hui propriétaire du fonds, désormais exploité à une autre adresse. À supposer même que les soeurs [R] [X] et [L] [C] n'aient pas eu d'existence réelle et n'aient pas été à l'origine des Soeurs macarons, il n'en demeure pas moins qu'une seule entreprise a utilisé ce nom et cette origine, vraie ou supposée, depuis le XIXe siècle, et a exploité un commerce de pâtisserie dans ce local : au-delà de leur contestation systématique de la réalité de la transmission d'une « recette secrète » jusqu'à la société Genot et de leur affirmation générale selon laquelle les Soeurs macarons seraient un bien commun, les sociétés [P] et [Adresse 1] n'apportent en effet aucun élément de nature à suggérer (sans parler de prouver) qu'une autre personne aurait contribué à l'émergence de l'histoire ou de la légende des soeurs macarons. Cette histoire, ou cette légende, est donc celle de la société Genot. 48. Le musée en cause, dédié, selon la SCI [Adresse 1] elle-même, à l'histoire du lieu de fabrication des macarons, est donc nécessairement un musée destiné à l'histoire de la Maison des soeurs macarons, donc de l'entreprise appartenant à la société Genot. 49. Un tel musée est a priori honnête et un commerçant ne peut empêcher des tiers de raconter son histoire, à condition, toutefois, pour le tiers de ne pas se faire passer pour le sujet de cette histoire, et plus généralement de ne pas s'en servir pour favoriser un produit ou un service concurrent de celui dont on raconte l'histoire. 50. Or, ici, il est constant que la SCI [Adresse 1], déposant et titulaire de la marque litigieuse et qui n'a aucune autre activité, est dirigée par le dirigeant de la société [P], concurrente directe de la société Genot ; les sociétés [P] et [Adresse 1] se désignent d'ailleurs explicitement dans leurs conclusions comme constituant ensemble « la Confiserie [P] » : ces deux sociétés agissent donc de concert dans un même but qui est celui d'un commerce de confiserie (ou de pâtisserie), concurrent de celui de la société Genot. 51. Les conditions d'exploitation de ce « musée » confirment l'intention de la « Confiserie [P] » de s'approprier l'héritage historique d'un concurrent par l'intermédiaire de son ancien local. En effet, les photographies produites par la société Genot (sa pièce no30), et dont les défenderesses ne contestent pas qu'elles proviennent bien de leur musée du [Adresse 1], montrent que dans ce local, le parcours de visite débute par un panonceau contenant la partie colorée carrée de la marque litigieuse sous laquelle sont écrits les mots « Confiserie [P]-Lemoine », que sur le mur au-dessus d'un four en brique est affichée une plaque avec les mots « [P] [O] » et que sur un présentoir se trouve, parmi des étiquettes anciennes des Soeurs macarons, une boite ancienne de macarons « [P] [U] ». La SCI [Adresse 1] (ou la « Confiserie [P] ») utilise donc la marque litigieuse dans le cadre d'un lieu éducatif ou muséal pour associer le commerce de pâtisseries [P]-Lemoine et son passé à l'histoire de ce lieu, alors que cette histoire est celle d'un commerce concurrent. 52. Ce lien est encore fait sur le site internet de la société [P] qui, dans la rubrique consacrée à son histoire, raconte comment elle a acquis en 1958 le local du [Adresse 1], dont elle précise qu'il abritait le « lieu historique de la marque ‘Maison des soeurs macarons', alors exploitée par [O] [Y] », mais sans préciser que cette entreprise, qui a donné sa valeur historique à ce lieu, est une entreprise différente qui existe toujours. Au contraire, elle entretient la confusion en affirmant être « l'unique gardienne de cet important et si secret patrimoine nancéien ». Le lien entre l'utilisation de la marque litigieuse et le commerce de la société [P] est aussi fait, en sens inverse, sur la page du site officiel des journées du patrimoine consacrée au musée du [Adresse 1], qui indique que « la maison des Soeurs Macarons abrite le musée [5] créé par la Confiserie [P] » et renvoie par un lien hypertexte au site de la société [P]. À cet égard, la contestation des défenderesses qui affirment être étrangères à cette référence car ce site est édité par le gouvernement n'est pas sérieuse : le site des journées du patrimoine référence des lieux selon les informations qui lui sont données, et en toute hypothèse la page en cause indique clairement, par un « crédit » et un signe « copyright », que l'auteur de la notice est la « Confiserie [P]-lemoine ». 53. Le but du dépôt de la marque litigieuse ne s'explique en outre par aucune autre logique économique : le musée n'est ouvert que pendant les journées du patrimoine, soit deux jours par an, ce qui n'est pas un usage économique sérieux. Il s'en déduit que l'activité à laquelle la marque était destinée n'était qu'une activité annexe, servant en réalité, comme cela ressort des constatations des points précédents, à promouvoir un commerce concurrent de celui dont le local en cause était le lieu historique, ou à tout le moins de généraliser abusivement cette histoire en la dissociant de ce commerce. 54. Enfin, l'attitude de la SCI [Adresse 1] traduit par ailleurs la volonté de se servir de la marque, soi-disant destinée à un musée historique, pour empêcher l'entreprise concernée par cette histoire de déposer un signe nécessaire à son activité : la SCI [Adresse 1] s'est en effet prévalue de la marque litigieuse pour faire opposition à la marque verbale Soeurs macaron déposée par la société Genot, alors qu'il s'agit de la partie principale du signe sous lequel le commerce de la société Genot est exploité depuis près de 200 ans. C'est aussi dans ce seul but que se comprend le dépôt de la marque pour les produits en classe 30, la SCI [Adresse 1] ne contestant pas, au demeurant, n'avoir jamais eu aucune intention d'exploiter la marque pour ces produits. 55. Il en résulte que la SCI [Adresse 1], dès la date du dépôt de la marque litigieuse, était animée, à l'égard de l'intégralité des produits et services visés, d'une intention de porter atteinte, d'une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de la société Genot en cherchant à dissocier dans l'esprit du public l'histoire de cette entreprise de la société qui l'incarne, voire à se l'approprier, et dans le même temps à empêcher la société Genot de déposer une marque utile aux besoins légitimes de son activité, ce que la SCI [Adresse 1] savait manifestement. 56. Par conséquent, déposée de mauvaise foi, la marque est annulée. III . Demandes de la société Genot en contrefaçon et concurrence déloyale 1 . Atteinte au droit conféré par la marque a. Cadre juridique 57. Les droits sur les marques nationales sont prévus par la directive 2015/2436, à son article 10, rédigé en ces termes : « 1. L'enregistrement d'une marque confère à son titulaire un droit exclusif sur celle-ci. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque enregistrée, le titulaire de ladite marque enregistrée est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe lorsque :(...)b) le signe est identique ou similaire à la marque et est utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque ;(...). » 58. L'atteinte au droit exclusif conféré par la marque, codifié en droit interne, en des termes non expressément incompatibles avec ceux de la directive, à l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction postérieure au 15 décembre 2019, est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 716-4. 59. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que le droit exclusif du titulaire de la marque, qui n'est pas absolu, ne l'autorise à s'opposer à l'usage d'un signe par un tiers en vertu de l'article correspondant à l'actuel article 10, dans les conditions énumérées au paragraphe 2, sous a) et b), que si cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal football club, C-206/01, point 51 ; plus récemment, CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34). b. Faits litigieux Usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, similaires à ceux de la marque 60. Il ressort de deux constats d'huissier produits par la société Genot (ses pièces no29 et 40) que les 16 décembre 2020 et 22 juin 2021 la page d'accueil du site de la société [P] (www.[06]-lemoine.fr), présentant son activité de vente de pâtisseries, mentionnait « son » musée, « Les [5], [Adresse 1] » et contenait un lien intitulé « [5] » vers un site [5].fr qui était en fait dédié à l'histoire de différentes marques [P] et renvoyait à un troisième site, à la présentation identique à celle du site [06]-lemoine.fr, présentant l'histoire des macarons, à laquelle était intégrée la même référence au musée des « [5] » que dans la rubrique historique du site [06]-lemoine.fr (examinée ci-dessus point 52), et renvoyant, par un lien intitulé « macarons de [Localité 7] » à un quatrième site sur lequel on pouvait acheter des macarons [P]-lemoine. Le site principal [06]-lemoine.fr affirmait également sur sa page d'accueil, le 26 aout 2020, que la « Confiserie [P] » était « la gardienne du berceau des Macarons de [Localité 7] : les [5], [Adresse 1] » (pièce Genot no28). 61. Il s'agit d'un usage non autorisé, dans la vies des affaires, du signe [5] pour faire référence non pas seulement à un musée, mais également à un service de vente de macarons et plus précisément à sa dimension historique (puisqu'il s'agit de décrire l'histoire dont se revendique la « Confiserie [P] »), ce qui est bien un usage « pour des services » au sens de l'article 10, paragraphe 2 de la directive, précité. Le service en cause, la vente de macarons, est similaire au produit pour lequel la marque est enregistrée, à savoir les macarons. Comparaison des signes 62. La marque Maison des soeurs macarons, représentée ci-dessus au point 1, est constituée d'un médaillon au centre duquel est gravé le buste d'une femme à la tête voilée, autour de laquelle sont écrits, en ovale et en lettres capitales, les mots « Maison des soeurs macarons à [Localité 7] (déposé) », puis dans un deuxième ovale concentrique, en lettres capitales de taille inférieure, « Origine des macarons de [Localité 7] » et « Maison fondée en 1793 », enfin, en-dessous, de taille encore inférieure, « marque de fabrique ». 63. S'agissant d'une marque désignant des macarons, les mots du deuxième ovale sont descriptifs, de même que la mention « marque de fabrique », la mention « déposé » dans le premier ovale, et la précision d'origine géographique (« à [Localité 7] »). 64. Le dessin d'un buste de femme au centre de la marque est normalement distinctif, mais en présence d'un élément verbal c'est sur ce dernier que le public cherchera l'élément déterminant de l'origine commerciale du produit, cet élément verbal étant plus à même qu'un dessin figuratif sobre et relativement banal de distinguer cette origine des autres sans risque d'erreur. Ce sont ainsi les mots « Maison des soeurs macarons », qui entourent le centre du médaillon, qui constituent l'élément le plus distinctif de la marque. Le dessin, néanmoins, en montrant une femme susceptible d'être une religieuse, accentue l'importance du mot « soeur », outre que le mot « maison » ne fait que désigner une entreprise, et c'est ainsi, au sein de l'élément verbal principal, le vocable « soeurs macarons » qui est l'élément distinctif dominant. 65. Au sein du signe [5], les mots « macarons » et « fours » décrivent respectivement le produit et un moyen de le fabriquer, de sorte que la partie la plus distinctive est le mot « soeurs » et le groupe verbal qu'il forme avec le mot suivant : « soeurs macarons ». 66. Le signe et la marque sont ainsi similaires (très fortement similaires au plan conceptuel, assez fortement similaires au plan verbal et faiblement similaires au plan visuel) et ont en commun leur élément le plus distinctif. Risque de confusion (et atteinte à la fonction essentielle de la marque) 67. Les usages décrits ci-dessus de ce signe [5] pour un service fortement similaire au produit pour lequel la marque est enregistrée sont manifestement susceptibles d'amener le public pertinent, à savoir ici le grand public normalement informé et raisonnablement attentif, à croire que ces signes désignent le service de la même entreprise, ou du moins d'une entreprise associée au titulaire de la marque, ce qui caractérise un risque de confusion dont découle une atteinte à la fonction essentielle de la marque, donc une atteinte au droit conféré par la marque, c'est-à-dire une contrefaçon. Autres faits d'usage pour un service non similaire 68. En revanche, l'usage du signe Maison des soeurs macarons sur la page du site internet des journées du patrimoine consacrée au local du [Adresse 1] désigne sans équivoque l'immeuble et non un produit ou un service, le signe [5] désigne seulement un service de musée, qui n'est pas similaire aux macarons, de sorte que le risque de confusion est exclu. Il en va de même de l'usage du signe [5] dans le musée du [Adresse 1]. Ces usages, qui ne sont pas illicites au regard du droit des marques, peuvent néanmoins être examinés dans le cadre de la concurrence déloyale. 69. Enfin, si la société Genot allègue également un usage sur la vitrine de la boutique de la société [P], elle ne fait référence à aucune pièce pour le prouver. 2 . Concurrence déloyale 70. Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, et chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. 71. Au visa de ces deux textes, il est constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce. A cet égard, les procédés consistant, par imitation des signes d'un concurrent, à créer dans l'esprit du public une confusion de nature à tromper la clientèle et la détourner, caractérisent des actes de concurrence déloyale. 72. Le fait de vendre des produits sous le même conditionnement qu'un concurrent, ici à la douzaine (ce qui au demeurant n'a rien de particulier) et de se référer à une tradition ancienne, dès lors qu'il ne s'agit pas spécifiquement de celle de son concurrent, n'est pas fautif. 73. La société Genot se plaint en passant (dans la partie relative au préjudice, mais cela concerne en réalité la faute alléguée) de ce que la société [P] contesterait la réalité de sa recette secrète. Toutefois, les copies d'écran du site de celle-ci, que communique la société Genot pour le prouver (sa pièce no28) révèlent que la société [P] présente seulement l'histoire des macarons sous un angle différent en insistant sur une origine plurielle et par quelques slogans promotionnels un peu vides de sens tels que « Les macarons de [Localité 7] n'ont pas de secret. Ils ont une histoire ». Il s'agit d'une communication banale qui est très loin de caractériser un dénigrement des produits ou services de la société Genot, et n'est donc pas fautive. 74. En revanche, il résulte de ce qui précède (partie sur la mauvaise foi, points 44 et suivants) que la SCI [Adresse 1] et la société [P] ont ensemble, dans l'exploitation au musée du [Adresse 1] et la référence qui y est faite sur le site des journées du patrimoine, utilisé l'appellation et l'histoire des « Soeurs macarons » pour promouvoir leur propre commerce alors qu'il s'agit de la désignation historique des produits et du fonds de commerce de la société Genot, ce qui revient à déposséder celle-ci de son propre patrimoine historique. Il ne s'agit pas d'une contrefaçon dans la mesure où l'usage du signe ne désignait pas directement un service ou un produit similaire à celui pour lequel la marque était enregistrée, mais il s'agit en revanche d'un procédé manifestement déloyal, donc fautif. 3 . Réparation et autres mesures 75. Outre le droit commun de la responsabilité, applicable en particulier à l'indemnisation de la concurrence déloyale, la réparation du dommage causé par la contrefaçon est spécialement prévue par l'article L. 716-4-10 du code de propriété intellectuelle selon lequel, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en compte distinctement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière, et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Cette disposition s'inscrit dans le cadre de la réparation intégrale du préjudice, en vertu duquel la partie lésée doit se trouver dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence des faits litigieux, sans perte ni profit pour elle. 76. L'article L. 716-4-9 du code de la propriété intellectuelle, appliquant l'article 8 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, prévoit au bénéfice du demandeur à l'action en contrefaçon de marque un droit d'information en vertu duquel la juridiction peut ordonner, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argüés de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argüés de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services. 77. Au cas présent, la demande d'informations vise exclusivement à déterminer le préjudice. Néanmoins, les faits de contrefaçon consistent seulement en une partie relativement marginale de la stratégie promotionnelle de la défenderesse (des références historiques et à un lieu ouvert seulement deux jours par an dans un site internet surchargé de telles références). Le préjudice causé est lié à l'exposition du public à ces usages, qui banalise la marque et nie l'héritage historique de son titulaire. Il est en revanche impossible de déterminer avec une précision satisfaisante leur effet sur les ventes de la défenderesse ; il peut seulement être estimé que venant d'une partie marginale de la promotion des produits, l'effet sur les ventes est lui-même très faible. Dès lors, il n'est pas pertinent, ici, de chercher à déterminer précisément l'ensemble de ces ventes. Ce qu'il faut apprécier au cas présent est la durée des faits litigieux et l'ampleur de l'exposition du public qui peut s'apprécier plus simplement au regard de l'importance approximative de l'activité de la défenderesse, et s'agissant d'un commerce purement local disposant seulement d'une boutique, cette importance est déjà connue sans qu'il soit utile de préciser son chiffre d'affaires exact. La connaissance de ces ventes et du chiffre d'affaires associé n'apporterait ainsi aucune information supplémentaire utile. Par conséquent, la demande formée au titre du droit d'information est rejetée. 78. Il est constant que les faits litigieux ont débuté en 2019 et la société [P] n'allègue pas y avoir mis fin. Ils ont donc duré environ 4 ans. S'agissant d'un commerce local de produits au prix relativement bas, au regard de cette longue durée, de la gravité de l'atteinte à un élément essentiel du modèle économique de la demanderesse (la réputation historique de ses produits) commis sur plusieurs sites internet différents et en tenant compte de la perte que ces éléments permettent d'estimer pour le titulaire de la marque et du bénéfice marginal envisageable pour le contrefacteur, il s'en infère un préjudice, incluant la perte de valeur de la marque et le préjudice moral, de 40 000 euros, que la société [P] doit être condamnée à payer. La demanderesse ayant seulement demandé une provision, cette condamnation doit être une provision. 79. De la même manière, le préjudice causé par les faits distincts de concurrence déloyale commise par les sociétés [P] et [Adresse 1], peut être estimé, s'agissant de faits limités à l'exploitation d'un lieu deux jours par an et à sa référence sur le site officiel consacré à l'évènement, à 10 000 euros (y compris le préjudice moral et d'image). Ces deux sociétés ont causé ensemble un même préjudice et sont donc tenues de cette condamnation in solidum. 80. Par ailleurs, la cessation du préjudice impose l'interdiction de poursuivre les faits illicites, c'est-à-dire d'une part l'usage du signe Soeurs macarons pour exposer l'histoire du service et des produits de la société [P] et d'autre part, plus généralement, le détournement de l'histoire de la Maison des soeurs macarons. Cette interdiction doit être aussi simple que possible pour permettre d'en prouver et vérifier l'exécution, et la mauvaise foi des défenderesses impose une définition relativement large de l'interdiction pour éviter des contournements. Elle inclut la suppression de toute référence à la « Confiserie [P] » sur le site des journées du patrimoines. Le comportement des défenderesses rend également nécessaire une astreinte. 81. La nature des faits justifie également, pour réparer entièrement le préjudice qu'ils ont causé, une mesure de publication sur le site internet de la société [P] et dans un journal local, aux frais de celle-ci. 82. Enfin, il n'appartient pas au présent tribunal d'obliger explicitement une partie à se désister d'une procédure devant l'office. IV . Demandes reconventionnelles en nullité de la marque verbale Soeurs macaron et en concurrence déloyale 1 . Nullité de la marque verbale Soeurs macaron 83. Il est constant que la marque verbale Soeurs macaron, déposée par la société Genot, n'a pas encore été enregistrée, l'office ayant sursis à statuer sur l'opposition formée contre cette demande de marque par la société [P], dans l'attente de la présente décision sur la marque antérieure invoquée par cette société. 84. Or par définition seule une marque enregistrée peut être annulée. La demande en nullité est donc irrecevable. 2 . Concurrence déloyale 85. La concurrence déloyale, qui inclut les pratiques de nature à tromper le consommateur, est fautive au sens de l'article 1240 du code civil. 86. Ainsi qu'il a été démontré dans les développements qui précèdent, l'histoire des soeurs macarons, que celles-ci aient ou non réellement existé, est d'abord l'histoire particulière d'une entreprise qui existe aujourd'hui sous la forme de la société Genot. Celle-ci est donc légitime à s'en prévaloir, y compris en affirmant détenir une recette d'origine que la continuité de l'exploitation depuis plus d'un siècle et demi rend crédible, outre que c'est à celui qui prétend cette affirmation mensongère qu'incombe la charge de la preuve. Il est par ailleurs contradictoire de la part des sociétés [P] et [Adresse 1] de prétendre à la fois que les soeurs macarons n'existent pas et n'ont donc pas pu transmettre une recette, tout en corrigeant la généalogie de l'une d'elles au point de produire son arbre généalogique (leur pièce no19). Enfin, la société [P] ne vise aucune pièce pour démontrer son affirmation selon laquelle la société Genot se présenterait comme le seul fabricant de « véritables » macarons de [Localité 7]. 87. Sa demande, manifestement infondée, est par conséquent rejetée. V . Dispositions finales 88. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 89. La société [P] et la SCI [Adresse 1], qui perdent le procès, sont tenues aux dépens et l'équité implique qu'elles indemnisent intégralement la société Genot des frais qu'elle a dû exposer à cette occasion. 90. L'exécution provisoire est de droit et, hormis pour l'inscription au registre de la nullité de la marque, rien ne justifie de l'écarter au cas présent, y compris pour la publication au regard de l'évidence du caractère fautif des faits concernés. Pour préserver l'effectivité du droit d'appel, la publication mentionnera toutefois que la condamnation dont elle fait état est susceptible d'appel. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Rejette la demande en nullité et en déchéance de la marque Maison des soeurs macarons, numéro 1 428 634 ; Annule la marque française [5], numéro 4 531 162 ; Ordonne la transmission de la présente décision à l'INPI aux fins d'inscription au registre des marques lorsqu'elle aura force de chose jugée, à l'initiative de la partie la plus diligente ; Condamne la société [P]-lemoine à payer une provision de 40 000 euros à la société Genot au titre de la contrefaçon ; Condamne in solidum la société [P]-lemoine et la SCI [Adresse 1] à payer 10 000 euros à la société Genot au titre de la concurrence déloyale ; Rejette la demande de la société Genot formée au titre du droit d'information ; Ordonne à la société [P]-lemoine de cesser tout usage des mots « Soeurs macarons », y compris pour faire référence à l'adresse du [Adresse 1] ou à tout établissement qui s'y trouverait, aux [5], à leur histoire ou leur légende, et ce dans un délai de 10 jours suivants la signification du présent jugement sous une astreinte de 500 euros par jour de retard, qui courra pendant 180 jours ; Interdit à la SCI [Adresse 1] de faire référence, directement ou indirectement, de quelque façon que ce soit, y compris par les objets présents dans ses locaux, à la société [P]-lemoine (ou toute personne à laquelle celle-ci succède ou qui lui succèderait, y compris toute autre entreprise dont le nom contient « [P] ») et son activité de vente de pâtisseries ou confiseries, et ce sous une astreinte de 3 000 euros par infraction constatée, qui courra passés 10 jours suivant la signification du jugement puis pendant 365 jours ; Condamne la société [P]-lemoine à afficher sur son site internet, en haut de chaque page, d'une façon extrêmement visible, pendant une durée de trois mois, sous une astreinte de 1 000 euros par jour de retard qui courra passé un délai de 10 jours suivant la signification du jugement puis pendant 180 jours, le communiqué suivant : « La confiserie [P] a été condamnée le 10 novembre 2023 par le tribunal judiciaire de Paris (par un jugement susceptible d'appel) à indemniser la maison des Soeurs macarons pour avoir tenté de s'approprier son histoire à travers la communication qu'elle a menée sur son site internet et dans un musée créé à cette fin dans l'ancien local historique des Soeurs macarons, commettant ainsi une contrefaçon de marque et une concurrence déloyale. » Autorise la société Genot à publier le communiqué ci-dessus dans deux numéros d'un périodique local de son choix, et condamne la société [P] à lui en rembourser le prix sur présentation des factures dans la limite de 5 000 euros au total ; Se réserve la liquidation des astreintes ; Rejette la demande en injonction de se désister de la procédure d'opposition à l'INPI ; Déclare irrecevable la demande reconventionnelle en nullité d'une marque verbale Soeurs macaron ; Rejette les demandes reconventionnelles en concurrence déloyale (dommages et intérêts, interdiction, publication) ; Condamne in solidum les sociétés [P]-Lemoine et [Adresse 1] aux dépens ainsi qu'à payer 20 000 euros à la société Genot au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire, sauf en ce qui concerne l'inscription de la nullité au registre des marques. Fait et jugé à Paris le 10 Novembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000048550575 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550575.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 10 novembre 2023, 22/05936 | 2023-11-10 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/05936 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/05936No Portalis 352J-W-B7G-CW45T No MINUTE : Assignation du :11 Mai 2022 JUGEMENT rendu le 10 Novembre 2023 DEMANDERESSE S.A.S. GROUPE VEGA [Adresse 2][Localité 4] représentée par Maître Arnault GROGNARD, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E1281 et par Maître Stéphanie BAUDRY, de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreaud e TOURS, avocat plaidant. DÉFENDERESSE S.A.S. ART ET AZUR[Adresse 3][Localité 1] représentée par Maître Hussein MAKKI, avocat au barreau de PARIS, avocat postuant, vestiaire #D1930 et par Maître Ouassini MEBAREK de la SELARL JUDICIAL, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant. Copies délivrées le : - Maître GROGNARD #E1281- Maître MAKKI #D1930COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 22 Juin 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2023 puis prorogé en dernier lieu au 10 Novembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à dipsosition au greffe Contradictoireen premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La Société Groupe vega est titulaire de plusieurs marques dont la marque verbale de l'Union européenne Decopierre numéro 4 857 702, déposée le 18 janvier 2006 et enregistrée le 18 juin 2007 pour désigner divers produits et services en classes 19, 37 et 42, dont les enduits (matériaux de construction). 2. Elle reproche à la société Art et azur d'avoir, à partir de 2018, fait usage d'un signe Eco-pyere dans un nom de domaine et sur un site internet, en contrefaçon de sa marque, et d'y avoir repris des éléments de son site internet, ce qu'elle qualifie de concurrence déloyale et parasitaire. 3. Après une première mise en demeure en 2018 dans laquelle elle reprochait également à la société Art et azur d'avoir utilisé le mot clef Decopierre pour son référencement sur l'internet, puis une nouvelle en 2020 par laquelle elle lui reprochait le maintient des autres faits litigieux, la société Groupe vega a demandé une interdiction en référé, ce qui a été rejeté par ordonnance du 16 décembre 2021. 4. La société Groupe vega a alors assigné la société Art et azur au fond le 11 mai 2022. L'instruction a été close le 15 décembre 2022. Prétentions des parties 5. Dans ses dernières conclusions (9 novembre 2022), la société Groupe vega demande en substance que la société Art et azur soit condamnée à lui payer 79 800 euros de dommages et intérêts pour contrefaçon et concurrence déloyale, supprimer tout élément de communication copié sur les siens et tout usage du mot « Eco-pyere », supprimer ou lui transférer le nom de domaine eco-pyere.fr, publier la décision, le tout sous astreintes, ainsi qu'à lui payer 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 6. Dans ses dernières conclusions (19 octobre 2022), la société Art et azur résiste aux demandes et réclame elle-même 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens « conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ». Moyens des parties 7. La société Groupe vega reproche d'abord à la société Art et azur d'avoir repris sur son site internet, à l'identique, ses arguments, slogans et concepts commerciaux, en créant une fausse appartenance à un réseau dont le nom, Eco-pyere, est très similaire au sien (Decopierre) ce qui suscite selon elle un risque de confusion et caractérise un parasitisme, et ce en parfaite connaissance de cause, ajoute-t-elle, car le dirigeant de la société Art et azur est un ancien concessionnaire du réseau Decopierre. 8. Sur la contrefaçon, elle reproche à la société Art et azur de faire usage, dans son nom de domaine eco-pyere.fr et dans plusieurs publications sur le site internet correspondant, pour des produits et services en matière d'enduits muraux, du signe Eco-pyere, quasiment identique phonétiquement à sa marque Decopierre sans que la différence d'orthographe ou l'absence de la lettre d'attaque ‘D' suffise à les distinguer suffisamment pour éviter, au regard de leur impression d'ensemble, un risque de confusion. Elle ajoute que le signe litigieux a été volontairement choisi pour créer la confusion car les deux sociétés étaient des partenaires commerciaux. 9. Sur son préjudice, elle invoque en application du 2e alinéa de l'article L. 716-4-10 la redevance qui aurait été due si le contrefacteur avait sollicité l'autorisation d'exploiter. Elle expose à cet égard qu'elle facture en moyenne 19 800 euros par an à ses concessionnaires pour l'utilisation de la marque et que la contrefaçon ayant duré au moins depuis mars 2018 il en résulte un montant de 79 200 euros. ** 10. En réplique, la société Art et azur conteste avoir été en relation avec la société Groupe vega, le contrat de concessionnaire invoqué par celle-ci visant en fait des sociétés différentes de celles parties à la présente instance, et fait valoir que le juge des référés a déjà estimé le parasitisme non caractérisé. 11. Contre la contrefaçon, elle conteste la similitude du signe et de la marque, faisant valoir que Deco et Eco ne représentent rien de similaire, comme l'a encore relevé le juge des référés, indique-t-elle. 12. Sur le préjudice, elle soutient que la preuve de la durée des faits n'est pas rapportée, ni celle de la redevance alléguée. MOTIVATION I . Demandes en contrefaçon et concurrence déloyale 1 . Atteinte au droit conféré par la marque 13. Bien qu'elle annonce être titulaire de trois marques, la société Groupe vega ne fonde en réalité sa demande, dans sa discussion, que sur la marque verbale Decopierre (ses conclusions pp. 10-11). 14. Le droit conféré par les marques de l'Union européenne est prévu, depuis le 1er octobre 2017, par le règlement 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne, à son article 9, rédigé en ces termes : « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque; (...) » 15. L'atteinte au droit conféré par la marque de l'Union européenne est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle. 16. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que le droit exclusif du titulaire de la marque, qui n'est pas absolu, ne l'autorise à s'opposer à l'usage d'un signe par un tiers en vertu de l'article 9, dans les conditions énumérées au paragraphe 2, sous a) et b), que si cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, et notamment à sa fonction essentielle, qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJCE, 12 novembre 2002, [5], C-206/01, point 51 ; plus récemment, CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34). 17. La Cour de justice de l'Union européenne a également précisé, dès la première directive rapprochant les législations sur les marques, que le risque de confusion dépend de plusieurs critères interdépendants, dont le degré de similitude entre les produits ou services et les signes en cause, la connaissance de la marque sur le marché, mais aussi le degré de distinctivité de cette marque, le risque de confusion étant d'autant plus grand que celle-ci est plus distinctive, et inversement (voir par exemple CJCE, 29 septembre 1998, Lloyd Schuhfabrik, C-342-97, points 19 et 20 ; plus récemment, s'agissant du caractère distinctif, CJUE, 18 juin 2020, Primart, C-702/18 P, point 51). 18. La société Art et azur ne conteste pas l'usage du signe Eco-pyere pour des enduits muraux ou services de pose d'enduits muraux, qui sont respectivement identiques et très similaires aux enduits (matériaux de construction) pour lesquels la marque est enregistrée. 19. La marque Decopierre est construite par l'assemblage en un mot unique des mots deco et pierre, qui renvoient tous les deux à une caractéristique possible des enduits : l'enduit peut améliorer l'aspect d'un mur, et dans ce cadre servir de « déco », abréviation familière de « décoration », cet effet pouvant se faire, en particulier, par l'imitation de la pierre ; en résumé, il peut s'agir d'un enduit décoratif ressemblant à de la pierre. La marque est donc faiblement distinctive. Le premier mot, déco, est toutefois moins directement descriptif que le second dès lors qu'il renvoie à un objectif attendu du produit et peut ainsi être perçu comme seulement évocateur, tandis que le second, pierre, décrit directement son aspect. S'agissant en outre de l'élément d'attaque de la marque, l'élément deco en constitue donc l'élément dominant. 20. Le signe Eco-pyere est fortement similaire à la marque au plan phonétique. Il lui est en revanche assez faiblement similaire au plan visuel car le tiret séparant les deux mots modifie sa perception et le remplacement de « pierre » par « pyere » attire l'attention. Il lui est enfin peu similaire dans son ensemble au plan conceptuel : comme l'a relevé le juge des référés, « eco » renvoie à l'économie ou l'écologie et non à la décoration, tandis que « pyere » est visuellement et conceptuellement distinct du mot « pierre ». Il peut certes conceptuellement y renvoyer à travers un procédé visible d'altération de son orthographe (le public pouvant comprendre que pyere est un détournement fantaisiste de pierre), mais associé au premier élément, Eco, et en tenant compte également du tiret marquant la scission entre les deux éléments, le signe Eco-pyerre pris dans son ensemble reste peu similaire à la marque au plan conceptuel. 21. Par ailleurs, la société Groupe vega n'invoque pas ce qui, dans les circonstances de l'usage litigieux, pourrait faciliter le risque de confusion. Le fait que, par le passé, le dirigeant de la défenderesse ait, à travers une autre personne morale, été licencié de la marque Decopierre est pertinent pour apprécier son intention, mais n'a pas d'effet sur l'analyse du risque de confusion par le public pertinent, qui ignore ces relations antérieures. Elle n'allègue pas davantage une connaissance particulière de sa marque sur le marché. 22. Dans ce cadre, seul un public d'attention très faible pourrait confondre directement Decopierre et Eco-pyere, en mélangeant à la fois la portée conceptuelle distincte et l'orthographe correcte d'un côté et grossièrement altérée de l'autre. Or, s'agissant d'enduits, donc de produits destinés à durer et aux fonctions importantes pour une construction, le public pertinent est a minima d'attention moyenne. Même sans avoir la marque et le signe simultanément sous les yeux et même pour des produits identiques, le public ne prendra pas le signe pour la marque et inversement. Il n'a par ailleurs aucune raison de supposer que Eco-pyere est une évolution ou une déclinaison de Decopierre, car cela impliquerait que la parenté entre les deux signes réside uniquement dans l'élément « pierre », dont il a été vu qu'il était le plus faible de la marque, tandis que dans le signe litigieux il ne se retrouve que d'une façon altérée qui sera remarquée par le public d'attention moyenne. Il ne peut de même y être vu une association, faute d'élément commun suffisamment distinctif pour l'établir. 23. Aucun risque de confusion n'est donc établi, de sorte que, faute d'atteinte au droit conféré par la marque, les demandes fondées sur la contrefaçon sont rejetées. 2 . Concurrence déloyale 24. La concurrence déloyale, fondée sur la responsabilité civile pour faute prévue par l'article 1240 du code civil, consiste en des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre. L'appréciation de la faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits. 25. Constitue également une concurrence déloyale et est ainsi fautif au sens de l'article 1240 du code civil le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indument des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité (Cass. Com., 4 février 2014, no13-11.044 ; Cass. Com., 26 janvier 1999, no 96-22.457), et qu'il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l'industrie. 26. Au titre de la reprise de « ses arguments, slogans et concepts commerciaux », la société Groupe vega n'allègue concrètement que la reproduction à l'identique sur le site de la société Art et azur du passage suivant : « Un procédé unique qui, associé à un savoir-faire manuel et artistique, permet d'obtenir, par projection d'un enduit spécifique, un revêtement mural extérieur et intérieur donnant à vos murs l'aspect de la pierre naturelle » 27. Comme l'a relevé le juge des référés, cette simple phrase, qui vante certes le produit de façon claire, ne constitue toutefois qu'un effort de rédaction des plus minimes, qui ne saurait caractériser un investissement dont la reprise serait fautive. S'agissant par ailleurs d'un texte purement descriptif et banal reprenant une organisation et des tournures de phrase usuelles, il est évidemment impropre à indiquer de lui-même quelle est l'entreprise à l'origine du produit, et reprendre ce texte ne peut donc créer aucun risque de confusion. 28. Au titre du réseau dont se prétendrait faussement membre la société Art et azur, la société Groupe vega n'explicite pas ce qu'elle critique concrètement : elle évoque « un certain nombre de textes commerciaux issus du site internet » sans dire lesquels, reproche à la société Art et azur de s'inventer un réseau sans renvoyer à aucune pièce pour le prouver et en toute hypothèse sans prouver que cette affirmation serait effectivement mensongère. 29. Quant au fait que ce réseau serait appelé Eco-pyere, il résulte de l'analyse menée ci-dessus sur la contrefaçon qu'aucun risque de confusion avec le nom Decopierre n'en résulte pour les clients concernés. 30. Par conséquent, les demandes fondées sur la concurrence déloyale sont rejetées. II . Dispositions finales 31. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 32. La condamnation aux dépens est ainsi prévue par l'article 696, et non l'article 699 (qui porte sur la faculté pour un avocat de recouvrer les dépens dont il aurait fait l'avance sans en recevoir provision). Une condamnation aux dépens ne peut donc être prononcée « conformément aux dispositions de l'article 699 » comme le demande par erreur la société Art et azur, et sa demande doit s'entendre en réalité comme étant formée « conformément à l'article 696 ». On ne peut y voir par ailleurs une demande d'autorisation pour l'avocat de recouvrer les dépens, ce qui aurait été formulé autrement, par exemple par « avec recouvrement par l'avocat », ou à la rigueur par « avec application de l'article 699 ». Retenir l'inverse reviendrait à dénaturer les termes clairs de la demande qui sont « condamner (...) en tous les dépens et ce conformément aux dispositions de l'article 699 » pour les transformer en « condamner (...) aux dépens avec recouvrement par son avocat conformément à l'article 699 » et ainsi statuer sur un objet (le recouvrement) qui n'était pas demandé. 33. La société Groupe vega, qui perd le procès, est tenue aux dépens de l'instance et doit indemniser la société Art et azur de l'intégralité des frais qu'elle a dû exposer à ce titre, qui peuvent être estimés, en l'absence de justificatif et au regard de la faible complexité de l'affaire, à 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 34. L'exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l'écarter au cas présent. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Rejette les demandes de la société Groupe vega en concurrence déloyale et contrefaçon de marque (dommages et intérêts, suppression de contenu et de nom de domaine, publication) Condamne la société Groupe vega aux dépens ; Condamne la société Groupe vega SAS à payer 4 000 euros à la société Art et azur au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 10 Novembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000048550576 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550576.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 11 octobre 2023, 21/06912 | 2023-10-11 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/06912 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 21/06912 - No Portalis 352J-W-B7F-CUONR No MINUTE : Assignation du :11 mai 2021 JUGEMENT rendu le 11 octobre 2023 DEMANDERESSE S.A.S. LA MANUFACTURE DU PIXEL[Adresse 1][Adresse 1] représentée par Maître Inès BOUZAYEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1517 DÉFENDERESSES Société BLUE DODO LTD[Adresse 3][Adresse 3] Société WEB INNOVATION LTD[Adresse 2], [Adresse 2]MAURITIUS représentées par Maître Charles DE HAAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1166 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointAnne BOUTRON, vice-présidenteLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DEBATS A l'audience du 15 Juin 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société La Manufacture du Pixel, immatriculée le 23 février 2018, a pour activité la vente sur internet, en boutiques spécialisées ou lors de manifestations et d'évènements, d'articles conditionnés liés au jeu, au loisir créatif et au pixel art. 2. Les sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd se présentent comme des sociétés de droit mauricien intervenant notamment dans le domaine des loisirs créatifs pour enfants. 3. La société La Manufacture du Pixel indique commercialiser depuis 2018 un jeu, conçu par son président, M. [I] [Z], constitué d'un tapis en silicone souple sur lequel peuvent être disposés des carrés colorés dits « pixels » pour construire des tableaux à volonté : 4. Elle expose avoir vendu, le 6 juillet 2020, à M. [D] [L], dirigeant des sociétés de droit mauricien Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd, un exemplaire du jeu, cet achat ayant immédiatement été suivi de pourparlers entre les parties aux fins de cession des actifs de la société La Manufacture du Pixel, lesquels n'ont pas abouti. 5. Reprochant aux sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd d'offrir à la vente un jeu dénommé "Le Pixel Art" reproduisant selon elle les caractéristiques originales de son propre jeu, la société La Manufacture du Pixel a fait procéder à une contast d'huissier sur internet le 5 février 2021. Procédure 6. Par actes d'huissier du 11 mai 2021, la société La Manufacture du Pixel a fait assigner les sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droit d'auteur ainsi qu'en concurrence déloyale. 7. Par ordonnance du 8 février 2022, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société La Manufacture du Pixel soulevée en défense par les sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd. 8. L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 septembre 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 15 juin 2023. PRÉTENTIONS DES PARTIES 9. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 juin 2022, la société La Manufacture du Pixel demande au tribunal de :à titre principal, DECLARER la demanderesse recevable et bien fondée en ses demandes formulées au titre de la contrefaçon de son jeu de pixel art,à titre subsidiaire, DECLARER la demanderesse recevable et bien fondée en ses demandes formulées au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,en conséquence : CONDAMNER les sociétés défenderesses à lui verser à la somme de 10.000 euros chacune de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral,CONDAMNER solidairement les sociétés défenderesses à lui verser la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice économique,REJETER les demandes reconventionnelles formées par les défenderesses au titre du dénigrement,CONDAMNER solidairement les sociétés défenderesses à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de l'instance,ORDONNER aux sociétés défenderesses de cesser la commercialisation du jeu de pixel art sur le site Internet dodocraft.fr et par tout autre moyen sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,DIRE que le tribunal se réservera la liquidation de l'astreinteORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir. 10. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2022, les sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd demandent au tribunal en substance de:à titre principal, débouter la société La Manufacture du Pixel de sa demande principale fondée sur la contrefaçon de droit d'auteur et subsidiaire en concurrence déloyaleà titre subsidiaire, débouter la société La Manufacture du Pixel de ses demandes de réparation, faute de préjudice établien tout état de cause et à titre reconventionnel, CONDAMNER la société La Manufacture du Pixel à leur payer la somme de 20 000 euros, en réparation du préjudice subi du fait des actes de dénigrementCONDAMNER la société La Manufacture du Pixel à leur payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civileCONDAMNER la même aux entiers dépens sans distraction. MOTIVATION Sur la contrefaçon du droit d'auteur Moyens des parties 11. La société La Manufacture du Pixel revendique un droit d'auteur sur son jeu dont l'originalité se carcatérise selon elle par la combinaison de choix esthétiques et arbitraires du format et de la matière du tapis de jeu, de la gamme de couleur et de la taille des pixels. Elle ajoute que son jeu est commercialisé depuis 2018 sans discontinuité, avant la commercialisation par les défenderesses de leur propre jeu. Au soutien de la contrefaçon, elle expose que depuis le 3 décembre 2020, la société Web Innovation, puis la société Blue Dodo Ltd, ont mis en vente, sur le site accessible à l'adresse https://dodocraft.fr/, un jeu reprduisant à l'identique les caractéristiques de son jeu dont la combinaison est originale. 12. Les sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd font valoir que la demanderesse ne démontre par l'originalité revendiquée du jeu litigieux. Elles soutiennent que les critères de choix de la matière du tapis et de la taille des pièces sont des choix techniques et que les caractéristiques du jeu revendiqué ne font que reprendre des traits communs, communément utilisés dans le domaine des jeux pixels. Elles ajoutent que le concept du jeu n'est pas protégeable, les idées étant de libre parcours, et qu'il existe depuis de nombreuses années. Sur la contrefaçon, elles soutiennent que le jeu Dodocraft n'est pas la copie du jeu commercialisé par la société La Manufacture du Pixel. Réponse du tribunal 13. En application de l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. 14. En application de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. 15. Si la protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. 16. L'originalité d'une oeuvre de l'esprit doit être appréciée dans son ensemble au regard des différents éléments qui la composent ; elle peut résulter de la combinaison d'éléments connus lorsque celle-ci est inédite et traduit un effort créatif (Cass. Civ. 1ère, 24 octobre 2018, pourvoi no 16-23.214). 17. Conformément à l'article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. 18. En l'espèce, la société La Manufacture du Pixel revendique comme originale la combinaison des caractéristiques suivantes de son jeu dont les choix ont été dictés selon elle par des considérations esthétiques :- le format du tapis, correspondant à un format standard de cadres, choisi pour lui apporter une dimension artistique ;- la matière du tapis composée de silicone alimentaire souple, choisie pour sa flexibilité, stabilité, solidité, douceur et son absence de nocivité pour les enfants ;- la sélection de seize couleurs de pixel offrant une plus grande liberté de création ;- la taille des pixels (0,75 x 0,75 cm) pour permettre une manipulation aisée par des doigts d'enfants tout en garantissant un certain degré de détails et le rendu de l'aspect tramé des images de jeux vidéos des années 1990. 19. Cependant, la société La Manufacture du Pixel n'explicite pas en quoi ces choix sont arbitaires et traduisent un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de son auteur. Au contraire, il apparaît que les choix de matière du tapis ainsi que de taille et de couleur des pixels ont été induits par des considérations techniques. S'agissant des couleurs, si leur nombre est plus important que celui que proposent les jeux similaires, ce que ne contestent pas les défenderesses, les couleurs ne sont pas en elles-mêmes appropriables. En outre, elle ne démontre pass que le choix des couleurs et de leur disposition est arbitraire et résdulte d'un effort créatif. Le forrmat du tapis n'est quant à lui que la reprise d'un format standard de cadre et relève du fonds commun des jeux non appropriable, comme l'indique elle-même la demanderesse. Aussi la Manufacture du Pixel échoue-t-elle à rapporter la preuve qui lui incombe de choix créatifs et arbitraires portant l'empreinte de la personnalité de leur auteur de nature à caractériser l'orginalité revendiquée. 20. En conséquence, son jeu n'étant pas accessible à la protection par le droit d'auteur, la demande de la société la Manufacture du Pixel au titre de la contrefaçon sera rejetée. Sur la demande subsidiaire fondée sur la concurrence déloyale et le parasitisme Moyen des parties 21. La société La Manufacture du Pixel fait valoir que les sociétés défenderesses ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires aux motifs que le produit qu'elle commercialise reprend toutes les caractéristiques essentielles de sont jeu et qu'elles se sont appropriées de manière illicite son travail qui a nécessité d'importants investissements intellectuels et matériels. 22. Les sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd font valoir que la demanderesse ne peut invoquer les mêmes faits au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, soutiennent qu'il existe de nombreux jeux similaires à celui commercialisé par la demanderesse et qu'elle ne justifie d'aucun investissement. Réponse du tribunal 23. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. 24. La concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil mais sont caractérisés par l'application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d`un savoir-faire, d`un travail intellectuel et d'investissements. 25. Le simple fait de copier un produit concurrent qui n'est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale et la recherche d'une économie au détriment d'un concurrent n'est pas en tant que telle fautive, mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence, sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce. 26. En l'occurence, il est établi qu'est proposé à la vente, au moins depuis le 25 février 2021, date du constat versé aux débats par la demanderesse, sur le site https://dodocraft.fr, initialement exploité par la société Web Innovation Ltd puis par la société Blue Dodo Ltd, ce qui n'est pas contesté par les défenderesses, un jeu de pixels qui imite le jeu produit et commercialisé depuis le 27 février 2018 par la société La Manufacture du Pixel en ce qu'il contient un tapis de matière et de format identique ainsi que des pixels de taille identique dont le nombre et les couleurs sont similaires (16 couleurs et 900 pixels pour le produit de la Manufacture du Pixel, 18 couleurs et 1000 pixels pour le produit concurrent). 27. Toutefois, la société la Manufacture du Pixel, à laquelle incombe la charge de la preuve, ne démontre pas en quoi les similitudes relevées entre son modèle de jeu de pixels et celui des défenderesses, tenant à la forme rectangulaire du jeu, la taille du tapis, le nombre, la forme et les couleurs de pixels, sont de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs moyens normalement attentifs alors que ces caractéristiques sont banales et non appropriables et ne sauraient au demeurant être monopolisées par un seul acteur du marché des jeux de pixels. Le risque de confusion est d'autant moins établi que les packaging des deux produits sont visuellement différents : la boîte du jeu de la demanderesse représente une enveloppe A4 tamponnée en papier kraft laissant apparaître de manière très visible le nom de la société la Manufacture du Pixel sous forme d'étiquette tandis que la boîte du jeu commercialisé par les défenderesses est de couleur noire et porte sur la face avant le nom Dodocraft en caractères très apparent accompagné de dessins de pixels de couleurs. Il est relevé, de plus, que les quelques messages que la société La Manufacture du Pixel verse aux débats pour démontrer le risque de confusion émanent de ses propres clients qui ne font que l'alerter des similitudes entre les deux modèles de jeux, ce qui ne suffit à établir un risque de confusion sur l'origine des deux produits. Enfin, les faits invoqués par la société La Manufacture du Pixel tenant à la commercialisation du produit litigieux par les défenderesses à la suite de l'échec des négociations entre les parties sur le rachat de la demanderesse ainsi que le changement de société éditrice du site internet des défenderesses apparaissent être des éléments de contexte qui sont inopérants à établir le risque de confusion requis. 28. Par ailleurs, la société La Manufacture du Pixel ne justifie pas au titre du parasistime allégué des "lourds investissements, tant sur le plan intellectuel que sur le plan matériel", ni les "importants frais" de création du tapis, des moules et appareils de fabrication, de la promotion et commercialisation du produit et du recueil des agréments qui seraient selon elle nécessaires, ces éléments n'étant pas chiffré ni établis. Elle ne verse aux débats que des échanges avec ses prestataires relatifs à l'envoi des spécifications techniques du jeu en vue de sa fabrication et à des ajustements nécessaires sur les pixels en raison de certaines malfaçons, qui ne sont à eux seuls aucunement probants pour démontrer les investissements et frais qu'elle allègue ni que ce jeu a acquis une valeur économique individualisée. Elle ne démontre pas plus que son jeu aurait connu "un grand succès auprès du public", comme elle le soutient. Dès lors, la société La Manufacture du Pixel échoue également dans sa démonstration d'actes de parasitisme. 29. La société la Manufacture du Pixel sera en conséquence déboutée de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme. Sur la demande reconventionnelle formée par les défenderesses au titre du dénigrement Moyens des parties 30. Les défenderesses imputent à la demanderesse des actes de dénigrement en raison de messages publiés sur les réseaux sociaux et sur le blog de la société La Manufacture du Pixel. 31. La société La Manufacture du Pixel fait valoir que les éléments communiqués par les sociétés défenderesses ne sont pas probants et que les messages qui lui sont imputés ne sont pas constitutifs de dénigrement. Elle souligne que les publications en cause concernent le comportement du dirigeant des défenderesses et non la qualité ou les caractéristiques des produits vendus et relèvent des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 dont les délais n'ont pas été respectés. Réponse du tribunal 32. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. 33. La divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur l'activité d'un tiers ou les produits qu'il fabrique ou commercialise, notamment d'une information qualifiant ces produits de contrefaçon alors qu'aucune décision de justice n'a encore été rendue en ce sens, constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure.(Cass. 1re civ., 11 juill. 2018, no 17-21.457). Il est ainsi constant que le dénigrement est constitué lorsque les propos visent les produits, les services ou l'activité d'une entreprise et sont tenus dans le but d'inciter une partie de la clientèle de l'entreprise visée à s'en détourner et engage la responsabilié extra-contractuelle de son auteur sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil. 34. Les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d'une entreprise industrielle ou commerciale n'entrent pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 , dès lors qu'elles ne concernent pas une personne physique ou morale (Cass. 2e Civ., 5 juillet 2000, pourvoi no 98-14.255) 35. En l'espèce, les sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd versent aux débats deux captures d'écran (leurs pièces no8 et 9) présentant des contenus selon elles dénigrants et qu'elles imputent à la société La Manufacture du Pixel. Or c'est de manière inopérante que celle-ci conclut à l'absence de garantie quant à l'authenticité de ces contenus, se contentant de procéder par affirmation sans apporter aucun élément objectif au soutien de son allégation, alors par ailleurs que ces captures d'écran présentent des adresses URL la désignant, la société La Manufacture du Pixel ne contestant d'ailleurs pas que les écrans capturés présentent une page de son site internet et de sa page facebook. De plus et contrairement à ce qu'elle affirme, ces pièces font apparaître les dates du 5 décembre 2020 pour la pièce no8 et 4 décembre 2020 pour la pièce no9. 36. Il ressort de ces pièces qu'a été publié les 4 et 5 décembre 2020 sur le site de la société La Manufacture du Pixel et sur son compte Facebook un article intitulé "notre avis sur dodocraft (un jour un jeu) : dropshipping, contrefaçon, sécurité" relatif au jeu commercialisé sur le site https://dodocraft.fr présenté comme " site web douteux" accusant la société Web Innovation Ltd et ses dirigeants de parasitisme commercial, incitant les internautes à déposer sur les comptes Facebook et Instagram concernés le message "Bonjour, ce produit existe déjà et est commercialisé depuis 4 ans par la Manufacture du Pixel (https://manufacturedupixel.com/), moins cher et avec un envoi plus rapide.Plus de détails ici :https://manufacturedupixel.com/notre-avis-sur-dodocraft-un-jour-un-jeu" et soulignant en conclusion "(...) il faudra un jour expliquer comment votre société (...) peut vendre sur son site web un produit contrefait au concept volé, à un prix prohibitif en dropshipping et à priori sans répondre aux normes de sécurité européennes". 37. Sont également produits deux sms adressés à deux clients ayant fait un "like" ou un commentaire sur la page "un jour un jeu" dont les termes, identiques sont les suivants: "on souhaitait vous avertir (...): leur produit kit tapis + 900 pixels est une contrefaçon, ce produit existe déjà et est commercialisé depuis 4 ans par la Manufacture du Pixel (...) Moins cher et avec un envoi rapide (...)". Toutefois, l'auteur de ces messages n'étant pas identifiés ne sauraient être imputés à la société la Manufacture du Pixel. 38. Il apparaît de ce qui précède que les publications versées aux débats mettent bien en cause les produits des défenderesses, nonobstant les dénégations de la société la Manufacture du Pixel, et que les messages, publics, qu'elles véhiculent, décrivant sans réserve le produits des défenderesses de contrefaisant alors qu'aucune décision de justice y relative n'a été rendue constituent bien un dénigrement, et non une diffamation des dirigeants comme le soutient à tort la demanderesse. 39. Les défenderesses n'établissant pas de préjudice économique directement lié à ces actes, il leur sera alloué une somme de 2 000 euros chacune en réparation de leur préjudice moral. Sur les frais du procès et l'exécution provisoire 40. Partie perdante, la société la Manufacture du Pixel est condamnée aux dépens ainsi qu'à payer aux sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 41. L'exécution provisoire qui est de droit conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile n'a pas à être écartée. PAR CES MOTIFSLe tribunal Rejette les demandes principales et subsidiaires de la société La Manufacture du Pixel ; Condamne la société la Manufacture du Pixel à payer aux sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd chacune 2000 euros en réparation des dommages résultant des actes de dénigrement ; Condamne la société la Manufacture du Pixel aux dépens ; Condamne la société la Manufacture du Pixel à payer aux sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.Fait et jugé à Paris le 11 octobre 2023 La greffière Le président | x |
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JURITEXT000048550577 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550577.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 17 octobre 2023, 21/08484 | 2023-10-17 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/08484 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 21/08484 - No Portalis 352J-W-B7F-CUVUM No MINUTE : Assignation du :17 juin 2021 JUGEMENT rendu le 11 octobre 2023 DEMANDEURS Monsieur [T] [I][Adresse 3][Localité 4] S.A.S.U. BELLONOR[Adresse 1][Localité 5] représentés par Maître Agathe CAILLÉ, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P512 et par Maître Jérôme FERRANDO du Cabinet ETNA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant, DÉFENDERESSE Monsieur [X] [E] [Adresse 2][Localité 5] représentée par Maître Marc PEUFAILLIT de la SARL JFA SOUILLAC & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #E0830 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointAnne BOUTRON, vice-présidenteLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DEBATS A l'audience du 22 juin 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. M. [T] [I] se présente comme artiste-joaillier spécialisé dans la conception de bijoux de luxe sur mesure et composés de métaux précieux et de pierres précieuses. Il a créé la société par actions simplifiée à associé unique Bellonor, immatriculée le 19 octobre 2018 pour exercer une activité de fabrication, réparation et transformation de bijoux. 2. M. [I] indique avoir créé un bracelet dénommé successivement "le Bellor" puis "mon précieux lien" ou "le lien"commercialisé exclusivement par la société Bellonor. 3. M. [X] [E] exerce sous la forme individuelle et sous le nom commercial L'ATELIER une activité de création et de fabrication d'articles de joaillerie depuis le 15 février 2001. Il a employé M. [I] en qualité d'ouvrier spécialisé du 13 février 2017 au 27 juillet 2018. 4. M. [I] et la société Bellonor indiquent avoir constaté la présentation et l'offre à la vente par M. [E] sur son site internet [06] et sur son compte Instagram d'un bracelet « Link » qu'ils estiment identique au bracelet "le lien". Procédure 5. Par acte du 17 juin 2021, M. [I] et la société Bellonor ont fait assigner M. [E] devant le tribunal judiciaire en contrefaçon de modèle communautaire non enregistré et de droit d'auteur et en concurrence déloyale et parasitisme. 6. L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 novembre 2022 et l'affaire initialement fixée pour plaidoiries à l'audience du 29 juin 2023, a été plaidée le 22 juin 2023. PRÉTENTIONS DES PARTIES 7. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2022, M. [I] et la société Bellonor demande au tribunal de :A titre principalDire que les actes commis par L'ATELIER [X] [E] par la fabrication, la commercialisation et l'utilisation de son bracelet collection « Link » constituent une contrefaçon du modèle communautaire non enregistré « mon précieux lien » de Monsieur [T] [I].Dire que les actes commis par L'ATELIER [X] [E] par la fabrication, la commercialisation et l'utilisation de son bracelet collection « Link » constituent une contrefaçon des droits d'auteur que Monsieur [T] [I] détient sur son bracelet « mon précieux lien » ;Iinterdire à la société L'ATELIER [X] [E] de faire usage, fabriquer, commercialiser ou présenter au public son bracelet collection « Link » sous quelque forme et de quelque titre et nature que ce soit, et ce, sous astreinte définitive et non comminatoire de 2000 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;Oordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir en partie supérieure de la page d'accueil des sites web accessibles aux adresses [08], [07], [07] de façon visible et en toute hypothèse au-dessus de la zone de flottaison, sans mention ajoutée, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé immédiatement du titre : COMMUNIQUE JUDICIAIRE en lettres grasses et capitales et la publication devant contenir un lien permettant d'accéder à l'entière décision, et ce, pour une période de 12 mois ininterrompue, et ce, à compter du prononcé de la décision à intervenir sous astreinte de 1000 euros par jour de retard; Condamner L'ATELIER [X] [E] à réparer les préjudices subis par Monsieur [I] et la société Bellonor à leur payer respectivement les sommes de 25 000 euros et 55 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices résultant de la contrefaçon du dessin ou modèle communautaire non enregistré et de l'usage frauduleux du modèle de bracelet collection « Link » ;Condamner L'ATELIER [X] [E] à réparer les préjudices subis par Monsieur [I] et à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices résultant de la violation de ses droits moraux qu'il détient en tant qu'auteur du bracelet « mon précieux lieux » ;Condamner L'ATELIER [X] [E] à réparer les préjudices subis par Monsieur [I] et à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices résultant de la violation de ses droits patrimoniaux qu'il détient en tant qu'auteur du bracelet « mon précieux lieux » ;Ordonner aux frais de l'ATELIER [X] [E], à titre de complément de dommages-intérêts, l'insertion par extrait ou en entier du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix des demandeurs sans que la valeur globale de ces publications excède la somme de 10 000 euros augmentée de la TVA en vigueur, somme qui devra être consignée entre les mains de Madame, Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Bordeaux dans les huit jours de la signification de l'ordonnance à intervenir. Condamner L'ATELIER [X] [E] à payer aux demandeurs la somme de 14 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;Condamner L'ATELIER [X] [E] aux entiers dépens ;Autoriser Maître [H] [V] à recouvrer directement contre L'ATELIER [X] [E] les dépens dont il a fait l'avance.A titre subsidiaireDire que les actes commis par L'ATELIER [X] [E] par la fabrication, la commercialisation, l'utilisation et la présentation de son bracelet collection « Link » constituent des actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;Ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir en partie supérieure de la page d'accueil du site web accessible aux adresses [08], [07], [07] de façon visible et en toute hypothèse au-dessus de la zone de flottaison, sans mention ajoutée, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé immédiatement du titre : COMMUNIQUE JUDICIAIRE en lettres grasses et capitales et la publication devant contenir un lien permettant d'accéder à l'entière décision, et ce, pour une période de 12 mois ininterrompue, et ce, à compter du prononcé de la décision à intervenir sous astreinte de 1000 euros par jour de retard ; Condamner L'ATELIER [X] [E] à réparer les préjudices subis par et à payer à la société Bellonor la somme de 55 000 euros et à par Monsieur [T] [I] la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation les préjudices résultant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;Ordonner aux frais de la défenderesse, à titre de complément de dommages-intérêts, l'insertion par extrait ou en entier du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix des demandeurs sans que la valeur globale de ces publications excède la somme de 10 000 euros augmentée de la TVA en vigueur, somme qui devra être consignée entre les mains de Madame, Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Bordeaux dans les huit jours de la signification de l'ordonnance à intervenir ;Condamner L'ATELIER [X] [E] à payer à aux demandeurs la somme de 14 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;Condamner L'ATELIER [X] [E] en tous les dépens de l'instance ;Autoriser Maître [H] [V] à recouvrer directement contre L'ATELIER [X] [E] les dépens dont il a fait l'avanceEn tout état de causeDéclarer irrecevables les demandes de L'ATELIER [X] [E] et de Monsieur [X] [E] en vertu des articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile pour défaut d'intérêt et de qualité pour agir.Les débouter de l'ensemble de leurs demandes. 8. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 juin 2022, M. [E] demande au tribunal de :A titre principalDébouter Monsieur [I] de toutes ses demandes Dire que Monsieur [X] [E] est régulièrement titulaire d'un droit d'auteur sur le bracelet « link », Dire que les actes commis par Monsieur [T] [I] et la société Bellonor par la fabrication, la commercialisation et l'utilisation de son bracelet collection « mon précieux lien » constituent une contrefaçon des droits d'auteur sur le bracelet « link » propriété de Monsieur [X] [E] ;Interdire à Monsieur [T] [I] et la société Bellonor de faire usage, fabriquer, commercialiser ou présenter au public son bracelet collection « mon précieux lien » sous quelque forme que ce soit, et ce, sous astreinte définitive et non comminatoire de 2000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;Condamner solidairement Monsieur [T] [I] et la société Bellonor à réparer les préjudices subis par Monsieur [X] [E] et à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices résultant de la contrefaçon des droits d'auteur de Monsieur [X] [E] sur le bracelet « link » qu'il a créé ;Condamner solidairement Monsieur [T] [I] et la société Bellonor à réparer les préjudices subis par Monsieur [X] [E] et à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices résultant de la violation de ses droits moraux qu'il détient en tant qu'auteur du bracelet « link » ;Condamner solidairement Monsieur [T] [I] et la société Bellonor à réparer les préjudices subis par Monsieur [X] [E] et à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices résultant de la violation de ses droits patrimoniaux qu'il détient en tant qu'auteur du bracelet« link» ;Condamner solidairement Monsieur [T] [I] et la société Bellonor à réparer les préjudices subis par Monsieur [X] [E] et à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices résultant de la contrefaçon des droits d'auteur portant sur le bracelet « link » pour lequel Monsieur [X] [E] bénéficie d'un droit d'exploitation exclusif ;Ordonner aux frais des demandeurs, à titre de complément de dommages-intérêts, l'insertion par extrait ou en entier du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix des demandeurs ;A titre subsidiaireDire que les actes commis par Monsieur [T] [I] et la société Bellonor par la fabrication, la commercialisation, l'utilisation et la présentation de son bracelet collection « mon précieux lien » constituent des actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;Débouter Monsieur [T] [I] et la société Bellonor de toutes leurs demandes ; Condamner solidairement Monsieur [T] [I] et la société Bellonor à réparer les préjudices subis par Monsieur [X] [E] et à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices résultant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme dont il a été victime ;Ordonner aux frais de Monsieur [T] [I] et la société Bellonor, à titre de complément de dommages-intérêts, l'insertion par extrait ou en entier du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix du défendeur ;En tout état de causeCondamner solidairement Monsieur [T] [I] et la société Bellonor à payer au défendeur la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;Condamner solidairement Monsieur [T] [I] et la société Bellonor en tous les dépens de l'instance ;Autoriser Maître [K] [L] à recouvrer directement contre Monsieur [T] [I] et la société Bellonor les dépens dont ils ont fait l'avance. MOTIFS DE LA DECISION Sur la recevabilité de M. [E] à agir reconventionnellement en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitisme Moyens des parties 9. M. [I] et la société Bellonor font valoir que M. [E] est irrecevable à agir reconventionnellement en contrefaçon de droits d'auteur et de droit sur le modèle communautaire de bracelet qu'il prétend détenir au motif qu'il ne justifie pas de sa qualité d'auteur qui seule revient à M. [I]. Ils concluent également à l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle en concurrence déloyale et parasistime de M. [E] au motif que M. [E] a copié servilement le bracelet "mon précieux lien" de M. [I]. 10. M. [E] soutient être l'auteur du bracelet "link" qui a été copié par M. [I]. Réponse du tribunal 11. L'article 71 du code de procédure civile dispose, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire. 12. Selon l'article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. 13. La qualité d'auteur d'une oeuvre de l'esprit est une condition du bien-fondé de l'action en contrefaçon de droit d'auteur et non la condition de sa recevabilité. En effet, la qualité de titulaire de droits sur une oeuvre de l'esprit ne résulte d'aucun titre enregistré, cette qualité étant appréciée par référence aux articles L.113-1 à L.113-10 du code de la propriété intellectuelle. Force est en outre de constater que cette appréciation dépend de la question (préalable donc) de l'originalité de l'oeuvre en litige, dont il est constamment jugé qu'il s'agit d'une condition dont dépend le bien-fondé de l'action en contrefaçon, et non sa recevabilité (Cass. Com., 29 janvier 2013, pourvoi no 11-27.351). Il ne peut qu'en être déduit que la "qualité" d'auteur d'une oeuvre, comme celle d'ailleurs de créancier ou de victime, doit de la même manière être regardée comme une condition dont dépend le bien-fondé de l'action en contrefaçon de droit d'auteur, et non sa recevabilité. 14. Les moyens des demandeurs au soutien d'une irrecevabilité des demandes reconventionnelles de M. [E] en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitisme ne constituent pas une fin de non-recevoir mais des défenses au fond qui tendent au rejet des prétentions de M. [E]. 15. Les fins de non recevoir seront en conséquence écartées. Sur la titularité des droits sur le bracelet "mon précieux lien" Moyens des parties 16. M. [I] et la société Bellonor font valoir que M. [I] est titulaire de droits d'auteur et au titre du modèle communautaire non enregistré sur le bracelet "mon précieux lien" aux motifs qu'il s'agit d'une création de M. [I] initiée en 2017 et finalisée le 1er mai 2018, antérieure au modèle "link" de M. [E]. Ils précisent produire à titre de preuve des travaux préparatoires datant du 12 mars 2018, une photographie du bracelet prise le 1er mai 2018 et une enveloppe Soleau du 3 mai 2018 contenant les dessins, spécifications techniques et photographie du bracelet finalisé. M. [I] et la société Bellonor ajoutent que le modèle de bracelet "mon précieux lien" a été divulgué pour la première fois par un post sur LinkedIn le 19 juillet 2018. Ils contestent toute incidence du contrat de travail de M. [I] le liant à M. [E] sur la titularité des droits, soutenant notamment que le bracelet litigieux a été créé en dehors de ce contrat. 17. M. [E] conteste la titularité des droits revendiqués par M. [I], faisant valoir être titulaire de droits d'auteur sur le modèle « link » finalisé le 1er mai 2018. Il expose que M. [I] s'est approprié le projet "link" dans le cadre de son emploi à temps plein sous sa direction, qui a duré du 13 février 2017 au 26 juillet 2018. Il avance produire deux fiches de travail adressées à M. [I] les 15 et 16 février 2018, ainsi que des attestations relatives à la réalisation d' une impression en cire le 20 mars 2018, un travail de fonderie le 28 mars 2018 et une modélisation en trois dimensions issue d'une conception assistée par ordinateur (CAO) le 1er mai 2018. Réponse du tribunal Sur la titularité des droits sur le modèle communautaire non enregistré 18. L'article 14 du Règlement (CE) no6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires non enregistrés prévoit que 1. Le droit au dessin ou modèle communautaire appartient au créateur ou à son ayant droit (...)3. Cependant, lorsqu'un dessin ou modèle est réalisé par un salarié dans l'exercice de ses obligations ou suivant les instructions de son employeur, le droit au dessin ou modèle appartient à l'employeur, sauf convention contraire ou sauf disposition contraire de la législation nationale applicable. 19. Aucun texte du droit français ne prévoyant la titularité du salarié sur le modèle réalisé à l'occasion d'une relation de travail, celui-ci appartient à l' employeur en application de l'article 14.3 précité, sauf stipulation contraire du contrat. 20. En l'occurrence, M. [E] justifie avoir employé M. [I] du 13 février 2017 au 27 juillet 2018 pour réaliser "divers travaux de bijouterie et de joaillerie". Le contrat de travail de M. [I] ne contient aucune stipulation sur les droits de propriété intellectuelle (sa pièce no3). 21. M. [E] verse aux débats deux fiches datées des 15 et 16 février 2018 relatives au modèle de bracelet "link", portant le tampon "L'ATELIER [X] [E]" et en tête de fiche la mention "Fiche de travail: [T]" et "Fiche: [T]", ses termes étant rédigés sous forme d'instructions (ses pièces no14 et 15). 22. Ainsi peut-on lire sur la fiche de travail datée du 15 février 2018 :"Etude et cotes pour réalisation d'un bracelet en rapport avec lien serflex plastique.Définir cotes et voir avec [J] [Z] pour dessins CAO.(Voir photo prise sur réseaux sociaux d'un bracelet déjà étudié) faire mieux (objectif).Mes préférences: longueur de préférence 20 cm - à voir Largeur 3 à 4 mm Epaisseur 1 à 1,5 mm Faire en sorte que les stries soient visibles". 23. La fiche du 16 février réalisée sous le même format présente, aux côtés de dessins d'un lien serflex, les mentions:"Voir forme assez proche de l'original ...Peut être inverser le fermoir et voir ouverture". 24. Ces fiches contiennent manifestement des instructrions de M. [E], employeur, à M. [I], son salarié, pour la réalisation d'un bracelet inspiré du lien serflex en plastique utilisé dans le commerce. 25. Il ressort par ailleurs des pièces versées aux débats que, conformément à la fiche de travail du 15 février 2018 qui indique "voir avec [J] [Z] pour dessins CAO", M. [I] a collaboré en qualité de salarié de M. [E] sur le projet de bracelet "link" ou "serflex" avec M. [Z], comme celui-ci en atteste (pièce de M. [E] no10). C'est également ce qui se déduit de l'envoi d'un courriel par M. [I] à M. [Z] le 19 septembre 2018, par lequel il lui demande de lui envoyer "le fichier serflex" (pièce de M. [E] no11). Il est en effet relevé qu'à aucun moment dans ses écritures M. [I] ne soutient que le bracelet "mon précieux lien" serait inspiré du lien serflex et son projet n'est jamais désigné sous ce terme, contrairement au projet de bracelet "Link" de M. [E]. Ainsi, le fait que M. [I] se soit adressé à la personne en charge pour M. [E] de réaliser la conception assistée par ordinateur (CAO) du bracelet "link" sous le nom de référence (Serflex) utilisé par M. [E] conforte le fait que M. [I] a travaillé sur ce projet de bracelet dans le cadre de son contrat de travail. Il résulte de ces éléments que M [I] ne peut sérieusement soutenir ne pas avoir été destinataire des fiches de travail. En outre, le seul fait que M. [Z] déclare être le sous-traitant habituel de M. [E] pour les travaux de CAO ne suffit pas à écarter cette attestation dont les termes sont corroborés par la production de la facture de prestation CAO et des dessins du bracelet en trois dimensions. Il convient en revanche d'écarter l'attestation de la société 3D MAQ (pièce de M. [E] no13) qui expose avoir réalisé l'impression en cire du bracelet "link" ou "serflex" le 20 mars 2018 et l'avoir envoyée au fondeur le même jour dans la mesure d'une part où, comme le relève les demandeurs, ces étapes n'interviennent en principe qu'à la suite de l'étape de CAO et où d'autre part, les factures annexées à l'attestation, de la société et du fondeur, ne permettent pas de s'assurer qu'elles sont relatives au bracelet "link". 26. Les demandeurs échouent par ailleurs à apporter la preuve que M. [I] aurait créé seul et en dehors de son contrat de travail le bracelet "mon précieux lien". Ainsi, ils affirment que M. [I] aurait commencé ses travaux en février 2017 mais ne produisent aucun élément probant au soutien de cette affirmation. Ne sont notamment produits aucuns documents attestant des nombreux croquis, recherches et tests techniques allégués par les demandeurs. En outre, la photographie datée du 12 mars 2018 qu'ils versent aux débats (leur pièce no15), montrant des travaux préparatoires, ne permet pas d'établir, comme ils le soutiennent, que ces travaux auraient été accomplis par M. [I] en dehors de son contrat de travail. Il en est de même de la photographie du bracelet fini du 1er mai 2018 et du contenu de l'enveloppe Soleau (leur pièce no16) . Enfin, comme relevé plus haut, à aucun moment M. [I] n'explique ce qui a inspiré cette création tandis qu'il ressort clairement des documents produits par M. [E] que le bracelet est inspiré des liens de serrage utilisés dans le commerce et connus sous le nom de serflex, étant relevé que la forme du bracelet revendiqué par M. [I] se rapproche effectivement d'un lien serflex. 27. De plus, si les demandeurs produisent une enveloppe Soleau du 3 mai 2018 (leur pièce no16) contenant le modèle litigieux avec l'ensemble des spécifications techniques nécessaires à sa réalisation et des photographies du résultat final,, cette enveloppe n'établit en rien que son contenu a été créé en dehors du contrat de travail subordonnant M. [I] à M. [E]. 28. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [E] rapporte la preuve que le bracelet "mon précieux lien" n'est autre que le modèle "link" réalisé par M. [I] sur instructions de M. [E] dans le cadre de son contrat de travail, de sorte qu'en application de l'article 14 du règlement précité, la titularité du modèle revient à M. [E] et non à M. [I]. 29. Il convient en conséquence de rejeter la demande de M. [I] et de la société Bellonor fondée sur la contrefaçon de modèle communautaire non enregistré. Sur la titularité du droit d'auteur 30. Selon l'article L.111-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. L'alinéa 3 de cet article précise que l'existence ou la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une oeuvre de l'esprit n'emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code (...). 31. Il résulte par ailleurs des articles L.131-1 à L.131-4 du code de la propriété intellectuelle que la transmission de droits d'auteur doit faire l'objet d'un écrit, précisant chaque droit cédé et que toute cession globale future est nulle. 32. Il s'infère de ces articles qu'en l'absence de clause particulière, l'existence d'un contrat de travail n'emporte aucune dérogation à la jouissance des droits de propriété intellectuelle par un salarié sur sa création, encore faut-il que ledit salarié puisse démontrer avoir bénéficié d'une autonomie dans la création et avoir réalisé ses propres choix arbitraires. 33. En l'espèce, M. [I] fait valoir être l'auteur du bracelet litigieux éligible à la protection par le droit d'auteur en raison de la combinaison de choix arbitraires qui en font une création originale et qui résident dans :- la forme ovale du bracelet qui ne représente pas un cercle parfait ; - une extrémité dépassant du fermoir ; - une extrémité cubique creuse pour faire passer l'autre extrémité ;- la silhouette en spirale ;- un effet mat ou miroir par endroit en raison du polissage du bracelet; - différentes cloisons parallèles verticales creusées sur la face visible apportant une certaine brillance au métal ;- l'aplatissement de la tige métallique constitutive du bracelet ;- l'incrustation de petits diamants sur la tête de fermeture pour le modèle en or blanc. 34. Toutefois, il ne ressort pas de cette description que M. [I] a fait des choix esthétiques personnels relativement aux éléments essentiels caractéristiques du bracelet que sont sa forme particulière, ses extrémités et son fermoir carré. Il apparaît bien plus qu'il a exécuté les instructions précises qui lui ont été données par M. [E] dans les fiches de travail. En effet, comme relevé plus haut, M. [I] s'est vu confier la réalisation par son employeur, M. [E], d'un bracelet s'inspirant des liens de serrage "serflex" portant un certain nombre d'instructions précises quant à la forme, qui devait ainsi reproduire un "lien seflex en plastique" avec une forme "assez proche de l'original" dont les dimensions étaient clairement précisées ainsi que le souhait de faire des stries visibles. Or se retrouvent dans la description de M. [I] des caractérisques originales de son bracelet celles du lien serflex qui a servi de base à la création de M. [E] et qui est reproduit sur la fiche de travail du 16 février 2018, à savoir un lien fin de forme ovale avec un fermoir carré et une extrémité dépassant du fermoir, ainsi que l'exigence de stries visibles. 35. En conséquence, M. [I], qui ne rapporte pas la preuve d'avoir réalisé un travail de création personnel et indépendant ni avoir procédé à ses propres choix de manière arbitraire, est mal fondé à revendiquer la qualité d'auteur du bracelet litigieux. Les demandes de M. [I] et de la société Bellonor en contrefaçon de droit d'auteur seront par conséquent rejetées. Sur la demande subsidiaire de M. [I] et de la société Bellonor fondée sur des actes de concurrence déloyale et de parasitisme Moyen des parties 36. M. [I] et la société Bellonor font valoir à titre subsidiaire que la reproduction par le bracelet "link" des caractéristiques essentielles du bracelet "mon précieux lien" engendre nécessairement une confusion dans l'esprit du public sur l'origine commerciale des bracelets renforcée par la présence des termes lien et link dans la dénomination des modèles ainsi que des visuels de présentation. Ils ajoutent au titre du parasitisme que M. [E] s'est approprié les travaux de son ancien employé et a sciemment profité des efforts des demandeurs en réalisant une économie injustifiée. 37. M. [E] conclut au débouté de toutes les demandes de M. [I] et la société Bellonor sans cependant présenter de moyens en défense à cette demande. Réponse du tribunal 38. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. 39. La concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil mais sont caractérisés par l'application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d`un savoir-faire, d`un travail intellectuel et d'investissements. 40. Le simple fait de copier un produit concurrent qui n'est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale et la recherche d'une économie au détriment d'un concurrent n'est pas en tant que telle fautive mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence, sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce. 41. Il résulte des développements précédents que seul M. [E] peut revendiquer des droits sur le bracelet "link" dont il est à l'origine. Dans ces conditions, les demandeurs sont mal fondés à faire grief à M. [E] d'actes de concurrence déloyale ou de parasitisme qui supposent que M. [E] a recopié servilement ce bracelet et seront en conséquence déboutés de leurs demandes subsidiaires à ce titre. Sur la demande reconventionnelle de M. [E] en contrefaçon de droit d'auteur Moyen des parties 42. M. [E] fait valoir qu'il bénéficie de la protection par le droit d'auteur sur son modèle de bracelet "link". Il fait valoir que le bracelet de collection « mon précieux lien » commercialisé par M. [I] et la société Bellonor reprenant toutes les caractéristiques de son bracelet « link», en constitue une copie servile obtenue en fraude de ses droits d'auteur. 43. M. [I] et la société Bellonor concluent à l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle de M. [E] au motif qu'il ne justifie pas de sa qualité d'auteur qui seule revient à M. [I]. Réponse du tribunal 44. En application de l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. 45. Aux termes de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. 46. L'article L.112-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que sont considérées notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du présent code, les oeuvres des arts appliqués. 47. Il en résulte que la protection d'une oeuvre de l'esprit et acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d' auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. 48. Selon l'article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle, l' auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. 49. De la même manière, selon l'article L.122-1 du même code, le droit d'exploitation appartenant à l' auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. 50. L'article L.122-4 du même code prévoit quant à lui que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. 51. L'article L.122-3 du même code précise que la reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte. 52. Aux termes de l'article L.335-3 du code de la propriété intellectuelle, enfin, constitue le délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi. 53. Il est en outre constamment jugé que la contrefaçon s'apprécie au regard des ressemblances et non par les différences (Cass. Civ. 1ère, 4 février 1992, pourvoi no 90-21.630, Bull. 1992, I, no 42 ; Cass. Civ. 1ère, 30 septembre 2015, pourvoi no14-19.105). 54. En l'espèce, en l'absence de contestation de l'originalité de l'oeuvre par les demandeurs, les caractéristiques originales revendiquées par M. [E] sur son oeuvre sont : - "le détournement artistique du procédé serflex, - La forme ovalisée du bracelet - Le polissage du bracelet permettant également de produire un mélange d'effet mat et brillant, les rainures du bracelet permettant d'accentuer et d'animer ce contraste.- La finesse du bracelet qui donne l'équilibre du bijou". 55. Les parties s'accordent sur le fait que les bracelets "mon précieux lien" et "link" sont identiques, les demandeurs relevant le caractère servile de la copie. Se retrouvent en effet dans le bracelet "mon précieux lien" les caractéristiques originales revendiquées du bracelet "link" tenant au détournement artistique du procédé serflex, donnant au bracelet sa forme ovale et sa finesse, une extrémité dépassant du fermoir, les stries nettement visibles. Il est constant que le bracelet "mon précieux lien" est présenté à la vente sur le site internet de la société Bellonor. 56. Dès lors, la société Bellonor, en offrant à la vente le bracelet "mon précieux lien" sur son site internet et M. [I], a porté atteinte au droit d'auteur de M. [E] et commis des actes de contrefaçon du bracelet "link". 57. Il est en outre constant que le bracelet "mon précieux lien" est offert à la vente sans mention du nom de M. [E], portant ainsi atteinte à son droit au respect de son nom. 58. En conséquence, les demandes de M. [E] sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme, présentées à titre subsidiaire, sont sans objet. Sur les mesures réparatrices Moyen des parties 59. Aux termes du dispositif de ses conclusions, M. [E] demande la condamnation solidaire de M. [I] et de la société Bellonor au paiement de :- 20 000 euros et 50 000 euros en réparation des préjudices résultant de la contrefaçon des droits d'auteur,- 20 000 euros en réparation des préjudices résultant de la violation de ses droits moraux,- 20 000 euros en réparation des préjudices résultant de la violation de ses droits patrimoniaux.Il demande en outre qu'il leur soit interdit de faire usage, fabriquer, commercialiser ou présenter au public le bracelet collection « mon précieux lien », sous astreinte définitive et non comminatoire de 2000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir et l'insertion par extrait ou en entier du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix des demandeurs.M. [E] ne présente aucun moyen au soutien de ses demandes. 60. M. [I] et la société Bellonor ne concluent pas sur les demandes de réparation de M. [E]. Réponse du tribunal 61. Aux termes de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. 62. L'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, par l'emploi de l'adverbe "distinctement" commande une appréciation distincte des chefs de préjudice et non pas cumulative. 63. En l'occurence, M. [E] ne verse aux débats aucun élément au soutien de ses demandes d'indemnisation de son préjudice patrimonial. Il ne fait état ni de pertes, ni de gain manqué ou de bénéfices réalisés par M. [I] et la société Bellonor et aucun élément n'est produit relativement à la masse contrefaisante. 64. En revanche, M. [E] subit nécessairement un préjudice résultant de l'atteinte à son droit moral du fait du non respect de son droit au nom ainsi qu'un préjudice moral résultant de la banalisation de son oeuvre du fait de la reproduction servile de la collection de bracelet "link" par les demandeurs. 65. Il résulte de l'ensemble que M. [I] et la société Bellonor seront condamnés in solidum à payer à M. [E] préjudice 5 000 euros en réparation de l'entier préjudice résultant de la contrefaçon. 66. Il sera par ailleurs fait droit aux mesures d'interdiction, dans les termes du dispositif. Le préjudice de M. [E] étant intégralement réparé, sa demande de publication judiciaire, qui s'analyse en une mesure de réparation complémentaire, sera rejetée. Sur les frais du procès et l'exécution provisoire 67. Parties perdantes, M. [I] et la société Bellonor seront condamnés aux entiers dépens et à payer à M. [E] 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 68. L'exécution provisoire qui est de droit conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile n'a pas lieu d'être écartée. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Ecarte les fins de non recevoir soulevées par Monsieur [T] [I] et la société Bellonor ; Rejette l'ensemble des demandes de Monsieur [T] [I] et de la société Bellonor ; Condamne in solidum Monsieur [T] [I] et la société Bellonor à payer à Monsieur [X] [E] 5000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon de droit d'auteur ; Fait interdiction à Monsieur [T] [I] et la société Bellonor de faire usage, fabriquer, commercialiser ou présenter au public le bracelet « mon précieux lien », sous astreinte de 200 euros par infraction constatée à compter de l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement, et pendant 180 jours ; Se réserve la liquidation de l'astreinte ; Déboute Monsieur [X] [E] du surplus de ses demandes ; Condamne Monsieur [T] [I] et la société Bellonor aux dépens de l'instance, dont distraction au profit deMaître Marc Peufaillit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile; Condamne Monsieur [T] [I] et la société Bellonor à payer à Monsieur [X] [E] 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 11 octobre 2023 La greffière Le président | x |
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JURITEXT000048550578 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550578.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 11 octobre 2023, 21/08160 | 2023-10-11 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/08160 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 21/08160 - No Portalis 352J-W-B7F-CUUHA No MINUTE : Assignation du :10 juin 2021 JUGEMENT rendu le 11 octobre 2023 DEMANDERESSES Madame [V] [B][Adresse 3][Localité 5] S.A.S. ML CONSULTING[Adresse 3][Localité 5] représentées par Maître Marie-Hélène FABIANI de l'ASSOCIATION L & P ASSOCIATION D'AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0241 DÉFENDERESSES S.A.S. IVI CORPORATION[Adresse 4][Localité 5] Madame [W] [L][Adresse 1][Localité 6] représentées par Maître Pierre PÉROT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0512COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointAnne BOUTRON, vice-présidenteLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DÉBATS A l'audience du 19 avril 2023 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023, puis prorogé au 11 octobre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort ________________________________ EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. Mme [V] [B] se présente comme une joaillière française dont les créations sont commercialisées par la société par actions simplifiée (ci-après SAS ) ML Consulting, immatriculée le 25 juillet 2018 au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Paris. 2. Elle prétend avoir créé et être titulaire de droits d'auteur sur les bijoux "Trimurti", "Trimurti coco diamonds", "Trimurti pierres", "Trimurti + lien Mauli", "Trimurti pierres + chaîne flower", "Trimurti coco diamonds + chaîne Daisy fleurs", "Trimurti coco diamonds + chaîne coco Shell", "Trimurti pierres + lien Saree", "Orbe heartbeat" et "Orbe heartbeat + lien Mauli". 3. Elle est également titulaire du modèle français no20213151-005, déposé le 30 juin 2021 à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) pour un pendentif de bijouterie. 4. Mme [W] [L], utilisant le nom d'artiste [C] [J], se présente comme designer spécialisée dans le domaine de la joaillerie et du textile. 5. La SAS Ivi Corporation, immatriculée le 10 octobre 2019 au RCS de Paris, commercialise les créations de sa présidente, Mme [W] [L], sous le nom commercial "[J]". 6. Reprochant à Mme [W] [L] et à la société Ivi Corporation la commercialisation des bijoux dénommés "Suncatcher gold diamond", "Suncatcher silver diamond", "Suncatcher silver ruby", "Flower chain", "Coco chain", "Sari" et "Coco love" et des publications sur les réseaux sociaux qu'elles disent contrefaire les bijoux sur lesquels elles détiennent des droits et être constitutifs d'actes de concurrence déloyale et parasitaire, Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting les ont mises en demeure par lettre de leur conseil du 7 mai 2021, de cesser cette commercialisation et de supprimer les publications litigieuses. 7. Par lettre de leur conseil du 31 mai 2021, Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation ont refusé de faire droit à ces demandes, affirmant que Mme [V] [B] ne justifiait pas de la titularité des droits d'auteur revendiqués et qu'elle et la SAS ML Consulting commettaient des actes de dénigrement à leur encontre. 8. C'est dans ces circonstances que par acte d'huissier du 10 juin 2021, Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting ont fait assigner Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation en contrefaçon de droits d'auteur et de dessins ou modèles communautaire et français ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire. 9. Par conclusions d'incident du 13 octobre 2021, Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation ont saisi le juge de la mise en état de l'irrecevabilité des demandes formées contre elles, au motif que Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting ne démontraient pas leur qualité pour agir en contrefaçon. 10. Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting ont demandé au juge de la mise en état, à titre reconventionnel, le versement d'une provision et la communication forcée de documents comptables et commerciaux. 11. Par ordonnance du 8 mars 2022, le juge de la mise en état a :- écarté la fin de non-recevoir formée par Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation- les a enjointes de communiquer une attestation de leur expert-comptable mentionnant l'intégralité des quantités vendues, du chiffre d'affaires et du bénéfice (répartis par année) réalisés sur les objets référencés "Suncatcher gold diamond", "Suncatcher silver diamond", "Suncatcher silver ruby", "Flower chain", "Coco chain" et "Sari", dans un délai de 90 jours à compter de la signification de l'ordonnance, puis sous astreinte de 300 euros par jour qui courra pendant 120 jours au maximum- rejeté le surplus des demandes de communication de documents- rejeté les demandes de provision formées par les demanderesses- réservé les dépens- rejeté les demandes au titre des frais non compris dans les dépens. 12. Parallèlement, reprochant à Mme [V] [B] et à la SAS ML Consulting d'avoir commis des actes de dénigrement, Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation les ont faites assigner, par acte d'huissier du 10 novembre 2021, devant le président du tribunal de commerce de Paris statuant en référé. 13. Par ordonnance du 15 février 2022, le président du tribunal de commerce de Paris a fait droit à l'exception de connexité soulevée par la SAS ML Consulting et a renvoyé l'affaire devant ce tribunal, la jonction des deux instances ayant été prononcée le 19 mai 2022. 14. L'instruction a été close par ordonnance du 15 septembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 19 avril 2023 pour être plaidée. 15. Exposant avoir découvert de nouveaux faits de parasitisme, Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting ont demandé, par conclusions notifiées le 31 mars 2023 et adressées au tribunal, la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 15 septembre 2022 et la réouverture des débats. 16. Le tribunal a rejeté cette demande par décision du 19 avril 2023 au motif de l'absence de cause grave la justifiant. EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS 17. Dans ses dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 13 septembre 2022, Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting ont demandé au tribunal de :- dire et juger que, en commercialisant les bijoux litigieux susvisés, Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation ont commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur appartenant à Mme [V] [B] sur ses modèles de lockets "Trimurti", "Trimurti coco diamonds", "Trimurti pierres", et "Orbe heartbeat" (anciennement "Ball locket") et ses modèles de colliers éponymes ;- dire et juger que, en commercialisant les bijoux "Suncatcher gold diamond", "Suncatcher silver diamond", "Suncatcher silver ruby", "Suncatcher gold diamond & Sari", "Suncatcher gold diamond et Flower chain" et "Coco love", Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation ont commis des actes de contrefaçon des modèles communautaires non enregistrés de [V] [B] référencés "Trimurti", "Trimurti coco diamonds", "Trimurti pierres", et "Orbe heartbeat" (anciennement "Ball locket") et ses modèles de colliers éponymes ;- dire et juger que, en commercialisant le bijou "Coco love", Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation ont commis des actes de contrefaçon du modèle DM 20213151-005 ; - dire et juger qu'en fabriquant, important, commercialisant les bijoux litigieux susvisés et en reproduisant l'univers de [V] [B], Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation, ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la SAS ML Consulting ;En conséquence : - interdire à Mme [W] [L] et à la SAS Ivi Corporation de porter directement ou indirectement atteinte aux droits d'auteurs et dessins et modèles de Mme [V] [B], et notamment de cesser toute commercialisation et promotion des modèles de colliers, sautoirs et bracelets litigieux référencés "Suncatcher", "Coco love", "Coco stars", "Coco", "Flower" et "Sari", "Suncatcher gold diamond et Flower chain", sur tous supports, sous astreinte de 5000 euros par nouvelle infraction constatée, - ordonner à Mme [W] [L] et à la SAS Ivi Corporation de retirer du marché, à leurs frais exclusifs, l'ensemble des colliers, sautoirs et bracelets litigieux, actuellement en stock et proposés à la vente, notamment par leurs revendeurs, sous astreinte de 1000 euros par infraction constatée, à compter de la signification du jugement à intervenir, - ordonner à Mme [W] [L] et à la SAS Ivi Corporation, de faire procéder, à leurs frais, dans le délai de 10 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, à la destruction des bijoux litigieux, sous contrôle d'huissier choisi par Mme [V] [B] ou la SAS ML Consulting, sous astreinte de 5000 euros par jours de retard,- condamner solidairement Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation à payer 200 000 euros à Mme [V] [B], en réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon de droit d'auteur et de dessins et modèles ;- condamner solidairement Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation à payer 200 000 euros à la SAS ML Consulting, en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale et parasitaire,- ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou magazines, en format page entière, aux frais solidaires de Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation, aux choix de Mme [V] [B], format page entière, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 8000 euros hors taxes, - ordonner la publication du jugement à intervenir aux frais solidaires de Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation, pendant une durée de 15 jours, sur la première page du site internet https://[010]com/ et sur le compte Instagram <[010]>,- condamner solidairement Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation, à verser à Mme [V] [B] 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;- condamner solidairement Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation à verser à la SAS ML Consulting, 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;- dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit, du jugement à intervenir, nonobstant l'appel et sans constitution de garantie ;- condamner solidairement Mme [W] [L] et à la SAS Ivi Corporation, en tous les dépens et frais de constat d'huissier. 18. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 septembre 2022, Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation ont demandé au tribunal de :à titre principal,- débouter Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting de toutes leurs demandes, fins et conclusions, comme étant irrecevables ou à tout le moins mal fondées ;- rejeter les demandes formées par Mme [V] [B] au titre du droit d'auteur à défaut pour elle de démontrer l'originalité des oeuvres invoquées ;- prononcer la nullité du dessin et modèle DM no20213151-005 de Mme [V] [B] et rejeter en conséquence ses demandes au titre du droit des dessins et modèles ;- dire et juger que les actes de contrefaçon de dessins et modèles communautaires non enregistrés ne sont pas constitués et rejetés les demandes formées à ce titre ;- dire et juger que les actes de contrefaçon de droit d'auteur et du dessin et modèle DM no20213151-005 ne sont, en tout état de cause, pas constitués ;- rejeter les demandes formées par la SAS ML Consulting au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ;à titre subsidiaire,- rejeter les demandes de condamnations pécuniaires, d'interdiction, de destruction et de publication sollicitées par Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting ;à titre reconventionnel,- les dire et juger recevables et bien fondées en leurs demandes ;- dire et juger que Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting ont commis des actes de dénigrement et les condamner à leur payer 150 000 euros à titre de dommages et intérêts, quitte à parfaire ;en conséquence,- ordonner à Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting de cesser de faire mention ou allusion de la SAS Ivi Corporation et de ses produits auprès de tout tiers, directement ou indirectement, par toute personne physique ou morale interposée, quel qu'en soit le support ou la forme, et ce sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée, à compter de la signification du jugement à intervenir ;- ordonner à Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting de leur communiquer le nom et les coordonnées complètes de toutes les entités ayant été destinataires de courriers et de démarches relatifs à la SAS Ivi Corporation et à ses produits, quel qu'en soit le support ou la forme, et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard dans les 48 heures à compter de la signification du jugement à intervenir ;- ordonner à Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting d'afficher, de manière visible et lisible, le dispositif du jugement à intervenir sur la partie immédiatement visible de la page d'accueil de son site Internet https://www.[08].com, pendant trois mois, ainsi que sur le compte Instagram [V] [B] par le biais d'une publication et ce sous astreinte provisoire de 10 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;- se réserver la liquidation des astreintes ainsi ordonnées ;En tout état de cause :- écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;- condamner Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting à leur payer 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- condamner Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting à payer tous les dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Pierre Pérot en application de l'article 699 du code de procédure civile. MOTIVATION I - Sur l'identification des oeuvres revendiquées Moyens des parties 19. Mme [L] et la SAS Ivi Corporation font valoir que les demanderesses invoquent huit oeuvres arguées de contrefaçon de droit d'auteur sans apporter de précision relativement à la date et aux conditions de leurs créations, en sorte qu'elles ne peuvent pas valablement prétendre être titulaires de droits d'auteur sur les bijoux revendiqués. 20. Mme [B] et la SAS ML Consulting opposent que le processus de création de leurs oeuvres s'inscrit dans le temps après une longue réflexion, mais ont, selon elles, date certaine dont elles déduisent la création antérieure de leurs modèles aux actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire des défendeurs. Réponse du tribunal Aux termes de l'article L.111-2 du code de la propriété intellectuelle, "l'oeuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l'auteur". 21. Conformément à l'article L.113-1 du même code, "la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée". 22. Au cas présent, les modèles de bijoux revendiqués par Mme [B] et la SAS ML Consulting ont fait l'objet :- pour le modèle "Trimurti" de publications les 13, 19, 26 août, 4 octobre 2019 sur le compte Instagram <[08]>, le 8 octobre 2020 dans le catalogue "[V] [B]", en mars 2020 dans le magazine Vogue et de ventes à compter du 15 septembre 2019 (pièces [B] et ML Consulting no10, 11, 27, 36)- pour le modèle "Trimurti + lien Mauli" de publications le 14 avril 2020 sur le même compte Instagram, dans le magazine Grazia du 29 novembre au 5 décembre 2019 et de ventes à compter du 31 octobre 2019 (mêmes pièces no10, 27, 36)- pour le modèle "Trimurti pierres" de publications le 22 novembre 2019 sur le même compte Instagram (même pièce no10)- pour le modèle "Trimurti coco diamonds" de publications le 27 février 2020 sur le même compte Instagram, le 8 octobre 2020 dans le même catalogue et de ventes à compter du 27 juillet 2020 (même pièces no10, 27bis, 36)- pour les liens "chaîne flower", "chaîne Daisy fleurs", "chaîne coco Shell" et "lien Saree" de publications entre le 4 octobre 2019 et le 8 octobre 2020 et de vente à compter du 26 septembre 2019 (mêmes pièces no10, 11, 27, 27bis, et 36). 23. L'absence de précision quant aux conditions de leur création est indifférente dès lors que Mme [L] et la SAS Ivi Corporation ne revendiquent aucun droit sur ces créations. 24. Par ailleurs, ces dernières ne prétendent à aucun moment que les bijoux argués de contrefaçon auraient été créés ou diffusés antérieurement à ceux qui leurs sont opposés. 25. Le moyen tiré de l'absence d'identification des oeuvres revendiquées sera, en conséquence, écarté. II - Sur l'originalité des oeuvres revendiquées Moyens des parties 26. Mme [L] et la SAS Ivi Corporation soutiennent que l'originalité des oeuvres revendiquées fait défaut, le locket "Trimurti", décliné en huit versions ne faisant pas l'objet de démonstrations distinctes de leurs caractéristiques originales, le locket relevant en lui-même d'un concept de libre parcours et de l'absence de processus créatif au regard de l'art antérieur, que ce soit pour la forme de locket ou l'ornementation de motifs gravés qui relèvent du fonds commun de la bijouterie. Le modèle "Ball locket" rebaptisé "Orbe heartbeat" revêt, selon elles, le même défaut d'originalité, la forme de sphère étant banale et proposée par de nombreux concurrents. 27. Mme [B] et la SAS ML Consulting objectent que le modèle "Trimurti" est particulièrement original compte tenu de ses caractéristiques, notamment inédite dans sa forme, chaque déclinaison du modèle présentant sa propre originalité : les motifs gravés pour le modèle "Trimurti", l'incrustation de pierres pour le modèle "Trimurti pierres", les diamants incrustés pour le modèle "Trimurti coco diamonds", la combinaison des prismes et de différents liens originaux pour les modèles "Trimurti + lien Mauli", "Trimurti + chaîne flower", "Trimurti coco diamonds + chaîne Daisy fleurs", "Trimurti coco diamonds + chaîne coco Shell", "Trimurti pierres + lien Saree". Elles assurent que le modèle "Orbe heartbeat" dispose également de caractéristiques originales, de même que sa combinaison avec le lien coloré baptisé "Mauli". Réponse du tribunal 28. Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. 29. En application de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. 30. L'originalité d'une oeuvre résulte notamment de partis pris esthétiques et de choix arbitraires de son auteur qui caractérisent un effort créatif portant l'empreinte de sa personnalité, et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. 31. Lorsque la protection par le droit d'auteur est contestée en défense, l'originalité d'une oeuvre doit être explicitée par celui qui s'en prétend l'auteur, seul ce dernier étant à même d'identifier les éléments traduisant sa personnalité. En effet, le principe de la contradiction prévu à l'article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques revendiquées de l'oeuvre qui fondent l'atteinte alléguée et apporter la preuve de l'absence d'originalité de l'oeuvre. II.1 - Sur l'originalité des modèles "Trimurti" 32. S'agissant du modèle "Trimurti", les caractéristiques originales revendiquées sont :- "un prisme à six faces, divisé en trois parties symbolisant les trois divinités de la Trinité hindoue et comprenant une ornementation spécifique de motifs gravés"- "la forme inédite de cet objet qui est à la fois un fermoir et un pendentif, avec deux accroches sur chaque côté, permettant le caractère interchangeable des liens et chaînes"- "le système d'accroche ne se révèle finalement qu'après la prise en main de l'oeuvre"- "l'opposition entre la forme de prisme horizontal, austère et étrange du bijou, accentuée par la division en trois parties"- "l'ornementation de motifs arrondis gravés sur chaque face"- "à l'instar d'un mécano, le pendentif est divisé en trois blocs qui bougent, et chaque bloc présente des faces ornées de motifs gravés de volutes, avec des épaisseurs de traits différents". 33. S'agissant du modèle "Trimurti coco diamonds", les caractéristiques originales revendiquées sont :- "un prisme, ou un tube à faces plates à six faces, divisé en trois parties symbolisant les trois divinités de la Trinité hindoue et comprenant une ornementation spécifique et une alternance choisie de diamants en forme d'étoiles"- "la forme inédite de cet objet qui est à la fois un fermoir et un pendentif, avec deux accroches sur chaque côté, permettant le caractère interchangeable des liens et chaînes"- "le système d'accroche ne se révèle finalement qu'après la prise en main de l'oeuvre"- "l'opposition entre la forme de prisme horizontal, austère et étrange du bijou, accentuée par la division en trois parties (...) en alternance, sur chaque face du prisme"- "à l'instar d'un mécano, le pendentif est divisé en trois blocs qui bougent, et chaque bloc présente des faces ornées de motifs étoile en diamant". 34. S'agissant du modèle "Trimurti pierres", les caractéristiques originales revendiquées sont :- "un prisme à six faces, divisé en trois parties symbolisant les trois divinités de la Trinité hindoue et comprenant une ornementation spécifique de pierres choisies, représentant des yeux protecteurs, en rubis pour Brahma, en émeraude pour Vishnou et en saphir pour Shiva"- "la forme inédite de cet objet qui est à la fois un fermoir et un pendentif, avec deux accroches sur chaque côté, permettant le caractère interchangeable des liens et chaînes"- "le système d'accroche ne se révèle finalement qu'après la prise en main de l'oeuvre"- "l'opposition entre la forme de prisme horizontal, austère et étrange du bijou, accentuée par la division en trois parties"- "l'ornementation de motifs arrondis gravés et de pierres précieuses taillées en forme d'?il"- "à l'instar d'un mécano, le pendentif est divisé en trois blocs qui bougent, et chaque bloc présente des faces ornées de motifs gravés de volutes, avec des épaisseurs de traits différents et de pierres précieuses taillées et colorées". 35. Pour ces trois modèles, Mme [B] ajoute que le processus de création a été alimenté notamment par ses voyages en Inde dont elle s'est inspirée de la vie spirituelle, le locket "Trimurti" étant la représentation "de la Trinité hindoue ou Trimurti, (qui) se compose ainsi de trois divinités : Brahma, qui représente la création, Vishnu, qui représente la préservation et Shiva qui représente la destruction". 36. S'agissant du modèle "Trimurti + lien Mauli", les caractéristiques originales revendiquées sont celles du modèle "Trimurti" outre "la combinaison entre un locket précieux à la forme de prisme horizontal, austère, accentuée par la division en 3 parties, associé à la pureté d'un lien de coton rouge, composés de perles dorées, évoquant lien de prière indien". 37. S'agissant du modèle "Trimurti pierres+ chaîne flower", les caractéristiques originales revendiquées sont celles du modèle "Trimurti pierres" outre "la légèreté d'une chaîne à pampilles de fleurs au c?ur sertis de pierres précieuses multicolores". 38. S'agissant du modèle "Trimurti coco diamonds+ chaîne Daisy fleurs", les caractéristiques originales revendiquées sont celles du modèle "Trimurti coco diamonds" outre " la candeur d'une chaîne constituée de maillons décorés de fleurs (marguerites)". 39. S'agissant du modèle "Trimurti coco diamonds+ chaîne coco Shell", les caractéristiques originales revendiquées sont celles du modèle "Trimurti coco diamonds" outre "la rondeur d'un maillage en grains de café striés (effet coco)". 40. S'agissant du modèle "Trimurti pierres+ lien Saree", les caractéristiques originales revendiquées sont celles du modèle "Trimurti pierres" outre les "couleurs vives d'un lien en coton coloré évoquant un sari (vêtement traditionnel porté par les femmes en Asie, notamment en Inde)". 41. Il résulte de l'ensemble que les trois modèles "Trimurti" présentent des caractéristiques originales, portant l'empreinte de la personnalité de Mme [B] et dont les pièces présentées en défense à titre d'illustration du fonds commun de la bijouterie établissent qu'ils sont le fruit d'un effort créatif leur permettant de s'en distinguer. En effet, aucun des bijoux antérieurs n'associe un prisme à six faces, divisé en trois parties, formant à la fois un fermoir et un pendentif, avec deux accroches sur chaque côté, permettant le caractère interchangeable des liens et chaînes et dont le système d'accroche ne se révèle finalement qu'après la prise en main du bijou (pièces en défense no4.1 à 4.5). 42. Les modèles "Trimurti" présentant un caractère original, leurs combinaisons avec les différentes chaînes ou liens revendiqués présentent également cette même originalité, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'originalité propre à chacun d'eux, à ce stade. 43. Le moyen tiré de l'absence d'originalité des modèles "Trimurti" revendiquées sera, en conséquence, écarté. II.2 - Sur l'originalité du modèle "Orbe heartbeat" 44. S'agissant du modèle "Orbe heartbeat", les caractéristiques originales revendiquées sont :- "une orbe/sphère en or mat, comportant des stries pour accentuer le côté brut, parsemée d'étoiles gravées, chacune sertie d'un diamant, qui s'ouvre pour laisser apparaître un c?ur émaillé rouge"- "l'ornementation spécifique et choisie de la sphère/orbe, composée d'une constellation d'étoiles gravées et serties de diamants, évoquant le ciel étoilé"- "l'ouverture de la sphère/orbe, qui dévoile en son centre un c?ur émaillé rouge, placé sur une trembleuse" 45. S'agissant du modèle "Orbe heartbeat + lien Mauli", les caractéristiques originales revendiquées sont celles du modèle "Orbe heartbeat" outre l'association à "un cordon indien coloré et composé de perle, évoquant le sacré et l'harmonie". 46. À l'inverse des modèles précédents, les pièces produites en défense établissent que les caractéristiques du modèle "Orbe heartbeat"sont issues du fonds commun de la bijouterie, parmi lesquelles se trouvent notamment un orbe du 6 juillet 1962 présentant les mêmes caractéristiques à l'exception du métal précieux mat et de la présence d'un c?ur émaillé rouge, placé sur une trembleuse (pièces des défenderesses no4.5 et 4.6), ces deux dernières caractéristiques, qui se retrouvent dans d'autres bijoux, ne suffisant pas à lui conférer l'originalité revendiquée. 47. De même, le modèle de lien "Mauli" est dépourvu de caractéristiques originales, celles revendiquées appartenant au fonds commun de la bijouterie (pièce des défenderesses no4.5), outre que sa seule caractéristique ne permet pas d'y déceler un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de Mme [B]. 48. Les modèles "Orbe heartbeat" et "lien Mauli", pris isolément ou en combinaison, sont, en conséquence, dépourvus d'originalité et les demandes de Mme [B] et de la SAS ML Consulting fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur de ces deux modèles seront rejetées. III - Sur la contrefaçon de droit d'auteur Moyens des parties 49. Mme [B] et la SAS ML Consulting reprochent aux défenderesses de reproduire sans leur autorisation les modèles de bijoux "Trimurti" sur lesquelles elles détiennent des droits d'auteur, en proposant à la vente des modèles "Suncatcher gold diamonds", "Suncatcher silver diamonds", "Suncatcher silver ruby" qui en reproduisent les caractéristiques originales, ainsi que leurs déclinaisons avec des liens "Sari", "Flower chain" et "Coco chain", reproduisant également les caractéristiques de leurs modèles. 50. Mme [L] et la SAS Ivi Corporation contestent toute reproduction des caractéristiques des modèles invoqués par les demanderesses, arguant que leurs modèles s'en distinguent en étant constitués de pépites creuses avec une face arrondie et des dimensions et des formes qui en diffèrent nettement. Réponse du tribunal 51. Selon l'article L.122-1 du code de la propriété intellectuelle, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. 52. En application de l'article L.122-4 du même code, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. 53. La contrefaçon s'apprécie par les ressemblances et non par les différences (en ce sens Cour de cassation, 1re chambre civile, 6 janvier 2021, pourvoi no19-20.758). 54. En l'occurrence, force est de constater que les modèles "Suncatcher" argués de contrefaçon ne présentent pas la plupart des caractéristiques originales revendiquées par Mme [B] et la SAS ML Consulting :- ils ne sont pas constitués de prismes à six faces- le système d'accroche est fixe- les gravures anguleuses se distinguent des arabesques du modèle "Trimurti"- les diamants sont sertis au centre de la face plane et non en alternance sur chaque face du prisme pour le modèle "Trimurti coco diamonds"- les pierres sont monocolores, soit en diamants, soit en rubis, à la différence du modèle "Trimurti pierres". 55. Ces différences sont accentuées par la réalisation en or brillant ou en argent des modèles "Suncatcher", tandis que les modèles "Trimurti" sont en or mat, en sorte que les modèles argués de contrefaçon ne présentent pas de réelles ressemblances avec les modèles "Trimurti". 56. Dès lors, la contrefaçon alléguée n'est pas constituée et les demandes à ce titre de Mme [B] et de la SAS ML Consulting seront rejetées. IV - Sur la validité des modèles communautaires non enregistrés Moyens des parties 57. Mme [L] et la SAS Ivi Corporation estiment que les huit lockets "Trimurti" ne sauraient valablement être protégés par des modèles communautaires non enregistrés, dès lors que les demanderesses n'invoquent, sur ce fondement, aucun fait distinct de ceux visés au titre de la contrefaçon de droit d'auteur et que les lockets ne sont pas nouveaux et ne présentent pas de caractères individuels au regard de l'art antérieur. 58. Mme [B] et la SAS ML Consulting considèrent que chaque modèle de locket "Trimurti" remplit les conditions de sa protection par un modèle communautaire non enregistré, ayant été divulgués dans l'Union européenne et présentant un caractère nouveau et individuel. Elles invoquent également que les modèles "Orbe heartbeat" et "Orbe heartbeat + lien Mauli" constituent chacun un modèle communautaire non enregistré, eu égard à sa nouveauté et son caractère individuel. Réponse du tribunal 59. En application de l'article 11§1 du règlement (CE) no6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les modèles communautaires, un modèle communautaire non enregistré qui remplit les conditions de nouveauté et de caractère individuel est protégé pendant une période de trois ans à compter de la date à laquelle il a été divulgué au public pour la première fois au sein de l'Union européenne. 60. Selon l'article 11§2 du même règlement, "aux fins du paragraphe 1, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public au sein de la Communauté s'il a été publié, exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière de telle sorte que, dans la pratique normale des affaires, ces faits pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté. Toutefois, le dessin ou modèle n'est pas réputé avoir été divulgué au public uniquement parce qu'il a été divulgué à un tiers à des conditions explicites ou implicites de secret". 61. La preuve de la divulgation requise en vue d'établir l'existence du droit invoqué, plus exigeante que celle d'une antériorité visant à combattre la validité du titre, suppose donc la démonstration de faits tels que dans la pratique normale des affaires, ceux-ci pouvaient être raisonnablement connus "des milieux spécialisés du secteur concerné", opérant dans l'Union (Cour de justice de l'Union européenne, C-479/12, 13 février 2014. H. Gautzsch Großhandel GmbH & Co. KG c. Münchener Boulevard Möbel Joseph Duna GmbH. demande de décision préjudicielle, points 25 à 27). 62. Aux termes de l'article 96§2 du même règlement "un dessin ou modèle protégé par un dessin ou modèle communautaire bénéficie également de la protection accordée par la législation sur le droit d'auteur des États membres à partir de la date à laquelle il a été créé ou fixé sous une forme quelconque. La portée et les conditions d'obtention de cette protection, y compris le degré d'originalité requis, sont déterminées par chaque État membre". 63. Il résulte de cette dernière disposition que la protection d'une oeuvre par le droit d'auteur n'exclut pas sa protection au titre d'un modèle communautaire non enregistré. 64. Le modèle est nouveau lorsqu'il ne peut lui être opposé d'antériorité de toutes pièces, c'est-à-dire présentant toutes les caractéristiques du modèle en cause. 65. Un modèle présente un caractère propre dès lors que s'en dégage une impression visuelle d'ensemble qui lui permet de se démarquer des antériorités opposées, chacune individuellement en tous ses éléments pris dans leur combinaison (Cour de cassation, chambre commerciale, 20 septembre 2016, no15-10.939 et 24 mai 2017, no14-24.699). 66. L'appréciation de l'impression visuelle d'ensemble est opérée par référence à un observateur averti défini comme un observateur doté d'une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (Cour de cassation, chambre commerciale, 3 avril 2013, no12-13.356 et 29 mars 2017, no15-20.785). 67. Enfin, l'antériorité opposée doit avoir date certaine, cette date pouvant être celle de sa publication (Cour de cassation, chambre commerciale, 26 octobre 2010, no09-67.107 et 24 juin 2014, no13-12.067). 68. Ainsi, le moyen de Mme [L] et de la SAS Ivi Corporation tiré de ce que les demanderesses n'invoquent, sur le fondement de la protection au titre de la contrefaçon des modèles communautaires non enregistrés, aucun fait distinct de ceux visés au titre de la contrefaçon de droit d'auteur est, en conséquence, sans fondement et sera écarté. 69. S'agissant de leur divulgation au public au sein de l'Union européenne, il n'est pas contesté par les défenderesses et il ressort des pièces produites en demande que les modèles revendiqués ont été publiés ou diffusés entre le 13 août 2019 et le 8 octobre 2020, notamment sur les réseaux sociaux et dans des magazines français grand public, en sorte que ces faits pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l'Union européenne. 70. S'agissant du caractère nouveau et individuel des modèles communautaires revendiqués Mme [B] et la SAS ML Consulting invoquent les mêmes caractéristiques originales qu'au titre des droits d'auteur. 71. Mme [L] et la SAS Ivi Corporation opposent à titre d'antériorité aux trois modèles "Trimurti", "Trimurti pierres" et "Trimurti coco diamonds", trente-et-un modèles ayant date certaine entre la première moitié du 19ème siècle et le 25 avril 2018, présentant soit des prismes à six faces composés de différents matériaux précieux ou semi-précieux (leur pièce 4.1), soit des prismes gravés servant de fermoirs à des bracelets ou colliers composés de matières tissées alternant avec l'or ou un métal imitant l'or (leur pièce 4.2), soit des colliers présentant une succession de prismes horizontaux et d'ornementation précieuse (leur pièce 4.3), soit des bijoux composés de trois éléments (leur pièce 4.4). 72. Néanmoins, aucun de ces modèles ne présente toutes les caractéristiques des modèles opposés, en particulier "un prisme à six faces, divisé en trois parties (...) qui bougent" et "le système d'accroche (qui) ne se révèle finalement qu'après la prise en main de l'oeuvre". 73. À défaut d'antériorité dévoilant ces caractéristiques nouvelles, les trois modèles "Trimurti", "Trimurti pierres" et "Trimurti coco diamonds", qui sont constitués de ces caractéristiques communes, présentent un caractère nouveau et individuel justifiant leur protection au titre d'un modèle communautaire non enregistré. 74. Mme [L] et la SAS Ivi Corporation opposent à titre d'antériorité au modèle "Orbe heartbeat" six antériorités, dont seules cinq ont date certaine : un modèle issu du site <mattyweldon.com> daté de 1830-1900, un modèle issu du site <etsy.com> daté de 1960, un modèle issu du site <[09].com> daté de 1962 et un modèle issu du site <trademarkantiques.com> daté de 1960-1970. 75. Toutefois, aucun de ces modèles ne présente toutes les caractéristiques du modèle "Orbe heartbeat", en particulier "l'ouverture de la sphère/orbe, qui dévoile en son centre un c?ur émaillé rouge, placé sur une trembleuse", caractéristique qui lui permet de se démarquer des antériorités opposées. 76. À défaut d'antériorité dévoilant cette caractéristique nouvelle, le modèle "Orbe heartbeat" présente un caractère nouveau et individuel justifiant sa protection au titre d'un modèle communautaire non enregistré. 77. En conséquence, le moyen de Mme [L] et la SAS Ivi Corporation tiré du défaut de validité des modèles communautaires non enregistrés sera écarté. V - Sur la validité du modèle français enregistré Moyens des parties 78. Mme [L] et la SAS Ivi Corporation avancent que le modèle de modèle no20213151-005 opposé par les demanderesses est nul pour défaut de nouveauté en raison de sa divulgation par sa créatrice en mars 2020, soit plus d'un an avant le dépôt de la demande d'enregistrement. 79. Mme [B] et la SAS ML Consulting ne répond pas à ce moyen. Réponse du tribunal 80. Selon l'article L.511-3 du code de la propriété intellectuelle, "un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants". 81. Aux termes de l'article L.511-6 du même code "un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué s'il a été rendu accessible au public par une publication, un usage ou tout autre moyen. Il n'y a pas divulgation lorsque le dessin ou modèle n'a pu être raisonnablement connu, selon la pratique courante des affaires dans le secteur intéressé, par des professionnels agissant dans la Communauté européenne, avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée.Toutefois, le dessin ou modèle n'est pas réputé avoir été divulgué au public du seul fait qu'il a été divulgué à un tiers sous condition, explicite ou implicite, de secret.Lorsqu'elle a eu lieu dans les douze mois précédant la date du dépôt de la demande ou la date de priorité revendiquée, la divulgation n'est pas prise en considération :a) Si le dessin ou modèle a été divulgué par le créateur ou son ayant cause, ou par un tiers à partir d'informations fournies ou d'actes accomplis par le créateur ou son ayant cause ;b) Ou si le dessin ou modèle a été divulgué à la suite d'un comportement abusif à l'encontre du créateur ou de son ayant cause.Le délai de douze mois prévu au présent article n'est pas applicable lorsque la divulgation est intervenue avant le 1er octobre 2001". 82. Au cas présent, le modèle français no20213151-005, argué de contrefaçon, a été déposé le 30 juin 2021 à l'INPI par Mme [B]. 83. Les factures visées par Mme [L] et la SAS Ivi Corporation pour tenir lieu de divulgation de ce modèle plus d'un an avant son enregistrement portent la mention "Ball locket heart small" le 14 mai 2020. 84. Cette mention est insuffisante à établir qu'elle correspond au modèle enregistré qui comporte un trèfle à l'intérieur de l'orbe en or, non un c?ur, traduction de "heart" en anglais, en émail rouge. 85. De même, la circonstance qu'une photo promotionnelle en noir et blanc d'un bijou figurant un orbe ait été publiée le 13 mars 2020 sur le compte <[08]> d'un réseau social non identifié, ne démontre pas qu'il s'agisse du modèle en cause, faute de dévoiler l'ensemble de ses caractéristiques en particulier l'ouverture de la sphère, qui dévoile en son centre un trèfle, placé sur une trembleuse. 86. Le moyen de Mme [L] et la SAS Ivi Corporation tiré de la nullité pour défaut de nouveauté du modèle français no20213151-005 sera écarté. VI - Sur la contrefaçon des modèles communautaires et français Moyens des parties 87. Mme [B] et la SAS ML Consulting soutiennent que les modèles "Suncatcher gold diamonds", "Suncatcher silver diamonds", "Suncatcher silver ruby" reproduisent, sans leur autorisation, les caractéristiques de leurs modèles communautaires non enregistrés. Elles avancent que les modèles "Coco stars" et "Coco love" reproduisent de même leur modèle communautaire non enregistré "Orbe heartbeat" et français no20213151-005. 88. Mme [L] et la SAS Ivi Corporation se défendent de toute contrefaçon de modèle communautaire non enregistré, faisant valoir que leurs modèles se distinguent des modèles communautaires et français qui leur sont opposés. Réponse du tribunal 89. L'article 10 du règlement (CE) no6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires dispose que "1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente.2. Pour apprécier l'étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle". 90. Interprétant ces dispositions, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que :- "la notion d'utilisateur averti s'entend comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marque, auquel il n'est demandé aucune connaissance spécifique et qui en général n'effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle de l'homme de l'art expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d'utilisateur averti peut s'entendre comme désignant un utilisateur doté non d'une attention moyenne mais d'une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré" ;- "s'agissant du niveau d'attention de l'utilisateur averti, il y a lieu de rappeler que, si celui-ci n'est pas le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé qui perçoit habituellement un dessin ou un modèle comme un tout et ne se livre pas à un examen de ces différents détails, il n'est pas non plus l'expert ou l'homme de l'art capable d'observer dans le détail les différences minimes susceptibles d'exister entre les modèles ou dessins en conflit. Ainsi, le qualificatif " averti " suggère que, sans être un concepteur ou un expert technique, l'utilisateur connaît différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d'un certain degré de connaissance quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement, et du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d'un degré d'attention relativement élevé lorsqu'il les utilise" (CJUE, 20 octobre 2011, PepsiCo Inc et Grupo Promer Mon Graphic SA c./ OHMI, C-281/10, points 53 et 59). 91. Conformément à l'article 19 du même règlement, "1. Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins.2. Le dessin ou modèle communautaire non enregistré ne confère cependant à son titulaire le droit d'interdire les actes visés au paragraphe 1 que si l'utilisation contestée résulte d'une copie du dessin ou modèle protégé.L'utilisation contestée n'est pas considérée comme résultant d'une copie du dessin ou modèle protégé si elle résulte d'un travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu'il ne connaissait pas le dessin ou modèle divulgué par le titulaire.3. Le paragraphe 2 s'applique également à un dessin ou modèle communautaire enregistré soumis à un ajournement de publication tant que les inscriptions pertinentes au registre et le dossier n'ont pas été divulgués au public conformément à l'article 50, paragraphe 4". 92. Aux termes de l'article L.513-4 du code de la propriété intellectuelle, "sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, le transbordement, l'utilisation, ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle". 93. L'article L.513-5 du même code dispose que "la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente". 94. L'article L.515-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que "toute atteinte aux droits définis par l'article 19 du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur". 95. La reproduction des caractéristiques essentielles d'un modèle enregistré, engendrant la même impression visuelle globale, en constitue la contrefaçon (en ce sens, Cass. com., 26 mars 2008, no06-22.013). 96. En l'espèce, compte tenu du caractère fortement concurrentiel du marché des bijoux et du prix élevé des bijoux confectionnés en pierres et métaux précieux, le degré d'attention de l'utilisateur averti, défini comme une personne qui s'intéresse au marché des bijoux et se tient régulièrement informée, est élevé. 97. S'agissant des trois modèles communautaires non enregistrés "Trimurti", les trois modèles "Suncatcher" commercialisés par Mme [L] ou la SAS Ivi Corporation s'en distinguent dans la mesures où plusieurs caractéristiques ne sont pas reproduites :- ils ne sont pas constitués de prismes à six faces- le système d'accroche est fixe- les gravures anguleuses se distinguent des arabesques du modèle "Trimurti"- les diamants sont sertis au centre de la face plane et non en alternance sur chaque face du prisme pour le modèle "Trimurti coco diamonds"- les pierres sont monocolores, soit en diamants, soit en rubis, à la différence du modèle "Trimurti pierres". 98. Ces différences sont accentuées par la réalisation en or brillant ou en argent des modèles "Suncatcher", tandis que les modèles "Trimurti" sont en or mat, en sorte que les modèles argués de contrefaçon présentent une impression visuelle d'ensemble distincte des modèles "Trimurti". 99. S'agissant du modèle communautaire non enregistré "Orbe heartbeat" et français no20213151-005, le modèle "Coco love" commercialisé par Mme [L] ou la SAS Ivi Corporation s'en distingue dans la mesure où la caractéristique nouvelle de "l'ouverture de la sphère/orbe, qui dévoile en son centre un c?ur émaillé rouge (ou un trèfle), placé sur une trembleuse" n'est pas reproduite. 100. Cette différence est accentuée par le bord plat entourant la sphère du modèle "Coco love", par l'aspect non uniforme des incrustations sur les deux faces de la sphère, ainsi que par la fixation d'un c?ur en pierre rouge par pendeloque. 101. Dès lors, la contrefaçon alléguée des modèles communautaires non enregistrés "Trimurti" et "Orbe heartbeat" ou français no20213151-005 n'est pas constituée et les demandes à ce titre de Mme [B] et de la SAS ML Consulting seront rejetées. VII - Sur le parasitisme Moyens des parties 102. Mme [B] et la SAS ML Consulting estiment qu'en procédant à une copie quasi-servile de leurs modèles, les défenderesses se sont placées de le sillage de la SAS ML Consulting en tirant indûment profit de la notoriété des produits [V] [B] qu'elle exploite et des investissements réalisés pour l'obtenir. Elles leur reprochent d'avoir délibérément emprunté de façon systématique les caractéristiques de leurs bijoux, cherchant à copier le même effet de gamme, dénommant les modèles vendus de manière similaire et reproduisant les mêmes visuels et mises en scène sur les mêmes supports de communication, s'inspirant de leur logo, présentant leur collection dans les mêmes lieux, l'ensemble, compte tenu des investissements opérés, ayant permis à leurs bijoux de s'imposer sur le marché de la joaillerie. 103. Mme [L] et la SAS Ivi Corporation contestent toute faute caractérisant un parasitisme de leur part, de même que l'établissement par les demanderesses des efforts et investissements réalisés par la SAS ML Consulting. Elles font état de l'absence de ressemblances entre leurs produits, de la banalité des publications sur Instagram, étrangères à la SAS ML Consulting puisqu'elles émanent du compte personnel de Mme [B], et des mises en scène invoquées, du caractère distinct des logos utilisés outre qu'aucune antériorité n'est démontrée par les demanderesses, de l'absence de caractère fautif de l'usage de nom communs, tels que "Sari" ou "Flower", ou celui du même hôtel ou show-room pour présenter leur collection. Réponse du tribunal 104. Aux termes des articles 1240 du code civil, "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". 105. Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 10 juillet 2018, no16-23.694). 106. En l'occurrence, au soutien de la caractérisation d'une valeur économique individualisée générant pour la SAS ML Consulting un avantage concurrentiel, les demanderesses produisent une attestation non contestée du directeur administratif et financier mentionnant que les frais de création, développement et design se sont élevés à 6938,97 euros en 2018, 497 415,31 euros en 2019 et 380 449,74 euros en 2020, les frais de communication s'établissant à 24 334,80 euros en 2019 et 40 440 euros en 2020 (leur pièce no58). 107. La notoriété des produits des demanderesses résulte également des publications exposant les bijoux qu'elles produisent, dont plusieurs magazines féminins leur assurant une forte exposition, ainsi qu'un espace de vente dans un grand magasin parisien (leurs pièces no28, 36, 40 et 59). 108. Par ailleurs, si effectivement pris isolément chacun des faits reprochés à Mme [L] et la SAS Ivi Corporation par les demanderesses n'est pas suffisant à caractériser un parasitisme de leur part, la succession et la récurrence de ces faits démontre un comportement fautif, rompant avec la libre concurrence. 109. Ainsi, la SAS ML Consulting a commercialisé en 2018 les bijoux "Trimurti" et "Orbe heartbeat" déclinés en 2019 et 2020 en une gamme (leurs pièces no10, 11, 27, 27bis, et 36). Mme [L] et la SAS Ivi Corporation ont lancé en avril 2020 une gamme de bijoux consistant dans les pendentifs "Suncatcher", formés de trois pièces articulées, et "Coco Love" et "Coco Star", modèles sphériques en or ou en argent incrustés de diamants, lesquels sans être strictement des copies serviles ou des contrefaçons, relèvent d'une inspiration commune et ont été déclinés en une gamme entre avril 2020 et novembre 2021 (pièces en demande no13 à 22). 110. Les modèles "Suncatcher" sont des pendentifs permettant d'être attachés à des chaînes en métal précieux ou traversés par des liens pour lesquels Mme [L] et la SAS Ivi Corporation ont choisi les mêmes modèles que ceux des demanderesses et dont les noms sont des copies : "lien Saree", "chaîne Daisy fleurs", "chaîne coco Shell" pour Mme [B] et la SAS ML Consulting, "Sari", "Flower chain" et "Coco chain" chez Mme [L] et la SAS Ivi Corporation (pièces en demande no13 à 16 et 26). 111. La promotion des modèles de Mme [L] et la SAS Ivi Corporation est basée sur des vecteurs de communications identiques, un site internet et le réseau social Instagram, et utilise des visuels identiques copiant ceux publiés précédemment par la SAS ML Consulting (pièces en demande no13, 14, 29 à 35). Elles ont également contacté en décembre 2021 l'hôtel dans lequel cette dernière organise les présentations de ses nouveautés pour y planifier une opération similaire (pièces no47 et 48). 112. Elles utilisent un logo pour leur signe "[C] [J]" inspiré de la marque "[V] [B]" exploitée par la SAS ML Consulting et dont il n'est pas contesté qu'elle est antérieure (pièces en demande no11, 26, 33, 55). 113. Enfin, la circonstance que la SAS ML Consulting utilise la marque "[V] [B]", déposée le 17 juillet 2019 (leur pièce no55), pour l'intitulé du compte Instagram servant à la promotion des produits qu'elles commercialisent ne démontre pas que ce compte soit personnel à Mme [B], la SAS ML Consulting démontrant qu'elle assume les dépenses de communication de la marque (leur pièce no58). 114. L'ensemble de ces faits caractérise une volonté de Mme [L] et de la SAS Ivi Corporation de se placer dans le sillage de la SAS ML Consulting afin de profiter, sans rien dépenser, des investissements opérés par ces dernières pour établir leur notoriété. 115. Mme [L] et la SAS Ivi Corporation ont, en conséquence, commis des actes de parasitisme économique engageant leurs responsabilités in solidum. VIII - Sur les mesures réparatrices Moyens des parties 116. Mme [B] et la SAS ML Consulting réclament l'indemnisation du préjudice résultant du parasitisme subi par cette dernière, le retrait et la destruction des produits litigieux sous astreinte et la publication de la décision. 117. Mme [L] et la SAS Ivi Corporation considèrent que le préjudice invoqué par la SAS ML Consulting n'est pas démontré. Réponse du tribunal 118. Aux termes des articles 1240 du code civil, "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". 119. Il en résulte un principe tendant à rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 28 octobre 1954, JCP 1955, II, 8765 et jurisprudence constante depuis). 120. Un préjudice, fût-il simplement moral, s'infère nécessairement de la caractérisation d'actes de parasitisme économique (en ce sens pour la concurrence déloyale, Cour de cassation, chambre commerciale, 12 février 2020, no17-31.614). 121. En l'espèce, les pièces produites par les demanderesses ne démontrent pas l'existence du manque à gagner de la SAS ML Consulting invoqué. La seule pièce comptable produite est une attestation du directeur financier relative aux investissements de cette société en matière de communication (leur pièce no58). 122. Les actes de parasitisme commis concurremment par Mme [L] et la SAS Ivi Corporation ont causé à la SAS ML Consulting un préjudice moral tiré de la banalisation des produits qu'elle commercialise, justifiant leur condamnation in solidum à lui payer 10 000 euros à titre de dommages et intérêts. 123. Ces fait ne justifient ni la demande de retrait du marché des produits commercialisés par les défenderesses, ni leur destruction. La demande de publication sera également rejetée, le préjudice subi étant intégralement réparé par les dommages et intérêts alloués. IX - Sur le dénigrement Moyens des parties 124. Mme [L] et la SAS Ivi Corporation prétendent que les demanderesses ont commis à leur préjudice des actes de dénigrement en les discréditant auprès de plusieurs partenaires commerciaux, en menaçant ces derniers d'actions en justice s'ils continuaient à vendre leurs produits et en affirmant qu'elles commettraient des contrefaçons. 125. Mme [B] et la SAS ML Consulting nient tout dénigrement, assurant n'avoir fait qu'adresser des mises en garde privées ou des mises en demeure aux revendeurs des bijoux qu'elles arguent de contrefaçon, outre que les autres pièces présentées ne sont pas constitutives de dénigrement. Réponse du tribunal 126. Aux termes des articles 1240 du code civil,""tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". 127. Les atteintes à la réputation d'une personne, relevant de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sont à distinguer de la mise en cause des produits et services d'une entreprise, relevant de la responsabilité délictuelle (en ce sens Cour de cassation assemblée plénière, 12 juillet 2000, no98-10.160 et 98-11.155). 128. Même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 9 janvier 2019, no17-18.350). 129. Il s'infère nécessairement d'actes de dénigrement constitutifs de concurrence déloyale un trouble commercial générant un préjudice, fût-il seulement moral (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 11 janvier 2017, no15-18.669). 130. Au cas présent, le 31 mars 2021, Mme [B] a adressé à quatre personnes de la société BMRP un courriel émis de l'adresse <[Courriel 7];, mentionnant pour sujet "[C] [J] = Plagiat" et s'étonnant que cette agence de communication "cautionne de tels actes et participe au développement d'une "marque" basée sur le plagiat" (pièces en défense no7.1) ; le 17 juin 2021 une salariée de la SAS ML Consulting a adressé sur le compte Instagram d'une boutique dénommée [Adresse 2], revendeur de produits [C] [J], le commentaire suivant : "jolie copie [V] [B] (...) vous n'avez pas honte de distribuer des contrefaçons !" (pièce en défense no7.2) ; le 19 juin 2021 le compte Instagram [V] [B] a adressé à ce même revendeur le commentaire suivant "bonjour chère Madame, savez-vous que vous revendez de la contrefaçon de nos produits ?" puis "sachez que [C] [J] a été assignée la semaine dernière et que les distributeurs de contrefaçons sont aussi responsables et condamnables" précédé et suivis de plusieurs photographies de produits [V] [B] comparés aux produits [C] [J] (pièce en défense no7.3) ; . 131. Ces messages tendent, par l'emploi du terme "contrefaçon" à connotation délictuelle, à jeter le discrédit sur les produits de Mme [L] et la SAS Ivi Corporation exploitant le nom commercial [C] [J]. La communication de tels propos à des partenaires commerciaux des personnes distribuant les produits visés en constitue une divulgation (en ce sens cour de cassation, chambre commerciale, 9 janvier 2019, no17-18.350). 132. Toutefois, ces propos ne se rapportent à aucun sujet d'intérêt général dans lequel ils s'inscriraient, aucune référence en ce sens n'y étant insérée, et, faute de toute décision judiciaire antérieure à leur publication, ils ne reposent sur aucune base factuelle suffisante. 133. Les faits susvisés constituent, pour toutes ces raisons, un dénigrement, commis tant par Mme [B] en personne que par la SAS ML Consulting, des produits vendus par Mme [L] et la SAS Ivi Corporation sous le signe [C] [J]. 134. Tel n'est, à l'inverse, pas le cas :- des mises en demeure adressées par avocat le 22 juin 2021 à la boutique 29 St Mal et le 13 juillet 2021 à un magasin Apache, lesquelles constituent un préalable impératif à une procédure judiciaire- les échanges de messages entre Mme [L] et un commerçant revendeur évoquant un courriel du groupe annonçant l'obligation de retirer les bijoux [C] [J] de la vente, ces faits n'étant pas directement imputables aux demanderesses- la transcription de messages vocaux en l'absence de dates certaines ou d'identité de leur auteur- l'attestation du 10 février 2022 qui mentionne les propos rapportant les propos d'un tiers, ce qui n'établit aucun fait certain- le courriel du 20 mai 2022 du groupe Reworld Media indiquant à la société de communication LS Communication, avec laquelle Mme [L] et la SAS Ivi Corporation promeut ses produits, mentionnant que faisant suite à une mise en demeure par avocat, "il faut donc à l'avenir éviter de publier des photographies représentant des bijoux de la société Ivi/[W] [L]", le fait d'obtempérer à une mise en demeure ne démontrant pas une faute commise par l'auteur de celle-ci (pièces en défense no7.4 à 7.13). 135. L'ensemble justifie la condamnation de Mme [B] et de la SAS ML Consulting à payer 5000 euros à Mme [L] et la SAS Ivi Corporation. 136. La poursuite ou la réitération de tels faits se résolvant par l'octroi de dommages et intérêts et le préjudice établi étant entièrement réparé par l'allocation de dommages-intérêts, le surplus des demandes de Mme [L] et de la SAS Ivi Corporation tendant à ordonner une communication d'information et des mesures de publicité sera rejeté. X - Sur les dispositions finales X.1 - S'agissant des dépens 137. Selon l'article 695 du code de procédure civile, les dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution comprennent, notamment, les débours tarifés et les émoluments des officiers publics ou ministériels. 138. En application de cette disposition les frais d'un expert ou d'un officier public ou ministériel non désigné à cet effet par décision de justice ne sont pas inclus dans les dépens (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 12 janvier 2017, no16-10.123). 139. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 140. Conformément à l'article 699 du même code, "les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens". 141. Eu égard aux termes du jugement les dépens seront partagés par moitié entre les parties, avec distraction pour l'avocat des défenderesses. 142. La demande de Mme [B] et de la SAS ML Consulting d'inclure les frais de constat d'huissier dans les dépens sera rejetée, ces actes n'ayant pas été judiciairement ordonnés. X.2 - S'agissant de l'article 700 du code de procédure civile 143. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 144. Au regard de la solution du litige, l'équité commande de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles exposés par elle et de les débouter, en conséquence, de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile. X.3 - S'agissant de l'exécution provisoire 145. Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. 146. La présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et il n'y a pas lieu d'y déroger, en l'absence de toute mesure à nature à mettre en péril la poursuite de l'activité de Mme [L] ou de la SAS Ivi Corporation. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Déboute Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting de leurs demandes fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur des modèles "Trimurti", "Trimurti coco diamonds", "Trimurti pierres", "Trimurti + lien Mauli", "Trimurti pierres + chaîne flower", "Trimurti coco diamonds + chaîne Daisy fleurs", "Trimurti coco diamonds + chaîne coco Shell", "Trimurti pierres + lien Saree", "Orbe heartbeat" et "Orbe heartbeat + lien Mauli" ; Déboute Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting de leurs demandes fondées sur la contrefaçon de modèles communautaires non enregistrés et français no20213151-005 ; Déboute Mme [V] [B] de ses demandes indemnitaires, en interdiction, en retrait de vente, en destruction, en publication et en astreinte, en réparation des actes de contrefaçon allégués ; Condamne in solidum Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation à payer 10 000 euros à la SAS ML Consulting à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de parasitisme ; Déboute la SAS ML Consulting du surplus de ses demandes en indemnisation, en interdiction, en retrait de vente, en destruction, en publication et en astreinte, fondées sur le parasitisme ; Condamne Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting à payer la somme totale de 5000 euros à Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation à titre de dommages et intérêts en réparation des faits de dénigrement ; Déboute Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation de leurs demandes tendant à ordonner la cessation de tout dénigrement futur, en communication de pièces et en publication ; Condamne, d'une part, Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting, d'autre part, in solidum Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation à payer la moitié des dépens, avec droit pour Maître Pierre Pérot, avocat au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont il a fait l'avance sans recevoir provision ; Déboute Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting de leur demande d'inclure les frais de constat d'huissier dans les dépens ; Déboute, d'une part, Mme [V] [B] et la SAS ML Consulting, d'autre part, Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation, de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Déboute Mme [W] [L] et la SAS Ivi Corporation de leur demande tendant à écarter l'exécution provisoire de droit. Fait et jugé à Paris le 11 octobre 2023 La greffière Le président | x |
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JURITEXT000048550579 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550579.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 11 octobre 2023, 20/11165 | 2023-10-11 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/11165 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 20/11165 - No Portalis 352J-W-B7E-CTFOQ No MINUTE : Assignation du :04 novembre 2020, 10 juin 2021 et 29 décembre 2021 JUGEMENT rendu le 11 octobre 2023 DEMANDERESSES Société MSBH B.V.[Adresse 13] [Localité 2] (PAYS-BAS) Société MSNL B.V.[Adresse 13] [Localité 2] (PAYS-BAS) S.A.R.L. MSFR[Adresse 8][Localité 6] représentées par Maître Sophie HAVARD DUCLOS de la SELARL HAVARD DUCLOS & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS,vestiaire #J079 DÉFENDEURS S.A.S.U. HCG FRANCE[Adresse 5][Localité 10] représentée par Maître Cédric DENIZE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0890S.A.S. THE OZanciennement dénommée THE OTHER STORE[Adresse 1][Localité 11] représentée par Maître Maxime VIGNAUD de l'AARPI Renault Thominette Vignaud & Reeve, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0248 S.A.R.L. REN MODE [Adresse 4] [Localité 9] défaillante S.E.L.A.R.L. [N] MJ, en la personne de Maître [C] [N] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL REN MODE[Adresse 7][Localité 12] défaillante Maître [K] [S], ès qualité d'administrateur judiciaire de la SARL REN MODE[Adresse 3][Localité 12] défaillant____________________________ COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointLinda BOUDOUR, jugeArthur COURILLON-HAVY, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DÉBATS A l'audience du 13 avril 2023 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2023 puis prorogé en dernier lieu au 11 octobre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeRéputé contradictoireEn premier ressort ____________________________ EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société à responsabilité limitée (ci-après SARL) MSFR, immatriculée le 12 avril 2017 au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Beauvais sous l'enseigne "MS Mode", a pour activité l'achat et la vente de vêtements de prêt-à-porter et d'accessoires pour hommes, femmes et enfants, ainsi que toutes activités connexes et complémentaires. Elle est titulaire du nom de domaine <msmode.fr>, enregistré le 30 novembre 2006. 2. La société MSBH B.V., est une société de droit néerlandais immatriculée le 2 septembre 2016. Elle est titulaire de :- la marque semi-figurative internationale no1081030, enregistrée le 12 mai 2011 :- la marque semi-figurative de l'Union européenne no017545732, déposée le 1er décembre 2017 :toutes deux enregistrées en classes 14, 18, 25 et 35 pour désigner notamment des vêtements, chaussures et chapellerie. 3. La société de droit néerlandais MSNL B.V., immatriculée le 8 avril 2016, a pour activité la vente en magasin de vêtements et articles de mode, vêtements pour femmes, grossiste de vêtements, magasins de sous-vêtements, fondations, etc. Elle dit exploiter le nom de domaine <msmode.fr> appartenant à la société MSFR, où elle propose à la vente des articles de prêt à porter et accessoires de mode féminins. 4. Les sociétés MSFR, MSBH B.V. et MSNL B.V. seront désignées, ensemble, comme les sociétés du groupe MS Mode. 5. La SARL Ren Mode, immatriculée le 31 octobre 2002 au RCS de Paris, a pour activité la vente en gros, demi-gros et détail, de tous articles de prêt-à-porter, accessoires et articles de cuir. Elle est titulaire du nom de domaine <marie-sixtine.com>, réservé le 15 septembre 2009. La société Ren Mode a été placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire par jugements du 14 décembre 2020 et du 1er juin 2021 du tribunal de commerce de Bobigny. 6. La société par actions simplifiée (SAS) The Oz, immatriculée le 15 octobre 2008 au RCS de Paris, dit s'être vue confier la création et l'exploitation du site internet <www.marie-sixtine.com> par la société Ren Mode. 7. La SAS HCG France, immatriculée le 19 mars 2021 au RCS de Paris, a pour activité l'import et l'exportation de textile et la vente de prêt à porter et d'accessoires de mode en toute matière et en tout genre. La SAS HCG France a repris l'activité de la société Ren Mode, après que le tribunal de commerce de Bobigny a arrêté à son profit le plan de cession de cette société, par jugement du 27 avril 2021. 8. La SELARLU [N] M.J. a été désignée ès qualités de mandataire judiciaire puis de liquidateur de la société Ren Mode, par jugements du tribunal de commerce de Bobigny du 14 décembre 2020 et du 1er juin 2021. 9. Maître [K] [S] a été désigné et maintenu ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Ren Mode, par jugements du tribunal de commerce de Bobigny du 14 décembre 2020 et du 1er juin 2021. 10. Par jugement du 23 janvier 2017 du tribunal de commerce de Lille, la SARL MSFR a été autorisée à reprendre la société MS Mode France, présentée comme exploitant depuis janvier 2011, des magasins de vêtements sous le nom commercial "MS Mode". La SARL MSFR dit exploiter aujourd'hui 66 boutiques en France sous le nom commercial "MS Mode". 11. Les sociétés du groupe MS Mode exposent que la société MSBH B.V. a découvert en 2019 l'usage, par la SARL Ren Mode, pour désigner des vêtements et accessoires de mode sur internet et en magasin du signe : 12. Par lettre de son conseil du 18 juillet 2019, la société MSBH B.V. l'a mise en demeure de cesser cet usage et de s'engager de ne plus jamais l'utiliser. Considérant que la réponse de la SARL Ren Mode n'était pas satisfaisante, les sociétés du groupe MS Mode ont fait dresser un procès-verbal de constat d'huissier le 19 décembre 2019 portant sur l'exploitation de ce signe litigieux sur le site internet <www.marie-sixtine.com>. Par lettre de leur conseil du 10 janvier 2020, les société du groupe MS Mode ont de nouveau mis en demeure la SARL Ren Mode de cesser tout usage du signe "MS" en lien avec son activité de vente de prêt-à-porter et d'accessoires de mode féminins, quels que soient la forme ou le support utilisés, dans l'ensemble de l'Union européenne, puis une lettre de relance le 30 janvier 2020, par l'intermédiaire de leur conseil. 13. Dans ce contexte, par actes d'huissier du 4 novembre 2020, les sociétés du groupe MS Mode ont fait assigner devant ce tribunal la SARL Ren Mode et la SAS The Oz en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale. 14. Du fait du jugement du 1er juin 2021 du tribunal de commerce de Bobigny plaçant en liquidation judiciaire la SARL Ren Mode et après avoir déclaré leurs créances à son encontre, les sociétés du groupe MS Mode ont fait assigner en intervention forcée, par actes d'huissier du 10 juin 2021, l'administrateur judiciaire de la société Ren Mode, Maître [K] [S] et son mandataire judicaire puis liquidateur, la SELARLU [N] M.J. Le 8 juillet 2021, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de cette procédure à la présente instance. 15. De même, suite au jugement du 27 avril 2021 du tribunal de commerce de Bobigny arrêtant le plan de cession de la SARL Ren Mode au profit de la SAS HCG France, les sociétés du groupe MS Mode ont mis en demeure cette dernière, par lettre de leur conseil du 9 septembre 2021, de cesser l'exploitation du signe "MS". 16. Par courriel officiel de son conseil du 21 septembre 2021, la SAS HCG France a refusé de faire droit aux demandes des sociétés du groupe MS Mode, au motif qu'il n'existait aucun risque de confusion entre leurs marques et le signe litigieux. 17. Les sociétés du groupe MS Mode ont alors fait assigner la SAS HCG France en intervention forcée, par acte d'huissier du 29 décembre 2021. Le juge de la mise en état a ordonné la jonction de cette procédure à la présente instance le 20 janvier 2022. 18. L'instruction a été close par ordonnance du 15 septembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 avril 2023 pour être plaidée. EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS 19. Dans leurs dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 22 juin 2022, les sociétés du groupe MS Mode ont demandé au tribunal :- d'ordonner la dépose de l'ensemble des enseignes litigieuses reproduisant le signe "MS" des boutiques gérées directement ou indirectement par les sociétés Ren Mode et HCG France et la suppression du signe litigieux "MS" de l'ensemble des documents, papiers commerciaux, supports publicitaires et site internet aux frais exclusifs des sociétés Ren Mode et The Oz et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé le délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;- d'interdire aux sociétés Ren Mode, HCG France et The Oz de faire usage, directement ou indirectement, du signe "MS", seul ou accompagné d'éléments figuratif ou verbal, tels que "Marie-Sixtine", dans le domaine du prêt à porter et des accessoires de mode, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, et notamment à titre d'enseigne, de nom commercial et de marque en raison de l'atteinte portée aux droits antérieurs des sociétés MSBH B.V., MSNL B.V. et MSFR , sous astreinte de 1000 euros par jour de retard, passé le délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;- de se réserver la liquidation des astreintes précitées ;- de condamner in solidum la société Ren Mode, prise en la personne de ses mandataires et administrateurs judiciaires - la société SELARLU [N] MJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée à associé unique immatriculée au RCS de Bobigny sous le no821325941, prise en la personne de Maître [C] [N], dont le siège social est situé [Adresse 7] à [Localité 12] et Maître [K] [S], sis [Adresse 3] à [Localité 12] - et les sociétés HCG France et The Oz à payer à la société MSBH B.V. 30 000 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon des marques Internationale no1081030 et de l'Union européenne no017545732 commis à son encontre ; - de condamner in solidum la société Ren Mode, prise en la personne de ses mandataires et administrateurs judiciaires et les sociétés HCG France et The Oz à payer à chacune des sociétés MSNL B.V. et MSFR la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice propre résultant des actes de contrefaçon des marques Internationale no1081030 et de l'Union européenne no017545732 ;- de condamner in solidum la société Ren Mode, prise en la personne de ses mandataires et administrateurs judiciaires et les sociétés HCG France et The Oz à payer à chacune des sociétés MSNL B.V et MSFR la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice qu'elles subissent en raison des actes de concurrence déloyale commis à leur encontre ;- d'ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou magazines, français ou étrangers, au choix des sociétés MSBH B.V., MSNL B.V. et MSFR, aux frais in solidum de la société Ren Mode, prise en la personne de ses mandataires et administrateurs judiciaires et des sociétés HCG France et The Oz, sans que le coût de chaque insertion n'excède 5000 euros hors taxe, au besoin à titre de dommages-intérêts complémentaires ;- d'ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir dans son intégralité, sur la partie supérieure de la page d'accueil du site Internet <www.marie-sixtine.com>, dans des conditions de lisibilité maximum et, en toute hypothèse, au-dessus de la ligne de flottaison, sans mention ajoutée, dans un encadré, en-dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre "Communiqué Judiciaire" inscrit en noir sur fond blanc, pendant une durée d'un mois, aux frais éventuels de la société Ren Mode, prise en la personne de ses mandataires et administrateurs judiciaires et des sociétés HCG France et The Oz, et ce, dans un délai de 10 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai ;- de condamner in solidum la société Ren Mode, prise en la personne de ses mandataires et administrateurs judiciaires et les sociétés HCG France et The Oz à payer à chacune des sociétés MSBH B.V., MSNL B.V. et MSFR 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;- de condamner in solidum la société Ren Mode, prise en la personne de ses mandataires et administrateurs judiciaires et les sociétés HCG France et The Oz aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Sophie Havard Duclos, en ce compris les frais de constat d'huissier de justice du 19 décembre 2019 s'élevant à 309,20 euros, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile. 20. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 mars 2022, la SAS HCG France a demandé au tribunal de :- débouter les sociétés MSBH B.V, MSNL B.V et MSFR de l'ensemble de leurs demandes concernant les actes de contrefaçon ;- débouter les sociétés MSBH B.V, MSNL B.V et MSFR de leurs demandes concernant les actes de concurrence déloyale ;- débouter les sociétés MSBH B.V, MSNL B.V et MSFR de l'ensemble de ses demandes complémentaires ;- condamner les sociétés MSBH B.V, MSNL B.V et MSFR à lui verser 5000 euros au titre de l'article 700 du code du procédure civile. 21. Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 mai 2022, la SAS The Oz a demandé au tribunal de :à titre principal, débouter les sociétés du groupe MS Mode de l'ensemble de leurs demandes ;à titre subsidiaire,- juger que tout préjudice subi par toute société du groupe MS Mode en raison de l'utilisation du signe litigieux sur le site internet <www.marie-sixtine.com> par son intermédiaire sera solidairement garanti par la SARL Ren Mode et la SAS HCG ;- juger que la SELARL [N] MJ, prise en la personne de Maître [C] [N], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Ren Mode, devra la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre du fait de l'action engagée contre elle par les sociétés du groupe MS Mode ;- fixer au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Ren Mode toute créance correspondante à la garantie due par la SARL Ren Mode du fait de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre du fait de l'action engagée contre elle par les sociétés du groupe MS Mode ;En toute hypothèse,- condamner les sociétés du groupe MS Mode à lui payer 4000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens de la procédure. MOTIVATION I - Sur l'opposabilité de la marque semi-figurative de l'Union européenne "MS Mode" no017545732 Moyens des parties 22. La SAS The Oz fait valoir que la marque semi-figurative de l'Union européenne "MS Mode" no01745432 qui lui est opposée a été déposée le 1er décembre 2017, tandis que le signe "MS Marie-Sixtine" critiqué par la demanderesse est utilisé depuis le 6 janvier 2017 sur le site <marie-sixtine.com> qu'elle exploite. Elle en déduit que cette marque ne saurait lui être valablement opposée. 23. Les sociétés du groupe MS Mode opposent que la marque semi-figurative de l'Union européenne "MS Mode" no01745432 n'est que la version en noir et blanc de la marque semi-figurative internationale désignant l'Union européenne "MS Mode" no1081030 enregistrée le 12 mai 2011 de sorte que la SAS The Oz ne dispose, selon elle, d'aucun droit acquis antérieur valable, outre que l'usage du signe "MS" était alors isolé. 24. La SAS HCG France n'a pas conclu à ce titre. Réponse du tribunal 25. L'article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne prévoit que "1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée ;b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque (...)" 26. La date à laquelle une marque peut être opposée à un autre signe utilisé dans la vie des affaires est celle de la date de dépôt de la demande d'enregistrement de la marque de l'Union européenne (en ce sens CJUE, 29 mars 2011, Anheuser-Busch c. Budejovický Budvar, C-96/09 §166). 27. Dans le cas présent, il n'est pas contesté que la marque semi-figurative de l'Union européenne "MS Mode" no01745432 a été déposée à l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) le 1er décembre 2017 par la société MSBH B.V. (pièces des demanderesses no3-1). 28. Au soutien de leur moyen d'inopposabilité de cette marque, la SAS The Oz produit une impression d'écran du site internet <marie-sixtine.com> au 6 janvier 2017 montrant la présence du signe litigieux "MS" en en-tête des produits proposés à la vente (leur pièce no4). 29. Il en résulte suffisamment que la défenderesse a fait usage dans la vie des affaires de ce signe antérieurement à la date de dépôt de la marque semi-figurative de l'Union européenne "MS Mode" no01745432 et la circonstance que cette marque soit la déclinaison en noir et blanc de la marque semi-figurative internationale désignant l'Union européenne "MS Mode" no1081030 dont il n'est pas contesté qu'elle a été enregistrée le 12 mai 2011, est sans incidence sur son opposabilité. 30. En effet, en premier lieu, les sociétés du groupe MS Mode ne peuvent valablement revendiquer aucun droit antérieur au 1er décembre 2017 sur le fondement de la marque semi-figurative de l'Union européenne "MS Mode" no01745432, dès lors qu'aucune priorité ne peut être invoquée en cette matière. 31. En second lieu, la marque semi-figurative de l'Union européenne "MS Mode" no01745432 se distingue de la marque semi-figurative internationale désignant l'Union européenne "MS Mode" no1081030 par sa couleur. 32. En conséquence, la marque semi-figurative de l'Union européenne "MS Mode" no01745432 est inopposable à la SAS The Oz. II - Sur la contrefaçon de marques Moyens des parties 33. Les sociétés du groupe MS Mode soutiennent que le signe "MS" utilisé par les défenderesses constitue une contrefaçon de ses marques semi-figuratives internationale désignant l'Union européenne "MS Mode" no1081030 et de l'Union européenne "MS Mode" no01745432. Elle précise que le signe litigieux est utilisé à titre de marque, étant apposé sur la façade de ses boutiques ou sur le site internet <marie-sixtine.com> qui propose des ventes en ligne, pour des produits d'habillement ou de mode identiques à ceux visés dans l'enregistrement de ses marques et présente une similarité visuelle et phonétique compte tenu du caractère dominant de l'élément "MS", créant un risque de confusion pour le consommateur moyen de vêtements et accessoires de mode à un prix accessible. 34. La SAS The Oz objecte que le signe qu'elle utilise sur le site internet qu'elle exploite présente une impression d'ensemble différente de la marque internationale qui lui est opposée compte tenu de leurs différences visuelles, phonétiques et conceptuelles, excluant tout risque de confusion pour le consommateur. 35. La SAS HCG France estime que le signe "MS" qu'elle utilise ne peut être identifié comme représentant les initiales MS qu'en référence aux initiales de la marque "Marie-Sixtine" et ne l'étant comme tel que par la clientèle de cette dernière marque, outre que l'impression d'ensemble de ce signe ne peut pas entraîner de risque de confusion avec les marques opposées chez un consommateur moyen. Réponse du tribunal 36. L'article 189 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne dispose que : "tout enregistrement international désignant l'Union produit, à compter de la date d'enregistrement visée à l'article 3, paragraphe 4, du protocole de Madrid ou de la date d'extension postérieure à l'Union prévue à l'article 3 ter, paragraphe 2, du protocole de Madrid, les mêmes effets qu'une demande de marque de l'Union européenne". 37. L'article 9 du même règlement européen prévoit que "1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée ;b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque (...)" 38. Interprétant les dispositions similaires du précédent règlement, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a dit pour droit que l'existence d'un risque de confusion, lequel comprend un risque d'association dans l'esprit du public concerné, s'apprécie de manière globale, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, au regard de l'impression d'ensemble produite par les signes en cause, mais également de l'identité et de la similarité des produits et services couverts, un faible degré de similitude entre les marques opposées pouvant être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits ou services couverts et inversement (CJCE, Sabel BV c. Puma, 11 novembre 1997, C-251/95). 39. L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants (CJCE, Bimbo c OHMI, 8 mai 2014, C-591/12, points 21-23, 33 et 34). 40. Au cas présent, il n'est pas contesté par les sociétés défenderesses et il ressort des pièces versées aux débats par la demanderesse que les premières commercialisent dans leurs magasins et sur le site internet <marie-sixtine.com>, ainsi qu'elles promeuvent sur le réseau social Instagram, des vêtements et accessoires féminins de mode porteurs du signe "MS" (pièces MS Mode no7-3, 7-5, 7-6 et 8-1). 41. Les produits vendus par les défenderesses, vêtements féminins, maroquinerie et accessoires (pièce MS Mode no7-3 page 14), sont identiques aux produits, notamment en classe 14 articles de joaillerie, bijouterie, horlogerie, en classe 18 sacs et sacs à dos, portefeuilles, en classe 25 vêtements, chaussures, chapellerie, en classe 35, services de vente au détail et d'intermédiaire commerciaux pour les produits précédents, visés à l'enregistrement des marques semi-figuratives internationale désignant l'Union européenne "MS Mode" no1081030 et de l'Union européenne "MS Mode" no01745432. 42. En l'absence d'identité entre le signe critiqué et les marques opposées, le public pertinent au regard duquel le risque de confusion doit être apprécié est le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé acheteur de vêtements et d'accessoires féminins de mode de grande consommation. Son degré d'attention est moyen, voire faible. 43. Le signe "MS" critiqué est composé de deux lettres, le "M" en capitale, le "s" en minuscule, en caractères de même taille, noir sur fond blanc, maigres et simples, dont le "s" minuscule forme la dernière branche du "M" pour imbriquer les deux lettres. Sur le site internet et sur le réseau social Instagram, le signe critiqué est souligné par le signe "Marie-Sixtine" en capitales de caractères plus petits et de même aspect, mais il est également utilisé seul sur certaines étiquettes ou sur les enseignes des boutiques (pièce MS Mode no8-1). 44. La marque semi-figurative internationale désignant l'Union européenne "MS Mode" no1081030 est composée des deux même lettres "M" et "S" en minuscules grasses, bleues sur fond blanc, dans des caractères imitant l'écriture manuelle, soulignées par le terme"mode" en capitales de caractères plus petits et rectilignes. La marque semi-figurative de l'Union européenne "MS Mode" no01745432 reprend le même signe en noir sur fond blanc. 45. Sur les plans visuel et auditif, le signe critiqué comporte les deux mêmes lettres que les marques opposées, utilisées seules ou placées en position dominante par rapport au signe "Marie-Sixtine" compte tenu de la différence de taille des caractères, ces deux mêmes lettres étant également dominantes dans les marques opposées en raison de la taille plus petite du terme "mode", de son positionnement sous le premier signe et de son caractère purement descriptif pour les produits concernés. Le caractère dominant des deux lettres "M" et "S" se retrouve sur le plan auditif compte tenu de leur placement en position d'attaque du signe critiqué et des marques opposées. Le signe "MS" critiqué est, donc, similaire aux marques opposées sur ces plans. 46. Sur le plan conceptuel seule l'association du signe "MS" au signe "Marie-Sixtine" permet de comprendre qu'il en forme les initiales, l'association de ces deux lettres ne renvoyant, autrement, à aucun sens ou signifié. 47. Il résulte de l'ensemble un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent entre le signe "MS", pris seul, et les marques semi-figuratives internationale désignant l'Union européenne "MS Mode" no1081030 et de l'Union européenne "MS Mode" no01745432. 48. La SARL Ren Mode et la SAS HCG France ont, en conséquence, commis une contrefaçon des marques précitées, la SAS The Oz n'engageant sa responsabilité à l'égard des demanderesses qu'en contrefaçon de la marque semi-figurative internationale désignant l'Union européenne "MS Mode" no1081030, la marque semi-figurative de l'Union européenne "MS Mode" no01745432 lui étant inopposable. III - Sur la concurrence déloyale Moyens de sparties 49. Les sociétés du groupe MS Mode considèrent que l'usage du signe "MS" par les défenderesses à titre d'enseigne et de nom commercial sur internet et les réseaux sociaux, porte atteinte à leur droits, distincts de ceux des marques invoquées, tirés de l'exploitation du signe "MS Mode" fait partie de leur fonds de commerce étant utilisé à titre d'enseigne, nom commercial et sur leur site <msmode.fr>. Elles exposent que la SARL Ren Mode connaissait pertinemment le risque de confusion existant entre ce signe litigieux et leurs marques invoquées en raison de l'opposition qu'elles ont formée avec succès en 2014 à l'encontre d'un dépôt de marque contenant le même signe. 50. La SAS The Oz conteste que les faits allégués par les demanderesses au titre de la concurrence déloyale soient distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon et fait valoir, subsidiairement, qu'à les supposer distincts, son usage du signe "MS Marie-Sixtine" ne présente aucun risque de confusion avec les signes commerciaux utilisés par les demanderesses. 51. La SAS HCG France soutient que les demanderesses se contentent d'invoquer les mêmes faits que ceux à l'appui de leur demande en contrefaçon. Réponse du tribunal 52. Aux termes de l'article 1240 du code civil, "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". 53. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. 54. L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 10 juillet 2018, no16-23.694). 55. La concurrence déloyale exige la preuve d'une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 16 déc. 2008, no07-17.092). 56. En matière de concurrence déloyale, le principe d'un préjudice, fût-il simplement moral, s'infère nécessairement de la faute établie (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 12 février 2020, no17-31.614). 57. En l'occurrence, les sociétés du groupe MS Mode versent aux débats :- un jugement du 23 janvier 2017 du tribunal de commerce de Lille établissant la cession de 44 fonds de commerce de la SARL MS Mode France à la SARL MSFR, concrétisée par des contrats de cession de fonds de commerce entre les parties (pièces no1-4 et 1-7)- quinze photographies de janvier 2011, dont l'authenticité n'est pas contestée, montrant le signe "MS Mode" utilisé à titre d'enseigne pour quinze boutiques distinctes (pièce 4)- des extraits du site internet <msmode.fr> établissant que la SARL MSFR, puis la société MSNL B.V., ont exploité et exploite ce site, à tout le moins depuis le 3 février 2013, pour des ventes en ligne de vêtements féminins (pièces no1-8 et 5-1 à 5-3). 58. Les sociétés demanderesses démontrent, par ces pièces, qu'elles utilisent le signe "MS Mode" à titre d'enseigne, de nom commercial et de nom de domaine sur internet, lesquels ne sont pas protégés par des droits privatifs. 59. Les pièces analysées antérieurement au titre de la contrefaçon font, également, ressortir que les sociétés The Oz, Ren Mode et HCG France, en utilisant le signe "MS" litigieux à titre d'enseigne, de nom commercial et de signe de promotion sur le réseau social Instagram, cette utilisation étant de nature à créer un risque de confusion pour le public entre ces dernières et les sociétés du groupe MS Mode, ont commis des faits distincts de concurrence déloyale au préjudice des demanderesses, seules la vente et la promotion de vêtements et accessoires féminins étant retenues au titre de la contrefaçon. 60. Les sociétés défenderesses ont, en conséquence, engagé leur responsabilité au titre de la concurrence déloyale. IV - Sur les mesures réparatrices Moyens des parties 61. Les sociétés du groupe MS Mode demandent l'indemnisation individualisée des faits de contrefaçon et ceux, distincts, de concurrence déloyale, ainsi que des mesures d'interdiction, de confiscation, de destruction et de publication, compte tenu des investissements conséquents de marketing et de communication qu'elles opèrent, de la banalisation de leurs marques, de la perte de clientèle et de l'atteinte à leur image que ces faits entraînent. 62. La SAS The Oz conclut que les demandes en réparation ne reposent sur aucun élément d'évaluation sérieux et objectif. 63. La SAS HCG France avance que toute condamnation indemnitaire la conduirait à se placer en état de cessation de paiement compte tenu des efforts financiers qu'elle a consentis lors de la reprise de la SARL Ren Mode, incluant la sauvegarde des emplois, à une période ponctuée de fermeture administrative en raison de l'épidémie de Covid19. Réponse du tribunal 64. En application de l'article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, "pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée". 65. L'article 1240 du code civil dispose que "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". 66. Un préjudice hypothétique ne donne pas lieu à indemnisation et le principe de la réparation intégrale implique une indemnisation du préjudice sans perte ni profit. 67. Par ailleurs, l'article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle précité, par l'emploi de l'adverbe "distinctement", commande une appréciation distincte des chefs de préjudice et non pas cumulative. 68. Au soutien de leurs demandes, outre les pièces précédemment analysées, les sociétés du groupe MS Mode produisent :- un jugement du 23 janvier 2017 du tribunal de commerce de Lille fixant à 1 150 000 euros le montant de la cession des actifs issus de la reprise des fonds de commerce de la SARL MS Mode (pièce no1-4)- un contrat en anglais du 21 avril 2015 entre la SARL Blabla Communication et la société néerlandaise MS Mode B.V. portant sur une campagne de publicité de presse et relations publiques, "press & public relations", d'un montant de 8000 euros pour trois mois, "for a 3 months mission" (pièce no1-6)- une attestation en anglais du 26 octobre 2020 des directeurs de la société MSBH B.V. mentionnant que le montant des investissements de promotion des vêtements et accessoires de MS Mode s'est élevé à 283 000 euros en 2019 en France, "the marketing investments spent in 2019 for the promotion of MS Mode clothes and accessories on the French territory amount to EUR 283.000,-" et le chiffres d'affaires s'est élevé à environ 45 millions d'euros, "the turnover related to sale in France of products bearing the mark "MS Mode" is approx. 45 million (...)" (pièce no10-1)- des relevés d'achats de promotion sur le moteur de recherche Google de 222 710 euros entre le 10 mars 2017 et le 8 mars 2020, sans que la totalité puisse être imputée au moteur de recherche en français, et sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram de 119 107 euros entre le 1er janvier 2017 et le 9 mars 2020 en France (pièces no10-2 et 10-3). 69. S'agissant du préjudice résultant de la contrefaçon, en l'absence d'autres éléments, ces pièces ne ne permettent pas à elles seules d'établir un préjudice économique subi par la société MSBH B.V., titulaire des marques invoquées, non plus qu'un éventuel bénéfice réalisé par les contrefacteurs. 70. Le préjudice moral subi en lien avec les faits de contrefaçon de la marque semi-figurative internationale désignant l'Union européenne "MS Mode" no1081030, résultant de l'avilissement de ses marques, sera réparé par l'allocation de 5000 euros d'indemnité que les sociétés The Oz et HCG France seront condamnées à payer in solidum à la société MSBH B.V. 71. Le préjudice moral subi en lien avec les faits de contrefaçon de la marque semi-figurative de l'Union européenne "MS Mode" no01745432, résultant de l'avilissement de ses marques, sera réparé par l'allocation de 5000 euros d'indemnité que la SAS HCG France sera condamnée à payer à la société MSBH B.V. 72. Les sociétés MSFR et MSNL B.V., titulaire et exploitante du nom de domaine <msmode.fr> et exploitant les boutiques à l'enseigne MS Mode, ont, par ailleurs, subi un préjudice moral en lien avec les actes de concurrence déloyale, portant atteinte à leur image, qui sera réparé par l'allocation de 5000 euros d'indemnité à chacune d'elle que les sociétés The Oz et HCG France seront condamnées à payer in solidum. 73. La SARL Ren Mode ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 1er juin 2021 (pièce MS Mode no11-4) et les sociétés du groupe MS Mode ayant déclaré leur créance auprès du mandataire liquidateur par courrier du 22 février 2021 (leur pièce no11-2), ces sommes seront fixées au passif de la procédure. 74. Les sociétés MSFR et MSNL B.V. n'étant pas titulaires des marques invoquées et ne démontrant pas en être licenciées, seront déboutées de leur demande de dommages et intérêts résultant de la contrefaçon de ces marques. 75. La contrefaçon des marques semi-figuratives internationale désignant l'Union européenne "MS Mode" no1081030 et de l'Union européenne "MS Mode" no01745432 dont la société MSBH B.V. est titulaire et les actes de concurrence déloyale justifient également l'interdiction aux défenderesses de poursuivre l'usage du signe "MS" litigieux de quelque manière que ce soit, sous astreinte dans les termes du dispositif. 76. Le préjudice étant intégralement réparé par les mesures ordonnées, les demandes de publication de la décision seront rejetées. Les demandes de dépose des enseignes et de suppression du signe "MS" litigieux seront, également, écartées, étant superflues compte tenu de l'interdiction prononcée. V - Sur l'appel en garantie Moyens des parties 77. La SAS The Oz formule une demande de garantie à l'encontre des sociétés Ren Mode et HCG France dans l'hypothèse de sa condamnation, s'appuyant sur la lettre d'intention du 5 juillet 2017 entre elle et la SARL Ren Mode et celle du 20 juillet 2021 entre elle et la SAS HCG France, relatives à l'exploitation commerciale du site internet <marie-sixtine.com>. 78. La SAS HCG France et les sociétés du groupe MS Mode n'ont pas conclut à ce titre. Réponse du tribunal 79. Les articles 1103 et 1104 du code civil posent que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et qu'ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. 80. La SAS The Oz verse aux débats une lettre d'intention signées par un représentant de la SAS HCG France le 20 juillet 2021 mentionnant que "HCG France garantit The Oz de toute condamnation ou amende relative aux marques et produits du site (notamment contrefaçon et concurrence déloyale) (...)" (sa pièce no5). 81. La SAS HCG France ne conteste pas la garantie qu'elle doit, laquelle sera, en conséquence, prononcée dans les termes du dispositif. 82. À l'inverse, à défaut de toute pièce établissant l'existence d'une garantie similaire de la SARL Ren Mode, la SAS The Oz sera déboutée de sa demande à ce titre. VI - Dispositions finales VI.1 - S'agissant des dépens 83. Selon l'article 695 du code de procédure civile, les dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution comprennent, notamment, les débours tarifés et les émoluments des officiers publics ou ministériels. 84. En application de cette disposition les frais d'un expert ou d'un officier public ou ministériel non désigné à cet effet par décision de justice ne sont pas inclus dans les dépens (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 12 janvier 2017, no16-10.123). 85. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, "la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie". 86. Conformément à l'alinéa 1er de l'article 699 du même code, "les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision". 87. En l'espèce, les SAS The Oz et HCG France, parties perdantes, seront condamnés in solidum aux dépens, avec distraction au profit de l'avocat des sociétés du groupe MS Mode. 88. Ces dépens seront, également, fixés au passif de la procédure de la SARL Ren Mode. 89. La demande des sociétés du groupe MS Mode tendant à inclure les frais de constat d'huissier de justice du 19 décembre 2019 dans les dépens sera rejetée, cet acte n'ayant pas été judiciairement autorisé. VI.2 - S'agissant des frais non compris dans les dépens 90. L'article 700 du code de procédure civile dispose que "le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation". 91. Les SAS The Oz et HCG France, parties condamnées aux dépens, seront condamnées in solidum à payer 4000 euros à chacune des sociétés du groupe MS Mode à ce titre. 92. Cette même somme sera, également, inscrite au passif de la procédure de la SARL Ren Mode pour chacune des sociétés du groupe MS Mode à ce titre. 93. Les demandes à ce titre des SAS The Oz et HCG France seront rejetées. VI.3 - S'agissant de l'exécution provisoire 94. En application des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée. 95. En l'espèce, l'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, n'a pas à être écartée. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Condamne in solidum la SAS The Oz et la SAS HCG France à payer 5000 euros à la société MSBH B.V. à titre de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon de la marque semi-figurative internationale désignant l'Union européenne "MS Mode" no1081030 ; Condamne la SAS HCG France à payer 5000 euros à la société MSBH B.V. à titre de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon de la marque semi-figurative de l'Union européenne "MS Mode" no01745432 ; Fixe à 10 000 euros la créance de dommages et intérêts de la société MSBH B.V. en réparation de la contrefaçon, au passif de la liquidation de la SARL Ren Mode ; Condamne in solidum la SAS The Oz et la SAS HCG France à payer 5000 euros à la SARL MSFR et 5000 à la société MSNL B.V. à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale; Fixe à 5000 euros la créance de la SARL MSFR et à 5000 la créance de la société MSNL B.V. en réparation des actes de concurrence déloyale au passif de la SARL Ren Mode ; Ordonne l'inscription définitive des créances des sociétés MSBH B.V., MSFR et MSNL B.V. au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Ren Mode ; Interdit à la SARL Ren Mode, la SAS The Oz et la SAS HCG France d'utiliser, de quelque manière que ce soit, sous astreinte de 500 euros par jour passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, l'astreinte courant pendant cent quatre-vingt jours, le signe : Déboute les sociétés MSBH B.V., MSFR et MSNL B.V. de leurs demandes de publication, de dépose des enseignes et de suppression du signe "MS"; Déboute la SARL MSFR et la société MSNL B.V. de leur demande en dommages et intérêts résultant de la contrefaçon des marques semi-figuratives internationale désignant l'Union européenne "MS Mode" no1081030 et de l'Union européenne "MS Mode" no01745432 ; Condamne in solidum la SAS The Oz et la SAS HCG France aux dépens ; Fixe les dépens au passif de la procédure de la SARL Ren Mode ; Condamne la SAS HCG France à garantir la SAS The Oz des condamnations prononcées contre elle ; Déboute la SAS The Oz de sa demande de garantie contre la SARL Ren Mode ; Déboute les sociétés MSFR, MSBH B.V. et MSNL B.V. de leur demande tendant à inclure les frais de constat d'huissier de justice du 19 décembre 2019 dans les dépens ; Condamne in solidum la SAS The Oz et la SAS HCG France à payer 4000 euros à chacune des sociétés MSFR, MSBH B.V et MSNL B.V. en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Déboute la SAS The Oz et la SAS HCG France de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Fixe à 4000 euros la créance de chacune des sociétés MSFR, MSBH B.V et MSNL B.V. en application de l'article 700 du code de procédure civile au passif de la SARL Ren Mode. Fait et jugé à Paris le 11 octobre 2023 La greffière Le président | x |
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JURITEXT000048550580 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550580.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 25 octobre 2023, 21/09097 | 2023-10-25 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/09097 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 21/09097 - No Portalis 352J-W-B7F-CUYGK No MINUTE : Assignation du :30 juin 2021 JUGEMENT rendu le 25 Octobre 2023 DEMANDEURS S.C. RUBEMPRÉ[Adresse 1][Localité 4] Monsieur [U] [D]Domicilié chez son avocat Maître Arnaud LACROIX DE CARIES DE SENILHES[Adresse 3][Localité 6] représentés par Maître Arnaud LACROIX DE CARIES DE SENILHES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2338 DÉFENDERESSE S.A. ÉDITIONS ALBIN MICHEL[Adresse 2][Localité 5] représentée par Maître Christophe BIGOT de L'AARPI BAUER BIGOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0010 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointIrène BENAC, vice-présidenteLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière DEBATS A l'audience du 31 mai 2023 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. Monsieur [U] [D] se présente comme un journaliste politique, écrivain, essayiste et chroniqueur français. 2. Il a fondé la société civile Rubempré, devenue ensuite société à responsabilité limitée (ci-après SARL), immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Paris le 18 septembre 2008, qui indique avoir notamment pour activité la production de manuscrits. 3. La société anonyme Éditions Albin Michel (ci-après la SA Éditions Albin Michel), immatriculée au RCS de Paris le 6 août 1982, se présente comme une société d'édition fondée en 1902 ayant publié plusieurs livres de M. [D]. 4. Le 4 mai 2015, la SARL Rubempré et la SA Éditions Albin Michel ont conclu un contrat aux termes duquel la première a cédé à la seconde le droit d'imprimer, reproduire, publier et exploiter un ouvrage à paraître de M. [D]. 5. En contrepartie, la SA Éditions Albin Michel s'est engagée à verser un à-valoir de 100 000 euros sur les pourcentages dus à l'auteur et, à titre d'avance, elle a versé 30 000 euros à la société Rubempré. Elle a également versé 10 000 euros à M. [H] [P] pour qu'il assiste M. [D] dans la rédaction de son ouvrage. 6. Aux termes d'échanges sur la qualification et le contenu desquels les parties sont en désaccord, par courrier du 22 juin 2021 adressé à M. [D], la SA Éditions Albin Michel lui a indiqué renoncer à publier l'ouvrage objet du contrat du 4 mai 2015. 7. Par acte d'huissier du 30 juin 2021, M. [D] et la SARL Rubempré ont fait assigner la SA Éditions Albin Michel devant ce tribunal en paiement de dommages-intérêts. 8. Par conclusions d'incident du 20 octobre 2021, la SA Éditions Albin Michel a demandé au juge de la mise en état d'ordonner aux demandeurs la communication de diverses pièces. Par ordonnance du 25 janvier 2022, ce juge a rejeté ces demandes, a réservé les dépens et dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du code de procédure civile. 9. L'instruction a été close par ordonnance du 22 septembre 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 31 mai 2023 pour être plaidée. PRÉTENTIONS DES PARTIES 10. Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 septembre 2022, Monsieur [U] [D] et la SARL Rubempré ont demandé au tribunal de : - dire et juger que la résiliation du contrat du 4 mai 2015 par la SA Éditions Albin Michel est abusive ;- condamner la SA Éditions Albin Michel à verser à M. [U] [D] :> 200 000 euros pour atteinte au droit moral de l'auteur ;> 500 000 euros au titre du préjudice moral- condamner la SA Éditions Albin Michel à verser à la SARL Rubempré > 3 000 000 d'euros à titre de dommages et intérêts ;> 70 000 euros au titre du minimum garanti prévu au contrat du 4 mai 2015 ;- débouter la SA Éditions Albin Michel de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, à savoir le remboursement des avances perçues par la SARL Rubempré et par M. [H] [P], la demande de condamnation pour procédure abusive et la demande de paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral ;- condamner la SA Éditions Albin Michel à verser en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :> 50 000 euros à la SARL Rubempré ;> 50 000 euros à M. [U] [D] ;- condamner la SA Éditions Albin Michel aux entiers dépens. 11. Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 septembre 2022, la SA Éditions Albin Michel a conclu à :- débouter les demandeurs de l'intégralité de leurs demandes ;- les déclarer recevables et bien fondées en leurs demandes reconventionnelles ;En conséquence :- condamner in solidum la SARL Rubempré et M. [D] à lui payer une indemnité de 100 000 euros en indemnisation du préjudice moral subi à la suite de la campagne de discrédit lancée contre elles ;- condamner la SARL Rubempré à lui rembourser :> le montant de 30 000 euros réglé à titre d'à-valoir à la signature du contrat en date du 4 mai 2015 ;> le montant de 10 000 euros réglé à titre d'à-valoir à M. [H] [P] ;- condamner in solidum la SARL Rubempré et M. [D] à lui payer:> 50 000 euros pour procédure abusive ;> 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;- condamner la SARL Rubempré et M. [D] en tous les frais et dépens de l'instance ;- ordonner en tant que de besoin l'exécution provisoire du jugement à intervenir du chef des condamnations prononcées à titre reconventionnel et constater que rien ne s'y oppose. MOTIVATION I - Sur la qualification du contrat et ses conséquences Moyens des parties 12. La SARL Rubempré et M. [D] soutiennent que le contrat conclu avec la défenderesse le 4 mai 2015 est un contrat d'édition dont elle déduit une obligation de résultat de publication et de diffusion de l'oeuvre objet du contrat, que ce contrat soit soumis aux dispositions spécifiques du code de la propriété intellectuelle ou celles, générales, du code civil. Ils ajoutent que la clause de résiliation invoquée en défense est purement potestative et, comme telle, doit être réputée non écrite, outre qu'elle n'a pas été invoquée dans la lettre du 22 juin 2021 portant résiliation unilatérale du contrat par la défenderesse. Ils contestent toute résiliation amiable, les échanges ayant eu lieu en amont de la résiliation unilatérale ne traduisant, selon eux, que leur préoccupation à retrouver la disponibilité de leurs droits d'auteur sur l'oeuvre objet du contrat, tout accord de ce type ne pouvant faire l'objet que d'un avenant écrit au contrat. Ils considèrent que le contrat ne pouvait pas être résilié au motif que la date de remise du manuscrit était dépassée, cet argument n'ayant jamais été invoqué auparavant, notamment pas dans la lettre de résiliation du 22 juin 2021, et les parties étant d'accord pour accorder un délai pour cette remise compte tenu des deux autres ouvrages publiés en 2016 et 2018, soit postérieurement au contrat, et de la remise d'ébauches courant 2021. 13. La SA Éditions Albin Michel oppose que le contrat du 4 mai 2015 étant conclu avec la société civile Rubempré, il ne saurait constituer un contrat d'édition, mais s'analyse en un contrat de cession de contrat d'édition, initialement conclu entre M. [D] et la société civile qu'il dirige, en sorte qu'elle-même n'a contracté aucune obligation directe envers l'auteur. Elle expose qu'un accord entre les parties est intervenu pour mettre un terme au contrat à la suite de leurs échanges informels entre le 11 et le 22 juin 2021, l'ensemble ayant été formalisé dans le courrier adressé le 22 juin 2021 à la demande de M. [D]. 14. Elle invoque, à titre subsidiaire, qu'aucun manuscrit n'ayant été remis à l'échéance prévue au contrat et aucun accord pour un report de cette remise n'étant intervenu, lequel supposait un avenant écrit au contrat, elle est légitime à en évoquer la résiliation aux torts de son cocontractant. Elle précise qu'aucun manuscrit non finalisé n'a été remis et qu'elle pouvait contractuellement renoncer à l'édition du manuscrit. 15. Elle avance, à titre plus subsidiaire, que l'article 1.4 du contrat, qualifié en demande de clause purement potestative, mais dont l'annulation n'est pas sollicitée pour être, selon elle, prescrite, est inapplicable faute de remise de tout manuscrit définitif correspondant à l'objet du contrat. Elle tire du défaut de demande d'annulation de cette clause qu'elle demeure la loi des parties et, compte tenu que la somme de 30 000 euros a été laissée à la société Rubempré, elle conduit au rejet des demandes. Réponse du tribunal 16. Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au contrat du 4 mai 2015, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.Elles doivent être exécutées de bonne foi. 17. L'article L.132-1 du code de la propriété intellectuelle définit le contrat d'édition comme le contrat par lequel l'auteur d'une oeuvre de l'esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l'oeuvre ou de la réaliser ou faire réaliser sous une forme numérique, à charge pour elle d'en assurer la publication et la diffusion. 18. Conformément à l'article L.132-9 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur doit mettre l'éditeur en mesure de fabriquer et de diffuser les exemplaires de l'oeuvre ou de réaliser l'oeuvre sous une forme numérique.Il doit remettre à l'éditeur, dans le délai prévu au contrat, l'objet de l'édition en une forme qui permette la fabrication ou la réalisation de l'oeuvre sous une forme numérique.Sauf convention contraire ou impossibilités d'ordre technique, l'objet de l'édition fournie par l'auteur reste la propriété de celui-ci. L'éditeur en est responsable pendant le délai d'un an après l'achèvement de la fabrication ou de la réalisation sous une forme numérique. 19. Au cas présent, il ressort du contrat du 4 mai 2015 qu'il a été conclu entre la société Rubempré et la SA Éditions Albin Michel et stipule que "Monsieur [U] [D], ci-après dénommé l'auteur, a cédé l'ensemble de ses droits de propriété intellectuelle portant sur l'oeuvre objet des présentes à la société Rubempré (...)" puis que cette société "cède à titre exclusif à l'éditeur (...) les droits de reproduction et de représentation [qu'elle] possède au titre du contrat de cession des droits patrimoniaux de l'auteur et portant sur l'ouvrage qui a pour titre provisoire ou définitif ces traîtres qui ont défait la France"(pièce des demandeurs no4). 20. Ce contrat stipule ensuite :- en son article 1 des conditions particulières que la société Rubempré s'engage à remettre à la SA Éditions Albin Michel "au plus tard en juillet 2019, le manuscrit de l'auteur, à savoir son texte définitif c'est-à-dire revu et prêt pour impression et complet (...)" ;- en son article 1.4 des conditions générales "obligations et engagements de l'éditeur. De son côté, l'éditeur s'engage à assurer, à ses frais, risques et périls, (...) la publication de l'oeuvre telle qu'acceptée par lui, et s'emploiera à lui procurer, par une diffusion dans le public et auprès des tiers susceptibles d'être intéressés, les conditions favorables à son exploitation.En cas de défaut de publication, le cédant soit conservera les sommes qui lui ont été versées par l'éditeur en à-valoir sur les droits d'auteur relatifs à l'exploitation de l'oeuvre, soit percevra une indemnité forfaitaire et définitive dont le montant est dans ce cas précisé aux conditions particulières.Le contrat sera alors résilié sans autre indemnité, ce que le cédant accepte" ;- en son article 2.1 des conditions générales "le cédant [i.e. la société Rubempré] s'engage à remettre à l'éditeur, s'il ne l'a déjà fait, le manuscrit de l'auteur définitif et complet tel que défini à l'article 1 des conditions particulières qui précise également le délai et la forme de la remise (...)Si le cédant ne remet pas la version définitive et complète du manuscrit de l'auteur à la date prévue et dans les formes convenues à l'article 1 des conditions particulières, l'éditeur pourra soit résilier le contrat aux torts du cédant, soit lui accorder, le cas échéant, un délai supplémentaire.En cas de résiliation, le cédant devra restituer à l'éditeur toutes les sommes qui lui auront été versées au titre d'avances sur droits, frais de recherche et de documentation, etc.Si l'éditeur et le cédant ne parviennent pas à se mettre d'accord sur un manuscrit définitif prêt pour la publication, l'éditeur informera au cédant qu'il renonce à l'édition du manuscrit et le cédant conservera le bénéfice de toutes sommes perçues par lui sauf si le cédant exploite directement ou par l'intermédiaire d'un tiers le résultat de ses travaux, auquel cas il s'engage à rembourser à l'éditeur la rémunération perçue (...)" ;- en son article 10 des conditions générales "l'éditeur s'engage à publier l'oeuvre, dans les conditions prévues au présent contrat.À cet effet, il est convenu que l'oeuvre devra être publiée dans un délai de dix-huit mois à compter de l'acceptation par l'éditeur du manuscrit définitif et complet, tel que défini à l'article 1 des conditions particulières, sauf retard imputable au cédant (...)". 21. Ce contrat a fait l'objet de deux avenants des 16 novembre 2015, pour modifier les articles 2.1 et 5.1 des conditions générales et 30 novembre 2016 pour modifier le titre de l'oeuvre à remettre (pièces des demandeurs no5 et 6). 22. S'agissant d'un accord entre les parties sur la rupture du contrat du 4 mai 2015, la SA Éditions Albin Michel verse au soutien de ses allégations des échanges de messages téléphoniques (SMS), confirmant une entrevue le 11 juin 2021 entre M. [D] et le président de son directoire, puis une conversation téléphonique entre eux le 21 juin suivant. Le lendemain, la secrétaire générale de la SA Éditions Albin Michel a pris contact avec M. [D] lui demandant si elle devait lui adresser un courrier par courriel ou par la poste ; M. [D] a répondu le même jour : "comme convenu avec (...) je vous remercie de me l'adresser plutôt par voie postale (...) (pièce de la défenderesse no10). 23. Toutefois cette pièce ne permet pas à elle seule d'établir le prétendu accord amiable des parties de mettre un terme au contrat du 4 mai 2015. Il ressort, en effet, des termes des messages échangés que l'accord de M. [D] porte sur l'envoi par la SA Éditions Albin Michel d'un courrier, le message de M. [D] du 22 juin 2021 ne pouvant se lire que comme une réponse à la demande de la secrétaire générale de la défenderesse. 24. Le 22 juin 2021, la SA Éditions Albin Michel a adressé à M. [D] un courrier mentionnant que : "pour faire suite avec vos échanges avec M. (...), je vous confirme que les Éditions Albin Michel renoncent à la publication de votre prochain ouvrage (...) Vous recouvrez donc vos droits d'édition pour ce texte visé par votre contrat du 4 mai 2015 (...)" (pièce des demandeurs no7). 25. La teneur de ce courrier corrobore l'absence d'accord entre les parties relativement à la rupture du contrat, dès lors que la SA Éditions Albin Michel y a confirmé renoncer unilatéralement à l'oeuvre objet du contrat du 4 mai 2015. 26. De même, l'absence d'avenant écrit au contrat du 4 mai 2015 étaye l'absence d'accord entre la société Rubempré et la SA Éditions Albin Michel pour mettre fin au contrat, alors que celui-ci avait fait l'objet de tels avenants par deux fois précédemment pour des modifications de moindre importance (pièce des demandeurs no5 et 6). 27. S'agissant d'un accord des parties pour reporter la date de remise du manuscrit à la rentrée littéraire 2021, la société Rubempré et M. [D], sur lesquels pèsent la charge de cette preuve, ne produisent aucune pièce permettant de l'établir, alors que ce fait est contesté par la SA Éditions Albin Michel. 28. De même, si les demandeurs prétendent que des éléments du manuscrit ou des ébauches ont été transmises à l'éditeur au cours de l'année 2021, aucune pièce n'est produite à cette fin. 29. La circonstance que la SA Éditions Albin Michel a publié en 2018 un autre ouvrage de M. [D], dont il n'est pas soutenu qu'il soit celui objet du contrat, n'est pas plus de nature à démontrer cet accord pour le report du dépôt du manuscrit prévu en juillet 2019. 30. Il résulte de l'ensemble qu'en juin 2021, près de deux ans après le terme prévu au contrat du 4 mai 2015, la société Rubempré n'avait toujours pas remis à la SA Éditions Albin Michel de manuscrit "définitif c'est-à-dire revu et prêt pour impression et complet" de M. [D] ayant pour titre "l'histoire interdite", obligation essentielle et unique de cette société, de sorte que la SA Éditions Albin Michel était bien fondée à renoncer à l'exécution de ce contrat pour ce seul motif". 31. Il s'ensuit que, la société Rubempré et M. [D] ne sont pas fondés à invoquer une rupture abusive du contrat ou le manquement de la SA Éditions Albin Michel à l'une de ses obligations essentielles du contrat du 4 mai 2015 ou d'une quelconque faute délictuelle, au demeurant non caractérisée. Ils seront, par conséquent, déboutés de leurs demandes à ce titre. II - Sur les demandes en paiement Moyens des parties 32. La société Rubempré et M. [D] demandent le versement par la défenderesse du complément du minimum garanti prévu au contrat, cette somme étant due même à défaut de publication de l'ouvrage prévu au contrat et compte tenu que l'exception de non remise du manuscrit n'est pas applicable dans la mesure où la défenderesse a refusé le manuscrit. Ils ajoutent que cette somme n'a pas à se déduire des droits patrimoniaux perçus suite à la publication de l'ouvrage, cette publication étant étrangère à la défenderesse. 33. Aux demandes reconventionnelles de la défenderesse, ils objectent que le contrat étant résilié par la SA Éditions Albin Michel, la restitution des sommes versées par le passé est exclue, que la défenderesse ne peut pas invoquer l'article 2.1 du contrat, dès lors que la résiliation qu'elle a prononcée se fondait sur des motifs politiques et qu'elle a renoncé à l'à-valoir versé à la signature du contrat par leur courrier du 22 juin 2022 qui le stipule expressément. 34. Ils considèrent la demande de la SA Éditions Albin Michel en remboursement des sommes versées à l'assistant à la rédaction de l'ouvrage comme infondée, étant tiers au contrat liant la défenderesse à cet assistant. 35. La SA Éditions Albin Michel estime que la demande de paiement du minimum garanti par le contrat du 4 mai 2015 se confond avec la supposée perte de gains invoquée par ailleurs par les demandeurs, alors qu'elle en sollicite reconventionnellement le remboursement en application du contrat en raison de sa renonciation à éditer l'oeuvre. 36. Elle réclame, également, le remboursement des fonds versés à l'assistant de M. [D] pour la rédaction de l'ouvrage sur le fondement de l'enrichissement sans cause, compte tenu que l'oeuvre a été éditée par la société Rubempré. Réponse du tribunal II.1 - S'agissant de la demande en paiement en exécution du contrat 37. Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au contrat du 4 mai 2015, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.Elles doivent être exécutées de bonne foi. 38. Le contrat du 4 mai 2015 stipule :- en son article 2 des conditions particulières que "(...) À titre d'à-valoir sur l'ensemble des droits dus, l'éditeur versera au cédant une somme brute de 10 000 euros qui sera réglée sur présentation de facture, avec mention des taxes en vigueur, comme suit : 30 000 euros à la signature du contrat d'édition, 30 000 euros à l'acceptation du manuscrit, 40 000 euros à la parution du manuscrit (...)Cet à-valoir se comprend comme un minimum garanti. Il reste définitivement acquis au cédant, quels que soient les résultats de l'exploitation de l'oeuvre, sauf défaillance de sa part à remettre le manuscrit définitif de l'auteur dans les formes et les délais visés au présent contrat.Le présent à-valoir sera porté au débit du compte ouvert dans les livres de l'éditeur au nom de l'oeuvre et les droits dus seront apportés à son crédit."- en son article 2.1 des conditions générales "(...) En cas de résiliation, le cédant devra restituer à l'éditeur toutes les sommes qui lui auront été versées au titre d'avances sur droits, frais de recherche et de documentation, etc.Si l'éditeur et le cédant ne parviennent pas à se mettre d'accord sur un manuscrit définitif prêt pour la publication, l'éditeur informera au cédant qu'il renonce à l'édition du manuscrit et le cédant conservera le bénéfice de toutes sommes perçues par lui sauf si le cédant exploite directement ou par l'intermédiaire d'un tiers le résultat de ses travaux, auquel cas il s'engage à rembourser à l'éditeur la rémunération perçue (...)" 39. Il s'en déduit qu'en application des articles précités du contrat, en l'absence de remise du manuscrit objet du contrat par la société Rubempré à la SA Éditions Albin Michel, les demandeurs sont mal fondés à réclamer le versement du minimum garanti et, à l'inverse, la défenderesse est bien fondée à réclamer le restitution de la première tranche d'à-valoir. 40. La société Rubempré sera, en conséquence, condamnée à payer 30 000 euros à la SA Éditions Albin Michel. II.2 - S'agissant de la demande fondée sur l'enrichissement injustifié 41. Il se déduit du principe d'équité qu'il n'est pas permis de s'enrichir aux dépens d'autrui (en ce sens Cour de cassation, 15 juin 1892, Sirey 1893 no1, devenu article 1303 du code civil postérieurement à l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations). 42. Toutefois, la mise en oeuvre de l'action en enrichissement injustifié suppose qu'aucune autre action n'est ouverte à celui qui se prétend appauvri ou, à tout le moins, que le débiteur de l'obligation principale ne soit pas insolvable (en ce sens Cour de cassation, chambre civile, 12 mai 1914, Sirey 1918, 1 p 41 et, par ex Cour de cassation, chambre commerciale, 10 octobre 2000, no98-21.814). 43. En l'espèce, par contrat signé le 30 novembre 2016 entre la SA Éditions Albin Michel et M. [P], il a été convenu que ce dernier assisterait M. [D] dans la rédaction de deux ouvrages dont celui objet du contrat litigieux du 4 mai 2015, en contrepartie de divers paiements dont 10 000 euros à la signature (pièce en défense no30). 44. Par courrier du 2 septembre 2021, la SA Éditions Albin Michel a informé M. [P] de sa renonciation à éditer l'ouvrage litigieux et lui a rappelé que s'il avait "participé pour le compte d'un autre éditeur à la rédaction de ce livre à paraître le 16 septembre sous le titre La France n'a pas dit son dernier mot, il [lui] appartient de [s'assurer], aux côtés de cet éditeur, de la titularité de [ses] droits et du remboursement (...) de la somme de 10 000 € [qu'il a] perçue à la signature de la lettre-accord" (pièce en défense no31). 45. La SA Éditions Albin Michel, qui ne fait état d'aucune suite donnée à ce courrier et qui dispose d'une action contre M. [P], est, dès lors, mal fondées à demander le remboursement de cette avance à la société Rubempré. Sa demande à ce titre sera en conséquence rejetée. III - Sur le dénigrement Moyens des parties 46. La SA Éditions Albin Michel réclame l'indemnisation du préjudice que leur a causé la campagne de communication lancée par M. [D] dans les médias à compter du 18 juin 2021, laquelle a, selon elle, atteint son paroxysme le 15 septembre 2021 par des déclarations dans le journal Le Monde. 47. La société Rubempré et M. [D] répondent que la médiatisation de la rupture du contrat d'édition litigieux est liée au communiqué de presse de la défenderesse du 29 juin 2021 laissant entendre que M. [D] aurait confirmé sa candidature à l'élection présidentielle et qu'elles ne souhaitaient pas être associées à son combat politique. Réponse du tribunal 48. Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 49. Les atteintes à la réputation d'une personne, relevant de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sont à distinguer de la mise en cause des produits et services d'une entreprise, relevant de la responsabilité délictuelle (en ce sens Cour de cassation assemblée plénière, 12 juillet 2000, no98-10.160 et 98-11.155). 50. Même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 9 janvier 2019, no17-18.350). 51. Il s'infère nécessairement d'actes de dénigrement constitutifs de concurrence déloyale un trouble commercial générant un préjudice, fût-il seulement moral (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 11 janvier 2017, no15-18.669). 52. En l'espèce, s'il peut être discuté que les propos tenus publiquement par M. [D] visant la SA Éditions Albin Michel aient dépassé la mesure, force est de constater qu'aucun de ces propos ne vise à jeter le discrédit sur l'une des oeuvres éditées ou un produit commercialisé par cette dernière, outre que les nombreux extraits de presse versés aux débats par la défenderesse ne permettent pas d'imputer à M. [D] les opinions de leurs rédacteurs ou les propos rapportés par des tiers (pièces en défense no13, 14, 16 à 20, 23 et 24). 53. Le dénigrement allégué n'est, dès lors, pas caractérisé et la demande à ce titre de la SA Éditions Albin Michel sera, en conséquence, rejetée. IV - Sur la procédure abusive Moyens des parties 54. La SA Éditions Albin Michel assure qu'en faisant le choix d'une procédure manifestement abusive et téméraire seulement cinq jours après le courrier leur annonçant le refus d'édition de l'ouvrage litigieux et en instrumentalisant cette action pour initier une séquence médiatique favorable à M. [D], les demandeurs ont abusé de leur droit d'action. 55. La société Rubempré et M. [D] répondent que leur action étant fondée, ils n'ont commis aucune faute. Réponse du tribunal 56. L'article 1240 du code civil prévoit que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 57. Le droit d'agir en justice participe des libertés fondamentales de toute personne. Il dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 10 octobre 2012, no 11-15.473). 58. Au cas présent, la seule circonstance que la société Rubempré et M. [D] soient déboutés de leurs demandes n'est pas de nature à faire dégénérer leur action en abus. 59. La SA Éditions Albin Michel sera déboutée de sa demande à ce titre. V Sur les dispositions finales V.1 - S'agissant des dépens 60. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 61. La société Rubempré et M. [D], parties perdantes, seront condamnés aux dépens. V.2 - S'agissant des frais irrépétibles 62. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 63. La société Rubempré et M. [D], parties tenues aux dépens, seront condamnés in solidum à payer 10 000 euros à ce titre à la SA Éditions Albin Michel. V.3 - S'agissant de l'exécution provisoire 64. En application des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée. 65. En l'espèce, l'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, n'a pas à être écartée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Déboute la société Rubempré et M. [U] [D] de leurs demandes en dommages et intérêts au titre du droit moral de l'auteur, de la perte de gains, du préjudice moral et en paiement du minimum garanti au contrat du 4 mai 2015 ; Condamne la société Rubempré à payer 30 000 euros à la SA Éditions Albin Michel ; Déboute la SA Éditions Albin Michel de ses demandes reconventionnelles fondées sur l'enrichissement injustifié, sur le dénigrement et en procédure abusive; Condamne la société Rubempré et M. [D] aux dépens ; Condamne in solidum la société Rubempré et M. [D] à payer 10 000 euros à la SA Éditions Albin Michel en application de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 25 octobre 2023 La greffière Le président | x |
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JURITEXT000048550581 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550581.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 11 octobre 2023, 22/01610 | 2023-10-11 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/01610 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 22/01610 - No Portalis 352J-W-B7G-CWBSC No MINUTE : Assignation du :02 février, 07 mars et 12 mai 2022, incident ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 11 octobre 2023 DEMANDERESSES Société HANGZHOU CHIC INTELLIGENT TECHNOLOGY CO[Adresse 6], [Adresse 6], [Adresse 6] (CHINE) représentée par Maître Philippe SCHMITT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0677 S.A.S. ATLAS TECHNOLOGIE intervenante volontaire[Adresse 4][Adresse 4] représentée par Maître Stéphane HASBANIAN de la SCP BAYLE & HASBANIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0398 DEFENDERESSES S.A.S. AUCHAN HYPERMARCHE[Adresse 2][Adresse 2] Société AUCHAN HYPERMARCHE CAMBRAI[Adresse 7][Adresse 7] S.A.S.U. ORGANISATION INTRA-GROUPE DES ACHATS[Adresse 3][Adresse 3] S.A. AUCHAN RETAIL INTERNATIONAL[Adresse 3][Adresse 3] S.A.S. AUCHAN RETAIL FRANCE[Adresse 2][Adresse 2] représentées par Maître Sylvie BENOLIEL CLAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0415 S.A. CIBOX INTER@CTIVEintervenante forcée[Adresse 1][Adresse 1] représentée par Maître Hélène HADDAD AJUELOS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0172 _________________________________ MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointassisté de Lorine MILLE, greffière, DEBATS A l'audience sur incident du 22 juin 2023, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 11 octobre 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société de droit chinois Hangzhou Chic Intelligent Technology Co (ci-après la société Chic) indique avoir pour activité la conception et le développement de dispositifs à roulettes pour la mobilité ou le loisir, en particulier des véhicules élecriques à équilibre. Elle est titulaire du brevet européen EP 2987712, délivré le 25 avril 2018, intitulé trottinette à équilibre électrique, désigné en pratique sous le nom d'hoverboard. 2. La société par actions simplifiée (ci-après SAS) Atlas Technologie commercialise en France des hoverboards. Elle dispose d'une licence de la société Chic sur la partie française du brevet européen EP 2897712, publiée au registre national des brevets. 3. Le groupe Auchan, acteur de la grande distribution, comporte notamment la SAS Organisation intra-groupe des achats (ci-après OIA), chargée du référencement et des achats des produits distribués dans les différents points de vente du groupe, la SAS Auchan Hypermarché, exerçant une activité de distribution de produits de consommation courante, la SAS Auchan Retail France, société holding qui détient la SAS Auchan Hypermarché, la société Auchan Hypermarché Cambrai, établissement secondaire de la SAS Auchan Hypermarché, et la société anonyme (ci-après SA) Auchan Retail International, société holding détenant l'ensemble des précédentes. 4. La société Chic expose que la SAS Atlas Technologie a mis en demeure le 10 mai 2019 les sociétés composant le groupe Auchan, considérant que les hoverboards commercialisés sous la marque Qilive, notamment celui référencé Q4878, portaient atteinte à ses droits tirés du brevet européen EP2987712. 5. Constestant le bien fondé de la contrefaçon alléguée, la SA Auchan Retail International a opposé un refus, par courrier du 4 juin 2019. 6. Après y avoir été autorisée par ordonnance du 10 janvier 2022, la société Chic a fait opérer le 11 janvier suivant une saisie-contrefaçon dans l'hypermarché Auchan situé à [Localité 5]. Suivant ordonnances des 9 mars 2022, elle a fait opérer deux saisies-contrefaçons au siège des sociétés Auchan Hypermarché et OIA le 5 avril 2022. 7. Par acte d'huissier du 2 février 2022, la société Chic a fait assigner les sociétés Auchan Hypermaché, Auchan Hypermarché Cambrai et OIA à l'audience d'orientation du 12 mai 2022 de ce tribunal en contrefaçon de brevet. 8. Par acte d'huissier du 7 mars 2022, la SAS OIA a fait assigner en intervention forcée la SA Cibox Inter@ctive, en sa qualité de fournisseur, à la même audience. Cette instance a été jointe à la précédente le 12 mai 2022. 9. Le juge de la mise en état a été saisi de l'instruction de l'affaire à l'issue de l'audience du 12 mai 2022. 10. Par acte d'huissier du 12 mai 2022, la société Chic a fait assigner les sociétés Auchan Retail International et Auchan Retail France à l'audience d'orientation du 7 juillet 2022 de ce tribunal, aux mêmes fins. 11. Par conclusions notifiées le 5 juillet 2022, la SAS Atlas Technologie est intervenue volontairement à l'instance introduite contre les sociétés Auchan Retail International et Auchan Retail France. 12. Cette instance a été jointe à la principale, enregistrée sous le numéro RG 22/1610, le 7 juillet 2022. 13. Par conclusions notifiées le 21 juillet 2022, la société Chic a saisi le juge de la mise en état d'un incident. Compte tenu de la médiation acceptée par les parties, l'instruction de l'incident a été suspendue durant la médiation. 14. Suite à l'échec de la médiation, l'incident a été fixé à l'audience du 22 juin 2023 pour être plaidé. PRÉTENTIONS DES PARTIES 15. Dans ses dernières conclusions en incident, notifiées par voie électronique le 21 juin 2023, la société Chic a demandé au juge de la mise en état :- d'interdire, sous astreinte de 100 000 euros à son bénéfice, par toutes nouvelles écritures, conclusions ou déclarations des sociétés Cibox Inter@ctive, Auchan Hypermaché Cambrai, OIA, Auchan Retail Internationl, Auchan Retail France ou Auchan Hypermarché, ou prises dans leur intérêt par l'un quelconque de leurs salariés ou mandataires qu'il(s) soi(en)t avocat(s) ou non, que leurs écritures, conclusions ou déclarations aient lieu dans le cadre de l'instance judiciaire présente ou dans tout autre instance judiciaire ou dans tout autre lieu ou sur tous autres supports, citant ou se référant à l'un ou l'autre des faits, actes juridiques ou non, ou arguments ou qualifications de quelques natures indiqués :> i) du point 31 de la page 10 au point 47 de la page 14, des conclusions d'incident no1 signifiées le 22 mars 2023 de la SA Cibox Inter@ctive> et du point 69 de la page 19 au point 85 de la page 23, au point 97 de la page 26, aux point 109 de la page 29 et au point 110 de la page 30 des conclusions d'incident no2 signifiées le 9 juin 2023 de la SA Cibox Inter@ctive> et ii) de la page 11 (point 31) à la page 15 des conclusions no1 au tribunal de la SA Cibox Inter@ctive signifiées le 22 mars 2023> et à toutes les pièces qui y renverraient à savoir notamment les pièces citées par la SA Cibox Inter@ctive : pièces 3, 23 à 30 et cour d'appel de Bordeaux 23/11/2021 no19/00058, cour d'appel de Paris 02/12/2021, no21/05849> et au point 79 de la page 17 des conclusions en réponse à incident et reconventionnelles signifiées le 22 mars 2023 des sociétés du groupe Auchan et à toutes les pièces qui y renverraient à savoir notamment les pièces et conclusions citées ci-dessus de la SA Cibox Inter@ctive> et au point 99 de la page 20 et aux points 103 à 106 des conclusions d'incident no2 du 9 juin 2023 des sociétés du groupe Auchan- condamner à titre de provision solidairement les sociétés Cibox Inter@ctive, Auchan Hypermaché Cambrai, OIA, Auchan Retail Internationl, Auchan Retail France et Auchan Hypermarché à lui payer 100 000 euros pour l'indemnisation du préjudice subi pour violation de la confidentialité, réitération de cette violation et pour des prétentions à de fausse confidentialité et violation du secret des affaires et renvoyer au tribunal pour la détermination de son préjudice total en réparation pour l aviolation de la confidentialité de la médiation judiciaire ordonnée les 7 juin et 19 juillet 2022 et pour atteinte au secret des affaires par les sociétés Cibox Inter@ctive, Auchan Hypermaché Cambrai, OIA, Auchan Retail Internationl, Auchan Retail France et Auchan Hypermarché- ordonner à la SAS OIA de communiquer à l'issue du délai de 10 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, et sous astreinte de 1000 euros par pièce manquante et par jour de retard à son bénéfice l'astreinte courant pendant trois mois, toutes les pièces no1 à no34 visées à son assignation en intervention forcée- ordonner sous attestation de chacun des cinq dirigeants des sociétés du groupe Auchan assignées :> avec attestation de leur directeur technique respectif à l'issue du délai de 10 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, et sous astreinte de 20 000 euros par fiche technique manquante ou non conforme et par période de 72 heures à son bénéfice, l'astreinte courant pendant trois mois, année par année depuis le 24 février 2016, la fiche technique comprenant la description de tous ses composés avec vue éclatée de chaque modèle d'hoverboards Q4743, Q4878, Q4898, Q4987, Q4316, Q4066 et Q4920 commercialisés par l'une ou l'autre de ces cinq sociétés en France> avec attestation de leur commissaire aux comptes respectif à l'issue du délai de 10 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, et sous astreinte de 300 euros par hoverboard manquant à son bénéfice, l'astreinte courant pendant trois mois de communiquer le nombre d'hoverboards Q4743, Q4878, Q4898, Q4987, Q4316, Q4066 et Q4920 commercialisés par l'une ou l'autre de ces cinq sociétés en France depuis le 24 février 2016- ordonner sous attestation de chacun des deux dirigeants des sociétés OIA et Auchan Retail International :> avec attestation de leur directeur technique respectif à l'issue du délai de 10 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, et sous astreinte de 20 000 euros par fiche technique manquante ou non conforme et par période de 72 heures à son bénéfice, l'astreinte courant pendant trois mois, année par année depuis le 24 février 2016, la fiche technique comprenant la description de tous ses composés avec vue éclatée de chaque modèle d'hoverboards Q4743, Q4878, Q4898, Q4987, Q4316, Q4066 et Q4920, et commercialisés par l'une ou l'autre de ces sociétés directement ou indirectement en Espagne, en Hongrie, au Luxembourg, en Pologne, au Portugal> avec attestation de leur commissaire aux comptes respectif à l'issue du délai de 10 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, et sous astreinte de 300 euros par hoverboard manquant à son bénéfice, l'astreinte courant pendant trois mois de communiquer le nombre d'hoverboards Q4743, Q4878, Q4898, Q4987, Q4316, Q4066 et Q4920 commercialisés par l'une ou l'autre de ces deux sociétés, directement ou indirectement en Espagne, en Hongrie, au Luxembourg, en Pologne, au Portugal, depuis le 24 février 2016- ordonner sous attestation du dirigeant de la SA Cibox Inter@ctive :> avec attestation de son directeur technique à l'issue du délai de 10 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, et sous astreinte de 20 000 euros par fiche technique manquante ou non conforme et par période de 72 heures à son bénéfice, l'astreinte courant pendant trois mois année par année depuis le 24 février 2016, la fiche technique comprenant la description de tous ses composés avec vue éclatée de chaque modèle d'hoverboards commercialisés en France, en Italie, en Hongrie, en Pologne, en Finlande, en Allemagne, en Suède, au Portugal, en Grèce, au Luxembourg, au Danemark, en Espagne, en Belgique, en Irlande et aux Pays-Bas> avec attestation de son commissaire aux comptes à l'issue du délai de 10 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, et sous astreinte de 300 euros par hoverboard manquant à son bénéfice, l'astreinte courant pendant trois mois de communiquer le nombre de tous les hoverboards commercialisés directement ou indirectement en France et dans tous les pays européens depuis le 24 février 2016 en y distinguant notamment par pays ceux commercialisés sous la référence Q4743, Q4878, Q4898, Q4987, Q4316, Q4066 et Q4920 de ceux qui ne sont pas commercialisés sous ces références- constater qu'elle se désiste de ses demandes présentées au juge de la mise en état par ses conclusions du 21 juillet 2022, celles-ci n'étant plus d'actualité du fait de la fin de la médiation- se réserver la liquidation de l'astreinte- rejeter toutes les demandes de sociétés du groupe Auchan et de la SA Cibox Inter@ctive- condamner solidairement les sociétés du groupe Auchan et la SA Cibox Inter@ctive à lui payer 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. 16. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 juin 2022, la SA Cibox Inter@ctive a conclu à :- débouter la société Chic de l'ensemble de ses demandes et la renvoyer à mieux se pourvoir au fond- à titre subsidiaire, si par impossible le tribunal devait retenir une violation de la confidentialité de la médiation ou du secret des affaires, ordonner que soit écartée des débats la seule mention figurant au sein de l'attestation de Monsieur [N] [F] relative à la participation de Monsieur [Z] [I] à la procédure de médiation, à savoir : "avoir été en personne à la médiation dans le litige qui l'oppose au groupe Auchan"- à titre reconventionnel :> déclarer sa demande recevable et bien fondée> condamner la société Chic au paiement d'une amende civile de 10 000 euros et à lui payer 25 000 euros à titre de dommages et intérêts> ordonner à la SAS Atlas Technologie, à l'issue d'un délai de 10 jours à compter du prononcé de ladite mesure et, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant trois mois :* de communiquer l'ensemble de ses comptes annuels depuis sa création, soit ses comptes annuels 2018, 2019, 2020 et 2021* de justifier, sous attestation de son dirigeant et de son établissement bancaire, du paiement effectif de la redevance de deux millions de dollars américains prévue au contrat de licence du 27 août 2018 dont elle se prévaut> ordonner à la société Chic , à l'issue d'un délai de 10 jours à compter du prononcé de ladite mesure et, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant trois mois, de justifier, sous attestation de son dirigeant et de son établissement bancaire, de l'encaissement effectif de la redevance de deux millions de dollars américains prévue au contrat de licence du 27 août 2018 dont elle se prévaut> se réserver la liquidation de l'astreinte> condamner solidairement les sociétés Chic et Atlas Technologie à lui payer chacune 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de son avocat. 17. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 juin 2022, les sociétés du groupe Auchan ont demandé au juge de la mise en état de :- débouter la société Chic de l'ensemble de ses demandes et la renvoyer à mieux se pourvoir au fond- à titre reconventionnel :> écarter le paragraphe 12.4.5 (pages 126 et 127), des dernières conclusions au fond de la société Chic> condamner la société Chic au paiement d'un euro symbolique en réparation du préjudice subi> condamner la société Chic au paiement d'une amende civile de 10 000 euros et à lui payer 10 000 euros à titre de dommages et intérêts> ordonner à la SAS Atlas Technologie de communiquer l'ensemble de ses comptes annuels depuis sa création, soit les comptes annuels 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022, dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l'ordonnance et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant 3 mois> ordonner à la société Chic de communiquer ses comptes certifiés permettant de vérifier l'inscription de la somme invoquée au titre de la licence, dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l'ordonnance et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant 3 mois> ordonner aux sociétés Chic et Atlas Technologie de justifier chacune, sous attestation certifiée de leur dirigeant et de leur établissement bancaire, du paiement effectif par la SAS Atlas Technologie et de l'encaissement effectif par la société Chic de 2 000 000 USD, dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l'ordonnance et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant 3 mois> condamner in solidum les sociétés Chic et Atlas Technologie à lui verser 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile> condamner in solidum les sociétés Chic et Atlas Technologie aux entiers dépens, dont distraction au profit de son avocate. 18. La SAS Atlas Technologie a constitué avocat mais n'a pas conclu sur l'incident. MOTIVATION 19. En préambule, en application de l'article 768 du code de procédure civile, le juge de la mise en état, officiant selon les règles de la procédure écrite, ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, les parties étant réputées avoir abandonné celles des conclusions antérieures qui n'y sont pas reprises. 20. Le juge de la mise en état n'a, en conséquence, pas à statuer sur la demande de la société Chic tendant à constater qu'elle se désiste de ses demandes présentées à ce juge par ses conclusions du 21 juillet 2022. Cette demande, outre qu'elle est dépourvue de caractère juridictionnel (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 16 juin 2016, no15-16.469), porte sur un objet inexistant. I - Sur les demandes fondées sur la violation de la confidentialité de la médiation et le secret des affaires Moyens des parties 21. La société Chic soutient que les sociétés défenderesses ont violé le principe de la confidentialité de la médiation en dévoilant dans leurs conclusions au fond et en incident le nom d'une personne physique participant à la médiation que les parties ont accepté. Elle ajoute qu'étant elle-même tenue au respect de cette confidentialité, elle se trouve dans l'impossibilité de répondre aux allégations que les défenderesses développent en violation de cette obligation. Elle conteste avoir elle-même enfreint cette obligation dans ses conclusions au fond notifiées le 28 novembre 2022, les informations dont elle fait état se trouvant dans l'assignation de la SA Cibox Inter@ctive par la SAS OIA. Elle considère que les assertions contraires des sociétés du groupe Auchan lui causent un surcroît de préjudice. 22. Elle fait, également, valoir que la présence, le nom, la qualité et les déclarations de la personne nommée par les défenderesses ayant assisté à la réunion de médiation sont protégées au titre du secret des affaires, ces informations faisant l'objet de mesures de protection raisonnables compte tenu qu'elles étaient couvertes par l'obligation de confidentialité s'imposant à la médiation, qu'elles ne pouvaient pas être connues ou aisément accessibles par d'autres personnes et qu'elles présentent une valeur commerciale dans la mesure où les défenderesses s'en prévalent pour s'opposer à ses demandes d'information et d'indemnisation. 23. Elle conteste toute violation de la confidentialité de la médiation de sa part, les faits que les sociétés du groupe Auchan lui reprochent d'avoir dévoilé ne résultant que de l'assignation en garantie de la SA Cibox Inter@ctive. 24. Les sociétés du groupe Auchan opposent que l'identité des parties et celle de leurs représentants ne relèvent pas du périmètre de la confidentialité de la médiation judiciaire et qu'elle ne saurait s'appliquer à l'identité du représentant de la SAS Atlas Technologie, alors que la personne physique qui l'a représentée n'était pas son représentant légal, ajoutant que la société Chic ne dispose d'aucun intérêt à agir sur ce fondement en lieu et place de la SAS Atlas Technologie. Elles considèrent que l'identité du représentant d'une société n'est pas couverte par le secret des affaires et que la demanderesse en fait un usage abusif dans le seul but de les intimider, justifiant sa condamnation en réparation et à une amende civile. 25. Elles font, par ailleurs, grief à la société Chic d'avoir elle-même utilisé l'information issue de la médiation selon laquelle la commercialisation des produits litigieux en dehors de la France serait opérées par la SAS OIA. 26. La SA Cibox Inter@ctive invoque les mêmes arguments et moyens. Réponse du juge de la mise en état 27. Conformément à l'article L.151-1 du code de commerce, est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :1o Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ;2o Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;3o Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. 28. L'article L.152-8 du même code prévoit que toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l'absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l'amende civile ne peut excéder 60 000 €.L'amende civile peut être prononcée sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive. 29. Selon l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. 30. En application de l'article 32-1 du même code, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. 31. La condamnation à une amende civile profitant à l'État et non à une partie, ne peut pas être réclamée par une partie (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 20 juin 1966, Bull. civ. I, no378). 32. Aux termes de l'article 131-14 du même code, les constatations du médiateur et les déclarations qu'il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l'accord des parties, ni en tout état de cause dans le cadre d'une autre instance. 33. L'article 789 du même code dispose que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :1o Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ;Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;2o Allouer une provision pour le procès ;3o Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5, 517 et 518 à 522 ;4o Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;5o Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ;6o Statuer sur les fins de non-recevoir.Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état.Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état. I.1 - S'agissant des demandes de la société Chic 34. La société Chic allègue un préjudice tiré d'une prétendue violation de l'obligation de confidentialité des parties au cours d'une médiation en raison du dévoilement de l'identité d'une personne physique représentant la SAS Atlas Technologie. 35. La circonstance que ce préjudice serait inexistant dans la mesure où la violation de cette obligation de confidentialité ne porterait atteinte qu'aux droits de la SAS Atlas Technologie ne rend, toutefois, pas cette demande irrecevable, l'appréciation de l'existence du préjudice allégué relevant, au contraire, du juge du fond. 36. Néanmoins, cette circonstance constitue une contestation sérieuse du bien fondé de la demande de la société Chic. En effet, cette dernière indique que "par ces divulgations d'informations, Cibox et les sociétés du groupe Auchan tentent de s'opposer aux demandes d'informations et de conservation de preuves présentées" (ses conclusions page 30). 37. Or, même à supposer que le dévoilement de l'identité de la personne physique qui a représenté la SAS Atlas Technologie lors de la médiation entre les parties constitue une violation de l'obligation de confidentialité de la médiation, force est de constater que la SA Cibox Inter@tive et les sociétés du groupe Auchan opposent également d'autres moyens, tels le défaut de proportionnalité des mesures réclamées, aux demandes de la société Chic. 38. De même, encore cette violation supposément établie, elle ne constituerait pas une atteinte au secret des affaires, dès lors que la société Chic n'établit en rien que l'identité réelle du représentant de la SAS Atlas Technologie lors de la médiation revête une valeur commerciale, ni qu'elle ait fait l'objet de la part de son détenteur légitime, en l'espèce la personne en question, de mesures de protection raisonnables, celui-ci s'en étant au contraire ouvert à un tiers (pièce de Cibox Inter@ctive no23). 39. Par ailleurs, le fait que les sociétés du groupe Auchan imputent à la société Chic une violation de cette obligation qui ne serait pas établie ne leur cause pas le préjudice qu'elle prétend, mais lui impose de s'en défendre, élément qui est pris en considération dans l'appréciation des frais non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile. 40. Ainsi, le préjudice invoqué par la société Chic n'est pas établi avec l'évidence requise devant le juge de la mise en état et, par conséquent, ses demandes sur le fondement de cette violation seront rejetées. I.2 - S'agissant des demandes reconventionnelles des sociétés Cibox Inter@ctive et du groupe Auchan 41. La SAS OIA a fait assigner en intervention forcée la SA Cibox Inter@ctive, en sa qualité de fournisseur par acte d'huissier du 7 mars 2022. Les conclusions de la société Chic comprenant le paragraphe 12.4.5 (pages 126 et 127) dont elles demandent qu'il soit écarté des débats ont été notifiées le 28 novembre 2022. La société Chic a donc pu raisonnablement déduire de cette assignation que la SAS OIA était la société du groupe qui était contractuellement liée à la SA Cibox Inter@ctive pour l'approvisionnement des magasins du groupe en hoverboards. 42. De plus, les sociétés du groupe Auchan ne produisent aucune pièce corroborant leur affirmation selon laquelle "il ne fait nul doute que ces additions proviennent des informations obtenues lors de la réunion de médiation" (leur conclusions page 24). 43. Par ailleurs, la circonstance que la société Chic ait pu se méprendre, s'agissant d'une première demande, sur l'étendue de ses droits au regard de la violation de la confidenfidentialité de la médiation ou du secret des affaires, ne caractérise par lui-même aucun abus, la SA Cibox Inter@ctive et les sociétés du groupe Auchan ne faisant état d'aucun autre fait de nature à constituer un tel abus. 44. Leurs demandes fondées sur la violation par la société Chic de la confidentialité de la médiation et en abus du droit au secret des affaires seront, en conséquence, rejetées. II - Sur la demande de communication de pièces Moyens des parties 45. La société Chic demande la communication des pièces versées par la SAS OIA au soutien de l'assignation en garantie visant la SA Cibox Inter@ctive, en particulier la pièce no34 intitulée "convention de distribution simplifiée", afin de soumettre au tribunal les rôles respectifs de ces sociétés dans la commercialisation des hoverboards litigieux et d'étayer ses demandes indemnitaires contre la SA Cibox Inter@ctive. 46. Les sociétés du groupe Auchan objectent que les pièces 1 à 33 qu'elles ont visées au soutien de l'assignation délivrée à l'initiative de la SAS OIA à la SA Cibox Inter@ctive sont celles que la demanderesse a communiquées dans le cadre de sa propre assignation, en sorte qu'elle est inutile. S'agissant de la pièce no34, elles s'opposent à sa communication à la demanderesse, celle-ci étant tierse au contrat, n'ayant aucune raison d'avoir accès aux informations confidentielles qu'elle peut contenir et est inutile dès lors que la SA Cibox Inter@ctive ne conteste pas l'appel en garantie formé à son encontre. 47. La SA Cibox Inter@ctive n'a pas répondu à cette demande. Réponse du juge de la mise en état 48. L'article 132 du code de procédure civile dispose que la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance. La communication des pièces doit être spontanée. 49. Selon l'article 133 du même code, si la communication des pièces n'est pas faite, il peut être demandé, sans forme, au juge d'enjoindre cette communication. 50. L'article 134 ajoute que le juge fixe, au besoin à peine d'astreinte, le délai, et, s'il y a lieu, les modalités de la communication. 51. En l'occurrence, il ressort de la liste des pièces, annexée à l'assignation délivrée le 7 mars 2022 à la SA Cibox Inter@ctive par la SAS OIA que les pièces numérotées 1 à 33 comportent un libellé identique à celles communiquées en pièces numérotées 1 à 33 par la société Chic, tant au soutien de ses assignations délivrées aux sociétés du groupe Auchan le 2 février 2022, que celles figurant au bordereau de pièces notifié le 16 février 2022 et ceux annexés ses dernières conclusions au fond notifiées le 28 novembre 2022 et à ses conclusions d'incident notifiées le 21 juin 2023. 52. Ces pièces étant déjà en possession de la société Chic, la demande en communication forcée est sans objet. 53. S'agissant de la pièce no34 annexée à l'assignation précitée du 7 mars 2022, intitulée "convention de distribution simplifiée DPC conclue entre les sociétés OIA et Cibox Inter@ctive et traduction libre de la clause de garantie", la circonstance que la société Chic soit tierce à ce contrat ou que la SA Cibox Inter@ctive ne conteste pas sa garantie ne dispensent pas la SAS OIA de communiquer cette pièce à la société Chic. 54. Cette communication sera, en conséquence, ordonnée dans les termes du dispositif. III - Sur les demandes de communication d'information Moyens des parties 55. La société Chic réclame la communication, à compter du 24 février 2016, des fiches techniques annuelles des modèles d'hoverboards qu'elle argue de contrefaçon de son brevet européen EP 2897712, les quantités vendues, l'ensemble pour la France et divers pays européens. Elle avance que les sociétés du groupe Auchan commercialisent les produits argués de contrefaçon dans plusieurs pays d'Europe à travers différentes sociétés sous la marque Qilive dont la SA Auchan Retail International est titulaire et dont les enregistrements visent les pays pour lesquels ces informations sont demandées, tandis que la SA Cibox Inter@ctive effectue l'importation de ces produits et fournit notamment les sociétés du groupe Auchan. Elle estime l'accès à ces informations nécessaire compte tenu qu'elle ne peut pas y avoir raisonnablement accès autrement. 56. Elle considère que les demandes reconventionnelles de communication d'information des défenderesses doivent être rejetées dès lors qu'elles ne sont fondées que sur la violation de l'obligation de confidentialité de la médiation, le nom du représentant de la SAS Atlas Technologie n'ayant été porté à leur connaissance qu'à cette occasion. 57. Les sociétés du groupe Auchan considèrent ces demandes comme disproportionnées compte tenu que la société Chic a déjà obtenu trois saisies-contrefaçons auxquelles elles n'ont opposé aucune résistance, au cours desquelles elle a déjà saisi les fiches techniques correspondant aux références des produits visés dans ses demandes au fond, tandis qu'il n'en existe qu'une par référence, non actualisée année par année. S'agissant des informations concernant les quantités commercialisées, elles les tiennent pour démesurées, l'accès lui y ayant été précédemment refusé lors de ses requêtes en saisie-contrefaçon, cet accès étant prématuré compte tenu qu'elles contestent tant la validité du brevet opposé que la contrefaçon alléguée, outre la SA Cibox Inter@ctive a produit des éléments complets sur le préjudice allégué et les quantités en cause. 58. Elles sollicitent reconventionnellement la communication des comptes annuels de la SAS Atlas Technologie, ceux de la société Chic permettant de vérifier l'inscription de la somme invoquée au titre de la licence octroyée à la SAS Atlas Technologie et une attestation du paiement effectif de cette licence, en raison de leurs suspicions sur la réalité de cette licence, la SAS Atlas Technologie ayant été immatriculée trois mois auparavant avec un capital de 100 euros, le contrat de licence ayant été signé par le père de son dirigeant, frappé de faillite personnelle et cette société n'ayant jamais publié ses comptes. 59. La SA Cibox Inter@ctive développe des moyens et arguments similaires, ajoutant que les informations techniques demandées ne sauraient permettre à la société Chic de palier sa carence probatoire relativement aux modèles Q4316, Q4878, Q4898 et Q4987. 60. Elle formule reconventionnellement la même demande de communication d'information à l'encontre des sociétés Atlas Technologie et Chic, aux mêmes motifs. Elle précise que ce n'est que par l'examen des pièces produites par la société Chic que des doutes sur la réalité de la licence accordée par cette dernière à la SAS Atlas Technologie sont nés. Réponse du juge de la mise en état 61. L'article L.615-5 du code de la propriété intellectuelle prévoit que la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens.A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits ou procédés prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers.La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou pour mettre en oeuvre les procédés prétendus contrefaisants.Elle peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou la saisie annulée.A défaut pour le demandeur de s'être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, dans un délai fixé par voie réglementaire, l'intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. 62. Selon l'article L.615-5-1-1 du même code, la juridiction peut ordonner, d'office ou à la demande de toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d'instruction légalement admissibles même si une saisie-contrefaçon n'a pas préalablement été ordonnée dans les conditions prévues à l'article L.615-5. 63. Conformément à l'article L.615-5-2 du même code, si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d'une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits ou procédés argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou mettant en oeuvre des procédés argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits, la mise en oeuvre de ces procédés ou la fourniture de ces services.La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime. 64. Par application des articles 138, 139 et 142 du code de procédure civile, les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, par demande au juge saisi de l'affaire, sans forme ; le juge, s'il estime cette demande fondée, ordonne la délivrance ou la production de l'acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu'il fixe, au besoin à peine d'astreinte. III.1 - S'agissant des informations demandées par la société Chic 65. Les informations techniques dont société Chic réclame la communication sont partiellement inutiles. Il ressort du bordereau de pièces annexé à ses conclusions qu'elle dispose déjà des vues éclatées des modèles Q4066, Q4743, Q4898 et Q4987 qu'elle argue de contrefaçon, ainsi que des manuels d'utilisation des modèles Q4878, Q4316, Q4898 et Q4987 (ses pièces no29 et 43-1 à 43-7-5). Les procès-verbaux de saisies-contrefaçons mentionnent également qu'elle est en possession du manuel d'utilisation des modèles Q4743, Q4066 et Q4920 (pièces Cibox Inter@ctive no18 et 19). 66. Compte tenu que la société Chic argue de contrefaçon les modèles Q4743, Q4878, Q4898, Q4987, Q4316, Q4066 et Q4920 pour lesquels les saisies-contrefaçons n'ont pas permis l'obtention de l'ensemble de la documentation technique, les sociétés du groupe Auchan seront enjointes de communiquer, en français, pour les modèles Q4878, Q4316 et Q4920, une vue éclatée descriptive, à l'instar de celles des modèles Q4066 ou Q4743, sous astreinte dans les termes du dispositif. 67. À l'inverse la société Chic n'établit en rien l'existence d'une actualisation annuelle des documents techniques, rendant inutile une telle communication. 68. Ces pièces seront communiquées, accompagnées d'une attestation de conformité d'une personne susceptible de l'engager, par la SAS OIA, dont les pièces, notamment son assignation en garantie de la SA Cibox Inter@ctive, font ressortir qu'elle est à même de les détenir. Les demandes d'informations techniques de la société Chic visant la SA Cibox Inter@tive seront, en conséquence, rejetées. 69. S'agissant des informations commerciales que la société Chic sollicite, compte tenu de la production par la SA Cibox Inter@ctive d'une attestation de son commissaire aux comptes mentionnant le nombre et les marges brutes et nettes des modèles Q4898, Q4878, Q4987 et Q4316, elle sera enjointe de produire une attestation similaire pour les modèles Q4743, Q4066 et Q4920. 70. Le surplus de la demande de la société Chic sera rejeté, aucune pièce n'établissant l'existence de ventes de ces produits en dehors de la France par les sociétés du groupe Auchan, l'existence de dépôts de la marque Qilive dans divers pays étant insuffisant à cet égard. III.2 - S'agissant des informations demandées reconventionnellement par les sociétés du groupe Auchan et la SA Cibox Inter@ctive 71. Compte tenu du montant des demandes indemnitaires présentées par la SAS Atlas Technologie, les défenderesses sont bien fondées à interroger la matérialité de la licence que cette société soutient avoir acquis de la société Chic pour la France, le Luxembourg et Monaco (pièce Chic no5B). 72. Ces interrogations sont également légitimées par les doutes que les informations produites par la SA Cibox Inter@ctive font peser sur la légalité du fonctionnement de la SAS Atlas Technologie : la distorsion entre son capital social et le montant déclaré de la transaction, la déclaration d'un tiers selon laquelle le dirigeant est "un gérant de paille qui permet de couvrir les actes de gestion de son père", la signature du contrat de licence par M. [Z] [I] tandis que le dirigeant est M. [Z] [I] et la condamnation de M. [Z] [I] à une faillite personnelle de cinq ans par arrêt définitif de la cour d'appel de Paris du 2 décembre 2021 (pièces Cibox Inter@tive no3, 23, conclusions Atlas Technologie au fond du 5 juillet 2022 page 3, pièce Chic no5B et CA Paris pôle 5 chambre 9 RG 21/05849). 73. L'ensemble justifie la production par la SAS Atlas Technologie d'une attestation de son dirigeant et de son établissement bancaire du paiement du montant de la licence du 27 août 2018, et par la société Chic d'une attestation, au besoin traduite en français, de son dirigeant et de son établissement bancaire de l'encaissement effectif de cette somme. 74. En revanche, faute pour les défenderesses de s'expliquer sur l'utilité pour la SAS Atlas Technologie de produire l'ensemble de ses comptes annuels, cette demande sera rejetée. IV - Sur les dispositions finales IV.1 - S'agissant des dépens et des frais non compris dans les dépens 75. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 76. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 77. L'article 790 du même code prévoit que le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées en application de l'article 700. 78. Les dépens seront réservés, la présente décision ne mettant pas fin à l'instance. 79. En équité, les demandes au titre des frais non compris dans les dépens seront rejetées. IV.2 - S'agissant de l'exécution provisoire 80. L'article 514 du code de procédure civile prévoit que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. 81. En application de l'article 514-1 du code de procédure civile, le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire.Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.Par exception, le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé, qu'il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l'instance, qu'il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu'il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état. 82. L'exécution provisoire ne peut donc pas être écartée pour les injonctions de production de pièces. Pour le surplus, compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire de droit n'a pas à être écartée. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : Rejette les demandes de la société Hangzhou Chic Intelligent Technology Co fondée sur la violation de l'obligation de confidentialité de la médiation et l'atteinte au secret des affaires ; Rejette les demandes de la SA Cibox Inter@ctive, de la SAS Organisation intra-groupe des achats, de la SAS Auchan Hypermarché, de la SAS Auchan Retail France, de la société Auchan Hypermarché Cambrai et de la SA Auchan Retail International fondées sur la violation par la société Hangzhou Chic Intelligent Technology Co de la confidentialité de la médiation et en abus du droit au secret des affaires ; Ordonne à la SAS Organisation intra-groupe des achats de communiquer à la société Hangzhou Chic Intelligent Technology Co la pièce no34 annexée à son assignation du 7 mars 2022, intitulée "convention de distribution simplifiée DPC conclue entre les sociétés OIA et Cibox Inter@ctive et traduction libre de la clause de garantie", dans le délai d'un mois suivant la décision, puis sous astreinte provisoire de 1000 euros par jour courant pendant cent quatre-vingt jours ; Ordonne à la SAS Organisation intra-groupe des achats de communiquer à la société Hangzhou Chic Intelligent Technology Co, en français, une vue éclatée descriptive des modèles Q4878, Q4316 et Q4920, certifiée conforme par son dirigeant ou une personne habilitée, dans le délai d'un mois suivant la décision, puis sous astreinte provisoire de 1000 euros par jour courant pendant cent quatre-vingt jours ; Ordonne à la SA Cibox Inter@ctive de produire aux débats une attestation de son commissaire aux comptes mentionnant le nombre et les marges brutes et nettes des modèles Q4743, Q4066 et Q4920, dans le délai d'un mois suivant la décision, puis sous astreinte provisoire de 1000 euros par jour courant pendant cent quatre-vingt jours ; Ordonne à la SAS Atlas Technologie de produire aux débats une attestation de son dirigeant,ou une personne habilitée, et de son établissement bancaire du paiement du montant de la licence du 27 août 2018, dans le délai d'un mois suivant la décision, puis sous astreinte provisoire de 1000 euros par jour courant pendant cent quatre-vingt jours ; Ordonne à la société Hangzhou Chic Intelligent Technology Co de produire aux débats une attestation, au besoin traduite en français, de son dirigeant,ou une personne habilitée, et de son établissement bancaire de l'encaissement effectif du montant de la licence du 27 août 2018, dans le délai d'un mois suivant la décision, puis sous astreinte provisoire de 1000 euros par jour courant pendant cent quatre-vingt jours ; Se réserve la liquidation de l'astreinte ; Rejette le surplus des demandes d'information de la société Hangzhou Chic Intelligent Technology Co ; Rejette les demandes de la SA Cibox Inter@ctive, de la SAS Organisation intra-groupe des achats, de la SAS Auchan Hypermarché, de la SAS Auchan Retail France, de la société Auchan Hypermarché Cambrai et de la SA Auchan Retail International de production par la SAS Atlas Technologie de ses comptes annuels ; Renvoie à l'audience dématérialisée de mise en état du 18 janvier 2024 à 14h10 pour les conclusions en réponse au fond de la SAS Organisation intra-groupe des achats, de la SAS Auchan Hypermarché, de la SAS Auchan Retail France, de la société Auchan Hypermarché Cambrai et de la SA Auchan Retail International ; Réserve les dépens ; Rejette les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Faite et rendue à Paris le 11 octobre 2023 La greffière Le juge de la mise en état | x |
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JURITEXT000048550582 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550582.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 11 octobre 2023, 22/08878 | 2023-10-11 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/08878 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 22/08878 - No Portalis 352J-W-B7G-CXO4Q No MINUTE : Assignation du :19 juillet 2022 sursis à statuer ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 11 octobre 2023 DEMANDERESSE Société THE FEED.COM, INC.[Adresse 1], [Localité 4][Localité 4] COLORADO (ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE) représentée par Maître Julien LACKER de l'AARPI GOMIS & LACKER AVOCATS, avocats au barreau de PARIS,vestiaire #C1398 DEFENDEURS S.A. FEED SA[Adresse 2][Localité 3] Monsieur [G] [E][Adresse 2][Localité 3] représentés par Maître Vanessa BOUCHARA de la SELARL CABINET BOUCHARA, avocats au barreau de PARIS,vestiaire #C0594 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointassisté de Lorine MILLE, greffière, DEBATS A l'audience sur incident du 28 septembre 2023 , avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 11 octobre 2023. ORDONNANCE Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société de droit des Etats-Unis d'Amérique The Feed.com est titulaire de la marque verbale de l'Union européenne "The Feed" no12392651, déposée le 3 décembre 2013 et enregistrée le 11 juin 2014 à l'Office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO), pour divers produits, notamment les services de vente au détail en ligne liés aux substituts de repas, aux aliments énergétiques, aux barres nutritionnelles, aux gels énergétiques, aux préparations énergétiques, aux compléments alimentaires et aux boissons énergétiques. 2. La société anonyme (ci-après SA) Feed, immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Paris, a pour activité la commercialisation de substituts de repas. 3. Son dirigeant, M. [G] [E], a déposé le 11 avril 2016 une demande d'enregistrement de la marque verbale française "Feed" no164263593 à l'[5] (ci-après [5]). La SA Feed a également procédé au dépôt des marques françaises verbale "Feed.Smartfood" no174353219 le 9 avril 2017, semi-figurative "Feed" no174415661 le 26 décembre 2017 en claase 5 et semi-figurative "Feed" no194536098 le 21 mars 2019 en classes 5, 29, 30, 32 et 43 à l'[5]. Cette société a, également, déposé le 17 juillet 2019 une demande d'enregistrement de la marque semi-figurative de l'Union européenne "Feed" no018096681 le 17 juillet 2019 auprès de l'Office européen de la propriété intellectuelle (ci-après EUIPO), à laquelle la société The Feed.com s'est opposée. 4. Estimant que l'exploitation du signe "Feed" par la SA Feed constitue une atteinte à sa marque verbale de l'Union européenne "The Feed", la société The Feed.com l'a mise en demeure d'en cesser l'usage par courrier du 24 mai 2022. La SA Feed s'y est opposée par courrier du 6 juin 2022, la considérant injustifiée. 5. Par actes séparés d'huissier du 19 juillet 2022, la société The Feed.com a fait assigner la SA Feed et M. [E] à l'audience d'orientation du 6 octobre 2022 de ce tribunal en nullité de marques françaises, changement de dénomination sociale, contrefaçon de marque, concurrence déloyale et parasitisme. 6. Le juge de la mise en état a été saisi de l'instruction de l'affaire à l'issue de l'audience d'orientation, puis, par conclusions notifiées le 22 mars 2023, la SA Feed et M. [E] ont saisi ce juge d'un incident de sursis à statuer. EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS 7. Dans ses dernières conclusions en incident, auxquelles il est expressément renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile, notifiées par voie électronique le 28 septembre 2023, la SA Feed et M. [E] ont demandé au juge de la mise en état de :- renvoyer l'audience de plaidoirie sur incident initialement fixée au 28 septembre 2023 à une date ultérieure et fixer un nouveau calendrier de procédure qui leur permette de prendre entièrement connaissance des nouveaux éléments communiqués par la société The Feed.com les 20 et 21 septembre 2023- à défaut de renvoi, écarter des débats l'ensemble des conclusions et pièces communiquées tardivement par la société The Feed.com les 20 et 21 septembre 2023- si le juge de la mise en état devait refuser la demande de renvoi et décider du maintien de l'audience de plaidoiries du 28 septembre 2023, il est sollicité de bien vouloir surseoir à statuer dans l'attente de l'issue définitive de la procédure en déchéance initialement formée auprès de l'EUIPO et actuellement en cours auprès du tribunal de l'Union européenne à l'encontre de la marque "The Feed" no012392651- si par extraordinaire le sursis à statuer ne devait pas être prononcé :> constater que les actions de la société The Feed.com au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale et parasitaire sont prescrites> déclarer irrecevables l'ensemble des demandes de la société The Feed.com au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale et parasitaire> déclarer irrecevables les demandes de la société The Feed.com à l'encontre de M. [E] à titre personnel- en tout état de cause :> débouter la société The Feed.com de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à leur encontre> condamner la société The Feed.com à leur payer 510 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec distraction au profit de leur avocate. 8. Dans ses dernières conclusions sur l'incident,auxquelles il est expressément renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile, notifiées par voie électronique le 20 septembre 2023, la société The Feed.com a conclu à :- rejeter la demande de sursis à statuer par M. [E] et la SA Feed, à titre subsidiaire limiter le sursis à statuer à la date de la décision du tribunal de l'Union européenne- rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en contrefaçon de marque et de concurrence déloyale- dire recevable l'action personnelle de M. [E]- ordonner à la SA Feed de lui communiquer, pour l'ensemble des produits portant le signe "Feed", depuis le début de la commercialisation de ces produits jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance à intervenir, le tout certifié par son expert-comptable ou commissaire aux comptes, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte prenant effet dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision et pendant une période de six mois, sous réserve la liquidation des astreinte :> les quantités fabriquées en France> les quantités vendues en France (y compris celles destinées à l'export)> les nom et adresse de tous les grossistes-répartiteurs en France> les nom et adresse de tous les vendeurs> le prix de vente en France des produits> la marge brute sur la vente en France des produits> les dépenses publicitaires pour promouvoir la marque "Feed"> les bons de commande, factures, documents de transports, bons de livraison, états des ventes et des stocks- condamner in solidum M. [E] et la SA Feed à lui payer 256 000 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts dus au titre de la vraisemblance de la contrefaçon de marque et de la concurrence déloyale- interdire à titre provisoire à M. [E] et la SA Feed de fabriquer, détenir, importer ou commercialiser, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit des substituts de repas, aliments énergétiques, barres nutritionnelles, gels énergétiques, préparations énergétiques, compléments alimentaires et boissons énergétiques et produits similaires comportant les signes "Feed" et "Feed." et d'utiliser les signes "Feed", "Feed." et "The Feed" pour en faire la promotion sur quelque média que ce soit, y compris sur internet pour commercialiser lesdits produits et ce, sous astreinte provisoire de 500 euros par infraction constatée, l'astreinte prenant effet dans les 15 jours suivant la signification de la présente décision et courant pendant un délai de six mois- se réserver la liquidation de l'astreinte- condamner in solidum M. [E] et la SA Feed à lui payer 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, avec distraction au profit de son avocat. MOTIVATION 9. L'article 132 §1 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne prévoit que "sauf s'il existe des raisons particulières de poursuivre la procédure, un tribunal des marques de l'Union européenne saisi d'une action visée à l'article 124, à l'exception d'une action en déclaration de non-contrefaçon, sursoit à statuer, de sa propre initiative après audition des parties ou à la demande de l'une des parties et après audition des autres parties, lorsque la validité de la marque de l'Union européenne est déjà contestée devant un autre tribunal des marques de l'Union européenne par une demande reconventionnelle ou qu'une demande en déchéance ou en nullité a déjà été introduite auprès de l'Office". 10. L'article 378 du code de procédure civile prévoit que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. 11. Au cas présent, la marque verbale de l'Union européenne "The Feed" no12392651 sur laquelle la société The Feed.com fonde l'ensemble de ses demandes fait l'objet d'un recours pendant devant le tribunal de l'Union européenne à la suite de l'action en déchéance de cette marque introduite par la SA Feed. 12. Si la société The Feed.com fait valoir que la durée de la procédure devant le tribunal constitue une raison particulière de poursuivre la procédure, dès lors que la décision du tribunal de l'Union européenne sera connue probablement avant la fin de l'année 2023, la SA Feed oppose à bon droit que la décision du tribunal de l'Union européenne est susceptible d'avoir une incidence sur l'ensemble des demandes présentées par la société The Feed. 13. La société The Feed.com ne caractérise, de ce fait, pas plus qu'en raison des autres moyens et arguments qu'elle avance, aucune raison particulière de poursuivre la procédure. 14. Le sursis à statuer est, en conséquence, de droit et sera ordonné. 15. Les autres demandes et les dépens seront, par suite, réservés. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : Ordonne un sursis à statuer jusqu'à la décision définitive statuant sur l'action en déchéance de la marque verbale de l'Union européenne "The Feed" no12392651 ; Renvoie les parties à l'audience dématérialisée de mise en état du 18 janvier 2024 à 14h10 pour statuer sur la suite de la procédure ; Réserve l'ensemble des demandes et les dépens. Faite et rendue à Paris le 11 octobre 2023 La greffière Le juge de la mise en état | x |
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JURITEXT000048550583 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550583.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 6 octobre 2023, 20/07929 | 2023-10-06 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/07929 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 20/07929No Portalis 352J-W-B7E-CST76 No MINUTE : Assignation du :31 Juillet 2020 JUGEMENT rendu le 06 Octobre 2023 DEMANDEUR Monsieur [O] [C][Adresse 3][Localité 4] représenté par Maître Frédérique VEILLON-JONSSON, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D0880 et par Maître Stéphane BELLINA de la SELARL LGB-BOBANT EUROPOLE AVOCATS, avocat au barreau de CHAMBERY, avocat plaidant. DÉFENDERESSE S.A.S. SOCIÉTÉ EUROPÉENNE D'INNOVATION ET DE TECHNOLOGIE ayant pour sigle EURINTEC[Adresse 2][Localité 1] représentée par Maître Laetitia DAAGE, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #R0021 Copies délivrées le : - Maître VEILLON-HONSSON #D880 (ccc)- Maître DAAGE #R21 (exécutoire) COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistée de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 30 Juin 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. M. [O] [C] est un entrepreneur individuel dont l'activité est"conception produits, formation aux produits, élaboration prototypes, rédacteur certification normes" depuis le 1er février 2013, sous le numéro SIREN 401 663 018. Il a été salarié de la société Campenon Bernard régions, entreprise de bâtiment et travaux publics, jusqu'en juillet 2020.Il est l'inventeur d'une rondelle élastique constituant un témoin de serrage d'un support pour coffrage dans le domaine du bâtiment. 2. La SAS Société Européenne d'Innovation et de Technologie (ci-après EURINTEC), immatriculée au RCS de Grenoble depuis le 21 février 2002, a pour activité la vente de tous produits à des sociétés du bâtiment et des travaux publics. 3. Par contrat du 4 septembre 2014, "M. [C] BTP-Innov" a cédé à la société Campenon Bernard régions et à la société Eurintec "le droit de déposer le brevet en leur nom et le savoir-faire associé en contrepartie d'une redevance égale à 5 % sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé sur les produits et services fabriqués et/ou fournis à l'aide de l'invention" de la rondelle élastique précitée. 4. Le même jour, les sociétés Campenon Bernard régions et Eurintec ont déposé ce brevet français intitulé "Témoin de serrage d'un support pour coffrage" qui leur a été délivré le 15 décembre 2017 sous le no14 58459, M. [C] étant désigné en tant qu'inventeur, et ont conclu un contrat de copropriété de cette invention qu'elles ont baptisée "Preciforce". 5. Le 4 mars 2015, la société Campenon Bernard régions a concédé à la société Eurintec la licence de la marque Preciforce et l'exploitation non exclusive du brevet (fabrication et commercialisation) en France pour une durée de deux ansLe 10 avril 2017, elle a proposé à la société Eurintec de lui racheter sa part de copropriété du brevet au prix de 1.000 euros et de lui passer un contrat de distribution. 6. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 juillet 2017, M. [C] a mis en demeure la société Eurintec de lui adresser les éléments justificatifs de son chiffre d'affaires réalisé grâce à l'invention et de lui payer la redevance convenue. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 septembre 2019, son conseil a réitéré cette demande.Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er octobre 2019, le conseil de la société Eurintec a répondu que les redevances avaent été régulièrement payées jusqu'en novembre 2016 alors que M. [C] avait facturé au-delà de ses droits et a transmis le récapitulatif des ventes réalisées. 7. Par acte du 31 juillet 2020, M. [C] a assigné la société Eurintec devant le tribunal judiciaire de Paris.L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2022. 8. Dans ses dernières conclusions signifiées le 13 avril 2023, M. [C] demande au tribunal de :- prononcer la résolution du contrat de cession d'invention du 4 septembre 2014 aux torts exclusifs de la société Eurintec avec effet rétroactif à sa date de conclusion ;- lui transférer la quote-part de propriété détenue par la société Eurintec et du titre correspondant sur le brevet français no14 58459 délivré le 15 décembre 2017 "Témoin de serrage d'un support pour coffrage" ;- condamner la société Eurintec à lui restituer l'intégralité des produits nets d'exploitation sur les produits et services fabriqués ou fournis par elle à partir de l'invention cédée ;- ordonner avant dire droit une expertise comptable afin de déterminer le chiffres d'affaires réalisés par la société Eurintec sur les produits et services fabriqués ou fournis à l'aide de l'invention objet du contrat de cession ;- rejeter l'intégralité des demandes reconventionnelles de la société Eurintec ;- condamner la société Eurintec aux dépens, dont distraction au profit de Me Frédérique Veillon-Jonsson conforment à l'article 699 du code de procédure civile, et à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 9. Sur la fin de non recevoir, il indique que l'action engagée contre l'un des indivisaires est parfaitement recevable et seulement inopposable aux autres indivisaires (1re Civ., 12 juin 2013, pourvoi no11-23.137), que la distinction opérée par la jurisprudence entre irrecevabilité et opposabilité protège suffisamment les intérêts des coindivisaires non mis en cause, les droits de la société Campenon Bernard régions n'étant pas affectés puisque la résolution n'est demandée à son encontre.Sur le fond, il fait valoir que :- l'article 3 du contrat prévoit que la société Eurintec lui devait une redevance égale à 5 % du chiffre d'affaires HT réalisé par elle sur les produits et services fabriqués et/ou fournis à l'aide de l'invention et refuse de la lui verser depuis l'origine,- ce seul manquement à l'obligation essentielle du contrat en justifie la résolution,- l'offre faite en cours d'instance de payer une somme de 5.792,68 euros fondée sur une reddition des comptes dont la sincérité n'est pas vérifiable, les attestations versées émanant des comptables et comportant des anomalies, est insuffisante à couvrir le manquement,- la résolution rétroactive du contrat du 4 septembre 2014 entre elles, justifie le transfert de sa quote-part de l'indivision du brevet et la condamnation de la société Eurintec à lui reverser l'intégralité des produits nets d'exploitation qu'elle a réalisés sur les produits et services fabriqués ou fournis à l'aide de l'invention cédée,- c'est en qualité de salarié de la société Campenon Bernard régions qu'il est intervenu sur le site <www.osonsbtp.fr> édité par cette société pour promouvoir, entre autres produits, l'invention cédée et coexploitée par la société Eurintec, ce que celle-ci ne peut ignorer puisqu'il en a été question dans un contentieux de marque les ayant opposés,- il ne peut donc être tiré aucune concurrence déloyale de cette situation, qui n'a d'ailleurs causé aucun préjudice à la société Eurintec. 10. Dans ses dernières conclusions signifiées le 1er avril 2022, la société Eurintec demande au tribunal de :- déclarer les demandes de M. [C] irrecevables, faute de présence de la société Campenon Bernard régions dans la procédure ;- juger que son offre de verser à M. [C] la somme de 5.467,68 euros consignée sur la CARPA des Alpes contre remise de facture est satisfactoire ;- débouter M. [C] l'intégralité de ses demandes ;- condamner M. [C], sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé le 8ème jour suivant le prononcé de la décision à intervenir, d'avoir à retirer son numéro de téléphone du site internet <www.osonsbtp.fr>, toute référence personnelle, toute références à ses clients, toute mention de sa dénomination, son sigle et son logo ainsi que sa marque FMR et d'avoir à en justifier dans le même délai ;- se réserver la liquidation de cette astreinte ;- condamner M. [C] à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et du préjudice d'image subis ; - condamner M. [C] aux dépens, dont distraction au profit de Me Laetitia Daage, et à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 11. La société Eurintec soulève une fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en cause de la société Campenon Bernard régions, partie au contrat dont il est demandé la résiliation et copropriétaire du brevet dont la copropriété est revendiquée.Sur le fond, elle soutient que :- la redevance a été payée du 4 septembre 2014 au mois de novembre 2016 sur facturation de M. [C] qui n'a plus rien facturé ultérieurement alors qu'il connaissait les quantités vendues,- les modalités de reddition de compte ne sont pas fixées par le contrat et la stipulation de redevance n'a jamais été appliquée, M. [C] ayant facturé un prix fixe par unité vendue,- la réalité des ventes est établie par des attestations d'expert comptable et elle a consigné les montants dus à la Carpa en attendant la facturation par M. [C],- il n'existe aucun manquement contractuel et la présente action est concertée avec la société Campenon Bernard régions, qui a le même conseil, pour rompre le contrat, lui faire perdre ses droits sur le brevet précité que la société a tenté de lui acheter à bas prix en avril 2017, lui soutirer le nom de ses clients et l'évincer des ventes,- le site <www.osonsbtp.fr> renvoie aux coordonnées personnelles de M. [C] qui promeut le produit breveté au mépris de ses droits patrimoniaux, et mentionne son enseigne et ses marques sans autorisation, caractérisant concurrence déloyale et parasitisme. MOTIVATION I . Sur la fin de non-recevoir 12. Les articles L. 613-29 à 32 du code de la propriété intellectuelle prévoient des règles dérogatoires au régime de l'indivision de droit commun en matière de brevet d'invention, incluant un droit de préemption de chaque co-propriétaire en cas de cession ou d'abandon de sa quote-part par l'un d'entre eux. Le contrat de copropriété du brevet conclut entre la société Campenon Bernard régions et la société Eurintec n'y déroge pas. 13. Les articles 1217 et 1218 du code civil, dans leur rédaction applicable à la signature du contrat, disposaient que "L'obligation est divisible ou indivisible selon qu'elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l'exécution, est ou n'est pas susceptible de division, soit matérielle soit intellectuelle." et "L'obligation est indivisible, quoique la chose ou le fait qui en est l'objet soit divisible par sa nature si le rapport sous lequel elle est considérée dans l'obligation, ne la rend pas susceptible d'exécution partielle". 14. Par le contrat du 4 septembre 2014, M. [C] a cédé aux sociétés Campenon Bernard régions et Eurintec les droits de propriété et d'exploitation du brevet à déposer sur son invention de façon indivise entre elles. S'agissant de la contrepartie, il est seulement stipulé à la charge de la société Campenon Bernard régions et la société Eurintec "une redevance égale à 5 % sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé sur les produits et services fabriqués et/ou fournis à l'aide de l'invention". 15. Cette redevance n'est pas assise sur le chiffre d'affaires réalisé par chacune des parties mais sur le chiffre d'affaires total réalisé sur les produits issus de l'invention par les deux cessionnaires ; les conditions de son exigibilité (modalités de calcul, établissement des factures, périodicité) ne sont pas formalisées. 16. Quoique l'obligation au paiement de la contrepartie convenue au profit de M. [C] soit stipulée de façon unique à l'égard des débiteurs, l'obligation de paiement de la redevance convenue, fondée sur le chiffre d'affaires réalisé, est divisible entre elles. 17. En revanche, la cession par M. [C] du droit de déposer un brevet et d'exploiter son invention a été faite de façon indivisible aux deux cessionnaires, devenus titulaires indivis de droits exclusifs sur l'invention et bénéficiaires chacun d'un droit de préemption sur la quote-part de l'autre, de sorte que l'action en résolution de ce contrat contre un seul des cocontractants porte nécessairement atteinte aux droits de l'autre. 18. Il en résulte que l'action en résolution du contrat par lequel ont été cédés les droits de déposer et exploiter le brevet de façon indivise entre la société Campenon Bernard régions et la société Eurintec ne peut être examinée qu'au contradictoire de ces deux sociétés. 19. Toutes les demandes de M. [C] sont les conséquences de la résolution du contrat de cession d'invention du 4 septembre 2014 aux torts exclusifs de la société Eurintec (le transfert de la quote-part de propriété de cette dernière sur le brevet français no14 58459 délivré le 15 décembre 2017 "Témoin de serrage d'un support pour coffrage" et la restitution des produits) sont donc jugées irrecevables en l'absence du copropriétaire indivis dudit brevet. II . Sur la demande reconventionnelle 20. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité édicté par l'article 1240 du code civil, consiste dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre opérateur, ceux parasitaires visant à s'approprier de façon injustifiée et sans contrepartie une valeur économique résultant d'un savoir-faire, de travaux ou d'investissements ou encore, ceux constitutifs d'actes de dénigrement ou de désorganisation d'une entreprise. 21. Les pièces du dossier corroborent que le site internet OsonsBTP, animé par M. [C], a fait la promotion des produits dérivés du brevet sur qui comportait la mention de la société Eurintec, son logo et sa marque FMR.Ce site est édité par la société Campenon Bernard régions de sorte que les mentions qui y figurent concernant la société Eurintec ne sauraient être imputées à M. [C], dont la contribution à ce site entrait dans son contrat de travail avec la société Campenon Bernard régions, ni constituer un quelconque agissement parasitaire de sa part. 22. Il y a donc lieu de rejeter la demande. 23. M. [C], qui succombe, est condamné aux dépens et l'équité justifie de le condamner à payer à la société Eurintec la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Déclare irrecevables les demandes de M. [O] [C] en résolution du contrat de cession de ses droits de déposer et exploiter ce brevet du 4 septembre 2014 et transfert de la quote-part de copropriété du brevet "Témoin de serrage d'un support pour coffrage" délivré le 15 décembre 2017 sous le no14 58459 à la défenderesse et la société Campenon Bernard région faute de mise en cause de celle-ci ; Rejette la demande de la SAS Société Européenne d'Innovation et de Technologie fondée sur la concurrence déloyale ; Condamne M. [C] aux dépens de l'instance qui pourront être recouvrés directement par Me Laetitia Daage dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne M. [C] à payer à la SAS Société Européenne d'Innovation et de Technologie la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 06 Octobre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000048550584 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550584.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 10 novembre 2023, 21/12225 | 2023-11-10 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/12225 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/12225No Portalis 352J-W-B7F-CVENU No MINUTE : Assignation du :24 Septembre 2021 JUGEMENT rendu le 10 Novembre 2023 DEMANDEUR Monsieur [D] [O][Adresse 1][Localité 2] représenté par Maître Jean-marie LEGER de l'AARPI FLP AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D2159 DÉFENDERESSE Association CROIX ROUGE FRANÇAISE[Adresse 4][Localité 3] représentée par Maître Thibaut CAYLA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2417 Copies délivrées le : - Maître LEGER #D2159 (exécutoire)- Maître CAYLA #C2417 (ccc)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 22 Juin 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 202023 puis prorogé au 10 Novembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à dispsotiion au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. M. [D] [O], entrepreneur individuel inscrit au répertoire SIRET, a réalisé de nombreuses créations graphiques pour le compte de l'association Croix-rouge française entre 1996 et juillet 2017, date au-delà de laquelle aucune commande ne lui a plus été passée. 2. Le 15 avril 2021, le Conseil des prud'hommes de Paris a débouté M. [O] de sa demande de requalification de ses relations avec l'association Croix-rouge française en contrat de travail et d'indemnisation des conséquences de la résiliation de celui-ci. 3. Le 24 septembre 2021, M. [O] a assigné l'association Croix-rouge française devant le tribunal judiciaire de Paris en réparation du dommage résultant de la rupture brutale de relations commerciales établies et de l'atteinte à ses droits patrimoniaux attachés aux créations réalisées pour le compte de celle-ci. 4. Dans ses dernières conclusions du 17 novembre 2022, M. [O] demande au tribunal de :- condamner l'association Croix-rouge française à lui payer la somme de 106.282 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture abusive des relations commerciales, celle de 11.670 euros à titre de dommages et intérêts pour la violation de ses droits patrimoniaux d'auteur et celle de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la violation de son droit moral d'auteur ;- condamner l'association Croix-rouge française aux dépens et à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 5. Dans ses dernières conclusions du 10 octobre 2022, l'association Croix-rouge française demande au tribunal de :- déclarer irrecevables les demandes de M. [O] au titre de l'indemnisation de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux et à ses droits moraux comme prescrites sur les oeuvres suivantes : Donner c'est agir no71, logo et affiche Gaia, la mallette du bénévole, la carte de v?ux 2016, le guide de l'animateur, Donner c'est agir no73, le lancement de la nouvelle signature CRF, la formation « Bien être et autonomie », Donner c'est agir no74,l'affiche de mobilisation de bénévoles, la campagne nouvel intranet, la 72ème AG 2016 (logo – programme – kakemonos – plan de site,le visuel caravane & journée mondiales des Premiers Secours, Donner c'est agir no75, affichettes élections et affichettes éco-gestes ;- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes ;- condamner M. [O] aux dépens et à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 6. L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2022. MOTIVATION I . Sur la rupture abusive de relations commerciales établies 7. M. [O] soutient que :- l'association Croix-rouge française commercialise des services marchands dans les secteurs sanitaire, social, médico-social et de la formation ;- il a eu une relation commerciale quotidienne avec l'association Croix-rouge française de 1996 à juillet 2017, date à laquelle les commandes ont brutalement cessé, sans préavis ;- compte tenu de l'ancienneté de leur relation (20 ans), du volume d'affaires, des usages du secteur, de la notoriété du client et de son état de dépendance économique (sollicitations quasi-quotidiennes et fixation des prix par l'association Croix-rouge française), un préavis de 24 mois aurait dû être respecté ;- en cas de rupture brutale des relations commerciales sans préavis, l'indemnisation du préjudice subi est égale à la marge brute escomptée par la société durant la période pendant laquelle le préavis aurait dû être respecté (Com., 28 avril 2009, pourvoi no08-12.788 et Com., 24 juin 2014, pourvoi no12-27.908) ;- vu son activité purement intellectuelle, sa marge brute est égale à son chiffre d'affaires ;- son préjudice est constitué par deux ans de son chiffre d'affaires moyen réalisé de 2010 à 2016 (106.282 euros). 8. L'association Croix-rouge française fait valoir que :- ses relations avec M. [O], portant sur des supports graphiques de communication à l'occasion de campagnes d'appels aux dons ou de présentation de ses actions, se sont inscrites dans le cadre de son activité bénévole ;- M. [O] ayant créé des supports pour les appels aux dons, il ne s'agit pas d'une relation commerciale ;- ces relations n'étaient pas exclusives, il n'existait pas d'accord-cadre et aucun chiffre d'affaires n'était garanti de sorte qu'il n'est pas démontré de relation commerciale établie (Com., 16 décembre 2008, pourvoi no 07-15.589, publié ; Com., 6 septembre 2011, pourvoi no 10-30.679);- la rupture n'a pas été brutale mais progressive ;- seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même (Com., 10 février 2015, pourvoi no13-26.414) ;- au regard de la jurisprudence, de l'ancienneté de la collaboration, de l'absence de dépendance économique et du secteur associatif concerné, un préavis de deux ans est disproportionné ;- l'indemnisation doit reposer sur le gain manqué et la perte prouvée alors que M. [O] revendique la totalité de son chiffre d'affaires sur deux ans et non sa marge brute. Sur ce, 9. L'article L. 442-6 du code de commerce introduit le 21 septembre 2000 disposait, dans sa rédaction en vigueur en 2017 et jusqu'au 26 avril 2019 : " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :(...) 5o De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels." 10. Ce texte pose une condition relative à l'auteur qui est interprété en ce que le régime juridique d'une association, comme le caractère non lucratif de son activité, ne sont pas de nature à l'exclure de son champ d'application dès lors qu'elle a une activité de production, de distribution ou de services (Com., 14 septembre 2010, pourvoi no09-14.322 et Com., 25 janvier 2017, pourvoi no15-13.013, publié). 11. Il pose également une condition particulière tenant à l'existence d'une relation commerciale. L'objet des relations commerciales est très large, il concerne toutes activités de production, de distribution ou de service (Com., 23 avril 2003, pourvoi no01-11.664, publié). L'expression ne doit pas être interprétée comme une relation relevant du droit commercial, mais du droit de la concurrence et les termes même de la loi ne permettent pas, dans la généralité de l'expression, d'instaurer des réserves ou des exceptions selon tel type de marché ou de contrat. 12. Le délai de préavis prévu par cette disposition légale d'ordre public est destiné à permettre à la partie qui se voit imposer la rupture de prendre ses dispositions et de donner en temps utile une nouvelle orientation à ses activités. 13. L'association Croix-rouge française a un statut d'association régie par la loi de 1901 ; elle a une importante activité de prestations de services à travers des établissements de santé, de distribution alimentaire, d'aide à domicile et de formation justifiant qu'elle se voie appliquer le texte précitéIl résulte du dossier que M. [O] a réalisé pour son compte des prestations graphiques à titre onéreux, caractérisant une relation commerciale. 14. M. [O] justifie de 28 commandes en 2015 et 17 en 2016 et des chiffres d'affaires annuels avec l'association Croix-rouge française suivants réalisés par des contrats successifs de créations sous forme de devis acceptés :Cette constance et ce niveau de commandes caractérisent un flux d'affaires continu et donc une relation commerciale établie, étant observé que l'absence d'exclusivité, de contrat-cadre ou de chiffre d'affaires garanti n'exclut pas cette qualification (comme le décide d'ailleurs l'arrêt Com., 6 septembre 2011, pourvoi no 10-30.679 cité par l'association Croix-rouge française elle-même). 15. Il n'est pas discuté que les commandes ont complètement cessé en juillet 2017 sans qu'aucun préavis n'ait été donné à M. [O].Au contraire, il n'y a eu aucun écrit et les préposés de l'association Croix-rouge française à qui celui-ci a demandé des explications, notamment en février 2018, ne lui ont pas signifié qu'aucune commande postérieure n'interviendrait.Cette cessation non formalisée, inexpliquée, soudaine et totale est brutale au sens du texte précité. 16. Quand bien même le préjudice réparable est celui résultant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même, le préjudice en résultant est constamment indemnisé sur la base du gain que la victime de la rupture pouvait escompter tirer pendant le temps de préavis qui aurait dû lui être accordé, entendu comme la perte de marge brute pendant le préavis qui n'a pas été exécuté (Com., 28 juin 2023, pourvoi no 21-16.940, publié), outre tout préjudice démontré en lien de causalité avec la faute. 17. M. [O] produit ses déclarations de revenus 2015 et 2016 dont il résulte, d'une part, que l'association Croix-rouge française a été son seul client en 2016 mais non en 2015, année durant laquelle 20 % de son chiffre d'affaires provenait d'autres clients, et, d'autre part, que ses coûts fixes (lignes BH, BJ et BM) représentaient 6 à 8 % de son chiffre d'affaires.Il ne démontre pas le temps passé auxdites commandes ni le temps nécessaire à la prospection de nouveaux débouchés pour son activité, ni l'état de dépendance économique qu'il allègue. 18. Au vu de ces éléments, il y a lieu de retenir qu'un préavis de neuf mois étaient justifié au regard de l'ancienneté de la relation et du flux d'affaires et que le gain durant ce préavis aurait été de 93 % du chiffre d'affaires moyen des deux années précédant celle de la rupture (2015 et 2016), soit 4.488 euros par mois. 19. Il y a donc lieu de condamner l'association Croix-rouge française à payer à M. [O] la somme de 40.392 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture abusive des relations commerciales. II . Sur les atteintes aux droits d'auteur de M. [O] 1 . Sur la prescription 20. L'association Croix-rouge française soulève la prescription de l'action fondée sur les atteintes aux droits d'auteur arguant que :- l'assignation datant du 24 septembre 2021, les demandes portant sur les oeuvres antérieures au 24 septembre 2016 sont prescrites,- la première assignation de M. [O] du 19 juillet 2021 n'a pu interrompre la prescription, puisque le désistement d'instance, qui n'est pas motivé par l'incompétence de la juridiction, rend non-avenu l'effet interruptif ;- aucune cause de suspension ne peut être tirée de la tentative de conciliation dans le cadre de l'instance prud'homale de 2019, l'objet des deux procédures n'ayant ni le même objet, ni la même finalité,- la prescription de l'action en contrefaçon court à compter de "la date du premier acte de publication" (Crim., 16 octobre 2001) et l'exploitation des oeuvres de M. [O] n'a jamais perduré au-delà de chaque commande : les extraits du site internet au 11 mai 2022 ne portent pas sur ses oeuvres ou sont d'anciennes publications et aucunement postérieures au 24 septembre 2016. 21. M. [O] fait valoir que :- le délai de prescription de son action a été interrompu par son assignation du 19 juillet 2021, le juge de la mise en état n'ayant constaté son désistement d'instance (et non d'action) que le 16 décembre 2021, après délivrance de l'assignation introductive de la présente instance le 24 septembre 2021 ;- la saisine du conseil des prud'hommes (ayant vocation à se prononcer sur les mêmes faits que la présente affaire) a suspendu la prescription du 9 avril au 24 septembre 2019, reportant le point de départ au 13 mars 2017, de sorte que seuls sont prescrits les faits connus antérieurement au 4 février 2016 ;- l'association Croix-rouge française lui ayant sciemment laissé croire jusqu'au 12 mars 2018 que les relations allaient se poursuivre, il ne pouvait savoir avant cette date que ses droits de propriété intellectuelle étaient exploités sans cession des droits d'auteur ;- les contrats entre les parties doivent être qualifiés de contrats d'édition et aucune prescription n'est encourue en l'absence de reddition de comptes ;- sur le site internet de l'association Croix-rouge française, le 11 mai 2022, 17 de ses créations étaient visibles donc exploitées. Sur ce, 22. L'article 2224 du code civil prévoit "Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer", l'article 2241 précise "La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure" et l'article 2243 ajoute "L'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée". 23. Une demande en justice interrompt le délai de prescription dans la limite de la demande formée. Or, M. [O] a exclusivement présenté au Conseil des prud'hommes de Paris une demande de requalification de ses relations avec l'association Croix-rouge française en contrat de travail et d'indemnisation des conséquences de la résiliation de celui-ci.Cette instance portait sur la qualification des relations contractuelles entre les parties alors les faits dont M. [O] demande ici réparation sont l'exploitation non autorisée de ses créations, il s'agit donc de demandes différentes et fondées sur des faits distincts. Dès lors, la conciliation préalable devant le Conseil des prud'hommes de Paris n'a pu avoir pour effet d'interrompre la prescription des demandes présentées dans la présente instance. 24. L'effet interruptif de l'assignation du 19 juillet 2021 est non-avenu du fait du désistement d'instance, qui n'était pas motivé par l'incompétence de la juridiction, et de la constatation par le juge de la mise en état de l'extinction de l'instance le 16 décembre 2021, dont il est indifférent qu'il ait été constaté après l'assignation dans la présente instance. 25. Les contrats liant les parties portaient sur des créations graphiques et ont tous été conclus sous forme de devis de M. [O] et de bons de commande de l'association Croix-rouge Française sur le base de ceux-ci. Ce sont des contrats de commande, de sorte que le manquement allégué à une obligation de reddition de comptes ne saurait justifier l'absence d'action dans le délai de prescription. 26. Dès lors, les demandes de M. [O] en réparation d'atteinte à ses droits d'auteur antérieures au 24 septembre 2016 sont prescrites. 2 . Sur la contrefaçon de droit d'auteur 27. M. [O] fait valoir que : - en l'absence de cession écrite de ses droits patrimoniaux, l'exploitation faite par la Croix rouge française de ses oeuvres constitue nécessairement des actes de contrefaçon et son préjudice à ce titre doit être évalué à 20% de son chiffre d'affaires de 2016 ;- son nom n'a pas été systématiquement mentionné sur chaque exemplaire de ses créations, portant atteinte à son droit à la paternité. 28. L'association Croix rouge française fait valoir que : - elle n'a pas la qualité d'éditeur ;- M. [O] a été rémunéré pour ses prestations et ne démontre pas qu'elle aurait exploité les oeuvres au-delà de l'utilisation pour laquelle il a été rémunéré ;- le fait que de très anciennes publications soient toujours accessibles à ce jour sur internet ne témoigne nullement d'une exploitation de l'oeuvre ;- ses demandes actuelles, après 20 ans de tolérance, caractérisent une mauvaise foi de sa part dans l'exécution du contrat ;- l'auteur qui n'a pas demandé de respect de son droit au nom et qui n'a pas signé ses dessins pendant plusieurs années ne peut se prévaloir d'une atteinte à son droit moral ni solliciter que son nom soit apposé sur les créations listées dans son assignation ;- les extraits de son site internet du 11 mai 2022 ne démontrent pas une exploitation postérieure au 24 septembre 2016 des oeuvres objet du présent litige. Sur ce, 29. A titre liminaire, l'originalité des créations graphiques en cause n'étant pas contestée, le tribunal considérera chacune des créations en cause comme originale et donc protégée par les règles régissant le droit d'auteur. 30. Il ressort de l'article L. 131-2, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle que la cession de droit d'auteur doit nécessairement être constatée par écrit et de l'article L. 131-3, alinéa 1, du même code que : "La transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée." Il en résulte que tout acte de cession doit mentionner explicitement quelles parties des droits d'exploitation de l'auteur sont cédés : le droit de reproduction et/ou le droit de représentation, et ce dans un cadre strictement délimité. 31. En vertu de l'article L. 121-1, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle, l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. De plus, en application des dispositions des articles L. 122-1 et L. 122-4 du même code, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction, et toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants-droit ou ayants-cause est illicite. 32. En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. 33. Il est constant que les contrats entre les parties portaient sur des créations graphiques dont l'association Croix-rouge Française avait besoin pour sa communication interne et externe. Aucun des devis ou bons de commande ne comportait de mention relative à la cession de droits d'auteur sur les créations. 34. Il y a donc lieu de retenir que le droit d'auteur de reproduction a été cédé, pour chacune de ces oeuvres, pour la publication dans le document concerné ou pour l'usage prévu et que toute autre exploitation ultérieure sans l'accord de M. [O] doit être analysée comme un acte de contrefaçon. 35. M. [O] revendique des droits sur les oeuvres suivantes sans toutefois les présenter de façon isolée et précise : - les pictogrammes et la composition générale du magazine Donner, c'est agir no71,- un logo Gaïa et une affiche de lancement : "une fusée décolle de la Base contacts (base de données des salariés et bénévoles de l'association) dans un ciel blanc étoilé – signe de fluidité, de transparence – vers l'univers « Gaia » sorte de nébuleuse perchée dans un nuage et ses satellites aux couleurs de la CRF", - "une série d'illustrations (...) associée dans un calendrier aux couleurs tendres" dans la mallette du bénévole, objet de la commande sur devis no523 du 9 décembre 2015,- 5 illustrations originales façon « pixel » dans la carte de voeux 2016,- un "guide de l'animateur", une boîte et des cartes à jouer,- "trois dessins aux lignes épurées, façon Lego ou Playmobil," du magazine Donner, c'est agir no73,- 39 illustrations et la direction artistique du film d'animation de 3 mn pour le lancement de la nouvelle signature CRF,- déclinaison en flyer des affiches créées l'année précédente, modèles « Paul & José », et pictogrammes pour la formation "bien-être et autonomie",- composition du magazine Donner, c'est agir no74,- affiche "pyramide d'hommes et femmes casqués, en tenue de motard, dont on suppose, en se fixant sur le haut de l'affiche, qu'ils sont en équilibre sur un engin impressionnant . Mais non, ce n'est qu'une frêle bicyclette rose que suivent deux petits nuages blancs" pour la mobilisation de bénévoles,- 4 illustrations pour la campagne "nouvel intranet",- logo, programme, kakémonos et plan du site pour la 72ème AG de juin 2016,- conception du "visuel" de la caravane 2016 et des journées mondiales des premiers secours avec "une automobile de couleur jaune, portant le logo de la Croix Rouge, tire une caravane faite de mots ou « sauver des vies » en rouge", - composition du magazine Donner c'est agir no75,- 3 affichettes élection & mode d'emploi et un livret de 20 pagepour des élections de janvier et mars 2017,- une affichette représentant 4 cabas. 36. A l'appui de ses demandes, M. [O] invoque ses factures, qui ne sauraient valoir date d'exploitation de ses oeuvres. 37. Aucune pièce n'est produite témoignant d'une exploitation postérieure au 24 septembre 2016 des pictogrammes et de la composition générale du magazine Donner, c'est agir no71, des illustrations du calendrier 2016 de la mallette du bénévole, des illustrations de la carte de voeux 2016, du guide de l'animateur, des 3 dessins du magazine Donner, c'est agir no73, des 39 illustrations et du film d'animation de 3 mn pour le lancement de la nouvelle signature CRF, du magazine Donner, c'est agir no74, de l'affiche "pyramide" pour la mobilisation de bénévoles, des 4 illustrations pour la campagne "nouvel intranet", des logo, programme, kakémonos et plan du site pour la 72ème assemblée générale de 2016 ni du magazine Donner c'est agir no75. 38. Il verse, pour preuve d'une exploitation non autorisée de ses oeuvres, des captures d'écran du site internet de <www.croix-rouge.fr> datés du 11 mai 2022 (ses pièces 40 à 47 et 49 à 55) et fait valoir dans ses écritures que celles-ci témoignent de l'utilisation de sa plaquette pour la formation "bien-être et autonomie" (pièce no52) et des affiches et logos de la caravane 2016. Quoiqu' interpellé sur ce point par les écritures adverses (p. 19), il ne précise pas lesquelles de ses oeuvres auraient été reproduites sur ces extraits de sites en date du 11 mai 2022. Or, d'une part, plusieurs des publications reprises par ces pièces semblent être attribuées à des auteurs tiers au présent litige et, d'autre part, la plupart ne présentent pas de lien évident avec les créations énumérées ci-dessus.Il appartient à M. [O] de démontrer en quoi chacun des extraits de site datés du 11 mai 2022 serait une reprise de l'une de ses oeuvres, et laquelle, ce qu'il ne fait pas et le tribunal ne saurait se substituer à lui. Le tribunal observe, en toute hypothèse, que la pièce no52 ne reprend aucunement la création (un flyer) figurant en pièce 17, mais seulement la photographie (autrement cadrée) qui y figure et le nom de la formation ; M. [O] n'étant l'auteur ni de l'une, ni de l'autre, il ne saurait s'en évincer aucune atteinte à ses droits.Quant au "visuel" de la caravane 2016, M. [O] revendique sa qualité d'auteur de deux affiches (ses pièces 22) : la première comporte plusieurs images (une demi-voiture jaune portant le signe de la Croix-rouge, une femme âgée souriante avec un enfant blond, une personne aux cheveux courts au bras blessé et bandé, une caravane jaune portant le signe de la Croix-rouge) et la seconde ne comporte qu'un cercle bleu dans lequel s'inscrit "I[coeur] JMPS". Or aucune de ces images n'est présente sur ces pièces ( il apparaît seulement sur les pièces no51, 53 et 54 un attelage de voiture et caravane d'inspiration voisine mais clairement différent par la composition et les couleur). 39. Dans ces conditions, la preuve n'est pas rapportée des actes de contrefaçon allégués. 40. S'agissant des affichettes "élection & mode d'emploi" réalisées pour des élections ayant eu lieu en 2017 et "éco-gestes", il n'est pas démontré que ces oeuvres auraient fait l'objet d'une deuxième reproduction, non rémunérée par la facture initiale, de sorte que l'atteinte au droit d'auteur n'est pas établie. 41. Concernant le logo Gaïa, l'usage en tant que nom de domaine tel qu'il apparaît sur la première page de la pièce no58 - non datée - du demandeur ne peut porter atteinte à ses droits et la présence du logo en seconde page de cette pièce n'a pas de date et ne peut dont être retenue à titre de preuve de contrefaçon. La pièce no63 est une capture d'écran de la page de connexion à l'outil Gaïa datée du 9 septembre 2022, qui démontre que le logo utilisé à cette date est bien celui créé par M. [O].Cette exploitation non autorisée relève de la contrefaçon de droit d'auteur. 42. Il en résulte que le demandeur démontre une exploitation contrefaisante du logo Gaïa. En l'absence de justification du préjudice allégué, le tribunal fixe à 500 euros le préjudice résultant de cette atteinte. 3 . Sur l'atteinte au droit moral de l'auteur 43. M. [O] fait valoir que, son nom n'ayant pas systématiquement été mentionné sur chaque exemplaires de ses créations, la défenderesse a porté atteinte à son droit à la paternité. 44. L'association Croix rouge française fait valoir que M. [O] n'a jamais fait état de la moindre difficulté quant à l'utilisation de ses oeuvres, ce serait donc faire preuve de mauvaise foi de sa part que de prétendre le contraire aujourd'hui. Sur ce, 45. L'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit notamment que "L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible." 46. Il est constant que M. [O] n'a jamais signé ses créations, ni demandé à se voir nommé durant les nombreuses années de ses créations pour l'association Croix-rouge française. La question de la mention de sa paternité, et à plus forte raison des modalités de celle-ci, n'a jamais été évoquée entre les parties. Il se déduit de ces faits que M. [O] ne souhaitait pas révéler sa paternité. 47. Un auteur est fondé à demander à tout moment à ce que sa paternité sur son oeuvre soit reconnue et M. [O] est légitime à exiger postérieurement à la livraison de ses créations que son nom y soit mentionné, ce qu'il ne fait pas, se bornant à demander réparation de la diffusion de certaines de ses oeuvres sans son nom. 48. Il ne démontre donc aucune atteinte à son droit moral, ni, à plus forte raison, de préjudice en résultant. 49. Il y a donc lieu de rejeter ses demandes ce titre. III . Dispositions finales 50. L'association Croix-rouge française, qui succombe, est condamnée aux dépens et l'équité justifie de la condamner à payer à M. [O], dont beaucoup de demandes sont rejetées, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Condamne l'association Croix-rouge française à payer à M. [D] [O] la somme de 40.392 euros en réparation de la rupture brutale des relations commerciales ; Condamne l'association Croix-rouge française à payer à M. [D] [O] la somme de 500 euros en réparation de la contrefaçon du logo Gaia ; Rejette les demandes de M. [D] [O] en contrefaçon de droit d'auteur sur les autres oeuvres ; Condamne l'association Croix-rouge française aux dépens ; Condamne l'association Croix-rouge française à payer à M. [D] [O] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 10 Novembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000048550585 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550585.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 12 octobre 2023, 22/05941 | 2023-10-12 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/05941 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 22/05941 No Portalis 352J-W-B7G-CWWYL No MINUTE : Assignation du :16 mai 2022 JUGEMENT rendu le 12 octobre 2023 DEMANDEUR Monsieur [X] [G], dit [X] [T][Adresse 2][Localité 4] représenté par Me Patricia MOYERSOEN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0609 & Me Vincent SCHNEEGANS, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant DÉFENDERESSE S.A. FRANCE.TV STUDIO[Adresse 1][Localité 3] représentée par Me François POUGET de la SELARL FACTORI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0300 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière DÉBATS A l'audience du 27 juin 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 12 octobre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Magistrat signataire : Madame Elodie GUENNEC (article 456 du code de procédure civile), la présidente Madame Nathalie SABOTIER étant empêchée. 1. Monsieur [X] [G] se présente comme un écrivain ayant pour pseudonyme « [T] » sous lequel il a publié un premier ouvrage en 1973. Il indique que la saga [E], une série policière, a contribué à asseoir sa notoriété. 2. La société France.TV Studio est une filiale du groupe France Télévisions qui exerce diverses activités dans le domaine de la production audiovisuelle et de la prestation technique télévisuelle. 3. Elle est notamment la productrice déléguée de la série audiovisuelle intitulée Les [A] : un air de famille écrite par [M] [U]. 4. Ayant découvert la diffusion prochaine de l'épisode pilote de cette série et estimant que le choix du nom "[T]" comme nom de personnage et titre d'une série policière portait atteinte à ses droits, M. [X] [G], dit [X] [T], a mis en demeure France Télévisions, France.TV Studio et M. [U] de retirer le nom "[T]" de la série par courrier du 11 janvier 2022. 5. Par courriel du 20 janvier 2022, M. [X] [G] interrogeait la société France.TV Studio sur son intention de poursuivre la série. 6. Par courrier du 14 février 2022, la société France.TV Studio lui répondait que l'utilisation du nom "[A]" dans le titre et comme nom de personnage de la série n'était aucunement préjudiciable à M. [G]. 7. Par acte du 16 mai 2022, Monsieur [X] [G] a assigné la société France.TV Studio devant le tribunal judiciaire de Paris afin de voir ordonner le retrait du nom "[T]" ou "[A]" de la série télévisée Les [A] et la cessation de l'utilisation du nom "[T]". 8. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2022, Monsieur [X] [G] demande au tribunal de : -ordonner à la société France TV Studio le retrait immédiat du nom « [T] » ou « [A] » de la série télévisée « LES [A] », de cesser toute utilisation du nom « [T] », dans le titre de la série et comme nom de personnage de ladite série, l'ensemble sous astreinte de 1000 euros par infraction constatée passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant un délai de quatre mois ;-condamner la société France TV Studio à allouer à M. [T] la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de l'utilisation de son nom d'auteur en fraude de ses droits,-l'autoriser à faire publier le dispositif du jugement à intervenir dans trois journaux ou magasines de son choix aux frais de France TV Studio, dans la limite de 5 000 euros par insertion, et ordonner à France TV Studio la publication d'un communiqué judiciaire sur son site internet qui reprenne le dispositif du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant un délai de quatre mois.-condamner la société France TV Studio à allouer à M. [T] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ;-condamner la société France TV Studio aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Patricia Moyersoen, avocat. 9. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 janvier 2023, la société France.TV Studio demande au tribunal de : -débouter M. [X] [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;-condamner M. [X] [G] à payer à la société France.TV Studio la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,-condamner M. [X] [G] en tous les dépens dont distraction au profit de la SELARL Factori avocats, avocats aux offres de droit. 10. Il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus. 11. L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance du 31 janvier 2023 et renvoyée à l'audience du 27 juin 2023. SUR CE Sur le droit au nom Moyens des parties 12. Monsieur [G] soutient qu'en droit, le nom comme le pseudonyme sont protégés au titre des droits de la personnalité garantis par l'article 9 du Code civil ; que l'utilisation d'un pseudonyme sans autorisation de celui qui le porte entraîne la responsabilité de l'utilisateur de façon automatique par effet d'un droit subjectif protégeant le droit à la vie privée ; qu'il importe de justifier d'un usage prolongé et notoire selon la jurisprudence. 13. Il expose qu'en fait, il a choisi le pseudonyme [T] dés 1973 et l'a utilisé tout au long de sa carrière d'auteur ; que ce patronyme est rare présentant 49 occurrences sur un site spécialisé ce qui doit renforcer selon lui sa protection ; que le pluriel est d'un emploi fréquent en matière littéraire soulignant la ressemblance entre « [T] » et « [A] » ; que sa série la plus célèbre, la saga [E], est policières et a pour thème central la famille comme la série litigieuse générant une confusion ; qu'il est également scénariste pour des oeuvres audiovisuelles. 14. La société France.Tv Studio soutient qu'en droit l'article 9 du Code civil donne le droit à chacun de s'opposer à la divulgation d'une information ou une immixtion relative à la vie privée ; que le droit au nom patronymique est un droit de la personnalité ; que le demandeur à l'action doit justifier de la reprise du nom et de l'intention de tirer profit de la confusion dommageable dans l'esprit du public ; que ces conditions, selon elle, ne sont pas justifiées en l'espèce. 15. Elle expose en fait que le nom est un élément de l'état civil, par nature public, et que le titre de la série Les [A] : un air de famille, est sans rapport avec la vie privée du demandeur ; que le patronyme [T] n'est pas exceptionnel sur les réseaux sociaux ; que le pseudonyme du demandeur est [X] [T] ce qui souligne la dissemblance avec « [A] », le pluriel étant réservé selon elle aux noms de familles royales ou susceptibles d'admiration ; qu'elle n'a jamais eu l'intention de créer une confusion dommageable qui, selon son argument, n'est pas démontrée. Appréciation du tribunal 16. Aux termes de l'article 9 du Code civil « chacun a droit au respect de sa vie privée. / Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé ». 17. Le pseudonyme est protégeable à l'égal du nom patronymique comme constituant une propriété lorsque, par un usage notoire et prolongé, il s'est incorporé à l'individu qui le porte et est devenu pour le public le signe de sa personnalité. Son titulaire est dés lors fondé à s'opposer à son appropriation par un tiers s'il doit en résulter une confusion moralement ou matériellement préjudiciable. 18. En l'espèce, les parties s'opposent sur le pseudonyme véritablement utilisé : le demandeur soutient qu'il s'agit de « [T] », la défenderesse dit qu'il s'agit de « [X] [T] ». 19. Le tribunal, limité par les termes de la demande en application de l'article 5 du code de procédure civile, ne statuera que sur le pseudonyme « [T] », les développements sur l'éventuel pseudonyme « [X] [T] » sont inopérants comme ne faisant l'objet d'aucune prétention spécifique. Les arguments tenant à l'apposition du prénom seront étudiés comme moyens de défense. 20. Monsieur [G] revendique l'utilisation du nom « [T] » comme pseudonyme depuis 1973 et la publication de son roman intitulé Le service militaire au service de qui?. En l'état des pièces produites, Monsieur [G] a systématiquement utilisé ce pseudonyme pour ses nombreuses publications depuis cette date en le faisant précéder de son prénom. Ses travaux, majoritairement littéraires et artistiques, sont notamment constitués de romans, livres jeunesse, bandes-dessinées et scenari de films qui ont pu connaître un succès dans le milieu littéraire et une large diffusion auprès du public français et à l'international. 21. Il justifie ainsi d'un usage notoire et prolongé du pseudonyme « [T] » devenu pour le public le signe de sa personnalité. 22. La société défenderesse est la productrice déléguée d'une série télévisée intitulée « Les [A] : une affaire de famille » dont le premier épisode a été diffusé sur France 3 le 18 janvier 2022. Le résumé de l'intrique est ainsi rédigé « le capitaine [P] [T] est à la retraite et rêve de se réconcilier avec sa fille [J], également capitaine de police, qui vient d'être mutée à [Localité 6]. Mais [J] est en colère contre son père et ne veut pas lui parler, car il l'a quitté quand elle avait 6 ans. Cependant un cas mystérieux les obligera à s'unir (...) ». 23. S'agissant de l'atteinte à la vie privée, le personnage principal de la série est certes d'un âge comparable à Monsieur [G] qui a également une fille. Aucune autre ressemblance, ni physique avec l'acteur interprète du rôle titre de la série, ni avec l'intrigue n'est démontrée. 24. Aucun des éléments de l'intrigue ne permet donc d'établir un lien avec la vie privée de Monsieur [G] ni ne sous-tend, comme il le soutient, un parallèle entre son histoire personnelle et le personnage principal de la série. 25. Le moyen tiré du droit au respect de la vie privée est écarté. 26. S'agissant de l'appropriation du pseudonyme, la série télévisée litigieuse inclut bien le nom « [A] ». Phonétiquement, les syllables sont identiques au pseudonyme de Monsieur [G]. La lettre « s », d'usage rare pour un patronyme, n'est pas prononcée. Enfin le titre « Les [A] : une affaire de famille » comporte neuf syllables contre deux pour « [T] ». Visuellement, le nom [T] apparaît identique quoique, de la même manière, incorporé à un titre plus large et finissant par un « s ». Conceptuellement le titre de la série évoque un univers policier en lien avec une intrigue familiale ce qui peut être rapproché de la saga romanesque « [E] », succès littéraire de Monsieur [G] et élément de sa notoriété. La série n'évoque toutefois pas la même histoire, qui vise une famille de [Localité 5], non de [Localité 6] et n'évoque aucunement une oeuvre littéraire. 27. Il est également tenu compte de ce que le pseudonyme « [T] » est systématiquement utilisé par Monsieur [G] précédé du prénom « [X] », ce qui n'est pas le cas dans le titre de la série. Or, le nom « [T] » utilisé comme patronyme existe depuis, à tout le moins le XVIème siècle selon extrait d'un site spécialisé (pièce demandeur 15). Des occurrences nombreuses sont trouvées s'agissant de ce nom sur les réseaux sociaux et une recherche sur le site des Pages Jaunes indique plus de 1700 occurrences, certes anonymisées pour la plupart. Le nom « [T] » est donc fréquent et banal et ne n'entraine pas, par lui seul, une confusion avec le pseudonyme revendiqué. 28. Il ressort de ces éléments que le risque de confusion allégué n'est pas établi. 29. Le moyen tiré de l'appropriation non autorisée du pseudonyme est écarté. Sur le droit d'auteur Moyens des parties 30. Monsieur [G] soutient en droit que le droit d'auteur protège le pseudonyme en application des articles L. 111-1, L. 121-1 et L. 113-6 du code de la propriété intellectuelle ; que cette protection emporte celle de son droit patrimonial et de son droit à la réputation, composante de son droit moral, lui permettant de revendiquer son nom et de s'opposer à son utilisation ; qu'il aurait pu autoriser cet emploi par son droit à la renonciation, ce qui n'a pas été possible en raison, selon son argument, de l'atteinte qu'il dénonce. 31. Il soutient en fait que l'utilisation du nom « [A] » a été faite sans son autorisation dans le titre de la série télévisée litigieuse ; qu'un risque existe que le public lui attribue cette oeuvre qui n'est pourtant pas la sienne à l'image de la série d'adaptation « Les petits meutres d'Agatha Christie ». 32. La société France.Tv Studio soutient en droit que les articles L. 111-1 et L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle protègent les droits de l'auteur sur son oeuvre pas sur celle des tiers ; que la Cour de cassation a jugé (Civ. 1ère, 10 avril 2013, no12-14.525) que le nom patronymique ne constitue pas en lui-même un oeuvre de l'esprit. 33. Elle expose en fait que le demandeur revendique le droit à s'opposer à ce que son nom figure sur une oeuvre ce qui relève d'un droit de la personnalité et non du droit d'auteur selon son analyse ; qu'aucun élément n'attribue à Monsieur [G] la paternité de la série télévisée litigieuse.Appréciation du tribunal 34. Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle « l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. / Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code (...) ». 35. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle « l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. / Ce droit est attaché à sa personne. / Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. / Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l'auteur. / L'exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires ». 36. Selon l'article L. 113-6 du même code « les auteurs des oeuvres pseudonymes et anonymes jouissent sur celles-ci des droits reconnus par l'article L. 111-1. / Ils sont représentés dans l'exercice de ces droits par l'éditeur ou le publicateur originaire, tant qu'ils n'ont pas fait connaître leur identité civile et justifié de leur qualité. / La déclaration prévue à l'alinéa précédent peut être faite par testament ; toutefois, sont maintenus les droits qui auraient pu être acquis par des tiers antérieurement. / Les dispositions des deuxième et troisième alinéas ne sont pas applicables lorsque le pseudonyme adopté par l'auteur ne laisse aucun doute sur son identité civile ». 37. Le droit moral de l'auteur au respect de son nom est attaché à l'oeuvre de l'esprit qui porte l'empreinte de sa personnalité ; l'auteur ne peut donc prétendre sur le fondement de l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, à la protection de son nom patronymique en tant que tel, fût-il utilisé pour l'exercice de son activité artistique, ce nom, quelle que soit sa renommée prétendue, ne constituant pas, en lui-même, une oeuvre de l'esprit. La contrefaçon de droit d'auteur est constituée par la reprise des caractéristiques qui fondent l'originalité de l'oeuvre et s'apprécie par les ressemblances que présente avec celle-ci l'oeuvre arguée de contrefaçon et non par leurs différences. 38. La solution qui précède, retenue par le tribunal, est issue de la jurisprudence de la Cour de cassation en particulier de son arrêt du 10 avril 2013 (Cass. 1re Civ., 10 avril 2013, pourvoi no 12-14.525, Bull. 2013, I, no 72 ; Cass. 1re Civ., 6 janvier 2021, pourvoi no 19-20.758) 39. En l'espèce, Monsieur [G] ne peut donc protéger le pseudonyme « [T] » dont l'originalité n'est, au surplus, pas démontrée et qui existait antérieurement à son utilisation par le demandeur comme étant le patronyme d'autres personnes physiques. 40. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'auteur sur le pseudonyme « [T] » est donc écarté. 41. Il n'est pas contesté que la saga [E], qu'évoque le demandeur en parlant de ses romans policiers est une oeuvre de l'esprit originale portant l'empreinte de sa personnalité. 42. Monsieur [G] a donc le droit d'empêcher que son pseudonyme soit utilisé pour promouvoir une oeuvre comparable qui n'est pas la sienne constituant ainsi une atteinte à son droit moral d'auteur. 43. Le demandeur ne détaille toutefois pas les ressemblances qu'il y aurait entre les deux oeuvres pouvant entrainer une ressemblance entre elles et une atteinte à son droit moral. 44. Le titre de la série évoque un univers policier en lien avec une intrigue familiale ce qui peut être rapproché de la saga romanesque « [E] », succès littéraire de Monsieur [G] et élément de sa notoriété. La série n'évoque toutefois pas la même histoire, qui vise une famille de [Localité 5], non de [Localité 6] et n'évoque aucunement une oeuvre littéraire. La ressemblance entre les deux oeuvres, critère de la contrefaçon, n'est pas démontrée. 45. Il est également tenu compte de ce que le pseudonyme « [T] » est systématiquement utilisé par Monsieur [G] précédé du prénom « [X] », ce qui n'est pas le cas dans le titre de la série. Or, le nom « [T] » utilisé comme patronyme existe depuis, à tout le moins le XVIème siècle selon extrait d'un site spécialisé (pièce demandeur 15). Des occurrences nombreuses sont trouvées s'agissant de ce nom sur les réseaux sociaux et une recherche sur le site des Pages Jaunes indique plus de 1700 occurrences, certes anonymisées pour la plupart. Le nom « [T] » est donc fréquent et banal et ne n'entraine pas, par lui seul, une confusion avec le pseudonyme revendiqué. 46. Il n'est pas démontré que l'emploi du mot « [A] », ou l'utilisation du nom « [T] » pour désigner les personnages de la série télévisée litigieuse, soit lié à sa saga littéraire [E] ni à aucune des autres oeuvres de Monsieur [G]. 47. Il résulte de ces éléments que l'atteinte au droit moral de Monsieur [G] n'est pas établie et le moyen écarté. Sur le droit des marques Moyens des parties 48. Monsieur [G] soutient en droit que le 8o de l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle empêche l'enregistrement d'une marque portant atteinte à un droit de la personnalité ; que l'article L. 713-3 du même code prohibe l'usage d'une marque notoire sans l'autorisation de son titulaire. 49. Il expose en fait que la défenderesse n'a pas déposé la marque « [T] » ; que les auteurs utilisent leur nom comme marque sur des affiches ou des bandeaux à l'image, par exemple de l'écrivain [F] [Y] ; que le nom « [T] » remplit les conditions d'une marque notoire et est donc protégé ; qu'il n'a pas autorisé cet usage. 50. La société France.Tv Studio soutient en droit que le seul titre n'est pas constitutif d'un usage à titre de marque ; que la propritété d'une marque s'acquiert par l'enregistrement ; qu'à défaut une marque notoire peut être protégée si sont démontrés pour la marque son intensité, son étendue, son ancienneté, les budgets qui lui sont consacrés, la part de marché détenus et la qualité des produits vendus comme le rappelle la jurprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (C-375/97), selon son analyse. 51. Elle soutient en fait que Monsieur [G] ne démontre pas être propriétaire d'une marque « [T] » ni, en tout état de cause, qu'elle ait effectué un usage à titre de marque. Appréciation du tribunal 52. Aux termes de l'article L. 713-5 « ne constitue pas une contrefaçon mais engage la responsabilité civile de son auteur l'usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, non autorisé par le titulaire d'une marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle:1oD'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue;2oD'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque;3oD'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la notoriété de la marque, ou leur porte préjudice ». 53. En l'espèce, Monsieur [G] explique qu'il est un auteur connu et que le nom d'un auteur peut, à l'exemple d'autres noms qu'il cite, être utilisé pour des supports publicitaires ou un bandeau d'édition. 54. Il ne réalise aucune démonstration ni ne fournit aucun élément permettant d'apprécier le caractère notoire de la marque « [T] », ni un usage à titre de marque du nom [T]. Le moyen, qui manque en fait, est écarté. 55. Les prétentions de Monsieur [G] se fondant sur les trois atteintes qui précèdent et qui ne sont pas établies, sont infondées et, par voie de conséquence, rejetées. Sur les demandes accessoires 56. Monsieur [G], partie perdante, est condamné aux dépens et à payer à la société France.Tv Studio la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, somme appréciée en équité à défaut de justificatif ou d'accord des parties sur son montant. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, REJETTE la demande, CONDAMNE Monsieur [X] [G] à payer à la société France.Tv Studio la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE Monsieur [X] [G] aux dépens dont distraction par la SELARL Factori, avocat. Fait et jugé à Paris le 12 octobre 2023 LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE | x |
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JURITEXT000048550586 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550586.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 28 septembre 2023, 21/13207 | 2023-09-28 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/13207 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 21/13207 No Portalis 352J-W-B7F-CVH5Z No MINUTE : Assignation du :22 octobre 2021 JUGEMENT rendu le 28 septembre 2023 DEMANDERESSE S.A.S. CREATION MEDITERRANEE[Adresse 2][Localité 1] représentée par Me Emmanuelle HOFFMAN de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0610 & Me Valérie KEUSSEYAN- BONACINA, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant DÉFENDERESSE Société DOLORES FONT CORTES SA[Adresse 3][Localité 4] (ESPAGNE) représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1050 & Me Michaël MALKA-SEBBAN, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière DÉBATS A l'audience du 12 juin 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serai rendue le 28 septembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Magistrat signataire : Madame Elodie GUENNEC (article 456 du code de procédure civile), la présidente Madame Nathalie SABOTIER étant empêchée. 1. La société Création Méditerranée, immatriculée en février 1983, a pour activité la création et la fabrication de vêtements de lingerie et de vêtements de plage qu'elle commercialise sous la marque "Pain de Sucre" par l'intermédiaire de plus 650 points de vente, 20 boutiques "Pain de Sucre" et par l'intermédiaire d'un site marchand <www.paindesucre.com>. 2. Elle indique être titulaire d'un modèle communautaire no 004124386-0004 déposé en juillet 2017 et enregistré le 21 janvier 2018, correspondant à modèle de maillot de bain une pièce dénommée "Capri". 3. La société de droit espagnol Dolores Font Cortes, immatriculée en 1980, indique avoir pour activité la conception, la fabrication de vêtements et accessoires et maillots de bain qu'elle commercialise dans plus de 1000 magasins multimarques, 200 points de ventes, dans ses propres magasins et par l'intermédiaire de deux sites internet marchands <www.dolorescortesonline.com> et <www.dolores-cortes.com>. 4. La société Création Méditerranée indique avoir découvert en mars 2021 que la société Dolores Cortes Font commercialisait un maillot de bain dénommée "1820 Maillot de bain" constituant, selon elle, une copie servile de son modèle "Capri". 5. Par courrier du 7 avril 2021, elle a mis en demeure la société Dolores Cortes Font de cesser les actes constitutifs selon elles de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire. 6. Elle a fait procéder le 21 mai 2021 à un constat d'huissier sur internet. 7. Par acte du 22 octobre 2021, la société Création Méditerranée a fait assigner la société Dolores Font Cortes devant le tribunal judicaire de Paris en contrefaçon de modèle et concurrence déloyale et parasitaire. 8. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 octobre 2022, la société Création Méditerranée demande au tribunal de : -rejeter l'action en nullité du modèle Capri de la société Dolores Cortes Font SA, pour défaut de nouveauté ou caractère individuel-rejeter les autres demandes de la société Dolores Cortes Font SA -dire que la société Dolores Cortes Font SA a commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaires à l'encontre de la société Création Méditerranée,En conséquence :-faire interdiction à la société Dolores Cortes Font SA de poursuivre la fabrication, la commercialisation et la diffusion du modèle de maillot de bain « 1820 », à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 1.000 Euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement -faire interdiction à la société Dolores Cortes Font SA de communiquer sur le modèle copié, peu importe les supports (publicités, catalogue, réseaux sociaux ?)-ordonner le rappel et destruction de l'ensemble des copies du modèle Capri en circulation, sous contrôle d'huissier aux frais de la défenderesse-ordonner la destruction de l'ensemble du stock des copies du modèle Capri, sous contrôle d'huissier aux frais de la défenderesse-condamner la société Dolores Cortes Font SA à verser à la société Création Méditerranée la somme de 90 000 Euros, à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon et atteinte au droit moral ;-condamner la société Dolores Cortes Font SA à verser à la société Création Méditerranée la somme de 80 000 Euros, à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire ;-ordonner la publication de l'intégralité du dispositif du jugement à intervenir, dans 4 journaux et/ou magazines au choix de la société Création Méditerranée et aux frais de la société Dolores Cortes Font SA, pour un cout total de 6000 euros ;-ordonner à la société Dolores Cortes Font SA de publier, à ses frais avancés, le dispositif du jugement à intervenir sur la page d'accueil des sites www.dolorescortesonline.com, pendant une période de deux (2) mois à compter du huitième jour suivant la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé ce délai ;-condamner la société Dolores Cortes Font SA à payer à la société Création Méditerranée la somme de 15 000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;-dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;-condamner la société Dolores Cortes Font SA aux entiers dépens de la présente instance. 9. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 novembre 2022, la société Dolores Font Cortes demande au tribunal de : A titre principal,-prononcer la nullité du modèle communautaire no 004124386-0004 « Capri » enregistré à l'EUIPO le 21 janvier 2018 pour défaut de nouveauté et pour défaut de caractère individuel,-débouter la société Création Méditerranée de l'intégralité de ses demandes,A titre subsidiaire,-limiter les effets de toute interdiction ayant pour objet le « modèle 1820 » de la marque Dolores Cortes au territoire français,Reconventionnellement,-condamner la société Création Méditerranée à régler à la société Dolores Font Cortes SA la somme de 15 000 € a titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de la procédure,En tout état de cause,-condamner la société Création Méditerranée à régler à la société Dolores Font Cortes SA la somme de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,-la condamner aux entiers dépens,-dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire. 10. L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance du 22 novembre 2022 et renvoyée à l'audience du 12 juin 2023 pour être plaidée. 11. Il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus. SUR CE 12. A titre liminaire, il est relevé que la société Dolores Font Cortes demande à ce que des pièces en langue espagnole soient écartées des débats comme non traduites. Cette prétention n'est pas reprise au dispositif de ses écritures. De la même manière, la société SAS Création Méditerranée demande que soit écartée des débats une pièce ne portant pas date certaine sans reprendre cette prétention au dispositif de ses écritures. Il n'y a donc pas lieu de statuer de ces chefs en application de l'article 768 du code de procédure civile. 1. Sur la nullité du modèle communautaire no 004124386-0004 13. La société Dolores Font Cortes soutient que le modèle argué de contrefaçon est nul comme. dépourvu de nouveauté. Elle rappelle la jurisprudence de la CJUE (C-361/15 et C-345/13) pour dire que plusieurs de ses modèles reprennent les mêmes caractéristiques que le modèle déposé sauf à considérer des détails insignifiants à ne pas prendre en compte. 14. La société Dolores Font Cortes soutient que le modèle argué de contrefaçon est nul comme dépourvu de caractère individuel. Elle souligne que plusieurs éléments décris par la demanderesse ne sont pas représentés au dépôt. Elle désigne l'utilisateur averti comme la « consommatrice de maillots de bains féminins du secteur moyen/haut de gamme ». Elle dit qu'il doit être tenu compte d'une éventuelle saturation de l'état de l'art. Elle qualifie la liberté du créateur de « pas totale » dans la mesure où le maillot de bain doit vêtir de manière adaptée pour le bain. Selon elle, les bretelles dans le dos ne permettent pas de dégager une impression globale différente des modèles antérieurs divulgués au public qualifiant le modèle « Carpri » de très banal. 15. La société SAS Creation Méditerranée soutient que son modèle est valable et que sa nouveauté ne peut être remise en cause. Elle dit que les différentes antériorités avancées en défense ne présentent pas le dos des maillots de bain et diffèrent par plusieurs éléments qui ne peuvent être considérés comme des détails insignifiants : découpe, ceinture, attache du décolleté notamment. 16. La société SAS Création Méditerranée expose que le modèle dispose d'un caractère individuel. Le produit est un maillot une pièce selon son analyse. Elle qualifie l'utilisateur averti de « particulièrement averti » en présence d'un vêtement unique qui se montre, contrairement aux sous-vêtements, et d'un degrés de connaissance des détails. Elle considère le degré de liberté du créateur comme « pas total » en raison de certaines contraintes techniques tenant par exemple à la morphologie de la porteuse du maillot, à la nécessité de contenir peu de tissu pour le faire sécher rapidement. L'impression globale doit tenir compte, selon elle, des motifs du maillot. Elle explique que les antériorité présentées produisent une impression globale différente. Appréciation du tribunal 17. L'article 24 « Déclaration de nullité », paragraphe 3, du règlement 6/2002 du 12 décembre 2001 énonce que « (?) un dessin ou modèle communautaire non enregistré est déclaré nul par un tribunal des dessins ou modèles communautaires sur demande introduite auprès dudit tribunal ou à la suite d'une demande reconventionnelle dans le cadre d'une action en contrefaçon ». 18. L'article 25 « Motifs de nullité », paragraphe 1, du même règlement dit que « 1. Un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que:a) si le dessin ou modèle ne répond pas à la définition visée à l'article 3, point a);b) s'il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 (?) ». 19. Aux termes de l'article 4 « Conditions de protection », paragraphe 1, du règlement 6/2002 du 12 décembre 2001 : « 1. La protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel. (?) ». Sur la nouveauté 20. Selon l'article 5 « Nouveauté » du même règlement : « 1. Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public: (...)b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité.2. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants ». 21. La Cour de justice rappelle dans son arrêt du 21 septembre 2017 Easy Sanitary Solutions BV (Aff. C-361/15 et C-405/15 P, §64) que « conformément aux articles 5 à 7 du règlement no 6/2002, à l'appréciation du caractère nouveau et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté et [...] la comparaison que celle-ci implique entre les dessins ou modèles en cause (...) exige de disposer d'un dessin ou modèle antérieur précis et déterminé ». 22. En l'espèce, la quasi totalité des maillots de bains présentés comme des antériorités par la société Dolores Font Cortes ne comportent qu'une photographie du dos ou de la face du produit. Ces antériorités ne peuvent ainsi être qualifiées de précises et déterminées et ne peuvent donc permettre d'écarter la nouveauté du modèle. 23. Les sept dernières pages de la pièce 15 de la défenderesse représentent des maillots pouvant être comparés au modèle en litige, mais ces photographies ne sont pas datées. 24. Ces éléments, avancés par la société Dolores Font Cortes, ne démontrent pas l'absence de nouveauté dont celle-ci se prévaut. Le moyen est écarté. Sur le caractère individuel 25. Selon l'article 6 « Caractère individuel » du règlement 6/2002 du 12 décembre 2001 « 1. Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public: (...)b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.2. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle ». 26. La Cour de justice de l'Union européenne rappelle par sa décision du 28 octobre 2021 Ferrari SpA (Aff. C-123/20, §47 et 48) que « la notion de « caractère individuel », au sens de l'article 6 du règlement no6/2002 régit non pas les rapports entre le dessin ou modèle d'un produit et les dessins ou modèles des parties qui le composent, mais le rapport entre ces dessins ou modèles et d'autres dessins ou modèles antérieurs. / Aux fins d'apprécier ce caractère individuel au regard de l'impression globale produite sur l'utilisateur averti par l'apparence du dessin ou modèle revendiqué, il y a lieu de se fonder sur la définition même de la notion de « dessin ou modèle », telle que prévue à l'article 3, sous a), du règlement no 6/2002, en tenant compte en particulier des caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux ». 26.1 L'utilisateur averti n'est pas défini par le règlement no6/2002, elle doit toutefois être comprise « comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n'est demandé aucune connaissance spécifique et qui en général n'effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d'homme de l'art, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d'utilisateur averti peut s'entendre comme désignant un utilisateur doté non d'une attention moyenne mais d'une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré » (CJUE, 20 octobre 2011, PepsiCo Inc. C-281/10 P §53). 27. En l'espèce, le modèle en litige, enregistré sous le numéro 004124386-004 est déposé le 28 juillet 2017. Il représenté un maillot de bain féminin noir une pièce. 28. L'utilisateur averti dispose, ainsi qu'il précède de connaissance précises sur les maillots de bain de moyenne ou haute gamme, est attentif aux détails du modèle, en particulier son absence de motifs, sa forme et ses attaches. Il dispose d'un degrés d'attention normal pouvant être particulièrement attentif aux détails esthétiques. 29. Le degrés de liberté du créateur est limité par la nécessité d'assurer le maintien du maillot de bain en tenant compte de la morphologie de l'utilisatrice, comme le rappelle la demanderesse, et de couvrir les parties intimes du corps. Ces seuls éléments apparaissent trop peu nombreux pour limiter le créateur, le degré de liberté du créateur est donc élevé. 30. La société Création Méditerranée, demanderesse à la nullité, ne vise pas avec précision celles de ses pièces qui constitueraient des antériorités. Elle reproduit à la page 15 de ses conclusions des extraits de sa pièce no15 qui figure des photographies non datées, sous un titre précisant d'ailleurs en espagnol « sin poder averiguar la fecha », signifiant « sans pouvoir connaître la date ». 31. Ainsi qu'il précède, aucun des autres modèles figurant aux pièces visées par la société Création Méditerranée ne comporte à la fois un visuel de la face et du dos du maillot de bain. Il n'est donc pas possible de comparer le modèle en litige à d'autres dessins ou modèles antérieurs en raison de la carence de la demanderesse à la nullité dans l'administration de la preuve. 32. Le moyen est écarté. 33. La demande de nullité est rejetée. 2. Sur la contrefaçon 34. L'article 14, « Droit au dessin ou modèle communautaire », paragraphe 1. du règlement 6/2002 du 12 décembre 2001 dit que « le droit au dessin ou modèle communautaire appartient au créateur ou à son ayant droit (?) ». 35. L'article 19, « Droits conférés par le dessin ou modèle communautaire » de ce même règlement énonce que : « 1. Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins.2. Le dessin ou modèle communautaire non enregistré ne confère cependant à son titulaire le droit d'interdire les actes visés au paragraphe 1 que si l'utilisation contestée résulte d'une copie du dessin ou modèle protégé.L'utilisation contestée n'est pas considérée comme résultant d'une copie du dessin ou modèle protégé si elle résulte d'un travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu'il ne connaissait pas le dessin ou modèle divulgué par le titulaire.3. Le paragraphe 2 s'applique également à un dessin ou modèle communautaire enregistré soumis à un ajournement de publication tant que les inscriptions pertinentes au registre et le dossier n'ont pas été divulgués au public conformément à l'article 50, paragraphe 4 ». 36. Selon l'article L. 515-1 du code de la propriété intellectuelle, « toute atteinte aux droits définis par l'article 19 du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur ». 37. En l'espèce, ainsi qu'il précède, le modèle en litige représenté un maillot de bain féminin noir une pièce. 38. L'utilisateur averti dispose, ainsi qu'il précède, de connaissance précises sur les maillots de bain de moyenne ou haute gamme, est attentif aux détails du modèle, en particulier son absence de motifs, sa forme et ses attaches. Il dispose d'un degré d'attention normal pouvant être particulièrement attentif aux détails esthétiques. 39. Les différents exemples de modèles permettent de constater une saturation de l'état de l'art, comme le souligne la société Dolores Font Cortes. L'utilisateur averti, pour cette raison, sera particulièrement attentif aux détails permettant de différencier les maillots de bains en litige. 40. Il convient de rappeler que la contrefaçon d'un modèle s'apprécie au regard des caractéristiques protégées telles que déterminées par les seules reproductions graphiques ou photographiques contenues dans le certificat d'enregistrement, reproduites ci-dessus. 41. Il est relevé que le maillot « 1820 » de la société Dolores Font Cortes présente une pièce unique de couleur noire, un décolleté profond de face comme de dos, des bonnets doublés avec effet drapé assemblés en fourreau, une bande de maintien sous la poitrine, un dos nu avec des bretelles croisées entre les épaules de même largeur qui sont le prolongement de la bande de maintien sous la poitrine. 42. Il est toutefois constaté que le maillot « 1820 » présente un col en « v » alors que le modèle en litige figure une ligne horizontale entre les deux bonnets. La découpe du maillot « 1820 » au niveau du haut de la cuisse est plus échancré. Il couvre enfin légèrement plus le dos que le modèle déposé. 43. Il ressort de ces éléments, de la liberté du créateur et de la saturation de l'état de l'art, que la physionomie générale des deux modèles est semblable mais que des éléments permettent de les différencier. L'utilisateur averti ne pourra ainsi pas les considérer comme des détails insignifiants mais sera au contraire amené à dissocier les deux maillots de bain en raison de ces différences. 44. Il en résulte que le produit en litige et le modèle ne peuvent produire sur l'utilisateur averti une impression visuelle d'ensemble identique. 45. La contrefaçon n'est pas établie. 46. Les demandes tendant à sa réparation sont rejetées. 3. Sur la concurrence déloyale et le parasitisme 47. La société Création Méditerranée soutient que la défenderesse a commis des actes de concurrence déloyale en proposant à la vente une copie servile de son maillot de bain ; que cette conduite est aggravée par sa visibilité sur les réseaux sociaux ; que l'impact est négatif sur sa clientèle qui croira que son modèle est de qualité moindre avec des finitions moins travaillées. 48. Elle soutient que la défenderesse a commis des actes de parasitisme en reproduisant son modèle alors qu'elle justifie de dépenses importantes de publicité et d'un agencement soigné dans ses boutiques, ce que ne propose pas la défenderesse, selon son analyse ; que celle-ci a engagé le même mannequin qu'elle pour promouvoir le maillot de bain et utilise l'expression « body shape » sur son site internet pour désigner le maillot alors que le modèle Pain de Sucre s'appuie aussi sur un vêtement « à la frontière entre le body et le maillot de bain ». 49. La société Dolores Font Cortes dit n'avoir commis aucun acte de concurrence déloyale ou parasitaire. Elle souligne l'absence de fait distinct par rapport à la contrefaçon dénoncée. Elle précise n'avoir pas reproduit servilement le maillot de la demanderesse, ne pas vendre son produit à vil prix et n'avoir vendu que 10 de ses maillots en France. 50. Elle ajoute qu'elle n'aurait pas eu intérêt à tirer profit d'une campagne publicitaire sur un marché qui ne représente qu'une minorité de ses ventes ; que l'agencement de ses boutiques ne s'inspire aucunement de la demanderesse ; que le mannequin de son support publicitaire travaille avec de nombreuses marques de maillots de bain et n'a aucun contrat d'exclusivité ; qu'en tout état de cause le préjudice allégué n'est pas démontré. Appréciation du tribunal 51. Selon l'article 1240 du Code civil « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». 51.1 Une société offre à la clientèle un modèle copiant celui d'un autre fabricant et portant une mention très voisine, par son texte et par son graphisme, de la mention figurant sur le modèle contrefait, de telle sorte qu'une confusion est créée dans l'esprit de la clientèle, caractérise ainsi des agissements constitutifs de concurrence déloyale distincts des faits de contrefaçon (v. en ce sens Com. 27 mai 1981, no79-15.183). 52. Le parasitisme est constitué par l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire (v. en ce sens Com. 26 janvier 1999, no96-22.457). Il suppose en particulier de démontrer la volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui afin de bénéficier de la valeur économique générée par son activité (v. en ce sens Com. 4 février 2014, no13-10.039 et Civ. 1ère, 22 juin 2017, no14-20.310). 53. La concurrence déloyale, sanctionnée en application des articles 1240 et 1241 du Code civil, consiste en des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre. 54. En l'espèce, il n'est pas établi que le maillot de bain « 1820 » de la société Dolores Font Cortes est une copie servile du maillot « Capri » de la demanderesse, ainsi qu'il ressort des développements précédents sur la contrefaçon. Il n'est pas démontré, en outre, qu'un risque de confusion existe entre ces deux produits. 55. En l'absence de risque de confusion, le moyen fondé sur la concurrence déloyale est écarté. 56. L'argument tiré de ce que la défenderesse s'inspirerait de l'agencement des boutiques « Pain de Sucre » n'est pas démontré. De la même façon, l'emploi de l'expression « body shape » est courant dans le secteur d'activités de ces sociétés. 57. Il est établi que les deux sociétés ont employé le même mannequin pour promouvoir leurs produits. Cette seule circonstance, en l'absence d'autres éléments permettant d'établir un comportement d'immixtion dans le sillage de la demanderesse, ne peut caractériser le parasitisme dont elle se prévaut. 58. Le moyen fondé sur le parasitisme est écarté. 59. La demande indemnitaire est rejetée. 4. Sur la demande reconventionnelle Moyens des parties 60. La société Dolores Font Cortes soutient qu'elle a du « mobiliser ses équipes » pour répondre à une demande dépourvue de tout fondement ce qui, selon son analyse, caractérise une faute dans l'exercice d'une voie de droit justifiant d'indemniser le préjudice dont elle se prévaut. 61. La société Création Méditerranée ne conclut pas sur ce point. Appréciation du tribunal 62. Vu l'article 1240 du Code civil, 63. En l'espèce, l'action n'est pas manifestement dépourvue de pertinence et de fondement quoiqu'elle ait été rejetée. La défenderesse ne caractérise pas l'abus dont elle se prévaut. 64. La demande indemnitaire est rejetée. 5. Sur les demandes accessoires 65. La société Création Méditerranée, partie perdante, est condamnée aux dépens et à payer à la société Dolores Font Cortes SA la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, somme appréciée en équité en l'absence de justificatif ou d'accord des parties sur son montant. PAR CES MOTIFSLE TRIBUNAL Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, DÉCLARE IRRECEVABLES les demandes présentées dans le corps des écritures des parties tendant à écarter certaines pièces des débats, REJETTE la demande tendant à la nullité du modèle communautaire no 004124386-0004 enregistré à l'EUIPO le 21 janvier 2018, REJETTE la demande principale, REJETTE la demande reconventionnelle en paiement présentée par la société de droit espagnol Dolores Font Cortes SA, CONDAMNE la société SAS Création Méditerranée à payer à la société de droit Espagnol Dolores Font Cortes SA la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE la société SAS Création Méditerranée aux dépens, Fait et jugé à Paris le 28 septembre 2023 LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE | x |
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JURITEXT000048550587 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550587.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 9 novembre 2023, 21/06216 | 2023-11-09 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/06216 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 21/06216 No Portalis 352J-W-B7F-CULNN No MINUTE : Assignation du :07 mai 2021 JUGEMENT rendu le 09 novembre 2023 DEMANDERESSE Société GOOGLE LLC[Adresse 1][Localité 3] (ETATS -UNIS) représentée par Me David POR du LLP ALLEN & OVERY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0022 DÉFENDERESSES Société SONOS INC.[Adresse 2][Localité 5] (-ETATS-UNIS) Société SONOS EUROPE B.V.Schuttersweg 10,1217 PZHILVERSUM (PAYS -BAS) représentées par Me Cyrille AMAR de la SELAS AMAR GOUSSU STAUB, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0515 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 22 mai 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 14 septembre 2023.Le délibéré a été prorogé en dernier lieu au 09 novembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Magistrat signataire : Madame Elodie GUENNEC, la présidente Madame Nathalie SABOTIER étant empêchée (article 456 du code de procédure civile). 1. La société Google LLC, fondée en 1998, est une entreprise technologique américaine offrant au public une grande variété de produits et de services, dont le moteur de recherche éponyme, le système d'exploitation pour mobiles "Android", ainsi que des smartphones, des enceintes connectées, ou encore des logiciels. 2. Elle est la titulaire inscrite des deux brevets suivants : - le brevet européen no 2 764 491 (« EP 491 »), ayant pour titre « Génération d'une notification de disponibilité de contenu multimédia », issu de la demande internationale PCT no WO 2013/052247 déposée le 12 septembre 2012, et délivré le 27 décembre 2017, - le brevet européen no 1 579 621 (« EP 621 »), intitulé « Système de gestion de droits électronique fondé sur le domaine avec admission des dispositifs facile et sûre », issu d'une demande internationale PCT no WO 2004/051916 déposée le 12 novembre 2003 par la société Motorola Inc., et revendiquant la priorité d'une demande américaine du 27 novembre 2002. Ce brevet, délivré le 23 juillet 2014, a ultérieurement été cédé à la société Google LLC. 3. Ces brevets désignent la France où ils sont maintenus en vigueur par le paiement régulier de leurs annuités. 4. La société de droit américain Sonos Inc. se présente comme pionnière et leader du secteur des enceintes audio multi-pièces sans fil, ses produits pouvant être configurés et contrôlés à l'aide d'une application dédiée, et étant compatibles avec de nombreux services de streaming musical tiers. 5. La société Sonos Europe B.V. est une filiale de la société Sonos Inc. établie aux Pays-Bas. 6. En 2013, les sociétés Sonos Inc et Google LLC se sont rapprochées en vue d'intégrer à la plateforme Sonos le service de musique Google Play Music (désormais YouTube Music) et le service d'assistant vocal Google Assistant. Aucun accord sur les redevances dues n'est intervenu entre les parties, et depuis lors, diverses procédures les opposent en Europe, ainsi qu'aux Etats-Unis. 7. Par acte d'huissier délivré le 21 août 2020, la société Google LLC a fait assigner les sociétés Sonos Inc et Sonos Europe BV devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de ses brevets européens. 8. Par conclusions de désistement partiel du 8 février 2021, la société Google LLC a renoncé à ses demandes en contrefaçon fondées sur le brevet EP'491. 9. Le 28 avril 2021, la société Google LLC a déposé une requête en limitation de la partie française du brevet EP 491 auprès de l'INPI. 10. Les sociétés Sonos Inc. et Sonos Europe B.V. ayant maintenu leurs demandes reconventionnelles en nullité de la partie française du brevet EP 491, le juge de la mise en état a ordonné la disjonction de l'affaire par ordonnance du 6 mai 2021 afin qu'il soit statué en premier lieu sur le brevet EP 621, cette affaire est restée enrôlée sous le numéro RG 20/07506. Ainsi, seul le brevet EP 491 est concerné par la présente instance. 11. Par un jugement rendu le 8 mars 2022 dans le cadre de l'affaire relative au brevet EP'621, le tribunal judiciaire de Paris a rejeté les demandes de la société Google LLC fondées sur la contrefaçon et les demandes reconventionnelles en nullité des sociétés Sonos Inc. et Sonos Europe BV. 12. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 novembre 2022, la société Google LLC demande au tribunal de : -dire et juger que les revendications 1, 7 et 12 de la partie française du brevet européen No 2 764 491 sont valables ;-débouter les sociétés Sonos Inc. et Sonos Europe B.V. de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;-condamner les sociétés Sonos Inc. et Sonos Europe B.V. A payer à la société Google LLC la somme de 200 000 euros (deux cent mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;-condamner les sociétés Sonos Inc. et Sonos Europe B.V. aux entiers dépens et dire que ceux-ci pourront être recouvrés directement par Me David Por, avocat, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;-ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. 12.1. Elle soutient que la limitation du brevet est opposable aux sociétés Sonos ; que le brevet, limité comme non limité, n'est pas exclu de la brevetabilité ; que le brevet est bien nouveau et implique une activité inventive au regard des documents qualifiés d'antériorité ; que le brevet n'a pas fait l'objet d'une extension au delà du contenu de la demande telle que déposée. 13. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2023, les sociétés Sonos Inc. et Sonos Europe BV demandent au tribunal de : A titre principal, -prononcer la nullité des revendications 1, 7 et 12 de la partie française du brevet EP 2 764 491 tel que délivré dont la société Google LLC est titulaire ;-dire que la décision à intervenir sera transmise, une fois celle-ci devenue définitive, à l'initiative de la partie la plus diligente, à l'Institut [4] aux fins d'inscription au registre national des brevets ; A titre subsidiaire, si la limitation de la partie française du brevet EP 2 764 491 devait être considérée comme opposable :-prononcer la nullité de la partie française du brevet EP 2 764 491 tel que limité dont la société Google LLC est titulaire ;-dire que la décision à intervenir sera transmise, une fois celle-ci devenue définitive, à l'initiative de la partie la plus diligente, à l'Institut [4] aux fins d'inscription au registre national des brevets ; En tout état de cause :-débouter la société Google LLC de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.-condamner la société Google LLC à payer aux sociétés Sonos INC. et Sonos B.V. la somme de 200.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire au jour du jugement en fonction des justificatifs qui seront produits par les défenderesses ;-condamner la société Google LLC aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Cyrille Amar, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. 13.1. Elles soutiennent que le texte authentique est le brevet tel que délivré par l'OEB ; que ce brevet est nul car exclu de la brevetabilité et pour défaut de nouveauté ; qu'à considérer le brevet tel que limité, la protection a été élargie après délivrance du brevet et au-delà du contenu de la demande telle que déposée selon elles ; qu'en tout état de cause, le brevet tel que limité est nul pour défaut de nouveauté et défaut d'activité inventive au regard des antériorités discutées. 14. L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance du 28 février 2023 et renvoyée à l'audience du 22 mai 2023 pour être plaidée. SUR CE I. Sur l'opposabilité de la limitation de la partie française du brevet EP 2 764 491 Moyens des parties 15. Les sociétés Sonos font valoir que le texte qui fait foi est celui rédigé dans la langue de procédure devant l'OEB, qui est en l'espèce l'anglais, conformément aux articles 70 de la Convention sur le brevet européen dont l'application prime celle de l'article L. 614-7 du code de la propriété intellectuelle qui, selon sa lecture, est contraire à l'application de ce texte d'autorité supérieure. Elles soutiennent que la version limitée des revendications en langue française n'est pas authentique et que la validité du brevet doit, par conséquent, être appréciée au regard du brevet tel que délivré en langue anglaise. 16. La société Google réplique que la langue de la République est le français et que l'article R. 613-45 du code de la propriété intellectuelle n'exige pas de traduction dans la langue de procédure de l'OEB des revendications telles que limitées. Selon elle, les sociétés Sonos confondent les notions de « texte qui fait foi » et d'« opposabilité ». Elle expose que les directives de l'INPI exigent l'utilisation de la langue française dans la procédure de limitation et précisent que seul le texte des revendications en langue française est inscrit au Registre National des Brevets. Elle en conclut que les revendications telles que limitées, en langue française, sont opposables aux sociétés Sonos. Appréciation du tribunal 17. L'article 70 de la Convention sur le brevet européen intitulé « texte de la demande de brevet européen faisant foi » dispose que :« (1) Le texte de la demande de brevet européen ou du brevet européen rédigé dans la langue de la procédure est le texte qui fait foi dans toutes les procédures devant l'Office européen des brevets et dans tous les États contractants. (2) Toutefois, si la demande de brevet européen a été déposée dans une langue qui n'est pas une langue officielle de l'Office européen des brevets, ce texte constitue la demande telle qu'elle a été déposée, au sens de la présente convention. (3) Tout État contractant peut prévoir qu'une traduction dans une de ses langues officielles, prescrite par cet État en vertu de la présente convention, est considérée dans cet État comme étant le texte qui fait foi, hormis les cas d'actions en nullité, si la demande de brevet européen ou le brevet européen dans la langue de la traduction confère une protection moins étendue que celle conférée par ladite demande ou par ledit brevet dans la langue de la procédure. (4) Tout État contractant qui arrête une disposition en application du paragraphe 3,a) doit permettre au demandeur ou au titulaire du brevet de produire une traduction révisée de la demande de brevet européen ou du brevet européen. Cette traduction révisée n'a pas d'effet juridique aussi longtemps que les conditions fixées par l'État contractant en application de l'article 65, paragraphe 2, ou de l'article 67, paragraphe 3, n'ont pas été remplies ;b) peut prévoir que quiconque, dans cet État, a, de bonne foi, commencé à exploiter une invention ou a fait des préparatifs effectifs et sérieux à cette fin, sans que cette exploitation constitue une contrefaçon de la demande ou du brevet dans le texte de la traduction initiale, peut, après que la traduction révisée a pris effet, poursuivre à titre gratuit son exploitation dans son entreprise ou pour les besoins de celle-ci ». 18. L'article L. 614-7 du code de la propriété intellectuelle dispose : « le texte de la demande de brevet européen ou du brevet européen rédigé dans la langue de procédure devant l'Office européen des brevets créé par la convention de Munich est le texte qui fait foi. / En cas de litige relatif à un brevet européen dont le texte n'est pas rédigé en français, le titulaire du brevet fournit, à ses frais, à la demande du présumé contrefacteur ou à la demande de la juridiction compétente, une traduction complète du brevet en français ». 19. L'article L. 614-11 du code de la propriété intellectuelle dispose que « l'inscription au registre européen des brevets des actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet européen ou à un brevet européen rend ces actes opposables aux tiers ». 20. La Cour de cassation rappelle, mutatis mutandis, par son arrêt du 9 juin 2015 (Com. 9 juin 2015, pourvoi no 13-22.529, Bull. 2015, IV, no 102) que la France ayant, depuis l'entrée en vigueur, le 1er mai 2008, des dispositions des articles 1er, alinéa 1, de l'Accord de Londres du 17 octobre 2000, qu'elle a ratifié, et 10 de la loi no 2007-1544 du 29 octobre 2007 ayant modifié les articles L. 614-7 et L. 614-10 du code de la propriété intellectuelle, renoncé aux exigences en matière de traduction prévues à l'article 65, § 1, de la Convention de Munich du 5 octobre 1973, c'est à bon droit qu'un arrêt retient que, dès lors que la mission de l'INPI prévue à l'article L. 411-1 du code précité consiste à diffuser les informations techniques contenues dans les titres de propriété industrielle et que ce sont les revendications qui déterminent l'étendue de la protection conférée par le brevet européen, la traduction en langue française des revendications d'un brevet déposé dans une autre langue officielle satisfait à cette mission, de sorte qu'il ne peut être exigé du directeur général de l'INPI de recevoir un dépôt volontaire de la traduction de l'entier brevet. 21. En l'espèce, un courrier de l'INPI du 11 octobre 2021 porte acceptation de la limitation des revendications 1, 7 et 12 du brevet EP 491 à la suite d'une demande du 28 avril 2021, rejetée une première fois le 22 juin 2021. 22. Un certificat de l'INPI du 9 mars 2022 portant état des inscriptions au registre national des brevets indique, s'agissant du brevet EP 491, qu'il « n'a fait l'objet d'aucune inscription ». 23. Un certificat de l'INPI du 8 juillet 2022 portant état des inscriptions au registre national des brevets indique s'agissant du brevet EP 491 qu'il « a fait l'objet d'une inscription » qualifiée d'inscription « d'office » demandée le 30 mai 2022 et effectivement inscrite au registre le 31 mai 2022. 24. Il est constant que la langue dans laquelle est présentée, instruite et accordée la limitation est le français. 25. Lorsqu'un brevet européen est publié dans une autre langue de procédure que le français, ses revendications ont nécessairement déjà été traduites en français, de sorte qu'il prend effet en France à compter de sa délivrance, au vu de la traduction, en français, des revendications. 26. L'opposabilité du brevet EP 491 dont les revendications ont pris effet en langue française dés sa publication le 13 août 2014 est limité dans cette même langue par la demande du 11 octobre 2021 inscrite le 31 mai 2022 au registre national des brevets. 27. Ainsi, contrairement au moyen en ce sens des sociétés Sonos, l'application de l'article L. 614-7 du même code n'est pas contraire à la Convention sur le brevet européen mais en constitue, au contraire, l'application directe. 28. Le brevet, tel que limité, est donc opposable aux sociétés Sonos en application de l'article L. 614-11 du code de la propriété intellectuelle. 29. La demande des sociétés Sonos tendant au prononcé de la nullité des revendications 1, 7 et 12 de la partie française du brevet EP 2 764 491 tel que délivré est donc sans objet. Elle est donc rejetée. II. Sur la nullité des revendications 1, 7 et 12 du brevet limité par décision du 11 octobre 2021 Présentation du brevet EP 2 764 491 30. L'invention porte sur la détermination de la disponibilité d'un contenu multimédia, notamment de films, clips vidéo, émission de télévision, musique, etc. auprès de différentes sources de contenu (paragraphes [0002] et [0003] de la description). 31. Le brevet constate que les sources de contenus multimédia (salle de cinéma, diffusion à la télévision, sources en ligne de téléchargement ou de streaming) sont de plus en plus nombreuses et peuvent varier selon les périodes. Il est donné l'exemple d'un film diffusé dans une salle de cinéma, puis disponible à la télévision à la demande ou en streaming en ligne, avant d'être mis en téléchargement ou sur un support physique (DVD, CD?). Selon la description du brevet, l'augmentation du nombre de sources de contenus multimédia combinée à la disparité des calendriers de diffusion est souvent source de confusion chez les consommateurs [0003]. 32. Le brevet détaille (sic.) des « mises en oeuvre mentionnées (?) pour fournir des exemples de mises en oeuvre afin d'aider à la compréhension de celle-ci » [0007]. 33. Il décrit ainsi trois systèmes techniques présentés distinctement : -une « méthode de mise en signets de contenu multimédia » [0004],-un « circuit de traitement configuré pour générer une notification de disponibilité » [0005],-un ou plusieurs « supports lisibles par ordinateur contenant des instructions » [0006]. 34. La méthode, le circuit, et les supports lisibles concourent de la même manière à quatre étapes identifiées de façon identiques [0004 à 0006 et figure 5 du brevet] :1. la réception d'une sélection de contenus, et de préférences incluant des sources uniques et des données de compte utilisateur.2. la demande de disponibilité du contenu, via un réseau de données, basée sur des sources uniques, une sélection et les données du compte utilisateur.3. la réception des données sur la disponibilité du contenu.4. la notification pour un appareil électronique indiquant si le contenu est disponible pour le compte utilisateur pour au moins une des sources uniques. 35. En l'état de la limitation du 11 octobre 2021, le brevet EP 491 est composé de 15 revendications. 36. Il comporte trois revendications indépendantes 1, 7 et 12 qui sont l'objet du débat. Elles portent respectivement sur un procédé, un circuit de traitement et un ou plusieurs supports lisibles par ordinateur. Ces trois éléments décrivent chacun de façon détaillée les quatre étapes précitées résumées par la figure 5 du brevet : Figure 5 du brevet EP 491 telle que traduite par Google Sur le défaut d'activité inventive Moyens des parties 37. Les sociétés Sonos demandent la nullité des revendications 1, 7 et 12 du brevet sur le fondement de l'article 138 (1) a) de la Convention de Munich et de l'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle. Elles proposent de définir l'homme du métier comme un ingénieur qualifié en informatique, en génie informatique, en génie électrique ou dans un domaine correspondant et ayant plusieurs années d'expérience professionnelle dans le domaine des réseaux, des systèmes basés sur les réseaux et de leurs applications dans, par exemple, les systèmes de contenu numérique. 37.1. Elles appliquent l'approche problème solution en partant du document [D] – D2 qu'elles considèrent comme l'état de l'art le plus proche. Elles disent qu'il réalise le même objectif général que la revendication 1 de « fournir à un utilisateur un dispositif qui accède au contenu et reçoit des notifications sur la disponibilité du contenu multimédia (?) par le biais de la pluralité de dispositifs électroniques d'utilisateur du système ». Elles précisent que le document D2 porte bien sur plusieurs dispositifs techniques utilisateur, pas seulement le DVR, qui communiquent entre eux via un réseau. 37.2. Selon elles, le brevet EP 491 est dépourvu d'activité inventive au regard des combinaisons suivantes :[D] – D2 et [C] – D1,[D] – D2 et [G] – D3,[D] – D2 et [J] – D4,[D] – D2 et Guide d'utilisateur Sonos – D5. 38 La société Google conteste le défaut d'activité inventive. Elle ne propose pas de définition spécifique de l'homme du métier mais ne conteste pas utilement la définition proposée par les sociétés Sonos. 38.1. Selon elle, l'invention a pour but de permettre à l'utilisateur d'accéder effectivement aux contenus en tenant compte ab initio de ses droits d'accès accordés par les sources de contenus. Elle ne se limite donc pas, selon son argument, à une simple recherche consolidée mais à une information sur des contenus multimédia directement accessibles. A ce titre, elle décrit les revendications 7, qui porte sur un circuit de traitement, et 12, qui porte sur un ou plusieurs supports lisibles par ordinateur comme « substantiellement similaires » à la revendication 1 dont elles mettent en oeuvre le procédé. 38.2. Elle dit ainsi que le document [D] porte sur un magnétoscope numérique à l'exclusion d'une pluralité de dispositifs électroniques effectuant des recherches parallèles et n'aborde pas les données de compte utilisateur. Selon elle, ce document n'est pas un point de départ réaliste pour l'homme du métier car il est trop éloigné de l'objet revendiqué par le brevet EP 491. Elle estime que plusieurs caractéristiques correspondant à l'ensemble de la revendication 1 ne sont pas divulguées par les documents [C] et [D], même lus en combinaison, à l'exception du « procédé de génération d'une notification de disponibilité de contenu multimédia » et de la fonction « demander au niveau du circuit de traitement, sur un réseau, des données de disponibilités de contenu ». Elle ajoute que la combinaison des documents [D] et [C] relève de l'affirmation et d'une approche ex post prohibée. En outre, elle précise que le document [C] prévoit principalement un moteur de médiation regroupant les demandes de contenus que l'homme du métier n'aurait pas supprimés pour parvenir aux enseignements du brevet en litige. 38.3. S'agissant des autres documents, la société Google fait valoir que les documents [G] et [J] ne divulguent pas la caractéristique B identifiée par Sonos et rien n'indique que l'homme du métier les aurait consultés et combinés avec le document [D]. La société Google soutient que même en combinant [D] et le Guide d'utilisateur Sonos, de nombreuses caractéristiques revendiquées sont manquantes. Appréciation du tribunal 39. L'article 138 « Nullité des brevets européens » de la convention de Munich du 5 octobre 1973 prévoit que « (1) sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 (...) ». 40. Aux termes de l'article 52 « Inventions brevetables » de la même convention : « (1) les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle / (2) 2) Ne sont pas considérés comme des inventions au sens du paragraphe 1 notamment : (?) c) les plans, principes et méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi que les programmes d'ordinateur ; d) les présentations d'informations (...) ». 41. En outre, selon l'article 56 de la même convention « Activité inventive » : « une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique (?) ». 42. Aux termes de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle « la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich. / Si les motifs de nullité n'affectent le brevet qu'en partie, la nullité est prononcée sous la forme d'une limitation correspondante des revendications (...) ». 43. Il convient de tenir compte de l'intérêt d'une interprétation convergente de textes européens et nationaux, poursuivant la même finalité de protection des innovations comme le rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 30 août 2023 (Cass. Com., 30 août 2023, pourvoi no 20-15.480, Bull.). 44. Aussi, pour apprécier l'activité inventive d'un brevet, il convient de déterminer d'une part, l'état de la technique le plus proche et, d'autre part, le problème technique objectif à résoudre et enfin d'examiner si l'invention revendiquée aurait été évidente pour la personne du métier. 45. Les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à la personne du métier, ils permettaient à l'évidence à ce dernier d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci. 46. Il est rappelé, mutatis mutandis, que le juge ne peut se limiter à reproduire les termes d'une revendication, sans établir l'existence d'une contribution technique apportée par la demande de brevet ni expliquer en quoi les moyens revendiqués dans cette demande avaient le caractère de moyens techniques distincts de la simple présentation d'informations (v. en ce sens Cass. Com., 11 janvier 2023, pourvoi no 19-19.567). La personne du métier 47. La personne du métier est celle du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440). 48. Au cas présent, l'objet du brevet est de proposer une méthode de sélection de contenu multimédias disponibles en trop grand nombre, par une notification au moyen de dispositifs techniques informatiques pouvant fonctionner en réseau. 49. La personne du métier est un ingénieur qualifié en informatique et ayant plusieurs années d'expérience professionnelle dans le domaine des réseaux, des systèmes basés sur les réseaux et de leurs applications en particulier dans les systèmes de contenu numérique multimédia. Il comprend les enjeux techniques de la mise à disposition facilitée de tels contenus pour un utilisateur. L'art antérieur 50. Les sociétés Sonos soulèvent, tout d'abord, le défaut d'activité inventive des trois revendications en litige au regard de deux antériorités : d'une part une demande de brevet américain US 2010/138517 du 3 juin 2010 (le « document D1 [C] »), d'autre part, la demande de brevet américain US 2011/1794456 du 21 juin 2011 (le « document D2 [D] »). Le document D1 [C] 51. Le document D1 [C] souligne l'existence d'une multiplicité de sources multimédia nécessitant un compte utilisateur avec identifiant et mot de passe, désincitant l'utilisateur à en créer de nouveaux. Il propose une solution, constituée d'un procédé de courtage, liant le profil de l'utilisateur, incluant ses préférences, à des fournisseurs sélectionnés pour lui apporter un contenu correspondant à son besoin ; limitant ainsi le recours à des identifiants et mots de passe multiples. Le document évoque explicitement un dispositif installé sur ordinateur ou supports tangibles lisibles par ordinateur (paragraphe [0006] et revendication 1). Il constitue un système de courtage relié, d'une part, à des sources uniques de contenus en ligne et, d'autre part, à un utilisateur disposant d'un compte unique avec un seul identifiant et mot de passe selon sa première revendication. 52. La revendication 1 du document D1 [C] décrit une « méthode » de courtage de contenus multimédia reposant sur une requête d'un utilisateur ; associée au profil de l'utilisateur, à une pluralité de fournisseurs de contenus et, parmi eux, à un fournisseur préféré auquel les informations nécessaires à l'accès au contenu sont transférées par ladite méthode afin que l'utilisateur y ait accès par un périphérique de lecture. La revendication 8 du document D1 [C] utilise une description similaire évoquant, cette fois-ci, non pas une « méthode », mais un « système ». La revendication 15 du document D1 [C] utilise une description similaire évoquant, cette fois-ci, non pas une « méthode », mais un « support tangible lisible par ordinateur incorporant un programme informatique ayant des instructions ». 53. Le document D1 [C] comporte, en outre :-une unité de traitement utilisant des capacités de mémoire (ROM ou RAM) [0014],-la référence à un profil utilisateur [0021] et à un profil de l'utilisateur (revendications 1, 8 et 15), y compris par référence à un compte auprès de fournisseurs type Youtube [0021],-la mention de préférences de l'utilisateur associées à son profil pouvant porter sur le prix, le format ou la vitesse de téléchargement [0021],-la transmission à un fournisseur des informations du profil utilisateur [0024],-la possibilité de notifier à l'utilisateur l'existence d'un nouveau contenu épisodique et s'y abonner [0023],-la présentation à l'utilisateur d'une liste de fournisseurs multimédia ayant un contenu multimédia satisfaisant sa demande [0023 et 0029] (revendications 1, 8 et 15). Le document D2 [D] 54. Le document D2 [D] explique que les enregistreurs vidéo numériques (DVR) ont révolutionné les habitudes des consommateurs en permettant un stockage informatique de programmes, une programmation de leur enregistrement ou de leur téléchargement [0002-0005]. Le brevet constate l'importance, pour ces raisons, de la recherche de contenu et la difficulté pour l'utilisateur de rentrer les lettres correspondant à sa recherche. Il cherche à réduire le nombre de lettres à inscrire pour l'utilisateur [0008] par des résultats de recherche adaptables et une amélioration de l'interface utilisateur [0062], en particulier des suggestions de contenus sur la base d'un faible nombre de lettres [0064] en fonction des recherches des autres utilisateurs ou de recommandations de tiers [0065-0067]. 55. Le document D2 revendique ainsi (revendication 1 et dépendantes 2 à 9) une méthode de sélection de contenus spécifiques non encore disponibles depuis une ou plusieurs sources et une réponse informant l'utilisateur de la disponibilité d'un contenu [0034] lui permettant de le retrouver pour l'enregistrer ou le télécharger, y compris sur la base d'un protocole internet. La méthode indique la ou les sources du contenu, si l'utilisateur y souscrit et si en fonction des préférences de l'utilisateur, l'éventuelle disponibilité future depuis d'autres sources [0131, 0134]. Elle prévoit un identifiant unique pour l'utilisateur et une interface dédiée [0068]. Le brevet revendique encore ladite méthode (revendication 13 et dépendantes 14 à 24) exécutée via un support lisible par ordinateur stockant des instructions exécutées par un ou plusieurs appareils informatiques. 56. Le document D2 [D] mentionne, en outre :-une alerte de l'utilisateur lorsque le contenu est disponible pour être enregistré, téléchargé ou regardé [0134],-la détermination des données de disponibilité de contenu en fonction des préférences de l'utilisateur, de ses accès par abonnement, des frais qui lui seront facturés, de l'approbation de l'utilisateur [0133], ou de sources identifiées par lui [0220],-une sélection des contenus multimédia par une recherche de l'utilisateur ou des données de programme : titre, personnes, étiquettes ou métadonnées [0082-0083],-un réseau comprenant le fournisseur de services, le fournisseur de contenu, l'ordinateur personnel et le dispositif portable de l'utilisateur [0068-0069],-la mention d'un processeur [0224]. Les revendications en litige 57. Les revendications 1, 7 et 12 garantissent chacune, par des moyens ou procédé distincts, l'exécution de quatre étapes rappelées pour mémoire : 1. la réception d'une sélection de contenus, et de préférences incluant des sources uniques et des données de compte utilisateur.2. la demande de disponibilité du contenu, via un réseau de données, basée sur des sources uniques, une sélection et les données du compte utilisateur.3. la réception des données sur la disponibilité du contenu.4. la génération d'une notification pour un dispositif électronique indiquant si le contenu est disponible pour le compte utilisateur pour au moins une des sources uniques. 58. La revendication 1 porte sur un « procédé de génération d'une notification de disponibilité de contenu multimédia ». La revendication précise que les quatre étapes précitées se réalisent « au niveau d'un circuit de traitement d'un dispositif électronique d'utilisateur utilisant des données de compte utilisateur pour identifier un utilisateur particulier parmi une pluralité de dispositifs électroniques d'utilisateurs ». Elle ajoute que la réception d'une sélection de contenus, et des préférences est faite au niveau d'un circuit de traitement. 59. La revendication 7 vise un « circuit de traitement d'un dispositif électronique d'utilisateur utilisant des données de compte d'utilisateur pour identifier un utilisateur particulier parmi une pluralité de dispositifs électroniques d'utilisateurs, le circuit de traitement étant configuré de manière à générer une notification de disponibilité de contenu multimédia, dans lequel le circuit de traitement est en outre configuré de manière à : », suit ensuite une description des quatre étapes précitées. 60. La revendication 12 décrit « un ou plusieurs supports lisibles par ordinateur dans lesquels sont stockées des instructions, les instructions étant exécutables par un ou plusieurs processeurs d'un dispositif électronique d'utilisateur utilisant des données de compte d'utilisateur pour identifier un utilisateur particulier parmi une pluralité de dispositifs électroniques d'utilisateurs en vue de mettre en oeuvre un procédé comportant les étapes ci-dessous consistant à : », suit ensuite une description des quatre étapes précitées. 61. Les parties conviennent que les trois revendications sont substantiellement similaires sur leur méthode. Il est relevé qu'elles diffèrent s'agissant du moyen technique utilisé. Il convient de les analyser séparément. 1. La méthode relative aux contenus multimédia 62. La méthode décrite par le brevet consiste, pour l'essentiel, à agglomérer isolément des sources de contenus multimédia et des préférences utilisateurs, à les consolider, à identifier parmi les sources disponibles celles correspondant aux préférences utilisateur, et à en informer l'utilisateur. 63. L'analyse des deux documents d'art antérieur présentés démontre que la personne du métier connaissait déjà le problème de la multiplication des sources de contenus multimédia qui justifie la mise en avant de la fonction recherche par D2 et le profil utilisateur unifié de D1. 64. Ces antériorités mentionnent déjà les deux premières étapes consistant à recueillir des sources de contenus en les comparant à des préférences et à un profil de l'utilisateur. D2 indique ainsi que le contenu sélectionné par les préférences de l'utilisateur doit pouvoir être retrouvé par celui-ci, la souscription par l'utilisateur et une éventuelle disponibilité future signalée par une « alerte ». L'objet même du procédé de courtage de D1 est d'identifier un contenu correspondant au besoin de l'utilisateur. 65. De la même manière, s'agissant des deux dernières étapes, D2 a pour objet de définir une méthode de sélection de contenus et d'informer l'utilisateur de sa disponibilité. Il mentionne explicitement une alerte de l'utilisateur lorsqu'un contenu est disponible pour être téléchargé ou regardé. D1 prévoit aussi une possibilité de notification lorsqu'un nouveau contenu est disponible. 66. La personne du métier pouvait donc de manière évidente, en combinant ces deux documents, identifier la méthode décrite par le brevet en litige, y compris en se fondant sur les préférences signalées par une action où le profil de l'utilisateur. 67. Au surplus, il sera relevé qu'une telle méthode peut s'interpréter comme une simple information, non technique, relative au comportement d'utilisateurs de contenus multimédia qui, considérée isolément, exclut la brevetabilité, et par voie de conséquence l'activité inventive, du procédé en cause. 2. Les solutions techniques mettant en oeuvre la méthode relative aux contenus multimédia 68. Les trois revendications apportent des solutions techniques différentes pour mettre en oeuvre la méthode commune aux trois revendications. Elles sont toutefois modifiées en des termes identiques par la limitation ; ces éléments seront distingués. 69. La revendication 1, telle que limitée, se concentre sur un dispositif électronique d'utilisateur utilisant des données de compte utilisateur pour identifier un utilisateur particulier parmi une pluralité de dispositifs électroniques d'utilisateurs. La société Google souligne qu'il est tenu compte ab initio des droits d'accès de l'utilisateur par ce moyen ce que la revendication n'indique pas. 70. En comparaison, le document D1 rappelle explicitement que son procédé de courtage repose sur un dispositif installé sur ordinateur reliant des sources plurielles à un compte utilisateur unique. Il fait référence à une « unité de traitement ». D2 se concentre davantage sur la technologie DVR mais mentionne un « réseau » comprenant l'ordinateur et le dispositif portable de l'utilisateur. 71. La personne du métier pouvait ainsi comprendre de façon évidente que l'utilisation d'une unité de traitement enseignée par D1 et l'ordinateur comme le dispositif portable de D2 impliquaient l'utilisation d'un seul « dispositif électronique utilisateur », notion au demeurant très générale. 72. La revendication 7, telle que limitée, se concentre sur un circuit de traitement configuré de manière à générer une notification de disponibilité de contenu multimédia. 73. Il est relevé que le document D2 enseigne déjà un fonctionnement en réseau exécutant une méthode comparable à celle du brevet par un ou plusieurs appareils informatiques. Il comprend ainsi le fournisseur de services, le fournisseur de contenu, l'ordinateur personnel et le dispositif portable de l'utilisateur et peut fonctionner sur la base d'un protocole internet. Encore, il mentionne un support tangible lisible par ordinateur incorporant un programme informatique ayant des instructions. 74. Le document D1 évoque explicitement un « système » à sa revendication 8 et prévoit, en outre, la communication d'informations au fournisseur de contenu multimédia et l'utilisation de capacités de mémoire qui peuvent difficilement s'opérer hors d'une activité de réseau. 75. La personne du métier pouvait donc comprendre de façon évidente au regard de ces antériorités qu'un circuit de traitement permettait de configurer la méthode devant aboutir à la notification de disponibilité du contenu multimédia pour l'utilisateur. 76. La revendication 12, telle que limitée, vise « un ou plusieurs supports lisibles par ordinateur dans lesquels sont stockées des instructions » explicitement mentionnée par le document D2 qui évoque un support lisible par ordinateur stockant des instructions exécutées par un ou plusieurs appareils informatiques. 77. L'homme du métier pouvait donc connaître de façon évidente l'antériorité D2 répondant au problème posé. 78. S'agissant des trois revendications, la société Google souligne toutefois l'importance de la pluralité de « dispositifs électroniques utilisateur » permettant d'affiner ses préférences. 79. Cet argument doit être mis en perspective avec la faible brevetabilité des revendications en litige. 80. Le brevet donne en effet une définition particulièrement large des caractéristiques techniques qu'il emploie étendant ainsi la protection à toute innovation plausible pouvant résoudre le problème technique identifié. Ainsi, il enseigne que :-les « préférences de l'utilisateur » peuvent reposer sur la source et la nature du contenu (une série ou un épisode par exemple), peuvent être « stockées », ou porter sur « les prix » [0009], les « préférences de fournitures de contenu peuvent inclure par exemple le format (?) la manière dont le contenu est diffusé (?) le type d'appareil sur lequel le contenu (?) est diffusé (?) des informations sur les prix » (?) d'autres préférences » [0066],-un « système informatique » peut communiquer avec un « serveur », « à travers un réseau » pour atteindre les sources de contenus. Le « réseau » peut être « local » (LAN), « étendu » (WAN), « cellulaire », « satellite » ou « d'autres types de réseau » ; il peut comprendre des « dispositifs informatiques (par exemple ordinateur, serveurs, routeurs, commutateurs de réseau) » ou être « sans fil » [0010-0011],-le « circuit de traitement » peut être le « composant d'un serveur de recherche (?) ou un autre appareil électronique qui facilite la recherche de données sur la disponibilité du contenu multimédia », il comprend de façon générale un « processeur » pour « exécuter le code informatique stocké dans la mémoire » [0048],-le dispositif d'interface utilisateur comprend « tout appareil électronique » « interne » ou « externe » au boitier : écran intégré, moniteur connecté, haut parleur connecté, « selon diverses mises en oeuvre » [0013],-les « appareils électroniques » peuvent communiquer avec le réseau et comprennent un « processeur » et une « mémoire ». Le brevet donne pour exemple « un ordinateur portable, un ordinateur de bureau, une tablette informatique, un smartphone (...) » [0012],-les « sources de contenus », contrairement à l'argument de la société Google, « peuvent » utiliser des autorisations mais ne le doivent pas nécessairement [0014]. 81. Cette description, particulièrement générale, ne permet pas d'identifier une contribution technique à l'état de la technique. L'argument fondé sur la pluralité de « dispositifs techniques utilisateur » comme justifiant de l'activité inventive est donc infondé. 82. Le même raisonnement est également applicable à la lumière des notions de « circuit de traitement » de la revendication 7 et de « supports lisibles par ordinateur dans lesquels sont stockées des instructions » de la revendication 12, qui renvoient à une contribution technique inexistante par son étendue, mais pouvant limiter l'initiative d'éventuels concurrents. 83. Enfin, la lecture de ces solutions techniques en combinaison avec la méthode de notification proposée aboutit à ce que le brevet protège au moyen de procédés techniques artificiels, des caractéristiques essentiellement économiques non pertinentes pour la résolution du problème technique. 84. Il en résulte que la personne du métier pouvait donc également déduire de façon évidente que la combinaison de cette unité de traitement et du « réseau » comprenant l'ordinateur personnel, et le dispositif portable de l'utilisateur enseignés par D2, renvoyaient à la possibilité générale d'utiliser plusieurs dispositifs électroniques utilisateur. 85. Sans qu'il soit besoin de répondre au surplus des moyens soulevés par les parties les revendications 1, 7 et 12, dépourvues d'activité inventive, sont donc annulées. Sur les demandes accessoires 86. Partie perdante, la société Google est condamnée aux dépens qui seront recouvrés par Maître Cyrille Amar, conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer aux sociétés Sonos la somme de 80 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, somme appréciée en équité à défaut de justificatif ou d'accord des parties sur son montant. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, ANNULE les revendications 1, 7 et 12 de la partie française du brevet européen EP 2 764 491 dont est titulaire la société Google LLC, ORDONNE la transmission du présent jugement, une fois passé en force de chose jugée, à l'Institut [4] pour être transcrit au Registre National des Brevets, à l'initiative de la partie la plus diligente, REJETTE le surplus, CONDAMNE la société Google LLC à payer aux sociétés Sonos Europe B.V et Sonos Inc la somme de 80 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE la société Google LLC aux dépens, qui seront recouvrés par Maître Cyrille Amar, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 09 novembre 2023 LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000048550588 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550588.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 12 octobre 2023, 19/05903 | 2023-10-12 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 19/05903 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 19/05903 No Portalis 352J-W-B7D-CP4H3 No MINUTE : Assignation du :14 mai 2019 JUGEMENT rendu le 12 octobre 2023 DEMANDERESSE S.A.S. TPL SYSTEMES[Adresse 4][Localité 1] représentée par Me Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #J0049 & Me Christine JAÏS de la SELARL LEXYMORE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant DÉFENDERESSE S.A. NOVATEC[Adresse 2][Localité 3] représentée par Me Gwendal BARBAUT de la SELEURL IPSIDE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1489 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 27 juin 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 12 octobre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Magistrat signataire : Madame Elodie GUENNEC (article 456 du code de procédure civile), la présidente Madame Nathalie SABOTIER étant empêchée. EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Novatec se présente comme un incubateur d'inventions principalement dans le domaine de l'électronique. Elle est, notamment, titulaire d'un brevet français dont la demande de délivrance a été déposée le 26 avril 2002, et la délivrance est intervenue le 20 août 2004 sous le no FR 2 839 235. Ce brevet a pour titre "Procédé et dispositif de commutation d'un radiotéléphone numérique d'un mode de fonctionnement numérique en un mode analogique". Il a expiré le 26 avril 2022. 2. Cette demande de brevet a fait l'objet d'extensions internationales sous le no PCT/FR 03/01321 abandonnées en 2014, dix années après l'entrée en phase européenne. 3. La société TPL Systèmes développe et commercialise des systèmes de télécommunication, d'alarmes et de sécurité. Elle avait pour fournisseur une société Detracom dont elle a acheté tous les actifs dans le cadre d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulouse le 20 octobre 2014. 4. La société TPL Systèmes expose que c'est au terme du paiement des actifs de la société Detracom que, par une lettre du 29 novembre 2018, la société Novatec s'est manifestée auprès d'elle afin de l'informer de ses droits sur le brevet FR 2 839 235 qu'elle exposait avoir concédé en licence à la société Detracom. 5. C'est dans ce contexte et estimant cette réclamation injustifiée que, par acte d'huissier du 14 mai 2019, la société TPL Systèmes a fait assigner la société Novatec devant ce tribunal aux fins d'obtenir l'annulation des revendications 1 et 2 du brevet FR 2 839 235. 6. Par ses dernières conclusions no4 notifiées par la voie électronique le 12 janvier 2022, la société TPL Systèmes demande au tribunal de : - Dire que les revendications 1 et 2 du brevet FR 2 839 235 sont dépourvues de toute nouveauté, à défaut d'activité inventive, au regard du document US 5 416 829 et donc nulles ; - Dire que les revendications 1 et 2 du brevet FR 2 839 235 sont affectées d'une insuffisance de description entraînant leur nullité ; - Prononcer en conséquence la nullité des revendications 1 et 2 du brevet FR 2 839 235; - Dire que la décision à intervenir sera publiée à la requête de la partie la plus diligente au Registre National des Brevets ; - Dire que le contrat de licence de brevet est inopposable à la société TPL et débouter en conséquence la société Novatec de toutes ses demandes fondées sur ce contrat inopposable; - Prononcer la nullité du contrat de licence de brevet par voie de conséquence de la nullité du brevet dont il est l'objet et débouter la société Novatec de toutes ses demandes fondées sur ce contrat nul ; Plus subsidiairement, - Dire n'y avoir lieu au paiement des redevances en l'absence de contrepartie et débouter en conséquence Novatec de ses demandes en paiement ; - Débouter en toute hypothèse la société Novatec de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ; Plus subsidiairement encore, - Constater que le contrat est résilié depuis le 24/11/2018 en application de son article 17 et débouter en conséquence Novatec de toutes ses demandes au-delà de cette date ; - Condamner la société Novatec à lui verser une somme de 50 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile; - Condamner la société Novatec aux entiers dépens. - Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir. 7. Dans ses dernières conclusions no5 notifiées par la voie électronique le 4 mars 2022, la société Novatec demande au tribunal de : - Débouter Tpl Systèmes de sa demande en nullité du brevet FR 2 839 235 dont est titulaire Novatec, - Dire que le brevet FR 2 839 235 est valable, - Débouter, de façon générale, Tpl Systèmes de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de Novatec. A titre reconventionnel : A titre principal : - Déclarer recevables et bien fondées l'ensemble des demandes de Novatec, - Condamner Tpl Systèmes à fournir à Novatec, conformément à l'Article 10 de la Licence du 14 novembre 2003, pour la période du 23 janvier 2015 au prononcé du jugement à intervenir : o « Le relevé par trimestre écoulé du nombre de Produits fabriqués », o « La comptabilité séparée [tenue par ses soins] des Produits fabriqués et faisant apparaître les dates des ventes, les montants facturés ainsi que les noms et adresses des clients. » o et plus généralement toute sa comptabilité, o le tout pour le monde entier, ainsi qu'une attestation de son Commissaire Aux Comptes certifiant la sincérité de ces documents de façon à ce que Novatec puisse évaluer avec précision le montant définitif de son préjudice, - Dire que cette procédure de communication de documents comptables et de reddition des comptes sera conduite sous le contrôle du Juge de la Mise en Etat, le Tribunal restant saisi du litige de façon à pouvoir, une fois la reddition des comptes achevée, statuer sur le montant des demandes de réparation formées par Novatec, - Renvoyer la procédure avant dire droit sur la détermination des dommages, à la mise en état pour permettre le suivi et le contrôle de la procédure de communication et de reddition des comptes et pour conclusions ultérieures de Novatec sur les préjudices par elle invoqués, A titre subsidiaire, si, par extraordinaire, le tribunal n'ordonnait pas à Tpl Systèmes de transmettre ces documents comptables, désigner un expert chargé d'estimer le préjudice subi par Novatec, - Dire que Tpl Systèmes a engagé sa responsabilité contractuelle, - Condamner, dans l'attente que les documents comptables soient transmis, Tpl Systèmes au versement de la somme de 600.000 euros, à titre provisoire et sauf à parfaire, à Novatec, en réparation du préjudice économique subi du fait des inexécutions contractuelles de Tpl Systèmes, - Condamner Tpl Systèmes au versement de la somme de 100.000 euros à Novatec, en réparation du préjudice moral subi, - Constater la résiliation du « CONTRAT DE LICENCE DE BREVET » conclu le 14 novembre 2003 avec Novatec, à la date du jugement à intervenir, - Ordonner à Tpl Systèmes de cesser d'exploiter, de fabriquer, de mettre en oeuvre, de détenir, d'utiliser, d'offrir et de mettre dans le commerce le produit issu du brevet FR 2 839 235 ou tout produit équivalent, sous astreinte définitive de 5.000 euros par infraction constatée dès signification du jugement à intervenir, - Condamner TPL Systèmes à payer à Novatec la somme de 20.000 euros pour procédure abusive, A titre subsidiaire : Dans l'hypothèse extraordinaire où le Tribunal ferait droit à la demande en nullité du brevet FR 2 839 235, - condamner TPL Systèmes, dans l'attente que les documents comptables précités soient transmis, au versement de la somme de 600.000 euros, à titre provisoire et sauf à parfaire, à Novatec, en guise de versement des redevances dues en application du « contrat de licence de brevet » en date du 14 novembre 2003, En tout état de cause : - Ordonner la publication du Jugement à intervenir sur la page d'accueil du site Internet de TPL Systèmes, et ce, pendant une durée ininterrompue de six mois, et sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, - Dire que le Tribunal se réserve expressément le pouvoir de liquider les astreintes ainsi prononcées, conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, - Condamner TPL Systèmes à payer à Novatec la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamner TPL Systèmes aux entiers dépens, lesquels comprendront notamment les frais de Maître Anthony Cesca pour le constat Internet du 24 juillet 2019, dont distraction au profit de Maître Gwendal Barbaut sur son affirmation de droit, - Assortir le jugement à intervenir de l'exécution provisoire nonobstant appel. 8. L'instruction de l'affaire a été close par une ordonnance du 14 avril 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Présentation du brevet FR 2 839 235 9. La description précise que l'invention concerne les systèmes de radiocommunications en réseau. Elle rappelle que la technique connaît l'utilisation des réseaux radio professionnels fonctionnant dans leur grande majorité selon la technologie analogique sur les bandes de fréquence de 40 à 400 Mhz (talkie-walkie), tandis que se sont développées les technologies de communications numériques, ces dernières n'ayant toutefois pas remplacé les premières, de sorte qu'il existe un besoin d'appareils permettant d'utiliser les deux technologies (page 1, lignes 5 et s. À page 2, ligne 20). 10. Aussi, l'invention porte sur un dispositif permettant de commuter un radiotéléphone numérique d'un mode de fonctionnement numérique en un mode de fonctionnement analogique et réciproquement. 11. La description rappelle ensuite la chaîne de traitement de la voix dans un système analogique (émission / réception) par sa modulation sur une bande de fréquence, précisant que dans un système numérique il convient d'ajouter au traitement de la voix (émission comme réception) un encodage par un vocodeur (terme issu de l'anglais « vocoder » abrégé de « voice encoder ») aux fins de transformer la voix en signal numérique capable d'être modulé et transmis sur la bande de fréquence (page 2, ligne 31 à page 3, ligne 17). 12. La description précise ensuite (page 4 lignes 3 à 11) que l'une des caractéristiques de l'invention est que le modulateur, aussi bien de l'émetteur que du récepteur, peut comporter une entrée et une chaîne de traitement uniques pour les signaux numériques comme analogiques. 13. La description mentionne également (page 3, lignes 24 à 28) que le "logiciel intégré" décide de passer en mode numérique si l'appareil reconnaît être sous la couverture d'une base numérique ou d'un relais numérique ; il décide de la même manière de passer en mode analogique s'il reconnaît être sous la couverture d'une base ou d'un relais analogique. 14. L'invention se compose de deux revendications, l'une de procédé, l'autre de dispositif, ainsi libellées : 1) Procédé de communication d'un radiotéléphone numérique d'un mode de fonctionnement numérique en un mode de fonctionnement analogique et réciproquement par le fait que les vocodeurs d'émission et de réception peuvent être mis en service ou non de façon manuelle ou automatique selon que le radiotéléphone opère respectivement dans un réseau numérique ou analogique caractérisé en ce qu'il est fait usage d'un modulateur d'émetteur unique compatible avec les signaux numériques et analogiques et qu'il est fait usage d'un démodulateur de réception unique compatible avec les signaux numériques et analogiques. 2) Dispositif de mise en oeuvre de la commutation manuelle ou automatique d'un radiotéléphone numérique permettant le passage d'un mode de fonctionnement numérique en un mode de fonctionnement analogique et réciproquement d'un mode analogique vers un retour au mode numérique, caractérisé en ce que les vocodeurs d'émission et de réception sont mis en service ou neutralisés par l'action d'un système de commutation de circuits électroniques et agissant respectivement sur les dits vocodeurs, eux-mêmes agissant respectivement sur : - un modulateur d'émetteur unique compatible pour les signaux numériques et analogiques, - et un démodulateur de réception unique compatible avec les signaux numériques et analogiques. 2o) Sur le défaut de nouveauté Moyens des parties 15. Pour conclure au défaut de nouveauté du brevet FR'235, la société TPL Systèmes invoque 3 éléments de l'art antérieur sous la forme de 3 brevets : le brevet US'829, la demande internationale WO'806, ainsi que le brevet US'294, dont elle soutient qu'ils divulguent tous l'ensemble des caractéristiques essentielles du brevet en litige. S'agissant du document WO'806, la société TPL Systèmes souligne qu'il divulgue bien un modulateur d'émission comportant une entrée unique, ainsi qu'un démodulateur compatible avec les signaux aussi bien analogiques que numériques comportant une entrée unique, de même qu'il enseigne un mode de passage automatique de l'un à l'autre mode (analogique / numérique). 16. La société Novatec demande quant à elle au tribunal d'écarter le grief de défaut de nouveauté du brevet FR'235 pour tous les documents de l'art antérieur opposés. S'agissant plus particulièrement du document WO'806, elle rappelle qu'il était mentionné dans le rapport de recherche de l'INPI et qu'il avait été finalement écarté au titre de la nouveauté car il n'enseigne pas un passage automatique d'un mode à l'autre selon le brevet FR' 235. Appréciation du tribunal 17. Selon l'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle, sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle. L'article L. 611-11 précise qu'une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique et que l'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. 18. En application de ces dispositions, il est constamment jugé que l'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique, de sorte que la nouveauté d'une invention ne peut être ruinée que par une antériorité de toutes pièces qui implique une identité d'éléments, de forme, d'agencement, de fonctionnement et de résultat technique. (Cass. Com., 27 mars 2019, pourvoi no17-23.136 ; Cass. Com., 17 mai 2023, pourvoi no19-25.509) Une caractéristique ou un résultat peuvent toutefois être implicitement divulgués pourvu qu'ils soient nécessaires et inévitables (voir par exemple Cour d'appel de Paris, 27 octobre 2010, RG no 09/08135, Johnson & Johnson Medical Ltd ea). 19. Le tribunal constate ici que le document WO 01/69806, déposé le 14 mars 2000, plus de deux ans avant la demande ayant conduit à la délivrance du brevet FR 2 839 235, enseigne un « système de radiocommunication à courte distance au moyen d'objets portatifs électroniques », dont l'un des buts est de permettre à un groupe de personne de communiquer entre elles au moyen d'un seul et même appareil à l'aide d'un canal analogique et d'un canal numérique. La description mentionne expressément que les modules d'émission et de réception utilisent le même modulateur (page 7, ligne 32) et que la voix est transmise en mode numérique suivant la modulation FSK et sur l'entrée analogique en modulation de fréquence FM. La figure 2 de ce brevet correspond au schéma d'architecture de l'électronique composant un objet portatif selon l'invention. Elle montre bien un modulateur d'émission unique (élément 5 de la figure 2 reproduite ci-dessous), ainsi qu'un démodulateur de réception unique (élément 12 de la même figure). 20. Ce document enseigne également, à partir de la page 13, une méthode de passage automatique du canal analogique à un canal numérique selon "une version encore plus sophistiquée" de l'invention, et ce, au moyen d'un pré-enregistrement au sein du processeur d'un profil d'une personne déterminée, afin de permettre sa recherche (l'appareil étant également programmé pour effectuer cette recherche selon des intervalles de temps à déterminer) et la détection de sa présence à proximité et la concordance des appareils portatifs. L'appareil "bascule" alors sur le premier réseau numérique (ou "privé" selon le langage de ce brevet ce qui désigne ici le réseau qui leur permet de converser sans être entendues des autres) disponible. 21. Cet élément de l'art antérieur renferme ainsi toutes les caractéristiques essentielles de l'invention quoique le passage automatique d'un mode à un autre soit simplement implicitement divulgué par le brevet WO'806. 22. Comme le relève justement la société TPL Systèmes, le mode de réalisation particulier de passage automatique d'un canal analogique à un canal numérique décrit par le document WO'806 ( le passage automatique du mode analogique au mode numérique pour deux personnes dont le processeur est programmé pour les faire passer, lorsqu'elles sont à proximité l'une de l'autre, en mode de conversation "privée") englobe nécessairement le procédé général de passage automatique d'un canal numérique à un canal analogique (et récirpoquement) revendiqué par le brevet FR'235. En effet, si une divulgation générique ne détruit pas la nouveauté d'un exemple spécifique relevant de cette divulgation, une divulgation spécifique détruit la nouveauté d'une revendication générique qui englobe la divulgation spécifique. 23. Il en résulte que les revendications 1 et 2 du brevet FR 2 839 235 est dépourvues de nouveauté et doivent être annulées. 3o) Sur les demandes reconventionnelles de la société Novatec 24. Aux termes de l'article L. 613-27 du code de la propriété intellectuelle, la décision d'annulation d'un brevet a un effet absolu ; elle entraîne la nullité de la licence octroyée sur ce brevet (Com., 1 juin 1999, pourvoi no 97-12.853, Bull. 1999, IV, no 118). 25. En revanche, l'invalidité d'un contrat de licence résultant de la nullité du brevet sur lequel il porte n'a pas pour conséquence, quel que soit le fondement de cette nullité, de priver rétroactivement de toute cause la rémunération mise à la charge du licencié en contrepartie des prérogatives dont il a effectivement joui, le licencié pouvant avoir retiré un avantage de la licence (1re Civ., 6 octobre 1981, Bull. 1981, I, no 273, p. 227 ; Com., 28 janvier 2003, pourvoi no 00-12.149, Bulletin civil 2003, IV, no 11) 26. Au cas particulier, le contrat de licence invoqué par la société Novatec se trouve dépourvu d'objet par l'effet de l'annulation du brevet, cette société ne pouvant soutenir avoir fourni un quelconque "avantage" à la société TPL Systèmes, n'ayant elle-même transmis aucun "savoir-faire" indépendamment du brevet FR'235, un tel savoir-faire ayant au demeurant nécessairement été acquis par la société TPL Systèmes dans le cadre de la cession des actifs de la société Detracom (licencié originaire), qui possédait la technologie portant sur les appareils portatifs fonctionnant en modes analogique et numérique, et dont il est rappelé qu'elle n'a jamais réglé aucune somme en exécution de cette licence. 27. L'ensemble des demandes reconventionnelles de la société Novatec est donc rejeté, y compris celle fondée sur un abus de procédure. 28. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Novatec supportera les dépens et sera condamnée à payer à la société TPL Systèmes la somme de 50.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 29. Nécessaire et compatible avec la nature de la présente affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée, sauf en ce qui concerne l'inscription de la présente décision au registre national des brevets. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, DÉCLARE nulles les revendications 1 et 2 du brevet FR 2 839 235 de la société Novatec pour défaut de nouveauté ; DIT que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise, à l'initiative de la partie la plus diligente, à l'INPI aux fins d'inscription au registre national des brevets ; REJETTE l'ensemble des demandes reconventionnelles de la société Novatec fondées sur le contrat de licence de ce brevet ; CONDAMNE la société Novatec aux dépens ; CONDAMNE la société Novatec à payer à la société TPL Systèmes la somme de 50.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne la transcription de la présente décision au registre national des brevets. Fait et jugé à Paris le 12 octobre 2023 LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000048550589 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550589.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 12 octobre 2023, 21/11100 | 2023-10-12 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/11100 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 21/11100 No Portalis 352J-W-B7F-CU6Y3 No MINUTE : Assignation du :10 août 2021 JUGEMENT rendu le 12 octobre 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. IK PRODUCTION ayant pour nom commercial "LA FRENCH CONNEXION"[Adresse 2][Localité 3] représentée par Me Elise BENSIMON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2548 DÉFENDERESSE S.A.S.U. LA FRENCH CONNEXION[Adresse 1][Localité 4] représentée par Me Bruno ANATRELLA de l'AARPI BAGS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1404 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 26 juin 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le12 octobre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Magistrat signataire : Madame Elodie GUENNEC (article 456 du code de procédure civile), la présidente Madame Nathalie SABOTIER étant empêchée. EXPOSÉ DU LITIGE 1. La société à responsabilité limitée unipersonnelle IK Production, immatriculée le 12 février 2009, a pour objet social déclaré l'activité de consultant et de conseil en communication. 2. La présidente de cette société, Mme [G] [K], s'est installée à [Localité 5] afin de développer ses activités aux Etats-Unis. Dans ce cadre, il a été procédé à l'immatriculation de la société de droit américan "La French Connexion" auprès de l'administration du Texas le 24 février 2017. Mme [K] a également acquis le 9 février 2017 les noms de domaines "www.thefrenchconnexion.paris", "www.lafrenchconnexion.fr" et "www.lafrenchconnexion.com" qui renvoient tous au site internet accessible à cette dernière adresse et indique avoir, dès le mois suivant, adopté le nom commercial "La French Connexion". 3. Le 21 juin 2017, M. [H] [P] a fait immatriculer au registre du commerce et des sociétés de Paris la SASU La French Connexion. Cette société a pour activité l'accompagnement de petites et moyennes entreprises françaises de produits gastronomiques et d'équipements professionnels pour les chefs de cuisine dans leur développement sur les marchés asiatiques, en proposant notamment des services de création d'un réseau personnalisé pour identifier les meilleurs partenaires, un développement commercial et une sécurisation des opérations pour structurer le service export. 4. Le 11 mai 2017, ladite société a réservé le nom de domaine "www.lafrench-connexion.com", puis déposé le 18 juillet 2017 la marque verbale française "La french connexion" sous le no 4376927 pour désigner les produits et services visés en classes 35, 36 et 39. 5. Estimant que le dépôt de la marque précitée et l'usage du signe "La French Connexion" à titre de dénomination sociale et nom de domaine constituent des actes de concurrence déloyale et parasitaire à son égard, la société IK Production a mis en demeure la société La French Connexion par courrier du 15 février 2018 de cesser tout usage desdits termes. 6. En dépit de plusieurs échanges, les parties ne sont pas parvenues à trouver une issue amiable à leur litige. 7. C'est dans ce contexte que, par acte du 10 août 2021, la société IK Production a fait assigner la société La French Connexion devant le tribunal judiciaire de Paris dénonçant un dépôt frauduleux de marque et des actes de concurrence déloyale et parasitaire. 8. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 septembre 2022, la société IK Production demande au tribunal de : - Juger que la SAS La French Connexion, immatriculée au R.C.S. de Paris sous le numéro 830 398 145, a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à son encontre dans la mesure où son nom commercial est « La French Connexion » ;- Débouter la SAS La French Connexion de toutes ses demandes, fins et conclusions;- Déclarer que la marque verbale « La French Connexion » déposée à l'INPI le 18 juillet 2017 sous le numéro 4376927 pour les classes 35, 36 et 39 par la SAS La French Connexion a été enregistrée en fraude de ses droits antérieurs;- Ordonner à la SAS La French Connexion de modifier sa dénomination sociale ainsi que tout nom commercial, enseigne, sigle ou autre support et d'ôter toute référence au signe « La French Connexion » dès le prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée après un délai de huit jours calendaires à compter de la date de signification du jugement à intervenir ;- Ordonner à la SAS La French Connexion de procéder aux formalités modificatives nécessaires à la mise à jour de son changement de dénomination sociale auprès du registre du commerce et des sociétés sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard commençant à courir huit jours calendaires après la date du prononcé du jugement à intervenir ;- Ordonner le transfert, à titre gratuit et à effet de la date du jugement à intervenir, de la marque verbale « La French Connexion » déposée à l'INPI le 18 juillet 2017 sous le numéro 4376927 pour les classes 35, 36 et 39 à son bénéfice ainsi que des noms de domaine www.lafrench-connexion.com et www.lafrenchconnexion.co; - L'autoriser et lui donner pouvoir de faire enregistrer ces transferts ou, le cas échéant, faire acter cette nullité auprès des administrations et entités compétentes sur simple présentation d'une copie du jugement à intervenir revêtue de la formule exécutoire ;- A défaut de transfert, déclarer nulle la marque verbale « La French Connexion » déposée à l'INPI le 18 juillet 2017 sous le numéro 4376927 pour les classes 35, 36 et 39 et les noms de domaine www.lafrench-connexion.com et www.lafrenchconnexion.co enregistrés en fraude de ses droits antérieurs;- A titre subsidiaire, ordonner la déchéance de ladite marque pour défaut d'exploitation par la société La French Connexion depuis 5 ans ;- Interdire à la société La French Connexion et à son dirigeant et associé unique, Monsieur [H] [P], de faire usage, déposer et/ou enregistrer un droit ou titre de propriété intellectuelle contenant ou imitant le signe « La French Connexion » ;- Ordonner à la société La French Connexion de supprimer toute référence au signe « La French Connexion » de tout support, notamment son site internet et ses réseaux sociaux, y compris les références faites sur les comptes Facebook, Instagram et LinkedIn de Monsieur [H] [P] son dirigeant et associé unique, sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée après un délai de huit jours à compter de la date de signification du jugement à intervenir ;- Condamner la SAS La French Connexion à lui payer la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts à compter du 15 février 2018, date d'une première mise en demeure ;- Ordonner la capitalisation des intérêts ;- Declarer que le Tribunal de céans sera compétent pour connaître de la liquidation éventuelle des astreintes qu'il aura ordonnées ;- Ordonner la publication d'un extrait du jugement à intervenir reprenant les termes des condamnations prononcées à l'encontre de la SAS La French Connexion, sur les sites internet et pages de réseaux sociaux de la demanderesse, avec une traduction en anglais si elle l'estime utile, ainsi que dans cinq (5) journaux et/ou magazines de son choix dont le nom commercial est « La French Connexion » ;- Condamner la société La French Connexion à supporter l'intégralité des frais de publication de la décision à intervenir, pour un montant maximum de 4.000 euros par insertion ;- Ordonner l'inscription du jugement à intervenir au registre National des Marques (INPI) sur sa requête ;- Condamner la SAS La French Connexion à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Elise Bensimon, avocat aux offres de droit, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile. 9. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2022, la société La French Connexion demande au tribunal de : - Dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute ;- Dire et juger que la société IK Production n'a subi aucun préjudice ;En conséquence,- Débouter la société IK Production de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.- Condamner la société IK Production à lui verser la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens. 10. L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2022 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 26 juin 2023 pour être plaidée. MOTIFS Sur l'atteinte à des droits antérieur de la société IK Production Moyens des parties 11. La société IK Production invoque un droit antérieur sur le signe "La French Connexion" dans la mesure où elle soutient l'utiliser de manière notoire, au-delà d'un périmètre local, comme nom commercial, nom de domaine et marque, pour les services et prestations qu'elle commercialise et ce, depuis le début de l'année 2017. Elle estime que M. [P], lorsqu'il a procédé à l'immatriculation de sa société et au dépôt de sa marque, connaissait pertinemment l'existence de ces antériorités. Il a donc commis une faute. 12. La société La French Connexion conteste l'existence de tout droit antérieur opposable de la société IK Production. Elle considère que la demanderesse n'établit pas l'exploitation effective, permanente et stable d'un prétendu nom commercial "La French Connexion" sur le territoire français, avant la date du dépôt de sa marque. Outre le fait qu'aucune démarche n'a été faite pour enregistrer un nom commercial sur le registre du commerce et des sociétés de Paris, elle note qu'une société de droit américain, personne morale distincte qui n'est pas dans la cause, a été immatriculée et dénonce, en tout état de cause, l'absence de démonstration d'un risque de confusion. Quant à l'antériorité résultant de l'enregistrement de noms de domaine, elle souligne que la demanderesse ne justifie pas de leur exploitation effective et que les noms de domaine antérieurs au dépôt de l'enregistrement de sa marque renvoient au site internet de la société américaine. Elle conclut que la société échoue à démontrer le caractère notoire de la marque auprès de la clientèle française et estime qu'il n'y a, pour ces trois antériorités invoquées, aucun risque de confusion établi. Appréciation du tribunal 13. L'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi no2014-344 du 17 mars 2014 applicable à la demande de nullité de la marque, dispose que ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment:a) à une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris, pour la protection de la propriété industrielle; b) à une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; c) à un nom commercial ou à une enseigne connus sur l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; [...] 14. L'article 6bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, adoptée en 1883 et modifiée le 28 septembre 1979, dispose que 1) Les pays de l'Union s'engagent, soit d'office si la législation du pays le permet, soit à la requête de l'intéressé, à refuser ou à invalider l'enregistrement et à interdire l'usage d'une marque de fabrique ou de commerce qui constitue la reproduction, l'imitation ou la traduction, susceptibles de créer une confusion, d'une marque que l'autorité compétente du pays de l'enregistrement ou de l'usage estimera y être notoirement connue comme étant déjà la marque d'une personne admise à bénéficier de la présente Convention et utilisée pour des produits identiques ou similaires. Il en sera de même lorsque la partie essentielle de la marque constitue la reproduction d'une telle marque notoirement connue ou une imitation susceptible de créer une confusion avec celle-ci.2) Un délai minimum de cinq années à compter de la date de l'enregistrement devra être accordé pour réclamer la radiation d'une telle marque. Les pays de l'Union ont la faculté de prévoir un délai dans lequel l'interdiction d'usage devra être réclamée.3) Il ne sera pas fixé de délai pour réclamer la radiation ou l'interdiction d'usage des marques enregistrées ou utilisées de mauvaise foi. 15. L'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle , dans sa rédaction issue de la loi no91-7 du 4 janvier 1991 dans sa rédaction applicable à la demande de nullité de la marque, dispose qu'est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle. [...] 16. L'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement. 17. Il est constant, en application des dispositions précitées, qu'un nom commercial peut constituer une antériorité à condition d'être connu de l'ensemble du territoire national. Il peut s'agir d'un nom commercial étranger pourvu qu'il ait été utilisé sur le territoire français. Enfin, le signe en cause doit être utilisé comme nom commercial; cet usage doit être constant et non équivoque. 18. L'existence d'un nom de domaine peut également constituer une antériorité rendant le signe indisponible, la liste des antériorités visées à l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle n'étant pas limitative. Pour ce faire, un tel signe doit être exploité, sa protection résultant de l'usage qui en est fait. Un risque de confusion doit être caractérisé, la spécialité d'un nom de domaine s'appréciant de façon concrète au regard des produits, services et activités promus sur le site auquel il conduit. 19. Enfin, une marque seconde en date n'est antériorisée par une marque première en date que si cette marque est elle-même valable. S'il s'agit d'une marque d'usage, elle doit être notoire au jour du dépôt de la marque seconde. Cela suppose la preuve d'une connaissance du signe par une large partie du public à titre de marque et concerner des produits ou services similaires. 20. En l'espèce, la marque "La French Connexion" a été déposée le 18 juillet 2017. C'est à cette date que doit s'apprécier la disponibilité du signe. 21. A titre liminaire, il doit être souligné qu'à la date du dépôt de la marque litigieuse, une recherche d'antériorités ne pouvait révéler aucune marque "La French Connexion" détenue par la société IK Production, ni aucun un nom commercial, aucune mention en ce sens n'ayant été portée sur au registre du commerce et des sociétés de Paris ainsi que cela ressort de l'extrait Kbis de la société IK Production du 31 mai 2021. 22. Afin de justifier, en premier lieu, de l'usage du signe "La French Connexion" en tant que nom commercial avant la date de dépôt de la marque litigieuse, la société IK Production verse principalement aux débats des photographies de badges remis à Mme [K], gérante de la société IK Production, lors de salons professionnels, sur lesquels apparaissent, sous son nom, le signe en litige "La French Connexion". Elle affirme à ce titre, que ces rassemblements de renommée mondiale touchent un large public de plus de 500.000 personnes. 23. Cette simple mention ne permet toutefois pas d'établir qu'il s'agit de l'usage du signe à titre de nom commercial de la société IK Production. En effet, outre le fait qu'il n'a pas été procédé à la déclaration d'un tel nom commercial auprès du registre du commerce et des sociétés de Paris, comme cela a été précédemment exposé, ce signe n'est pas associé à la dénomination sociale IK Production sur les preuves versées aux débats. Or, il ressort des pièces produites et des débats que Mme [K] et la société IK Production ont également, dans les mêmes circonstances de temps, le 24 février 2017, fait immatriculer auprès des autorités du Texas, une société de droit américain sous la dénomination sociale La French Connexion LLC, personne morale distincte qui n'est pas dans la cause. Il n'est dès lors pas possible de déduire de la simple mention "La French Connexion" qu'elle fait référence au nom commercial de la société IK Production. 24. En tout état de cause, certaines de ces preuves ne sont pas utiles pour être relatives à des salons qui se sont tenus après la date du dépôt de la marque contestée (comme le salon BPI France Inno Generation du 12 octobre 2017 par exemple), qui ont eu lieu hors de France, comme le salon Smart Cities Connect ou le festival South Bu southwest, qui se sont déroulés à [Localité 5] aux Etats-Unis, ou encore qui ne concernent que Mme [K], comme la lettre de remerciement du CNUM. La photographie des badges remis lors des salons parisiens Viva Technology (en juin 2017) et Leaders à [Localité 6], s'ils permettent de justifier de la présence de Mme [K] en France, sont à eux seuls insuffisants pour démontrer une utilisation significative et stable du signe "La french Connexion" à titre de nom commercial de la société IK Production, dans la vie des affaires, sur le territoire français. 25. Au surplus, la société IK Production ne démontre pas l'existence d'un risque de confusion en procédant à une comparaison entre les services visés par le nom commercial, le conseil en communication sous toutes ses formes et par tout moyen, et les services visés en classes 35, 36 et 39 dans lesquelles la marque de la société La French Connexion est enregistrée. Ce moyen ne peut donc prospérer. 26. La société IK Production justifie ensuite, au moyen de factures remises par la société OVH, être titulaire des noms de domaine suivants, dont elle se prévaut comme autant d'antériorités opposables à la société La French Connexion: www.thefrenchconnexion.paris (réservé le 9 février 2017), www.lafrenchconnexion.com (réservé le 9 février 2017), www.lafrenchconnexion.fr (réservé le 9 février 2017), www.lafrench-connexion.paris (réservé le 16 mars 2018), www.lafrenchconnexion.org (réservé le 16 mars 2018), www.lafrenchconnexion.eu (réservé le 17 mars 2018), www.lafrench-connexion.eu (réservé le 17 mars 2018), www.lafrench-connexion.us (réservé le 17 mars 2018), www.lafrenchconnexion.us (réservé le 17 mars 2018). Elle affirme elle-même que les adresses www.thefrenchconnexion.paris et www.lafrenchconnexion.fr renvoient au site internet principal www.lafrenchconnexion.com. 27. Cependant, seuls les noms de domaine enregistrés avant le dépôt de la marque litigieuse en juillet 2017 peuvent être retenus comme de potentielles antériorités, sous réserve que leur exploitation effective soit démontée. En effet, la seule réservation d'un nom de domaine, justifiée au moyen de la facture remise par OVH, est insuffisante. Or, la société IK Production ne justifie pas de l'activité des trois sites correspondant aux noms de domaine réservés le 9 février 2017, à la date du dépôt de la marque contestée. Ces noms de domaine ne peuvent donc valoir antériorités opposables. 28. S'agissant enfin de la marque notoire invoquée par la société IK Production, cette dernière ne produit aux débats aucune pièce utile permettant de retenir que le signe "la French Connexion" est utilisé de manière notoire dans la vie des affaires françaises en tant que signe de ralliement de la clientèle pour désigner les services qu'elle commercialise, et qu'elle est connue comme telle par une large partie du public. La participation à deux salons professionnels est une preuve insuffisante. 29. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que la société IK Production ne démontre pas l'existence d'antériorités, qu'il s'agisse d'un nom commercial, d'un nom de domaine ou d'une marque notoire, qui soient valablement opposables à la société La French Connexion. Par conséquent, elle sera déboutée de l'ensemble de ses demandes sur ce fondement. Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaires Moyens des parties 30. La société IK Production estime que M. [P] tente de capter la valeur économique créée sous couvert d'une confusion entretenue entre les activités respectives des deux sociétés. Elle note que l'activité réelle de la défenderesse dépasse le domaine de la gastronomie pour concerner le luxe, voire le marché des nouvelles technologies, ce qui démontre bien que son représentant légal entend placer sa société dans son sillage. Elle ajoute d'ailleurs que cette confusion se traduit de manière effective par des courriels personnalisés qu'elle reçoit désormais en rapport avec l'Asie et la gastronomie, M. [P], qui plaît à se désigner comme "directeur commercial" de la société, laissant ainsi penser qu'il occupe un poste haut placé en son sein. Elle soutient qu'il développe des relations avec ses partenaires historiques et qu'il affirme lui-même ne pas exclure de développer des activités aux Etats-Unis. Elle estime la confusion opérée entre ses activités et celles de la société La French Connexion très préjudiciable pour ses affaires et dénonce une atteinte à son image. Elle demande réparation pour le préjudice matériel et moral qu'elle a subi de ce fait. 31. La société La French Connexion estime que la société IK Production ne démontre pas l'existence d'une valeur économique individualisée lui procurant un avantage concurrentiel avant sa date d'immatriculation et qu'aucun élément probant n'est rapporté tendant à prouver sa volonté de s'inscrire dans son sillage, alors qu'elles évoluent dans des domaines d'activité qui ne se rejoignent pas et qu'elles ont fait des choix complètement différents dans leur communication visuelle. Elle ajoute que la demanderesse ne justifie d'aucun préjudice indemnisable. Appréciation du tribunal 32. Selon les articles 1240 et 1241 du Code civil, "Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence". 33. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion. L'appréciation de cette faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété. 34. Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il constitue une déclinaison mais dont la caractérisation est toutefois indépendante du risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et de façon injustifiée des investissements, d'un savoir-faire, de la notoriété ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée, et générant un avantage concurrentiel. 35. En l'espèce, la société IK Production ne justifie d'aucun élément, notamment chiffré, de nature à établir l'existence d'une valeur économique individualisée lui procurant un avantage concurrentiel dont elle soutient qu'elle aurait été captée par la société La French Connexion. 36. Elle ne démontre pas davantage que la société défenderesse, qui justifie accompagner des marques françaises de produits gastronomiques et d'équipements professionnels dans leur implantation sur le marché asiatique, activité distincte de celle exercée par la société demanderesse sur un marché différent, se serait placée dans son sillage pour profiter sans bourse délier, de ses investissements. 37. Le fait que M. [P] se présente comme "directeur commercial" de sa société sur sa page du site Linkedin, que Mme [K] soit démarchée par des société asiatiques, ou que la société La French Connexion fréquente les mêmes salons professionnels n'est pas de nature à démontrer un comportement contraire à la loyauté des affaires, alors que la société La French Connexion justifie au contraire de supports de communication visuels aux univers graphiques très différents. 38. A défaut de prouver une faute commise par la société La French Connexion, la société IK Production sera déboutée de ses demandes sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire. Sur la déchéance de la marque verbale française "La French Connexion" no4376927 Moyens des parties 39. La société IK Production soutient que la société défenderesse n'a pas exploité, pendant cinq années depuis son dépôt, le signe distinctif "La French Connexion" tel qu'il a été enregistré, mais avec un trait d'union entre French et Connexion, si bien qu'elle doit être déchue de ses droits sur la marque. 40. Rappelant les termes des dispositions de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, la société La French Connexion expose que l'adjonction d'un simple trait d'union, élément mineur, n'altère pas le caractère distinctif de la marque, tant et si bien que l'usage non discuté de la marque avec un trait d'union permet de justifier de l'exploitation sérieuse de la marque déposée. Appréciation du tribunal 41. L'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l'enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d'Etat.Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :1o L'usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;2o L'usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie;3o L'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;4o L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l'exportation. 42. En l'espèce, il y a lieu de considérer, en application du 3o de l'article précité, que la seule adjonction d'un trait d'union entre les termes "French" et "Connexion" dans les usages, au demeurant non contestés, que la société défenderesse a fait du signe, n'est pas de nature à modifier la perception qu'en a le consommateur et à en altérer le caractère distinctif. 43. Par conséquent, l'usage du signe "La French-Connexion" vaut usage du signe "La French Connexion" tel qu'il a été enregistré. Le moyen n'étant pas fondé, la société IK Production sera déboutée de sa demande. Sur les demandes annexes 44. Succombant en toutes ses demandes, la société IK Production sera condamnée aux dépens de l'instance qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile. 45. Supportant les dépens, elle sera condamnée à payer à la société La French Connexion la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 46. L'exécution provisoire de la présente décision est de droit. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL DÉBOUTE la société IK Production de l'ensemble de ses demandes; CONDAMNE la société IK Production aux dépens de l'instance qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile; CONDAMNE la société IK Production à payer à la société La French Connexion la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit par provision. Fait et jugé à Paris le 12 octobre 2023 LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000048550590 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550590.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 28 septembre 2023, 20/07093 | 2023-09-28 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/07093 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 20/07093 No Portalis 352J-W-B7E-CSQ4C No MINUTE : Assignation du :30 juin 2020 JUGEMENT rendu le 28 septembre 2023 DEMANDERESSE Société ALU GOLD[Adresse 5][Adresse 5][Localité 7] (PORTUGAL) représentée par Me Antoine CHÉRON de la SELARL ACBM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2536 DÉFENDERESSES S.A. LEROY MERLIN FRANCE[Adresse 6][Localité 1] S.A. GROUPE ADEO[Adresse 3][Adresse 3][Localité 2] représentée par Me Guillaume HENRY de l'AARPI SZLEPER HENRY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0017 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 23 mai 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que la décision serait rendue le 14 septembre 2023.Le délibéré a été prorogé au 28 septembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Magistrat signataire : Madame Elodie GUENNEC (article 456 du code de procédure civile), la présidente Madame Nathalie SABOTIER étant empêchée. EXPOSÉ DU LITIGE 1. La société de droit portugais Alu Gold se présente comme spécialisée dans la commercialisation de portails, portes d'entrées, portes de garages, clôtures, garde-corps, volets et fenêtres auprès de clients particuliers et professionnels. 2. Elle indique exercer ces activités sous l'enseigne et le nom commercial 123 PVC ALU et disposer, depuis août 2019, d'un établissement secondaire en France exerçant sous ce même nom commercial. 3. Elle est titulaire de la marque portugaise " 123 PVC ALU " no562836 déposée le 1er avril 2016 et enregistrée le 25 juillet 2016 et des marques de l'Union Européenne " 123 PVC ALU " no018102959, déposée le 27 août 2019 et enregistrée le 3 janvier 2020, et " 123 PVCALU " no018115311, déposée le 2 août 2019 et enregistrée le 22 mai 2020 (sans espace entre PVC et ALU). Ces marques désignent en classe 6 les produits suivants : " Portes, portails, fenêtres et revêtements de fenêtres métalliques ". 4. La société Alu Gold exerce notamment son activité sur le site internet accessible à l'adresse " www.123pvcalu.com " dont elle a réservé le nom de domaine le 10 mai 2017. 5. La société Leroy Merlin France, qui est une filiale de la société Groupe Adeo, se présente comme spécialisée dans la commercialisation de produits de bricolage et de décoration et indique avoir pour activité l'exploitation, directe ou par l'intermédiaire de franchisés, de magasins de bricolage pour les particuliers et les professionnels. Elle indique proposer à la vente plusieurs dizaines de milliers de références, dont des portails. 6. La société Alu Gold indique avoir constaté en novembre 2019 que les termes " 123 PVC ALU " apparaissaient dans le titre, la description et l'adresse URL d'une annonce sur le moteur de recherche Google et dans le titre et la description de la page internet correspondante sur le site internet " www.[04].fr ". 7. Estimant que ses marques étaient reproduites, la société Alu Gold a fait dresser un procès-verbal de constat sur internet par un huissier de justice les 29 novembre 2019 et 10 mars 2020. 8. Par courrier du 5 novembre 2019, la société Alu Gold a sollicité auprès de la société Leroy Merlin la désindexation et la suppression de la page internet litigieuse. N'ayant pas obtenu de réponse, elle a réitéré ses demandes par courrier recommandé du 27 mai 2020. 9. C'est dans ce contexte que par acte du 30 juin 2020, la société Alu Gold a fait assigner les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adéo devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de ses marques de l'Union Européenne et en concurrence déloyale et parasitaire. 10. La société Leroy Merlin indique avoir supprimé l'annonce litigieuse à la réception de l'assignation. 11. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 novembre 2022, la société Alu Gold demande au tribunal de : - La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;- Dire qu'en faisant usage de ses marques de l'Union européenne 123 PVCALU no 018115311 et 123 PVC ALU no018102959, par leur reproduction à différentes reprises dans une annonce de Leroy Merlin référencée naturellement sur Google et sur les pages de son site www.[04].fr sur lesquelles sont proposés des produits identiques à ceux visés lors de l'enregistrement de cette marque, les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adeo se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon à son préjudice;- Dire qu'en utilisant son nom commercial et son enseigne 123 PVC ALU, ainsi que son nom de domaine www.123pvcalu.com, par leur reproduction à différentes reprises dans une annonce de Leroy Merlin référencée naturellement sur Google et sur les pages de son site www.[04].fr sur lesquelles sont proposés des produits identiques à ceux qu'elle commercialise sur son site internet www.123pvcalu.com, les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adeo ont commis à son encontre des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;Par conséquent :- Interdire aux sociétés Leroy Merlin et Groupe Adeo tout usage de ses marques de l'Union européenne 123 PVCALU no 018115311 et 123 PVC ALU no018102959 pour des produits identiques ou similaires à ceux visés lors de l'enregistrement de ladite marque sur tout support, présent ou futur, et ce sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir ;- Interdire aux Leroy Merlin et Groupe Adeo tout usage du nom commercial et de l'enseigne 123 PVC ALU et du nom de domaine www.123pvcalu.com sur tout support, présent ou futur, et ce sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir ;- Condamner aux sociétés Leroy Merlin et Groupe Adeo à lui verser la somme provisionnelle de 532.800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre, ce montant étant réparti comme suit : 332.800 euros au titre du préjudice commercial et 200.000 au titre du préjudice moral ; sauf à parfaire par les éléments comptables qui seront communiqués par les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adeo ;- Condamner les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adeo à lui verser la somme de 532.800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l'utilisation de son nom commercial, de son enseigne et de son nom de domaine constitutive de concurrence déloyale et parasitaire ;- Ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues de son choix et aux frais des sociétés Leroy Merlin et Groupe Adeo, dans la limite d'un plafond hors taxes global de 200.000 euros pour l'ensemble des trois publications, et ce, au besoin, à titre de dommages et intérêts complémentaires ;- Ordonner l'inscription par extraits du jugement à intervenir sur la page d'accueil du site internet édité par les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adeo accessible à l'adresse www.[04].fr sur un espace égal à un quart de l'écran, pendant une durée de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard ;- Condamner les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adeo à lui verser la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- Condamner les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adeo aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais de constats, dont distraction au profit de la SELARL ACBM représenté par Maître Cheron, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. 12. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 novembre 2022, les sociétés Leroy Merlin France et Groupe Adeo demandent au tribunal de : Sur la contrefaçon:A titre principal: - Juger que les marques de l'Union européenne " 123 PVCALU " no 018115311 et " 123 PVC ALU " no 018102959 sont dépourvues de caractère distinctif et descriptives ; En conséquence, - Prononcer la nullité des marques de l'Union européenne " 123 PVCALU " no 018115311 et " 123 PVC ALU " no 018102959 pour les produits visés en classe 6 " Portes, portails, fenêtres et revêtements de fenêtre métalliques " et dire qu'une fois le jugement définitif, il pourra être inscrit sur les registres de l'EUIPO par la partie la plus diligente ; - Débouter la société Alu Gold de toutes ses demandes en contrefaçon. A titre subsidiaire Si par extraordinaire le Tribunal de céans devait considérer que les marques de la société Alu Gold sont valables, - Juger que les sociétés Leroy Merlin et Adeo n'ont pas fait un usage des éléments descriptifs " 123 Pvc Alu Portail " à titre de marque mais à titre d'information ; En conséquence, - Débouter la société Alu Gold de toutes ses demandes en contrefaçon. A titre infiniment subsidiaire Si par extraordinaire le Tribunal de céans devait considérer que les marques de la société Alu Gold sont valables et ont été utilisées à titre de marque, - Juger que les sociétés Leroy Merlin et Adeo n'ont commis aucun acte de contrefaçon à l'encontre des marques de l'Union européenne " 123 PVCALU " no 018115311 et " 123 PVC ALU " no 018102959, en l'absence de risque de confusion ; En conséquence, - Débouter la société Alu Gold de toutes ses demandes en contrefaçon. A titre très infiniment subsidiaire Si par extraordinaire le Tribunal de céans devait considérer que les sociétés Leroy Merlin et Adeo ont commis des actes de contrefaçon, - Juger que la société Alu Gold ne rapporte pas la preuve d'un préjudice ; En conséquence, - Débouter la société Alu Gold de toutes ses demandes. Sur la concurrence déloyaleA titre principal - Juger la société Alu Gold ne rapporte pas la preuve d'avoir pour enseigne et pour nom de domaine le signe " 123 PVC ALU " ; - Juger que la société Alu Gold ne rapporte pas la preuve que les sociétés Leroy Merlin et Adeo ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire ; En conséquence, - Débouter la société Alu Gold de toutes ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire. A titre subsidiaire Si par extraordinaire le Tribunal de céans devait considérer que les sociétés Leroy Merlin et Adeo ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire, - Juger que la société Alu Gold ne rapporte pas la preuve d'un préjudice; En conséquence, - Débouter la société Alu Gold de toutes ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire. En toute hypothèse,- Condamner la société Alu Gold à payer aux sociétés Leroy Merlin et Adeo une somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile; - Condamner la société Alu Gold aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Me Guillaume Henry, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC. 13. Par ordonnance du 15 novembre 2022, le juge de la mise en état a clos l'instruction de l'affaire qui a été renvoyée à l'audience du 23 mai 2023 pour être plaidée et fait injonction aux parties de rencontrer un médiateur. MOTIFS Sur la demande reconventionnelle en nullité des marques de l'Union Européenne " 123 PVC ALU " et " 123 PVCALU " Moyens des parties 14. Les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adeo soulèvent la nullité des marques de l'Union Européenne " 123 PVC ALU " et " 123 PVCALU" pour défaut de distinctivité. Elles exposent en premier lieu que ces marques sont exclusivement constituées d'éléments descriptifs, les séquences combinées " PVC " et " ALU " désignant les matériaux des produits désignés (portes, portails, fenêtres) et l'élément numérique " 123 ", qui se prononce selon elles " cent vingt-trois ", étant descriptif de la dimension (hauteur - largeur) de ces produits, ce que percevrait immédiatement et sans réflexion le public pertinent, particulier comme professionnel, peu important qu'il ne soit pas suivi d'une unité de mesure. Elles soulignent que la dimension de 123 cm est courante en la matière et qu'en tout état de cause, il n'est pas nécessaire que cette dimension existe réellement, dès lors qu'il est démontré qu'elle pourrait exister. Les demanderesses affirment en second lieu que les signes " 123 PVC ALU " et " 123 PVCALU " sont intrinsèquement dépourvus de caractère distinctif. A ce titre, elles indiquent que l'association du signe " 123 ", parfaitement banal puisqu'utilisé depuis plusieurs années de façon intensive dans tous les domaines d'activité et des termes " PVC " et " ALU ", descriptifs des qualités des produits visés, ne peut être perçue comme garantissant l'origine commerciale des produits désignés. Leur combinaison ne peut en conséquence constituer une marque valable. 15. En réponse, la société Alu Gold défend le caractère distinctif de ses marques. Rappelant que celles-ci bénéficient d'une présomption de validité dans la mesure où elles ont été enregistrées sans modification, pour tous les produits visés en classe 6,elle affirme ensuite que l'élément verbal " 123" placé en début de signe n'a aucune signification, même potentielle, auprès du public visé. Elle ajoute que même dans l'hypothèse où une partie du public concerné viendrait à prononcer la marque " cent-vingt-trois PVC ALU ", il ne pourrait associer l'élément numérique " 123 " à la dimension des produits, celui-ci ne correspondant pas aux tailles standards des portails, portes et fenêtres. La société Alu Gold énonce que le fait que l'élément " 123 " soit utilisé au sein de signes non déposés (noms de domaine, enseignes) dans le domaine de la menuiserie notamment ne le rend pas pour autant descriptif de ces produits et s'explique par une volonté d'optimisation du référencement internet de ceux qui y ont recours. Enfin, la société Alu Gold affirme que le caractère usuel d'un élément verbal ne le dénue pas nécessairement de distinctivité au regard des produits et services visés.Appréciation du tribunal 16. L'article 7.1 du Règlement 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, applicable à la date de dépôt des marques en cause, dispose que :" 1. Sont refusés à l'enregistrement:a) les signes qui ne sont pas conformes à l'article 4 ;b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci ;d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce ; (?) " 17. En application de l'article 59 du Règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 précité, la nullité d'une marque de l'Union européenne peut être déclarée notamment sur demande reconventionnelle dans le cadre d'une action en contrefaçon lorsque la marque de l'Union européenne a été enregistrée contrairement aux dispositions de l'article 7. 18. Le caractère distinctif désigne la capacité d'une marque à identifier les produits et services pour lesquels elle est enregistrée comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits et services de ceux d'autres entreprises. 19. La distinctivité d'un signe doit se fonder sur la perception de ces marques par le public pertinent et eu égard aux produits et services désignés par l'enregistrement (CJUE, 21 janvier 2010, Audi c. OHMI, C-398/08 P ; point 34). Elle s'apprécie au jour du dépôt de la marque. 20. A ce titre, le seul fait qu'un signe ait été reconnu distinctif à l'égard de certains produits et services ne préjuge pas de sa distinctivité eu égard à d'autres. 21. L'appréciation du caractère distinctif doit se baser sur l'impression d'ensemble que produit la marque. Néanmoins, cela n'empêche pas l'autorité compétente chargée d'apprécier la distinctivité de la marque de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments constitutifs de la marque concernée (CJUE, 7 mai 2015, Voss of Norway c/ OHMI, C-445/13 P; point 106). 22. Dans le cas de signes verbaux composés, il y a lieu de tenir compte de la signification pertinente de ceux-ci, établie sur la base de tous les éléments dont ces signes sont composés (TUE, 8 février 2011, T-157/08, point 50). 23. En l'espèce, le public pertinent se compose d'une part, de professionnels du secteur souvent chargés de procéder à la pose des produits concernés et d'autre part, du grand public composé de consommateurs moyens de portes, portails, fenêtres et revêtements de fenêtres métalliques. 24. Le signe en litige est composé d'une combinaison de chiffres et de mots. L'acronyme " PVC " est l'abréviation d'origine anglo-saxonne du polychlorure de vinyle, une matière plastique particulière et l'élément " ALU " est l'abréviation d'aluminium. Dans la mesure où ces deux matériaux sont largement utilisés pour la fabrication de portes, portails, fenêtres ou revêtements de fenêtres métalliques et entrent fréquemment dans leur composition, les éléments dominants " PVC " et " ALU " des marques contestées sont perçus par le public pertinent comme descriptifs des produits désignés, ce que ne conteste d'ailleurs pas la société Alu Gold. 25. S'agissant de l'élément numérique " 123 ", et bien que les chiffres qui le composent ne soient pas ponctués, son positionnement en attaque de signe conduira le public pertinent à le lire spontanément comme la suite de chiffres épelés " un deux trois " et non comme " cent vingt-trois ". En outre, cet élément numérique n'est accompagné d'aucune unité de mesure laissant à penser qu'il désignerait une dimension, standard ou non. Dès lors, le moyen selon lequel l'élément " 123 " serait descriptif de la dimension usuelle des portes, portails ou fenêtres désignés par les signes " 123 PVC ALU " et " 123 PVCALU " n'est pas fondé. 26. L'élément numérique " 123 " demeure arbitraire au regard des produits concernés si bien que les marques de l'Union européenne " 123 PVCALU " et " 123 PVC ALU " ne peuvent être regardées comme étant composées exclusivement de signes descriptifs. 27. En revanche, il ressort des pièces versées aux débats que la séquence verbale " 123 " est très largement usitée dans la vie des affaires, en particulier dans le secteur de la vente de portes, portails et fenêtres. En effet, le nombreux noms de domaine reprennent la structure de la séquence numérique " 123 " suivie de termes descriptifs des portes, portails et fenêtres proposés à la vente sur les sites internet affiliés dont les enseignes reprennent également cette même structure ("123portail.fr", "123portail.com", "123portailcoulissant.fr", "123-menuiseries.fr", "123cloture.fr", "123materiaux.com", "123porte.fr", "fenetre123.fr", "123fenetrealu.fr", "menuiserie-123fenetres.fr", "123fenetrepvc.org"). En outre, il est justifié que l'élément d'attaque " 123 ", dont la société Alu Gold admet qu'elle n'a aucune signification particulière, est usuellement utilisé par les opérateurs économiques pour optimiser leur référencement internet depuis l'essor du commerce en ligne. 28. Il est ainsi démontré que le public pertinent est de plus en plus familier, à la date du dépôt de la marque, à l'utilisation de cet élément numérique devenu usuel, dont le caractère faiblement distinctif ne permet pas, à lui seul, de palier la descriptivité des séquences verbales " PVC " et "ALU" auquel il est associé. 29. En conséquence, l'impression d'ensemble produite par les marques " 123 PVC ALU " et " 123 PVCALU ", combinant un élément numérique banal à des termes descriptifs, ne permet pas au consommateur concerné de percevoir l'origine commerciale des produits visés. 30. Eu égard à leur défaut de distinctivité intrinsèque, les marques de l'Union européenne " 123 PVC ALU " no018102959 et " 123 PVCALU " no018115311 sont donc annulées pour l'ensemble des produits qu'elles désignent en classe 6. 31. Les demandes de la société Alu Gold formées au titre de la contrefaçon ne peuvent dès lors qu'être rejetées en l'absence de titre valable à opposer. Sur la concurrence déloyale et parasitaire Moyens des parties 32. La société Alu Gold soutient utiliser le signe " 123 PVC ALU " comme nom commercial, enseigne de son site internet et nom de domaine. Elle fait valoir qu'en usant sciemment de ce signe à titre de mot clé dans le code source de leur site aux fins d'affichage de ces signes dans le titre, la description et l'adresse URL d'une annonce leur appartenant, ainsi que sur les pages de leur propre site internet, les défenderesses cherchent à créer un risque de confusion dans l'esprit des internautes entre les produits qu'elles proposent et ceux de la société Alu Gold. Elle précise que la présence de la marque, de l'enseigne et de la dénomination sociale " Leroy Merlin " des défenderesses dans le titre, la description et l'adresse URL de l'annonce accentue le risque de confusion puisque ces signes distinctifs sont accolés au nom de domaine, au nom commercial et à l'enseigne utilisés, ce qui laisse croire à l'internaute qu'il existe une association entre les parties au litige. Elle ajoute que l'usage du signe " 123 PVC ALU " par les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adéo dans le code de source de leur site internet pour provoquer l'affichage d'une annonce en deuxième ou troisième position sur le moteur de recherche Google a provoqué un détournement de clientèle de la société Alu Gold à leur profit. Elle soutient que les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adéo ont ainsi profité, sans bourse délier, de ses investissements et de sa notoriété. A ce titre, elle affirme avoir réalisé de très importants investissements en matière de communication ce qui permet aujourd'hui à l'enseigne " 123 PVC ALU " de bénéficier d'une notoriété certaine et d'un réel succès auprès des consommateurs. Elle précise que la page Facebook " 123 PVC ALU " est suivie par environ 150.000 personnes ce qui démontre sa notoriété auprès du public concerné. 33. Les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adeo répliquent que les éléments " 123 ", " PVC " et " ALU " sont descriptifs de sorte que leur utilisation ne peut constituer un acte de concurrence déloyale. Elles ajoutent qu'il n'existe pas de risque de confusion entre les sociétés dès lors que les noms de chacune d'elles demeurent parfaitement visibles et identifiables. Par ailleurs, elles font valoir que la société Alu Gold, créée en 2019, ne justifie pas des investissements réalisés et ne démontre pas avoir acquis une notoriété auprès des consommateurs. A ce titre, elles avancent que la plupart des entreprises commerciales sur Facebook " achètent " pour quelques milliers d'euros des centaines de milliers de followers. Elles ajoutent qu'en toute hypothèse, elles ne se sont jamais placées dans le sillage de la société Alu Gold dans la mesure où elles bénéficient d'ores et déjà et depuis de nombreuses années, d'une renommée mondiale, de sorte qu'elles n'ont en aucun cas besoin de se placer dans le sillage d'une société concurrente pour promouvoir la vente de leurs propres produits. Elles précisent qu'en choisissant le signe " 123 PVC ALU ", la société Alu Gold a simplement cherché à s'intégrer plus rapidement sur le marché, comme beaucoup d'autres sociétés. Elles rappellent que le nombre " 123 " est particulièrement usuel dans le domaine des portes, des portails et des fenêtres. Enfin, elles exposent que les éléments " 123 ", " PVC " et " ALU " doivent rester à la libre disposition de tous. Appréciation du tribunal 34. Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, " tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer " et " chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ". 35. La concurrence déloyale, sanctionnée en application des articles 1240 et 1241 du code civil, doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement commercialisé sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur son origine, circonstance attentatoire à l'exercice loyal des affaires. 36. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de l'espèce prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée. 37. L'action en concurrence déloyale peut être intentée même par celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif (Cass. com. 12 juin 2007, no05-17.349). 38. Pour être accueillie, l'action en concurrence déloyale doit être fondée sur des actes distincts de ceux sanctionnés au titre de la contrefaçon (Cass. civ. 1, 15 mai 2015, no13-28.116). 39. Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il constitue une déclinaison mais dont la caractérisation est toutefois indépendante du risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et de façon injustifiée des investissements, d'un savoir-faire, de la notoriété ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée, et générant un avantage concurrentiel. 40. En l'espèce, les parties en présence interviennent toutes deux sur le marché français de la vente de portes, portails et fenêtres. 41. L'enseigne et le nom commercial " 123 PVC ALU " (extrait K-bis) de même que le nom de domaine " www.123pvcalu " (extrait Whois) au regard de leur valeur commerciale, constituent des signes bénéficiant d'une protection juridique autonome dès leur premier usage public, de sorte que la société Alu Gold dont il n'est pas contesté qu'elle a exploité ces signes depuis sa création, est fondée à en solliciter la protection. Il sera toutefois observé qu'ils reprennent les termes composant les deux marques de l'Union Européenne précédemment examinées. 42. Il ressort du procès-verbal de constat dressé par Me [I], commissaire de justice, le 29 novembre 2019, que les défenderesses ont utilisé, de novembre 2019 à juin 2020, le mot clé " 123 Pvc Alu Portail " dans le code source du site internet de la société Leroy Merlin provoquant ainsi l'affichage d'une annonce intitulée " 123 Pvc Alu Portail au meilleur prix | Leroy Merlin " dont la description comporte la mention " 123 Pvc Alu Portail ", laquelle se retrouve également sur les pages internet afférentes. 43. Si le fait de réserver un signe utilisé par un concurrent à titre de mot-clé en vue de provoquer l'apparition d'une annonce dont le contenu, l'adresse URL et les pages internet affiliées reproduisent le signe concerné peut constituer un acte de concurrence déloyale, encore faut-il qu'il en résulte, pour que la demande prospère sur ce fondement, un risque de confusion pour l'utilisateur. 44. Or, il résulte des pièces versées aux débats par la demanderesse que le nom de la société Leroy Merlin demeure visible et identifiable pour chaque usage reproché, la dénomination " Leroy Merlin " étant accolée à la mention contestée "123 Pvc Alu Portail au meilleur prix " au sein de l'annonce internet litigieuse, accompagnant la description de celle-ci et apparaissant également sur l'entête des pages internet proposant les produits ainsi désignés. 45. Ainsi confronté à l'annonce litigieuse puis aux pages internet afférentes, l'internaute reste en capacité de d'identifier l'origine commerciale des produits en cause et ne peut pas croire qu'il se trouve sur le site de la société Alu Gold ou face à des produits proposés par celle-ci. Il en ressort une absence de risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine commerciale des produits objets du litige. 46. En revanche, la société Alu Gold dénonce également un comportement parasitaire de la part des défenderesses, qui doit s'apprécier indépendamment du risque de confusion. 47. Pour démontrer les investissements opérés, sa notoriété sur le marché et le succès auprès des consommateurs, elle produit un article internet intitulé " 123 ALU lance son offre de parrainage " issu de la plateforme " We love customers " (sa pièce no7). Ce document, qui a pour objet de présenter l'offre de parrainage que la société Alu Gold propose à ses clients, la qualifie de " leader européen dans la fabrication de portes, fenêtres et portails ", sans toutefois que cette affirmation ne soit davantage étayée. En revanche, la société Alu Gold se prévaut d'une attestation d'expertise comptable recensant des investissements de création, développement, promotion et commercialisation de ses produits à hauteur de 138.376,51 euros pour l'année 2020 (ce qui correspond à une augmentation de plus de 95 000 euros par rapport à l'année précédente). 48. La société Alu Gold justifie encore être suivie par près de 150.000 personnes sur sa page Facebook ainsi que cela ressort du procès-verbal de constat dressé par Me [I] le 10 mars 2020, ce qui traduit une notoriété relative; si les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adeo avancent qu'il est aisé de recourir à " l'achat de followers " en ligne, aucun élément ne prouve que la société Alu Gold y ait eu effectivement recours. 49. La société Alu Gold fait enfin état d'investissements publicitaires dédiés à cette page Facebook pour l'année 2020, ne produisant toutefois qu'une copie d'écran d'une " page statistiques " pour en justifier, et plus globalement d'investissements visant à augmenter la notoriété de ses marques et de son image à hauteur de 759.293 euros pour cette même année 2020, en forte augmentation par rapport à l'année précédente. Elle produit à ce titre une attestation de son expert-comptable datée du 28 avril 2022, étant souligné qu'il s'agit d'une société portugaise qui dispose d'un établissement secondaire en France. Dès lors, la société Alu Gold démontre avoir procédé à des investissements croissants et justifie de son essor. 50. Or, en mentionnant les termes "123 PVC alu" qui correspondent au nom commercial et au nom de domaine de la société demanderesse, à titre de méta-tag dans le code source de la page www.[04].fr ou dans le contenu de la balise titre du document, les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adeo orientent sciemment le résultat des recherches sur internet et redirigent la clientèle qui formule une requête sur un moteur de recherche à partir de cette terminologie vers leurs annonces. Il s'agit donc d'un détournement de clientèle, en dehors même de tout risque de confusion, puisque le client peut voir qu'il est sur le site de la société Leroy Merlin mais finalement y trouver ce qu'il recherche. Les sociétés défenderesses tirent de ce fait profil des investissements auxquels la société Alu Gold a procédé pour accroître sa notoriété, ce qui s'apparente à un agissement parasitaire. 51. S'agissant du préjudice subi, la société Alu Gold ne justifie pas que sa croissance ait, pendant la période litigieuse, qui s'étend de novembre 2019 à juin 2020, stagné. Il ressort au contraire de l'attestation de son expert-comptable précitée que son chiffre d'affaire a augmenté pendant la période (4.043.004,51 euros pour la période de janvier 2019 à décembre 2019 puis 5.288.611,71 euros pour la période de janvier 2020 à décembre 2020), étant au demeurant souligné que la période a été marquée par la crise sanitaire lié au covid-19. 52. En revanche, la société Alu Gold justifie avoir été amenée à augmenter très sensiblement ses investissements pour la promotion de ses produits (42.628,48 euros HT investis en 2019, contre 138.376,51 euros HT en 2010 et 121.441,26 euros HT en 2021) ainsi que les dépenses exposées pour valoriser son image et maintenir ses objectifs commerciaux. Elle justifie ainsi d'un préjudice économique qu'il convient d'évaluer à la somme de 50.000 euros. La société Alu Gold échoue en revanche dans sa démonstration d'un préjudice moral qui résulterait d'une banalisation de son image. Le préjudice est ainsi entière réparé sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure de publication. 53. Les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adéo seront donc condamnées à payer à la société Alu Gold la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts sur ce fondement. Les autres demandes seront rejetées. Sur les demandes annexes 54. Succombant à titre principal, les sociétés Leroy Merlin et Groupe Adeo seront tenues aux dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL ACBM représentée par Me Cheron, sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 55. Supportant les dépens, elles seront condamnées à payer à la société Alu Gold la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 56. Il convient de rappeler que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit mais qu'elle est écartée s'agissant de la mesure de transcription. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, PRONONCE la nullité des marques de l'Union Européenne " 123 PVC ALU " no018102959 et " 123 PVCALU " no018115311 pour l'ensemble des produits qu'elles désignent en classe 6 ; DIT que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'EUIPO pour sa transcription sur le registre des marques à l'initiative de la partie la plus diligente ; DÉBOUTE en conséquence la société Alu Gold de ses demandes fondées sur la contrefaçon de marques; CONDAMNE les sociétés Leroy Merlin France et Groupe Adeo à payer à la société Alu Gold la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du dommage causé par les faits de parasitisme et rejette les autres demandes fondées sur la concurrence déloyale; DIT n'y avoir lieu à ordonner une mesure de publication; CONDAMNE les sociétés Leroy Merlin France et Groupe Adeo aux dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL ACBM représentée par Me Cheron, sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile; CONDAMNE les sociétés Leroy Merlin France et Groupe Adeo à payer à la société Alu Gold la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit sauf en ce qui concerne la mesure de transcription. Fait et jugé à Paris le 28 septembre 2023 LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000048550591 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550591.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 28 septembre 2023, 22/03217 | 2023-09-28 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/03217 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 22/03217 No Portalis 352J-W-B7G-CWH4N No MINUTE : Assignation du :03 mars 2022 JUGEMENT rendu le 28 septembre 2023 DEMANDERESSE S.A.S. DIM FRANCE (anciennement HANES FRANCE) [Adresse 1][Adresse 1] représentée par Me Yves BIZOLLON de l'AARPI BIRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0255 DÉFENDERESSES S.A.S.U. IMS DISTRIBUTION[Adresse 3] [Adresse 3][Adresse 3] S.A.R.L. DISTRIBUTION INSTRUMENTS DE MUSIQUE-D.I.M.[Adresse 3] [Adresse 3][Adresse 3] représentées par Me Yves COURSIN de l'AARPI COURSIN CHARLIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2186 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière DÉBATS A l'audience du 06 juin 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 28 septembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Magistrat signataire : Madame Elodie GUENNEC (article 456 du code de procédure civile), la présidente Madame Nathalie SABOTIER étant empêchée. 1. La société DIM FRANCE, anciennement Hanes France, a pour activité la fabrication et la commercialisation de sous-vêtements, de lingerie, bas et collants qu'elle commercialise notamment sous la marque DIM partout en France par l'intermédiaire de ses boutiques. 2. Elle est à ce titre titulaire des marques suivantes : - Marque semi-figurative française "DIM" no 1361813, déposée le 1er juillet 1986 pour désigner les produits et services visés par les classes 1 à 42, Marque semi-figurative no 1361813 - Marque semi-figurative française"DIM" no 3813672, déposée le 11 mars 2011 pour désigner des produits visés en classe 25, Marque semi-figurative no3813672 - Marque verbale française"DIM" no 1413016, déposée le 11 juin 1987 pour désigner des produits visés en classe 25. 3. Elle indique être titulaire des noms de domaine <dim.fr> et <dim.com>. 4. Les sociétés Distribution Instruments de Musique - DIM et IMS Distribution indiquent être des sociétés s?urs qui ont pour activité la distribution d'instruments de musique, de matériel de sonorisation et microphones professionnels. 5. Elles exercent cette activité sous le sigle "DIM FRANCE" notamment par l'intermédiaire du site internet "dimfrance" accessible par les noms de domaines <dimfrance.fr> et <dimfrance.com>. Signe utilisé par les défenderesses sur leur site internet 6. Estimant que l'usage de la dénomination "DIM FRANCE" portait atteinte aux droits attachés à ses marques, la société DIM France a mis en demeure la société Distribution Instruments de Musique - DIM par courrier des 28 juillet 2020 et 21 octobre 2020 de supprimer les noms de domaines <dimfrance.fr> et <dimfrance.com>, de modifier sa dénomination sociale et son enseigne pour retirer le signe "DIM", de retirer les usages des signes "DIM", "DIM FRANCE" et du logo utilisé par les défenderesses sur le site internet dimfrance.com et tout support et de modifier le nom de ses pages Facebook et Youtube. 7. Par courrier des 4 août et 30 octobre 2020, la société Distribution Instruments de Musique - DIM a répondu négativement aux demandes de la société DIM France. 8. Le 3 septembre 2021, la société DIM France a initié une procédure SYRELI auprès de l'AFNIC afin de se voir attribuer le nom de domaine <dimfrance.fr>. Cette demande a été rejetée par le collège SYRELI de l'AFNIC par décision du 21 octobre 2021. 9. La société DIM France indique ne pas avoir souhaité former un recours. 10. Par actes séparés du 3 mars 2022, la société DIM France a assigné les sociétés Distribution Instruments de Musique - DIM et IMS Distribution devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marque. 11. Le 18 mars 2022, la société anciennement dénommée Hanes France a modifié sa dénomination sociale en DIM FRANCE SAS. 12. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 septembre 2022, la société DIM France (anciennement Hanes France) demande au tribunal de : - Dire Et Juger que les sociétés IMS Distribution et Distribution Instruments de Musique – D.I.M. ont commis des actes de contrefaçon en portant atteinte aux marques de renommée no1361813 , no3813672, et « DIM » no1413016 et a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société DIM France ;En conséquence :- Interdire aux sociétés IMS Distribution et Distribution Instruments de Musique – D.I.M. la poursuite des agissements litigieux, à savoir les usages des signes « DIM France », «DIMFRANCE », et «DIM», ainsi que de tout autre signe similaire, sous astreinte définitive de 1.000 € par infraction constatée et par jour de retard, passé un délai de huit (8) jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;- Ordonner le transfert des noms de domaine <dimfrance.fr> et <dimfrance.com> au bénéfice de la société DIM France ;- Dire que la partie la plus diligente pourra faire procéder à l'exécution de la décision à venir sur ce point en adressant le jugement à intervenir à l'organisme de gestion des noms de domaine compétent ;- Ordonner aux sociétés IMS Distribution et Distribution Instruments de Musique – D.I.M. de supprimer toute référence aux signes « DIM FRANCE », « DIM », quel que soit le support, y compris sur ses futurs sites Internet, ses réseaux sociaux, sous astreinte définitive de 1.000 € par infraction constatée par jour, passé un délai de huit (8) jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;- Condamner in solidum les sociétés IMS Distribution et Distribution Instruments de Musique – D.I.M. à verser à la société DIM France la somme de 50.000 € au titre du préjudice économique engendré par les actes de contrefaçon ; - Condamner in solidum les sociétés IMS Distribution et Distribution Instruments de Musique – D.I.M. à verser à la société DIM France la somme de 30.000 € au titre du préjudice moral subi en raison des actes de contrefaçon ;- Condamner in solidum les sociétés IMS Distribution et Distribution Instruments de Musique – D.I.M. à verser à la société DIM France une indemnité de 20.000 € au titre des actes déloyaux et parasitaires ;- Dire et juger que le Tribunal se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte ainsi prononcée, conformément aux dispositions de l'article L131-3 du Code des procédures civiles d'exécution ;- Condamner les sociétés IMS Distribution et Distribution Instruments de Musique – D.I.M. à payer à la société DIM France la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- Condamner les sociétés IMS Distribution et Distribution Instruments de Musique – D.I.M. aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Yves Bizollon, Avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de Procédure Civile. 13. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 novembre 2022, les sociétés IMS Distribution et Distributions Instruments de Musique demandent au tribunal de : -rejeter toutes les demandes de la société DIM FRANCE ;-condamner la société DIM France à payer aux sociétés Distribution Instruments De Musique et IMS, la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter tous les dépens. 14. L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance du 15 novembre 2022 et renvoyée à l'audience du 06 juin 2023 pour être plaidée. SUR CE Sur l'atteinte à la renommée Moyens des parties 15. La société DIM France soutient que les marques DIM jouissent d'une très forte renommée en France. Elle soutient que le signe "DIM FRANCE" est fortement similaire à la marque DIM et que le terme "France" qui est une simple indication géographique du territoire sur lequel le service est rendu n'est pas distinctif. Elle soutient également que le logo utilisé sur le site Internet est très proche de celui utilisé par la marque DIM no 3813672. 16. Elle fait valoir qu'en matière d'atteinte à une marque de renommée, il suffit que le degré de similitude entre la marque jouissant d'une renommée et le signe contesté ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque. Selon elle, la similarité des produits ou services n'est qu'un des critères qui peut être pris en compte pour établir que le consommateur moyen pourrait associer les marques comparées. 17. La société DIM France allègue que l'usage des noms de domaine <www.dimfrance.fr> et <www.dimfrance.com> et l'usage du signe DIM FRANCE comme nom commercial et enseigne, par les sociétés défenderesses est susceptible de faire croire aux consommateurs que la société Distribution Instruments de Musique est une filiale de la société DIM France. 18. Elle soutient également que ces usages permettent aux défenderesses de tirer profit de la renommée de la marque DIM en attirant des consommateurs à la recherche du site Internet de la marque DIM. Elle fait également valoir que ces usages diminuent la valeur économique et diluent la renommée de la marque DIM. 19. Les sociétés IMS Distribution et Distribution Instruments de Musique répliquent que le fait qu'une marque jouisse d'une renommée dans un secteur spécifique ne permet pas à son titulaire d'empêcher tout usage d'un signe identique ou similaire si les produits et la clientèle visée sont différents. Elles soutiennent que l'usage du signe "DIM FRANCE" ne porte pas atteinte au caractère distinctif de la marque "DIM" car le signe "DIM" est souvent utilisé à titre de dénomination sociale, nom commercial ou marque dans de nombreux secteurs économiques. 20. Elles ajoutent que les clientèles visées, à savoir d'une part la clientèle grand public intéressée par les sous-vêtements et d'autre part une clientèle professionnelle de revendeurs d'instruments de musique et d'appareils de prise de son, sont trop différentes pour que l'usage du signe "DIM" ait influencé le comportement du consommateur. Elles en concluent qu'elles n'ont pas tiré indument profit de la marque "DIM" ou porté atteinte à son caractère distinctif. Appréciation du tribunal 21. Selon l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle « est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe identique ou similaire à la marque jouissant d'une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice ». 22. Selon l'article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle « l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4 ». 23. Il est rappelé que la protection conférée aux marques jouissant d'une renommée n'est pas subordonnée à la constatation d'un risque d'assimilation ou de confusion ; qu'il suffit que le degré de similitude entre une telle marque et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque (v. en ce sens Cass. Com. 12 avril 2016 pourvoi no14-29.414 Bull. 2016 IV no64). 24. Ce texte réalise la transposition en droit interne de l'article 5 paragraphe 2 de la Directive no89/104/CE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (codifiée par la Directive no2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008). 25. La Cour de justice de l'Union européenne dit pour droit par son arrêt du 23 octobre 2003 Adidas-Salomon AG (Aff. C-408/01) que « 2) La protection conférée par l'article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104 n'est pas subordonnée à la constatation d'un degré de similitude tel entre la marque renommée et le signe qu'il existe, dans l'esprit du public concerné, un risque de confusion entre ceux-ci. Il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque ». 26. Elle rappelle aux points 28 à 30 de l'arrêt que « 28. La condition d'une similitude entre la marque et le signe, visée par l'article 5, paragraphe 2, de la directive, suppose l'existence, en particulier, d'éléments de ressemblance visuelle, auditive ou conceptuelle [voir, à propos de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL C-251/95, Rec. p. I-6191, point 23 in fine, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, Rec. p. I-3819, points 25 et 27 in fine]. / 29. Les atteintes visées à l'article 5, paragraphe 2, de la directive, lorsqu'elles se produisent, sont la conséquence d'un certain degré de similitude entre la marque et le signe, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre le signe et la marque, c'est-à-dire établit un lien entre ceux-ci, alors même qu'il ne les confond pas (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 1999, General Motors, C-375/97, Rec. p. I-5421, point 23). / 30. L'existence d'un tel lien doit, de même qu'un risque de confusion dans le cadre de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive, être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, pour le risque de confusion, arrêts précités SABEL, point 22, et Marca Mode, point 40) ». 27. La Cour de justice précise par son arrêt du 27 novembre 2008 Intel Corporation Inc. (Aff. C-252/07) appliquant les dispositions libellées en termes en substance identique de l'article 4, paragraphe 4 sous a) que « 41. l'existence d'un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (?) / 42 Parmi ces facteurs peuvent être cités :- le degré de similitude entre les marques en conflit ;- la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné ;- l'intensité de la renommée de la marque antérieure ;- le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l'usage, de la marque antérieure;- l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public ». 28. Cette même décision ajoute « certaines marques peuvent avoir acquis une renommée telle qu'elle va au-delà du public concerné par les produits ou les services pour lesquelles ces marques ont été enregistrées. / 52 Dans une telle hypothèse, il est possible que le public concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée effectue un rapprochement entre les marques en conflit alors même qu'il serait tout à fait distinct du public concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée. / 53 Dès lors, aux fins d'apprécier l'existence d'un lien entre les marques en conflit, il peut être nécessaire de prendre en considération l'intensité de la renommée de la marque antérieure, afin de déterminer si cette renommée s'étend au-delà du public visé par cette marque ». 29. En l'espèce, la marque verbale « DIM » no 1361813, et les marques semi-figuratives no1361813 no3813672 reprennent chacune le signe constitué des trois lettres « DIM ». La renommée 30. La demanderesse rappelle qu'elle a développé son activité depuis les années 1950 par l'invention de plusieurs techniques innovantes dans le secteur des sous-vêtements féminins : « collants en nylon, collants sans couture, collant sans démarcation, mi-bas, bas auto-fixant, dim-up et soutien-gorge push-up ». 31. Elle démontre que sa marque est particulièrement reconnue par la presse spécialisée qui souligne sa notoriété, sa popularité auprès des consommateurs français. Un sondage portant suivi des marques en France pour l'année 2021 indique que 82% des sondés connaissent « Dim » lorsqu'on leur demande évoquant toutes les catégories de sous-vêtements. Plusieurs de ses vidéos promotionnelles sont vues plusieurs centaines de milliers de fois sur internet. 32. La marque DIM bénéficie donc d'une renommée établie. Le risque de lien entre les marques 33. Les signes verbaux en litige employés par la défenderesse sont, « DIM », « DIM France » et « DIMFRANCE ». S'y ajoute le signe semi-figuratif . Ils sont utilisés dans la vie des affaires pour commercialiser des instruments de musique dans plusieurs dizaines de points de vente en France. 34. Phonétiquement, le signe « DIM » est identique aux marques en cause quoiqu'il représente les premières lettres des mots « Distribution Instrument de Musique », il n'est pas ponctué de points et se prononce donc comme un seul mot, de la même façon que la marque renommée. La prononciation diffère par l'ajout du mot « France » mais l'attaque « Dim » est identique. 35. Visuellement, les signes apparaissent constitués des trois mêmes lettres auxquelles s'adjoignent le mot France pour les trois dernières occurrences. Les logos semi-figuratifs diffèrent par la mention du mot « France » mais sont semblables par leurs autres éléments : lettres angulaires enserrées par un rectangle, présentant des angles arrondis, lettre « I » occupant un espace réduit entre deux blocs de taille identique constitués par les lettres « D » et « M » ayant une forme carré. 36. Conceptuellement, les signes ne renvoient à aucune idée ou concept connu sauf à considérer le mot France qui peut évoquer le lieu de l'activité du titulaire du signe ou la provenance des produits, mais qui n'est pas reprise des marques renommées. 37. La nature des produits en cause est différente. La demanderesse utilise systématiquement sa marque pour commercialiser des sous-vêtements. La société défenderesse, utilise les signes en litige pour commercialiser des instruments de musique. 38. L'intensité de la renommée est contestée en raison de cette différence. Si les marques « DIM » bénéficient d'une grande renommée, celle-ci est associée à son activité de fabricant et commerçant de sous-vêtements et ne s'est pas étendue aux instruments de musique. 39. Le caractère distinctif intrinsèque des marques « DIM » est particulièrement fort alors que l'adjonction de ces trois lettres ne signifie rien en langue française et ne renvoi à aucun autre fait ou élément que la marque elle-même ou ses produits. Ce caractère distinctif est toutefois à relativiser car de nombreuses sociétés utilisent le signe DIM comme dénomination sociale et de nombreuses marques « DIM » sont déposées auprès de l'INPI. Une marque semi-figurative incluant les lettres DIM est par ailleurs enregistrée pour désigner des vêtements et certains sous-vêtements de sport. 40. Le public pertinent, le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de produits de sous-vêtements. Comprenant la différence d'activité et de nature des produits avec un commerçant d'instruments de musique, le public pertinent n'est susceptible d'aucune confusion alors qu'il est peu commun que ces deux activités soient proposées par un même fabricant. 41. En revanche, le public concerné établira un lien entre le signe semi-figuratif utilisé par les sociétés défenderesses et les deux marques semi-figuratives de la société DIM France (anciennement Hanes France), en particulier à raison de la grande proximité entre les signes. En outre, la particulière notoriété de la marque DIM auprès du public français est de nature à renforcer ce lien. Celui-ci sera également établi si ce logo est augmenté des mots « Audio Music », le public concerné associant les deux logos en raison de leur ressemblance. 42. Tenant compte du grand nombre de sociétés employant les mot « Dim » dans leur dénomination sociale et de la différence d'activité réduisant le risque de confusion ; ce lien ne saurait s'étendre à l'emploi des signes « DIM », « DIM France » ou « DIMFRANCE ». 43. La demande est rejetée en tant qu'elle porte sur ces trois signes et sur les noms de domaine <dimfrance.fr> et <dimfrance.com> alors que le droit de propriété intellectuel allégué n'est pas démontré. L'usage tirant indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou lui portant préjudice 44. La Cour de justice, par son arrêt du 18 juin 2009 L'Oréal SA (Aff. C-487/07) dit pour droit que « 1) l'article 5, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens que l'existence d'un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, au sens de cette disposition, ne présuppose ni l'existence d'un risque de confusion, ni celle d'un risque de préjudice porté à ces caractère distinctif ou renommée ou, plus généralement, au titulaire de celle-ci. Le profit résultant de l'usage par un tiers d'un signe similaire à une marque renommée est tiré indûment par ce tiers desdits caractère distinctif ou renommée lorsque celui-ci tente par cet usage de se placer dans le sillage de la marque renommée afin de bénéficier du pouvoir d'attraction, de la réputation et du prestige de cette dernière, et d'exploiter, sans compensation financière, l'effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour créer et entretenir l'image de celle-ci ». 45. Le lien fait entre le signe semi-figuratif et les deux marques semi-figuratives de la société Dim France, aboutit à ce que le public concerné puisse associer à la marque renommée l'activité des défenderesses. 46. Il est établi que les deux marques semi-figuratives existent depuis leur dépôt. La date de début d'utilisation du signe semi-figuratif n'est pas connue. Si la société IMS Distribution est immatriculée depuis le 12 octobre 2004, la société Distribution Instruments de Musique – D.I.M. Existe, elle, qui est susceptible d'utiliser ce signe, est immatriculée le 3 juillet 2004. 47. Il est donc vraisemblable qu'elles ont utilisé le signe à une date récente. Celles-ci bénéficient ainsi de la garantie de qualité d'une marque reconnue et se place ainsi dans son sillage bénéficiant de son pouvoir d'attraction. 48. Les défenderesses tirent donc indument profit des deux marques semi-figuratives précitées. 49. La contrefaçon est donc constituée s'agissant du signe semi-figuratif .Sur les mesures de réparation Moyens des parties 50. La demanderesse écrit « compte tenu de l'importance des actes de contrefaçon, à savoir la fréquence des usages contrefaisants et la multiplicité des supports faisant apparaître ces usages, le préjudice économique engendré est au moins égal à la somme de 50.000 € , si l'on tient compte « du bénéfice réalisé par le contrefacteur. (?) Outre un préjudice commercial évident, ces faits de contrefaçon causent un préjudice moral certain à DIM FRANCE, qui consacre des investissements importants pour entretenir la notoriété et l'image de la marque « DIM » ». Elle n'apporte pas d'autre précision ni ne mentionne aucune pièce. 51. Les sociétés défenderesses indiquent que le profit indu allégué n'est pas démontré et qu'il est illogique, selon elles, de croire qu'un acheteur d'instruments de musique se décidera à acheter des sous-vêtements. Appréciation de la juridiction Les demandes pécuniaires 52. Selon l'alinéa 1er de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle : « pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon ».53. En l'espèce, les conséquences économiques négatives de la contrefaçon ne sont pas démontrées alors qu'il est constant que les activités des parties sont différentes : vente de sous-vêtements et d'instruments de musique. 54. Les bénéfices réalisés par le contrefacteur existent du fait des économies d'investissement pour faire connaître sa marque. Le signe semi-figuratif est en particulier utilisé sur son site internet et comme enseigne. 55. Le préjudice moral doit certes tenir compte de la banalisation de la marque, associée à une activité différente de celle de la société DIM France, mais est nécessairement restreint alors que les secteurs d'activité sont différents ainsi qu'il précède. 56. En l'absence d'autres éléments de fait présentés par le demandeur, il convient de faire droit à la demande principale à hauteur de 4 000 euros. Les autres demandes 57. Aux termes de l'article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle « sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants :1o L'apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;2o L'offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l'offre ou la fourniture des services sous le signe ;3o L'importation ou l'exportation des produits sous le signe ;4o L'usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ;5o L'usage du signe dans les papiers d'affaires et la publicité ;6o L'usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ;7o La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée.Ces actes et usages sont interdits même s'ils sont accompagnés de mots tels que : " formule, façon, système, imitation, genre, méthode " ». 58. Il convient, en application de ce texte, de faire droit à la demande de la société DIM France en interdisant l'utilisation du signe semi-figuratif contrefaisant et de tout autre signe similaire sous astreinte dans les conditions du dispositif sans qu'il soit besoin de réserver au tribunal sa liquidation. 59. En revanche, les autres demandes d'interdiction sont infondées et rejetées. Sur la concurrence déloyale et parasitaire Moyens des parties 60. La société DIM France soutient que l'emploi d'un logo très proche de celui utilisé par DIM France et qui n'est pas déposé à titre de marque constitue un fait distinct des actes de contrefaçon. 61. La société Distribution Instruments de Musique soutient avoir calligraphié son acronyme de façon banale, en lettre majuscules de couleur noire. Elle soutient que la comparaison de la calligraphie révèle des différences et que la mention "[Localité 2]" est verticale, tandis que la mention "France" est horizontale. Appréciation du tribunal 62. Selon l'article 1240 du Code civil « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». 63. Le parasitisme est constitué par l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire (v. en ce sens Com. 26 janvier 1999, no96-22.457). Il suppose en particulier de démontrer la volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui afin de bénéficier de la valeur économique générée par son activité (v. en ce sens Com. 4 février 2014, no13-10.039 et Civ. 1ère, 22 juin 2017, no14-20.310). 64. En l'espèce, il est constant que les deux signes semi-figuratifs en litige ci-après reproduit présentent des similarités tenant aux lettres angulaires enserrées par un rectangle, présentant des angles arrondis, lettre « I » occupant un espace réduit entre deux blocs de taille identique constitués par les lettres « D » et « M » ayant une forme carré. Diffèrent les mots [Localité 2] et France. Leurs aspects phonétiques sont identiques car prononcés de la même manière à l'exception des mots [Localité 2] et France. 65. Il résulte de ces circonstances que la similarité entre ces signes constitue un comportement par lequel les défenderesses se placent dans le sillage de la société DIM France afin de bénéficier de ses efforts d'investissement et de son image de qualité. 66. Cette circonstance ne peut constituer un fait distinct de l'atteinte à la renommée alors que le logo de la société DIM France n'est pas identique à celui en litige mentionnant « DIM [Localité 2] ». 67. La faute est donc constituée et cause un dommage dont les conséquences doivent toutefois être limitées alors qu'il n'est pas démontré dans quelles circonstances serait utilisé le logo « DIM [Localité 2] » à la place ou en complément des marques semi-figuratives dont la contrefaçon a été indemnisée. 68. Il convient par voie de conséquence de fixer le montant des dommages et intérêts dus à la somme de 1 500 euros. Sur les demandes accessoires 69. Les sociétés défenderesses, parties perdantes, sont condamnées aux dépens dont distraction et à payer à la société DIM France la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, somme appréciée en équité à défaut de justificatif ou d'accord des parties sur son montant. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, CONDAMNE IN SOLIDUM la société SASU IMS Distribution et la société SARL Distribution Instruments de Musique – D.I.M. à payer à la société DIM France la somme de 4 000 euros en réparation des actes de contrefaçon des marques semi-figuratives renommées no1361813 déposée le 1er juillet 1986 no3813672 déposée le 11 mars 2011, CONDAMNE IN SOLIDUM la société SASU IMS Distribution et la société SARL Distribution Instruments de Musique – D.I.M. à payer à la société DIM France la somme de 1 500 euros en réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire, ORDONNE à la société SASU IMS Distribution et la société SARL Distribution Instruments de Musique – D.I.M. de cesser d'utiliser le signe semi-figuratif et tout signe similaire, y compris sur son site internet et ses réseaux sociaux, dans un délai de deux mois puis sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant un délai maximal de trois mois, REJETTE le surplus, CONDAMNE IN SOLIDUM la société SASU IMS Distribution et la société SARL Distribution Instruments de Musique – D.I.M. à payer à la société DIM France la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE IN SOLIDUM la société SASU IMS Distribution et la société SARL Distribution Instruments de Musique – D.I.M. Aux dépens dont distraction au profit de Maître Yves Bizollon, avocat. Fait et jugé à Paris le 28 septembre 2023 LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE | x |
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JURITEXT000048550592 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550592.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 28 septembre 2023, 17/16043 | 2023-09-28 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 17/16043 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 17/16043 No Portalis 352J-W-B7B-CLY7R No MINUTE : Assignation du :13 novembre 2017 JUGEMENT rendu le 28 septembre 2023 DEMANDERESSE Société INO -ROPE[Adresse 4] [Localité 5] représentée par Me Julien LOMBARD de l'AARPI VICTOIRE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E202 DÉFENDERESSES Société HARKEN FRANCE - STE MARITIME[Adresse 2][Adresse 2] [Localité 3] représentée par Me Nicolas REBBOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0457 Société ROPEYE OÜ[Adresse 6][Localité 1] (ESTONIE) représentée par Me Charlotte GUYARD de la SELARL ORIAMEDIA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E233 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière DÉBATS A l'audience du 13 juin 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 28 septembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Magistrat signataire : Madame Elodie GUENNEC (article 456 du code de procédure civile), la présidente Madame Nathalie SABOTIER étant empêchée. EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Ino-Rope, créée en 2013, a pour activité déclarée la recherche, le développement et la commercialisation de tous produits, principes et procédés notamment dans le domaine nautique et industriel. Elle se présente comme concevant, développant et commercialisant des poulies et cordages, en particulier des poulies dénommées "Ino Block" qu'elle décrit comme particulièrement innovantes. 2. Ces poulies sont couvertes par un brevet français dont la demande a été déposée le 3 juillet 2013, et la délivrance est intervenue le 3 novembre 2017 sous le no FR 1 301 574. 3. Ayant constaté la promotion par la société de droit estonien Ropeye Oü, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits destinés à la voile, de poulies fabriquées par ses soins et reproduisant selon elle, les caractéristiques de ses demandes de brevets, la société Ino-Rope a informé cette société de ses droits avant, par acte d'huissier du 13 novembre 2017, de la faire assigner devant ce tribunal en contrefaçon de brevet, en même temps que la société Harken France, filiale française de la société Harken Inc., ainsi que M. [O], tous distributeurs des produits Ropeye en France. 4. La demande de brevet français a fait l'objet d'une extension européenne et internationale sous le no PCT/EP 2014/064202. Un brevet européen couvrant les poulies de la société Ino-Rope a été délivré le 9 mai 2018 sous le no EP 3 016 848 avant de faire l'objet d'une opposition formée le 11 février 2019 par la société Ropeye.5. Par une ordonnance du 28 juin 2019, le juge de la mise en état a prononcé un sursis à statuer sur les demandes de la société Ino-Rope jusqu'à la clôture de la procédure d'opposition contre le brevet EP 3 016 848 alors en cours devant l'Office Européen des Brevets. 6. L'opposition de la société Ropeye a été définitivement rejeté par la chambre de recours par une décision du 10 mars 2022, le brevet EP 3 016 848 étant maintenu tel que délivré. 7. L'instruction de l'affaire a été close par une ordonnance du 13 octobre 2022 et renvoyée pour plaidoirie à l'audience du juin 2023. 8. Par une ordonnance du 1é janvier 2023, le juge de la mise en état a déclaré parfait le désistement d'instance et d'action de la société Ino-Rope à l'égard de M. [O]. 9. Dans ses dernières conclusions no5 notifiées électroniquement le 3 octobre 2022, la société Ino-Rope demande au tribunal de : A titre principal, - La DECLARER recevable et bien fondée en ses demandes ; - DEBOUTER les défendeurs de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ; - JUGER qu'en fabriquant, mettant dans le commerce, offrant à la vente et important les produits contrefaisants et en particulier les poulies référencées U Block et X-block, les sociétés Ropeye et Harken ont commis des actes de contrefaçon du brevet français FR1301574 et de la demande de brevet européen EP 2014/0604202 d'Ino-Rope ; En conséquence : - INTERDIRE aux sociétés Ropeye et Harken de fabriquer, reproduire, faire usage, distribuer et/ou commercialiser, sous quelque forme que ce soit, sous astreinte définitive de 500 euros par infraction constatée, dans un délai de huit jours à compter de la signification du jugement à intervenir, les produits Ropeye reproduisant les caractéristiques du brevet FR1301574 et/ou de la demande de brevet européen EP 2014/064202; - CONDAMNER solidairement les sociétés Ropeye et Harken à payer à la société Ino-Rope la somme de 585.263.15 Euros, sauf à parfaire, au titre des actes de contrefaçon du brevet ; - CONDAMNER solidairement les sociétés Ropeye et Harken à payer à Ino-Rope la somme de 75.000 Euros au titre du préjudice moral subi. A titre subsidiaire, - JUGER que les sociétés Ropeye et Harken ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires en fabriquant, mettant sur le marché, offrant à la vente et important les produits litigieux reproduisant les caractéristiques du brevet français FR1301574 et de la demande de brevet européen EP2014/0604202 ; - CONDAMNER solidairement les Sociétés Ropeye et Harken France Ste Maritime à payer à la Demanderesse la somme de 585.263.15 Euros à parfaire au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire ; - INTERDIRE la poursuite des actes de concurrence déloyale sous astreinte définitive de 500 euros par infraction constatée, dans un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ; En tout etat de cause : - ORDONNER la destruction, aux frais des Sociétés Ropeye et Harken France Ste Maritime, sous le contrôle d'un huissier de justice, des produits litigieux reproduisant les caractéristiques du brevet français FR1301574 et de la demande de brevet européen EP 2014/0604202 d'Ino-Rope, sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard, dans un délai de 30 jours suivant la signification du jugement à intervenir ; - ORDONNER la publication de la décision à intervenir aux frais des défendeurs sur la page d'accueil du site internet https://www.ropeye.com/ ainsi que le site https://www.harken.fr pendant une durée d'un mois à compter de sa première mise en ligne, et ce dans un délai de 48 heures à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; - ORDONNER qu'il sera procédé à cette publication en partie supérieure de la page d'accueil desdits site, de façon visible et en toute hypothèse au-dessus de la ligne de flottaison, sans mention ajoutée, en police de caractères « times new roman », de taille « 12 », droits, de couleur noire et sur fond blanc, dans un encadré de 468X120 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre COMMUNIQUE JUDICIAIRE en lettres capitales et de taille « 14 » ; - ORDONNER la publication du jugement à intervenir, en intégralité, par extraits ou en résumé, en une page complète dans trois journaux ou revues au choix de la Demanderesse et aux frais des sociétés Ropeye et Harken France Ste Maritime, sans que le coût de chaque insertion ne puisse être supérieur à 7.500 euros ; - DIRE que le tribunal de Céans se réservera la compétence pour liquider les astreintes prononcées conformément aux dispositions de l'article L131-3 du code des procédures civiles d'exécution ; - CONDAMNER solidairement les sociétés Ropeye et Harken France Ste Maritime à payer à la demanderesse la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir en toutes ses dispositions, , nonobstant appel et sans constitution de garantie ; - CONDAMNER solidairement les sociétés Ropeye et Harken France Ste Maritime aux entiers dépens, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. 10. Dans ses dernières conclusions no5 notifiées par la voie électronique le 21 septembre 2022, la société Ropeye demande au tribunal de : A titre liminaire, - La DIRE recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ; A titre principal, - RECONNAÎTRE l'absence d'actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 6 et 8 du brevet français FR1301574 et des revendications 1, 2, 4, 5, 6, 8, 9 et 20 du brevet européen EP2014064202 de la société Ino-Rope par la société Ropeye ; - RECONNAÎTRE l'absence d'actes de concurrence déloyale de la société Ropeye, à l'encontre de la société Ino-Rope ; A titre reconventionnel, - CONSTATER l'absence de nouveauté des revendications 1, 3, 4, 8 et 9 du brevet européen EP2014064202 de la société Ino-Rope ; - CONSTATER l'absence d'activité inventive des revendications 1 à 20 du brevet européen EP2014064202 de la société Ino-Rope et des revendications 1 à 9 du brevet français FR1301574 ; - PRONONCER la nullité du brevet français FR1301574 et de la demande du brevet européen EP2014064202 de la société Ino-Rope ; - ORDONNER la transmission par le greffe à l'Institut National de la Propriété Industrielle et à l'Office Européen des Brevets aux fins d'inscription du jugement à intervenir ; - AUTORISER en tant que de besoin, la société Ropeye à notifier le jugement à intervenir à l'Institut National de la Propriété Industrielle ainsi qu'à l'Office Européen des Brevets aux fins d'inscription du jugement à intervenir ; - CONDAMNER la société Ino-Rope à verser, au titre du préjudice commercial subi, à la société ROPEYE la somme de 50.000 euros ; - CONDAMNER la société Ino-Rope à verser, au titre du préjudice moral subi, à la société ROPEYE la somme de 30.000 euros ; - CONDAMNER la société Ino-Rope en raison de la présente procédure abusive initiée à l'encontre de la société Ropeye, à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts ; En tout état de cause, - DEBOUTER la société Ino-Rope de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions; - ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir ; - CONDAMNER la société Ino-Rope à verser à la société Ropeye, la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles ; - CONDAMNER la société Ino-Rope aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Charlotte Guyard, en application de l'article 699 du code de procédure civile. 11. Dans ses dernières conclusions du 21 septembre 2022, la société Harken France demande au tribunal de : - La DIRE recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ; 1/ Sur la contrefaçon de brevets : A titre principal, - RECONNAÎTRE l'absence de contrefaçon des revendications 1, 2, 6 et 8 du brevet français FR1301574 et des revendications 1, 2, 4, 5, 6, 8, 9 et 20 du brevet européen EP2014064202 de la société Ino-Rope par la société Harken France ; - DEBOUTER en conséquence, la société Ino-Rope de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; A titre subsidiaire, - CONSTATER l'absence de responsabilité de la société Harken France qui n'a pas agi en connaissance de cause ; - DEBOUTER en conséquence, la société Ino-Rope de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; A titre infiniment subsidiaire, en cas de condamnation de la société Harken France au titre des actes de contrefaçon, - CONSTATER que la société Harken France n'est pas impliquée dans la totalité du préjudice subi par la société Ino-Rope ; - CONSTATER que la société Harken France ne peut être condamnée solidairement au paiement de la totalité des sommes sollicitées par la société Ino-Rope au titre des actes de contrefaçon ; - REDUIRE en conséquence, le montant des dommages et intérêts dû par la société HARKEN France et le limiter à la somme maximale de 11.431,60 euros ; 2/ Sur la concurrence déloyale : A titre principal, - RECONNAÎTRE l'absence d'actes de concurrence déloyale de la société Harken France à l'encontre de la société Ino-Rope ; - DEBOUTER en conséquence la société Ino-Rope de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; A titre subsidiaire, en cas de condamnation de la société Harken France au titre des actes de concurrence déloyale, - REDUIREà de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts dû par la société Harken France et le limiter à la somme maximale de 11.431,60 euros ; 3/ Sur les mesures de publication : - REJETTER les mesures de publication sollicitées par la société Ino-Rope ; 4/ Sur les demandes reconventionnelles de la société Harken France : - CONSTATER l'absence de nouveauté des revendications 1, 3, 4, 8 et 9 du brevet européen EP2014064202 de la société Ino-Rope ; - CONSTATER l'absence d'activité inventive des revendications 1 à 20 du brevet européen EP2014064202 de la société Ino-Rope et des revendications 1 à 9 du brevet français FR1301574 ; - PRONONCER la nullité du brevet français FR1301574 et de la demande du brevet européen EP2014064202 de la société Ino-Rope ; - ORDONNER la transmission par le greffe à l'Institut National de la Propriété Industrielle et à l'Office Européen des Brevets aux fins d'inscription du jugement à intervenir ; - AUTORISER en tant que de besoin, la société Harken France à notifier le jugement à intervenir à l'Institut National de la Propriété Industrielle ainsi qu'à l'Office Européen des Brevets aux fins d'inscription du jugement à intervenir ; - CONDAMNER la société Ino-Rope à verser à la société Harken France la somme de 35.000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice subi ; - CONDAMNER la société Ino-Rope à verser à la société Harken France la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la procédure abusive ; 5/ En tout état de cause : - ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir ; - CONDAMNER la société Ino-Rope à verser à la société Harken France la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles ; - CONDAMNER la société Ino-Rope aux entiers dépens. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Présentation du brevet EP 3 016 848 (qui s'est en principe substitué au brevet français FR 3 008 084 qui couvre la même invention, et ce, par application des dispositions de l'article L. 614-13 du code de la propriété intellectuelle) 12. Selon le paragraphe [0001] de la partie descriptive du brevet, l'invention se rapporte au domaine des poulies, et plus particulièrement des poulies permettant la déviation d'un cordage. 13. Ce même paragraphe désigne le brevet US675306 (délivré en 1901) comme état de la technique le plus proche ; ce document divulgue une poulie constituée d'un réa monobloc comprenant deux faces longitudinales opposées, un évidement central transversal, et une surface extérieure concave formant une gorge annulaire prévue pour dévier un cordage, l'évidement central et la surface extérieure concave étant fixes l'un par rapport à l'autre, une tige de fixation du réa, traversant l'évidement central du réa, la tige de fixation étant en contact direct avec l'évidement central. (Cf ci-dessous les figures de ce brevet US / pièce no13 de la société Ropeye) 14. Les paragraphes suivants [0002] à [0004] décrivent ensuite les types de poulie présentes sur le marché. Le premier type de poulie est le réa avec cordage passant dans l'évidement central du réa. Ces réas à faible friction offrent un rapport solidité/poids/prix à toute épreuve, car il n'y a pas de pièce en rotation. La résistance au frottement est obtenue uniquement par la fibre du cordage et celle qui sert à fixer le réa. Ce produit est de plus en plus présent sur les bateaux de course au large car il est un gage de fiabilité. Son inconvénient majeur est qu'il augmente énormément les frottements du cordage qui passe en son centre, et de ce fait il faut beaucoup d'énergie pour manoeuvrer le cordage. Le deuxième type de poulie comprend un réa à billes, c'est-à-dire une poulie avec un réa tournant par l'intermédiaire d'un roulement à billes. Ce réa à billes offre un très faible coefficient de frottement. Ce type de poulie est très efficace et permet de réaliser des systèmes de démultiplication d'efforts complexes. L'inconvénient de ces poulies est qu'elles coûtent chères lorsqu'elles sont prévues pour de fortes charges. Elles demandent également de l'entretien et une vérification régulière en raison de la présence du roulement à billes. Un autre inconvénient est que si l'axe, les faces latérales ou le point d'accroche viennent à casser, alors la liaison est rompue entre le cordage et le point d'accroche et il en résulte des dommages collatéraux pour le système dans son ensemble. De plus, la performance des poulies à billes conçues pour des fortes charges sont également lourdes. Par exemple dans le domaine nautique, cet inconvénient est néfaste à la performance d'un bateau. 15. Le but de la présente invention est de pallier ces inconvénients et de proposer une poulie améliorée réduisant les frottements du cordage à dévier tout en ayant une forte résistance à la charge, pour un poids réduit.(paragraphe [0005]) 16. Aux fins de l'invention, et selon le paragraphe [0006], l'invention propose une poulie comprenant : - un réa monobloc comprenant deux faces longitudinales opposées, un évidement central transversal, et une surface extérieure concave formant une gorge annulaire prévue pour dévier un cordage, l'évidement central et la surface extérieure concave étant fixes l'un par rapport à l'autre, - un cordage de fixation du réa, traversant l'évidement central du réa, le cordage de fixation étant en contact direct avec l'évidement central, - un élément écarteur agencé pour écarter le cordage de fixation des faces longitudinales du réa. 17. La figure 2 ci-dessous représente une vue en perspective de l'invention selon un premier mode de réalisation : 18. Selon les paragraphes [0033] à [0035], le réa (11) est monobloc. La poulie (10) comprend également un cordage de fixation (17) du réa (11). Une partie du cordage de fixation (17) traverse l'évidement central (14) du réa (11). Le cordage de fixation (17) s'étend, dans l'évidement central (14), sensiblement selon l'axe A. Le cordage de fixation (17) peut être monobrin. Alternativement, le cordage de fixation (17) peut être multibrin. Dans l'exemple représenté (ce-dessus), le cordage de fixation (17) comprend deux brins (18) et (19) qui s'étendent de part et d'autre des deux faces longitudinales (12) et (13) du réa (11). La poulie (10) comprend un élément écarteur (20) qui est agencé pour écarter latéralement le cordage de fixation (17) des faces longitudinales (12) et (13) du réa (11). Lorsque le réa (11) tourne, il frotte sur le cordage de fixation (17). La présence de l'élément écarteur (20) permet de réduire ce frottement. 19. Les paragraphes [0040] et [0041] précisent que dans la variante où le cordage de fixation (17) du réa (11) forme une boucle sans fin, le cordage de fixation (17) se referme sur lui-même au moyen de deux ganses (26) et (27) formées par le cordage de fixation (17) et disposées de part et d'autre de l'évidement central (14). L'élément écarteur (20) est agencé pour recevoir les deux ganses (26) et (27) et pour permettre une fixation de la poulie (10) en traversant les deux ganses (26) et (27). A cet effet, l'élément écarteur (20) comprend une ouverture (28) permettant à un élément extérieur de traverser les deux ganses (26) et (27). Dans l'exemple représenté, cet élément extérieur est un cordage (29) permettant de fixer la poulie (10). 20. Le brevet comporte 20 revendications, seules étant opposées les revendications 1, 2, 4, 5, 6, 8, 9 et 20, libellées comme suit : 1. Poulie comprenant : ? un réa (11) monobloc comprenant deux faces longitudinales (12, 13) opposées, un évidement central (14) transversal, et une surface extérieure concave formant une gorge annulaire (15) prévue pour dévier un cordage (16), l'évidement central (14) et la surface extérieure concave (15) étant fixes l'un par rapport à l'autre, ? un cordage de fixation (17) du réa (11), traversant l'évidement central (14) du réa (11), le cordage de fixation (17) étant en contact direct avec l'évidement central (14), ? un élément écarteur (20) agencé pour écarter le cordage de fixation (17) des faces longitudinales du réa (11). 2. Poulie selon la revendication 1, caractérisée en ce que l'élément écarteur (20) comprend deux extrémités (22, 23) transversalement en saillie par rapport aux faces longitudinales (12, 13) du réa (11), les deux extrémités (22, 23) en saillie étant agencées pour recevoir en appui le cordage de fixation (17). 4. Poulie selon l'une des revendications précédentes, caractérisée en ce que le cordage de fixation (17) s'écarte du réa (11) en suivant deux directions (31, 32), une de chaque coté du réa (11), en ce que les deux directions (31, 32) forment entre elles un angle (a) compris entre 10o à 180o, et de préférence entre 80o à 120o. 5. Poulie selon l'une des revendications précédentes, caractérisée en ce que l'élément écarteur (20) comprend une gorge d'orientation (34) du réa (11), la gorge d'orientation (34) étant prévue pour coiffer au moins une partie du réa (11). 6. Poulie selon l'une des revendications précédentes, caractérisée en ce que le cordage de fixation (17) comprend deux brins (18, 19) traversant l'évidement central (14) du réa (11). 8. Poulie selon l'une quelconque des revendications 6 ou 7, caractérisée en ce que le cordage de fixation (17) forme une boucle sans fin, en ce que l'élément écarteur (20) est agencé pour recevoir deux ganses (26, 27) formées par le cordage de fixation (17) de part et d'autre de l'évidement central (14) et pour permettre une fixation de la poulie (10) en traversant les deux ganses (26, 27). 9. Poulie selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, caractérisée en ce que le cordage de fixation (17) comprend au moins deux brins (75) traversant l'évidement central (14) du réa (11) et en ce que les au moins deux brins (75) sont jointifs. 20. Poulie selon l'une des revendications précédentes, caractérisée en ce que l'élément écarteur (66) comprend au moins une rainure (67) dans laquelle le réa (11) est glissé. 2o) Sur la contrefaçon du brevet EP 3 016 848 Moyens des parties 21. La société Ino-Rope soutient que la revendication 1 est entièrement reproduite par la poulie U-Block, s'agissant d'un réa monobloc relié à un cordage de fixation traversant le réa en son centre, tandis que l'élément en forme de U inversé constitue selon elle un élément écarteur au sens du brevet, ce qui résulte selon elle du simple fait que l'angle entre les brins émergeant de part et d'autre du réa n'est pas nul. Elle ajoute que l'élément écarteur en forme du U inversé est agencé pour recevoir "en saillie" le cordage de fixation, selon un angle de 120o, reproduisant ainsi les revendications 2 et 4 du brevet. La demanderesse soutient encore que la partie inférieure du U inversé joue le rôle d'une "gorge d'orientation" au sens du brevet (qui évite au réa de sortir de sa position par rapport au cordage : voir paragraphe [0043] de la description). La société Ino-Rope fait également valoir que le cordage de fixation des poulies U-Block comporte 2 brins jointifs et 2 ganses, de sorte que les revendications 6, 8 et 9 du brevet sont selon elle reproduites. La société Ino-Rope conclut sa démonstration en indiquant que la poulie X-Block reproduit la rainure de la revendication 20 du brevet. 22. La société Ino-Rope ne propose pas de démonstration de la contrefaçon du brevet français, précisant que celui-ci est rédigé en termes identiques au brevet européen. 23. La société Ropeye soutient que l'élément en forme de U inversé n'a pas pour fonction d'écarter les brins du cordage de fixation du réa, mais de les guider de manière parallèle autour du réa. La revendication principale no1 n'étant pas reproduite, elle en déduit que les caractéristiques suivantes ne le sont pas. Elle précise à toutes fins que le cordage de fixation ne vient pas "en saillie" c'est à dire au dessus de l'élément prétendument écarteur (le U inversé), mais passe à l'intérieur de l'élément en U, puisque sa finalité n'est pas d'écarter le cordage mais au contraire de le guider de manière parallèle autour du réa. La revdnication 2 n'est donc pas reproduite, pas plus que la revendication 4 (l'angle compris entre 10 et 120o), non plus que la revendication 8 (le cordage de fixation est agencé pour entourer, "ganser", l'élément écarteur puisqu'il le traverse). La société Ropeye soutient encore que les éléments en U inversé de ses poulies ne comportent aucune gorge d'orientation destinée à bloquer les mouvements du réa par rapport au cordage de fixation, de sorte qu'est exclue toute reproduction de la revendication 5. La société Ropeye expose enfin que la pièce en anneau de sa poulie X-Block ne saurait nullement être regardée comme une "rainure" au sens de la revendication 20 du brevet qui concerne les dispositifs à réas multiples positionnés côte à côte, ce qui n'est pas le cas de la poulie X-Block. 24. Se joignant aux moyens soulevés par la société Ropeye, la société Harken France fait valoir que les poulies U-Block et X-Block ne reproduisent en aucun cas les caractéristiques essentielles des brevets Ino-Rope. Appréciation du tribunal 25. Selon l'article L. 614-9 du code de la propriété intellectuelle, les droits définis aux articles L. 613-3 à L. 613-7, L. 615-4 et L. 615-5 du présent code peuvent être exercés à compter de la date à laquelle une demande de brevet européen est publiée conformément aux dispositions de l'article 93 de la Convention de Munich. L'article L. 613-3 prohibe, à défaut de consentement du propriétaire du brevet : a) La fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet (...). 26. La contrefaçon s'apprécie par rapport aux ressemblances et elle est réalisée lorsque les moyens constitutifs essentiels de l'invention revendiquée, se retrouvent dans le produit incriminé (Cass. Com., 23 novembre 2010, pourvoi no 09-15.668 : "ayant fait ressortir que l'isolation d'un fragment d'ARN correspondant à l'ADN complémentaire contenu dans le -J19 constitue un élément essentiel de l'invention et que le kit incriminé ne permettait pas cette isolation, la cour d'appel a pu (...) statuer comme elle a fait") ou lorsque toutes les étapes comprises dans la revendication sont reproduites (Cass. Com. 3 avril 2012, pourvoi no10-21.084). 27. Il est en l'occurrence constaté que les poulies U-Block et X-Block litigieuses comprennent bien un réa monobloc avec un évidement central, ainsi qu'un cordage de fixation traversant l'évidement central, ce qui correspond aux 2 premières caractéristiques de la revendication 1 du brevet. 28. En revanche, elles ne comportent aucun "élément écarteur" au sens du brevet, c'est à dire conçu pour écarter le cordage de fixation des faces longitudinales du réa monobloc, correspondant à la 3ème caractéristique de la revendication 1 du brevet. Voir ci-dessous les poulies U-Block et X-Block : 29. Il apparaît en effet que la pièce en forme de U inversé située au dessus du réa monobloc a au contraire pour fonction d'éviter que le cordage de fixation s'écarte du réa, ainsi que le démontrent au demeurant les schémas figurant dans les conclusions de la demanderesses elle-même : voir ci-dessous ceux de la page 20 de ces dernières conclusions no5 comparant la figure 2 du brevet et la poulie U-Block de la société Ropeye et dans lesquels le cordage de fixation est matérialisé en rose. 30. Il en résulte que la revendication 1 n'est pas reproduite par les poulies conçues par la société Ropeye. Il en va nécessairement de même s'agissant des revendications toutes dépendantes suivantes 2, 4, 5, 6, 8, 9 et 20 du brevet EP 3 016 848. 31. A titre surabondant, il est relevé que le cordage de fixation de la poulie U-Block ne vient pas "en saillie" c'est à dire au dessus de l'élément prétendument écarteur (le U inversé), mais passe à l'intérieur de l'élément en U, puisque sa finalité n'est pas d'écarter le cordage mais au contraire de le guider de manière parallèle autour du réa. La revendication 2 n'est donc pas reproduite, pas plus que la revendication 4 (l'angle compris entre 10 et 120o), non plus que la revendication 8 (le cordage de fixation est agencé pour entourer, "ganser", l'élément écarteur puisqu'il le traverse). Les éléments en U inversé des poulies U-Block ne comportent en outre aucune "gorge d'orientation" destinée à bloquer les mouvements du réa par rapport au cordage de fixation, cette caractéritique n'ayant de sens que si le U inversé était un élément écarteur, ce qui n'est pas le cas, de sorte qu'est exclue toute reproduction de la revendication 5. La pièce en anneau de sa poulie X-Block ne saurait nullement être regardée comme une "rainure" au sens de la revendication 20 du brevet qui concerne les dispositifs à réas multiples positionnés côte à côte, ce qui n'est pas le cas de la poulie X-Block. 32. Les demandes fondées sur la contrefaçon des brevets EP 3 016 848 et FR 3 008 084 (conformément aux dispositions de l'article L. 614-13 du code de la propriété intellectuelle s'agissant de ce dernier) sont rejetées (mesures d'interdiction de commercialisation des poulies U-Block et X-Block, paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices matériel et moral subis, destruction des produits, publication de la décision). 3o) Sur la nullité du brevet EP 3 016 848 Moyens des parties 33. La société Ropeye soutient à cet égard que l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 du brevet EP 3 016 848 se retrouve dans les poulies de la société Calligo Marine divulguées en février 2011, lesquelles comportent un élément écarteur situé au-dessus du réa et plus large que lui de sorte que le cordage de fixation s'en écarte selon un angle de plus de 10o selon elle. Elle en déduit que ces poulies antériorisent toutes les caractéristiques essentielles de la revendication principale no1 laquelle se trouve dépourvue de nouveauté, de même que les revendications 3, 4, 8 et 9. Elle ajoute que la vidéo mise en ligne sur la plateforme YouTube le 22 août 2011 détruit de la même manière la nouveauté des mêmes revendications du brevet. La société Ropeye soutient encore que la personne du métier serait parvenue à l'invention revendiquée par la combinaison du brevet US 675306 de [U] [D] du 25 octobre 1900 avec le brevet Karver du 12 novembre 2007 (FR 2 923 451), ou encore avec le brevet Karver FR 2 945 603, ou enfin avec le brevet Harken US 6305669. 34. La société Harken France s'associe aux moyens de nullité des brevets opposés. 35. La société Ino-Rope conclut au rejet de la demande reconventionnelle soulignant que l'ensemble des documents invoqués par la société Ropeye a déjà été soumis à l'Office européen des brevets qui a rejeté son opposition et a maintenu le brevet tel que délivré. Appréciation du tribunal 36. Selon l'article L. 614-12, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle, la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich. Aux termes de l'article 138 (1) de la Convention, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 (...). Aux termes de l'article 52 (1), les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle. 37. Selon l'article 54, (1) une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. (2) L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. (3) Est également considéré comme compris dans l'état de la technique le contenu de demandes de brevet européen telles qu'elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au paragraphe 2 et qui n'ont été publiées qu'à cette date ou à une date postérieure. 38. En application de ces dispositions, il est constamment jugé que l'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique, de sorte que la nouveauté d'une invention ne peut être ruinée que par une antériorité de toutes pièces qui implique une identité d'éléments, de forme, d'agencement, de fonctionnement et de résultat technique. (Cass. Com., 27 mars 2019, pourvoi no17-23.136 ; Cass. Com., 17 mai 2023, pourvoi no19-25.509) 39. Selon l'article 56 de la Convention, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. Si l'état de la technique comprend également des documents visés à l'article 54, paragraphe 3, ils ne sont pas pris en considération pour l'appréciation de l'activité inventive. 40. Les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à la personne du métier, ils permettaient à l'évidence à cette dernière d'apporter au problème résolu par l'invention, la même solution que celle-ci. 41. Le tribunal ne peut que constater que la pièce "Colligo Dux" (pièce Ropeye no11) concerne un gréement dormant ("standing rigging") et non une poulie et n'enseigne en aucun cas un élément écarteur. Quant à la vidéo figurant par extraits dans la pièce no12 de la société Ropeye, il est constaté qu'elle divulgue une poulie accrochée à une potence au moyen d'un cordage de fixation traversant la poulie, mais aucun élément écarteur. Aucun de ces documents n'apparaît donc susceptible d'être regardé comme détruisant la nouveauté du brevet EP 3 016 848. 42. S'agissant du grief de défaut d'activité inventive, il est relevé que le brevet Saint John (pièce Ropeye no13) enseigne un réa monobloc relié au cordage de fixation par une tige traversant la partie centrale du réa. Il est désigné par le brevet EP 3 016 848 comme étant l'art antérieur le plus proche de l'invention. En aucun cas, toutefois, il ne met la personne du métier sur la voie de l'invention, tandis que les brevets Karver et Harken ne divulguent pas des éléments écarteurs mais des éléments de maintien. 43. Certes, le brevet Karver du 12 novembre 2007 (FR 2 923 451) évoque (page 3, lignes 15 et suivantes de ce document / pièce no14 de la société Ropeye) une fonction d'écartement de l'élément de maintien ("La pièce de maintien selon l'invention se présente comme un cavalier qui vient se positionner sur les joues de la structure de support, le bord des joues s'insérant dans les encoches ménagées dans la surface inférieure de la pièce. Pour se fixer sur les joues elle peut utiliser les trous disposés en périphérie desdites joues. L'invention propose différents moyens de fixation, par exemple par encliquetage (...). Une fois la pièce de maintien fixée sur la poulie, on installe le cordage de fixation en le passant tout d'abord dans un trou d'extrémité de la pièce, puis dans l'évidement central, dans le deuxième trou d'extrémité et en réunissant les deux brins. Ledit cordage peut par exemple être une manille textile adaptée à la poulie et à la pièce de maintien. La pièce de maintien selon l'invention résout les problèmes suivants: - même si le cordage de fixation comprime les joues, celles-ci ne peuvent plus se resserrer car elles sont maintenues écartées par la partie de la surface inférieure de la pièce de maintien qui est comprise entre les deux encoches, - par sa présence même, la pièce de maintien interdit au cordage circulant de sortir de l'espace compris entre les joues, - la poulie ne peut plus tourner à l'intérieur de la boucle constituée par le cordage de fixation car celui-ci passe par les trous d'extrémité de la pièce de maintien qui est fixée sur la poulie."), mais la société Ropeye ne fait état d'aucun autre élément de l'état de la technique avec lequel combiner ce document, fût-ce les connaissances générales de la personne du métier (qui n'est d'ailleurs pas définie) pour parvenir, sans faire preuve d'activité inventive, à l'invention (hormis le brevet [D]). Le tribunal observe à cet égard que la personne du métier était même dissuadée de rechercher cet effet d'écartement, tous les brevets cités par la société Ropeye l'incitant au contraire à maintenir le cordage autour du réa (voir ci-dessous la figure 3 du brevet FR 2 923 451), comme le fait au demeurant la poulie U-Block. 44. La revendication principale no1 étant valable, il en résulte que les revendications dépendantes suivantes le sont également (Cass. Com., 27 janvier 2021, pourvoi no 18-17.063). La demande reconventionnelle aux fins d'annulation des revendications des brevets est rejetée. 4o) Sur les autres demandes 45. Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer." et "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence." Au visa de ces deux textes, il est constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce. A cet égard, les procédés consistant, par imitation des signes d'un concurrent, à créer dans l'esprit du public une confusion de nature à tromper la clientèle et la détourner, caractérisent des actes de concurrence déloyale. L'appréciation de la faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits en prenant en compte le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de l'imitation, l'ancienneté du signe imité, l'originalité ou la notoriété du signe copié. Il est en outre rappelé qu'en l'absence de tout droit privatif, le seul fait de commercialiser des produits identiques à ceux distribués par un concurrent n'est pas fautif (Cass. Com., 9 juin 2004, pourvoi no03-10.134 ; Cass. Com., 9 juillet 2002, pourvoi no00-19.575 ;Cass. Com., 9 mars 2010, pourvoi no 09-11.330). Le parasitisme se caractérise lui par le fait, pour un professionnel, de se placer dans le sillage d'un concurrent et de tirer profit, sans contrepartie, du fruit de ses investissements et de son travail ou de sa renommée – sans porter atteinte à un droit privatif –, en réalisant ainsi des économies considérées comme injustifiées. La jurisprudence définit le parasitisme économique comme "l'ensemble descomportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier" (Cass. Com, 26 janvier 1999, pourvoi no96-22.457). L'exemple le plus classique de parasitisme se rencontre à propos des signes distinctifs de ralliement de la clientèle (nom commercial, marque, logo, slogan, enseigne, nom de domaine, produit "phare",...). Ni la concurrence déloyale, ni le parasitisme ne saurait toutefois avoir pour effet de, en dépit de l'absence de violation de droits privatifs, de reconstituer un monopole au mépris du principe de liberté du commerce et de l'industrie. 46. Au cas particulier, les poulies U-Block et X-Block de la société Ropeye ne peuvent être regardées comme des imitations des produits de la société Ino-Rope, qui ne font au demeurant l'objet d'aucune description distincte du brevet, susceptible de créer la confusion dans l'esprit de la clientèle. La demande subsidiaire de la société Ino-Rpe fondée sur la concurrence déloyale ne peuvent qu'être rejetées. Il en va de même de celles fondées sur un parasitisme en l'absence de démonstration des investissements que le parasitisme a pour objet de protéger ou même d'allégation que les poulies en question constituent un produit de ralliement de la clientèle. 47. La demande subsidiaire de la société Ino-Rope fondée sur la concurrence déloyale est donc rejetée. 48. Le fait de jeter le discrédit sur une entreprise constitue un dénigrement fautif, à moins que l'information donnée se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure (Cass. Civ. 1ère, 11 juillet 2018, pourvoi no 17-21.457, Bull. 2018, I, no 136 ; Cass. Civ. 1ère, 12 décembre 2018, pourvoi no 17-31.758 ; Cass. Com., 9 janvier 2019, pourvoi no 17-18.350 ; Cass. Com., 4 mars 2020, pourvoi no 18-15.651 ; Com., 4 novembre 2020, pourvoi no 18-23.757 ; Cass. Com., 28 juin 2023, pourvoi no 22-13.442 ). 49. En l'occurrence, il résulte des courriels versés aux débats par la société Ino-Rope en pièce no18 que ses courriels d'octobre 2016 avaient pour objet d'appeler l'attention des organisateurs du prix Dame 2016 du "Marine Equipements Trade Show" sur le fait que la poulie U-Blockde la société Ropeye, nommée pour ce prix, constituait une contrefaçon de ses brevets ("Their nominated product, "Ropeye X-Block", is a counterfeit product of our patented product."), ainsi que le permet d'ailleurs le règlement de ce salon. 50. Il n'est pas allégué que la société Ino-Rope aurait autrement diffusé son allégation lui conférant le caractère d'une information publique à destination notamment de la clientèle. Il en résulte que les conditions du dénigrement ne sont pas réunies. Cette demande reconventionnelle est rejetée. 51. La société Harken France enfin, qui ne caractérise pas autre chose qu'une mauvaise appréciation de ses droits par la société Ino-Rope, ni aucun préjudice distinct de la nécessité de se défendre réparé par d'autres dispositions de ce jugement, est débouté de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive. Il en est de même de la société Ropeye Oü. 52. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Ino-Rope sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés Ropeye Oü et Harken France la somme de 10.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 53. Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire de la présente décision est ordonnée conformément aux dispositions du code de procédure civile applicables lors de la délivrance de l'assignation (le 13 novembre 2017) selon les dispositions transitoires du décret no 2019-1333 du 11 décembre 2019. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, REJETTE toutes les demandes de la société Ino-Rope fondées sur la contrefaçon de brevets et la concurrence déloyale ; REJETTE les demandes reconventionnelles de la société Ropeye Oü et de la société Harken France aux fins d'annulation des brevets opposés, en dénigrement fautif et fondées sur un abus de procédure; CONDAMNE la société Ino-Rope aux dépens dont distraction au profit de Me Guyard sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société Ino-Rope à payer à chacune des sociétés Ropeye Oü et Harken France la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision. Fait et jugé à Paris le 28 septembre 2023 LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE | x |
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JURITEXT000048550593 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550593.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 14 septembre 2023, 21/11025 | 2023-09-14 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/11025 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 21/11025 No Portalis 352J-W-B7F-CUXWA No MINUTE : Assignation du :02 septembre 2021 JUGEMENT rendu le 14 septembre 2023 DEMANDEUR Monsieur [T] [C][Adresse 2][Localité 1] représenté par Me Carlo Alberto BRUSA de la SELAS CAB ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1933 DÉFENDEUR Monsieur [O], [P], [Z] [S][Adresse 3][Localité 4] représenté par Me Gaèle LE BORGNE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E1492 & Me Benoît LEBRETON de la SARL SPARLANN, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 16 mai 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats qua le décision serait rendue le 20 juillet 2023.Le délibéré a été prorogé au 14 septembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Magistrat signataire : Madame Elodie GUENNEC (article 456 du code de procédure civile), la présidente Madame Nathalie SABOTIER étant empêchée. 1. Monsieur [O] [S] est le créateur de l'outil nommé « Vite ma dose », accessible via le nom de domaine covidtracker.fr par l'url covidtracker.fr/vitemadose. Il communique sur la création de cet outil via le réseau social Twitter depuis le 1er avril 2021. 2. Le 3 avril 2021, Monsieur [T] [C] a réservé le nom de domaine vitemadose.fr. 3. Saisie par Monsieur [S] dans le cadre d'une procédure Syreli, le collège de l'[5] par décision du 15 juin 2021, a déclaré sa demande recevable, dit que l'enregistrement du nom de domaine a été réalisé en contradiction avec les dispositions de l'article L. 45-2 du code des postes et communications électroniques et décidé d'accepter la demande de transmission du nom de domaine vitemadose.fr à Monsieur [S]. 4. Par acte d'huissier délivré le 2 septembre 2021, M. [T] [C] a assigné M. [O] [S] devant le tribunal judiciaire de Paris, en annulation de la décision rendue le 15 juin 2021 par l'AFNIC. 5. Par ordonnance du 23 juin 2022, le juge de la mise en état a notamment constaté que l'assignation n'était pas nulle ni caduque, et que l'action de Monsieur [T] [C] n'était pas prescrite. 6. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 novembre 2022, Monsieur [T] [C] demande au tribunal de : -annuler la décision rendue le 15 juin 2021 par le collège de l'[5] à la suite de la réclamation formée par M. [O] [S], ayant accepté le transfert du nom de domaine vitemadose.fr au profit de ce dernier.-dire que le nom de domaine vitemadose.fr lui restera acquis.-condamner M. [O] [S], sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir à :*cesser l'utilisation de la marque verbale « Vite Ma Dose » associée au nom de domaine covidtracker ;*supprimer la dénomination « Vite Ma Dose » attachée à l'outil utilisé par le M. [C] en violation de ses droits ;*supprimer la page web https://vitemadose.covidtracker.fr, ainsi que toute page web assimilée comportant la marque « Vite Ma Dose » ;*supprimer toute association, toute redirection et plus généralement tout lien de connexion entre les sites institutionnels ci-dessous et la page web covidtracker.fr comportant une mention directe ou indirecte de la marque « Vite Ma Dose » :https://www.data.gouv.fr/en/datasets/vite-ma-dose-de-vaccin/https://www.sante.fr/cf/centres-vaccination-covid.htmlhttps://github.com/CovidTrackerFr/vitemadose*cesser l'utilisation de la marque verbale « Vite Ma Dose », du hashtag #vitemadose ainsi que du raccourci d'identification @vitemadose sur tous les réseaux sociaux, et à faire procéder à la clôture immédiate de tout site web, de toute application de smartphone ou de tablette et de tout compte de réseau social comportant la marque « Vite Ma Dose », et plus particulièrement à faire procéder à la clôture des comptes et des référencements suivants :https://www.instagram.com/vitemadose_off/https://twitter.com/ViteMaDose_offhttps://www.facebook.com/vitemadosehttps://www.linkedin.com/company/vitemadose/https://play.google.com/store/apps/details?id=com.cvtracker.vmd2&gl=FRhttps://apps.apple.com/fr/app/vite-ma-dose/id1563630754?l=enhttps://www.frandroid.com/telecharger/apps/vite-ma-dose-de-vaccin*radier toute mention audiovisuelle de la marque verbale « Vite Ma Dose » des contenus référencés sur les plateformes de streaming telles que YouTube, Viméo, Dailymotion ;-condamner M. [O] [S] à verser à M. [T] [C], la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation des préjudices économiques causés par les agissements fautifs de M. [S] ; -condamner M. [O] [S] à verser à M. [T] [C], la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;-débouter M. [O] [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;-condamner M. [O] [S] à verser à M. [T] [C], la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;-condamner M. [O] [S] aux entiers dépens ;-ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel est sans constitution de garantie. 7. Monsieur [C] estime que Monsieur [S] n'a pas qualité à agir pour demander le transfert du nom de domaine vitemadose.fr en l'absence de droit antérieur, l'outil « vite ma dose » de Monsieur [S] étant un sous répertoire de l'outil Covidtracker. Il considère que Monsieur [S] est mal fondé à se prévaloir de l'ordre public sanitaire, n'étant pas mandataire de l'Etat. Monsieur [C] considère que la délibération du collège de l'[5] est mal fondée. Il rappelle avoir développé un agrégateur thématique de plateformes vidéo et avoir inventé ce slogan marketing pour le développer ; ainsi par exemple « vite ma dose de culture » ou encore de « zen, de sport etc. ». Il dit que le nom de domaine était libre de droit et qu'il l'a réservé en premier, son activité étant différente de celle de Monsieur [S]. Il réfute toute atteinte à l'ordre public et dit n'avoir jamais relayé de discours anti-vaccin sur son site. Selon son argument, Monsieur [S] est sans droit ni titre ne disposant pas de droit antérieur mais a usé de son influence médiatique pour entacher sa réputation comme « anti-vaccin » ce qui justifie sa demande indemnitaire. 8. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2022, Monsieur [O] [S] demande au tribunal de : -débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires.-confirmer en tous points la décision de l'AFNIC du 15 juin 2021 (Demande noFR-2021-02396).-ordonner à M. [C] de cesser toute exploitation des noms de domaine « vitemadose.fr » et « vitemadose.com » et de manière générale toute exploitation de la dénomination « VITE MA DOSE » à titre de marque, de nom de domaine, ou à titre de nom d'utilisateur sur les réseaux sociaux, et ce sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la signification du présent jugement.-condamner M. [C] à procéder, sous astreinte de 500 euros par jour passé un délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement, au transfert des noms de domaine « vitemadose.fr » et « vitemadose.com » au bénéfice de M. [S].-se réserver la liquidation des astreintes prononcées, limitées à une durée de 6 mois.-constater que M. [C] a contrefait la création de M. [S] en utilisation la dénomination « vite ma dose », et en conséquence condamner M. [C] au paiement d'une somme de 7 500 (sept mille cinq cent) euros au titre de la réparation du préjudice occasionné.-condamner M. [C] à indemniser M. [S] à hauteur de 30.000 (trente mille) euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice,-autoriser M. [S] à notifier le jugement entre les mains du Bureau d'enregistrement de noms de domaine en charge de la gestion des noms de domaine « vitemadose.fr » et « vitemadose.com » à l'effet de procéder – en cas de carence de M. [C] – à son transfert à son bénéfice.-condamner M. [C] aux entiers dépens d'instance, dont distraction au profit de Maître Gaèle Le Borgne, avocat au barreau de Paris,-condamner M. [C] à verser à M. [S] la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.-ordonner l'exécution provisoire. 9. Monsieur [S] estime qu'il a intérêt à agir car le nom de domaine vitemadose.fr reprend le nom de l'outil « Vite ma dose » qu'il a créé antérieurement. Selon son argument, Monsieur [C] a méconnu l'ordre public en créant un risque de confusion entre l'outil « Vite ma dose » destiné à réserver des créneaux libres de vaccination et son site internet à vocation commerciale. Il souligne à cet égard la promotion du site par certains média, son référencement prioritaire sur les moteurs de recherche Bing et Yahoo, « l'encapsulage » de l'outil « Vite ma dose » sur le site, la diffusion d'une vidéo portant un discours anti-vaccins et la mise en vente du site pour 5 747 dollars. Il considère l'argumentation de Monsieur [C] comme de mauvaise foi alors que, selon l'argument de Monsieur [S], celui-ci ne prouve pas que son projet d'agrégateur de vidéos soit antérieur au dépôt du nom de domaine. Il considère que celui-ci ne justifie d'aucun préjudice alors que son identité n'a pas été révélée. Monsieur [S] revendique enfin un droit sur la dénomination « Vite ma dose » sur le fondement du droit d'auteur et estime que le dépôt litigieux et le site afférent sont des actes de contrefaçon. 10. Par ordonnance du 15 novembre 2022 le juge de la mise en état a enjoint aux parties de rencontrer un médiateur. 11. L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance du 24 janvier 2023 et renvoyée à l'audience du 16 mai 2023 pour être plaidée. SUR CE 12. Selon l'article L. 45-6 du code des postes et communications électroniques « toute personne démontrant un intérêt à agir peut demander à l'office d'enregistrement compétent la suppression ou le transfert à son profit d'un nom de domaine lorsque le nom de domaine entre dans les cas prévus à l'article L. 45-2. (?) Les décisions prises par l'office sont susceptibles de recours devant le juge judiciaire ». 13. Aux termes de l'article L. 45-2 du code des postes et communications électroniques « dans le respect des principes rappelés à l'article L. 45-1, l'enregistrement ou le renouvellement des noms de domaine peut être refusé ou le nom de domaine supprimé lorsque le nom de domaine est :1o Susceptible de porter atteinte à l'ordre public ou aux bonnes m?urs ou à des droits garantis par la Constitution ou par la loi ;2o Susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf si le demandeur justifie d'un intérêt légitime et agit de bonne foi ;3o Identique ou apparenté à celui de la République française, d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales ou d'une institution ou service public national ou local, sauf si le demandeur justifie d'un intérêt légitime et agit de bonne foi.Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 45-7 et les règles d'attribution de chaque office d'enregistrement définissent les éléments permettant d'établir un usage de mauvaise foi et l'absence d'intérêt légitime.Le refus d'enregistrement ou de renouvellement ou la suppression du nom de domaine ne peuvent intervenir, pour l'un des motifs prévus au présent article, qu'après que l'office d'enregistrement a mis le demandeur en mesure de présenter ses observations et, le cas échéant, de régulariser sa situation.En outre, l'office d'enregistrement supprime ou transfère sans délai à l'autorité compétente le nom de domaine sur injonction de l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation en application du c du 2o de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation ».Selon l'article L. 45-7 de ce même code « les modalités d'application des articles L. 45 à L. 45-6 sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ». 14. Selon l'article R. 20-44-46 du code des postes et des communications électroniques « peut notamment caractériser l'existence d'un intérêt légitime, pour l'application du 2o et du 3o de l'article L. 45-2, le fait, pour le demandeur ou le titulaire d'un nom de domaine :– d'utiliser ce nom de domaine, ou un nom identique ou apparenté, dans le cadre d'une offre de biens ou de services, ou de pouvoir démontrer qu'il s'y est préparé ;– d'être connu sous un nom identique ou apparenté à ce nom de domaine, même en l'absence de droits reconnus sur ce nom ;– de faire un usage non commercial du nom de domaine ou d'un nom apparenté sans intention de tromper le consommateur ou de nuire à la réputation d'un nom sur lequel est reconnu ou établi un droit.Peut notamment caractériser la mauvaise foi, pour l'application des 2o et 3o de l'article L. 45-2, le fait, pour le demandeur ou le titulaire d'un nom de domaine :– d'avoir obtenu ou demandé l'enregistrement de ce nom principalement en vue de le vendre, de le louer ou de le transférer de quelque manière que ce soit à un organisme public, à une collectivité locale ou au titulaire d'un nom identique ou apparenté sur lequel un droit est reconnu et non pour l'exploiter effectivement ;– d'avoir obtenu ou demandé l'enregistrement d'un nom de domaine principalement dans le but de nuire à la réputation du titulaire d'un intérêt légitime ou d'un droit reconnu sur ce nom ou sur un nom apparenté, ou à celle d'un produit ou service assimilé à ce nom dans l'esprit du consommateur ;– d'avoir obtenu ou demandé l'enregistrement d'un nom de domaine principalement dans le but de profiter de la renommée du titulaire d'un intérêt légitime ou d'un droit reconnu sur ce nom ou sur un nom apparenté, ou de celle d'un produit ou service assimilé à ce nom, en créant une confusion dans l'esprit du consommateur ». 15. En l'espèce, Monsieur [S] a créé l'outil Covidtracker accessible par le nom de domaine covidtracker.fr créé le 19 mai 2020. 16. Le 1er avril 2021, il publie sur son compte Twitter un message indiquant la création d'un outil nommé « Vite ma dose » accessible via l'url covidtracker.fr/vitemadose. Des messages antérieurs sur Twitter utilisaient déjà l'expression sans que le lien avec cet outil ne soit établi. 17. Le 2 avril 2021, plusieurs articles de presse présentent le site et son objet qui est, au moyen d'un algorithme, de référencer les créneaux de vaccination disponibles afin de les pourvoir dans le contexte de l'épidémie de Sars-Cov-2. 18. Le nom de domaine vitemadose.fr est déposé le 3 avril 2021 par Monsieur [C]. Un document indiquant que le site est « 10 days old », ce qui signifie créé il y a 10 jours, propose le nom de domaine à la vente pour 5 747 dollars américains. 19. Sur Twitter, un compte « Vite ma dose » est créé par Monsieur [C]. Ce compte est sollicité par un message privé de Monsieur [S] demandant quel est son objet et celui du nom de domaine associé. Monsieur [C] répond que leur but est « la promotion de ce service », via un lien de redirection, tout en considérant qu'il est devenu « redondant » après la création du compte officiel. Un autre message privé de ce compte Twitter indique « j'ai déjà commité sur le projet, c'est l'intérêt de l'open source » ce qui signifie que Monsieur [C] revendique avoir participé au développement du projet par open data antérieurement à son lancement. 20. La marque verbale « vite ma dose » est déposée le 8 avril 2021 par Monsieur [C]. 21. Le 12 avril 2021, un journal télévisé de grande écoute invite par erreur les téléspectateurs à utiliser le site vitemadose.fr afin de trouver des créneaux de vaccination. 22. Des membres du gouvernement et le Président de la République communiquent sur l'outil de Monsieur [S] et sa pertinence dans les médias et sur les réseaux sociaux à la fin du mois d'avril et au début du mois de mai 2021. Sur la demande d'annulation de la décision du collège de l'[5] du 15 juin 2021 1. Sur l'atteinte à l'ordre public 24. Il ressort de la présentation des faits qui précède que Monsieur [C] a réservé le nom de domaine vitemadose.fr le 3 avril 2021, surlendemain de l'annonce, par Monsieur [S], de la mise à disposition du public de l'outil du même nom. 25. Il est constant que le site de Monsieur [C], d'un agencement minimal, mentionne alors des contenus en rapport avec la vaccination présentés comme des « conseils », y compris une vidéo portant sur la vaccination dont l'objet est d'apporter une critique sur les vaccins à ARN messager. 26. Il est établi que le site n'était pas utile à la promotion de l'outil « Vite ma dose », créant au contraire un risque d'erreur de l'utilisateur, et de certains média, se croyant sur le site véritable. 27. L'outil « Vite ma dose », n'a été référencé par les autorités que le 11 avril 2021 sur le site data.gouv.fr, comme participant à la lutte contre la pandémie de Sars-Cov-2. 28. Lors du dépôt du nom de domaine vitemadose.fr, le 3 avril 2021, l'outil « Vite ma dose » participait déjà, de fait, par sa solution technique innovante, à la lutte contre l'épidémie, en favorisant la vaccination contre la maladie. 29. Dans la mesure où les circonstances exceptionnelles nées de l'épidémie conféraient à cette solution technique un caractère de nécessité et d'urgence, cet outil, bien qu'émanant de l'initiative d'un particulier, préservait la salubrité publique. 30. Le dépôt du nom de domaine vitemadose.fr méconnait ainsi l'ordre public sanitaire par le risque de confusion entretenu avec l'outil créé par Monsieur [S]. 31. Le grief dirigé contre la décision du collège de l'[5], fondé sur l'absence d'atteinte à l'ordre public, est donc écarté. 2. L'atteinte à un droit de propriété intellectuelle 32. Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle « l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. / Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code (...) ». 33. Aux termes de l'article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle « la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée ». 34. Selon l'article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle « l'auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d'exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit pécuniaire ». 35. En l'état des débats, il n'est pas contesté que Monsieur [S] est créateur de l'outil « Vite ma dose » permettant, par l'intermédiaire d'un algorithme, à des utilisateurs de disposer de créneaux de vaccination disponibles. 36. Cet outil est la conséquence directe de ses compétences techniques. 37. Contrairement à ce que soutient Monsieur [S], l'expression « vite ma dose » est couramment employée en langue française comme le prouve la compilation de messages publiés sur Twitter que présente le demandeur. 38. Monsieur [S] ne peut donc pas prétendre à un monopole sur l'utilisation de cette combinaison de mots de façon générale. Il y a lieu de déterminer s'il peut justifier d'un droit d'auteur sur cette expression en tant qu'elle désigne un outil original dont elle serait le nom. 39. L'utilisation de cette expression courante, qui exprime une nécessité urgente au point d'être assimilable à une addiction, à la seule fin de promouvoir un outil de lutte contre une maladie dans un contexte de pandémie est originale, et porte l'empreinte de la personnalité de son auteur. 40. Monsieur [C] explique avoir créé le nom de domaine vitemadose.fr pour porter un agrégateur de contenu numérique, « vite ma dose de culture » ou « vite ma dose de sport » par exemple. Rien ne prouve l'existence de cette activité, même à l'état de projet ou d'ébauche, avant l'annonce de la création de l'outil « Vite ma dose » par Monsieur [S]. 41. Au contraire, les faits présentés au tribunal démontrent que Monsieur [C] a créé son site le surlendemain de l'annonce de Monsieur [S] et le lendemain de sa médiatisation ; qu'il avait connaissance du développement du projet en open source avant ces dates ; qu'il a reconnu lui-même lors d'un échange sur Twitter avec Monsieur [S] que vitemadose.fr avait vocation à soutenir l'outil de ce dernier, et non à promouvoir des contenus multimédia, le qualifiant lui même de « redondant » ; qu'il a proposé dès le mois d'avril 2021 le nom de domaine à la vente soutenant pourtant dans ses conclusions avoir toujours voulu poursuivre son activité au moyen de ce nom de domaine. 42. Il ressort de ces circonstances que le dépôt du nom de domaine vitemadose.fr porte atteinte au droit d'auteur de Monsieur [S] et a été manifestement réalisé de mauvaise foi. Pour ces mêmes motifs, l'intérêt légitime visé à l'article L. 45-2 précité n'est pas établi s'agissant de Monsieur [C]. 43. Le grief tiré de l'absence d'intérêt à agir de Monsieur [S] est donc mal fondé. Au surplus, la décision de l'AFNIC est également bien fondée en considération du 2o de l'alinéa premier de l'article L. 45-2 du code des postes et communications électroniques. 44. La demande tendant à la nullité de la décision du collège de l'[5] est donc rejetée. 45. Les demandes présentées par Monsieur [C] tendant à la condamnation de Monsieur [S] à réaliser diverses mesures sous astreinte, mal fondées, sont rejetées. 46. La demande reconventionnelle de Monsieur [S] tendant au transfert sous astreinte apparaît justifiée, en raison du risque d'inexécution créé par la mauvaise foi persistante de Monsieur [C]. Il y sera fait droit dans les conditions du dispositif. Il en va de même s'agissant du nom de domaine vitemadose.com dont le dépôt par Monsieur [C] n'est pas contesté et la présentation identique (pièce demandeur 50). Sur les demandes indemnitaires La demande principale 47. Aux termes de l'article 1240 du Code civil « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». 48. Contrairement à l'argument en demande, Monsieur [S] dispose bien d'un droit à utiliser la combinaison de mots « Vite ma dose ». 49. De la même manière, aucune faute ne peut être déduite de sa demande auprès de l'AFNIC qui est bien fondée. 50. Monsieur [C] dénonce encore une atteinte numérique à la « réputation » de son site, présenté comme anti-vaccin et à sa personne par la diffusion de son nom sur internet. 51. Les pièces produites démontrent que Monsieur [S] a publié deux messages sur Twitter. Le premier le 11 mai 2021 présente une capture d'écran du site vitemadose.fr et indique « attention usurpation ! Le nom de domaine vitemadose[point]fr a été racheté par des anti vaccins. N'y allez pas. Diffusez le plus largement possible la bonne adresse vitemadose.covidtracker.fr et rien d'autre ! ». Le second le même jour indique « Journalistes, merci de ne PAS écrire la fausse adresse en toutes lettres dans vos articles, au risque de favoriser son référencement. En revanche diffusez notre url (vitemadose.covidtracker.fr) ». 52. Le qualificatif d' « anti-vaccin » appliqué au site vitemadose.fr repose, pour l'essentiel, sur la diffusion d'une vidéo d'un Monsieur [W] [B] présenté comme généticien moléculaire et indiquant dès les premières minutes de l'enregistrement qu'il questionne la technique des vaccins à ARN-messager. 53. Le demandeur, qui ne procède à aucune analyse de la vidéo, ne démontre pas que le qualificatif d'anti-vaccin soit ici employé de manière fautive par Monsieur [S]. Aucun préjudice n'est au surplus démontré alors que le nom de domaine du site a été déposé en fraude des droits de Monsieur [S]. 54. Monsieur [C] justifie que des messages sur Twitter ont diffusé son nom par référence au certificat de dépôt du nom de domaine. En l'état des pièces produites, ces messages ne sont pas le fait de Monsieur [S] dont la faute n'est pas démontrée. 55. Les conditions de la responsabilité civile de Monsieur [S] n'étant pas réunies, les demandes dirigées contre lui sont rejetées. La demande reconventionnelle 56. Vu les articles L. 111-1, L. 123-1 et L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle précités, 57. Selon l'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle « pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ». 58. Ainsi qu'il précède, Monsieur [S] n'est pas titulaire du droit d'auteur sur l'expression « Vite ma dose » d'emploi courant en langue française. 59. En revanche, il justifie de l'originalité d'un outil de référencement par algorithme de créneaux de vaccination disponibles numériquement ayant pour titre « Vite ma dose » et bénéficie donc d'un droit d'auteur sur cette expression en tant qu'elle désigne le nom d'un tel outil. 60. Le site de Monsieur [C] est d'une présentation évolutive et erratique. Lors des mois d'avril et mai 2021 à tout le moins, il renvoie à l'outil « Vite ma dose » de Covidtracker. Il présente ensuite le 11 mai 2021 la vidéo précitée de Monsieur [B] et des rubriques sur la vaccination précédées d'un titre en gros caractères « Vite ma dose » dans l'en-tête. 61. Il résulte de ces circonstances que Monsieur [C] a utilisé l'expression « Vite ma dose » sur un site internet ayant une vocation similaire à l'objet de l'outil de Monsieur [S] et l'a ainsi contrefait. 62. Le manque à gagner et la perte subie par Monsieur [S] sont inexistants en l'état d'une activité présentée de façon constante comme bénévole. 63. Monsieur [C] a entretenu une confusion entre l'outil « Vite ma dose » de Monsieur [S] et son site internet. Ce site rapporte des propos relatifs à la vaccination différent de l'objet de l'outil « Vite ma dose » qui vise à promouvoir la vaccination et non à en contester le principe ou à mettre en avant des analyses contestant la composition de certains vaccins contre le Sars-Cov-2. Cette circonstance génère pour Monsieur [S], dont le nom est associé à l'outil, un préjudice moral qu'il convient de réparer. 64. Les bénéfices réalisés par Monsieur [C] par l'exploitation du site ne sont pas justifiés, alors qu'il ne l'a pas vendu malgré son offre en ce sens et qu'aucun contenu publicitaire ne peut être recueilli. 65. Il est établi, en revanche, que le site figure systématiquement une rubrique indiquant que des cookies contenant des données personnelles des utilisateurs du site sont prélevées ce qui représente une valeur économique importante, au regard de la notoriété de l'outil de Monsieur [S] pouvant générer sur le site contrefaisant un nombre de visites important. 66. Ces circonstances justifient de faire droit à la demande de Monsieur [S] à hauteur de 25 000 euros. Sur les demandes accessoires 67. Monsieur [C], partie perdante, est condamné aux dépens outre le paiement à Monsieur [S] de la somme de 8 000 euros, appréciée en équité en l'absence de justificatif ou d'accord des parties sur ce montant. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, REJETTE la demande de nullité dirigée contre la décision du collège de l'[5] du 15 juin 2021 noFR-2021-02396, confirmée en toutes ses dispositions, ORDONNE le transfert du nom de domaine <vitemadose.fr> et du nom de domaine <vitemadose.com> à Monsieur [O] [S], DIT que Monsieur [T] [C] devra réaliser ce transfert dans un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement puis sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant un délai maximal de trois mois, AUTORISE Monsieur [O] [S] à notifier le jugement entre les mains du Bureau d'enregistrement de noms de domaine en charge de la gestion des noms de domaine <vitemadose.fr> et <vitemadose.com> à l'effet de procéder à son transfert à son bénéfice, ORDONNE à Monsieur [T] [C] de cesser toute exploitation des noms de domaine <vitemadose.fr> et <vitemadose.com> et de manière générale toute exploitation de la dénomination « vite ma dose » à titre de marque, de nom de domaine, ou à titre de nom d'utilisateur sur les réseaux sociaux, dans un délai de 7 jours à compter de la signification du jugement puis à défaut d'exécution sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant un délai maximal de trois mois, CONDAMNE Monsieur [T] [C] à payer à Monsieur [O] [S] la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon de droit d'auteur, REJETTE le surplus, CONDAMNE Monsieur [T] [C] à payer à Monsieur [O] [S] la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE Monsieur [T] [C] aux dépens dont distraction au profit de Maître Gaèle Le Borgne, avocat au barreau de Paris. Fait et jugé à Paris le 14 septembre 2023 LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000048550594 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550594.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 28 juin 2023, 21/06366 | 2023-06-28 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/06366 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 21/06366 - No Portalis 352J-W-B7F-CUMBK No MINUTE : Assignation du :12 janvier 2018 JUGEMENT rendu le 28 juin 2023 DEMANDEURS S.A.R.L. Y&W[Adresse 13][Localité 10] Monsieur [D] [R]Intervenant volontaire[Adresse 2][Localité 11] Monsieur [F] [H]Intervenant volontaire[Adresse 4][Localité 8] représentés par Maître Franck BENHAMOU de la SELEURL FB AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1099 DÉFENDEURS Monsieur [I] [C][Adresse 3][Localité 7] Monsieur [T] [Y] [V] Alias [W][Adresse 6][Localité 9] - FRANCE Monsieur [S] [V]Alias [N] [Adresse 5][Localité 14]' Monsieur [P] [X]Alias [U][Adresse 1][Localité 12] représentés par Maîtres Isabelle VEDRINES et Nicolas HERZOG de l'AARPI H2O AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #A0077 ______________________________ COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointLinda BOUDOUR, jugeArthur COURILLON-HAVY, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DÉBATS A l'audience du 30 mars 2023 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Magistrat signataire (article 456 du code de procédure civile) : Linda BOUDOUR, juge, le président Jean-Christophe GAYET étant empêché. _____________________________ EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société à responsabilité limitée (SARL) Y&W, immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Paris le 13 septembre 2011 est une société de production phonographique et d'édition musicale. 2. MM. [D] [R] et [F] [H] sont fondateurs de la société Y&W.3. MM. [I] [C], [T] [V], [S] [V] et [P] [X], sont tous les quatre auteurs interprètes et membres du groupe de musique dénommé "[J]". 4. Le 5 avril 2011, la SARL Y&W, en cours de formation, a signé des contrats d'artiste avec chacun des quatre défendeurs. 5. Les demandeurs affirment avoir pris l'initiative et financé l'enregistrement de 31 phonogrammes avec les défendeurs, entre avril et novembre 2011. Ils affirment également que les défendeurs ont, par la suite, exploité trois de ces morceaux sans leur autorisation. 6. Également en 2011, la SARL Y&W a déposé à l'INPI, la marque "1.9.9.5", no3830011 et la marque "[B]", no3830018. Par jugements du 2 mars 2012 et du 16 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a reconnu que ces dépôts étaient frauduleux et a ordonné leur transfert au profit des défendeurs. 7. Le 20 janvier 2012, les défendeurs ont envoyé une lettre recommandée avec accusé de réception à la SARL Y&W pour résilier les contrats les liant avec elle, aux motifs qu'elle avait manqué à ses obligations contractuelles et commis des manoeuvres frauduleuses du fait du dépôt des deux marques. 8. Le 8 février 2012, MM. [H] et [R] ont déposé une main courante pour dénoncer une diffamation des défendeurs à leur égard, les accusant d'avoir séquestré un autre membre du groupe "[J]". 9. Le 26 juin 2012, MM. [I] [C], [T] [V] et [P] [X] ont déposé une main courante alléguant de violences morales et physiques commises à leur encontre par MM. [D] [R] et [F] [H]. 10. Deux procédures judiciaires ont déjà eu lieu entre les parties. L'une a abouti à un jugement du conseil des prud'hommes de Paris qui a jugé que M. [I] [C] était salarié de la SARL Y&W du fait d'un contrat de travail du 5 avril 2011. 11. L'autre a abouti à un arrêt du 2 mars 2018 de la cour d'appel de Paris, confirmé par un arrêt de la Cour de cassation du 10 juin 2020. Ces deux juridictions ont reconnu qu'au moment de la signature des contrats du 5 avril 2011, la SARL Y&W n'avait pas de personnalité juridique et ne pouvait donc pas conclure de contrat, en précisant que rien ne prouve que MM. [R] et [H] ont agi au nom et pour le compte de la SARL Y&W. 12. Par acte d'huissier du 12 janvier 2018, la SARL Y&W a assigné M. [A] en vue d'engager sa responsabilité contractuelle. 13. Par conclusions en intervention volontaire du 30 novembre 2018, MM. [D] [R] et [F] [H] sont intervenus à l'instance en formulant les mêmes demandes que la SARL Y&W. 14. Par ordonnance du 21 juin 2019, il a été sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation du 10 juin 2020. L'affaire a été renvoyée au fond le 21 janvier 2021. 15. L'affaire a été radiée le 15 avril 2021 pour défaut de diligence des parties puis rétablie sur demande de la SARL Y&W et de MM. [H] et [R]. 16. Par actes d'huissier des 8, 11 et 12 octobre 2021, les demandeurs ont assigné en intervention forcée MM. [T] [V], [S] [V] et [P] [X]. L'affaire a été jointe à la présente instance par ordonnance du 20 janvier 2022. 17. L'instruction a été close par ordonnance du 19 mai 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 30 mars 2023 pour être plaidée. PRÉTENTIONS DES PARTIES 18. Dans leurs dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 24 mars 2022, la SARL Y&W, MM. [D] [R] et [F] [H] ont demandé au tribunal de :- constater que MM. [R] et [H] ne sont pas prescrits en leur action et les déclarer en conséquence recevables en leurs demandes ;- constater que MM. [R] et [H] disposent de la qualité à agir et les déclarer en conséquence recevables en leurs demandes ;- entériner les contrats en date du 5 avril 2011 comme actes créateurs de droits et d'obligations réciproques à l'égard, d'une part, de MM. [R] et [H] et, d'autre part, de MM. [I] [C], [P] [X], [T] [V] et [S] [V] ;- reconnaître la qualité de producteurs de phonogrammes de MM. [R] et [H] sur les enregistrements suivants : "Fin de semaine", 3 min 22, "Hommage aux petites graines", 3 min 38, "J'aurai dû continuer le rap", 4 min, "J'élargis mes racines", 3 min 10, "J'ignore", 2 min 08, "Joint de culotte", 3 min 14, "Je ne crois plus en l'homme", 3 min 23, "L'éclosion du mal", 3 min 23, "L'équimose", 3 min 51, "Les parisiennes", 1 min 47, "Ma maman m'a dit", 4 min 04, "Plus fort que moi", 2 min 26, "Princesse de feu", 4 min 34, "Les filles de Paris", 2 min 16, "Le mauvais rap ne me rattrapera pas", 3 min 40, "Compte sur nous", 3 min 27, "Funk", 2 min 54, "Mon 75", 3 min 25, "Dans ta réssoi", 4 min 44, "Chicha menthe", 3 min 19, "Du vécu", 5 min 5, "Les filles de Paris", 3 min 20, "Jungle urbaine", 3 min 36, "L'heure tourne", 5 min 25, "Nique les clones", 2 min 55, "On est ensemble", 5 min 36, "Vorace", 3 min 43, "Quand le soleil se lève", 4 min 14, "Steve Jobs", "Pilote de l'air", 3 min 01, "Enfants de la patrie", 4 min 53 ;- dire et juger que MM. [I] [C], [P] [X], [T] [V] et [S] [V] ont violé l'ensemble des obligations leur incombant au titre du contrat en date du 5 avril 2011 ;- constater que la résiliation anticipée des contrats en date du 5 avril 2011 a été opérée de manière brutale et en violation du principe de bonne foi contractuelle ;- dire et juger que MM. [I] [C], [P] [X], [T] [V] et [S] [V] ont procédé à l'exploitation illicite des titres "Compte sur nous", "L'heure tourne" et "Vorace" produits par MM. [R] et [H] ;En conséquence, condamner in solidum MM. [I] [C], [P] [X], [T] [V] et [S] [V] à payer à MM. [R] et [H] :> 54 597 euros au titre des frais exposés pour l'enregistrement des 31 phonogrammes litigieux susvisés ;> 2 660 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à ses inexécutions contractuelles s'agissant de ses albums solos ;> 287 280 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à leurs inexécutions contractuelles s'agissant des albums du groupe [J] ;> la somme forfaitaire de 50 000 euros au titre de la contrefaçon des enregistrements "Compte sur nous", "L'heure tourne" et "Vorace" ;> 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. 19. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 mars 2022, MM. [I] [C], [T] [Y] [V], [S] [V] et [P] [X] ont demandé au tribunal de :- à titre principal, constater que MM. [D] [R] et [F] [H] sont prescrits dans leur actions ;- en conséquence, déclarer MM. [D] [R] et [F] [H] irrecevables en leurs demandes ;- à titre subsidiaire, constater que MM. [D] [R] et [F] [H] ne disposent pas de la qualité à agir ;- en conséquence, déclarer MM. [D] [R] et [F] [H] irrecevables en leurs demandes ;- à titre infiniment subsidiaire> constater que MM. [I] [C] (alias [B]), [T] [Y] [V] (alias [W]), [S] [V] (alias [N]) et [P] [X] (alias [U]) n'ont commis aucun manquement contractuel et que le contrat a été résilié à leur initiative ;> constater que MM. [R] et [H] sont dans l'incapacité de rapporter la preuve d'un quelconque préjudice consécutif à des inexécutions contractuelles de MM. [I] [C] (alias [B]), [T] [Y] [V] (alias [W]), [S] [V] (alias [N]) et [P] [X] (alias [U]) ;> constater que MM. [R] et [H] ne sont pas recevables à solliciter le versement de dommages et intérêts du fait de prétendues inexécutions contractuelles prétendument imputables à MM. [I] [C] (alias [B]), [T] [Y] [V] (alias [W]), [S] [V] (alias [N]) et [P] [X] (alias [U]) et de revendiquer, dans le même temps, des dommages et intérêts sur le fondement d'une prétendue contrefaçon ;> en conséquence, débouter MM. [R] et [H] de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de MM. [I] [C] (alias [B]), [T] [Y] [V] (alias [W]), [S] [V] (alias [N]) et [P] [X] (alias [U]) ;- en tout état de cause, condamner MM. [D] [R] et [F] [H] à payer, chacun, à MM. [I] [C] (alias [B]), [T] [Y] [V] (alias [W]), [S] [V] (alias [N]) et [P] [X] (alias [U]) :> quinze mille euros (15 000 €), chacun, pour procédure abusive> quinze mille euros (15 000 €), chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile- condamner MM. [D] [R] et [F] [H] aux entiers dépens d'instance. MOTIFS DU JUGEMENT I - Sur la prescription des demandes de MM. [R] et [H] Moyens des parties 20. MM. [I] [C], [T] [Y] [V], [S] [V] et [P] [X] font valoir que les demandes de MM. [R] et [H] sont prescrites, dès lors qu'elles ont été présentées le 30 novembre 2018, soit plus de cinq ans après le 20 janvier 2012, date à laquelle ces derniers ont été informés de leur volonté de s'opposer à la divulgation du l'album de musique intitulé "Black Album" contenant quinze chansons dont ils sont les auteurs. Ils considèrent que l'action introduite antérieurement par la SARL Y&W n'a pas pu avoir pour effet d'interrompre la prescription dans la mesure où elle a été introduite par une personne morale distincte et sur des fondements juridiques différents de ceux de la présente instance. 21. La SARL Y&W et MM. [R] et [H] opposent que le délai de prescription de leur action a été interrompu entre le 16 septembre 2016, date de l'introduction par la SARL Y&W d'une instance tendant au même but que la présente instance, et le 10 juin 2020, date de l'arrêt de la Cour de cassation ayant rendu définitive l'analyse selon laquelle cette société n'avait pas pu conclure les contrats du 5 avril 2011 litigieux avec chacun des défendeurs. Réponse du tribunal 22. Conformément à l'article 2224 du code civil, "les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer". 23. La prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 9 juillet 2009, 08-10.820). 24. Aux termes de l'article 2241 du même code, "la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure". 25. Les articles 2242 et 2243 du même code ajoutent que "l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance" et que "l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée". 26. Il résulte de ces dispositions que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 8 juillet 2020, no18-24.441). 27. Toutefois, seule une initiative du créancier de l'obligation peut interrompre la prescription et lui seul peut revendiquer l'effet interruptif de son action et en tirer profit (en ce sens pour l'exclusion de l'identité de parties à un assureur, Cour de cassation, 2ème chambre civile, 23 novembre 2017, no16-13.239 ; pour la même exclusion appliquée à un appel en garantie, 3è chambre civile, 19 mars 2020, 19-13.459). 28. Néanmoins, l'effet interruptif de l'action en justice peut être valablement invoqué par les héritiers du créancier ou le créancier subrogé dans ses droits (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 14 février 1996, no94-13.445), ou encore en cas d'action oblique (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 17 novembre 2021, no20-10.389). 29. Au cas présent, l'instance introduite le 30 décembre 2013 et conclue par arrêt du 10 juin 2020 de la Cour de cassation, l'a été par la seule SARL Y&W (pièces des défendeurs no8) et se fondait sur les contrats d'artistes conclus le 5 avril 2011 (pièces des demandeurs no19 et 21). 30. Pour autant, la cour d'appel de Paris, infirmant le jugement du 16 septembre 2016 sur ce point, a retenu que la SARL Y&W n'avait pas pu valablement signer les contrats litigieux faute d'être constituée de la personnalité morale à cette date et en l'absence de reprise de ces contrats lors de sa constitution (pièce des demandeurs no19), analyse que la Cour de cassation a approuvée (pièce des demandeurs no21). 31. Les statuts de la SARL Y&W déposés le 13 septembre 2011 mentionnent qu'elle est constituée par MM. [M] [H], [D] [R], [G] [R] et [F] [H] (pièce des demandeurs no3). 32. Si MM. [R] et [H] avancent, désormais, que les contrats litigieux du 5 avril 2011 ont été signés en leurs noms propres, ils ne sauraient valablement se prévaloir que cette instance ait pu interrompre à leur profit la présente action, dans la mesure où, d'une part, ils n'invoquent pas que leur qualité d'associé de la SARL Y&W puisse leur conférer ce droit et où, d'autre part, cette seule qualité ne saurait justifier, en l'espèce, qu'ils puissent en bénéficier en leurs noms propres. 33. Par ailleurs, il n'est pas contesté par MM. [R] et [H] qu'ils ont eu personnellement connaissance du courrier du 20 janvier 2012 du conseil de MM. [C], [V] et [X] de mettre fin aux contrats litigieux du 5 avril 2011 (leurs conclusions pages 4, 8 et 9). 34. Il s'ensuit que MM. [R] et [H] disposaient jusqu'au 20 janvier 2017 pour introduire leur action envers les défendeurs et, en conséquence, leurs demandes introduites par conclusions d'intervention volontaire du 30 novembre 2018 sont prescrites et seront déclarées irrecevables. II - Sur la procédure abusive Moyens des parties 35. MM. [I] [C], [T] [Y] [V], [S] [V] et [P] [X] estiment que le caractère tardif des demandes indemnitaires de MM. [R] et [H] ne procèdent que de leur volonté de leur nuire et de s'enrichir à leurs dépens, l'abus étant caractérisé par l'acharnement dont ils font preuve, alors même qu'ils ont parfaitement conscience du caractère infondé de leurs demandes. 36. La SARL Y&W et MM. [R] et [H] n'ont pas répondu à cette demande. Réponse du tribunal 37. L'article 1240 du code civil prévoit que "tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". 38. En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, "celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés". 39. Le droit d'agir en justice participe des libertés fondamentales de toute personne. Il dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 10 octobre 2012, no 11-15.473). 40. En l'occurrence, la seule circonstance que MM. [R] et [H] soient déclarés irrecevables en leurs demandes n'est pas de nature à faire dégénérer leur action en abus et MM. [C], [V] et [X] ne démontrent aucun préjudice distinct des frais engagés pour leur défense, lesquels sont indemnisés au titre des frais non compris dans les dépens. 41. Leur demande à ce titre sera, en conséquence, rejetée. III - Sur les dispositions finales III.1 - S'agissant des dépens 42. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 43. La SARL Y&W et MM. [R] et [H], étant parties perdantes, ils seront condamnés aux dépens. III.2 - S'agissant de l'article 700 du code de procédure civile 44. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 45. Conformément à la demande, MM. [R] et [H], parties condamnées aux dépens, seront condamnés, chacun, à payer 5000 euros à MM. [C], [V] et [X], au titre des frais non compris dans les dépens. 46. Les demandes à ce titre de MM. [R] et [H] seront rejetées. III.3 - S'agissant de l'exécution provisoire 47. Aux termes de l'article 515 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à la date de l'assignation, "hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi.Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation". 48. Eu égard aux termes du jugement, l'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, sera ordonnée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, DÉCLARE irrecevables comme prescrites les demandes de MM. [D] [R] et [F] [H] ; DÉBOUTE MM. [I] [C], [T] [Y] [V], [S] [V] et [P] [X] de leur demande au titre de la procédure abusive ; CONDAMNE MM. [D] [R] et [F] [H] aux dépens ; CONDAMNE, d'une part, M. [D] [R] et, d'autre part, M. [F] [H] à payer, chacun, 5000 euros à M. [I] [C], 5000 euros à M. [T] [Y] [V], 5000 euros à M. [S] [V] et 5000 euros à [P] [X] en application de l'article 700 du code de procédure civile ; DÉBOUTE MM. [D] [R] et [F] [H] de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 28 juin 2023 La greffière Le président | x |
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JURITEXT000029771041 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/29/77/10/JURITEXT000029771041.xml | ARRET | Cour d'appel de Versailles, 2 mai 2014, 13/02992 | 2014-05-02 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 13/2992 | 9ème CHAMBRE | VERSAILLES | No du 02 MAI 2014 9ème CHAMBRE RG : 13/ 02992 X... .... COUR D'APPEL DE VERSAILLES DA Arrêt prononcé publiquement le DEUX MAI DEUX MILLE QUATORZE, par Monsieur LARMANJAT, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels, en présence du ministère public, Nature de l'arrêt : voir dispositif Sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Nanterre- 14ème chambre du 09 juillet 2013. COMPOSITION DE LA COUR lors des débats, du délibéré, et au prononcé de l'arrêt Président : Monsieur LARMANJAT Conseillers : Monsieur ARDISSON, Monsieur GUITTARD, DÉCISION : voir dispositif MINISTÈRE PUBLIC : Madame FOREY, substitut général, lors des débats GREFFIER : Madame LAMANDIN, greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt PARTIES EN CAUSE Bordereau No du PRÉVENU X... ... né le 05 décembre 1944 à TARBES (65) de nationalité française, retraité, consultant demeurant ... Jamais condamné, libre, Comparant, assisté de Maître BINET François, avocat au barreau de PARIS (conclusions) PARTIES CIVILES L'ASSOCIATION AISP METRA 49 rue de Verdun-92150 SURESNES Non comparant, représenté par Maîtres TOBOLSKI Jonathan, avocat au barreau de PARIS L'ASSOCIATION MEDEF SPSC 14/ 16 rue Victor Hugo-92800 PUTEAUX Non comparant, représenté par Maître TOBOLSKI Jonathan, avocat au barreau de PARIS RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LA PRÉVENTION : X... Jean est prévenu : - pour avoir courant 2006 et 2007, à Suresnes, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription et sur le territoire national, en sa qualité de président de l'association AISP METRA, détourné au préjudice de l'association AIPS METRA des fonds, valeurs, ou biens quelconques qui lui avaient été remis et qu'il avait acceptés à charge de les rendre, représenter ou d'en faire un usage déterminé, en l'espèce en procédant au placement de la trésorerie de cette association auprès d'un fonds commun de placement dans les conditions suivantes : - En signant sans avoir informé et obtenu l'autorisation du conseil d'administration, le 20 janvier 2006 un bulletin de souscription auprès du fonds Edelweiss contractuel 7. 6. - En signant le 23 avril 2006 sans avoir informé le bureau, le conseil d'administration et l'assemblée générale de l'association, un mandat de gestion discrétionnaire avec la société ainsi qu'un avenant daté du même jour relatifs à des placements financiers à risques ; - En investissant au sein de la société Edelweiss Gestion la somme de 1. 755. 420 euros en parts du fonds commun de placement Edelweiss contractuel 7. 6., faits prévus par art. 314-1 c. penal. et réprimés par art. 314-1 al. 2, art. 314-10 c. penal. - pour avoir courant 2006 et 2007, à Puteaux, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription et sur le territoire national, en sa qualité de président de l'association MEDEF SCPC, détourné au préjudice de l'association MEDEF SCPC des fonds, valeurs, ou biens quelconques, qui lui avaient été remis et qu'il avait acceptés à charge de les rendre, représenter ou d'en faire un usage déterminé, en l'espèce en procédant au placement de la trésorerie de cette association auprès d'un fonds commun de placement dans les conditions suivantes : - En signant sans avoir informé et obtenu l'autorisation du conseil d'administration, le 20 janvier 2006 un bulletin de souscription auprès du fonds Edelweiss contractuel 7. 6. - En signant le 23 avril 2006 sans en avoir informé le bureau, le conseil d'administration et l'assemblée générale de l'association, un mandant de gestion discrétionnaire avec la société ainsi qu'un avenant daté du même jour relatifs à des placements financiers à risques ; - En investissant au sein de la société Edelweiss Gestion la somme totale de 503. 302, 87 euros en parts du fonds Edelweiss contractuel 7. 6., faits prévus par art. 314-1 c. penal, et réprimés par art. 314-1 al. 2, art. 314-10 c. penal. LE JUGEMENT : Par jugement contradictoire en date du 09 juillet 2013, le tribunal correctionnel de Nanterre : Sur l'action publique : a rejeté les conclusions in limine litis ; a rectifié l'erreur matérielle de la prévention et dit que les bulletins de souscription sont du 23 janvier 2006 et les mandats de gestion du 20 avril 2006 a déclaré X...... coupable des faits qui lui sont reprochés ; Pour les faits d'ABUS DE CONFIANCE commis du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 à SURESNES Pour les faits d'ABUS DE CONFIANCE commis du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 à PUTEAUX a condamné X... ...à un emprisonnement délictuel de DOUZE MOIS avec sursis ; a prononcé à l'encontre de X... ... l'interdiction de diriger une association loi 1901 pour une durée de trois ans ; a ordonné la confiscation des scellés ; Sur l'action civile : a rejeté les conclusions d'irrecevabilité de l'action civile ; a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'association AISP METRA et de l'association MEDEF SPSC ; a déclaré X... ... et A... ... entièrement responsables des conséquences dommageables des faits subies par l'association MEDEF SPSC. a déclaré X... ... entièrement responsable des conséquences dommageables des faits subies par l'association AISP METRA. a condamné X...... à payer à l'association AISP METRA la somme de quatre cent quatre-vingts mille cinq cent soixante-sept euros (480567 euros) en réparation du préjudice matériel, la somme de vingt et un mille huit cent quinze euros et quatre centimes (21815, 04 euros) au titre des frais d'expertise et la somme de deux mille euros (2000 euros) au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; a débouté l'association AISP METRA du surplus de ses demandes ; a condamné A... ... et X... ... à payer à l'association MEDEF SPSC solidairement la somme de trente-sept mille quatre cent quatre-vingt-quatorze euros (37494 euros) en réparation du préjudice matériel, la somme de vingt et un mille six cent quatre-vingt-treize euros et cinq centimes (21693, 05 euros) au titre des frais d'expertise et la somme de trois mille euros (3000 euros) en réparation du préjudice moral ; a condamné X... ... à payer à l'association MEDEF SPSC la somme de trois mille euros (3000 euros) au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; a débouté l'association MEDEF SPSC du surplus de ses demandes ; LES APPELS : Appel a été interjeté par : Monsieur X......, le 09 juillet 2013 contre L'ASSOCIATION AISP METRA, L'ASSOCIATION MEDEF SPSC, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles M. le procureur de la République, le 09 juillet 2013 contre Monsieur X... ... DÉROULEMENT DES DÉBATS : A l'audience publique du 07 mars 2014, Monsieur le Président a constaté l'identité du prévenu ; Ont été entendus : Monsieur ARDISSON, conseiller, en son rapport et interrogatoire, Maître BINET, avocat, sur ses conclusions de nullité Maître TOBOLSKI, avocat, sur ces conclusions, Madame FOREY, substitut général, demande le rejet de ces conclusions, La cour joint l'incident au fond Le prévenu, en ses explications, Maître TOBOLSKI, avocat, en sa plaidoirie, pour les parties civiles, Madame FOREY, substitut général, en ses réquisitions, Maître BINET, avocat, en sa plaidoirie, Le prévenu a eu la parole en dernier. Monsieur le président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 02 MAI 2014 conformément à l'article 462 du code de procédure pénale. DÉCISION La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant : RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE L'association MEDEF SPSC-domiciliée 49, rue de Verdun à Suresnes (92)- avait pour objet l'animation des échanges entre les chefs d'entreprise des communes de Suresnes, Puteaux et Saint-Cloud et a été présidée du 5 juin 2003 par Monsieur X... jusqu'à sa démission le 3 juillet 2008. L'association disposait en février 2006 d'une importante trésorerie dont 550 000 ¿ étaient placés en SICAV monétaires tandis qu'en 2008, elle disposait d'un budget de 390 000 ¿ constitué des cotisations des adhérents et de loyers. Monsieur B... a été administrateur puis vice-président de cette association jusqu'au 23 mars 2005, puis a été nommé trésorier jusqu'au 11 septembre 2007 avant d'être remplacé par Monsieur A.... Employé depuis 2001, Monsieur C... à quant à lui été nommé directeur administratif et financier puis directeur général avant d'être licencié le 19 juillet 2007 et d'être remplacé à ce poste par Monsieur D.... L'association AISP METRA, association de médecine du travail, aussi domiciliée 49, rue de Verdun à Suresnes, était aussi présidée par Monsieur X... jusqu'au 3 juillet 2008, et offrait quant à elle, des prestations médicales aux salariés des entreprises adhérentes pour l'exécution desquelles étaient employés une quarantaine de salariés-médecins et infirmiers. En février 2006, cette association disposait aussi d'une importante trésorerie dont 984 000 ¿ étaient placés en SICAV monétaire et sur des OPCVM garanties en capital, et en 2008, l'association disposait de 3, 6 millions d'euros de recettes constituées de la facturation des actes médicaux. Monsieur C... a été aussi nommé directeur général de cette association avant d'être remplacé à ce poste le 19 juillet 2007 par Monsieur D.... L'emploi des fonds de chacune de ces associations était régi par leur statuts et leur règlement intérieur. Pour l'association MEDEF SPSC, les statuts en vigueur depuis le 12 février 2004 prévoyaient que la direction était assurée par le conseil d'administration dont les décisions étaient prises à la majorité simple des membres présents ou représentés. Le bureau, composé du président, de vice-présidents, du trésorier et d'un secrétaire, avait pour mission d'assister le président dans la mise en ¿ uvre de ses actions. Le président du conseil d'administration était chargé d'exécuter les décisions du conseil et d'assurer la gestion quotidienne de l'association avec le concours du directeur général et devait ordonner les dépenses en conformité avec le budget arrêté par le conseil d'administration sur sa proposition et après avis du trésorier. Par ailleurs, l'article 7 des statuts prévoyait un contrôle financier interne et externe des comptes tandis qu'aux termes de l'article 13, le trésorier était chargé de l'établissement d'un rapport financier présenté avec les comptes annuels à l'assemblée générale et rendait régulièrement compte au conseil de l'évolution des comptes ainsi que de la situation financière de l'association. Le règlement intérieur en vigueur depuis le 18 mai 2004 prévoyait notamment dans son article 5 que le contrôle interne devait être assuré par une personne ayant le titre de contrôleur des comptes, qui ne pouvait être ni le trésorier, ni un administrateur, désigné par le président pour 3 ans et qui devait recevoir chaque semestre un rapport du conseil d'administration sur l'activité de l'association. L'article 6 du règlement disposait que le conseil d'administration " prenait toute décision (...) en ce qui concerne l'emploi des fonds, des ressources et autres biens dont dispose l'association " tandis que l'article 8 instituait la règle d'une double signature pour toute somme supérieure à 3 000 ¿ et prévoyait une " gestion collégiale par le bureau avant ratification par le conseil d'administration pour les placements financiers, les investissements et les aliénations de biens ". En ce qui concerne l'association AISP METRA, les statuts applicables à compter du 7 février 2005 étaient identiques à ceux du MEDEF SPSC, le règlement intérieur approuvé par le conseil d'administration du 19 avril 2007 stipulant dans son article 6 que le conseil d'administration fixait le budget et prenait toute décision en ce qui concernait l'emploi des fonds, ressources et autres biens tandis que d'après ses articles 6 et 7, le règlement a institué un système de double signature pour l'engagement de toute somme supérieure à 10 000 ¿ ainsi qu'une gestion collégiale par le bureau pour tout placement financier avant ratification par le conseil d'administration. Afin de valoriser leur excédents de trésorerie, les deux associations ont souscrit des parts dans le fonds commun de placement ¿ Edelweiss contractuel 7. 6'après que Monsieur X... a signé pour leur compte les bulletins de souscription le 23 janvier 2006, puis les mandats de gestion discrétionnaire le 20 avril 2006. En exécution des ces engagements, il a été passé entre le 13 mars 2006 et le 31 décembre 2007 des ordres d'achat des parts du fonds EDELWEISS 7. 6 d'un montant de 1 062 919 ¿ pour l'association AISP METRA, de 425. 490 ¿ pour l'association MEDEF SCPC. Ce fonds EDELWEISS 7. 6 était géré par la société de gestion portefeuille Edelweiss Gestion et était constitué pour 55 %, d'un fonds ¿ OTC 8'investi dans le fonds ¿ Sérénité Patrimoine'spécialisé dans les marchés d'actions et à fort effet de levier, et pour 45 %, dans deux sociétés non cotées, spécialisées dans des investissements immobiliers en Nouvelle-Calédonie. Au 31 décembre 2006, ce fonds était valorisé pour une valeur totale de 15. 6 millions d'euros. La société Edelweiss Gestion a été présidée par Monsieur E... jusqu'au 7 septembre 2007, puis par Monsieur A... jusqu'au 24 janvier 2008 lequel était associé à 16 % de cette société, tandis que par ailleurs, Monsieur X... a été nommé président du conseil de surveillance du 7 septembre 2007 jusqu'au 28 mai 2008. A la suite d'une dénonciation du commissaire aux comptes de la société Edelweiss Gestion des anomalies sur les méthodes de valorisation des fonds et des irrégularités sur l'évaluation de lignes de titres non cotés, l'autorité des marchés financiers (¿ AMF') a décidé le 7 mars 2007 d'un contrôle de la société Edelweiss Gestion dont les résultats lui ont été notifiés le 12 septembre 2007, et à la suite duquel le 13 juin 2008, elle s'est vue retirer son agrément pour la gestion des fonds. La commission de l'AMF a ultérieurement condamné Messieurs E... et A... pour les motifs-confirmés par le conseil d'Etat dans par un arrêt du 13 juillet 2011- d'avoir manqué aux obligations qu'ils tenaient de l'article R. 214-19 du code monétaire et financier de prévoir à tout moment une valorisation précise et indépendante des éléments d'actif et de hors-bilan des OPCVM, et d'avoir investi plus de la moitié des actifs du fonds Edelweiss contractuel 7. 6 dans des titres non cotés, ce dont il résultait que sa valorisation liquidative était incertaine. Après que la suspension des ordres de rachat des titres ait été décidée le 18 décembre 2007, le cumul des pertes définitives sur les fonds placés par l'association MEDEF SPSC a été fixé à 37 494 ¿ sous réserve de la liquidation à venir des parts des sociétés immobilières du fonds pour une valeur de 49 669 ¿, tandis que pour les fonds de l'association AISP METRA le cumul des pertes définitives sur les fonds placés a été fixé à 480 567 ¿ outre la liquidation à venir sur les parts des sociétés immobilières du fonds pour 634 999 ¿. Le 16 avril 2008, Monsieur F...- commissaire aux comptes des deux associations-a dénoncé au procureur de la République de Nanterre les placements irréguliers de la trésorerie des deux associations ainsi que la dépréciation de ces placements. L'enquête sur les conditions dans lesquelles les trésoreries des associations MEDEF SPSC et AISP METRA avaient été placées sur le fonds Edelweiss 7. 6. a été confiée le 25 avril 2008 à la brigade financière de Paris qui s'est attachée à entendre les personnels dirigeants et trésoriers de chacune des associations, particulièrement Messieurs A..., C..., B... et G... et D..., les membres des conseils d'administration, notamment Messieurs H..., I..., J..., K..., L... et M..., les cadres administratifs, spécialement Madame N..., comptable des deux associations, ainsi qu'enfin les experts comptables et le commissaire aux comptes. Les enquêteurs se sont enquis des rapports sur l'évolution des placements des deux associations ainsi que sur le fonctionnement de la société Edelweiss Gestion réalisés par les experts, Messieurs O... et P..., désignés respectivement par le tribunal de grande instance de Nanterre, saisi en par les associations, et par le tribunal de grande instance de Paris, saisi par l'AMF. Empêché pour des motifs médicaux, les auditions libres de Monsieur X... ont été différées pour être finalement conduites entre le 17 janvier et le 14 mars 2011 et à la suite desquelles l'enquête a été transmise le 26 avril 2011 au parquet de Nanterre qui a décidé de renvoyer devant le tribunal correctionnel Monsieur X... du chef d'abus de confiance, Messieurs C... et B..., du chef de complicité d'abus de confiance et Monsieur A... du chef de recel de bien provenant d'un abus de confiance. PROCÉDURE : Par un jugement du 9 juillet 2013, le tribunal correctionnel de Nanterre a rejeté l'exception de nullité de la procédure présentée par Monsieur X..., rectifié les erreurs matérielles affectant les dates des bulletins de souscription et des mandats de gestion visées dans l'acte de citation de Monsieur X.... Au fond, le tribunal a relaxé : - Monsieur B... et Monsieur C... poursuivis du chef de complicité d'abus de confiance commis du 1er janvier 2006 au 31 juillet 2007 à Suresnes et Puteaux, le premier, en sa qualité de trésorier et vice président de l'association MEDEF, le second en ses qualités de directeur général de l'association AISP METRA et de délégué général de l'association MEDEF SPSC. Le tribunal a déclaré coupables : - Monsieur A... du chef de recel de bien provenant d'un abus de confiance pour la période limitée du 11 septembre 2007 au 31 décembre 2007 à PARIS et en répression, l'a condamné à la peine d'emprisonnement de 6 mois avec sursis ainsi qu'à une interdiction de diriger un organisme de placements financiers ou assimilé pendant 2 ans ; - Monsieur X... du chef d'abus de confiance commis du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 à Suresnes et du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 à Puteaux et en répression, l'a condamné à la peine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à une interdiction de diriger une association loi de 1901 pendant 3 ans. Sur l'action civile, le tribunal a condamné solidairement Messieurs X... et A... à payer à l'association AISP METRA les sommes de 480 567 ¿ en réparation du préjudice matériel, 21 815, 04 ¿ au titre des frais d'expertise et à l'association MEDEF SPSC le sommes de 37 494 ¿ en réparation du préjudice matériel, 21 693, 05 ¿ au titre des frais d'expertise et 3 000 ¿ en réparation du préjudice moral, et les a condamnés chacun à verser chacun, une somme sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Monsieur X... a interjeté appel du jugement le 9 juillet 2013 suivi de l'appel du ministère public le même jour. Assisté de son conseil à l'audience du 7 mars 2014, Monsieur X... a conclu in limine litis à la nullité de la procédure et au fond, à la relaxe des fins de la poursuite tandis que les associations AISP METRA et MEDEF SPSC ont réclamé la confirmation du jugement en toutes ses dispositions ainsi que la condamnation de Monsieur X... à leur verser, chacune, 20 000 ¿ sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Le président a joint aux débats les exceptions à l'examen au fond des poursuites. Le ministère public a conclu à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions. Monsieur X... a eu la parole en dernier. Le président a déclaré mettre l'arrêt en délibéré au 2 mai 2014. SUR CE, I. SUR L'ACTION PUBLIQUE 1. Sur les exceptions de nullité de l'enquête préliminaire et des auditions du prévenu Considérant que, avant tout débat au fond, et ainsi qu'il l'avait fait devant les premiers juges, Monsieur X... a invoqué les dispositions de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (¿ la Convention'), l'article préliminaire du code de procédure pénale ainsi que les articles 17, 19, 75 à 78 et 802 du code de procédure pénale pour conclure d'une part, à l'annulation de tous les actes de procédure postérieurs au 26 août 2006 et en tout cas du 17 janvier 2011, date de sa première audition, et d'autre part, à l'annulation des procès-verbaux de ses auditions libres les 17 janvier, 11 février 2011, 22 février, 1er mars 2011 et 14 mars 2011 ; Qu'ainsi et d'une première part, Monsieur X... estime que l'enquête n'a pas été conduite dans un délai raisonnable ; qu'au demeurant, et comme l'ont retenu les premiers juges, l'enquête a été suspendue à la demande de Monsieur X... jusqu'au rétablissement de son état de santé, en sorte que sa première audition n'a pu avoir lieu que le 17 janvier 2011, tandis que le dernier acte d'enquête consistant dans l'audition de Monsieur F... est intervenu dès le 24 mars 2011 ; qu'au surplus, Monsieur X... n'a pas invoqué devant la cour les griefs que la durée de cette procédure a pu lui causer, notamment dans l'empêchement de communiquer des preuves à sa décharge, de sorte qu'il convient de rejeter le moyen ; Que, de deuxième part, Monsieur X... prétend que dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire et exclusif de direction de l'enquête du procureur de la République, celui-ci a manqué à l'obligation à laquelle il était tenu de s'assurer, à tous les stades de l'enquête, que la protection des droits des personnes soupçonnées a été assurée de manière concrète et effective, alors que l'officier de police judiciaire n'a pas avisé le procureur de la République des actes accomplis dans les délais que celui-ci lui avait assignés ; qu'au demeurant, le respect par les enquêteurs du délai qui leur est donné d'accomplir les actes ainsi que l'avis qu'ils doivent donner au parquet ne sont pas prescrits par les articles 75-1 et 75-2 du code de procédure pénale à peine de nullité, et tandis que Monsieur X... n'invoque aucune atteinte, en fait, qui serait résultée de ces manquements, il convient d'écarter le moyen ; Que de troisième part, Monsieur X... soutient que la conduite de l'enquête préliminaire a porté atteinte au principe du contradictoire qu'aurait dû lui offrir l'ouverture d'une procédure d'instruction, alors qu'il a été interrogé sur de très nombreux témoignages et a dû répondre sur des investigations qui ont rassemblé plus de 370 feuillets pour des faits particulièrement complexes sans bénéficier de l'assistance d'un conseil, ni disposer de la faculté de soumettre des informations à sa décharge, ni encore de pouvoir solliciter des expertises ou des témoignages dans son intérêt, ni enfin, de pouvoir réclamer des confrontations avec les autres protagonistes entendus par les enquêteurs, en sorte qu'il en est aussi résulté que l'enquête était incomplète et partant, insuffisante, avant qu'il soit décidé de son renvoi devant une juridiction ; que cependant, à la suite de l'opportunité des poursuites qu'il tient des articles 40 et 40-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République a la liberté de décider de la nature de l'enquête sur les faits qui sont dénoncés ; qu'alors que les actes accomplis par les enquêteurs se sont limités à recueillir des éléments susceptibles de constituer des charges de nature à justifier, pour le parquet, de renvoyer la personne suspectée devant la juridiction compétente, il ne peut être déduit d'aucun de ces actes, la preuve qu'ils ont porté préjudice aux droits que Monsieur X... a pu exercer devant les premiers juges comme devant la cour, et garantis par les articles 6 § 1, 2 et 3 de la Convention qu'il a invoqués ; Que de quatrième part, Monsieur X... relève que, d'après les questions qui lui ont été posées lors de ses auditions, il est manifeste que l'enquêteur a estimé qu'il existait des raisons plausibles de soupçonner qu'il avait commis une infraction, en sorte que ces auditions auraient dû être conduites sous le régime de la garde à vue de manière à lui faire bénéficier des droits consacrés par ce statut ; qu'au demeurant, aucun texte n'impose le placement en garde à vue d'une personne qui, pour les nécessités de l'enquête, accepte, comme cela a été le cas de Monsieur X..., de se présenter sans contrainte aux officiers de police judiciaire afin d'être entendue et n'est à aucun moment privée de sa liberté d'aller et venir dans les conditions du code de procédure pénale alors applicables, de sorte que les garanties devant être respectées au visa de l'article 6 de la Convention sont sans application à l'espèce, et que par ce motif, substitué à celui des premiers juges, il convient, là encore, de rejeter le moyen. 2. Sur le chef d'abus de confiance Considérant qu'aux termes de la citation-dûment rectifiée par les premiers juges pour ce qui concerne les dates de signature des actes-il est reproché à Monsieur X... d'une première part, d'avoir courant 2006 et 2007, à Suresnes, détourné au préjudice de l'association AISP METRA dont il était le président, la trésorerie de cette association auprès d'un fonds commun de placement dans les conditions suivantes :- en signant, sans avoir informé et obtenu l'autorisation du conseil d'administration, le 20 janvier 2006, un bulletin de souscription auprès du fonds Edelweiss contractuel 7, 6 ;- En signant le 23 avril 2006, sans avoir informé le bureau et le conseil d'administration et l'assemblée générale de l'association, un mandat de gestion discrétionnaire avec la société ainsi qu'un avenant daté du même jour relatif à des placements financiers à risques, en investissant au sein de la société Edelweiss Gestion la somme de 1 755 420 ¿ en parts du fonds commun de placement Edelweiss contractuel 7. 6. ; Que de seconde part, il est reproché à Monsieur X... d'avoir, courant 2006 et 2007, à Puteaux, détourné au préjudice de l'association MEDEF SCPC dont il était le président, la trésorerie de cette association auprès d'un fonds commun de placement dans les conditions suivantes :- En signant sans avoir informé et obtenu l'autorisation du conseil d'administration le 20 janvier 2006 un bulletin de souscription auprès du fonds, Edelweiss contractuel 7. 6 ;- En signant le 23 avril 2003 sans en avoir informé le bureau, le conseil d'administration et l'assemblée générale de l'association, un mandant de gestion discrétionnaire avec la société ainsi qu'un avenant daté du même jour relatifs à des placements financiers à risques ;- En investissant au sein de la société Edelweiss Gestion la somme totale de 503 302, 87 ¿ en parts du fonds Edelweiss contractuel 7, 6, Considérant qu'aux termes de l'article 314-1 du code pénal, constitue un abus de confiance le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ; - Sur la preuve de l'imputation matérielle du détournement Considérant qu'il est constant que le fonds Edelweiss contractuel 7. 6 était un fonds commun de placement non soumis à l'agrément de l'AMF, géré de manière discrétionnaire par la société Edelweiss et dont les investissements étaient soumis aux risques potentiels des marchés actions, ceux des taux de changes et de leurs dérivés, sans garantie ni couverture du capital, avec une entrée plancher de 250 000 ¿ et pour un placement recommandé pour une durée de 5 ans ; Qu'il s'en suit que la décision d'affecter la trésorerie des associations à la souscription du fonds Edelweiss contractuel 7. 6 était contraire à l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901 à la suite duquel est exclue du contrat d'association la recherche d'un partage des bénéfices, lequel était nécessairement induit par les espérances de gains associées aux investissements dans les fonds spéculatifs ; que, pour ce qui concerne l'association AISP METRA, ce type de placement ainsi que le risque de dissipation de la trésorerie étaient d'autant plus inadmissibles, qu'ils ont été pris en contravention avec les dispositions de l'article R. 241-12 du code du travail (devenu D. 4622-23) alors applicables, et qui disposait que " le service de santé au travail interentreprises a pour objet exclusif la pratique de la médecine du travail. Il est constitué sous la forme d'un organisme à but non lucratif, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière. Il est administré par le président de cet organisme, sous la surveillance du comité interentreprises ou, de la commission de contrôle. Toutefois, des modalités particulières de gestion peuvent être établies par accord entre le président du service de santé au travail interentreprises et le comité interentreprises ou, à défaut, les organisations syndicales représentatives au plan national des salariés intéressées. II.- Des membres salariés de la commission de contrôle participent, avec voix délibérative, au conseil d'administration des services interentreprises de santé au travail à raison d'un tiers des sièges du conseil. Un compte rendu de chaque réunion du conseil d'administration est adressé au directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle " ; Considérant que, pour prétendre à la relaxe des fins de la poursuite, Monsieur X... conteste que la signature des bulletins de souscription et des mandats de gestion discrétionnaire destinés à placer la trésorerie des associations était subordonnée à l'information ou à l'autorisation préalable de leur conseil d'administration, du bureau, du conseil d'administration et de l'assemblée générale ; que, toutefois, ces affirmations sont contraires avec les stipulations claires et précises du statut et du règlement intérieur de chacune des associations telles qu'elles sont rapportées ci-dessus, et tandis qu'il est constant qu'aucun de ces organes n'a été consulté, associé ou n'a décidé de ces engagements, ces violations imputées à Monsieur X... doivent être retenues à son détriment ; Considérant, en deuxième lieu, que Monsieur X... affirme que les mentions manuscrites portées aux bulletins de souscription ont été portées par Monsieur C... sans son autorisation, et conteste avoir renseigné les avenants au mandat de gestion ; qu'il demeure que Monsieur X... a bien signé et paraphé les bulletins de souscription ainsi que les mandats de gestion discrétionnaire précédés de la mention de sa main " Lu et approuvé, bon pour mandat ", de sorte qu'il doit être reconnu l'auteur régulier des engagements des associations ; Considérant, en troisième lieu, que Monsieur X... conteste avoir pu distraire des fonds en signant le 20 avril 2006 les bulletins de souscription des fonds visés aux poursuites, alors que ces bulletins consistent dans des actes unilatéraux qui n'engageaient que le fonds, et non les associations ; que néanmoins, cette souscription est une condition préalable à la validité des mandats de gestion ainsi que des ordres d'achats et de vente de titres avec lesquels elle constitue un tout indivisible, et pouvaient être visées comme support nécessaire de l'abus de confiance reproché à Monsieur X... ; Considérant, en quatrième lieu, que Monsieur X... soutient n'avoir pu détourner la trésorerie des associations aux motifs, d'une première part, que les premiers ordres de placement ont été passés par Monsieur C... à deux reprises avant que les bulletins de souscription ne soient signés le 20 avril 2006, que de deuxième part, les ordres de souscription et de rachat ont été ultérieurement donnés par les seuls trésoriers Messieurs B... et Q..., puis en décembre 2007, par Monsieur D..., sans qu'ils aient été condamnés ou poursuivis et tandis que de troisième part, les engagements des associations pour le placement des fonds étaient révocables à tout moment ; Que néanmoins, l'antériorité des premiers ordres d'achat sur les dates de signature des engagements pour le placement des fonds est sans effet sur la responsabilité dont Monsieur X... doit personnellement répondre en sa qualité d'auteur des engagements des associations ; que d'autre part, les ordres de souscription et de rachat de parts des fonds ont consisté dans des actes d'exécution des souscriptions du fonds dont l'engagement portait sur un investissement minimum de 250 000 ¿, en sorte que si les ordres d'achat ou de vente n'exonéraient pas, a priori, la recherche de la responsabilité de leurs auteurs, ils n'ont cependant pu altérer la portée de l'engagement des associations pris par Monsieur X... ; qu'enfin, l'émission des ordres de vente et de rachat de titres n'ont à aucun moment été censurés par Monsieur X... mais ont nécessairement été approuvés par lui en raison de l'exercice effectif de ses fonctions de président de chacune des associations ainsi que de l'apposition de sa griffe sur chacun de ces ordres ; Que, par ces motifs, la preuve du concours de Monsieur X... au détournement matériel de la trésorerie des deux associations est acquise aux poursuites ; - sur la preuve de l'intention dans le détournement Considérant que, pour se défendre d'avoir volontairement détourné les trésoreries des associations, Monsieur X... soutient en premier lieu, qu'il n'a dissimulé aucun des placements incriminés aux membres des conseils d'administration des deux associations, que ni les conseils d'administration ou le trésorier des associations, ni l'expert comptable, ni le commissaire aux comptes qui a certifié les comptes et le rapport financier en 2007, n'ont émis d'observation sur ces placements, qu'il a personnellement mis en place les instruments, particulièrement les règlements intérieurs, permettant un contrôle plus strict du budget des associations et qu'il n'a recherché aucun profit personnel dans cette opération, alors qu'il a assuré gracieusement les présidences des associations ; Qu'au demeurant, et ainsi que cela résulte des motifs adoptés ci-dessus, il est constant qu'aucune des consultations ou des décisions des organes statutairement et réglementairement compétents n'a été suscitée par Monsieur X... en vertu des pouvoirs qu'il tenait de la présidence des associations ; que d'autre part, la responsabilité des autres personnes qui pouvait être recherchée dans la mise en oeuvre ou la connaissance des placements des trésoreries des association n'est de nature à altérer la responsabilité personnelle de Monsieur X... ; que pour ce qui concerne l'appréciation de son désintéressement dans l'opération de placement dans le fonds spéculatif, celle-ci doit être faite ci-dessous d'après les liens qui l'ont uni à la société EDELWEISS ; Considérant en deuxième lieu, que Monsieur X... prétend n'avoir eu aucun intérêt dans les opérations incriminées, alors qu'il n'était pas actionnaire de la société EDELWEISS, qu'en sa qualité de président du conseil de surveillance, il n'a pris aucune décision de nature à engager les associations dans la société EDELWEISS, qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne prohibait la possibilité d'occuper les fonctions qui étaient les siennes au sein des associations MEDEF SPSC et AISP METRA avec celles qu'il exerçait dans la société Edelweiss Gestion, qu'il n'était en outre pas rémunéré tandis qu'il ne peut lui être reproché sans contradiction d'avoir rejoint une société dont il aurait connu au préalable les difficultés ; Considérant que, néanmoins, il est constant que Monsieur X... était familier de la présidence de société EDELWEISS-particulièrement de celle de Monsieur A...- depuis plusieurs années, avant qu'il ne prenne d'une part, les décisions de placer les trésoreries des associations dans l'un des fonds gérés par la société EDELWEISS, et d'autre part, que la décision ne soit prise de le nommer à la fonction de président du conseil de surveillance, laquelle a nécessairement été précédée d'un projet réfléchi et d'une évaluation ; Que l'intérêt matériel de Monsieur X... à cette nomination est avéré au vu du procès-verbal de la réunion du directoire d'Edelweiss gestion du 7 septembre 2007 aux termes duquel il est rapporté son souhait d'entrer au capital de cette société à hauteur d'un peu moins de 5 %, de percevoir des jetons de présence d'un montant de 3 000 ¿ mensuels, intérêt croisé avec le projet de nommer Monsieur A... aux fonctions d'administrateur et de trésorier de l'association du MEDEF décidée par son bureau le 11 septembre 2007 ; Qu'ainsi, et au contraire des affirmations de Monsieur X..., il s'est trouvé en situation de conflit d'intérêts au sens du § 3 de l'article L. 533-10 du code monétaire et financier dans sa version entrée en vigueur le 1er novembre 2007, et aux termes duquel il est énoncé que " les prestataires de services d'investissement doivent prendre toutes les mesures raisonnables pour empêcher les conflits d'intérêts de porter atteinte aux intérêts de leurs clients. Ces conflits d'intérêts sont ceux qui se posent entre, d'une part, les prestataires eux-mêmes, les personnes placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte ou toute autre personne directement ou indirectement liée à eux par une relation de contrôle et, d'autre part, leurs clients, ou bien entre deux clients, lors de la fourniture de tout service d'investissement ou de tout service connexe ou d'une combinaison de ces services. Lorsque ces mesures ne suffisent pas à garantir, avec une certitude raisonnable, que le risque de porter atteinte aux intérêts des clients sera évité, le prestataire informe clairement ceux-ci, avant d'agir en leur nom, de la nature générale ou de la source de ces conflits d'intérêts " ; Qu'enfin, le surplus des motifs invoqués par Monsieur X... tient à l'incompétence manifeste qui était la sienne en matière de gestion de fonds spéculatifs et des aléas dans les dépréciations des fonds et de la gestion que la société Edelweiss Gestion a connus, sans pour autant que ces circonstances retranchent l'intérêt de Monsieur X... comme la confusion de ceux-ci avec ceux des associations et du sort de leur trésorerie, alors par ailleurs qu'il résulte du rapport de gestion du conseil de surveillance de la société Edelweiss Gestion du 30 juin 2007, signé par Monsieur X..., qu'il était informé du contenu du rapport de l'enquête ordonnée par l'AMF ; Que la volonté du détournement est d'autant plus caractérisée que les placements ont porté sur la totalité de la trésorerie des deux associations et a concouru à près de 10 % de la valeur totale du fonds Edelweiss contractuel 7. 6 ; Considérant par ces motifs, que les abus de confiance au préjudice des deux associations reprochés à Monsieur X... sont dûment établis, de sorte que le jugement doit être confirmé sur la culpabilité. 2. Sur la peine Considérant que les investissements de la trésorerie des associations que Monsieur X... a engagés revêtent une particulière gravité, alors non seulement, qu'ils étaient contraire dans le principe même de l'objet associatif, et que Monsieur X... était en conflit d'intérêt avec les fonctions qu'il a occupées dans la société de gestion de ces investissements, mais encore en ce que la quasi totalité de la trésorerie des association a été mise en péril et qu'elle représentait par ailleurs près de 10 % du fonds dans lequel elle a été investie ; Que cependant, la contribution de Monsieur X... à cette opération financière doit être tempérée par celles des autres membres des associations, qu'ils n'aient pas été poursuivis du chef de complicité d'abus de confiance ou qu'ils aient été relaxés, alors que certains d'entre eux disposaient des connaissances sur le péril que la nature de ces investissements faisait encourir sans qu'ils aient mis en oeuvre les prérogatives qui leur permettait d'empêcher ces placements ; que, par ces motifs, il convient d'infirmer le jugement sur la peine et de condamner Monsieur X... à la peine de 40 000 ¿ d'amende dont 20 000 ¿ assortis du sursis ; qu'en revanche, il y a lieu de maintenir la confiscation des sce llés ; II. SUR L'ACTION CIVILE Considérant qu'aux termes des débats, les associations AISP METRA et MEDEF SPSC ont acquiescé aux condamnations relatives à l'indemnisation des dommages matériels directement liés au chef d'abus de confiance retenu à l'encontre de Monsieur X..., et telles qu'elles avaient été limitées par les premiers juges à la valeur des fonds dont les pertes avaient été définitivement enregistrées au jour de l'audience ; qu'en l'absence d'information nouvelle sur la liquidation ou les pertes relatives aux OPCVM détenus par les associations, il convient de confirmer le jugement à ce titre ; que de même, l'indemnisation du préjudice moral de l'association MEDEF SPSC peut être confirmée en raison de l'atteinte portée à l'image professionnelle que cette organisation était censée incarner ; Considérant en revanche, qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné manifestement par erreur Monsieur X... à verser à l'association MEDEF SPSC la somme 21 693, 05 ¿ au titre des frais d'expertise, alors que ces frais n'ont été exposés que dans la recherche des pertes liées aux placements de la trésorerie de l'association AISP METRA ; Considérant enfin qu'il est équitable de condamner Monsieur X... à verser à chacune des associations la somme de 1 000 ¿ sur fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS : LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de Monsieur X... et des associations AISP METRA et MEDEF SPSC, rendu en dernier ressort, Confirme le jugement sur le rejet des exceptions de nullité ; Confirme le jugement sur la culpabilité et sur la confiscation des scellés ; Infirme le jugement sur la peine et statuant à nouveau, Condamne Monsieur X... à la peine d'amende de 40 000 ¿ dont 20 000 ¿ assortis du sursis ; Confirme le jugement sur l'action civile, sauf en ce qu'il a condamné Monsieur X... à verser à l'association MEDEF SPSC la somme indue de 21 693, 05 ¿ au titre des frais d'expertise ; Condamne Monsieur X... à verser à l'association AISP METRA et à l'association MEDEF SPSC, chacune, la somme de 1 000 ¿ sur fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Dit que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du code pénal a été donné au condamné ; Si le condamné s'acquitte du montant des droits fixes de procédure et, s'il y a lieu, de l'amende dans un délai d'un mois à compter du 9 mai 2014, ce montant est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 ¿, le paiement de l'amende ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours et ce, en application de l'article 707-3 du code de procédure pénale. Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient au condamné de demander la restitution des sommes versées. Les parties civiles, s'étant vue allouer des dommages-intérêts mis à la charge du condamné, sont informées de la possibilité de saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, dans le délai d'une année à compter du présent avis, lorsque sont réunies les conditions édictées par les articles 706-3 et 706-14 du nouveau code de procédure pénale. La personne condamnée est informée de la possibilité pour la partie civile, non éligible à la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, de saisir le service d'aide au recouvrement des victimes d'infractions si elle ne procède pas au paiement des dommages-intérêts auxquels elle a été condamnée dans le délai de 2 mois courant à compter du jour où la décision est devenue définitive. Et ont signé le présent arrêt, Monsieur LARMANJAT, Président et Madame LAMANDIN, Greffier. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT Décision soumise à un droit fixe de procédure (article 1018A du code des impôts) : 120, 00 ¿ | Arrêt rendu le 02 mai 2014 par la 9ème chambre de la Cour d'appel de Versailles RG nº 13/02992 Article 314-1 du Code pénal- Abus de confiance - Investissements de la trésorerie d'une association dans des fonds commun de placement par son président - Preuve de l'imputation matérielle du détournement (Oui)- preuve de l'intention dans le détournement (Oui)-¿ Agissements d'une particulière gravité contraires au principe même de l'objet associatif. Condamnation à une peine d'amende. |
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JURITEXT000023638105 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/23/63/81/JURITEXT000023638105.xml | ARRET | Cour d'appel de Lyon, 14 février 2011, 09/07239 | 2011-02-14 00:00:00 | Cour d'appel de Lyon | Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 09/07239 | 2ème chambre | LYON | R. G : 09/ 07239 décision du Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE Au fond du 25 juin 2009 RG : 08/ 03338 ch no2 Y... C/ Z... COUR D'APPEL DE LYON 2ème chambre ARRET DU 14 Février 2011 APPELANT : M. ...PY... né le 07 Juillet 1970 à LE-PUY-EN-VELAY (43000) ... 30250 JUNAS représenté par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour assisté de Me Sophie MATHIEU, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE INTIMEE : Mme ...SZ... née le 09 Décembre 1969 à SAINT-ETIENNE (42000) ... 42100 SAINT-ETIENNE représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY-LIGIER, avoués à la Cour assistée de Me Dominique VALLA, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/ 034151 du 28/ 01/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON) ****** Date de clôture de l'instruction : 03 Novembre 2010 Date des plaidoiries tenues en chambre du conseil : 08 Décembre 2010 Date de mise à disposition : 07 Février 2011 prorogée au 14 février 2011 Audience présidée par Jeannine VALTIN, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christine SENTIS, greffier. Composition de la Cour lors du délibéré : - Jeannine VALTIN, président -Colette CLEMENT-BARTHEZ, conseiller -Françoise CONTAT, conseiller Arrêt Contradictoire rendu en Chambre du Conseil par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Jeannine VALTIN, président, et par Christine SENTIS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. ***** Vu le jugement réputé contradictoire du 25 juin 2009 par lequel, sur la requête du 27 octobre 2008 de Nora Z..., le Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de SAINT-ETIENNE a, principalement : - confié à sa mère, l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur ...M..Z..., né le 6 janvier 1999 des relations de ...S.Z... et de ...P.Y... qui l'ont reconnu -réservé le droit de visite et d'hébergement du père -fixé la contribution de celui-ci à l'entretien et à l'éducation de son fils à la somme de 200 par mois ; Vu l'appel interjeté de la décision susvisée par David Y... suivant déclaration du 25 novembre 2009 ; Vu ses dernières conclusions d'infirmation déposées le 17 mai 2010 dans les termes essentiels suivants : - dire que l'exercice de l'autorité parentale à l'égard des deux enfants mineurs, ...M. et...N. Z... sera confié conjointement aux deux parents -maintenir la résidence des deux enfants mineurs au domicile de la mère -dire que le père exercera son droit de visite à l'amiable à l'égard des deux enfants mineurs -fixer à la somme de 75 par mois et par enfant la contribution due par le père à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants -condamner ...S. Z... en tous les dépens ; Vu les conclusions déposées le 8 septembre 2010 par ...S.Z..., laquelle demande essentiellement à la Cour de : - dire que l'autorité parentale à l'égard des deux enfants mineurs, .M. et...N. Z..., sera exercée exclusivement par la mère -maintenir la résidence habituelle des deux enfants au domicile de la mère -réserver le droit de visite de ...P.Y... à l'égard des deux enfants -confirmer la décision rendue en ce qu'elle a fixé à la somme de 200 par mois la pension alimentaire pour ...M...l -dire que le même montant sera fixée pour ...N... -condamner ...P.Y... aux entiers dépens ; Vu le courrier reçu le 7 octobre 2010 et adressé à la Cour par Maître BLAZY, avocat des deux mineurs qui ne veulent pas être entendus, exprimant le souhait de ceux-ci de ne pas avoir de contact avec leur père avec lequel ils n'ont presque jamais vécu et faisant état des propos dévalorisants que ce dernier aurait eu à l'égard de leur mère et qui les auraient choqués, ...N.. ayant pu ajouter que cette situation l'inquiétait et que ces soucis perturbaient son travail scolaire ; Vu l'ordonnance de clôture en date du du 3 novembre 2010 ; Sur l'exercice de l'autorité parentale et le droit de visite et d'hébergement concernant .M. et...N. Z... : Attendu qu'il résulte de l'article 373-2-1 du code civil que, si l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents, et que l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves ; Attendu qu'en l'espèce, il convient tout d'abord de souligner que...S.Z... a donné naissance à trois enfants qui portent tous son nom, ...M. né le 6 janvier 1999, ...N. née le 21 juin 2000 et ...R. né le 21 juillet 2008, en observant qu'elle n'a pas fait état de sa fille ...N. en première instance au motif, dit-elle, qu'elle ne savait pas que ...P.Y... l'avait reconnue en 2004, sans pourtant qu'il soit contesté que ce soit sa fille et qu'il ait eu quelques contacts avec celle-ci et sans faire état non plus du dernier enfant dont il n'est donc pas avancé que l'appelant puisse être le père, le Juge aux affaires familiales ayant pu seulement relever, sans doute, au vu des pièces versées, que la requérante avait deux enfants à charge, alors à priori qu'elle en avait trois ; Que ce silence est curieux, ne serait-ce que pour apprécier les charges qu'elle peut avoir, mais aussi les relations avec le père ; Que...S.Z... met en avant que ...P.Y... n'a jamais souhaité fonder une famille et jouer un rôle véritable de père en arguant notamment de leurs différents domiciles passés distincts, reconnaissant par là même qu'à priori, elle n'était pas non plus réellement impliquée dans un tel projet, puisqu'ayant eu deux enfants sans que les parents vivent ensemble et ne l'aient apparemment envisagé ; Qu'au surplus, il n'est pas contesté qu'elle a refusé des courriers émanant de ...P.Y... et adressés à leurs enfants et qu'aussi, elle a fait assigner ce dernier à une adresse qu'elle devait savoir fausse puisqu'elle avait déjà eu des échanges de correspondance avec lui à l'adresse qui était toujours la sienne au moins jusqu'à sa déclaration d'appel et qui figure encore sur ses dernières conclusions ; Qu'enfin, elle ne souhaitait pas demander de pension alimentaire et que ce n'est que la CAF qui l'y a incitée, faute de quoi ses prestations en auraient été diminuées ; Qu'au surplus, si effectivement ...P.Y... n'a pas pris la place d'un père très présent en ne sollicitant pas de droits en justice et en ne se manifestant que de manière sporadique, il n'en reste pas moins qu'il n'est pas démontré un désintérêt persistant alors qu'il a adressé des courriers, qu'il a essayé de voir ses enfants comme le prouve une des attestations produites par ...S.Z..., même si c'est de façon peu adaptée, et qu'il a rencontré les enfants chez sa mère, comme le dit elle-même la mère ; Attendu que les deux parents doivent faire face à leur responsabilité vis à vis de leurs enfants en acceptant les faiblesses de chacun qu'ils devaient connaître avant la naissance de leurs enfants, lesquels ont le droit d'avoir accès à leurs deux parents sans que ceux-ci leur fassent partager leurs conflits et leurs rancoeurs ; Qu'ainsi, en l'absence de démonstration que ...S.Z... ait rencontré des difficultés pour prendre des décisions importantes pour leurs enfants du fait d'une éventuelle opposition du père ou de l'impossibilité de le joindre, l'intérêt de ...M. et de ...N. commande un exercice commun de l'autorité parentale ; Que, de même, rien ne justifie sérieusement de réserver le droit de visite et d'hébergement de ...P.Y... ; Qu'en effet, M. et ..N. étant âgés aujourd'hui de 12 ans et 10 ans et demi, il est temps de tisser de véritables liens avec le père dans la mesure où celui-ci paraît disposer à prendre une place auprès d'eux, où leurs sentiments rapportés par leur avocat reflètent largement la volonté de la mère de ne pas favoriser un rapprochement avec le père, où il n'est pas justifié de la réalité de perturbations notamment scolaires des enfants, dont l'origine au surplus serait imputable au seul père, et où enfin une construction harmonieuse des enfants passent en principe par des relations partagées avec leurs deux parents ; Qu'il n'y a ainsi aucun motif grave justifiant de réserver le droit de visite et d'hébergement du père ; Attendu que celui-ci sollicite un droit de visite à l'amiable ; Qu'il y a lieu de faire droit à cette demande ; Que compte tenu des circonstances et de l'âge des enfants, il convient effectivement de laisser la possibilité au père de reprendre contact avec ceux-ci de façon progressive, en répondant à leurs interrogations et à leurs souhaits éventuels, et en prévoyant avec la mère, suffisamment à l'avance, lorsqu'une rencontre sera possible, les modalités de celle-ci, les parents étant d'ores et déjà enjoints, conformément aux dispositions de l'article 373-2-10 alinéa 3 du code civil de prendre contact avec un organisme de médiation familiale susceptible de faciliter leurs relations à ce sujet ; Attendu que le jugement déféré sera en conséquence ainsi infirmé des chefs susvisés ; Sur la contribution de ....P.Y... à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants : Attendu qu'il résulte de l'article 371-2 du code civil que chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant, et que cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur ; Qu'en application de l'article 373-2-2 du code civil en cas de séparation entre les parents la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants prend la forme d'une pension alimentaire versée, selon le cas, par l'un des parents à l'autre, ou à la personne à laquelle l'enfant a été confiée ; Attendu qu'il n'est pas justifié de frais particuliers pour les deux mineurs qui engendrent donc les charges habituelles de deux enfants de 12 ans et 10 ans et demi ; Attendu qu'en ce qui concerne ...S.Z..., elle produit les justificatifs suivants de sa situation financière, en rappelant qu'elle a trois enfants sans qu'elle ne donne d'information sur la prise en charge éventuellement partielle de son dernier enfant par le père, ne serait-ce éventuellement que par l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement : - prestations sociales en novembre 2009 et mai 2010, y compris APL : 1 436, 40 et 1 437, 93 - avis d'imposition sur les revenus de 2008 et 2009 : aucun revenu -loyer avant déduction APL : 621, 44 ; Que, par ailleurs les deux enfants fréquentent la cantine scolaire et sont conduits et ramener par une tierce personne, selon son attestation établie le 8 juin 2010 ; Que ...S.Z... ne donne aucun renseignement sur son éventuelle qualification professionnelle et sur un possible projet ou une difficulté à rechercher un emploi ; Que de son côté, ...P.Y..., qui exerce la profession de paysagiste par le biais de C. E. S. U., produit les justificatifs principaux suivants sur sa situation : - avis d'imposition sur le revenu de 2008 : 14 015 soit 1 167, 91 par mois -93 bulletins de salaires C. E. S. U. de janvier à octobre 2010 d'un montant global qu'il dit être de 10 603, 42 , et plus précisément 10 612, 46 , selon le tableau récapitulatif de ses revenus et charges avec mademoiselle C... (dont il n'est fait état que dans ses pièces, mais pas dans ses écritures), soit une moyenne mensuelle à cette époque de 1061 - relevé d'indemnités journalières prénatales et postnatales d'...L C... de mars à juin 2010 - prestations sociales versées à celle-ci en septembre 2010 : 552, 12 , suite à la naissance le 31mars 2010, selon copie intégrale produite, d'un enfant issu de ses relations avec ...P.Y... qui l'a reconnu -quittance d'assurance habitation du 13 janvier au 13 décembre 2010 à l'adresse de ...P.Y... et d'...L C..., ..., outre factures à leurs deux noms, même si parmi celles-ci l'une porte le nom d'un monsieur D... avec ...L.C... - loyer qui serait, selon le tableau récapitulatif des revenus et des charges de 572 par mois, les revenus d'...L.C... étant de 3701 , selon ce même tableau, du 1er mars au 31 octobre 2010 ; Attendu que ...PY... doit donc partager les charges de la vie courante avec ...L C... qui exerce la profession de modéliste selon les mentions de l'acte de naissance précitée de leur fille ; Que compte tenu des éléments ci-dessous rapportés, de ce que la mère a la charge constante des deux enfants, la contribution mensuelle de ...PY... à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants sera fixée à la somme globale de 200 , soit 100 par enfant ; Que la décision sera infirmée en ce sens concernant la pension alimentaire due pour Gabriel, et il y sera ajoutée concernant la pension alimentaire due pour Lola qui ne sera due pour cette dernière qu'à compter d'octobre 2010, la première demande ayant été faite par ...S.Z... dans ses conclusions de septembre 2010 ; Sur les dépens : Attendu que chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, l'une et l'autre conserveront la charge de leurs dépens ; PAR CES MOTIFS : La Cour après débats hors la présence du public et après en avoir délibéré, Statuant en Chambre du conseil, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré ; Statuant à nouveau : Dit que l'autorité parentale sur ...M.Z... sera exercée en commun par ses parents, ...P.Y... et ...S. Z... ; Dit que ...P.Y... exercera un droit de visite à l'amiable sur son fils Gabriel ; Fixe à la somme mensuelle de 100 la contribution de ...PY... à l'entretien et à l'éducation de ...M. Z.... Le condamne en tant que de besoin à payer la dite somme à ...S.Z... selon les mêmes modalités et indexation que celles prévues par le jugement déféré ; Y ajoutant : Dit que l'autorité parentale sur Lola Z... sera exercée en commun par ses parents, ...P.Y... et ...S.Z... ; Dit que ..P.Y... exercera un droit de visite à l'amiable sur sa fille ...N. ; Fixe à la somme mensuelle de 100 la contribution de ...P. Y... à l'entretien et à l'éducation de...N. Z..., à compter du 1er octobre 2010 ; Le condamne en tant que de besoin à payer la dite somme à ....N.Z..., selon les mêmes modalités et indexation que celles prévues pour la pension alimentaire due pour ...M. ; Invite ...P.Y... et ...S. Z... à envisager une mesure de médiation familiale et à cette fin, en application de l'article 373-2-10 alinéa 3 du code civil, leur enjoint de rencontrer un médiateur familial : l'Ecole des Parents et des Educateurs à SAINT-ETIENNE, 15 rue Léon Lamazière 42 000 SAINT-ETIENNE (tél : 04 77 92 67 48) qui les informera sur l'objet et le déroulement d'une telle mesure ; Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens. Le GreffierLe Président | |||||||||
JURITEXT000007630556 | JAX2006X11XPAX0000000C12 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/07/63/05/JURITEXT000007630556.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, CT0051, du 30 novembre 2006, 338 | 2006-11-30 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | 338 | CT0051 | PARIS | Monsieur GRELLIER, président | Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS 1ère Chambre - Section C ARRET DU 30 NOVEMBRE 2006 (no 338 , 4 pages)Numéro d'inscription au répertoire général : 04/04135Décisions déférées à la Cour :- Sentence arbitrale du 14 janvier 2004 à Paris- Sentence arbitrale NoII-5 du 7 juin 2004 à Paris- Sentence arbitrale NoII-6 du 4 octobre 2004 à Parisrendues par le Tribunal arbitral composé de MM. Raymond-Maxime LECLERCQ, William NAHUM et Emile SCHIRER.APPELANT Monsieur Y... né le 5 avril 1946 à ... (Maroc) demeurant ... représenté par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour assisté de Maître Maurice DAHAN avocat à la Cour (P195)APPELANTE La S.A. CONSULTAUDIT dont le siège social est : 8 rue Copernic 75116 PARIS représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour assistée de Maître Maurice DAHAN (P 195) et de Maître Bertrand MOREAU (P 121) avocats à la CourINTIME Monsieur Gena dit ... X... né le 21 mai 1954 à ... (...) de nationalité française demeurant :... représenté par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour assisté de Me Olivier HILLEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E 257COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 12 octobre 2006, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de : Monsieur GRELLIER, président Madame LEBE, conseiller Monsieur MAUBREY, conseiller désignés par ordonnance du 10 octobre 2006qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme FALIGANDMinistère public :représenté lors des débats par M. LAUTRU, avocat général, ARRÊT : - Contradictoire- prononcé publiquement par Monsieur GRELLIER, Président - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile. - signé par Monsieur GRELLIER, président et par Mme FALIGAND, greffier présent lors du prononcé. *********** Vu l'arrêt du 10 mars 2005, auxquels il est expressément fait référence en ce qui concerne la procédure antérieure, les demandes et les moyens des parties et qui, avant dire droit, sur l'appel formé par M. Y... et la société Consultaudit a invité les parties à s'expliquer au regard de l'équité compte tenu des pouvoirs d'amiable composition de la cour sur l'existence d'un principe de bonne foi qui s'opposerait, en dehors d'un recours en révision, à l'adoption à l'occasion du même litige de points de vue différents et d'un principe de cohérence dans l'articulation des moyens qui commanderait le regroupement des demandes dans la même instance ; Vu les dernières conclusions des parties du 13 juin 2006 en ce qui concerne M. X... et du 11 mai 2006 en ce qui concerne M.Y... et la société Consultaudit; Sur quoi, la cour, Considérant que par protocole du 16 novembre 1998, comportant une clause compromissoire, M. ... X..., agissant pour son compte et celui des associés, a cédé les actions composant le capital social de la société comptable Fegec à M. ...Y..., qui agissait en son nom personnel et en qualité de président de Consultaudit ; Considérant que, par une convention annexe, les parties ont prévu la faculté pour M. X... de reprendre tout ou partie de la clientèle de la société Fegec ; Considérant que des difficultés étant survenues entre les parties au sujet de l'exécution de cette option de rétrocession de clientèle, M. ....Y... et la société Consultaudit ont mis en oeuvre la procédure d'arbitrage ; que les arbitres statuant comme amiables compositeurs, ont par une sentence du 23 juin 2000, prononcé la résolution des conventions et de leurs actes d'exécution dans les rapports entre les parties aux torts de M. X..., et ont condamné celui-ci à rembourser certaines sommes à M. Y... et à Consultaudit en échange des actions détenues par eux ; Considérant que par arrêt devenu irrévocable du 18 octobre 2001, cette cour, autrement composée, a confirmé la sentence arbitrale, la Cour de cassation ayant rejeté le 26 juin 2003 le pourvoi formé par M. X... aux motifs d'abord que l'arrêt critiqué relève que M. Melnik a violé les clauses de non concurrence et de présentation de la clientèle, qui étaient essentielles à l'équilibre de l'opération de cession des actions, et que les griefs formulés par lui à l'encontre de M....Y... étaient sans fondement, ensuite qu'en l'état de l'analyse comparée du comportement des parties et des conséquences en résultant sur le juste rapport à établir entre leurs intérêts respectifs, l'arrêt du 18 octobre 2001, qui témoigne ainsi de la recherche d'une solution conforme à l'équité, se trouve légalement justifié ; Considérant que la Cour de cassation, pour rejeter le pourvoi, a rappelé que la cour d'appel, statuant en amiable composition, a donné à sa décision des motifs inspirés de l'équité qui échappent à son contrôle ; que M. ..X... a fait grief à l'arrêt de 2001 d'avoir confirmé la sentence alors que la restitution doit être faite de telle façon que chacun soit rétabli dans l'intégralité de son droit, et que, alors qu'il était acquis que M. ...X... ne possédant pas la totalité des actions du capital social de la société Fegec n'avait reçu des acquéreurs qu'une somme de 9 416 850 ç de sorte que l'arrêt aurait violé l'article 1184 du Code civil et privé sa décision de toute équité en violation des articles 1474 et 1483 du Code de procédure civile ; Considérant que par de nouvelles sentences en date des 20 janvier, 31 mars et 12 juin 2003, le tribunal arbitral reconstitué, à nouveau saisi par M. ...X..., a, pour l'essentiel ordonné une expertise et dit qu'...X... est en droit de demander la condamnation de M. ...Y... et de la société Consultaudit à lui restituer 5992 actions de la société Fegec ainsi que la comptabilité et les archives de cette société, pour s'en tenir à la demande formulée, dit qu'... X... est en droit de se faire verser par M. ...Y... et la société Consultaudit le montant de la dépréciation des 5992 actions susvisées résultant des prélèvements et autres faits imputables aux cessionnaires et ordonné des saisies opérées par M. ...Y... à l'encontre de M. X... ; Considérant que par arrêt du 19 octobre 2004, cette cour a infirmé ces sentences et déclaré irrecevables les demandes de M. X... ; Considérant que par trois nouvelles sentences des 14 janvier, 7 juin et 4 octobre 2004, le tribunal arbitral a, notamment, annulé pour dol les conventions litigieuses et déterminé des droits au profit des parties, à raison de leurs droits à être remises en l'état qui était le leur avant le 16 novembre 1998 ; Considérant que l'arrêt susvisé du 10 mars 2005 a, en réalité, invité les parties à s'expliquer sur le bien fondé de la saisine du tribunal arbitral après sa première décision du 23 juin 2000 ; que le principe, cardinal, de bonne foi, comme celui de la cohérence dans l'articulation des moyens, soumis et débattus devant le juge par des plaideurs, conseillés ,et, partant, éclairés sur l'étendue et la portée de leurs droits, prohibent la faculté de saisir derechef le même juge qui a épuisé sa saisine, pour lui soumettre des prétentions tendant à reconnaître un droit ou à réfuter le bien fondé d'une prétention radicalement inconciliable avec un moyen de défense ou une demande reconventionnelle précédemment discutée ; Considérant qu'il importe ici de réitérer que, comme cela a déjà été dit dans l'arrêt du 19 février 2004, la question de la dépréciation des actions était tout entière dans le débat tel que soumis par la saisine initiale des arbitres ; qu'il en résulte que les nouvelles prétentions que M. X... a soumises, postérieurement à cette saisine aux arbitres, sont irrecevables ; Considérant que les sentences des 14 Janvier, 7 juin et 4 octobre 2004, seront en conséquence, comme celles de 2003, infirmées, le tribunal arbitral ayant épuisé sa compétence avec sa décision du 23 juin 2000 ; qu'il n'y donc pas lieu d'évoquer ; Considérant qu'il sera statué sur la demande formée par M. Y... au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile dans la mesure précisée au dispositif;Par ces motifs : - infirme les sentences des 14 janvier, 7 juin et 4 octobre 2004,- déclare irrecevables les demandes de M. Melnik,-condamne M. X... à payer à M. Y... et la société Consultaudit la somme de 15 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,-condamne M. X... aux dépens qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER, LE PRESIDENT | ||||||||
JURITEXT000007630556 | JAX2006X11XPAX0000000C12 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/07/63/05/JURITEXT000007630556.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, CT0051, du 30 novembre 2006, 338 | 2006-11-30 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | 338 | CT0051 | PARIS | Monsieur GRELLIER, président | Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS 1ère Chambre - Section C ARRET DU 30 NOVEMBRE 2006 (no 338 , 4 pages)Numéro d'inscription au répertoire général : 04/04135 Décisions déférées à la Cour :- Sentence arbitrale du 14 janvier 2004 à Paris- Sentence arbitrale NoII-5 du 7 juin 2004 à Paris- Sentence arbitrale NoII-6 du 4 octobre 2004 à Paris rendues par le Tribunal arbitral composé de MM. Raymond-Maxime LECLERCQ, William NAHUM et Emile SCHIRER.APPELANT Monsieur Y...né le 5 avril 1946 à ... (Maroc) demeurant ... représenté par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour assisté de Maître Maurice DAHAN avocat à la Cour (P195)APPELANTE La S.A. CONSULTAUDIT dont le siège social est : 8 rue Copernic 75116 PARIS représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour assistée de Maître Maurice DAHAN (P 195) et de Maître Bertrand MOREAU (P 121) avocats à la Cour INTIME Monsieur X dit ... X... né le 21 mai 1954 à ... (...) de nationalité française demeurant :... représenté par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour assisté de Me Olivier HILLEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E 257COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 12 octobre 2006, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de : Monsieur GRELLIER, président Madame LEBE, conseiller Monsieur MAUBREY, conseiller désignés par ordonnance du 10 octobre 2006 qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme FALIGAND Ministère public :représenté lors des débats par M. LAUTRU, avocat général, ARRÊT : - Contradictoire- prononcé publiquement par Monsieur GRELLIER, Président - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile. - signé par Monsieur GRELLIER, président et par Mme FALIGAND, greffier présent lors du prononcé. *********** Vu l'arrêt du 10 mars 2005, auxquels il est expressément fait référence en ce qui concerne la procédure antérieure, les demandes et les moyens des parties et qui, avant dire droit, sur l'appel formé par M. Y... et la société Consultaudit a invité les parties à s'expliquer au regard de l'équité compte tenu des pouvoirs d'amiable composition de la cour sur l'existence d'un principe de bonne foi qui s'opposerait, en dehors d'un recours en révision, à l'adoption à l'occasion du même litige de points de vue différents et d'un principe de cohérence dans l'articulation des moyens qui commanderait le regroupement des demandes dans la même instance ; Vu les dernières conclusions des parties du 13 juin 2006 en ce qui concerne M. X... et du 11 mai 2006 en ce qui concerne M.Y... et la société Consultaudit; Sur quoi, la cour, Considérant que par protocole du 16 novembre 1998, comportant une clause compromissoire, M. ... X..., agissant pour son compte et celui des associés, a cédé les actions composant le capital social de la société comptable Fegec à M. ...Y..., qui agissait en son nom personnel et en qualité de président de Consul taudit ; Considérant que, par une convention annexe, les parties ont prévu la faculté pour M. X... de reprendre tout ou partie de la clientèle de la société Fegec ; Considérant que des difficultés étant survenues entre les parties au sujet de l'exécution de cette option de rétrocession de clientèle, M. ....Y... et la société Consultaudit ont mis en oeuvre la procédure d'arbitrage ; que les arbitres statuant comme amiables compositeurs, ont par une sentence du 23 juin 2000, prononcé la résolution des conventions et de leurs actes d'exécution dans les rapports entre les parties aux torts de M. X..., et ont condamné celui-ci à rembourser certaines sommes à M. Y... et à Consultaudit en échange des actions détenues par eux ; Considérant que par arrêt devenu irrévocable du 18 octobre 2001, cette cour, autrement composée, a confirmé la sentence arbitrale, la Cour de cassation ayant rejeté le 26 juin 2003 le pourvoi formé par M. X... aux motifs d'abord que l'arrêt critiqué relève que M....P a violé les clauses de non concurrence et de présentation de la clientèle, qui étaient essentielles à l'équilibre de l'opération de cession des actions, et que les griefs formulés par lui à l'encontre de M....Y... étaient sans fondement, ensuite qu'en l'état de l'analyse comparée du comportement des parties et des conséquences en résultant sur le juste rapport à établir entre leurs intérêts respectifs, l'arrêt du 18 octobre 2001, qui témoigne ainsi de la recherche d'une solution conforme à l'équité, se trouve légalement justifié ; Considérant que la Cour de cassation, pour rejeter le pourvoi, a rappelé que la cour d'appel, statuant en amiable composition, a donné à sa décision des motifs inspirés de l'équité qui échappent à son contrôle ; que M. ..X... a fait grief à l'arrêt de 2001 d'avoir confirmé la sentence alors que la restitution doit être faite de telle façon que chacun soit rétabli dans l'intégralité de son droit, et que, alors qu'il était acquis que M. ...X... ne possédant pas la totalité des actions du capital social de la société Fegec n'avait reçu des acquéreurs qu'une somme de 9 416 850 ç de sorte que l'arrêt aurait violé l'article 1184 du Code civil et privé sa décision de toute équité en violation des articles 1474 et 1483 du Code de procédure civile ; Considérant que par de nouvelles sentences en date des 20 janvier, 31 mars et 12 juin 2003, le tribunal arbitral reconstitué, à nouveau saisi par M. ...X..., a, pour l'essentiel ordonné une expertise et dit qu'...X... est en droit de demander la condamnation de M. ...Y... et de la société Consultaudit à lui restituer 5992 actions de la société Fegec ainsi que la comptabilité et les archives de cette société, pour s'en tenir à la demande formulée, dit qu'... X... est en droit de se faire verser par M. ...Y... et la société Consultaudit le montant de la dépréciation des 5992 actions susvisées résultant des prélèvements et autres faits imputables aux cessionnaires et ordonné des saisies opérées par M. ...Y... à l'encontre de M. X... ; Considérant que par arrêt du 19 octobre 2004, cette cour a infirmé ces sentences et déclaré irrecevables les demandes de M. X... ; Considérant que par trois nouvelles sentences des 14 janvier, 7 juin et 4 octobre 2004, le tribunal arbitral a, notamment, annulé pour dol les conventions litigieuses et déterminé des droits au profit des parties, à raison de leurs droits à être remises en l'état qui était le leur avant le 16 novembre 1998 ; Considérant que l'arrêt susvisé du 10 mars 2005 a, en réalité, invité les parties à s'expliquer sur le bien fondé de la saisine du tribunal arbitral après sa première décision du 23 juin 2000 ; que le principe, cardinal, de bonne foi, comme celui de la cohérence dans l'articulation des moyens, soumis et débattus devant le juge par des plaideurs, conseillés ,et, partant, éclairés sur l'étendue et la portée de leurs droits, prohibent la faculté de saisir derechef le même juge qui a épuisé sa saisine, pour lui soumettre des prétentions tendant à reconnaître un droit ou à réfuter le bien fondé d'une prétention radicalement inconciliable avec un moyen de défense ou une demande reconventionnelle précédemment discutée ; Considérant qu'il importe ici de réitérer que, comme cela a déjà été dit dans l'arrêt du 19 février 2004, la question de la dépréciation des actions était tout entière dans le débat tel que soumis par la saisine initiale des arbitres ; qu'il en résulte que les nouvelles prétentions que M. X... a soumises, postérieurement à cette saisine aux arbitres, sont irrecevables ; Considérant que les sentences des 14 Janvier, 7 juin et 4 octobre 2004, seront en conséquence, comme celles de 2003, infirmées, le tribunal arbitral ayant épuisé sa compétence avec sa décision du 23 juin 2000 ; qu'il n'y donc pas lieu d'évoquer ; Considérant qu'il sera statué sur la demande formée par M. Y... au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile dans la mesure précisée au dispositif;Par ces motifs : - infirme les sentences des 14 janvier, 7 juin et 4 octobre 2004,- déclare irrecevables les demandes de M. Melnik,-condamne M. X... à payer à M. Y... et la société Consultaudit la somme de 15 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,-condamne M. X... aux dépens qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER, LE PRESIDENT | ||||||||
JURITEXT000049130303 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130303.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 1 décembre 2023, 16/13597 | 2023-12-01 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 16/13597 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 16/13597No Portalis 352J-W-B7A-CIYIZ No MINUTE : Assignation du :02 Septembre 2016 JUGEMENT rendu le 01 Décembre 2023 DEMANDERESSES Société SARTORIUS STEDIM BIOTECH GmbH[Adresse 4][Adresse 4] (ALLEMAGNE) Société RESPIRONICS NOVAMETRIX LLC - intervenante volontaire [Adresse 1], [Adresse 1] (ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE) représentées par Maître Bertrand WARUSFEL de la SELARL FELTESSE WARUSFEL PASQUIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0028 DÉFENDERESSES S.A.S.U. MILLIPORE[Adresse 3][Adresse 3] S.A.S.U. MERCK BIODEVELOPMENT[Adresse 2][Adresse 2] représentées par Maître Catherine MATEU de l'AARPI ARMENGAUD - GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0007 Copies délivrées le :- Maître WARUSFEL #K28 (ccc)- Maître MATEU #W7 (exécutoire) COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 11 Mai 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2023 puis prorogé en dernier lieu le 01 Décembre 2023 JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE Synthèse de l'objet du litige 1. La société de droit allemand Sartorius stedim biotech (la société Sartorius) et la société de droit des États-Unis Respironics novametrix (la société Respironics, et toutes deux ensemble, les brevetées) reprochent aux sociétés Millipore et Merck biodevelopment (les sociétés Merck) d'avoir respectivement fabriqué, fait fabriquer et commercialisé, pour la première, et utilisé, pour la seconde, un système intitulé ‘Mobius sensor ready', en contrefaçon des revendications 1, 2, 5, 6, 8 et 9 de la partie française du brevet européen EP 2 024 487 dont elles sont cotitulaires, portant sur un « bioréacteur ». 2. Les sociétés Merck réclament reconventionnellement la nullité de ces revendications pour défaut de nouveauté et d'activité inventive, la nullité de la saisie-contrefaçon pratiquée en vue de prouver la contrefaçon alléguée, au titre de laquelle ils réclament des dommages et intérêts pour abus, et résistent à l'ensemble des demandes, soulevant notamment la prescription partielle et l'absence de mise en connaissance de cause à leur égard, et l'absence de reproduction des revendications par les produits litigieux. Droits invoqués et procédure 3. Le brevet EP 2 024 487 (ci-après le brevet ou le brevet en cause), demandé le 24 avril 2007 sous priorité d'une demande allemande du 11 mai 2006, délivré le 31 aout 2011, est intitulé « Bioréacteur à usage unique muni d'un système de détection ». 4. Un « bioréacteur » est, en chimie, un appareil permettant de cultiver des micro-organismes pour un usage économique (dans l'industrie agroalimentaire ou pharmaceutique) ou environnemental. L'invention, ici, concerne plus précisément un dispositif permettant la prise d'une mesure dans un bioréacteur à usage unique, perfectionnée en ce que l'interaction entre le capteur et le milieu est réduite. 5. Le brevet a été annulé en ce qui concerne l'Allemagne par la Cour fédérale des brevets (9 juin 2020, no3 Ni 7/18), confirmée par la Cour fédérale de justice (29 novembre 2022, noX ZR 96/20). En France, il a fait l'objet d'une limitation auprès de l'INPI, acceptée le 17 novembre 2021. 6. La société Sartorius, seule, a assigné les sociétés Merck en contrefaçon du brevet le 2 septembre 2016, après une saisie-contrefaçon du 3 aout 2016. La notification de l'assignation au cotitulaire du brevet (la société Respironics) domicilié aux États-Unis n'ayant d'abord pas été jugée valable, l'instance a été suspendue jusqu'à ce qu'une nouvelle notification éclairée par divers autres éléments soit approuvée par une ordonnance du 15 janvier 2021. 7. C'est alors seulement que les défenderesses, demandant reconventionnellement la nullité du brevet, ont elles-mêmes assigné la société Respironics en intervention forcée le 24 mai 2021. 8. L'instruction a été close le 12 janvier 2023 et l'affaire plaidée le 11 mai suivant. Prétentions des parties 9. Dans leurs dernières conclusions (10 janvier 2023) les sociétés Sartorius et Respironics résistent aux demandes reconventionnelles, et demandent :- la cessation de la contrefaçon, l'interdiction à la société Millipore de fabriquer et commercialiser en France le système Sensor ready et les bioréacteurs Mobius, et l'interdiction à la société Merck biodevelopment d'utiliser ledit système, le tout sous astreintes ; - la condamnation solidaire des sociétés Merck à leur payer 100 000 euros de dommages et intérêts provisionnels pour la contrefaçon ;- une expertise pour déterminer leur préjudice, tout en se réservant de former une demande au titre du droit d'information ;- la publication du jugement ;- outre l'exécution provisoire, 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens, devant comprendre les frais de la saisie-contrefaçon et être recouvrés par leur avocat. 10. Dans leurs dernières conclusions (30 novembre 2022), les sociétés Merck demandent la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon (avec interdiction de communiquer dans toute autre procédure les pièces qui en sont issues), la nullité des revendications 1, 2, 3, 5, 6, 8 et 9 du brevet, résistent aux demandes, en soulèvent l'irrecevabilité, et réclament elles-mêmes de la part des brevetées, prises solidairement, 50 000 euros chacune pour abus à raison de la saisie-contrefaçon, 50 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens, à recouvrer par leur avocat. MOTIVATION I . Demande reconventionnelle en nullité du brevet 1 . Présentation du brevet 11. Il ressort de la description du brevet que la prise de mesures dans un bioréacteur jetable selon l'art antérieur, qui prévoit la présence d'un capteur à l'intérieur du bioréacteur, pose essentiellement deux problèmes : le capteur interne risque de ne pas résister à la stérilisation préalable du bioréacteur, le milieu (contenu dans le bioréacteur) risque d'interagir avec le capteur. 12. L'invention se propose de les résoudre grâce à un adaptateur de capteur intégré dans au moins une « conduite périphérique du bioréacteur servant à alimenter en milieu et/ou décharger celui-ci » et qui doit recevoir un « agencement capteur » (c'est-à-dire le capteur devant réaliser la mesure), lequel interagit avec le milieu (qui parcourt la conduite périphérique) via une « surface limite intérieure de l'adaptateur de capteur ». 13. Les deux « caractéristiques fondamentales » de l'invention selon la description sont ainsi, d'une part, la localisation de la mesure au niveau d'une conduite périphérique, ce qui limite l'interaction entre le capteur et le milieu à la « durée relativement courte d'écoulement du milieu dans la conduite », d'autre part l'usage d'une surface limite de l'adaptateur, surface limite qui est perméable pour la variable physique à mesurer, ce qui évite l'interaction directe entre le capteur et le milieu. 14. Le brevet donne ensuite quelques exemples de mesures et de capteurs adaptés, tels que la mesure du CO2 par la lumière infrarouge traversant la conduite (et donc le milieu), la surface limite étant alors transparente, la mesure de la température à travers une surface limite thermoconductrice, ou la mesure de la conductivité du milieu grâce à deux électrodes situées sur (ou consistant en) deux « sous-surfaces » limites isolées l'une de l'autre. 15. Le brevet tel que délivré contenait 10 revendications, la revendication 1, dont toutes les autres étaient dépendantes, étant ainsi rédigée : « Bioréacteur à usage unique qui comprend un agencement capteur pouvant être monté de manière réversible à l'extérieur, pour mesurer une variable physique d'un milieu contenu, caractérisé en ce qu'un adaptateur de capteur (28) est intégré dans au moins une conduite périphérique (14, 16, 18) du bioréacteur servant à alimenter et/ou décharger le milieu, pour recevoir un agencement capteur électronique (34, 38 ; 42 ; 44a, 44b, 46, 48) en interaction, via une surface-limite (32a, 32b ; 40 ; 44b) de l'adaptateur de capteur, avec le milieu parcourant la conduite périphérique (14, 16, 18), et en ce que l'adaptateur de capteur (28) est monté dans la conduite périphérique (14, 16, 18) sous forme d'un insert qui prolonge la conduite périphérique (14, 16, 18) et par lequel le milieu contenu peut couler. » 16. La figure 1, reproduite ci-dessous, illustre une forme d'exécution de l'invention (avant la limitation du brevet). Les figures 3 et 4 (ci-après) illustrent deux exemples de capteur et d'adaptateur de capteur (mesure optique pour la figure 3 et mesure de température pour la figure 4). 17. La limitation acceptée par l'INPI a ajouté deux caractéristiques à la revendication 1, la première précisant que le milieu est liquide, la seconde précisant comment l'agencement capteur est reçu dans l'adaptateur de capteur. En conséquence, la revendication 2 qui portait sur un conduit d'échappement de gaz a été supprimée. Hormis la prise en compte de la nouvelle numérotation qui en résulte, les autres revendications sont inchangées. 18. La revendication 1 limitée est ainsi rédigée (les ajouts sont soulignés) : « Bioréacteur à usage unique qui comprend un agencement capteur pouvant être monté de manière réversible à l'extérieur, pour mesurer une variable physique d'un milieu liquide contenu, caractérisé en ce qu'un adaptateur de capteur (28) est intégré dans au moins une conduite périphérique (14, 16, 18) du bioréacteur servant à alimenter et/ou décharger le milieu liquide, pour recevoir un agencement capteur électronique (34, 38 ; 42 ; 44a, 44b, 46, 48) en interaction, via une surface-limite (32a, 32b ; 40 ; 44b) de l'adaptateur de capteur, avec le milieu liquide parcourant la conduite périphérique (14, 16, 18), et en ce que l'adaptateur de capteur (28) est monté dans la conduite périphérique (14, 16, 18) sous forme d'un insert qui prolonge la conduite périphérique (14, 16, 18) et par lequel le milieu liquide contenu peut couler, et que l'adaptateur de capteur (28) comprend des moyens d'ajustement pour fixer l'agencement capteur électronique (34, 38, 42 ; 44a, 44b, 46, 48) par insertion dans l'adaptateur de capteur. » 19. La revendication 2 du brevet limité, dépendante, précise que l'agencement capteur est configuré pour interagir directement avec le milieu à travers la surface-limite intérieure (32a, 32b ; 40 ; 44b). 20. Les revendications 3 à 7, dépendantes, portent sur les types de capteurs des exemples précités et les revendications 8 et 9, dépendantes, précisent que l'adaptateur de capteur est constitué d'un matériau résistant à des méthodes de stérilisations, à savoir le rayonnement gamma (revendication 8) ou l'oxyde d'éthylène (revendication 9). 2 . Nouveauté et activité inventive Documents de l'art antérieur cités 21. Les parties citent, entre autres, les deux documents suivants pour établir l'état de la technique à la date de priorité du brevet, qui seront identifiés dans la présente décision comme l'ont fait les parties par le nom souligné ci-dessous : - Spaulding, Apparatus and methods for culturing mammalian cells [appareil et procédés de culture de cellules de mammifères], demande internationale de brevet WO 97/31128, publiée le 28 aout 1997 (pièce Merck no10) ; - Hodge, Disposable bioreactor systems and methods [systèmes de bioréacteurs jetables et procédés associés] demande internationale de brevet WO 2005/118771 A2, publiée le 15 décembre 2005 (pièce Merck no11) ; Moyens des parties 22. Les sociétés Merck exposent, à propos de la limitation de la revendication 1, que le brevet ne décrit aucun effet technique relatif à état liquide du milieu, qui n'a pas de rapport avec l'effet technique recherché, à savoir minimiser l'interaction entre le capteur et le milieu ; au contraire, ajoutent-elles, le brevet expose seulement des avantages associés à une mesure de gaz. En second lieu, elles analysent la caractéristique ajoutée tenant à l'insertion du capteur dans l'adaptateur comme excluant une fixation par clipsage. 23. Elles ajoutent que puisque la conduite périphérique doit servir à alimenter et/ou décharger le milieu, ce qui, interprété à la lumière de la description (§6), implique un écoulement du milieu pendant une « durée relativement courte », la revendication n'inclut pas un écoulement continu du milieu dans la boucle ; le fait que seule une petite fraction n'y coule à un moment donné est selon elles indifférent. 24. Dans ce cadre, elles soutiennent à titre principal que la revendication 1 n'est pas nouvelle à l'égard du document Spalding, dont elles estiment notamment qu'en décrivant une portion de tuyau (transparente) placée dans l'encoche d'un capteur externe, il divulgue un adaptateur de capteur sous la forme d'un insert prolongeant la conduite et dans lequel l'agencement capteur se fixe par insertion. Elles soutiennent à titre subsidiaire que la revendication n'est pas inventive vis-à-vis de ce document car les éventuelles caractéristiques non divulguées par lui ne seraient que des modalités pratiques mineures évidentes qu'il suggère. 25. Elles contestent également l'activité inventive à l'égard du document Hodge, dont elles estiment notamment qu'en décrivant des capteurs de pression pouvant être ajustés à un T créé sur la ligne d'entrée ou de sortie du bioréacteur, il divulgue un agencement capteur fixé à un adaptateur (le T) lequel a la forme d'un insert prolongeant la conduite, de sorte que la seule nouveauté de la revendication 1 est la nature liquide du milieu, qui n'a selon elles aucun effet pour la résolution du problème technique, de sorte que cette modification ne pourrait impliquer aucune activité inventive. Selon elles, la personne du métier, au regard de la façon classique d'utiliser un T, comprend que la branche verticale de celui-ci sert à raccorder le capteur, dont une partie est insérée dans cette branche pour aller jusqu'à la jonction avec la branche horizontale. 26. Elles contestent alternativement l'activité inventive au regard d'autres documents de l'art antérieur, selon différentes combinaisons entre eux. ** 27. Les brevetées soutiennent d'abord que la « conduite périphérique » selon la revendication 1 peut servir en même temps à alimenter et décharger le liquide comme l'indique la formule « et/ou », et que ce qui est important est qu'elle est installée en périphérie du bioréacteur, ce qui minimise bien selon elles l'interaction avec le milieu en la limitant à une petite fraction de son ensemble. Sur la limitation, elles expliquent que la mesure effectuée dans un milieu liquide implique qu'elle soit faite directement sur le bio-milieu (et non sur ses émanations gazeuses) ce qui rend plus important la limitation de l'interaction, objet de l'invention, de sorte que cette limitation est techniquement cohérente ; que « l'insertion » de l'agencement capteur dans l'adaptateur n'est pas suffisante pour le fixer, de sorte que l'enseignement du brevet ne se limite pas à la seule caractéristique de l'insertion. 28. Sur le document Spaulding, elles exposent que celui-ci est limité à la culture de cellules de mammifères, concerne seulement des récipients et non un bioréacteur à usage unique (qui implique l'addition de gaz, une agitation, un éclairage et un contrôle continu), ne divulgue pas un adaptateur de capteur intégré dans le tube (notamment pas sous la forme d'un insert prolongeant la conduite), tube qui n'est pas davantage configuré pour recevoir un agencement capteur électronique et en particulier pas par insertion de l'agencement capteur dans l'adaptateur. Ainsi, selon elles, dans ce document, ce n'est pas le capteur qui est fixé sur la conduite acheminant le milieu mais la conduite qui est insérée dans le capteur. Elles ajoutent que le capteur de pH décrit dans le document Spaulding implique la présence dans le milieu de Phenol red qui pollue donc celui-ci, indépendamment de sa non-toxicité, ce qui empêche selon elles d'atteindre l'effet technique recherché par l'invention (à savoir minimiser toute interaction avec le bio-milieu liquide). 29. Elles soulignent que le document Hodge concerne une mesure dans une conduite d'air, qui n'interagit pas avec le bio-milieu lui-même, donc qui ne peut pas « être pertinente au regard de la revendication 1 » selon elles, outre qu'il ne s'agit pas d'un milieu liquide, que ce document ne divulguerait pas un adaptateur de capteur intégré au sein d'une conduite périphérique, ni un moyen de fixation par insertion car le document ne précise aucun moyen de fixation du capteur au T. 30. Elles contestent également la pertinence des autres documents invoqués. Appréciation du tribunal 31. En application de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich (la Convention sur le brevet européen, ci-après la Convention), lequel est ainsi rédigé : « (1) Sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ; (...). » a. Revendication 1 32. Pour mémoire, la revendication 1 est ainsi rédigée (les passages à la ligne et la numérotation sont le fait du tribunal afin de distinguer les ensembles pertinents de caractéristiques) : a- Bioréacteur à usage unique b- qui comprend un agencement capteur pouvant être monté de manière réversible à l'extérieur,c- pour mesurer une variable physique d- d'un milieu liquide contenu, e- caractérisé en ce qu'un adaptateur de capteur (28) est intégré e1- dans au moins une conduite périphérique (14, 16, 18) du bioréacteur e12- servant à alimenter et/ou décharger e13- le milieu liquide, e2- pour recevoir un agencement capteur électronique (34, 38 ; 42 ; 44a, 44b, 46, 48) en interaction, e21- via une surface-limite (32a, 32b ; 40 ; 44b) de l'adaptateur de capteur, e23- avec le milieu liquide parcourant la conduite périphérique (14, 16, 18), f- et en ce que l'adaptateur de capteur (28) f1- est monté dans la conduite périphérique (14, 16, 18) sous forme d'un insert qui prolonge la conduite périphérique (14, 16, 18) f2- et par lequel le milieu liquide contenu peut couler, g- et que l'adaptateur de capteur (28) comprend des moyens d'ajustement pour fixer l'agencement capteur électronique (34, 38, 42 ; 44a, 44b, 46, 48) par insertion dans l'adaptateur de capteur. » Nouveauté 33. L'article 52 de la Convention de Munich limite la brevetabilité aux inventions nouvelles et inventives. En vertu de l'article 54, une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique, lequel est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. 34. Il résulte de ce texte, tel que l'interprètent les juridictions françaises, que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y retrouver tout entière, dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement et le même résultat technique (Cass. Com., 17 mai 2023, no19-25.509). 35. Le document Spaulding concerne un « nouvel appareil et procédé associé, pour surveiller et alimenter des cultures de cellules, en particulier de mammifères ou d'autres cultures de cellules extrêmement sensibles. » Il ne se limite donc pas aux seuls mammifères et en toute hypothèse il s'agit d'un type particulier de micro-organismes pouvant être cultivés dans un bioréacteur tel que revendiqué par le brevet. 36. Il divulgue, en substance, un dispositif dans lequel le milieu de culture d'un récipient (12) est partiellement déchargé et remplacé selon les besoins, grâce à un contrôle du pH de ce milieu effectué par un capteur (20) en communication opérationnelle avec une portion (18) de la conduite (14) d'alimentation et de décharge se trouvant en-dehors du récipient (12), portion dans laquelle est pompée une partie du milieu pour les besoins de la mesure (mode de réalisation décrit p. 6 lignes 11 et s. et illustré par la figure 1 reproduite ci-dessous). 37. Les récipients visés par ce document sont non seulement des « t-flask » (des récipients plats destinés à la culture cellulaire) mais également différentes sortes de bioréacteurs, sans toutefois préciser qu'ils sont à usage unique (p. 4, lignes 18-21). Il n'est certes pas contesté que les t-flask sont à usage unique, mais ce document distingue les t-flask (ainsi que les boites de Petri et récipients du même genre) des bioréacteurs. Il ne peut donc pas en être déduit que les premiers font partie des seconds, ni, par suite, que ce document divulgue directement et sans ambigüité des bioréacteurs à usage unique. 38. En outre, l'adaptation du capteur à la conduite n'est décrite que via une encoche dans le capteur, ce qui ne divulgue pas l'adaptateur de capteur visé à la revendication 1 ni une fixation par insertion dans l'adaptateur. 39. La revendication 1, contre laquelle aucun autre document de l'art antérieur n'est invoqué au titre de la nouveauté, est donc nouvelle. Activité inventive 40. En application de l'article 56 de la Convention de Munich, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. 41. Les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à la personne du métier, ils permettaient à l'évidence à cette dernière d'apporter au problème résolu par l'invention, la même solution que celle-ci. 42. Les compétences de la personne du métier ne sont pas contestées. Elle connait a minima les bioréacteurs, leur but et leur fonctionnement. 43. Le document Hodge porte sur un bioréacteur jetable (donc à usage unique) et il est constant qu'il était accessible à la personne du métier. Il enseigne, entre autres, que la surveillance des paramètres importants du processus (tels que la température ou le CO2 dissous) par des capteurs se fait préférentiellement de façon à ne pas compromettre la barrière stérile établie par le bioréacteur, donnant l'exemple de la surveillance de l'intensité du flux de gaz par un capteur situé en amont d'un filtre d'entrée d'air (p. 7, lignes 15-20). Il précise notamment que la pression peut être surveillée par des capteurs en créant un « T » sur la ligne d'arrivée et/ou de sortie d'air, avec une membrane qui peut couvrir la surface du T pour maintenir la barrière stérile tout en étant fabriquée de façon à ne pas affecter la mesure de pression. Un transducteur de pression standard peut alors être ajusté au T pour mesurer et contrôler la pression à l'intérieur de la barrière stérile (p. 7 ligne 27 à p. 8 ligne 3). 44. Ces caractéristiques ne sont pas illustrées dans le document Hodge mais les brevetées en ont proposé un schéma dont la partie non contestée est reproduite ci-dessous. 45. Dans le mode de réalisation ainsi divulgué, le bioréacteur à usage unique comprend un agencement capteur électronique servant à mesurer une variable physique (le transducteur de pression). Pouvant être ajusté à l'élément en T, il est ainsi réversible et monté à l'extérieur. L'élément en T sert de ce fait d'adaptateur de capteur. Cet élément étant « créé sur la ligne d'arrivée et/ou de sortie d'air », il est bien intégré dans une conduite périphérique du bioréacteur, sous la forme d'un insert qui prolonge cette conduite. La membrane couvrant la surface du T est une surface-limite de l'adaptateur par laquelle l'agencement capteur interagit avec ce que contient la conduite. 46. La façon d'ajuster le capteur à l'adaptateur n'est pas précisée mais il est évident que dans un adaptateur en T, dont la branche horizontale est nécessairement la partie prolongeant la conduite, la branche verticale a pour fonction de permettre l'ajustement du capteur (les brevetées ne lui allèguent au demeurant aucune autre raison d'être) et un tel ajustement peut avantageusement se faire par insertion de l'agencement capteur dans cette branche, une telle insertion pouvant évidemment permettre une fixation. 47. Les brevetées estiment certes une telle insertion impossible selon le mode de réalisation divulgué par le document Hodge à cause de la membrane dont celui-ci explique qu'elle couvre « la surface du T », c'est-à-dire, selon elles, l'extrémité externe de la branche verticale du T (en haut, sur leur schéma). Toutefois, comme le soulèvent les sociétés Merck, une telle localisation n'aurait aucun sens pour la personne du métier cherchant à suivre l'enseignement de ce document. En effet la forme en T n'aurait aucun intérêt technique si la surface-limite se trouvait à l'extrémité de la branche verticale, qui ne constituerait ainsi qu'une bosse ou cavité inutile le long de la conduite. Il est ainsi évident pour la personne du métier, malgré l'apparente incohérence des termes employés dans le document Hodge, que celui-ci suggère de placer la membrane (surface-limite) à l'intersection des deux branches du T, c'est-à-dire dans la continuité de la paroi de la conduite que le T prolonge, ce qui permet l'insertion du capteur dans l'adaptateur, dont la forme est ainsi un moyen d'ajustement permettant la fixation par insertion, au sens de la revendication 1. 48. Dès lors, les seules caractéristiques de cette revendication qui ne sont pas manifestement divulguées par le document Hodge sont l'état liquide du milieu, le fait que la conduite périphérique sert à alimenter et/ou décharger ce milieu liquide, lequel peut couler à travers elle, et le fait que c'est avec ce milieu liquide que l'agencement capteur électronique interagit. Le document Hodge divulguant ces caractéristiques pour un milieu gazeux, la question est en définitive de savoir si, au regard du document Hodge, il était évident pour la personne du métier de les appliquer à un milieu liquide. 49. Le terme « milieu » n'est pas défini par le brevet ni, au demeurant, par les parties. Le brevet comme les parties l'emploient simplement pour désigner ce qui est contenu dans le bioréacteur et dont une variable doit être mesurée par le capteur objet de l'invention. Le « milieu » est donc ce que l'on veut mesurer. Ainsi, l'état de ce milieu (gazeux ou liquide) est un élément du problème technique (on veut mesurer un milieu liquide en minimisant l'interaction du capteur avec le milieu) et non un élément de la solution. C'est également ce qu'implique l'argumentation des brevetées (leurs conclusions p. 24), lorsqu'elles expliquent que la mesure qui s'effectue sur le milieu liquide est plus critique, c'est-à-dire plus risquée, car elle interagit directement avec le « bio-milieu » (c'est-à-dire les micro-organismes cultivés), lequel est liquide, contrairement à une mesure effectuée seulement sur les gaz émis par ce « bio-milieu », de sorte que l'invention trouve toute son utilité dans le cadre d'une mesure effectuée sur le milieu liquide. Cet état liquide du milieu ne contribue donc pas à l'activité inventive mais est une donnée du problème technique résolu par l'invention. 50. Devant la méthode de mesure réalisée sur une conduite d'air périphérique divulguée par le document Hodge qui expose explicitement l'objectif de maintenir la stérilité du bioréacteur, la personne du métier aurait vu l'intérêt évident de cette mesure périphérique pour minimiser en général l'interaction entre le capteur et le milieu, et aurait pensé à utiliser cette solution pour mesurer le milieu liquide en utilisant les conduites d'arrivée et/ou d'évacuation de celui-ci. À supposer que le document Hodge n'eût pas été une incitation suffisante pour cette transposition, le document Spaulding, qui divulgue explicitement une mesure effectuée sur la conduite d'alimentation et d'évacuation en milieu, lequel est par hypothèse liquide selon les brevetées elles-mêmes (leurs conclusions p. 24, 2e §, p. 25, 1er §), aurait apporté le complément suffisant pour rendre évidentes les caractéristiques divulguées par le document Hodge, y compris pour un milieu liquide. 51. Il en résulte que la revendication 1 était, dans tous ses éléments, évidente pour la personne du métier à la date de priorité. b. Revendication 2 52. La revendication 2 du brevet limité est ainsi libellée : « Bioréacteur à usage unique selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'agencement capteur (34, 38 ; 41 ; 44a, 46, 48) est configuré pour interagir directement avec le milieu à travers la surface-limite intérieure (32a, 32b ; 40 ; 44b). » 53. Comme le relèvent les sociétés Merck, il ressort de la description du brevet que « l'interaction directe avec le milieu à travers la surface limite intérieure » est illustrée par une mesure par émission d'une lumière infrarouge à travers la surface limite (paragraphe [0008]), qui est opposée à « l'interaction indirecte entre l'agencement capteur et le milieu avec participation de la surface limite », illustrée par un capteur qui mesure la température de la surface limite (et non directement celle du milieu) ou par un capteur de courant ou de tension entre des électrodes en contact avec la surface limite (divisée en deux sous-surfaces) (paragraphes [0009]-[0010]). 54. Les sociétés Merck en déduisent sans être contredites que la mesure de pression divulguée par le document Hodge serait directe car elle s'effectue « simplement à travers la membrane ». 55. En toute hypothèse, et à supposer qu'une mesure optique infrarouge telle que décrite dans le brevet ne fasse pas partie des connaissances générales de la personne du métier à la date de priorité, le document Spaulding divulgue une mesure (de pH) à travers un capteur optique qui opère donc directement à travers la surface de la conduite. La critique soulevée par les brevetées selon laquelle cette mesure optique de pH, qui requiert la présence dans le milieu d'une teinture adaptée (du Phenol Red), serait une « pollution » du milieu et irait ainsi à l'encontre du problème technique pris en compte par le brevet qui est de minimiser l'interaction entre le capteur et le milieu, n'est pas fondée : le brevet ne revendique pas une mesure absolument dépourvue de toute « pollution », mais seulement de « minimiser l'interaction ». Il n'exclut donc pas la mesure de pH décrite par le document Spaulding et il est ainsi évident pour la personne du métier de la mettre en oeuvre en utilisant les caractéristiques évidentes de la revendication 1. 56. La revendication 2 est donc dépourvue d'activité inventive. c. Revendications 5, 6, 8 et 9 57. La revendication 5, dépendante, porte spécialement sur la présence d'un capteur mesurant la température de la surface-limite. 58. Les sociétés Merck allèguent sans être contredites que la mesure de la température dans un bioréacteur est banale (et elle est décrite par exemple dans le document Hodge). Elles s'appuient sur un autre document que ceux déjà cités qui divulgue selon elles la mesure de température par l'intermédiaire d'une surface-limite. Néanmoins, indépendamment de ce document, il est évident qu'une température peut utilement être mesurée par l'intermédiaire d'une surface limite lorsque l'on veut éviter l'interaction entre deux milieux : c'est le fonctionnement traditionnel des thermomètres domestiques à liquide, notoirement connu de la population générale, dont fait partie la personne du métier. 59. La revendication 6 précise que la surface-limite est constituée d'un matériau thermiquement conducteur et étanche par rapport au milieu. Il s'agit de deux conditions évidentes pour permettre respectivement la mesure de la température et l'existence même d'un milieu de culture liquide stable. 60. Les revendications 8 et 9 ajoutent que l'adaptateur de capteur est constitué d'un matériau résistant respectivement au rayonnement gamma ou à l'oxyde d'éthylène. Le brevet décrit lui-même comme habituelle la stérilisation par rayonnement gamma ou par agents chimiques très agressifs tels que l'oxyde d'éthylène (paragraphe[0002]). Les brevetées ne le contestent pas. Ces revendications sont donc, elles aussi, dépourvues d'activité inventive. 61. Enfin, si les sociétés Merck demandent la nullité de la revendication 3, elles ne soulèvent aucun moyen à son égard. La demande visant cette revendication est donc rejetée. 62. Par conséquent, les revendications 1, 2, 5, 6, 8 et 9 du brevet, dépourvues d'activité inventive, sont annulées. 63. Par suite, les demandes fondées sur la contrefaçon de ces revendications sont rejetées. II . Demandes reconventionnelles en nullité de la saisie-contrefaçon et dommages et intérêts pour procédure abusive et détournement de saisie-contrefaçon Moyens des parties 64. Les sociétés Merck estiment la saisie-contrefaçon nulle au motif, d'abord, que son déroulement a porté atteinte aux droits de la défense en ce que les actes délivrés par l'huissier comportent des erreurs sur l'identification de la personne saisie et la transcription des opérations réalisées (écrits contredits par des photographies, omission de certaines diligences telles que l'introduction dans des salles stériles et l'apposition de scellés) ; au motif, ensuite, que l'huissier a dépassé les termes de sa mission en saisissant des articles en nature et en faisant procéder à la découpe des objets appréhendés ; au motif, enfin, d'une violation du secret des affaires et d'un « dévoiement des voies de droit » du fait de l'incertitude sur le sort des pièces saisies car « aucun article communiqué ne comporte le moindre sceau d'Huissier ou la moindre mention rattachant ces pièces aux opérations de saisie-contrefaçon. » S'agissant en particulier du secret des affaires, elles critiquent l'appréhension et la remise à la saisissante de notices, instructions et manuels non nécessaires à la démonstration de la contrefaçon, réalisant ainsi selon elles une « enquête sur toute l'activité de l'entreprise » dépassant sa mission. 65. Elles demandent qu'en conséquence de la nullité il soit interdit de communiquer les pièces obtenues dans toute procédure en France ou à l'étranger. 66. Sur leur demande indemnitaire, elles soutiennent que la conservation par la société Sartorius, pendant plus de quatre ans, malgré l'annulation de la partie allemande du brevet, « des articles et pièces comptables » appréhendés, alors qu'elle savait selon elles que ces articles n'étaient pas argüés de contrefaçon, lui a permis de bénéficier indument d'informations stratégiques. Elles ajoutent que la mise en oeuvre d'une saisie-contrefaçon malgré leur secret des affaires, en présence des forces de l'ordre et d'un expert étranger, a porté atteinte à leur réputation. Elles en déduisent qu'il « conviendra donc de réparer entièrement le préjudice subi » par elles. 67. Les sociétés Sartorius et Respironics contestent les irrégularités invoquées contre la saisie-contrefaçon. En particulier, sur l'atteinte au secret des affaires, elles font valoir que les sociétés Merck n'exposent pas en quoi les pièces saisies relèveraient d'un tel secret ni qu'elles seraient inutiles à la démonstration de la contrefaçon alléguée, n'ont pas donné suite à la proposition faite par l'huissier lors de la saisie pour que leur avocat le contacte pour s'assurer avant leur éventuelle production en justice que les documents étaient bien en relation avec la contrefaçon alléguée, et n'ont pas demandé la protection de leur éventuel secret des affaires. 68. Elles ne répondent pas spécifiquement à la demande en dommages et intérêts fondée sur la violation du secret des affaires et la procédure abusive. Appréciation du tribunal 1 . Nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon 69. La procédure de saisie-contrefaçon étant dérogatoire au droit commun, l'annulation du titre sur lequel elle était fondée entraîne l'annulation du procès-verbal de saisie, ne laisse rien subsister de celui-ci et emporte, en conséquence, l'impossibilité absolue de se prévaloir du contenu du procès-verbal et des produits saisis, ainsi que l'anéantissement de toute mesure qui en est la suite (Cass. Com., 28 septembre 2022, no20-16.874, point 21). 70. Les brevetées ont limité leur action en contrefaçon aux revendications 1, 2, 5, 6, 8 et 9 du brevet. Elles ont donc entendu laisser hors de l'objet du litige les autres revendications, que les défenderesses, par suite, n'ont pas contestées. Dans ce cadre, la saisie-contrefaçon n'est elle aussi fondée que sur les revendications 1, 2, 5, 6, 8 et 9, qui sont nulles, et non sur les revendications que les parties ont volontairement laissées hors de l'objet du litige. 71. Dès lors, fondé exclusivement sur un titre nul, le procès-verbal de saisie-contrefaçon est nul et il doit en tant que de besoin être interdit aux sociétés Sartorius et Respironics de communiquer les documents et éléments obtenus, conformément à la demande. Naturellement, cette nullité implique plus généralement l'obligation pour les sociétés Sartorius et Respironics de détruire tous les éléments obtenus grâce à la saisie-contrefaçon et de s'abstenir pour toujours de s'en servir de quelque façon que ce soit. 2 . Dommages et intérêts pour abus et détournement de saisie-contrefaçon 72. En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. 73. Le droit d'agir en justice dégénère en abus lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action ou un moyen que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 74. Comme le soulignent les sociétés Sartorius et Respironics dans leurs développements sur la validité de la saisie-contrefaçon, les sociétés Merck n'exposent pas en quoi les documents qu'elles reprochent aux premières d'avoir obtenus par la saisie-contrefaçon relèvent du secret des affaires, ni en quoi leur conservation serait fautive alors qu'elles-mêmes ne contestent pas n'avoir rien tenté pour assurer la protection de ce secret. Aucune faute de la part des sociétés Sartorius et Respironics n'est donc établie à cet égard. 75. Quant au principe de la mise en oeuvre d'une saisie-contrefaçon, il était justifié par un brevet alors délivré, que les brevetées pouvaient légitimement croire valide, et il n'est pas contesté que des éléments pouvaient rendre vraisemblable à leurs yeux la mise en oeuvre de ce brevet par un ou des produits des sociétés Merck. Enfin, la présence des forces de l'ordre et d'un expert étranger lors de la mise en oeuvre de cette saisie-contrefaçon était autorisée par l'ordonnance, ce qui est usuel. Aucun abus n'est donc caractérisé. 76. Par conséquent, la demande est rejetée. III . Dispositions finales 77. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 78. Hormis sur la demande reconventionnelle pour abus, les demanderesses au principal perdent le procès. Elles sont donc tenues in solidum aux dépens ainsi qu'à indemniser les parties gagnantes des frais exposés pour le procès, qui peuvent être estimés, en l'absence de justificatif mais au regard de l'ampleur envisageable des discussions et recherches rendues nécessaires par la contestation infondée (bien au-delà des seuls éléments finalement retenus dans la motivation du présent jugement), ampleur corroborée par le montant de la demande en ce sens des parties perdantes (60 000 euros au total), à 30 000 euros chacune soit 60 000 euros au total. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Annule les revendications 1, 2, 5, 6, 8 et 9 du brevet ; Dit que la présente décision sera transmise à l'INPI par la partie la plus diligence pour son inscription au registre lorsqu'elle aura force de chose jugée ; Rejette les demande fondées sur la contrefaçon du brevet (dommages et intérêts, interdiction, expertise, publication) ; Annule le procès-verbal de saisie-contrefaçon pratiquée le 3 aout 2016 ; Interdit aux sociétés Sartorius stedim biotech et Respironics novametrix de communiquer dans toute procédure en France ou à l'étranger ledit procès-verbal et les éléments et documents obtenus lors de la saisie-contrefaçon ; Rejette la demande des sociétés Merck en dommages et intérêts pour procédure abusive et détournement de saisie-contrefaçon ; Condamne in solidum les sociétés Sartorius stedim biotech et Respironics novametrix aux dépens (avec recouvrement par Me Mateu pour ceux dont elle aurait fait l'avance sans en recevoir provision) ainsi qu'à payer aux sociétés Merck biodevelopment et Millipore 30 000 euros à chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne l'inscription de la nullité du brevet au registre. Fait et jugé à Paris le 01 Décembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130304 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130304.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 1 décembre 2023, 22/02412 | 2023-12-01 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/02412 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/02412No Portalis 352J-W-B7G-CWEHG No MINUTE : Assignation du :16 Février 2022 JUGEMENT rendu le 08 Décembre 2023 DEMANDERESSE S.A.S. LABORATOIRES CEORA[Adresse 2][Localité 3] représentée par Maître Jean-didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0240 et par Maître Philippe BRIAND de la SELARL HUBERT BENSOUSSAN ET ASSOCIES, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS DÉFENDERESSE S.A.S. SYLAMED[Adresse 1][Localité 4] représentée par Maître Laurent-haim BENOUAICH de la SCP BBO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0057 Copies délivrées le : - Maître BRIAND #P240 (exécutoire)- Maître BENOUAICH #R57 (ccc) COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier, DÉBATS A l'audience du 23 Juin 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 6 Octobre 2023 puis prorogé en dernier lieu au 8 décembre 2023 JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à dipsosition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société Ceora distribue, dans un réseau de pharmacie dénommé ‘Leadersanté', qu'elle anime, différents produits rassemblés dans une gamme appelée ‘Apothicare', dont une bande adhésive dénommée ‘Apothiplast' qui lui était fournie par la société Sylamed entre 2015 et 2020. Les relations des parties se sont dégradées et tandis que la société Sylamed reproche à la société Ceora une rupture brutale de relations commerciales établies (soumise au tribunal de commerce), celle-ci reproche à la première d'avoir commencé à vendre aux pharmacies du réseau Leadersanté un produit concurrent dans un emballage constituant la reproduction servile du sien, ce qu'elle qualifie notamment de contrefaçon de droit d'auteur et de concurrence déloyale et parasitaire. C'est la présente procédure. 2. L'emballage de la société Ceora est reproduit ci-dessous à gauche, celui de la société Sylamed, ci-dessous à droite. 3. La société Ceora a assigné la société Sylamed le 16 février 2022. L'instruction a été close le 2 février 2023. Prétentions des parties 4. Dans ses dernières conclusions (16 novembre 2022), la société Ceora demande à titre principal, au titre de la contrefaçon de droit d'auteur, 60 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice matériel et 20 000 euros pour préjudice moral outre des mesures d'interdiction, rappel, destruction et publication, subsidiairement, au titre de la concurrence déloyale, 50 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice matériel et 20 000 euros pour préjudice moral outre une mesure d'interdiction, en tout état de cause, 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. 5. Dans ses dernières conclusions (31 octobre 2022), la société Sylamed résiste aux demandes et réclame elle-même 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Moyens des parties 6. La société Ceora soutient que l'emballage du produit Sylaplast de la défenderesse, presque identique au sien selon elle, reproduit les caractéristiques originales de celui de son produit Apothiplast mais aussi plus généralement de l'ensemble de sa gamme Apothicare, en reprenant ce qui fait son identité visuelle. Elle se prévaut d'un contrat de cession de droit non signé que lui a tout de même consenti, affirme-t-elle, la société qu'elle avait chargée de la conception de cette identité visuelle, mais aussi de la présomption de titularité des droits tirée de l'exploitation de l'oeuvre sous son nom. Elle invoque par ailleurs une contrefaçon de sa marque Apothiplast du fait de la « suppression » de celle-ci sur l'emballage litigieux. Elle allègue un préjudice forfaitaire de 60 000 euros et un préjudice qu'elle qualifie de moral, tenant au détournement de l'image de ses produits contribuant à la dépréciation de sa marque Apothicare. 7. Subsidiairement, elle estime que la reprise de son emballage constitue un parasitisme et suscite un risque de confusion fautif, lui ayant causé un préjudice tenant d'une part aux économies d'investissement qu'elle évalue à 40 000 euros en se fondant sur les dépenses marketing qu'elle avait engagée pour cette gamme l'année de sa création (43 729 euros) auxquelles elle ajoute un avantage indu acquis du fait des actes déloyaux et qu'elle évalue à 10 000 euros, outre un préjudice moral tenant à la banalisation de son emballage. 8. La société Sylamed conteste que la demanderesse soit titulaire des droits d'auteur, conteste l'originalité, soutient qu'en toute hypothèse son emballage contient des éléments différents et n'est pas une reproduction servile. Elle en déduit également l'absence de concurrence déloyale. 9. Elle estime que le préjudice n'est pas démontré, souligne que les investissements allégués sont de 2015 alors que la création de la gamme en cause remonte à 2014, année où les dépenses de la demanderesse ne sont justifiées qu'à hauteur de 2 370 euros. MOTIVATION I . Demandes fondées sur le droit d'auteur 10. Conformément à l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur l'oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. 11. En application de la directive 2001/29 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, qui harmonise la notion d'oeuvre conditionnant la protection exigée par ce texte, une oeuvre implique un objet original, c'est-à-dire une création intellectuelle propre à son auteur, qui en reflète la personnalité en manifestant ses choix libres et créatifs ; et cet objet doit être identifiable avec suffisamment de précision et d'objectivité, ce qui exclut une identification reposant essentiellement sur les sensations de la personne qui reçoit l'objet (CJUE, 12 septembre 2019, Cofemel, C-683/17, points 29 à 35). 12. Par ailleurs, la propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils se sont exprimés (Cass. 1re Civ., 29 novembre 2005, no04-12-721 ; 1re Civ., 16 janvier 2013, no12-13.027). 13. Au cas présent, les caractéristiques invoquées par la demanderesse pour caractériser l'originalité de l'emballage en cause sont le choix de « quatre coloris » (non précisés, mais seuls trois sont visibles sur les images communiquées, à savoir blanc, gris et vert), une bande verticale (grise) à droite, un bandeau en haut portant la mention de la marque « Apo... » dans « un coloris spécifique » avec une alternance de caractères gras et non gras, un fond avec des liserés fins obliques gris clair, l'indication des dimensions dans une pastille ronde en blanc sur noir, la mention des « caractéristiques principales du produit regroupées en deux ou trois lignes dans la partie supérieure gauche et précédées d'un trait vertical dans la couleur dominante », les « éléments caractéristiques du conditionnement », les « segmentations de gamme opérées », outre la photographie centrale montrant le produit et plus généralement le fait que les signes de reconnaissance de tous les emballages de sa gamme Apothicare « sont suffisamment nombreux et spécifiques pour que le packaging [de ces produits] soit tenu pour une création originale. » 14. Ces caractéristiques relèvent soit de caractéristiques commerciales ou techniques insusceptibles de protection par le droit d'auteur (le conditionnement, le segment de gamme), soit de caractéristiques banales qui ne traduisent aucun choix créatif. Leur combinaison n'est que l'agencement efficace et attendu de ces caractéristiques visuelles et ne porte ainsi pas davantage l'empreinte de la personnalité de son auteur. La photographie du produit, dont l'originalité n'est pas même décrite, n'est pas davantage originale. Quant au fait que plusieurs emballages de la gamme aient une « identité visuelle », il s'agit d'un argument indifférent pour apprécier leur originalité. 15. L'objet invoqué n'est donc pas protégé par le droit d'auteur et les demandes formées à ce titre sont par conséquent rejetées. II . Demandes fondées sur la contrefaçon de marque 16. En substance, la société Ceora estime que l'emballage de la société Sylamed est si proche du sien que la seule différence serait en définitive la modification de la marque (Apothiplast remplacé par Sylaplast), ce qui s'analyserait en une suppression de la marque, prohibée par le 7o de l'article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle. 17. Toutefois, la suppression prohibée d'une marque implique que la marque figurât initialement sur le produit ou son emballage. Ici il est constant que ce sont ses propres produits que la société Sylamed a vendu, dans un emballage sur lequel la marque Apothiplast n'a jamais figuré. Ce que critique en fait la demanderesse n'est pas une suppression de marque, mais une imitation fautive de l'emballage (examinée ci-dessous au titre de la concurrence déloyale). Il ne s'agit pas d'une contrefaçon de marque. III . Concurrence déloyale 18. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l'article 1240 du code civil, consiste en des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre. L'appréciation de la faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits. 19. Constitue également une concurrence déloyale et est ainsi fautif au sens de l'article 1240 du code civil le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indument des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité (Cass. Com., 4 février 2014, no13-11.044 ; Cass. Com., 26 janvier 1999, no 96-22.457), et qu'il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l'industrie. 20. Au cas présent, il ressort de la représentation des emballages en cause (cf point 2) que celui de la société Sylamed imite tous les éléments visuellement marquants de celui de la demanderesse d'une façon si complète, jusqu'à l'indication de la dimension dans une petite pastille ronde de même couleur, qu'il est manifeste que l'acheteur de ces produits, en en voyant un sur un présentoir, peut croire acheter l'autre, ou à tout le moins que le produit de la défenderesse fait partie de la gamme de la demanderesse, ce qui caractérise un risque de confusion. 21. Cette imitation est donc fautive. Le fait qu'elle soit constitutive également d'un parasitisme économique n'est pas susceptible de causer un préjudice distinct et est donc indifférent. 22. À défaut de preuve d'un préjudice économique (étant précisé que comme le souligne la défenderesse sans être contredite, la société Ceora s'appuie sur des dépenses marketing de 2015 alors qu'elle affirme par ailleurs que la gamme d'emballage dont elle se prévaut a été créée en 2014), seul un préjudice moral a été causé par les faits litigieux, qui peut être estimé à à 10 000 euros. 23. Il est également nécessaire, pour mettre fin au préjudice, d'interdire la poursuite de la vente des produits dans l'emballage fautif, sous astreinte. IV . Dispositions finales 24. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 25. La société Sylamed perd le procès dès lors qu'elle avait contesté toute faute. En équité, l'indemnité qu'elle doit à la société Ceora au titre des frais exposés peut être limitée à 6 000 euros. 26. L'exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l'écarter au cas présent. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Rejette les demandes en contrefaçon (dommages et intérêts, rappel, destruction, interdiction, publication) ; Condamne la société Sylamed à payer 10 000 euros de dommages et intérêts à la société Ceora au titre de la concurrence déloyale ; Ordonne à la société Sylamed de cesser de vendre ou d'offrir à la vente l'emballage litigieux ou des produits dans cet emballage, sous astreinte de 150 euros par jour qui commencera à courir passés 5 jours suivant la signification du jugement puis pendant 180 jours. Condamne la société Sylamed aux dépens ainsi qu'à payer 6 000 euros à la société Ceora au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 08 Décembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130305 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130305.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 10 novembre 2023, 22/9077 | 2023-11-10 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/9077 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/09077No Portalis 352J-W-B7G-CXMQ5 No MINUTE : Assignation du :12 Juillet 2022 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 10 Novembre 2023DEMANDERESSES Association WIMBI FOUNDATION[Adresse 3][Adresse 3] Société WIMBI BOATS[Adresse 1][Adresse 1] représentée par Maître Tamara BOOTHERSTONE de la SELEURL SELARL BOOTHERSTONE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D2085 et par Maître John GASNERIE-CESARI, avocat au barreau d'AJACCIO, avocat plaidant, DEFENDERESSE S.A.R.L. 3BBB[Adresse 2][Adresse 2] représentée par Maître Clara STEINITZ de la SELARL TALIENS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0320 Copies délivrées le : - Maître BOOTHERSTONES #D2085 (exécutoire)- Maître STEINITZ #D320 (ccc) MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 07 Septembre 2023, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 20 Octobre 2023 puis prorogé en dernier lieu au 10 Novembre 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoireen premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. L'association ‘Wimbi foundation', titulaire de marques verbales françaises Wimbi et, depuis le 16 juin 2020, d'une marque de l'Union européenne Wimbi boats désignant notamment des bateaux, et la société ‘Wimbi boats', licenciée exclusive de cette dernière marque (ensemble, le groupe Wimbi), reprochent à la société 3BBB, qui importait auparavant de façon licite des bateaux sous ces marques, d'avoir continué à le faire après le 8 mars 2019, date à laquelle une société de droit hong-kongais, ‘Wimbi boats limited', qui faisait fabriquer les bateaux, a été dissoute, ce qui aurait rendu illicite toute importation de bateaux revêtus des marques. Procédures devant d'autres juridictions 2. Un bateau revêtu de la marque Wimbi ayant été saisi en douane le 19 mai 2021, l'association Wimbi foundation, la société Wimbi boats, ainsi que la dirigeante de celle-ci, une société civile ‘Wimbi', ont assigné le 19 juin 2021, devant le tribunal judiciaire de Lyon, la société 3BBB en contrefaçon des marques, d'abord les seules marques françaises puis, par demande incidente, la marque de l'Union européenne. 3. Le 27 mars 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon a ordonné la communication de plusieurs éléments par la défenderesse et un tiers, et prononcé plusieurs interdictions à l'encontre de la société 3BBB. 4. Une plainte a, par ailleurs, été portée auprès du procureur de la République de Thonons les bains. 5. Pour sa part, la société 3BBB a engagé une action en nullité de dessins ou modèles français contre la société civile Wimbi devant le tribunal judiciaire de Marseille. Procès devant le présent tribunal 6. La défenderesse ayant soulevé l'incompétence du tribunal judiciaire de Lyon pour connaitre de l'atteinte à la marque de l'Union européenne, le groupe Wimbi a assigné le 12 juillet 2022 la société 3BBB devant le présent tribunal, en contrefaçon de sa marque de l'Union européenne Wimbi boats no18170014, déposée le 20 décembre 2019, publiée le 3 mars 2020 et enregistrée le 12 juin suivant pour désigner notamment des bateaux. 7. Au terme d'un premier incident, le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer de la société 3BBB et la demande de communication forcée de documents formée par le groupe Wimbi, par ordonnance du 10 février 2023. 8. Par conclusions du 3 mai 2023, le groupe Wimbi a demandé une nouvelle communication forcée de pièces, ainsi que des mesures d'interdiction à l'encontre de la socité 3BBB. L'incident a été entendu à l'audience du 7 septembre 2023. Prétentions des parties pour l'incident 9. Dans ses dernières conclusions d'incident (4 septembre 2023) le groupe Wimbi demande : 1) la communication sous astreinte, pour les bateaux (a) immatriculé [Immatriculation 4] avec le numéro de série [Numéro identifiant 9] , (b) comportant le numéro de série WBB W1031D919,(c) immatriculé PP F94488 avec le numéro de série WBB W9138F919,(d) comportant le numéro de série WBB W1052A121, des pièces suivantes : - leur facture de vente et les documents obligatoires pour être introduit légalement sur le marché de l'Union européenne ;- leur manuel constructeur devant répondre à la norme internationale 10240 ; - le manuel de leur place de coque devant répondre à la norme internationale 10087 ; - le manuel de leur plaque constructeur devant répondre à la norme internationale 14945 ; - leur certificat de conformité CE conforme à la directive 2013/53/UE du Parlement européen relative aux bateaux de plaisance avec l'évaluation de conformité par l'organisme notifié CE indiquant son numéro d'identification ; - les fiches moteur du motoriste indiquant leur numéro de série du ou des moteurs équipants lesdits bateaux et le nom de leur constructeur. 2) l'extension des mesures d'interdiction provisoire prononcées par le tribunal judiciaire de Lyon à l'ensemble du territoire de l'Union européenne, sous astreinte, 3) outre 9 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (répartis à hauteur de 4 000 euros pour l'association et 5 000 euros pour la société). 10. Dans ses dernières conclusions d'incident (1er septembre 2023), la société 3BBB résiste à l'ensemble des demandes et réclame elle-même 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Moyens des parties 11. 1) (a) Pour justifier sa nouvelle demande de communication forcée depuis le rejet de la précédente demande, le groupe Wimbi explique avoir découvert un fait nouveau tenant à l'achat, par une société en Corse, et l'immatriculation le 31 mars 2023, d'un bateau immatriculé [Immatriculation 4] de numéro de coque [Numéro identifiant 9], dont la facture initiale d'importation dans l'Union européenne par la société 3BBB serait fausse car datée du 28 juin 2019 alors que l'exportateur, la société Hong-kongaise Wimbi boats limited, était radié du registre local des sociétés depuis le 8 mars 2019. Il conteste plus généralement la réalité d'une importation en 2019, faisant valoir que dans le carnet ATA dont se prévaut en ce sens la société 3BBB, l'immatriculation du bateau est différente (« [Immatriculation 7] »), ajoutant par ailleurs que ce bateau, sous le même numéro ([Immatriculation 4]) était auparavant en Suisse, hors de l'UE, et qu'il n'a donc été mis sur le marché dans l'Union qu'en 2022 ou 2023. 12. Il estime également que le motif de l'ordonnance du 10 février, tenant au manque de clarté du rôle de la disparition de la société Hong-kongaise, est aujourd'hui « levé » au bénéfice de ses nouvelles explications à ce sujet, à savoir que cette société était le fabricant des bateaux Wimbi (il en sous-traitait la fabrication à une société chinoise Delta bay) et que sa dissolution a ainsi immédiatement fait perdre à la société 3BBB, qui n'avait aucune licence, le droit d'importer des bateaux sous la marque. 13. Sur les documents demandés, tous obligatoires en vertu de la règlementation, il estime d'abord nécessaire d'obtenir le certificat CE de ce bateau pour connaitre son émetteur, au regard de l'enjeu de sécurité et de réputation qu'il encourt dès lors que l'apposition de la norme CE sous son nom sur le bateau le rend officiellement responsable en cas d'accident. Il estime ensuite nécessaire d'obtenir les autres documents pour « affiner les débats » et apprécier les faits dans leur ensemble. En particulier, explique-t-il, la facture de vente permet de vérifier la commercialisation effective du produit, le « manuel de la plaque de coque » mentionne nécessairement le code constructeur et sa date d'émission ce qui permettra de déterminer si le bateau est « authentique », la fiche moteur du motoriste permettra de vérifier si le nom Wimbi boats y a été frauduleusement ajouté et de connaitre la date d'installation du moteur qui est préalable à la commercialisation du bateau. Plus généralement, explique-t-elle, tous ces documents permettront de prouver l'usage de la marque et de l'identité du constructeur (qu'ils sont censés reproduire) et leur date de création. 14. (b) Il demande les mêmes pièces pour un autre bateau, découvert à [Localité 6] en avril 2023 et dépourvu d'immatriculation, importé par la société 3BBB, dont la facture originale et le certificat du fabricant associé, datés de 2019, seraient également faux pour les mêmes raisons (postérieurs à la radiation de la société Wimbi boats limited), et dont l'absence d'immatriculation fait douter, estime-t-il, de la réalité d'une importation dans l'UE avant 2023. 15. (c) et (d) Il demande enfin les mêmes pièces pour les mêmes motifs au sujet de deux autres bateaux, découverts en juin 2023 sur l'ile de Saint-Martin dans des circonstances qu'il n'explicite pas, dont l'un ne serait pas immatriculé, tous deux importés par la société 3BBB et qui auraient fait l'objet d'une facture respectivement en 2019 et 2020, postérieurement à la radiation de la société émettrice (toujours Wimbi boats limited). 16. 2) Sur la demande d'interdiction, le groupe Wimbi invoque d'une part ses craintes de découvrir d'autres bateaux contrefaisants ailleurs en Europe ou de voir le bateau se trouvant en Corse être vendu en Sardaigne, d'autre part la poursuite de faits de contrefaçon par la société 3BBB, tenant à la poursuite de la fabrication de bateaux, à de la publicité dans un magazine à l'été 2023, au maintien d'anciennes publications sur Instagram, à l'envoi par le gérant de la société 3BBB d'un courriel depuis une adresse [Courriel 10] et l'usage par un nouvel associé de la société 3BBB (depuis seulement septembre 2022) d'une carte de visite comportant le signe Wimbi boats. ** 17. Contre la communication de documents, la société 3BBB estime qu'il s'agit de pièces identiques à celles demandées dans le cadre du précédent incident, pièces que le juge de la mise en état a déjà jugées inutiles, à ceci près qu'elles portent ici sur un autre bateau, importé en juin 2019 comme le démontrerait son document d'identification établi par les Affaires maritimes de [Localité 8], c'est-à-dire avant le dépôt de la marque en cause, de sorte que les pièces à son égard seraient d'autant plus inutiles pour apprécier la contrefaçon de cette marque. Elle ajoute qu'il en va de même pour les autres bateaux auxquels les demanderesses ont fait référence en cours d'incident. 18. S'agissant des documents demandés, elle soutient qu'ils ne permettent pas d'apprécier le caractère contrefaisant de l'usage, que la plupart sont de nature technique et que les factures sont confidentielles. 19. Contre la demande d'interdiction, elle fait valoir que le bateau se trouvant en Corse ayant été importé licitement en 2019, le droit de marque est épuisé et sa revente éventuelle est indifférente. ** 20. À l'audience du 7 septembre 2023, la société 3BBB a demandé à ce que soient rejetées les dernières conclusions versées par les demanderesses dans la mesure où elles avaient été signifiées hors du calendrier fixé, ce qui a été refusé dès lors que la contradiction avait pu être apportée sur l'ensemble des prétentions et moyens de chaque partie. MOTIVATION I . Demande en communication de documents 21. L'article L. 716-4-9 du code de la propriété intellectuelle, appliquant l'article 8 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, prévoit au bénéfice du demandeur à l'action en contrefaçon un droit d'information en vertu duquel, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, la juridiction peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argüés de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argüés de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services. 22. La directive précitée, à son article 8, paragraphe 2, sous a) prévoit que les informations visées peuvent comprendre des renseignements sur les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des marchandises ou des services en question, ainsi que des destinataires et des détaillants. 23. En application de l'article 3 de la même directive, la mesure doit ainsi être limitée à ce qui est effectif, et proportionné au regard, notamment, de l'intérêt du défendeur à la protection du secret des affaires. 24. Par ailleurs, les articles 142, 138 et 139 du code de procédure civile prévoient la communication forcée des éléments de preuves détenus par les parties. 25. Au cas présent, la demande porte sur quatre bateaux dont il est constant qu'ils n'étaient pas concernés par la demande de documents déjà tranchée par l'ordonnance du 10 février 2023 ni par une décision du tribunal de Lyon. Il s'agit donc d'une demande nouvelle. 26. Ces quatre bateaux, dont deux ont une immatriculation et deux en sont dépourvus, auraient été fabriqués en 2019 (pour trois d'entre eux) ou en 2020 (pour l'un d'entre eux). Il est constant qu'ils ont tous été importés dans l'Union européenne par la société 3BBB. Comme le souligne celle-ci, leur date d'importation dans l'Union européenne (en réalité, leur date de mise sur le marché) est pertinente pour apprécier un éventuel épuisement des droits. Plus généralement, la date à laquelle la société 3BBB s'en est dépossédée est déterminante pour apprécier les faits susceptibles de lui être reprochés, en particulier à l'égard de la date d'opposabilité de la marque (qui, pour rappel, n'est pas la date de la demande d'enregistrement mais la date de la publication de celle-ci, c'est-à-dire non pas le 20 décembre 2019 mais le 3 mars 2020). 27. Or la date de ces faits est contestée. Il est donc utile pour trancher le litige de disposer de toutes preuves utiles parmi lesquelles figurent les factures de vente de ces bateaux, dont la confidentialité, à la supposer établie, n'est pas suffisante ici pour y faire obstacle. 28. Par ailleurs, le certificat de conformité associé à ces bateaux, le manuel constructeur et la fiche du fabricant du moteur, dans la mesure où ils sont censés faire une référence précise au « constructeur » du bateau ou émanent d'un tiers, sont utiles pour éclairer la situation juridique telle qu'elle était perçue par la société 3BBB à la date d'importation des bateaux litigieux. Ils sont également utiles pour corroborer les factures et leur date dans le cadre de ce litige où les parties s'accusent mutuellement de manoeuvres malhonnêtes et où force est de constater que certains éléments ont été volontairement passés sous silence ou manquent de cohérence. On peut ainsi s'étonner que dans sa contestation de la présence du bateau (a) en Suisse, la société 3BBB n'ait pas jugé utile d'expliquer pourquoi le courrier des douanes suisses à son sujet a été adressé à une personne résidant à la même adresse que M. [O], son dirigeant... Réciproquement, on peut regretter que le groupe Wimbi n'ait pas jugé pertinent d'expliquer pourquoi la société Wimbi boats limited apparait sur les factures comme ayant son siège non pas à [Localité 5] mais en Australie, ce qui est au demeurant corroboré par le code constructeur débutant par « AU ». 29. Dans ce contexte, où toute information non manifestement inutile doit être considérée comme potentiellement utile, les manuels des plaques de coque et plaques constructeur peuvent également être exigés. Il ressort de la description qu'en donnent les parties qu'il ne s'agit que de modèles pour la fabrication de la plaque constructeur ou de la plaque de coque, de sorte que leur communication doit s'entendre, en pratique, comme la communication de toute preuve de leur envoi à la personne ayant fabriqué ces éléments ou à toute personne ou administration ayant dû en être destinataire (par exemple la preuve de l'envoi d'un courriel dont il serait la pièce-jointe, avec preuve du contenu de cette pièce-jointe. Un commissaire de justice peut être utile pour apporter clairement une telle preuve). 30. Devant le refus non clairement justifié de communiquer ces documents, une astreinte est nécessaire. Il est rappelé qu'il incombe au débiteur d'une obligation d'en prouver l'exécution. II . Mesures d'interdiction 31. En application de l'article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires. 32. L'article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. » 33. Une mesure d'interdiction doit, pour être exécutable, porter sur des faits identifiés ou identifiables. Elle ne peut pas être le simple rappel de l'interdiction générale de contrefaire une marque, qui n'ajouterait rien à la loi et ne ferait que renvoyer le débat de la qualification des faits (sont-ils une contrefaçon) au stade de l'exécution, dont ce n'est évidemment pas le rôle. Il est donc nécessaire d'identifier suffisamment clairement une série de faits susceptibles de porter atteinte à la marque, série qui doit être susceptible d'être poursuivie ou réitérée. 34. Il est établi que la société 3BBB a publié à l'été 2023, dans un magazine spécialisé, une publicité pour la vente de bateaux montrant des bateaux Wimbi, ce qu'au demeurant elle ne conteste pas. Il est constant en outre que plusieurs publications sur sa page Instagram, anciennes mais toujours visibles (voire toujours mises en avant dans le cadre de ses « stories »), désignent des bateaux sous la marque. Enfin, il n'est pas contesté que le nouvel associé de la société 3BBB fait, ou a fait, usage de la marque sur sa carte de visite. Or il est tout aussi constant qu'elle n'a plus le droit de faire usage de cette marque. L'interdiction à cet égard est fondée. 35. Toutefois, ces faits, tous commis en France entrent entièrement dans le domaine de l'interdiction déjà prononcée par le juge de la mise en état de Lyon. La demande, à leur égard, n'est donc pas nouvelle. 36. Hors de France, les demanderesses font valoir des craintes de déplacement ou de vente des quatre bateaux objets de la demande de communication de pièces, dont trois se trouvent près des frontières extérieures de la France. Il s'agit toutefois de bateaux qui ont été vendus à des tiers, de sorte qu'un éventuel usage illicite de la marque à travers la revente de ces bateaux serait commis par un tiers, et non par la société 3BBB. Aucun fait illicite n'est ainsi suffisamment étayé pour fonder une interdiction allant au-delà du simple rappel de l'interdit légal général. 37. Par conséquent, la demande est rejetée. III . Dispositions finales et suite de la procédure 38. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 39. La présente décision ne mettant pas fin à l'instance, il n'y a pas lieu à décision sur les dépens. Par ailleurs l'issue du litige amène à rejeter la demande d'indemnité de procédure de chaque partie. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : Ordonne à la société 3BBB de remettre à l'association Wimbi foundation et à la société Wimbi boats, au sujet des quatre bateaux suivants : (a) immatriculé [Immatriculation 4] avec le numéro de série [Numéro identifiant 9], (b) comportant le numéro de série WBB W1031D919,(c) immatriculé PP F94488 avec le numéro de série WBB W9138F919,(d) comportant le numéro de série WBB W1052A121, les documents suivants : 1) leur facture de vente ;2) leur manuel constructeur ; 3) le manuel de leur place de coque4) le manuel de leur plaque constructeur5) leur certificat de conformité CE6) les fiches moteur du motoriste indiquant leur numéro de série du ou des moteurs équipant le bateau et le nom du constructeur ; et ce dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la présente décision puis sous astreinte de 300 euros par jour qui courra pendant 90 jours au maximum ; Se réserve (ainsi qu'au tribunal selon l'avancée de la procédure) la liquidation de l'astreinte ; Rejette les demandes d'interdiction provisoire ; Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fixe le prochain examen de la mise en état au 14 décembre 2023 avec :- confirmation de la communication des pièces par les parties- conclusions Wimbi pour fin décembre ou première quinzaine de janvier selon la date de remise des pièces (sauf meilleur accord des parties sur l'ordre pour reconclure et le délai) Faite et rendue à Paris le 10 Novembre 2023 Le Greffier Le Juge de la mise en étatQuentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY | x |
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JURITEXT000049130306 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130306.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 24 novembre 2023, 22/05592 | 2023-11-24 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/05592 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/05592No Portalis 352J-W-B7G-CWNTC No MINUTE : Assignation du :22 Mars 2022 JUGEMENT rendu le 24 Novembre 2023 DEMANDERESSE S.A.S. SUCRE SALE[Adresse 1][Localité 2] représentée par Maître Jean-marie LEGER de l'AARPI ENTHEMIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D2159 DÉFENDERESSE Commune de [Localité 3][Adresse 4][Localité 3] représentée par Maître Yvon GOUTAL de la SELARL GAA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0116 Copies délivrées le : - Maître LEGER #D2159 (ccc)- Maître GOUTAL #R116 (exécutoire)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Quentin CURABET, Greffier, DÉBATS A l'audience du 29 Septembre 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2023 JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société Sucré salé déclare exploiter une banque de photographies culinaires pour lesquelles elle délivre des licences d'utilisation à partir de son site www.photocuisine.fr, parmi lesquelles la photographie no 60186260 Oranges Givrées dont l'auteur est M. [R] [C]. 2. Ayant découvert que cette photographie figurait sans son autorisation sur le site www.drancy.fr édité par la ville de Drancy, la société Sucré salé lui a reproché la violation des droits patrimoniaux et moral d'auteurs et l'a mise en demeure de l'en indemniser, puis, devant son refus après plusieurs échanges, l'a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris par acte du 22 mars 2022. 3. Dans ses dernières conclusions signifiées le 15 novembre 2022, la société Sucré salé demande au tribunal de :- condamner la ville de [Localité 3] à lui payer les sommes de 1.498 euros et 3.500 euros en réparation de ses préjudices sur le fondement de la contrefaçon de ses droits d'auteur sur la photographie no60186260 à titre principal et sur celui de sa responsabilité civile délictuelle à titre subsidiaire, - condamner la ville de [Localité 3] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement, - condamner la ville de [Localité 3] aux dépens et à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 4. Elle soutient que:- M. [C] est l'auteur de la photographie litigieuse et lui a cédé ses droits d'auteur, ce dont il atteste lui-même ;- en toute hypothèse, elle est présumée titulaire des droits d'auteur de l'oeuvre qu'elle exploite sur son site internet ;- l'oeuvre est originale en ce qu'elle a donné lieu à une mise en scène au stade préparatoire et à un cadrage et des jeux de lumière et de couleurs au stade de la réalisation ;- plusieurs jugements et arrêts ont retenu l'originalité de photographies culinaires ;- à titre subsidiaire, la ville de [Localité 3] a commis une faute par la reproduction à titre lucratif du cliché en profitant du fruit de son investissement sans contrepartie et en faisant une économie injustifiée ;- cette utilisation l'a désorganisée par le contournement du processus commercial mis en place pour ses licences, quand bien même les parties ne sont pas en concurrence ; - il en est résulté un gain manqué du fait de l'absence de redevance normalement due, un préjudice moral résultant du trouble commercial, de la dévalorisation de sa photographie, des pertes subies du fait des moyens externes et internes qu'elle a dû déployer pour identifier l'utilisation non autorisée et de l'absence de crédit photographique et un préjudice moral ;- la ville de [Localité 3] ayant refusé l'accord amiable, elle est mal fondée à se prévaloir de la deuxième offre d'indemnisation, limitée dans le temps, qui comportait des concessions aujourd'hui injustifiées ; - la durée d'exposition affirmée par la ville de [Localité 3] n'est pas démontrée ;- en refusant toute indemnisation malgré ses efforts, la ville de [Localité 3] a fait preuve d'une résistance abusive. 5. Dans ses dernières conclusions du 6 janvier 2023, la commune de Drancy demande au tribunal, au visa des articles L. 111-1 et L. 112-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle de : - à titre principal, déclarer l'assignation irrecevable pour défaut de titularité des droits sur l'oeuvre,- subsidiairement, débouter la société Sucré salé de l'ensemble de ses demandes ;- très subsidiairement, fixer les indemnités à la somme totale de 630, 67 euros ;- condamner la société Sucré salé aux dépens et à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 6. La ville de [Localité 3] oppose que :- la société Sucré salé ne justifie pas de la titularité des droits d'auteurs en ce que l'annexe au contrat de cession énumérant les oeuvres cédées n'est pas produite et que l'attestation du photographe n'est pas manuscrite et ne justifie pas de l'identité de celui-ci ;- les caractéristiques revendiquées au titre de l'originalité relèvent en réalité du savoir-faire photographique et il n'existe pas de choix libres et créatifs reflétant l'empreinte de la personnalité de l'auteur ; - elle n'a commis aucune faute qualifiable de parasitisme, n'ayant pas titré d'avantage concurrentiel ou lucratif du fait de l'utilisation litigieuse, faite pendant une période éphémère dans un objectif éducatif ;- elle n'est pas un opérateur économique et la publication n'a eu lieu qu'entre le 15 et le 25 décembre 2018 afin d'illustrer un calendrier de l'avent écoresponsable ;- aucun préjudice moral n'est caractérisé ;- en refusant de transiger, elle ne s'est pas rendue coupable de résistance abusive ; - à titre très subsidiaire, le gain manqué doit être chiffré à 120 euros, en se référant aux montants figurant dans le courriel de la demanderesse du 10 novembre 2021, la perte subie, comprenant les frais de détection et de gestion interne, à 260,67 euros et le préjudice moral à 250 euros. 7. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023. MOTIVATION I . Sur la demande principale sur le fondement du droit d'auteur 8. Selon l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. En application de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.La protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. 9. La société Sucré salé explicite comme suit l'originalité de la photographie en cause :"au stade préparatoire, cette photographie révèle un travail de mise en scène : sur une table en bois de couleur grise, au premier plan dans une assiette de couleur noire, quatre oranges givrées ont été présentées. Les couleurs sombres de l'assiette et de la table ont été choisies pour mettre en valeur le jaune de la crème et l'orange des fruits. Deux cuillères, à l'arrière de l'assiette invitent à une dégustation immédiate. (...) Au stade de la prise de vue, le photographe a choisi un cadrage centré sur les oranges (...) Les reflets sur l'assiette et la lumière en arrière-plan suggèrent un temps propice à la dégustation." 10. La photographie vise à mettre en valeur les aliments par différents moyens techniques relevant d'un savoir-faire de photographe.Le choix de poser quatre oranges givrées dans une assiette sombre sur table en bois, à proximité de cuillères en métal est banal et ne témoigne ni d'une mise en scène ni d'un effort créatif particuliers. S'agissant du cadrage du sujet et de la captation de lumières mettant en valeur le produit, il s'agit du savoir-faire du photographe culinaire consistant dans la mise en valeur de différentes textures ne réagissant pas pareil à la luminosité ainsi qu'il ressort d'ailleurs de l'article de presse sur le développement de la photographie culinaire (pièce no3 de la société Sucré salé) et non de l'empreinte de sa personnalité, même pris en combinaison avec les choix de mise en scène précités. 11. La photographie en cause n'ouvre donc pas droit à la protection par le droit d'auteur et les demandes présentées sur ce fondement sont par conséquent rejetées, sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen tiré du défaut de titularité des droits sur l'image. II . Sur la demande subsidiaire fondée sur la faute délictuelle 12. L'article 1240 du code civil prévoit que tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et l'article 1241 ajoute que "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé par sa négligence ou par son imprudence". 13. Le parasitisme consiste dans le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire. 14. Il est établi que la ville de [Localité 3] a diffusé l'image litigieuse pour illustrer un contenu éditorial pédagogique sur des questions de nutrition ou de développement durable pendant une courte période, ce qui ne suffit pas à caractériser un usage lucratif des investissements de la société Sucré salé. 15. La société Sucré salé n'invoque, à l'appui de la caractérisation de la faute alléguée, aucun autre grief que l'économie réalisée sur le paiement d'une redevance dont le fondement (droit d'auteur) n'a pas été admis par le tribunal. 16. La faute n'est pas établie et il convient de rejeter les demandes fondées sur la responsabilité délictuelle de la ville de [Localité 3]. III . Dispositions finales 17. Le droit d'agir en justice dégénère en abus, susceptible de réparation sur le fondement de l'article 1240 du code civil précité, lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action ou un moyen que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 18. La défense de la ville de [Localité 3] étant accueillie, son refus de payer une réparation pour l'usage sans droit du cliché litigieux ne saurait être considéré comme un abus de droit et trouve sa sanction dans la condamnation prononcée et la charge des frais du procès. 19. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Sucré salé est condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la ville de [Localité 3] une somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Déboute la société Sucré salé de l'ensemble de ses demandes ; Condamne la société Sucré salé aux dépens ; Condamne la société Sucré salé à payer à la ville de [Localité 3] la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 24 Novembre 2023Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130307 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130307.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 24 novembre 2023, 21/07270 | 2023-11-24 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/07270 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/07270No Portalis 352J-W-B7F-CUQCK No MINUTE : Assignation du :28 Mai 2021 JUGEMENT rendu le 24 Novembre 2023 DEMANDERESSE S.A.S. LES TECHNIQUES ACTUELLES FRANCE[Adresse 7][Localité 3] représentée par Maître Philippe BESSIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0804 DÉFENDERESSE S.A.S. AG+[Adresse 5][Localité 4] représentée par Maître Martine LE ROUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0714 Copies délivrées le : - Maître BESSIS #E804 (exécutoire)- Maître LE ROUX #D714 (exécutoire)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 15 Septembre 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2023, puis prorogé au 24 Novembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La SAS Les techniques actuelles France (ci-après société TAF) est titulaire de deux marques françaises semi-figuratives :- la marque numéro 12 3 956 002 déposée le 24 octobre 2012 à l'INPI dans les classes 28 (notamment articles de sports), 35 (notamment publicité) et 41 (notamment formation, activités sportives),- la marque numéro 09 3 627 123 déposée le 4 février 2009 à l'INPI dans les classes 5 (notamment compléments nutritionnels à usage médical), 25 (notamment vêtements de sport) et 30 (notamment produits diététiques à usage non médical) et renouvelée le 14 décembre 2018. 2. Par acte du 15 juillet 2020, la société TAF a cédé à la SAS AG+ "les éléments d'actifs énumérés et décrits ci-dessous constituant une des branches d'activités du fonds de commerce de commerce en gros qu'il exploite (...) sous l'enseigne Disportex". 3. Par courriel du 11 janvier 2021, M. [U], directeur général de la société TAF, a écrit à la société AG+ de retirer de son site le logo et la marque Athlonia, non cédés. La société AG+ s'en est aussitôt étonnée, indiquant que la cession incluait toutes les activités sportives et les marques afférentes, une clause de non concurrence directe ou indirecte dans les activités de fitness et un stock comportant des machines et accessoires Athlonia et des stickers Athlonia. 4. La société TAF a fait constater par huissier de justice, le 10 avril 2021, que le site <www.disportex.fr> faisait mention de la marque Athlonia. Autorisée par ordonnance du 26 avril 2021, elle a fait réaliser des opérations de saisie-contrefaçon le 11 mai 2021 au siège de la société AG+, ainsi que de nouveaux constats. 5. Le 28 mai 2021, la société TAF a assigné la société AG+ devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de ses marques françaises Athlonia et concurrence déloyale. 6. Dans ses dernières conclusions du 2 novembre 2022, la société TAF demande au tribunal de - interdire à la société AG+ d'utiliser et/ou de reproduire les marques sous astreinte ; - ordonner la saisie et la destruction de tous produits, documents, ou supports contrefaisants ; - condamner la société AG+ à lui payer la somme de 135.771,52 euros en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de marque et 10.000 euros au titre des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire ;- débouter la société AG+ de ses demandes reconventionnelles ;- ordonner la publication du jugement à intervenir ; - condamner la société AG+ aux dépens et à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.7. Dans ses dernières conclusions du 27 octobre 2022, la société AG+ demande au tribunal de - déclarer la société TAF irrecevable à agir en concurrence déloyale à son encontre ;- débouter la société TAF de ses demandes ; Reconventionnellement,- dans l'hypothèse où le tribunal jugerait que la marque Athlonia n'était pas incluse dans la cession, condamner la société TAF à lui payer à titre de dommages et intérêts une somme équivalente à la condamnation prononcée au titre de la contrefaçon augmentée de 30.000 euros ;- ordonner le transfert des deux marques Athlonia, sous astreinte ;- condamner la société TAF à lui payer la somme de 138.724 euros en réparation de son préjudice matériel et celle de 10.000 euros au titre de son préjudice moral ; - interdire à la société TAF de faire usage, exploiter et/ou communiquer, directement ou indirectement, au public, sur tous supports et par tous moyens, les marques Disportex, Walter, SDI, Kashirai et Athlonia, sous astreinte ;- ordonner la publication de la décision ; - condamner la société TAF à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices résultant de transfert des numéros de téléphone historiques, du retard dans la transmission des noms de domaine et sites internet, moral et pour le temps perdu ainsi que celle de 572 euros réglée par erreur ;- réduire le prix de la cession partielle d'actifs d'un montant de 1.475 euros - condamner la société TAF aux dépens et à lui payer la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sous le bénéfice de l'exécution provisoire. 8. L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 novembre 2022. MOTIVATION I . Sur les demandes principales 1 . Sur la contrefaçon des marques Athlonia 9. La société TAF soutient que :- la société AG+ propose à la vente sur son site internet www.disportex.fr, divers articles de sport portant les marques Athlonia, elle a vendu 122 articles marqués Athlonia, elle a commandé 1272 nouveaux produits facturés le 17 mars 2021 et elle fait aussi apparaître ces signes sur des tapis de sol, des plaques et des stickers, commettant autant de faits de contrefaçon de ses marques ; - la société AG+, assistée de son conseil lors des négociations, ne pouvait ignorer que la cession partielle ne comprenait pas la cession des marques Athlonia en l'absence de mention écrite à ce sujet et alors que cette cession avait été antérieurement envisagée et que le prix a été négocié à la baisse ;- elle-même a subi un préjudice au titre du gain manqué sur les ventes des produits en stock lors des opérations de saisie contrefaçon correspondant à sa marge habituelle, un préjudice moral au regard des ses investissements concernant ces marques et au titre des bénéfices indus du contrefacteur depuis le 15 septembre 2020. 10. La société AG+ oppose que :- la marque litigieuse lui a été cédée, au même titre que tous les actifs de la branche d'activité de vente en gros de matériel de sport ;- l'intention des parties à cet égard est démontrée par l'existence d'une clause de non concurrence pour "toute activité similaire ou identique", la présence dans les stocks de 581 produits marqués Athlonia sans prévoir de licence de la marque litigieuse, de la participation de M. [U] à l'élaboration de la première brochure promotionnelle en septembre 2020 de la société TAF incluant la marque Athlonia, de l'absence de précision au graphiste des logos des marques à ne pas transmettre cette marque et la remise de stickers et d'une dalle de sol marquée Athlonia ;- le papier à en-tête de la société TAF comporte les quatre marques Disportex, Walter Kashikai et SDI mais non Athlonia de sorte qu'elle a été induite en erreur sur l'existence d'un dépôt de marque pour Athlonia ;- le contrat de cession ne précise pas de façon détaillée tous les actifs cédés, évalués globalement, et la liste des marques n'est pas limitative ;- la société TAF soutient des positions contradictoires et irréalistes quant à la valorisation de la marque Athlonia à 160.000 euros quand il n'existe aucune valorisation au bilan et que la cession des quatre autres marques est incluse dans le prix de cession de 40.000 euros ;- à titre subsidiaire, les actes de contrefaçon ne sont pas prouvés : les constats ont été effectués sur des sites internet dont la société TAF avait la maîtrise jusqu'au 8 juin 2021, les stocks et catalogues saisis sont ceux cédés par la demanderesse elle-même et les nouveaux stocks n'ont pas été commercialisés puis ont été "délogotés" dans l'attente de la décision du tribunal, ce qui a été constaté par l'huissier le 9 septembre 2021 ;- aucun préjudice n'a été causé à la société TAF, qui a cessé l'activité de vente de matériel de sport, corollaire de son engagement de non-concurrence, dès lors que les produits litigieux ont immédiatement été immobilisés et que les investissements prétendus à l'appui du préjudice moral sont justifiés par des factures concernant la marque Disportex, qui lui a été cédée, et non les marques Athlonia. Sur ce, a) Sur la cession des marques Athlonia 11. L'article L.714-1 du code de propriété intellectuelle dispose notamment : "Les droits attachés à une marque sont transmissibles en totalité ou en partie, indépendamment de la personne qui les exploite ou les fait exploiter. La cession de ces droits, même partielle, ne peut comporter de limitation territoriale.La transmission totale de l'entreprise, y compris en application d'une obligation contractuelle, emporte la transmission des droits attachés à la marque, sauf s'il existe une convention contraire ou si cela ressort clairement des circonstances de ce transfert.(...) La cession et la constitution de droits réels, dont le nantissement, sur les droits attachés à la marque sont constatés par écrit, à peine de nullité.Les dispositions du présent article s'appliquent aux demandes d'enregistrement de marques." 12. Les parties ont été mises en rapport en août 2018 par la société Midway entreprises, mandatée par M. [U], dirigeant de la société TAF sur le point de prendre sa retraite, pour négocier la cession soit de la société, soit seulement de ses actifs, l'entreprise étant présentée sous la désignation "Disportex/SDI/Walter/Kashikai/Athlonia" et son activité décrite comme "matériel de sport dont combat (boxe) en BtoB".Athlonia est encore citée en tant que marque appartenant à la société TAF dans le courriel adressé à la société AG+ le 25 novembre 2019 en cours de négociations. 13. L'acte de cession du 15 juillet 2020 porte non pas sur la cession de l'ensemble du fonds de commerce de commerce en gros, mais sur une des branches d'activité et énumère comme suit les éléments d'actif cédés : "- les fichiers de la clientèle, - les fichiers des fournisseurs, - les marques commerciales suivantes : SDI, et Disportex, Kashikai, Walter,- le site internet marchand y compris les noms de domaine y attachés ainsi que les catalogues, - la ligne téléphonique [XXXXXXXX01] ainsi que le numéro de télécopie [XXXXXXXX02] et mail: [Courriel 6] et toutes adresses mail liées aux marques commerciales cédées".Venaient en sus le matériel, l'outillage et le mobilier ainsi que les marchandises en stock. 14. Le retrait des marques Athlonia du périmètre de la cession entre le 25 novembre 2019 et le 15 juillet 2020 n'a donné lieu à aucun échange formel et ne résulte pas de la valorisation des actifs incorporels ou des quelques courriels échangés. 15. Il ne s'explique pas par la réduction du prix de vente, à plus forte raison de 160.000 euros, les actifs incorporels incluant quatre autres marques - parmi lesquelles les marques principales Disportex et SDI - étant valorisés à 35.000 euros.Au contraire, le stock cédé comportait des fournitures de fitness marquées Athlonia et la brochure publicitaire de la rentrée 2020, constituée de concert avec la société TAF, incluait des produits portant cette marque. De plus, une clause de non concurrence interdisait au vendeur de poursuivre, directement ou indirectement, une activité similaire à la branche cédée durant 3 ans et les marques Athlonia sont déposées pour des produits et services orientés vers les activités de sport en salle. 16. Néanmoins, les marques Athlonia ne sont pas mentionnées dans l'acte alors que les marques cédées sont citées et, bien que la ponctuation ci-dessus reproduite (point 13), ne soit pas très conventionnelle, elle ne laisse aucunement supposer que la liste des marques cédées n'est pas limitative.Cette omission de la marque Athlonia constitue donc une stipulation écartant cette marque de la cession au sens de l'article L.714-1 précité, de sorte que la société TAF en est bien restée propriétaire. b) Sur la contrefaçon 17. L'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment que : "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée". Cet usage constitue, d'après l'article L.716-4 du même code, un acte de contrefaçon. 18. Un procès-verbal de constat d'huissier du 10 avril 2021 montre que 116 références de produits marqués Athlonia étaient offertes à la vente en ligne sur le site www.disportex.fr qui a été cédé à la société AG+ par le contrat du 15 juillet 2020. Les opérations de saisie-contrefaçon du 11 mai 2021 ont confirmé que les marques Athlonia étaient encore reproduites à l'identique sur ce site.Des captures d'écran réalisées en mai 2021 le confirment encore. 19. Quoique la société TAF le conteste, il ressort d'un échange de courriels et SMS entre les parties et le prestataire extérieur ayant réalisé les opérations de transfert (la société Siteinternetpourtous) du 1er septembre 2020 au 8 juin 2021 que :- la société TAF n'a communiqué que le 15 janvier 2021, après plusieurs demandes, les codes de transfert du nom de domaine <disportex.fr> administré par la société Ionos, - cette démarche n'a pas suffi, la société TAF ayant souhaité conserver certains noms de domaine non cédés et n'ayant effectué la procédure demandée par l'administrateur qu'en mai 2021, - le transfert du site cédé en juillet 2020 n'a été effectif que le 8 juin 2021.Ces éléments démontrent que le prestataire Siteinternetpourtous n'a obtenu les codes de M. [U] que le 5 mai 2021 et a réalisé le transfert le 8 juin 2021. 20. Le transfert du site à la société AG+ n'a donc eu réellement lieu qu'à partir du 8 juin 2021 de sorte que les mentions de la marque observées par ces constats d'avril et mai 2021 ne peuvent lui être imputées. 21. La société TAF invoque également un procès-verbal de constat d'huissier du 28 février 2022 relevant à cette date 45 occurrences du mot Athlonia sur ce même site marchand.Le tribunal observe cependant que toutes ces occurrences sont extraites d'un catalogue intitulé Disportex no144, antérieur à la cession (sa dernière page indique qu'il est celui de 2016 et la facture produite qu'il est celui de 2018). Eu égard à ces dates et à la cession expresse par l'acte 15 juillet 2020 de la marque Disportex, du site marchand www.disportex.fr et des catalogues attachés, la présence sur le site de ce catalogue tel quel, n'est pas illicite. 22. Le récapitulatif des ventes de produits communiqué spontanément par la société AG+ dans le cadre de la saisie-contrefaçon fait apparaître 122 articles vendus entre le 15 septembre 2020 et mai 2021. Les "codes articles" qui y figurent sont ceux des produits listés à l'inventaire joint à l'acte de cession et la société TAF n'indique pas quels produits n'étaient pas présents dans l'inventaire.Ces ventes ne démontrent donc pas des actes de contrefaçon. 23. A l'occasion des opérations de saisie-contrefaçon, l'huissier de justice a notamment relevé la présence, dans les locaux de la société AG+ d'un tapis de sol, d'une plaque et de 300 stickers présentant la marque litigieuse. 24. La présence de ces signes sur le tapis, la plaque et les stickers visés ci-dessus témoignent d'un usage de la marque Athlonia dans la vie des affaires pour l'activité de vente de produits et de services visés à l'enregistrement. 25. Il a également saisi une commande du 20 août 2020 facturée le 17 mars 2021 d'achat de 1272 nouveaux produits marqués Athlonia par la société AG+ en provenance d'un fournisseur chinois figurant sur la liste des fournisseurs, incluse et valorisée dans la cession. En l'absence d'autorisation d'utilisation de la marque litigieuse, limitée à l'écoulement des stocks disponibles, cette importation de produits marqués constitue un acte de contrefaçon. c) Sur la réparation 26. En vertu de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.À titre d'alternative, et sur demande de la partie lésée, la juridiction peut allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire, supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière de la directive 2004/48 sur le respect des droits de propriété intellectuelle, qui prévoit à son article 13 que les dommages et intérêts doivent être adaptés au préjudice que le titulaire du droit a réellement subi du fait de l'atteinte. 27. Il est démontré que les seuls produits marqués Athlonia commandés au fournisseur chinois n'ont pas été commercialisés et que la marque a été effacée, de sorte que la société AG+ n'a réalisé aucun bénéfice indu grâce à l'utilisation de la marque.La société TAF de son côté (quand bien même la licéité de la clause de non-concurrence qu'elle a accordée serait sujette à caution en ce qu'elle n'est pas géographiquement limitée) ne pouvait commercialiser des articles de sport, son objet social tel qu'il ressort de l'extrait Kbis du 25 avril 2020 qu'elle verse au dossier étant limité à "toutes activités de curage et hydrocurage, plomberie, dépannage plomberie et assainissement" ; elle ne saurait donc alléguer un gain manqué. 28. S'agissant du préjudice moral, la société TAF invoque des investissements de plus de 20.000 euros par an concernant ces marques, justifiés par ses pièces no17, et la persistance des actes de contrefaçon après son courriel du 27 janvier 2021 mentionnant l'absence de cession de la marque Athlonia et la mise en demeure dans le même sens du 17 mai 2021. 29. Aucun investissement n'est démontré : les pièces versées étant des factures d'édition ne mentionnant que la marque Disportex.La réputation de la marque de la société TAF n'a pu être entachée par l'usage contrefaisant de la marque litigieuse par la société AG+, puisque les produits n'ont pas été commercialisés (en toute hypothèse, ils étaient les mêmes que ceux antérieurement vendus par la société TAF puisque émanant du même fournisseur).Cependant, la reproduction illicite, poursuivie après avoir été signalée par M. [U], est à l'origine d'un préjudice moral. 30. Eu égard au caractère ponctuel des faits et à leur cessation dès septembre 2021, ce préjudice sera fixé à la somme de 500 euros. 31. Il y a lieu de fait droit à la demande d'interdiction d'utiliser de quelque façon que ce soit et/ou de reproduire partiellement ou entièrement les marques Athlonia. Les circonstances de l'espèce ne justifient pas d'assortir cette condamnation d'une astreinte, ni d'ordonner la saisie et la destruction de produits contrefaisants dont l'existence n'est ni établie ni vraisemblable, ni enfin la publication de la décision, demandes qui sont donc rejetées. 2. Sur la concurrence déloyale 32. La société TAF soutient que :- le maintien de son nom dans les mentions légale du site <disportex.fr>, au moins jusqu'au 25 mai 2021, et la mention de nombreux produits Athlonia sur ce même site entretiennent un risque de confusion entre les parties, faits constituant des actes distincts de concurrence déloyale ;- elle n'est pas à l'origine du transfert tardif des sites internet et du nom de domaine.- la clause de non-concurrence de l'article 10 du contrat de cession partielle d'actifs est nulle, car non limitée géographiquement et disproportionnée, et donc être réputée non écrite (Com., 23 septembre 2014, pourvoi no13-20.454) ;- M. [U] a toujours facilité l'exécution de l'accord de cession. 33. La société AG+ oppose que :- la société TAF n'a pas d'intérêt à agir sur le fondement de la concurrence déloyale puisque les deux entreprises ne sont pas en situation de concurrence, leurs activités étant différentes et le contrat de cession prévoyant une clause de non-concurrence à la charge de la société TAF ;- aucun risque de confusion n'existe ;- cette clause est valide, et limitée géographiquement ;- les faits allégués à l'appui de la contrefaçon sont indissociables de ceux invoqués à l'appui des actes de concurrence déloyale ;- elle n'est entrée en possession des sites et noms de domaine de la société TAF que le 8 juin 2021, du fait des retards de M. [U], de sorte qu'elle n'était pas en mesure de modifier la mention querellée à la date du constat du 10 avril 2021;- aucun préjudice n'est démontré. Sur ce, 34. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l'article 1240 du code civil, consiste en des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre.Elle suppose la caractérisation d'une faute en lien de causalité avec un préjudice. 35. La présence de 45 occurrences du mot Athlonia sur le site <disportex.fr>, relevée par le procès-verbal de constat d'huissier du 28 février 2022, sans aucune référence à la société TAF ne constitue en aucune manière un agissement distinct des faits reprochés au titre de la contrefaçon de marque rappelés au point 21 supra. Elle ne saurait donc caractériser à elle seule une faute au titre de la concurrence déloyale. 36. Le maintien du nom de la société TAF dans les mentions légales du site <disportex.fr> est établi par un procès-verbal de constat d'huissier du 10 avril 2021 et des captures d'écran des 17 et 25 mai 2021.Comme le démontre la société AG+, à ces dates, le nom de domaine, et donc l'accès au site, ne lui avait pas été transféré par la société TAF, de sorte qu'elle n'était pas en mesure de modifier ces mentions et que ce maintien ne lui est aucunement imputable.L'absence de faute justifie d'écarter la demande. 37. Aucun acte de concurrence déloyale n'est donc démontré et les demandes de dommages et intérêts à ce titre sont rejetées. II . Sur les demandes reconventionnelles 1 . Sur l'exécution forcée du transfert des marques et du nom de domaine Atlonia 38. La société AG+ soutient que:- les circonstances de la cession démontrant que la société TAF lui a cédé les marques litigieuses, elle doit donc être forcée à les lui transférer, ainsi que le nom de domaine correspondant, sous astreinte ;- l'inexécution de cette obligation de transfert lui a causé un préjudice matériel en ce qu'elle a dû suspendre en urgence toutes les commandes qu'elle envisageait et stocker et délogotés les produits Athlonia, remanier son site et a perdu les ventes correspondantes outre les frais de défense, soit 138.7224 euros, et un préjudice moral, du fait de l'impossibilité d'exploiter la marque et son image ; - à titre subsidiaire, la société TAF a manqué à son obligation contractuelle d'information en dissimulant l'exclusion de la marque litigieuse à la cession, cette information ayant une importance déterminante et un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat. 39. La société TAF oppose que :- les marques Athlonia ne sont jamais entrées dans le périmètre de la cession ;- le contrat de cession n'est pas un pacte obscur ou ambigu ;- le prétendu préjudice de la société AG+ n'est aucunement établi et, en toute hypothèse, il serait dépourvu de lien de causalité avec la faute alléguée. Sur ce, 40. Selon l'article 1602 du code civil que " Le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur". L'article 1104 du code civil pose l'obligation d'une négociation de bonne foi du contrat, y compris dans la période de négociation. 41. L'acte est rédigé de façon concise et explicite et ne saurait être qualifié d'obscur ou ambigü. 42. La négociation entre les parties, assistées chacune d'un conseil, n'a pas donné lieu à des échanges écrits hors ceux décrits aux points 12 à 14 supra. Aucun élément de preuve ne permet de déterminer les raisons pour lesquelles les marques Athlonia ont été retirées du périmètre de la cession entre novembre 2019 et juillet 2020 : il n'est pas plus établi qu'il résulterait des négociations, d'une erreur ou d'une manoeuvre subreptice.Le ton des échanges entre les parties en janvier 2021 et les termes des réponses de M. [U] dans ses courriel du 27 janvier et lettre du 10 février 2021 permettent seulement de penser que le sujet n'avait pas été discuté. De même, la société Midway n'en a pas été informée. 43. Il ne ressort d'aucune circonstance ou pièce que la cession ou la licence de la marque Athlonia aurait été un élément déterminant de son consentement pour la société AG+ et que la société TAF en avait conscience.La mauvaise foi de la société TAF dans les négociations n'est donc pas démontrée. 44. Il convient de rejeter les demandes d'exécution forcée du transfert de la marque et du nom de domaine Athlonia de la société AG+ et ses demandes d'indemnisation en réparation du dommage résultant du défaut de transfert antérieur. 2 . Sur l'inexécution des autres obligations 45. La société AG+ fait valoir que la société TAF a manqué aux obligations suivantes du contrat de cession d'actif : le transfert des numéros de téléphone, le transfert des noms de domaine et de l'accès à la plateforme d'administration des sites, la deuxième formation prévue et le règlement d'une facture 200955 du 19 octobre 2020. 46. La société TAF réplique que:- ces griefs n'ont jamais fait donné lieu à une quelconque réclamation antérieurement à l'assignation du 28 mai 2021 ; - en vertu de l'article 11 du contrat, il appartenait à la société AG+ d'accomplir les diligences nécessaires pour ne pas perdre l'usage des lignes téléphoniques cédées et réaliser le transfert du site ; - une formation a été délivrée conformément au contrat et aucune autre n'a été demandée ;- la facture de 4.572 euros n'est pas due. Sur ce, 47. L'article 1103 du code civil dispose que les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L'article 1217 du code civil énonce que : "La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;- obtenir une réduction du prix ;- provoquer la résolution du contrat ;- demander réparation des conséquences de l'inexécution.Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter." 48. L'article 1353 du même code dispose : "Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation". 49. L'acte de cession prévoyait le transfert des lignes de téléphone et de télécopie. Or, par courriel du 24 septembre 2020, M. [U] a indiqué à la société AG+ avoir résilié les lignes au 15 septembre 2020 de sorte que ce transfert n'a pu avoir lieu, de façon irréversible.Ainsi qu'il a été vu au point 25 supra, la société TAF a retardé le transfert des noms de domaine cédés de plusieurs mois par inertie et sa volonté d'en conserver certains, tandis qu'aucun défaut de diligence de la société AG+ n'est caractérisé. 50. Si l'article 11 du contrat de cession mettait à la charge de l'acquéreur les formalités consécutives à la cession, qui s'entendent à l'évidence de l'enregistrement de l'acte, celles-ci ne sauraient inclure des diligences que seul le cédant était en mesure de faire, comme l'exécution des procédures de transfert des contrats téléphoniques et liés aux noms de domaine et sites internet. 51. La perte du bénéfice des lignes téléphoniques figurant sur les catalogues et connues des clients ainsi que le retard à la mise en possession des noms de domaine et sites internet est donc entièrement imputable à la société TAF et a freiné l'activité commerciale du cessionnaire.Le préjudice en résultant est fixé à la somme de 4.000 euros. 52. Il n'est pas discuté qu'une seule formation sur les dux prévues a été réalisée par la société TAF. Néanmoins la société AG+ ne l'a pas réclamée et ne justifie aucunement la demande de réduction de prix de 1475 euros qu'elle demande, de sorte qu'il y a lieu de rejeter sa demande de réduction de prix, insuffisamment fondée. 53. La société AG+ justifie avoir livré, le 6 octobre 2020, à la société Casal sport Rézé un équipement Disportex d'une valeur de 4.572 euros en exécution d'un devis de la société TAF du 3 mars 2020 et d'une commande du 5 octobre 2020 de la société Casal sport Rézé à "Disportex" à l'adresse du siège de la société TAF. Elle a refacturé cet équipement à la société TAF le 19 octobre 2020 et cette facture noFA200955 n'a pas été payée. 54. En revanche, elle ne justifie pas d'un accord avec la société TAF sur ce point, l'acte de cession n'évoquant aucune commande en cours, pas plus qu'un règlement de la société Casal sport Rézé à la société TAF.Il y a donc lieu de rejeter la demande en paiement. 3 . Sur la contrefaçon des marques cédées 55. La société AG+ soutient que la société TAF a continué à faire usage des marques qu'elle a cédées, notamment sur son papier d'entête et son email officiel. 56. La société TAF s'en défend, soulignant le préjudice purement symbolique allégué. Sur ce, 57. Dans un courrier du 10 février 2021 à la société AG+, la société TAF a utilisé un papier à en-tête figurant les marques cédées à la société AG+ : SDI, Disportex, Kashikai et Walter et son adresse courriel est restée plusieurs mois sdi.taf. Ces seuls éléments ne suffisent pas à caractériser un usage de ces signes pour des produits ou services au sens de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle précité. 58. Il y a lieu de rejeter la demande. 4 . Sur la procédure abusive 59. La société AG+ sollicite la condamnation de la société TAF pour procédure abusive, celle-ci ayant été intentée "dans l'espoir d'obtenir des subsides indues, de contourner une clause de non-concurrence pourtant limpide et conforme aux désirs de retraite de son dirigeant voire de poursuivre une activité de commerce de matériels de sport". Sur ce, 60. Le droit d'agir en justice dégénère en abus lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action ou un moyen que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 61. Les faits de la cause ont démontré de la part de la société TAF un désintérêt certain pour l'exécution de ses obligations à l'égard du cessionnaire de sa branche d'activité, contrastant fâcheusement avec son empressement à demander des dommages et intérêts considérables pour des faits de contrefaçon limités, que les circonstances de l'espèce rendaient très excusables et qui n'ont pu lui causer réellement qu'un préjudice très symbolique.De plus, elle n'a pas hésité à fonder l'essentiel de ses demandes en contrefaçon sur des constatations faites sur un site dont elle n'avait pas assuré le transfert auquel elle s'était engagée et y a ajouté une action en concurrence déloyale très peu étayée, témoignant ainsi d'une légèreté inexcusable. 62. Dès lors, et quand bien même l'action de la société TAF en contrefaçon de marques a été très partiellement accueillie, la procédure peut être qualifiée d'abusive et justifie de condamner la société TAF à payer à la société AG+ la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts. III . Sur les autres demandes 63. De ce fait et vu qu'elle succombe partiellement, il y a lieu de mettre à la charge de la société TAF les dépens de l'instance, de rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à la société AG+, en l'absence de justificatif des frais exposés, la somme de 5.000 euros au même titre. PAR CES MOTIFS Condamne la société AG+ à verser à la société les Techniques actuelles France la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral résultant de la contrefaçon des marques françaises Athlonia numéros 3956002 et 3627123; Interdit à la société AG+ d'utiliser et/ou de reproduire partiellement ou entièrement les marques Athlonia ; Rejette les demandes d'astreinte, de saisie et la destruction de produits contrefaisants et de publication de la décision formées par la société les Techniques actuelles France ; Rejette les demandes de la société les Techniques actuelles France au titre de la concurrence déloyale ; Condamne la société les Techniques actuelles France à payer à la société AG+ la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par les inexécutions contractuelles et celle de 1.000 euros pour procédure abusive ; Rejette le surplus des demandes de la société AG+ ; Condamne la société les Techniques actuelles France aux dépens de l'instance ; Condamne la société les Techniques actuelles France à payer à la société AG+ la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 24 Novembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130308 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130308.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 1 décembre 2023, 23/11158 | 2023-12-01 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 23/11158 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 23/11158No Portalis 352J-W-B7H-C2WS2 No MINUTE : Assignation du :04 Septembre 2023 JUGEMENTrendu le 01 Décembre 2023 DEMANDEURS Monsieur [P] [R][Adresse 1][Localité 3] S.A.S. MARKETING BEAUTE ASSOCIES[Adresse 2][Localité 3] représentés par Maître Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0049 DÉFENDERESSE S.A.S. PUIG FRANCE[Adresse 4][Localité 5] représentée par Maître Vincent FAUCHOUX de la SELARL DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0221 Copies délivrées le :- Maître ABELLO #J49 - Maître FAUCHOUX #P221COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 29 Septembre 2023 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2023 puis prorogé en ernier lieu le 01 Décembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoireen premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. M. [P] [R] est titulaire de la marque verbale française Divine no 1262106 enregistrée en classe 3 pour des produits de parfumerie et dont le dépôt initial remonte à 1929. La société Marketing beauté associés exploite le nom commercial et l'enseigne Divine pour le commerce de détail d'articles de parfumerie et produits de beauté et elle est licenciée exclusive, notamment de cette marque Divine. 2. La société Puig France est titulaire de nombreuses marques incluant le nom "[Z]" parmi lesquelles :- la marque verbale française [Z] divine no 4836885 déposée le 24 janvier 2022 et enregistrée le 26 juin 2022,- la marque verbale de l'Union européenne [Z] divine no018644036 déposée le 25 janvier 2022 et enregistrée le 6 juin 2022,- la marque internationale [Z] divine no 1686536 déposée le 21 juillet 2022 pour 39 autres pays, - la marque verbale française [Z] no 1307978 déposée le 3 mai 1985, - la marque figurative française no 1703307 déposée le 4 novembre 1991.toutes déposées notamment en classe 3 pour des parfums et produits cosmétiques. 3. Le groupe Puig a lancé un nouveau parfum nommé "[Z] divine" sur le site internet www.[06].com en août 2023. 4. Après y avoir été autorisés, par acte du 4 septembre 2023, M. [P] [R] et la société Marketing beauté associés ont assigné la société Puig France à jour fixe à l'audience du 28 septembre 2023. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 28 septembre 2023, ils demandent au tribunal de :- écarter des débats les pièces 9 et 10 de la société Puig France, couvertes par le secret professionnel,- débouter la société Puig France de l'ensemble de ses demandes,- interdire à la société Puig France de faire usage dans la vie des affaires du signe "Divine" seul ou en combinaison avec d'autres éléments verbaux ou figuratifs tels que les termes "[Z]" et "[F] [Z]" en lien avec des produits identiques et/ou similaires aux produits de parfumerie couverts par la marque française verbale Divine no 1262106, notamment de fournir ou d'offrir des produits sous ce signe, d'en faire usage comme partie d'un nom commercial, de l'utiliser dans les papiers d'affaires, sur tous supports de communication, promotionnels ou publicitaires, physiques et sur internet et sur l'ensemble des réseaux sociaux,- enjoindre à la société Puig France, sous astreinte, de faire cesser tout usage du signe par des tiers notamment toute enseigne de parfumerie en France telle que Sephora, Marionnaud et Nocibé,- ordonner le rappel des circuits commerciaux des produits désignés sous ce signe et ordonner leur destruction sous astreinte,- se réserver la liquidation des astreintes,- ordonner la production par la société Puig France du résultat brut d'exploitation et du chiffre d'affaires générés directement ou indirectement par la promotion et la vente des produits de parfumerie, des produits cosmétiques, foulards et tout produit similaire sous les signes contrefaisants Divine et [Z] divine, sous astreinte,- condamner la société Puig France à leur payer à chacun une provision de 250.000 euros à valoir sur la réparation de leur préjudice commercial et une provision de 100.000 euros à valoir sur la réparation de leur préjudice moral résultant de la contrefaçon de la marque Divine,- ordonner diverses mesures de publication, sous astreinte,- prononcer la nullité partielle de la marque française [Z] divine no 4836885 de la société Puig France pour des produits de parfumerie,- condamner la société Puig France à payer à la société Marketing beauté associés la somme de 90.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de l'atteinte à son nom commercial, son enseigne et son nom de domaine <divine.fr>, - condamner la société Puig France aux dépens et à payer à M. [R] et à la société Marketing beauté associés la somme de 80.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- ne pas écarter l'exécution provisoire de droit, sauf pour les mesures de publication et d'inscription au Registre national des marques. 5. Par conclusions signifiées le 28 septembre 2023, la société Puig France demande au tribunal de débouter M. [P] [R] et la société Marketing beauté associés de toutes leurs demandes et de les condamner solidairement aux dépens et à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, subsidiairement, d'écarter l'exécution provisoire. MOTIVATION I . Sur le retrait des pièces no 9 et 10 de la société Puig France 6. Les demandeurs sollicitent ce retrait en ce que ces pièces sont couvertes par le secret des échanges entre avocats et conseils en propriété industrielle. 7. La société Puig France ne conclut pas sur ce point. Sur ce, 8. L'article L. 422-11 du code de la propriété intellectuelle prévoit que : "En toute matière et pour tous les services mentionnés à l'article L. 422-1, le conseil en propriété industrielle observe le secret professionnel. Ce secret s'étend aux consultations adressées ou destinées à son client, aux correspondances professionnelles échangées avec son client, un confrère ou un avocat, à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", aux notes d'entretien et, plus généralement, à toutes les pièces du dossier". 9. Les pièces no9 et 10 sont un courrier qui n'est pas estampillé "officiel" de la société Ipsilon au cabinet Marchais & associés, tous deux conseils en propriété industrielle, et le courrier de réponse émanant du cabinet d'avocats DDG. 10. Il y a donc lieu de les écarter des débats. II . Sur la contrefaçon de la marque Divine 11. Les demandeurs font valoir que la marque [Z] Divine de la société Puig France contrefait la marque verbale Divine, usant de signes identiques : en effet, sur les flacons et les supports publicitaires, le mot divine est placé sur une ligne distincte des termes [Z] et [F] [Z], en plus gros caractères de sorte qu'il apparaît sur les produits, selon eux, un empilement de trois marques du groupe Puig : la marque [F] [Z], la marque [Z] et le signe Divine, qui ne forme pas un tout indivisible avec [Z] . Ce signe désignant des produits également identiques, la protection de la marque est absolue et la démonstration d'un risque de confusion n'est pas nécessaire. 12. Ils ajoutent que, quand bien même l'identité des signes ne serait pas retenue par le tribunal, l'examen de la similarité entre eux doit reposer sur une appréciation globale fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte des éléments distinctifs et dominants de celles-ci (CJCE, 11 novembre 1997, C-251/95, Sabèl) et que, dans l'hypothèse de la juxtaposition de la marque de l'entreprise d'un tiers et d'une marque antérieure, la CJCE a précisé que le risque de confusion est établi dès lors que celle-ci dispose d'une position distinctive autonome dans le signe, lequel permet au public concerné de le rattacher à une origine commerciale précise, peu important par exemple que l'élément d'attaque du signe soit constitué d'une marque renommée (CJCE, 6 octobre 2005 C-120/04, Medion c/Thomson life). 13. Selon eux, les marques [Z] Divine et Divine sont similaires sur les plans visuel et phonétique en ce qu'elles partagent un mot commun qui se lit et se prononce de la même façon tandis que, sur le plan conceptuel, "Divine" est un adjectif de genre féminin signifiant exceptionnel, parfait ou sublime et "[Z]" est un prénom masculin de sorte que la combinaison des deux est nécessairement une fantaisie puisque l'un ne peut qualifier l'autre comme l'a déjà jugé l'EUIPO pour la marque communautaire Gillette Divine. 14. S'agissant du caractère distinctif, ils estiment que, comme l'ont déjà retenu plusieurs décisions de justice, la marque Divine est fortement distinctive en ce qu'elle est arbitraire pour désigner des produits de parfumerie (les trois décisions produites aux débats par la défenderesse n'étant pas transposables en ce que, dans les marques concernées, divine était utilisé comme adjectif qualificatif d'un mot lui-même descriptif du produit) et que sa distinctivité a également été acquise par un usage ancien. 15. Ils font aussi valoir que l'expression "[Z] Divine" combine la marque [Z], bien connue du grand public, jouant le rôle de marque ombrelle, et la marque propre au nouveau parfum, qui a un caractère dominant comme en témoigne sa typographie plus grande et plus épaisse, cette pratique de désigner les parfums par leur "prénom" combiné à la marque ombrelle étant fréquente dans la parfumerie, ca qui fait que le public comprend ici "Divine par [Z]". 16. S'agissant des produits, ils soutiennent que ceux commercialisés par la société Puig France sous le signe querellé sont des parfums, identiques aux produits de parfumerie couverts par leur marque, et des produits très similaires : un gel douche, un lait hydratant et un foulard. 17. Ils caractérisent le risque de confusion par la forte similarité des signes, le caractère fortement distinctif de leur marque Divine, qui domine le signe querellé et, subsidiairement, a une position distinctive autonome au sein du signe [Z] Divine, auprès d'un public pertinent défini comme les consommateurs de parfums, d'attention moyenne. Ils soulignent que, sur les réseaux sociaux, les consommateurs désignent le parfum par "Divine", de sorte que l'atteinte à la fonction essentielle de garantie d'origine de leur marque antérieure Divine est déjà constituée. 18. La société Puig France soutient que les usages incriminés concernent le signe [Z] Divine qui constitue un ensemble unitaire, indivisible, et non la marque Divine utilisée seule. Or la Cour de justice des Communautés eurospéennes a rappelé qu'un signe est identique à la marque lorsqu'il reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen (CJCE, 20 mars 2003, C-291/00) et l'adjonction du terme [Z], qui est une marque renommée en matière de parfumerie, ne peut être considérée comme une telle différence insignifiante. Il appartient ainsi aux demandeurs de démontrer l'existence d'un risque de confusion. 19. Elle fait valoir que, à la date des faits litigieux, le terme "divine" commun aux deux signes était dépourvu de caractère distinctif, ou à tout le moins avait un caractère très faiblement distinctif, pour des parfums et cosmétiques, ce qui est démontré par - le nombre de produits actuellement commercialisés le comportant : parfums Divine Exclusive et Divine d'Oriflame, Divine parfum de Natures Essence, parfum Divine de Boadicea The Victorious, parfum My Divine, parfum Orissima Divine, parfum Ô Divine, parfum Divine Emeraude, parfum Divine Marquise, Passion Parfum Divine Isis par Eau de Mars, parfum Divine Decadence, eau de parfum Divine Vanille d'Olivier Pescheux, savon Divine Vanille, Divine Cream de Make Up Forever, soin Immortelle Divine de l'Occitane ; - le fait que plus de 100 marques en classe 3 pour des produits de parfums et de cosmétiques sur les registres de marques comportent ce terme ; - le fait que, depuis plusieurs années, l'EUIPO refuse d'enregistrer les marques constituées du terme divine pour les produits de la classe 3, produisant à l'appui de cette affirmation trois décisions de la chambre de recours, et que l'usage devenu courant du mot divine dans le sens d'exceptionnelle, parfaite ou sublime de sorte qu'il est devenu descriptif, ou au moins évocateur, de la destination du produit : s'identifier à une personne divine grâce au produit acheté. 20. Elle ajoute que l'élément verbal divine n'est pas en position dominante dans le signe [Z] Divine, l'élément [Z], en position d'attaque, étant fortement distinctif et même renommé en tant qu'indication d'une origine commerciale, comme elle en justifie par un sondage du 27 septembre 2023. 21. Elle expose que les signes Divine et [Z] divine ont une architecture globale différente, dont il résulte une très faible similitude tant visuelle que phonétique entre les signes en présence tandis que, sur le plan conceptuel, le signe antérieur Divine renvoie au sens commun de proche de la divinité, parfait ou sublime, tandis que dans l'ensemble [Z] Divine, l'adjectif qualifie la finalité du parfum, à savoir permettre à son utilisatrice si ce n'est d'être assimilée à une divinité, à tout le moins de sublimer sa beauté et son attrait par l'usage du parfum, et évoque dans sa globalité, par un jeu de mot immanquable, l'expression bien connue de "beauté divine" et ne sera pas perçu comme une marque autonome au sein du signe [Z] Divine. 22. Elle admet la similarité des produits qu'elle commercialise et de ceux désignés à l'enregistrement de la marque Divine. 23. Elle en conclut que tous ces facteurs pertinents (similitude faible entre les signes, ne résultant que de la coïncidence du mot "divine" doté d'une faible distinctivité intrinsèque, présence de la marque ombrelle [F] [Z] renommée) écartent tout risque de confusion entre les signes en présence, de sorte qu'aucun acte de contrefaçon de la marque Divine du fait de l'usage de la marque [Z] Divine n'est en l'espèce caractérisé.Elle explique que les décisions obtenues par M. [R] sur la marque Divine ne sont pas transposables en ce qu'aucun défendeur n'avait sérieusement contesté la distinctivité du terme divine au jour des faits reprochés, qu'aucune des marques n'adjoignait au mot divine un signe distinctif et renommé comme l'est [Z] et qu'elles sont toutes antérieures à l'évolution jurisprudentielle dont témoigne un arrêt de la Cour de justice qui indique : "lorsque la marque antérieure et le signe coïncident dans un élément de caractère faiblement distinctif au regard des produits en cause, l'appréciation globale du risque de confusion n'aboutit fréquemment pas au constat de l'existence de ce droit" (CJUE, 18 juin 2020, C702/18, Primart, § 53). Sur ce, 24. L'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, transposant l'article 10 de la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques, dispose : "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." 25. Le signe identique est celui qui reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen (CJCE, 20 mars 2003, C-291/00, LTJ Diffusion). 26. Constitue un risque de confusion, le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement. 27. Le risque de confusion doit être apprécié globalement à partir de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, notamment la connaissance de la marque sur le marché, l'association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, le degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou les services désignés, le caractère distinctif de la marque antérieure.Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les signes en cause, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants qui les composent (CJCE, 11 novembre 1997, C-251/95, Sabel). 28. L'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Toutefois, ce n'est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l'appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l'élément dominant (CJUE, 12 juin 2007, C-334/05, OHMI/Shaker, § 42). 29. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'il n'est pas exclu qu'une marque antérieure, utilisée par un tiers dans un signe composé comprenant la dénomination de l'entreprise de ce tiers, conserve une position distinctive autonome dans le signe composé ; en ce cas, "aux fins de la constatation d'un risque de confusion, il suffit que, en raison de la position distinctive autonome conservée par la marque antérieure, le public attribue également au titulaire de cette marque l'origine des produits ou des services couverts par le signe composé" (CJUE, 6 octobre 2005, C-120/04, Thomson life, § 16). Cependant, un élément d'un signe composé ne conserve pas une telle position distinctive autonome si cet élément forme avec le ou les autres éléments du signe, pris ensemble, une unité ayant un sens différent par rapport au sens desdits éléments pris séparément (CJUE, 8 mai 2014, C-591/12, Bimbo). 30. La CJUE, en grande chambre, a rappelé que "s'il est vrai que le risque de confusion est d'autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s'avère important, un tel risque n'est pas pour autant exclu lorsque le caractère distinctif de la marque antérieure est faible" (CJUE, 8 novembre 2016, C-43/15, BSH), ce qui n'est aucunement incompatible ou remis en question par l'arrêt cité par la société Puig France ( CJUE, 18 juin 2020, C-702/18, Primart) selon lequel "lorsque la marque antérieure et le signe dont l'enregistrement est demandé coïncident dans un élément de caractère faiblement distinctif ou descriptif au regard des produits et des services en cause, il est vrai que l'appréciation globale du risque de confusion (...) n'aboutira fréquemment pas au constat de l'existence dudit risque. Toutefois, il résulte de la jurisprudence de la Cour que le constat de l'existence d'un tel risque de confusion ne peut pas, en raison de l'interdépendance des facteurs pertinents à cet égard, être exclu d'avance et en toute hypothèse". 31. Selon l'article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux l'article L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4 du même code. a) Sur les signes concernés 32. Pour apprécier la contrefaçon alléguée de la marque Divine, il y a lieu d'examiner tous les usages dénoncés par les demandeurs. Il s'agit de :- la représentation figurant sur les emballages et plusieurs fois sur le site internet en lettres blanches sur fond doré ou dorées sur fond beige , - la désignation des différents produits sur le même site sous l'ensemble "[Z] Divine" en lettres capitales noires de même taille et même épaisseur parfois sur une ligne, parfois sur deux,- ainsi que plusieurs usages de "Divine" seule pour désigner le parfum sur les comptes Instagram (1er septembre 2023), Facebook (31 août, 3 et 4 septembre 2023) et X (4 septembre 2023) de [F] [Z]. 33. S'agissant de ces derniers, le tribunal constate l'identité de signes entre la marque et le signe utilisé et l'identité de produits s'agissant d'un parfum.Ces usages de la marque antérieure pour les mêmes produits dans la vie des affaires sont donc contrefaisants, ceux-ci étant interdits, sauf autorisation du titulaire de la marque. 34. S'agissant des autres usages, les mots [Z] et Divine y sont systématiquement associés, tantôt de façon équivalente (même taille), tantôt avec une accentuation du mot "divine" en lettres deux fois plus hautes et occupant la même largeur que le mot [Z] qui comporte deux lettres de plus et, dans tous les cas, ils sont accolés.Il s'agit donc d'une représentation unitaire et non de deux signes distincts,"Divine" et "[Z]" utilisés à proximité l'un de l'autre, quand bien même le nom [Z] est aussi une marque de la société Puig France. b) Sur le caractère distinctif de la marque Divine 35. La preuve est rapportée d'un usage courant de l'adjectif divine dans les marques désignant des produits de la parfumerie dans le but, souligné par la société Puig France, de conduire le consommateur à faire un lien entre l'usage du parfum et le perfectionnement de sa beauté et sa séduction. 36. Comme l'ont retenu les décisions de la chambre de recours de l'EUIPO versées aux débats par la défenderesse, cet adjectif n'est pas de nature à rendre distinctif un signe l'incluant.Ainsi, pour Divine blush : "the relevant public would simply perceive the sign ‘Divine Blush' as providing the purely laudatory information that the goods are extremely good cosmetics and/or make up" c'est-à-dire "le public pertinent percevra simplement le signe ‘Divine Blush' comme procurant une information purement laudative selon laquelle les produits sont de très bons cosmétiques et/ou produits de maquillage", et pour Divine skin : " there are no additional elements, such as for example, another word or a figurative element that would enable the relevant public to memorise the sign easily and to instantly perceive the trade mark applied for as an indication of the commercial origin of the goods offered under this sign" c'est-à-dire "il n'existe pas d'autre élément tel qu'un autre mot ou un élément figuratif permettant au public pertinent de mémoriser facilement le signe et de percevoir immédiatement la marque dont il est demandé l'enregistrement comme une indication de l'origine commerciale des biens offerts sous ce signe".La chambre de recours de l'EUIPO a aussi décidé, le 12 décembre 2019, que la marque Divina se limitait à un message purement élogieux et n'était, pour cette raison, pas de nature à indiquer l'origine commerciale des produits. 37. Or, le mot divine, utilisé seul ou associé à un mot sans rapport avec les produits ou services (marquise, décadence, immortelle, pour reprendre quelques exemples cités par la société Puig France) ne vient plus évoquer la perfection d'un second terme mais redevient arbitraire et permet d'identifier des produits de parfumerie comme provenant d'une entreprise déterminée, quand bien même il serait évocateur de la fonction du produit. Ici, la marque Divine pour désigner des parfums présente un caractère arbitraire qui lui confère un caractère distinctif intrinsèque moyen. 38. La société Puig souligne le nombre élevé d'occurrences du mot "Divine" dans le discours commercial et dans l'intitulé des marques pour de tels produits à la date des faits allégués de contrefaçon. Il résulte de cette évolution du langage un affaiblissement du caractère distinctif de la marque Divine du fait de sa banalisation. 39. Les demandeurs démontrent un usage long, constant et ostensible de ce signe pour des parfums, néanmoins, ils soutiennent eux-mêmes qu'il s'agit de produits de niche, peu connus du grand public et promus par le bouche à oreille ; cette circonstance est donc de nature à conserver au signe sa distinctivité mais non à lui en conférer une supplémentaire. 40. Au regard de ces éléments, le tribunal retient que la marque Divine est dotée d'une distinctivité normale quoique modérée. c) Sur les éléments dominants du signe [Z] Divine 41. La marque antérieure n'est composée que d'un mot.Le signe litigieux est la combinaison du terme "[Z]", en attaque, suivi de "Divine" ; c'est la juxtaposition, d'une part, de la marque ombrelle et, d'autre part, de la marque antérieure de M. [R], hypothèse expressément évoquée dans l'arrêt de la CJCE précité au point 28 supra (lorsque "le titulaire d'une marque renommée fait usage d'un signe composé juxtaposant cette dernière et une marque antérieure qui n'est pas elle-même renommée" CJUE, 6 octobre 2005, C-120/04, Thomson life, § 34) justifiant d'assurer la protection de la fonction d'origine de la marque antérieure. 42. Le signe [Z] attirera l'attention du public en raison de sa position d'attaque et de sa renommée incontestée, tirée de celle du styliste du même nom et donnée à la marque ombrelle ; la perception du signe Divine, renvoyant de façon générale à un attribut de divinité, est affectée par cette très forte distinctivité et il n'est pas dominant. 43. Les demandeurs rappellent une pratique généralisée de la parfumerie consistant à déposer à titre de marque la combinaison de la marque ombrelle et du nom du nouveau parfum, pratique illustrée par la pièce no2 de la société Puig France faisant état de très nombreuses marques ainsi structurées (la belle [Z], [F] [Z] la belle, [F] [Z] classique, [F] [Z] le mâle, etc...) ce qui conduit le public à conserver en mémoire la perception de cette partie du signe et le comprendre comme Divine par [Z]. 44. L'absence de combinaison de sens entre les deux mots [Z] et Divine, la mise en valeur prépondérante de Divine sur les représentations contestées versées aux débats, son pouvoir distinctif intrinsèque et le fait que [Z] soit également une marque ombrelle font que ce mot conserve une position distinctive autonome dans le signe. 45. Or, la marque antérieure et ce signe doté d'une position distinctive autonome sont identiques. d) Sur le risque de confusion 46. En l'espèce, il n'est pas discuté que le public pertinent est constitué du consommateur de parfums en France, moyennement attentif. 47. Il est admis par toutes les parties que les produits vendus ou promus sous la marque [Z] Divine sont identiques ou hautement similaires aux produits désignés par la marque antérieure, s'agissant dans les deux cas de parfums et produits de soin du corps. 48. Ces produits sont commercialisés sous la marque [Z] divine dont un élément en position distinctive autonome est identique à la marque antérieure Divine, d'une telle façon que le public concerné la comprendra comme signifiant Divine par [Z], et sera donc enclin à croire que ces produits ont une origine commune ou proviennent, à tout le moins, d'entreprises liées économiquement. 49. Il s'ensuit que la contrefaçon au sens de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle est caractérisée. II . Sur l'atteinte au nom commercial, à l'enseigne et au nom de domaine 50. La société Marketing beauté associés fait valoir une atteinte à son nom commercial et son enseigne "Divine" qu'elle exploite depuis plus de 35 ans pour la vente de produits de parfumerie, et au nom de domaine <divine.fr> qui renvoie à son site marchand et dont elle est titulaire depuis le 23 février 1998, caractérisant une usurpation répréhensible et un détournement de ses actifs, qui "déprécie ses identifiants commerciaux". 51. La société Puig France oppose que, en l'absence de risque de confusion possible entre les dénominations Divine et [Z] Divine, aucune atteinte ne peut a fortiori être caractérisée à une enseigne ou à un nom commercial, tandis que le risque que les consommateurs puissent croire à un partenariat avec la société Divine est écarté par la commercialisation sous la marque ombrelle, ajoutant que le parfum [Z] divine n'est commercialisé que sur le site internet [06].com/fr/fr/fragances. Sur ce, 52. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. 53. L'action en concurrence déloyale exige la preuve d'une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon (Com., 18 septembre 2019, pourvoi no 17-23.253). 54. Au cas présent les demandeurs ne démontrent pas de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon de marque, ni un préjudice distinct de celui résultant de celle-ci.Il y a donc lieu de rejeter les demandes à ce titre. III . Sur les demandes indemnitaires et les demandes d'interdiction et de publications 55. Les demandeurs font valoir que :- tous les usages du signe Divine, seul ou en combinaison avec les termes [Z] et [F] [Z] et #, doivent être interdits et notamment de fournir ou d'offrir des produits sous ce signe, les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, d'importer ou d'exporter les produits sous le signe, d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement, d'en faire usage comme partie d'un nom commercial, de l'utiliser dans les papiers d'affaires, sur tous supports de communication, promotionnels ou publicitaires, physiques et sur internet et sur l'ensemble des réseaux sociaux, dont notamment Twitter, Facebook, Instagram, TikTok, YouTube, et notamment https://www.[06].com/, en lien avec l'offre, la prestation ou la promotion, de produits identiques et similaires aux produits de parfumerie couverts par leur marque verbale française Divine ;- il doit être enjoint à la société Puig France de faire cesser cet usage par des tiers, notamment trois réseaux de parfumerie en France, et de rappeler et détruire les produits contrefaisants sous astreinte ;- pour leur permettre de chiffrer leur préjudice, il y a lieu d'ordonner à la société Puig France de leur communiquer le résultat brut d'exploitation et le chiffre d'affaires généré par la vente des parfums [Z] Divine et des produits dérivés ;- une provision sur leur préjudice peut leur être allouée sur la base du chiffre d'affaires généré par la commercialisation du parfum "le mâle" et du taux de redevance standard en matière de licence de marque dans le secteur du parfum, soit 5 à 8 % du chiffre d'affaires, triplée au regard de son caractère indemnitaire ; - leur préjudice moral est très élevé du fait de l'usage massif, tapageur et sexualisé du signe litigieux par la société Puig France qui a grandement banalisé et amoindri son caractère distinctif, alors qu'ils s'efforcent, depuis des décennies, de lui conserver une image authentique, épurée et élégante ;- la publication sur le site https://www.[06].com/ et l'ensemble des réseaux sociaux pendant trois mois ainsi que dans trois journaux est de nature à réparer l'atteinte à leur marque. 56. La société Puig France dénie l'existence d'une atteinte aux droits antérieurs des demandeurs et donc du moindre préjudice, de sorte que toutes les demandes doivent être rejetées. Sur ce, 57. L'article L. 716-4-10du code de la propriété intellectuelle prévoit que : "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée."L'article L. 716-4-9 du même code permet au juge d'ordonner la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution, s'il n'existe pas d'empêchement légitime. 58. L'article L. 716-4-11du code de la propriété intellectuelle prévoit que : "En cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée." 59. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur". 60. Il y a lieu de faire droit aux demandes d'interdiction sous astreinte de l'usage du signe Divine, seul ou en combinaison avec [Z], en France, la marque Divine étant une marque française.Il est également justifié d'enjoindre à la société Puig France de retirer les produits ainsi marqués des circuits de distribution en France, ce qui inclut ceux commercialisés par les réseaux de parfumerie précités. En revanche, la demande de destruction de ceux-ci sous astreinte apparaît disproportionnée. 61. Les demandeurs sont également fondés à solliciter la communication des éléments demandés afin de déterminer l'étendue de leur préjudice, limités à l'exploitation en France, la société Puig France ne soulevant aucune objection, ni motif légitime.S'agissant de la provision sur le préjudice matériel, le tribunal observe qu'aucune pièce ne vient à l'appui des éléments chiffrés basant la demande de provision et que la société Marketing beauté associés n'allègue pas de perte de chiffre d'affaires. Il y a donc lieu de la rejeter. 62. S'agissant du préjudice moral, l'utilisation du signe litigieux dans une campagne de grande ampleur, allant à rebours de leurs efforts et pratiques anciens, et pour des produits directement concurrents de ceux des demandeurs leur a causé un préjudice moral que le tribunal fixe à la somme de 10.000 euros pour M. [R], titulaire de la marque, et de 25.000 euros pour la société Marketing beauté associés, exploitant celle-ci. 63. Il y a également lieu de faire droit à la demande de publication d'un communiqué sur le site internet dans les termes du dispositif et de rejeter les demandes de publications dans la presse écrite. IV . Sur la nullité partielle de la marque verbale française [Z] Divine no 4836885 64. Les demandeurs sollicitent :- la nullité de la marque française verbale [Z] Divine no 4836885 pour certains produits de la classe 3 désignés à l'enregistrement, relevant de la parfumerie et de la cosmétique,- la transmission de la décision au Bureau international en ce que cette marque sert de base à l'enregistrement international de la marque internationale [Z] divine no 1686536 déposée le 21 juillet 2022. 65. La société Puig France soutient que, pour qu'une marque enregistrée soit annulée, le signe contesté doit porter atteinte à la marque antérieure, ce qui suppose de démontrer un risque de confusion entre les marques en présence, ce qui n'est pas le cas en l'espèce où chacune est à même d'identifier les produits objets du litige, sur leurs marchés distincts. Sur ce, 66. L'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment : "I.-Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :1o Une marque antérieure :a) Lorsqu'elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée ;b) Lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure ;(...)3o Une dénomination ou une raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;4o Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n'est pas seulement locale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; (...)" et l'article L. 716-5 que "II.-Les autres actions civiles et les demandes relatives aux marques autres que celles mentionnées au I, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire.Les tribunaux mentionnés à l'alinéa précédent sont en outre exclusivement compétents dans les cas suivants :1o Lorsque les demandes mentionnées aux 1o et 2o du I sont formées à titre principal ou reconventionnel par les parties de façon connexe à toute autre demande relevant de la compétence du tribunal et notamment à l'occasion d'une action introduite sur le fondement des articles L. 716-4, L. 716-4-6, L. 716-4-7 et L. 716-4-9 ou à l'occasion d'une action en concurrence déloyale ;".L'article L.714-3 du même code prévoit qu'est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme notamment aux dispositions des articles L. 711-3. 67. L'article 6 du protocole relatif à l'arrangement de Madrid prévoit notamment que : "3) La protection résultant de l'enregistrement international, ayant ou non fait l'objet d'une transmission, ne pourra plus être invoquée si, avant l'expiration de cinq ans à compter de la date de l'enregistrement international, la demande de base ou l'enregistrement qui en est issu, ou l'enregistrement de base, selon le cas, a fait l'objet d'un retrait, a expiré ou a fait l'objet d'une renonciation ou d'une décision finale de rejet, de révocation, de radiation ou d'invalidation, à l'égard de l'ensemble ou de certains des produits et des services énumérés dans l'enregistrement international. (...) 4) L'Office d'origine notifiera au Bureau international, comme prescrit dans le règlement d'exécution, les faits et les décisions pertinents en vertu de l'alinéa 3), et le Bureau international informera les parties intéressées et procédera à toute publication correspondante, comme prescrit dans le règlement d'exécution. L'Office d'origine demandera, le cas échéant, au Bureau international de radier, dans la mesure applicable, l'enregistrement international, et le Bureau international donnera suite à sa demande." 68. En l'espèce, la demande en nullité de la marque postérieure est formée à titre principal de manière connexe à l'action en contrefaçon de la marque antérieure, le présent tribunal est donc compétent. 69. La marque verbale française Divine no 1262106 a été déposée les 21 février 1984, 7 janvier 1994, 15 octobre 2003 et 18 avril 2014 pour les produits de la classe 3 suivants : savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices, antérieurement à la marque verbale française [Z] divine no 4836885 déposée le 24 janvier 2022 pour les produits de la classe 3 suivants : produits cosmétiques et préparations de toilette non médicamenteux, dentifrices non médicamenteux, produits de parfumerie, huiles essentielles, préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser, produits odorants à usage personnel, eau de Cologne, eau de parfum, eaux de toilette, eaux de senteur, parfums, extraits de parfums, produits non médicinaux pour l'hygiène buccale, produits de nettoyage et de soin pour le corps non à usage médical, lotions, laits et crèmes pour le corps non à usage médical, déodorants à usage personnel, antitranspirants à usage personnel, savons non médicinaux, savons non médicinaux à usage personnel, savons liquides, solides ou en gel non médicinaux à usage personnel, gels pour le bain non à usage médical, gels douche non à usage médical, préparations pour le bain non à usage médical, sels de bain non à usage médical, préparations pour le soin de la peau autres qu'à usage médical, exfoliants, talc pour la toilette, poudres parfumées, lingettes, cotons et serviettes imprégnés de lotions cosmétiques non médicinales et pour parfumer, cosmétiques autres qu'à usage médical, produits de toilette non médicinaux et produits de parfumerie pour le soin et la beauté des cils, sourcils, yeux, lèvres et ongles, baumes labiaux non médicamenteux , laques pour les ongles, dissolvants pour vernis à ongles, adhésifs à usage cosmétique, préparations cosmétiques amincissantes autres qu'à usage médical, préparations et traitements capillaires autres qu'à usage médical, shampooings autres qu'à usage médical, produits de démaquillage, dépilatoires, produits de rasage non médicinaux, produits avant-rasage non médicinaux, produits après-rasage non médicinaux, produits de beauté autres qu'à usage médical, préparations cosmétiques pour le bronzage et auto-bronzantes, autres qu'à usage médical, nécessaires de cosmétique, parfums domestiques, encens, pots-pourris odorants, bois odorants, produits pour parfumer le linge, extraits aromatiques, préparations non médicinales pour le soin et nettoyage d'animaux, cire pour tailleurs et pour cordonniers et préparations pour nettoyer et polir le cuir et les chaussures. 70. La démonstration précise des demandeurs de ce que tous ces produits sont, pour certains, identiques à ceux protégés par la marque Divine et, s'agissant des autres énumérés au point supra, fortement similaires en tant que produits d'hygiène corporelle, de soins du corps ou de produits de beauté ou de maquillage, ni que les nécessaires de cosmétique sont également similaires en ce qu'ils contiennent des produits désignés, n'est pas discutée. Il n'est pas plus contesté que les produits destinés à parfumer la maison et le linge sont similaires aux produits de parfumerie.Le tribunal fait sienne cette analyse pour chacun des produits. 71. L'analyse du risque de confusion faite aux point 46 à 48 supra est transposable pour ces produits et ceux visés à l'enregistrement de la marque Divine, s'agissant de produits identiques ou similaires. 72. Il y a donc lieu de faire droit la demande d'annulation partielle de la marque verbale française [Z] divine no 4836885 pour les produits de la classe 3 relevant des catégories ci-dessus énumérées, et non pour les produits suivants : préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser, préparations non médicinales pour le soin et nettoyage d'animaux, cire pour tailleurs et pour cordonniers et préparations pour nettoyer et polir le cuir et les chaussures, ni pour les produits et services désignés à l'enregistrement relevant d'autres classes. 73. La pièce 2.6.4 des demandeurs montre que l'enregistrement international de la marque [Z] Divine, le 21 juillet 2022, a été fait sur la base du dépôt de la marque française FR 4836885, de sorte qu'il appartiendra à l'INPI de notifier au Bureau international des marques la décision d'annulation une fois devenue définitive. V . Dispositions finales 74. La société Puig France, qui succombe, est condamnée aux dépens de l'instance et l'équité justifie de la condamner à payer à M. [R] et à la société Marketing beauté associés la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 75. La société Puig France fait valoir que, si l'exécution provisoire était prononcée en cas de condamnation, les conséquences lui causeraient un préjudice commercial démesuré, sans le caractériser ni le préciser.Elle est en toute hypothèse mal fondée à invoquer ce risque, ayant elle-même pris celui de promouvoir massivement un produit sous un signe existant dans les conditions examinées supra.Il n'existe donc aucune circonstance justifiant d'écarter l'exécution provisoire de droit du présent jugement sauf pour les mesures de publication et de transmission de la décision à l'INPI pour inscription au Registre national des marques et transmission au Bureau international. PAR CES MOTIFS Ecarte des débats les pièces no9 et 10 de la société Puig France ; Interdit à la société Puig France de faire usage en France dans la vie des affaires des signes "Divine" ou "[Z] divine" pour des produits tels que parfums et produits cosmétiques identiques et/ou similaires aux produits de parfumerie couverts par la marque française verbale Divine no 1262106, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée (entendue comme chaque usage) courant à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; Enjoint à la société Puig France de rappeler des circuits commerciaux à ses frais, en quelques lieux et en quelques mains qu'ils se trouvent, les produits de parfumerie ou produits cosmétiques commercialisés sous le signe "Divine", seul ou en combinaison avec le terme "[Z]" à compter d'un délai de 10 jours à compter de la signification du présent jugement ; Ordonne la communication par la société Puig France du résultat brut d'exploitation et du chiffre d'affaires générés en France par la promotion et la vente des produits de parfumerie et produits similaires sous le signe "Divine", seul ou en combinaison avec le terme "[Z]", certifiés par expert comptable ou commissaire aux comptes, sous astreinte de 450 euros par jour de retard, courant à l'expiration d'un délai de 45 jours à compter de la signification du présent jugement et pendant 45 jours ; Rejette la demande de provision de la société Marketing beauté associés et de M. [P] [R] à valoir sur la réparation de leur préjudice matériel ; Rejette les demandes de la société Marketing beauté associés et de M. [P] [R] fondées sur la concurrence déloyale ; Condamne la société Puig France à payer à la société Marketing beauté associés une indemnité provisionnelle de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon de la marque française verbale Divine no 1262106 ; Condamne la société Puig France à payer à M. [P] [R] une indemnité provisionnelle de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon de la marque française verbale Divine no 1262106 ; Ordonne la publication par la société Puig France, en français en police de caractères de taille 12, à ses frais, du communiqué suivant : "Par décision du 1er décembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a jugé que le signe [Z] Divine, pour des produits de parfumerie, cosmétiques et similaires, contrefaisait la marque française Divine appartenant à M. [P] [R] et exploité par la société Marketing beauté associés et l'a condamnée au retrait des produits correspondants et à leur payer des dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices."sur la page d'accueil de tout site Internet exploité par la société Puig France et notamment sur le site https://www.[06].com/ pendant une durée de un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ; Rejette les autres demandes de publication ; Se réserve la liquidation des astreintes, Annule la marque française [Z] divine no 4836885 déposée le 24 janvier 2022 pour les produits suivants de la classe 3 : - produits cosmétiques et préparations de toilette non médicamenteux,- dentifrices non médicamenteux,- produits de parfumerie, huiles essentielles, produits odorants à usage personnel, eau de Cologne, eau de parfum, eaux de toilette, eaux de senteur, parfums, extraits de parfums,- produits non médicinaux pour l'hygiène buccale,- produits de nettoyage et de soin pour le corps non à usage médical, lotions, laits et crèmes pour le corps non à usage médical, déodorants à usage personnel, antitranspirants à usage personnel, savons non médicinaux, savons non médicinaux à usage personnel, savons liquides, solides ou en gel non médicinaux à usage personnel, gels pour le bain non à usage médical, gels douche non à usage médical, préparations pour le bain non à usage médical, sels de bain non à usage médical, préparations pour le soin de la peau autres qu'à usage médical, exfoliants, talc pour la toilette, poudres parfumées, lingettes, cotons et serviettes imprégnés de lotions cosmétiques non médicinales et pour parfumer,- cosmétiques autres qu'à usage médical, produits de toilette non médicinaux et produits de parfumerie pour le soin et la beauté des cils, sourcils, yeux, lèvres et ongles, baumes labiaux non médicamenteux, laques pour les ongles, dissolvants pour vernis à ongles, adhésifs à usage cosmétique,- préparations cosmétiques amincissantes autres qu'à usage médical,- préparations et traitements capillaires autres qu'à usage médical, shampooings autres qu'à usage médical,- produits de maquillage, produits de démaquillage,- dépilatoires, produits de rasage non médicinaux, produits avant-rasage non médicinaux, produits après-rasage non médicinaux, produits de beauté autres qu'à usage médical, préparations cosmétiques pour le bronzage et auto-bronzantes, autres qu'à usage médical, nécessaires de cosmétique, - parfums domestiques, encens, pots-pourris odorants, bois odorants, produits pour parfumer le linge, extraits aromatiques ; Ordonne l'inscription de la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, à l'initiative de la partie la plus diligente, sur le registre des marques tenu par l'INPI, à charge pour lui de la notifier au Bureau international aux fins de radiation de l'enregistrement international [Z] divine no 1686536 ; Condamne la société Puig France aux dépens de l'instance ; Condamne la société Puig France à payer à M. [P] [R] et à la société Marketing beauté associés , ensemble, la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Écarte l'exécution provisoire de droit mais seulement pour les mesures de publication et de transmission de la décision à l'INPI pour inscription au Registre national des marques et transmission au Bureau international. Fait et jugé à Paris le 01 Décembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130309 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130309.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 22 décembre 2023, 22/03126 | 2023-12-22 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/03126 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/03126No Portalis 352J-W-B7G-CWMFW No MINUTE : Assignation du :29 Novembre 2021 JUGEMENT rendu le 22 Décembre 2023 DEMANDERESSE S.A.S. APODIS[Adresse 1][Localité 2] représentée par Maître Nicole DELAY PEUCH, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0377 et par Maître Quentin MOUTIER de la SELARL AROBASE, avocat au barreau de TOURS, avocat plaidant, DÉFENDERESSE S.A. EQUASENS (anciennement PHARMAGEST INTERACTIVE)[Adresse 3][Localité 4] représentée par Maître Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C2440 et par Maître Anne WILLIE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant. Copies délivrées le : - Maître DELAYPEUCH #A377 (exécutoire)-Maître DOMAIN #C2440 (ccc)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 05 Octobre 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe la 15 Décembre 2023 puis prorogé au 22 Décembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La SA Pharmagest interactive, dont la dénomination sociale est devenue Equasens en mai 2022, concède aux pharmaciens qui contractent avec elle l'usage d'un logiciel de gestion d'officine dénommé "logiciel de gestion à portail intégré" (ci-après LGPI) permettant d'accéder à une ou plusieurs bases de données et à un applicatif de gestion des stocks et d'effectuer des commandes de produits pharmaceutiques et de parapharmacie.Ce LGPI est installé dans le système informatique de l'officine, qui y accède à l'aide d'un mot de passe confidentiel, et traite les données saisies en son sein. 2. La société Apodis offre également des solutions logicielles à destination des professionnels de santé, pharmaciens et laboratoires, notamment une application informatique appelée "Apodis pharma" de gestion commerciale qui procure aux officines des tableaux de bord et outils de suivi des ventes et des stocks ainsi que des outils de prévention des ruptures de d'approvisionnement. L'application Apodis pharma est alimentée avec le consentement du pharmacien par un logiciel nommé "Santé secure" qui extrait les données de vente du système informatique. 3. Par constat de commissaire de justice des 11 et 12 octobre 2018, la société Apodis a fait constater que la société Pharmagest interactive avait installé un dispositif informatique empêchant le logiciel Santé secure de se connecter au serveur de données d'une pharmacie de [Localité 5], équipée à la fois du LGPI et du logiciel Apodis Pharma.A la suite des échanges entre les parties, la société Pharmagest a proposé à la société Apodis de conclure un "contrat de coopération technique et commerciale" lui donnant accès aux données de toutes les pharmacies équipées du logiciel LGPI via un connecteur, moyennant une licence et une redevance de connexion. 4. Par acte du 12 mars 2019, la société Apodis a fait assigner la société Pharmagest interactive devant le tribunal de commerce de Tours pour lui faire interdire tout nouveau blocage du logiciel Santé secure et réparer les conséquences dommageables de celui du 10 octobre 2018.Par jugement du 29 octobre 2021, le tribunal de commerce de Tours s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris, la société Pharmagest interactive ayant soulevé des moyens tirés de ses droits de propriété intellectuelle. 5. Par constat d'huissier de justice du 23 septembre 2020, la société Apodis a fait constater la chute du nombre de connexions à son logiciel Santé secure dans la semaine du 21 octobre 2019. 6. Dans ses dernières conclusions signifiées le 7 novembre 2023, la société Apodis demande au tribunal de :- interdire à la société Equasens tout acte ayant pour objet d'entraver ou de fausser le transfert de données traitées par une officine vers la société Apodis, lorsque ladite officine y a consenti, sous astreinte, de 100.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir ; - condamner la société Equasens à lui payer la somme de 280.000 euros en réparation des préjudices résultant de la voie de fait commise en octobre 2018 (trouble commercial, atteinte à son image, désorganisation et préjudice moral) ; - ordonner la publication du jugement; - condamner la société Equasens aux dépens et à lui payer la somme 44.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. 7. Elle fait valoir que :- la société Equasens a commis une faute si grossière qu'elle constitue une voie de fait en lui interdisant par des moyens illicites l'accès aux données des pharmacies utilisant son LGPI au lieu de recourir aux voies de droit qui lui étaient ouvertes (cf CA Paris 24 septembre 2015, 2014/17586) ;- le blocage du site est dirigé exclusivement contre elle et est illicite en ce qu'il nécessite l'intrusion sur le système automatisé de données des pharmaciens à des fins autres que celles prévues aux contrats avec les officines, ce qui constitue le délit d'entrave au fonctionnement de ce système prévu à l'article 323-2 du code pénal ;- ce faisant, la société Equasens ne pouvait se prévaloir d'aucun motif légitime en ce que la certification LAD est sans lien avec la possibilité d'une extraction par Santé secure, qui fonctionne en lecture seule et ne peut altérer les données tandis que la qualité de responsable du traitement au sens du RGPD revient aux pharmaciens eux-mêmes, qui ont donné leur accord à l'extraction de leurs données ;- ces données ne sont pas des données de santé mais des informations commerciales et des statistiques de vente et la société Equasens n'a aucune objection à les délivrer contre paiement et cette seule motivation est à l'origine du blocage et non des problèmes de sécurité prétendument démontrés par un rapport d'analyse privé réalisé en 2020, deux ans plus tard ;- la volonté de nuire par cette mesure de blocage est évidente ;- la société Equasens n'a aucun droit de propriété intellectuelle sur les données, ni la structure de la base de données ;- en toute hypothèse, il n'y aurait aucune contrefaçon puisqu'elle ne fait qu'extraire des données brutes de la base, informations non protégeables par le droit d'auteur et qui n'appartiennent pas à la société Equasens, sans reproduire de quelque façon que ce soit la structure de la base ou le logiciel et, encore le ferait-elle, le principe d'interopérabilité, admis par la Cour de cassation (1re Civ. 20 octobre 2011, pourvoi no10-14.069), le lui permettrait ;- le droit des producteurs de bases de données consacré par les articles L. 341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ne bénéficie pas à la société Equasens qui n'héberge ni ne stocke les données et ne les fournit pas plus, n'étant qu'éditeur du LGPI et n'apportant aucune plus-value auxdites données ;- seuls les pharmaciens pourraient prétendre être de tels producteurs de bases de données ;- les autres moyens d'extraction invoqués par la société Equasens (CSV et Dump) ne permettent pas l'interopérabilité entre le LGPI et les autres applications des officines ;- son modèle économique repose sur sa capacité à extraire les données et son préjudice consiste dans le trouble commercial qu'elle subit pour assurer ses services, l'atteinte à son image du fait des défaillances techniques consécutives, les coûts de recherche des causes de dysfonctionnement de Santé secure dans 552 pharmacies et la perte des données de certaines d'entre elles qui n'utilisent plus l'application. 8. Dans ses dernières conclusions signifiées le 14 décembre 2022, la société Equasens demande au tribunal de débouter la société Apodis de l'ensemble de ses demandes et de la condamner aux dépens et à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 9. Elle fait valoir que :- le LGPI est une création intellectuelle au sens de la directive 2009/24 du 23 avril 2009 sur la protection des programmes d'ordinateurs et ce texte l'autorise à mettre en place un dispositif de sécurisation empêchant tout accès non autorisé au LGPI et interdit à la société Apodis (article 7, c, et article L. 122-6-2 du code de la propriété intellectuelle) de le neutraliser ;- la base de données intégrée au LGPI résulte d'un investissement substantiel de sa part, au sens retenu par la CJCE par quatre arrêts du 9 novembre 2004, même si elle n'est pas propriétaire des données, de sorte que la récupération de données dans la base est une extraction illicite (Com., 5 octobre 2022, pourvoi no21-16.307) ;- la société Apodis cherche à accéder avec son logiciel hacker Santé secure à l'ensemble des tables de la base de données et copier non pas les données brutes mais les données structurées par la base ;- ses droits de propriété intellectuelle sur le LGPI la rendent légitime à mettre en oeuvre des mesures techniques de protection de celui-ci tandis que le société Equasens est mal fondée à les contourner ;- la société Apodis est mal fondée à invoquer l'interopérabilité dès lors que cette obligation ne porte que sur les logiciels et non les bases de données, qu'elle ne doit pas porter atteinte à l'exploitation normale du logiciel et que seule la personne ayant le droit d'utiliser le logiciel en question peut s'en prévaloir ;- le règlement 2018/1807 établissant un cadre applicable au libre flux des données à caractère non personnel dans l'Union européenne n'est pas applicable ici ;- l'interopérabilité des données de santé envisagée par l'article 1470-5 du code de la santé publique ne concerne que les logiciels des professionnels de santé et seulement pour coordonner les parcours de soins ;- elle est responsable civilement et pénalement de la sécurité de son LGPI, dont la société Apodis extrait des données personnelles sensibles (identification du patient, no INSEE, médecin traitant, produits commandés) et les exporte, à l'égard des officines cocontractantes et du public ;- le logiciel Santé secure ne fonctionne pas en lecture seule et menace l'intégrité des données et du LGPI ; - la société Apodis a déjà connu un incident de sécurité majeur en octobre 2020 ; - le refus qu'elle oppose à l'accès de la société Apodis est parfaitement justifié, sachant qu'elle développe parallèlement des extracteurs sûrs pour un coût raisonnable.Elle n'a pas conclu sur les demandes de réparation. 10. L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2023. MOTIVATION I . Sur la faute 11. L'article 1240 du code civil dispose : "Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer." 12. L'article 323-2 du code pénal dispose : "Le fait d'entraver ou de fausser le fonctionnement d'un système de traitement automatisé de données est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 150.000 € d'amende." 13. Les conditions générales du contrat de cession d'usage du LGPI liant les officines à la société Equasens prévoient "L'utilisateur autorise en outre expressément Pharmagest interactive à collecter certaines données traitées par le système informatique de l'officine de la pharmacie. Ces données, qui seront stockées sur support informatique par Pharmagest interactive à des fins uniquement statistiques et ne seront croisées à aucun autre fichier, consistent en des renseignements sur les produits vendus par l'officine, le volume, le type de transaction, le prix de vente et d'achat." 14. Il en résulte que le pharmacien cocontractant n'octroie aucune exclusivité à la société Equasens : il conserve la propriété des données et la faculté d'en disposer, ainsi qu'il l'a fait en contractant avec la société Apodis pour obtenir d'autres services que ceux procurés par le LGPI. 15. Dans le cadre de l'exécution du contrat de cession d'usage du LGPI, la société Equasens a accès à distance au système informatique de l'officine aux fins du "bon fonctionnement du service" (article 6 des conditions générales). 16. Il n'est pas discuté que, grâce à cet accès, la société Equasens a mis en oeuvre, en octobre 2018, un dispositif informatique ayant pour effet, non pas d'assurer la maintenance du LGPI ou le bon fonctionnement du service, mais d'empêcher l'accès de la base de données au logiciel Santé secure de la société Apodis.Il n'est pas plus contesté qu'elle a mis en oeuvre cette mesure sans aucune démarche préalable auprès de l'officine. 17. La matérialité du fait reproché en tant que faute civile est donc établi. 18. En revanche, il n'est pas établi que ce dispositif aurait provoqué des dysfonctionnements du système de traitement automatisé de données de la société Apodis, au sens de l'article 323-2 du code pénal. II . Sur les faits justificatifs opposés par la société Equasens 1 . Sur le droit sui generis du producteur de base de données de s'opposer à des extractions 19. La directive 96/9 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données définit la base de données comme "un recueil d'oeuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou d'une autre manière" (article 1) et son fabricant comme "la personne qui prend l'initiative et assume le risque d'effectuer les investissements" (considérant 41). 20. S'ils remplissent la condition d'originalité, le choix ou la disposition des éléments de la base de données, bénéficient de la protection par le droit d'auteur (CJUE, 1er mars 2012, C-604/10, Football dataco), étant précisé que "La protection des bases de données par le droit d'auteur prévue par la présente directive ne couvre pas leur contenu et elle est sans préjudice des droits subsistant sur ledit contenu." (article 3 de la directive). 21. S'agissant du contenu de la base, la directive 96/9 précitée instaure, au profit du fabricant (devenu producteur dans la transposition en droit français) d'une base de données, un droit sui generis d'empêcher l'extraction et/ou la réutilisation non autorisée de son contenu. L'objet de ce droit est "d'assurer la protection d'un investissement dans l'obtention, la vérification ou la présentation du contenu d'une base de données pour la durée limitée du droit ; que cet investissement peut consister dans la mise en oeuvre de moyens financiers et/ou d'emploi du temps, d'efforts et d'énergie" (considérant 39 de la directive).Les dispositions correspondantes sont transposées en droit interne notamment par :- l'article 341-1 du code de la propriété intellectuelle, qui prévoit : "Le producteur d'une base de données, entendu comme la personne qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d'une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel" et - l'article L. 342-1 qui dispose que le producteur de base de données a le droit d'interdire notamment : "l'extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d'une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit.Cette protection est indépendante et s'exerce sans préjudice de celles résultant du droit d'auteur ou d'un autre droit sur la base de données ou un de ses éléments constitutifs." 22. Les quatre arrêts de la CJCE et celui de la Cour de cassation que cite la société Equasens (point 9) retiennent la qualité de producteur/fabricant à ceux qui, ayant acquis une base de données constituée par des tiers, justifient de nouveaux investissements substantiels pour la constitution, la vérification et la présentation d'une base de données. 23. La société Equasens soutient avoir réalisé des investissements conséquents pour la création - ici la structuration et la mise en relation des très nombreuses tables adaptées aux besoins des officines - et la maintenance de la base de données Oracle incluse dans le LGPI, mais elle n'allègue ni ne démontre en avoir réalisé pour la constitution ni le renouvellement de son contenu. Au contraire, la collecte et le stockage sont exclusivement réalisés par chaque officine et les conditions générales du contrat de cession d'usage versées aux dossier ne font mention d'aucune prestation de vérification par la société Equasens.Celle-ci n'a pas la qualité de fabricant/producteur de la base de données. 24. La société Equasens est donc éventuellement titulaire de droits d'auteur sur la structure de la base de données, à supposer que le choix et la disposition des données soient originaux, mais elle est mal fondée à opposer à la société Apodis le droit sui generis du fabricant/producteur de base de données d'interdire l'extraction de données de la base. 2 . Sur la licéité des mesures techniques de protection 25. La directive 2009/24 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, modifiant la directive 91/250 du 14 mai 1991, étend à ceux-ci la protection par le droit d'auteur s'ils sont originaux (article 1), interdisant "la reproduction, la traduction, l'adaptation ou la transformation non autorisée de la forme du code sous lequel une copie de programme d'ordinateur a été fournie" (considérant 15 et article 4). Elle définit la notion d'interopérabilité (considérant 10) et prévoit une exception aux droits exclusifs de l'auteur d'interdire la reproduction à celle nécessaire à l'utilisation du programme par son acquéreur légitime (article 5, 1, transposé par l'article L.122-6-1 du code de la propriété intellectuelle), précisant que "L'un des objectifs de cette exception est de permettre l'interconnexion de tous les éléments d'un système informatique, y compris ceux de fabricants différents, afin qu'ils puissent fonctionner ensemble" (considérant 15). 26. L'article 7, 1, c), de ce texte prévoit que les Etats-membres prennent des mesures appropriées à l'encontre des personnes qui accomplissent notamment l'acte de "mettre en circulation ou détenir à des fins commerciales tout moyen ayant pour seul but de faciliter la suppression non autorisée ou la neutralisation de tout dispositif technique éventuellement mis en place pour protéger un programme d'ordinateur" et sa transposition a été faite par l'article L.122-6-2 du code de la propriété intellectuelle. 27. Il s'évince de ces textes que l'auteur d'un logiciel est bien fondé à mettre en place des dispositifs techniques destinés à le protéger contre la reproduction non autorisée. 28. Au cas présent, la société Equasens n'explique pas en quoi le logiciel Santé secure réaliserait la reproduction, la traduction, l'adaptation ou la transformation non autorisée de la forme du code du LGPI, et ne forme pas de demande en contrefaçon du logiciel. 29. De plus, le "verrou informatique" qu'il lui est reproché d'avoir posé en octobre 2018 n'avait pas pour objet ni pour effet de protéger son logiciel de la reproduction mais d'empêcher les extractions de données de la base constituée par l'officine à l'aide de ce logiciel. Il ne constitue donc pas un dispositif technique mis en place pour protéger un programme d'ordinateur au sens de l'article L.122-6-2 précité. 30. Les textes ainsi invoqués par la société Equasens ne sont donc pas susceptibles de légitimer la mise en place du dispositif interdisant l'accès de la société Apodis aux données des pharmacies utilisant son LGPI. 31. En toute hypothèse, l'objectif d'interopérabilité des logiciels rappelé au point 25 supra peut être invoqué par toute personne autorisée et non le seul licencié du logiciel.En effet, la société Apodis rappelle à juste titre que la Cour de cassation, au visa de la directive no 91/250/CEE du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, désormais codifiée par la directive no 2009/24/CE du 23 avril 2009, a approuvé une cour d'appel d'avoir jugé que "les opérations de migrations de données, réalisées par M. X. et la société Alphapi, habilités à cette fin par les huissiers de justice titulaires de la licence d'utilisation du logiciel "H. Open", pour récupérer les fichiers de ce programme, s'inscrivaient dans les strictes nécessités de l'interopérabilité autorisée par l'article L. 122-6-1, IV du code de la propriété intellectuelle qui prévoit la nullité de toute stipulation contraire" (1re Civ. 20 octobre 2011, pourvoi no10-14.069, publié). 3 . Sur les risques d'atteinte à la sécurité du programme LGPI ou des données 32. La société Equasens soutient que le logiciel Santé secure extrait et exporte des données personnelles sensibles, s'appuyant sur un rapport de M. [B], expert informatique, du 18 juin 2020. Elle affirme que ce logiciel constitue une menace pour l'intégrité du LGPI et des données qui s'y trouvent enregistrées, s'appuyant sur une étude de M. [U], expert en systèmes d'informations, du 9 avril 2019 et sur diverses pièces attestant d'une importante fuite de données personnelles provenant des serveurs de la société Apodis en octobre 2020. 33. La société Apodis soutient que l'extraction de données de la base des pharmacies se fait en "lecture seule" sans reproduction ni intrusion dans le LGPI.Cette affirmation est corroborée par un rapport de M. [Y], expert informatique, réalisé aux fins de constat le 20 mars 2019, indiquant : "Pour fournir ces services, le portail ‘Apodis pharma' nécessite la mise en place d'un outil de synchronisation installé par le pharmacien lui-même sur son serveur, appelé ‘Santé Secure'. Cet outil logiciel se contente de lire les données nécessaires au fonctionnement du portail sur le serveur de données du pharmacien pour les envoyer de manière cryptée au Portail ‘Apodis pharma'" et n'est aucunement démentie par le rapport de M. [B].Ce dernier conclut en effet seulement : "II a été constaté que ce logiciel se connectait à cette base de données via l'utilisation d'un login et mot de passe spécifique à Pharmagest. De plus, des données sont alors récupérées et stockées de manière récurrente dans un fichier situé clans le répertoire du logiciel sur le poste de la pharmacie. Il a pu être observé également des échanges réseaux entre ce même logiciel qui change de nom régulièrement ‘sante-secure' et des serveurs externes à la pharmacie. Les données ainsi recueillies comprennent des identités ainsi que desnoms de produits et d'autre part, le volume de ces données reste important (I7 Mo) en sachant que seul du texte est échangé". 34. Quant à l'étude de M. [U] du 9 avril 2019, versée en intégralité par la demanderesse (sa pièce 2-6 d), la société Equasens n'en produisant qu'un court extrait (sa pièce 13), elle a été réalisée dans le cadre d'un contentieux entre un pharmacien licencié du LGPI et la société Equasens.Il y est dit que la position de la société Equasens de refuser au pharmacien la communication de codes d'accès administrateur de la base Oracle de l'application LGPI se comprenait afin de ne pas "dévoiler le modèle de données confidentiel de son application LGPI, ni permettre à un tiers de librement interagir de façon risquée dans les tables de la base de données de son application" mais ajoutait immédiatement "il n'en demeure pas moins que Pharmagest ne permet pas, non plus, d'actionner des interfaces(API) permettant l'interopérabilité de son système d'information avec d'autres applications.", et concluait :"Les extractions proposées dans LGPI ne permettent donc pas de traiter le besoin d'interopérabilité ‘au fil de l'eau' entre l'application LGPI et les outils informatiques imaginés par la Pharmacie du centre. En l'état, elle ne permet pas la mise en oeuvre d'interfaces (API) entre l'application LGPI et ses logiciels informatiques." 35. Ainsi, le rapport de M. [B], qui porte sur le fonctionnement de Santé secure, ne signale aucune menace à l'intégrité du LGPI ni aux données qu'il permet d'enregistrer.L'étude de M. [U] évoque clairement une interaction "risquée" avec les tables de la base de données du LGPI en cas de remise au licencié des codes d'accès administrateur de la base Oracle de l'application LGPI. Or, il n'est aucunement question ici d'une telle communication. 36. Ces éléments ne démontrent donc pas la menace alléguée pour l'intégrité du LGPI ni pour les données qu'il permet d'enregistrer et il n'est pas expliqué par la société Equasens ses affirmations (p 31 de ses conclusions) selon lesquelles l'extracteur qu'elle a proposé à la société Equasens moyennant un coût de 180.000 euros par mois assurerait mieux que le logiciel Santé secure la sécurité des flux de données. 37. La société Equasens ne démontre pas plus sa responsabilité à l'égard des tiers quant aux éventuelles fuites de données personnelles incluses dans la base de données par le pharmacien, qui a la qualité de responsable du traitement des données personnelles au sens du règlement 2016/679 du 27 avril 2016 dit RGPD. 38. En toute hypothèse, le moyen tiré par la société Equasens des risques de déperdition des données extraites est démenti par le fait qu'elle ne voyait aucun inconvénient, dans sa proposition de contrat du 16 décembre 2018, à y donner accès à la société Apodis moyennant paiement sans exiger de quelconque précaution sur les conditions de stockage et de protection de ces données. 39. Dès lors, les impératifs de sécurité allégués par la société Equasens ne justifiaient pas la mise en oeuvre du dispositif de blocage qui lui est reproché. 40. Dans ces conditions, le tribunal retient quela société Equasens a abusé de son accès au LGPI donné en licence pour monnayer et/ou se réserver une exclusivité de l'accès aux données enregistrées sur le logiciel des pharmaciens licenciés du LGPI que le contrat ne lui accorde pas et empêcher l'interopérabilité des différentes solutions logicielles que ceux-ci ont choisies (en l'espèce LGPI et Apodis pharma), sans motif légitime, ce qui caractérise une faute engageant sa responsabilité. III. Sur la réparation 41. La société Apodis est bien fondée à demander qu'il soit enjoint à la société Equasens de ne pas mettre en oeuvre sur le LGPI de dispositif technique ayantpour effet d'entraver ou de fausser le transfert de données traitées par une officine vers la société Apodis, lorsque ladite officine y a consenti.Les circonstances de la cause justifient d'assortir cette condamnation d'une astreinte. 42. La société Apodis demande réparation d'un trouble commercial, d'une atteinte à son image, d'une désorganisation et d'un préjudice moral consécutifs au blocage d'octobre 2018. 43. A l'appui de ses demandes d'un total de 280.000 euros, elle verse une vingtaine de messages reçus de pharmacies s'étant plaintes de l'absence de transmissions de données pendant des durées diverses en octobre et novembre 2019 et la preuve par procès-verbal de constat d'huissier de justice du 23 septembre 2020 de ce que 552 pharmacies ont connu une chute des données transmises durant la semaine du 21 octobre 2019 (les flux reprenant à l'identique la semaine suivante). 44. Outre qu'ils sont insuffisants à caractériser l'existence d'un préjudice matériel, ces éléments de preuve sont sans rapport avec la mesure de blocage d'octobre 2018. Il y a donc lieu de rejeter les demandes de dommages et intérêts qui ne sont formées qu'à titre de réparation des préjudices résultant de ce seul fait d'octobre 2018 et qui ne sont justifiées que par ceux-ci. 45. En revanche, l'existence d'un préjudice moral résultant du procédé utilisé est établie et sera réparé par la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et les mesures de publication du jugement demandées. IV . Sur les autres demandes 46. La société Equasens, qui succombe, est condamnée aux dépens de l'instance et l'équité justifie de la condamner à payer à la société Apodis la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.La nature et l'ancienneté de l'affaire justifient de prononcer l'exécution provisoire du jugement, sauf s'agissant des mesures de publication. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Interdit à la société Equasens de commettre ou participer à la commission de tout acte, de quelque nature que ce soit, ayant pour effet d'entraver ou de fausser le transfert de données traitées par une officine vers la société Apodis, lorsque ladite officine y a consenti, sous astreinte de 3.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant 180 jours ; Condamne la société Equasens à payer à la société Apodis la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ; Ordonne la publication du jugement à intervenir dans trois médias de presse écrite dédiés aux pharmaciens, aux frais de la société Equasens dans la limite de 4.000 euros par publication ; Condamne la société Equasens aux dépens de l'instance ; Condamne la société Equasens à payer à la société Apodis la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Ordonne l'exécution provisoire sauf s'agissant de la publication du jugement. Fait et jugé à Paris le 22 Décembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130310 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130310.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 1 décembre 2023, 21/10657 | 2023-12-01 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/10657 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/10657No Portalis 352J-W-B7F-CVBWH No MINUTE : Assignation du :11 Juin 2021 JUGEMENT rendu le 01 Décembre 2023 DEMANDERESSES S.A.S. NOIR[Adresse 11][Localité 9] représentée par Maître Yann GASNIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0470 DÉFENDERESSES Société [F] SPA[Adresse 6][Localité 4] (ITALIE) Société [F] SA[Adresse 5][Localité 2] (LUXEMBOURG) S.A.S.U [F] RETAIL FRANCE[Adresse 3][Localité 8] représentée par Maître Pascal BECKER de la SELARL ipSO, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0052 INTERVENANTE VOLONTAIRE S.A.S.U. FR STUDIO[Adresse 7][Localité 10] Copies délivrées le : - Maître GASNIER #C470 (ccc)- Maître BECKER #L52 (exécutoire)représentée par Maître Yann GASNIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0470COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 29 Septembre 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 01 Décembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise àd isposition au greffe Contradictoireen premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société Noir est une société créée par M. [H] [Y] en 2014 qui conçoit et réalise des campagnes publicitaires. Elle expose avoir répondu à un appel d'offres de la société [S] [I], en octobre 2018, avec un projet créatif élaboré avec la société Fr Studio et déposé par celle-ci sous enveloppe Soleau auprès de l'INPI le 28 août 2018. 2. Ce projet comportait un dossier de 38 pages reposant sur "les 4 lettres iconiques du nom [I] déclinées dans un manifeste sous forme d'acrostiches" lues verticalement "comme langage poétique, ludique, simple et visuel à échanger sous le hashtag #[012]iku", en français (Demain Imagine On Rêve) et en anglais (Dream Is Our Religion) comme dans les exemples ci-dessous. Il n'a pas été retenu. 3. La société Noir a fait constater par huissier de justice des images de la campagne publicitaire en ligne de [F] "Resort 2020" le 23 avril 2020 et des images du compte Instagram [Courriel 1]; le 19 mai 2020, faisant apparaître des pages du type suivant. 4. Estimant que cette campagne reprenait "l'idée maîtresse et originale", la même déclinaison multimédia, la même stratégie créative et la même utilisation de célébrités du monde de la culture que son projet de campagne pour la maison [I], par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 juin 2020, la société Noir a mis en demeure la société [F] spa de cesser cet usage comme contrefaisant son projet précité et de l'indemniser des conséquences dommageables.En réponse, le conseil de la société [F] spa a soulevé plusieurs objections parmi lesquelles la preuve de l'exploitation non équivoque dudit projet avant même l'examen d'une prétendue contrefaçon. 5. Par actes des 11, 14 et16 juin 2021, la société Noir a assigné les sociétés [F] Spa, [F] SA et [F] retail France devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de ses droits d'auteur. 6. Par ordonnance du 13 mai 2022, le juge de la mise en état a constaté l'intervention volontaire de la société Fr Studio, désigné un huissier de justice afin de constater le contenu de l'enveloppe Soleau électronique précitée et d'en dresser procès-verbal et ordonné la production de celui-ci aux débats. 7. Dans ses dernières conclusions du 23 novembre 2022, la société Noir demande au tribunal de -faire interdiction aux défenderesses de poursuivre la publication de la campagne [F] Acronyms sur tous leurs sites, sous astreinte,- ordonner la publication de la décision à intervenir,- condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 2.500.000 euros à titre de dommages et intérêts,- les condamner aux dépens et à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 8. La société Noir soutient avoir qualité à agir en qualité d'auteure du projet déposé à l'INPI sous enveloppe Soleau par la société Fr Studio, qui lui a cédé ses droits, et en ce qu'elle a divulgué la campagne [I] sous son nom et explique diriger son action contre la société [F] Spa en qualité de propriétaire de la marque sous laquelle la campagne litigieuse a été diffusée, contre la société [F] Spa en tant que propriétaire des sites internet sur lesquels elle est diffusée et contre la société [F] Retail France comme la filiale française du groupe. 9. Elle revendique la protection par le droit d'auteur de son projet de campagne publicitaire, tel que déposé à l'INPI, dont l'originalité est constituée par "la conjugaison de l'acrostiche, des thèmes abordés de leur mise en forme originale et des moyens de communication mis en oeuvre" et l'impression d'ensemble qui s'en dégage. 10. La campagne [F] a, selon elle, copié les éléments les plus révélateurs de sa création : - le positionnement vertical des lettres de la marque en acrostiche à gauche du visuel représentant un mannequin ou un artiste illustrant le thème de l'acrostiche,- les thèmes du rêve, du rythme, du rock et de la romance,- la création d'un hashtag pourla création d'acrostiches, de sorte que la contrefaçon est caractérisée.Aux objections des défenderesses, elle oppose que :- la prétendue antériorité (Acne) est un projet non fini, non signé et non divulgué dont l'authenticité et la date ne sont pas garanties,- la campagne [F] ne fonctionne pas sur un concept d'acronyme mais bien d'acrostiche (entendu comme une poème ou une strophe où les initiales de chaque vers composent un nom ou un mot-clef) permettant de créer un langage à partir des lettres de la marque. 11. S'agissant du préjudice, elle fait valoir que l'exploitation de son projet pour une autre campagne publicitaire lui aurait procuré un gain de 2.100.000 euros (remboursement du coût de la conception de 850.000 euros, rémunération de la réalisation de la campagne de 500.000 euros et de sa production de 750.000) outre le préjudice lié à l'utilisation du concept mal compris et mal traité pour une seule saison alors qu'il était pensé sur la durée et à l'impossibilité de l'exploiter dorénavant. 12. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 16 décembre 2022, les sociétés [F] Spa, [F] SA et [F] Retail France demandent au tribunal de débouter la société Noir de ses demandes et de la condamner aux dépens et à leur payer, ensemble, la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 13. Elles indiquent n'avoir jamais eu connaissance du projet de la société Fr Studio et que M. [R] [W] a conçu la campagne de publicité de la marque [F] diffusée en 2020 et 2021, décrite dans un document du 3 mai 2019, basée sur le concept de fragmentation et dans laquelle les lettres du nom [F] sont placées verticalement comme s'il s'agissait d'un acronyme. Elles précisent que M. [W] avait, déjà en avril 2012, usé d'un procédé proche de celui invoqué par la demanderesse pour une campagne pour une société Acne dans laquelle les lettres de la marque étaient disloquées en acronymes, en caractères majuscules, à la verticale et à gauche des supports publicitaires, décliné avec différents mots comme dans les exemples suivants (un constat par huissier de justice du 7 octobre 2022 attestent qu'ils figurent dans un document pdf créé le 2 mai 2012). 14. Elles font valoir que les titulaires des droits d'auteur invoqués sur le projet tel que déposé dans l'enveloppe Soleau ne sont pas clairement identifiés et le projet ne peut être une oeuvre de collaboration, ayant eu lieu entre deux personnes morales, et s'analyse en une oeuvre de commande et que les pièces versées sont souvent non datées, certaines n'ayant aucun lien entre elles, de sorte qu'elle ne permettent pas d'établir une date de divulgation de l'oeuvre prétendue. 15. Sur le fond, elles dénient l'originalité du projet de la société Noir en ce que l'emploi d'acronymes construits à partir de la marque était déjà pratiqué par M. [W] en 2012 et que les thèmes du rêve, de la romance, du rythme ou du rock sont communs dans la publicité de mode. 16. A titre subsidiaire, elles contestent la contrefaçon en ce que le procédé des acronymes, utilisé dans la campagne [F] est distinct de celui des acrostiches, eux-mêmes antériorisés dès 2012.255 acronymes ont été établis, dont seulement 12 reprennent les thèmes revendiqués par les demanderesses (rythm, rock, romance, dream, rêve) traités d'une toute autre manière et les ressemblances alléguées sont inexistantes à l'examen.La déclinaison multimédia ne donne pas prise au droit d'auteur et a toujours été pratiquée par M. [W]. 17. Enfin, elles soulignent que le fait générateur du préjudice exorbitant allégué par la société Noir (l'économie d'un travail créatif important) n'est pas démontré, les réalisations de la campagne [F] étant le produit d'un processus créatif propre. 18. La société Fr Studio est intervenue volontairement à l'instance mais n'a pas conclu. 19. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023. MOTIVATION 20. L'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création et dès lors qu'elle est originale, d'un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. La propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils se sont exprimés (1re Civ., 29 novembre 2005, pourvoi no 04-12.721, Bull. 2005, I, no 458).L' article L. 111-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que "l'oeuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l'auteur ". 21. Il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les choix arbitraires et créatifs traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole.La reconnaissance de la protection par le droit d'auteur ne repose donc pas sur un examen de l'oeuvre invoquée par référence aux antériorités produites, même si celles-ci peuvent contribuer à l'appréciation de la recherche créative.L'originalité de l'oeuvre peut résulter du choix des couleurs, des dessins, des formes, des matières ou des ornements mais également, de la combinaison originale d'éléments connus. 22. Le projet contenu dans l'enveloppe Soleau le 28 août 2018 est composé de 36 pages dont 9 expliquent l'inspiration du récit que la campagne illustre et 27 sont ces illustrations construites selon une structure identique : une page de gauche comportant un slogan en forme d'acrostiche sur le mot [I] (Dream Is Our Rock/river/rifle/rose/rhapsody/rage/revolution/ride/romance) et une page de droite comportant des photographies de mannequins dans des costumes et décors très particuliers ( les exemples produits au point 2 en sont extraits) . 23. La société Noir revendique en réalité la protection par le droit d'auteur de quatre livrets (ses pièces 8 à 11) développant ces éléments tout son projet de campagne de 2018, dont l'originalité est constituée par "la conjugaison de l'acrostiche, des thèmes abordés, de leur mise en forme originale et des moyens de communication mis en oeuvre" et l'impression d'ensemble qui s'en dégage. 24. La diffusion sur plusieurs media différents ne constitue pas une oeuvre de l'esprit mais un procédé publicitaire, ne pouvant accéder à la protection par le droit d'auteur, quand bien même il serait innovant comme, ici, la création de hashtags particuliers pour permettre au public d'imaginer et publier des acrostiches. 25. Les thèmes retenus du rêve, de la romance, du rythme ou du rocher ne sont pas en eux-mêmes protégeables, seule la forme sensible des créations les illustrant pouvant l'être. 26. De la même façon, l'usage de l'acrostiche comme fil conducteur d'un récit publicitaire (ainsi décrit par la société Noir : "ce concept de campagne, particulièrement élaboré en ce qu'elle ne se limitait pas à de simples visuels, avait vocation à constituer un langage pour susciter une communication codifiée, libre et ouverte sur les réseaux sociaux") reste précisément un concept qui n'est pas protégeable par le droit d'auteur. 27. En revanche, la présentation verticale, en acrostiche, des lettres de la marque à gauche d'une photographie l'illustrant est une idée qui a pris la forme concrète suffisamment précise d'une maquette commune à plus de vingt illustrations du dossier du projet déposé sous enveloppe Soleau, telles que celles représentées à titre d'exemples au point 2 supra. 28. S'agissant de l'originalité de cette forme, la société Noir invoque la présentation verticale de l'acrostiche, à gauche de la photographie, les deux "s'inscrivant en miroir de façon constante marquant un signe de reconnaissance". 29. L'acrostiche est une figure de style, un jeu littéraire, très ancien et bien connu et la société Noir ne revendique pas l'originalité de ceux proposés dans son projet de campagne "Dream is our religion" (ou rhapsody, river, rock, rythm, etc). Le principe même de l'acrostiche est la présentation d'initiales à la verticale, et nécessairement à gauche, le sens de lecture des langues en alphabet romain étant de gauche à droite de sorte que cette présentation est inhérente au procédé.La juxtaposition d'un slogan et d'une photographie l'illustrant sur deux pages en vis-à-vis est également très courant et connu dans la communication publicitaire. 30. De même, la combinaison d'un slogan sous forme d'acrostiche et d'une photographie sur la page accolée ne produit aucun effet particulier témoignant de choix arbitraires et créatifs. Les défenderesses démontrent d'ailleurs qu'il n'était pas inédit en publicité de pratiquer l'acrostiche, ainsi qu'il ressort de leur pièce no31, partiellement reproduite au point 13 supra. 31. La société Noir ne caractérise donc pas l'originalité de l'oeuvre ayant pris une forme concrète précise. 32. Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble de ses demandes, toutes fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur. 33. La société Noir, qui succombe, est condamnée aux dépens de l'instance.L'équité justifie de la condamner à payer aux défenderesses, ensemble, la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Déboute la société Noir de l'ensemble de ses demandes ; Condamne la société Noir aux dépens de l'instance ; Condamne la société Noir à payer aux sociétés [F] Spa, [F] SA et [F] retail France, ensemble, la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 01 Décembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130311 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130311.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 15 décembre 2023, 22/08239 | 2023-12-15 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/08239 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/08239No Portalis 352J-W-B7G-CXL6F No MINUTE : Assignation du :06 Juillet 2022 JUGEMENT rendu le 15 Décembre 2023 DEMANDEUR Monsieur [Y] [P][Adresse 4][Localité 3] représenté par Maître Arnaud LELLINGER de l'AARPI LLF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0112 DÉFENDEURS Monsieur [X] [B][Adresse 1][Localité 5] Société Editions Yris[Adresse 1][Localité 5] représentés par Maître Felicia MALINBAUM, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0298 et par Maître Mohamed FELOUAH, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant Copies délivrées le : - Maître LELLINGER #L112- Maître MELINBAUM #A298 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 06 Octobre 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023 JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. M. [Y] [P] se présente comme l'unique ayant-droit de [C] [V], décédé le [Date décès 2] 1994, qui est notamment l'auteur d'un roman intitulé La planète des singes, paru en 1963, qui a connu un très grand succès et a été adapté plusieurs fois au cinéma et à la télévision. 2. La société Les éditions Yris, est une société coopérative d'édition de livres, dont M. [X] [B] est directeur de collection. 3. Le 18 mars 2021, la société Les éditions Yris a publié, dans une collection nommée Les archives de la télévision, un livre intitulé La planète des singes dont l'auteur est M. [B]. 4. Après mise en demeure du 19 mai 2022 de rappeler et détruire l'ensemble des ouvrages et d'indemniser son préjudice, par actes du 6 juillet 2022, M. [P] a fait assigner la société Les éditions Yris et M. [B] devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droit d'auteur sur le titre La planète des singes et réparation de pratiques commerciales trompeuses. 5. Dans ses dernières conclusions signifiées le 29 décembre 2022, M. [P] demande au tribunal, au visa des articles L. 112-4, L. 122-4 et L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle, L. 121-1 à 3 du code de la consommation et 1240 du code civil, de :? faire interdiction aux défendeurs de fabriquer et vendre tout ouvrage reprenant le titre La planète des singes dans le mois de la décision, sous astreinte de 1.000 euros par infraction et par jour ;? ordonner la communication d'un état des stocks certifié, le retrait et la destruction des ouvrages litigieux et documents en lien direct ou indirect avec celui-ci, sous astreinte, et publication de la décision à intervenir dans 15 journaux ;? condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral, celle de 20.000 euros en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon et celle de 10.000 euros en réparation du préjudice causé la tromperie sur l'origine de l'ouvrage, le détournement et l'affaiblissement de l'oeuvre et les pratiques commerciales trompeuses ;? les condamner aux dépens et à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sous le bénéfice de l'exécution provisoire. 6. Il soutient que :- il détient les droits sur le titre de sorte que l'utilisation de celui-ci sans son autorisation constitue une contrefaçon, le risque de confusion étant indifférent ;- ce titre est original, à la date de sa création, par sa valeur conceptuelle et, ultérieurement, par sa très grande renommée issue d'un succès planétaire ;- sa reproduction à l'identique sur la couverture de l'ouvrage litigieux constitue une contrefaçon ;- le préjudice consiste dans la dévalorisation de l'oeuvre originale, les investissements substantiels qu'il devra faire pour y remédier et dans les économies d'investissement et bénéfices indus des défendeurs. 7. Dans leurs dernières conclusions du 20 décembre 2022, la société Les éditions Yris et M. [B] demandent au tribunal de débouter M. [P] de ses demandes et de le condamner aux dépens et à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 8. Ils font valoir que:- M. [P] n'a pas intérêt à agir en contrefaçon, l'ouvrage incriminé portant sur la série télévisée d'[T] [D] et non sur l'oeuvre de [C] [V] ;- aucune confusion ne peut être faite entre les deux ouvrages ;- si le titre est original, il est impossible de faire référence à l'oeuvre sans citer son titre, ce qui ne constitue pas une contrefaçon ;- aucun préjudice n'est démontré ni vraisemblable et le quantum des demandes ne repose sur aucun calcul sérieux. 9. L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2023. MOTIVATION 10. L'article L. 112-4 du code de la propriété intellectuelle dispose : "Le titre d'une oeuvre de l'esprit, dès lors qu'il présente un caractère original, est protégé comme l'oeuvre elle-même".La contrefaçon d'un titre original s'entend de la reprise des mots et formules qui le constituent pour en faire la locution distinctive sous laquelle une autre oeuvre sera divulguée (1re Civ., 19 février 2002, pourvoi no 00-12.151, Bull. civ. 2002, I, no62). 11. L'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée". 12. Les articles L. 121-1 à L. 121-3 du code de la consommation définissent et interdisent les pratiques commerciales déloyales et trompeuses à l'égard des consommateurs, interdites en ce qu'elles sont "contraires aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elles altèrent ou sont susceptibles d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif, à l'égard d'un bien ou d'un service".La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité édicté par l'article 1240 du code civil, consiste dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires.La création d'un risque de confusion avec un bien d'un concurrent est une pratique commerciale déloyale vis-à-vis du consommateur susceptible de l'induire en erreur et, par conséquent, un acte de concurrence déloyale à l'égard du concurrent. 13. L'originalité du titre La planète des singes n'est pas discutée, pas plus que la titularité des droits patrimoniaux d'auteur de M. [P]. 14. Le livre écrit par M. [B] et édité par la société Les éditions Yris est un inventaire illustré et commenté des adaptations au cinéma et à la télévision de l'oeuvre de [C] [V], et porte un titre identique à cette oeuvre. Contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, il ne s'agit pas d'une référence nécessaire à l'oeuvre de [C] [V], qui n'est pas le sujet du livre, mais bien de la désignation de l'oeuvre de M. [B].Il constitue donc une contrefaçon du titre protégé par le droit d'auteur, quand bien même l'ouvrage litigieux n'est pas un roman. 15. Il y a donc lieu de faire droit aux mesures d'interdiction de vente pour l'avenir ainsi que de rappel et destruction des ouvrages contrefaisant ce titre et d'accès à l'information sur les stocks existant. En revanche, les demandes de prononcé d'astreinte n'apparaissent pas justifiées par les circonstances. 16. Quoiqu'interpellé sur ce point par les écritures adverses, le demandeur ne précise pas les références ni le mode de calcul des sommes forfaitaires demandées à titre de réparation de son gain manqué - alors que plusieurs livres en vente en France portent le titre litigieux -, ni des économies d'investissement qu'il estime réalisées par les défendeurs. De son côté, la société Les éditions Yris ne justifie aucunement des tirages, ni des stocks de l'ouvrage litigieux, qu'elle qualifie de minimes. Les défendeurs ayant échappé au paiement d'une redevance en faisant usage de ce titre sans autorisation, ils ont tiré un bénéfice de l'atteinte aux droits de M. [P].Dès lors, eu égard à la durée brève de l'exploitation et aux mesures de retrait ordonnées, le tribunal retient un préjudice économique résultant de l'usage sans autorisation du titre qu'il fixe à 1.500 euros 17. S'agissant du préjudice moral, M. [P] invoque le fait que l'ouvrage, de piètre qualité, fait l'étude des adaptations audiovisuelles au détriment de l'oeuvre littéraire de [C] [V], galvaude cette oeuvre, la dilue et est susceptible de ternir l'image de l'auteur. 18. Or, l'examen du livre de M. [B] ne corrobore pas l'affirmation brute selon laquelle il serait de piètre qualité. Par ailleurs, rien ne permet de retenir que ce livre aurait pu contribuer à galvauder ou à diluer l'oeuvre littéraire originale de [C] [V], au contraire des très nombreuses adaptations de celle-ci, d'ambition artistique très variable, que l'auteur ou ses ayant-droits ont autorisées.Le préjudice moral du titulaire des droits d'auteur n'est donc aucunement démontré et la demande d'indemnisation à ce titre est rejetée. 19. S'agissant des faits de concurrence déloyale, M. [P] reproche à l'ouvrage litigieux de créer une confusion avec l'oeuvre originale de [C] [V], "dont elle reprend allègrement les éléments emblématiques". Or, ces éléments se résument à des photographies tirées d'une adaptation au cinéma de La planète des singes, qui ne sont aucunement emblématiques de l'oeuvre de [C] [V] et sont bien différents de l'illustration du livre litigieux.De plus, il est fait grief de ce que celui-ci serait présenté de sorte que le lecteur pourrait l'acheter en le prenant pour l'original. Or, le simple examen du livre montre immédiatement qu'il ne s'agit pas d'un roman et le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif ne peut confondre les deux oeuvres. 20. Aucune pratique commerciale trompeuse ou création d'une confusion n'étant établie, il y a lieu de rejeter la demande fondée sur la concurrence déloyale. 21. La société Les éditions Yris et M. [B], qui succombent, sont condamnés aux dépens de l'instance et l'équité justifie de les condamner à payer à M. [P] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Interdit à la société Les éditions Yris et à M. [X] [B] de fabriquer, faire fabriquer, offrir à la vente et vendre tout ouvrage intitulé La planète des singes, dans le mois de la signification du jugement à intervenir ; Ordonne à la société Les éditions Yris de communiquer à M. [Y] [P] un état certifié par un comptable des stocks de l'ouvrage La planète des singes, de le retirer des stocks et circuits de distribution et d'en détruire l'intégralité à ses frais ; Rejette la demande de publication ; Condamne in solidum la société Les éditions Yris et M. [X] [B] à payer à M. [Y] [P] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon du titre La planète des singes ; Rejette les demandes fondées sur le préjudice moral et la concurrence déloyale ; Condamne in solidum la société Les éditions Yris et M. [B] aux dépens de l'instance qui pourront être recouvrés directement par Me Arnaud Lellinger dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne in solidum la société Les éditions Yris et M. [B] à payer à M. [Y] [P] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 15 Décembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130312 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130312.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 15 décembre 2023, 21/00807 | 2023-12-15 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/00807 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/00807No Portalis 352J-W-B7F-CTT2V No MINUTE : Assignation du :11 Janvier 2021 JUGEMENT rendu le 15 Décembre 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. GROUPE [T] [H][Adresse 3][Localité 4] représentée par Maître Roland PEREZ de la SELEURL GOZLAN PEREZ ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0310 DÉFENDERESSES S.A. PROMECO[Adresse 8],[Localité 5] (BELGIQUE) S.A.S. CAFOM DISTRIBUTION[Adresse 6][Localité 7] représentées par Maître Claire POIRSON de la SELARLU FIRSH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2137 Copies délivrées le :- Maître PEREZ #P310 (exécutoire)- Maître POIRSON #C2137 (ccc)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 15 Septembre 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2023 puis prorogé en dernier lieu au 15 Décembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La SARL Groupe [T] [H], dont l'activité est le conseil et la communication dans le domaine culinaire et dont le gérant, M. [H], est un chef cuisinier réputé, est titulaire de la marque verbale française [T] [H], déposée à l'INPI le 4 juin 2004 sous le numéro 04 3 295 699, régulièrement renouvelée depuis, pour des produits et services des classes 7, 8, 9, 11, 16, 20, 21, 24, 29, 30, 32, 33, 35, 38, 41 et 43. 2. La société Promeco est une société de droit belge spécialisée dans l'organisation d'opérations de promotion commerciale et de distribution de produits, notamment dans des chaînes de supermarchés. 3. La SAS Cafom distribution a pour activité la vente au détail d'articles ménagers et d'équipement de la maison. 4. Les 20 mars 2015, 4 février 2016 et 15 mars 2017, la société Groupe [T] [H] et la société Promeco ont conclu plusieurs contrats de licence de la marque [T] [H], de prestation de services et de cession des droits de la personnalité de M. [H] pour la fabrication et la distribution d'ustensiles de cuisine et de cuisson portant la marque [T] [H] au sein du réseau de distribution Carrefour et sur le site internet <vente-privée.com>.Le contrat de licence de la marque du 20 mars 2015 prévoyait une faculté de revente des invendus dans certaines conditions et jusqu'au 15 juillet 2016 ; le contrat du 4 février 2016 fixait la limite au 31 décembre 2017. 5. Le 23 juillet 2018, les parties ont conclu un protocole transactionnel pour mettre fin aux litiges nés de l'exécution des contrats précités. Aux termes de cette transaction, la société Groupe [T] [H] a autorisé la société Promeco à vendre les produits marqués [T] [H] invendus avant le 30 juin 2020 et dans certaines conditions, et la société Promeco s'est engagée à payer à la société Groupe [T] [H] la somme de 265.000 euros. 6. Ayant constaté que des produits étaient commercialisés sous sa marque au-delà de cette date par un distributeur non autorisé (la société Cafom Distribution), la société Groupe [T] [H] a fait réaliser deux saisies contrefaçons le 18 décembre 2020 au siège de la société Cafom Distribution et dans l'un de ses points de vente à [Localité 9]. 7. Par acte du 11 janvier 2021, la société Groupe [T] [H] a fait assigner les sociétés Promeco et Cafom Distribution en contrefaçon de marque et réparation des dommages causés. 8. Par ordonnance du juge de la mise en état du 9 avril 2021, un médiateur a été désigné mais aucun accord n'est intervenu. 9. Dans ses dernières conclusions du 12 octobre 2022, la société Groupe [T] [H] demande au tribunal de : À titre principal,- condamner solidairement les sociétés défenderesses à lui payer la somme de 380.267,40 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 250.000 euros en réparation de son préjudice moral résultant de la contrefaçon de la marque [T] [H] ; - condamner solidairement les sociétés défenderesses à lui payer la somme de 150.000 euros en réparation des préjudices résultant des actes distincts de parasitisme ;- ordonner la confiscation et la restitution de la totalité des stocks, sous astreinte ; À titre subsidiaire,- condamner la société Promeco à lui payer la somme de 102.000 euros en réparation de son préjudice résultant des manquements à l'exécution du contrat du 23 juillet 2018 ; - condamner la société Cafom distribution à lui payer la somme de 150.000 euros en réparation des préjudices résultant des actes distincts de parasitisme ; En tout état de cause,- condamner solidairement les sociétés défenderesses aux dépens et à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les frais de constats d'huissier et de saisie-contrefaçon.10. Dans leurs dernières conclusions du 4 janvier 2023, les sociétés Promeco et Cafom distribution demandent au tribunal de :- rejeter l'ensemble des demandes de la société Groupe [T] [H], - prononcer l'épuisement des droits de la société Groupe [T] [H] sur la marque [T] [H] pour les produits litigieux,- condamner la société Groupe [T] [H] à leur payer la somme de 50.000 euros à chacune à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, aux dépens et à leur payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 11. L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2023. MOTIVATION I . Sur la contrefaçon de la marque [T] [H] 12. La société Groupe [T] [H] soutient à titre principal que :- le protocole du 23 juillet 2018 est un contrat de licence de marque, en ce qu'il donne l'autorisation à la société Promeco d'exploiter la marque [T] [H], dont un extrait du registre INPI est annexé, et de l'apposer sur une gamme de produits commercialisés moyennant redevance, dans un temps limité, et qui s'inscrit dans la continuité du contrat de licence du 4 février 2016 ;- il incombe à la société Promeco de démontrer qu'elle a vendu le stock à la société Cafom distribution avant le 30 juin 2020, date d'expiration de la licence, ce qu'elle ne fait pas, la valeur probatoire du courriel envoyé par Iphone le 28 octobre 2019 étant douteuse et ne suffisant pas à prouver l'accord de société Cafom distribution sur la chose et le prix à cette date ;- le non respect de la durée du contrat de licence par la société Promeco fait obstacle à l'épuisement des droits du titulaire de la marque (CJUE, 23 avril 2009, C-59/08, Copad) ;- ses droits sur la marque n'étant pas épuisés, elle est bien fondée à agir contre les deux défenderesses en contrefaçon pour avoir vendu les produits marqués après la date de fin du contrat sans autorisation ; - la société Promeco a vendu, après le 30 juin 2020, à la seule société Cafom Distribution 77921 produits pour un montant de 380.267,40 euros, ce qui constitue au minimum le montant de son préjudice financier car elle n'a rien perçu "des sommes auxquelles elle était pourtant légitime de prétendre" à ce titre ; - elle a subi un préjudice moral du fait de l'atteinte à l'image de sa marque du fait des conditions de revente des produits ayant conduit à leur avilissement. - au 6 octobre 2020, la société Promeco disposait encore de 61800 produits de la marque, tout ustensile de cuisine confondus qui doivent être confisqués et lui être remis. 13. Les sociétés Promeco et Cafom distribution font valoir que :- la société Promeco a rempli ses obligations au titre du protocole transactionnel dans les délais, ayant vendu le stock résiduel à la société Cafom distribution le 28 octobre 2019, payé la somme de 265.000 euros à la société Groupe [T] [H] et transmis les état de stock annuels ;- les droits de la société Groupe [T] [H] sur la marque litigieuse ont été épuisés (ce que la société Groupe [T] [H] admettait dans son assignation puisqu'elle se bornait à opposer un motif légitime à la commercialisation dans des conditions susceptibles de nuire à sa réputation) pour ces produits à partir du moment où elle a expressément autorisé la société Promeco à vendre, sur le marché de l'Union européenne dès 2015, tous les produits listés dans l'inventaire annexé au protocole, qui sont ceux apparaissant dans les procès-verbaux de saisie-contrefaçon, et où elle a réalisé la valeur économique de la marque puisque les redevances ont été payées ;- il n'existe pas de tel motif légitime en ce que la marque [T] [H] n'est pas une marque de luxe et que les conditions de vente des produits par la société Cafom distribution n'ont pas altéré les produits et ne sont pas vendus dans des conditions plus avilissantes ou à plus faible prix que sur les sites (autorisés) <showroomprive.com> er <venteprivee.com> ou dans le cadre de la campagne promotionnelle faite dans les magasins Carrefour entre le 19 janvier et le 4 avril 2021 ;- aucun produit n'a été fabriqué postérieurement ;- la réputation et la valorisation de la marque [T] [H] pour des ustensiles de cuisine ne s'est faite que sur la base du travail de la société Promeco qui les a fabriqués et commercialisés pour la première fois ;- le protocole du 23 juillet 2018 n'est pas assimilable à une licence, puisqu'il s'agit d'une transaction, qu'il ne fait pas référence à la marque verbale européenne [T] [H] no14984488 et qu'il ne comporte pas de certificat d'enregistrement de la marque mais seulement un extrait de la base de données de l'INPI ;- la société Cafom distribution n'a pas commis de contrefaçon puisqu'elle a revendu des produits marqués licitement ;- il n'existe aucun préjudice puisque le protocole du 28 juillet 2018 ne prévoyait aucune rémunération de la société Groupe [T] [H] pour les produits revendus, excédant le forfait de 265.000 euros payés et venant s'ajouter à 2.600.000 euros antérieurement versés ; - le préjudice allégué est exorbitant et l'assiette de calcul ne saurait excéder la valeur des produits mis en vente dans les magasins du [Localité 2], non agréés, soit 11.671,69 euros ;- en l'absence de renommée de la marque [T] [H], le préjudice moral d'atteinte à la marque est infondé et le montant demandé n'est aucunement justifié. 1 . Sur les faits argués de contrefaçon 14. L'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que : "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée". 15. L'article L.713-4 du code de la propriété intellectuelle, équivalent à l'article 15 de la directive 2015/2436 et à l'article 7 de la directive 2008/95, dispose que : "Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans l'Union européenne ou dans l'Espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.Le paragraphe 1 n'est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s'oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l'état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce." 16. L'article L. 714-1, alinéa 5, du même code, dans sa rédaction à la date des contrats conclus entre les parties, équivalent à l'article 25 de la directive 2015/2436 et à l'article 8 de la directive 2008/95, disposait que "les droits conférés par la marque peuvent être invoqués à l'encontre d'un licencié qui enfreint l'une des limites de sa licence en ce qui concerne sa durée. 17. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que "L'article 7, paragraphe 1, de la directive 89/104 (...) doit être interprété en ce sens que la mise dans le commerce de produits revêtus de la marque par le licencié, en méconnaissance d'une clause du contrat de licence, est faite sans le consentement du titulaire de la marque, lorsqu'il est établi que cette clause correspond à l'une de celles prévues à l'article 8, paragraphe 2, de cette directive" c'est à dire notamment sa durée (CJCE, 23 avril 2009,C-59/08, Copad). 18. Dans le cadre des contrats des 20 mars 2015 et 4 février 2016, la société Promeco a reçu licence de fabrication et de commercialisation de produits sur lesquels la marque française [T] [H] no043295699 (dont un certificat d'enregistrement était annexé) était apposée et la transaction du 23 Juillet 2018 entre les parties prolonge la licence de commercialisation de la société Promeco en France des stocks résiduels jusqu'au 30 juin 2020 et fait référence explicite à la marque (avec un extrait du registre INPI).La licence de marque - dont la validité n'est conditionnée par aucun formalisme et notamment pas à l'annexion d'un certificat d'enregistrement - était ainsi limitée dans la durée tant pour la fabrication de produits marqués que pour leur commercialisation. La société Groupe [T] [H] n'est pas fondée à interdire l'usage de la marque pour tous les produits visés par ces contrats dans les conditions qu'ils fixent. 19. Au cas présent, il n'est aucunement établi ni même vraisemblable, que la société Promeco ait fabriqué de nouveaux produits marqués [T] [H], au-delà du terme de la licence, dès lors que les invendus étaient considérables à l'issue des deux opérations promotionnelles réalisées par les parties. L'inventaire annexé au protocole du 23 juillet 2018 fait état de 141.384 produits dans les entrepôts de la société Promeco auxquels s'ajoutent ceux des entrepôts des magasins Carrefour, jamais inventoriés et l'état des ventes communiqué par la société Promeco à la société Groupe [T] [H] le 5 juillet 2019 montre qu'environ la moitié de ce stock avait été vendue à cette date. 20. Néanmoins les ventes de produits marqués ont continué après la date de fin de la licence, caractérisant un usage de la marque dans la vie des affaires pour des produits désignés à l'enregistrement de celle-ci. 21. Or, les mesures de saisie-contrefaçon ont révélé des commandes et des factures d'achat de produits marqués entre la société Promeco et la société Cafom distribution, échelonnées entre le 6 août et le 6 octobre 2020 (pièce no9 demandeur), ce qui démontre la vente de ceux-ci au-delà de la limite contractuelle du 30 juin 2020. En effet, le courriel du 28 octobre 2019 de la société Promeco à la société Cafom distribution ne suffit pas, à lui seul, à démontrer à cette date la vente de tout le stock de produits marqués en l'absence de détermination des produits sur lesquels elle portait et de leurs prix unitaires et d'accord de l'acquéreur, étant observé que les échanges entre les parties entre le 2 juillet et le 28 septembre 2020 montrent que tant les produits que leur prix étaient sujets à discussions. 22. Le licencié n'ayant pas respecté la durée du contrat, les défenderesses sont mal fondées à opposer l'exception de l'épuisement des droits sur la marque à l'action en contrefaçon. 23. La vente de produits marqués au-delà de la date du 30 juin 2020 constitue donc un acte de contrefaçon de la part de la société Promeco, comme de la part de la société Cafom distribution qui a revendu des produits eux-mêmes contrefaisants. 2 . Sur la réparation 24. En vertu de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.À titre d'alternative, et sur demande de la partie lésée, la juridiction peut allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire, supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.Ces dispositions ne dérogent pas au principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit, conformément à la directive 2004/48 sur le respect des droits de propriété intellectuelle, qui prévoit à son article 13 que les dommages et intérêts doivent être adaptés au préjudice que le titulaire du droit a réellement subi du fait de l'atteinte. Il en résulte que les différents éléments pris en compte distinctement ne constituent pas pour autant des chefs de préjudice distincts qui seraient cumulables. 25. L'article L.716-4-11 du même code dispose que : "En cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée". 26. Il résulte des factures des 7 juillet, 8 août et 6 octobre 2020 et il n'est pas discuté que la société Promeco a vendu à la société Cafom distribution 77921 produits marqués pour un montant de 380.267,40 euros constituant le chiffre d'affaires contrefaisant total de la société Promeco.S'agissant de la société Cafom distribution, il n'est fourni aucun élément sur ses propres ventes. 27. Il n'est pas contesté que la société Groupe [T] [H] n'avait pas vocation à percevoir une quelconque rémunération sur les ventes de produits invendus au-delà du montant de 265.000 euros stipulé dans le protocole du 28 juillet 2018. Elle n'a donc pas subi de préjudice financier du fait de la perte de redevances, comme elle le soutient.Si elle a pu subir un préjudice financier du fait d'une concurrence des produits contrefaisants à l'égard de ses propres ventes, elle ne forme aucune demande de ce chef. 28. S'agissant du préjudice moral résultant de l'atteinte à la marque, la société Groupe [T] [H] faisait figurer dans tous les contrats entre les parties une obligation de vendre les produits en veillant au respect du prestige de la marque, d'obtenir son agrément préalable de chaque distributeur et d'éviter les magasins qui ne seraient pas conformes à ses normes, tout particulièrement les magasins de liquidation, de stock, d'usine, déstokage et/ou discount. Le protocole du 23 juillet 2018 autorisait la vente "en France dans les enseignes Carrefour, But, Boulanger, Darty, Vente privée, le site internet Showroom privé (...), Zodio, Alinéa, Maison du monde et en Belgique dans les enseignes Carrefour" et précisait que "la présentation des produits devra respecter la notoriété de la marque et les conditions d'écoulement ne devront pas avilir la marque". 29. Les produits contrefaisants étant les mêmes que ceux dont la commercialisation était autorisée avant par la licence, l'image de la marque n'a pas été atteinte. 30. Néanmoins, ainsi que constaté par le procès-verbal de saisie contrefaçon du 22 décembre 2020, des produits marqués étaient offerts à la vente sur des cartons, présentés dans leur emballage, un exemplaire de chaque étant sorti et visible de la clientèle, dans le magasin du [Adresse 1], qui est un outlet, situé en sous-sol.Si les conditions de vente admises par la société Groupe [T] [H] dans les enseignes Carrefour ne sont guère différentes de celles observées par le commissaire de justice, il n'en demeure pas moins qu'elle tenait particulièrement à ce que les produits marqués ne soient pas vendus en magasins d'usine ou solderie.En réalisant ces ventes dans de telles conditions, les défenderesses sont à l'origine d'un préjudice moral que le tribunal fixe à la somme de 10.000 euros, eu égard aux 2000 produits de 15 références distinctes, ainsi vendus dans cet établissement. 31. Le courriel du 28 octobre 2019 précité prévoyait l'écoulement du stock de produits marqués [T] [H] avant le 31 décembre 2020 et les opérations de saisie-contrefaçon ont montré que la société Cafom distribution avait encore en stock 9104 produits parmi lesquels 7009 entrés postérieurement au 30 juin 2020.La société Promeco indique qu'elle n'a plus de produits contrefaisants en stock mais ne produit pas d'inventaire. 32. Aucune circonstance ne justifie d'ordonner la confiscation des produits invendus au profit de la société Groupe [T] [H], qui n'en a pas supporté le coût de fabrication et sur lesquels elle a réalisé la valeur de sa marque, mais il y a lieu d'ordonner leur destruction aux frais des défenderesses. La mesure d'astreinte sollicitée ne se justifie pas au regard des circonstances de l'affaire et de l'ancienneté des faits ; en revanche, le caractère irréversible de la mesure commande d'écarter l'exécution provisoire sur ce point. 33. La destruction des 7009 produits entrés en stock chez la société Cafom distribution ou ses affiliés après le 30 juin 2023 et de tous ceux encore en possession de la société Promeco sera donc ordonnée. II . Sur le parasitisme 34. La société Groupe [T] [H] soutient que les défenderesses ont également commis des actes distincts de parasitisme en vendant à bas prix, via des soldeurs, des produits marqués en profitant de la notoriété de la marque, acquise par des investissements commerciaux et publicitaires massifs depuis 2004 et elles ont désorganisé son réseau de distribution et qu'elles se sont ainsi placées dans son sillage pour tirer profit sans bourse délier de ces investissements, son travail et son savoir-faire. 35. Les sociétés Promeco et Cafom Distribution soutiennent que :- les produits marqués n'ont été jamais été fabriqués ni vendus par la société Groupe [T] [H] ;- ils ont été fabriqués pour être vendus dans le cadre d'opérations évènementielles en grandes surfaces et n'ont été vendus à leur prix "réel"que sur une période d'un mois sur un site internet dédié, minimum légal pour pouvoir les solder durant ces opérations;- les catalogues promotionnels sur les produits quasi-identiques vendus en 2021 dans des magasins Carrefour sont aux mêmes prix que ceux qu'elles pratiquent ;- la société Groupe [T] [H] n'a jamais eu d'autre réseau de distribution que celui établi par la société Promeco. Sur ce, 36. Le parasitisme, fondé sur le principe général de responsabilité civile édicté par l'article 1240 du code civil, consiste dans l'ensemble des comportements par lequel un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.Il suppose la caractérisation d'une faute en lien de causalité avec un préjudice. 37. Quoiqu'interpellée sur ce point par les écritures adverses, la société Groupe [T] [H] ne verse aucune pièce à l'appui des investissements publicitaires et commerciaux qu'elle invoque pour la vente d'ustensiles de cuisine, ni de la réalité du réseau de distribution qui aurait été désorganisé. Elle ne conteste pas plus qu'elle n'a jamais fait fabriquer ni vendre d'ustensiles de cuisine avant les contrats passés avec la société Promeco en mars 2015.S'agissant des prix de vente, si il est établi que les produits saisis étaient vendus à des prix inférieurs à ceux pratiqués dans les enseignes Carrefour, les contrats entre les parties ne prévoyaient aucune disposition sur un prix minimum de revente. 38. De plus, la société Groupe [T] [H] n'invoque aucun autre fait distinct de la vente de produits au-delà de la date limite de la licence accordée à cet effet. 39. Il y a donc lieu de rejeter la demande fondée sur les actes de parasitisme III . Sur la demande reconventionnelle 40. Les défenderesses soutiennent que la demande en justice est abusive, en ce qu'elle constitue un détournement du droit d'agir pour purger le marché des produits avant une nouvelle opération promotionnelle dans les magasins Carrefour, et que les opérations de saisie-contrefaçon se sont déroulées dans des circonstances dommageables et disproportionnées. 41. La société Groupe [T] [H] ne conclut pas sur cette demande. Sur ce, 42. L'article 32-1 du code de procédure civile prévoit que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés sur le fondement de l'article 1240 du même code. 43. Le droit d'agir en justice dégénère en abus lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action ou un moyen que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 44. La demande de la société Groupe [T] [H] sur le principe de la contrefaçon et l'existence d'un préjudice est accueillie et aucune des circonstances précitée n'est présentee. 45. La demande de réparation pour procédure abusive est donc rejetée. IV . Sur les autres demandes 46. La société Promeco et la société Cafom Distribution, qui succombent, sont condamnées aux dépens de l'instance et à payer à la société Groupe [T] [H] la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Condamne in solidum la société Promeco et la société Cafom distribution à payer à la société Groupe [T] [H] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la contrefaçon de sa marque française [T] [H] numéro 04 3 295 699 ; Rejette les demandes de la société Groupe [T] [H] fondée sur des actes distincts de parasitisme ; Ordonne la destruction des 7009 produits entrés en stock chez la société Cafom distribution après le 30 juin 2023, soit entre ses mains, soit auprès de distributeurs affiliés, et de tous ceux encore en possession de la société Promeco aux frais des défenderesses ; Rejette les demandes reconventionnelles des sociétés Promeco et Cafom Distribution ; Condamne in solidum la société Promeco et la société Cafom distribution aux dépens de l'instance ; Condamne in solidum la société Promeco et la société Cafom distribution à payer à la société Groupe [T] [H] la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 15 Décembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130313 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130313.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 6 décembre 2023, 20/12635 | 2023-12-06 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/12635 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 20/12635 - No Portalis 352J-W-B7E-CTMKM No MINUTE : Assignation du :30 novembre 2020 JUGEMENT rendu le 06 Décembre 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. CINE-MAG BODARD[Adresse 1][Localité 3] représentée par Maître Henri LARMARAUD de la SARL PGEE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C1511 DÉFENDERESSES Société NETFLIX INC[Adresse 2][Adresse 2][Localité 4] (ETATS-UNIS D'AMERIQUE) Société NETFLIX INTERNATIONAL BVKarperstraat 8-101075 KZ AMSTERDAM (PAYS BAS) Société HOUSE OF TOMORROW LIMITED intervenante volontaireShepherds Building Central[Adresse 5][Localité 6] (ROYAUME UNI) représentées par Maître Clara STEINITZ de la SELARL TALIENS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D0320 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointAnne BOUTRON, vice-présidenteLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DEBATS A l'audience du 21 septembre 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 06 décembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société Ciné-Mag Bodard (ci-après dénommée «Ciné Mag ») est une société de production audiovisuelle qui se présente comme étant titulaire des droits d'auteur du film intitulé «L'Unique » sorti en salle le 26 février 1986, réalisé par [A] [B] et scénarisé notamment par [K] [S]. 2. La plateforme Netflix est une plateforme de streaming exploitée par la société américaine Netflix Inc. (dénommée ci-après « Netflix Inc.») et qui propose à ses abonnés dans plus de 190 pays un catalogue de films et séries à voir à la demande. La distribution des séries Netflix est assurée pour la zone Europe et donc pour la France par la filiale néerlandaise, Netflix International BV (dénommée ci-après « Netflix BV »). 3. La société britannique House of Tomorrow Limited (ci-après dénommée «House of Tomorrow ») se présente comme étant spécialisée dans la production d'oeuvres télévisées de fiction et de comédie et avoir été mandatée par les sociétés Netflix pour la production de la cinquième saison de la série "Black Mirror". 4. La société Ciné-Mag expose avoir constaté que le troisième épisode de la cinquième saison de la série « Black Mirror », intitulé « Rachel, Jack et Ashley aussi » et diffusé depuis le 5 juin 2019 sur la plateforme Netflix, contient des éléments qu'elle estime identiques ou très similaires au film «L'Unique ». 5. Par courriers recommandés de son conseil des 2 décembre 2019 et 3 février 2020, la société Ciné-Mag a enjoint la société Netflix Inc. de cesser toute exploitation de l'épisode « Rachel, Jack et Ashley aussi », faisant valoir le caractère contrefaisant de l'épisode, et demandé communication de divers documents qu'elle affirmait nécessaire à la fixation du montant de son préjudice. 6. Par courrier officiel de son conseil du 19 juin 2020, la société Netflix a rejeté les demandes de la société Ciné Mag, contestant tout fait de contrefaçon. 7. C'est dans ces circonstances que la société Ciné-Mag a fait assigner le 29 juin 2020 les sociétés Netflix devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon du film "l'Unique", acte non placé à la demande des sociétés Netflix qui, par courrier officiel de leur conseil du 27 octobre 2020, ont de nouveau contesté tous faits de contrefaçon. 8. La société Ciné-Mag a de nouveau fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris les sociétés Netflix par actes du 30 novembre 2020 et la société House of Tomorrow est intervenue volontairement à l'instance par conclusions du 3 mars 2021. 9. L'instruction de l'affaire a été clôturée par une ordonnance du 10 novembre 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 21 septembre 2023. Prétentions des parties 10. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2022, la société Ciné-Mag demande au tribunal de : Condamner les sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow pour : - actes de contrefaçon constitués par la reproduction du personnage principal et des personnages secondaires, d'une partie importante de l'intrigue, de la totalité de la trame et du dénouement du film « L'Unique » de 1986 dans l'épisode de la série « Black Mirror » intitulé « Rachel, Jack et Ashley aussi » tel que décrit ci-avant ; - l'exploitation et la distribution de cet épisode contrefaisant en France et dans le monde entier ; - Condamner les sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow à réparer le préjudice subi par la société Ciné-Mag au titre de la contrefaçon de ses droits de propriété intellectuelle et d'exploitation pour un montant de 1.1 million d'euros pour la perte subie, et une indemnité forfaitaire de 60 000 euros a minima pour le gain manqué ; - Condamner les sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow, à réparer le préjudice subi par la société Ciné-Mag au titre de son préjudice moral, à hauteur de 70 000 euros ; - Subsidiairement, au cas où il ne serait pas fait droit aux demandes ci-dessus, condamner les sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow, à réparer le préjudice subi par la société Ciné-Mag au titre d'acte de parasitisme et/ou de concurrence déloyale, à hauteur de 1 500 000 euros ; En tout état de cause, - Condamner les sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow aux publications de la décision qui sera rendue par le tribunal de céans si elle est favorable au demandeur au sein de cinq revues internationales spécialisées dont Variety, Screen international, Hollywood Reporter, en langue française ou anglaise selon la revue, sans que le coût de cette publication ne dépasse 12 000 euros par publication et sur la page d'accueil des sites internet de chaque intimé pendant 90 jours ; - Ordonner aux sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow d'intégrer, sous réserve des droits des auteurs, au sein des génériques de début et de fin de l'épisode litigieux de « Black irror », un carton de quatre secondes, précédant les mentions et qualité des producteurs et de toute personne citée au générique et dans des caractères identiques : « D'après le film « l'Unique » produit par Ciné-Mag, réalisé par [A] [B], sur des scénarios d' [W] [T], [A] [B], [M] [R] et [K] [S] » - Condamner les sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow à verser à la société Ciné Mag au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 70 000 euros pour le fond, et à 3000 euros supplémentaire chacune au titre de l'incident, ainsi que les entiers dépens dont les frais d'assignation, de traduction, de signification à venir de la décision du tribunal judiciaire et de son exécution ; - Ordonner l'exécution provisoire de droit. 11. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 septembre 2022, les sociétés Netflix et Netflix BV demandent au tribunal de : - Donner acte, dans son jugement, du visionnage par le Tribunal du film « L'Unique » et de l'épisode « Rachel, Jack and Ashley Too » de la série « Black Mirror » ; ( ?) - Juger que le film « L'Unique » est inaccessible, rendant toute contrefaçon de cette oeuvre impossible ; A titre subsidiaire : - Juger qu'il n'existe aucune similitude pertinente entre le film « L'Unique » et l'épisode « Rachel, Jack and Ashley Too » de la série « Black Mirror » ; Par conséquent : - Juger que l'épisode « Rachel, Jack and Ashley Too » de la série « Black Mirror » ne constitue pas une contrefaçon du film « L'Unique » ; - Juger que la société Ciné-Mag n'a subi aucun préjudice qui résulterait de la contrefaçon du film L'Unique, d'acte de parasitisme ou d'acte de concurrence déloyale de la part des sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow ; A titre encore plus subsidiaire, si le tribunal entrait en voie de condamnation : - Dire que le préjudice patrimonial de la société Ciné-Mag doit être porté à de plus justes proportions, dont la réparation ne saurait excéder 1 000 euros ;- Rejeter les demandes de la société Ciné-Mag de réparation de son préjudice moral, de son préjudice au titre du parasitisme et de la concurrence déloyale, et de publication ; En tout état de cause : - Débouter la société Ciné-Mag de l'ensemble de ses demandes ;- Condamner la société Ciné-Mag à payer aux sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow, la somme de 65 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société Ciné-Mag aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Clara Steinitz, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. MOTIVATION Sur la demande principale en contrefaçon de droit d'auteur Moyen des parties 12. La société Ciné-Mag revendique un droit d'auteur sur le film « l'Unique » dont l'originalité se caractérise selon elle par la combinaison de choix opérés pour le scénario et le message qu'il véhicule, en particulier au regard du choix de remplacer un personnage réel célèbre par son hologramme digital, ainsi que pour les caractéristiques physiques et psychologiques des personnages principaux et secondaires. Elle soutient qu'en raison des nombreuses ressemblances avec le film "l'Unique" et la reprise de ses caractéristiques dont la combinaison est originale, l'épisode « Rachel, Jack and Ashley Too » de la série « Black Mirror » constitue une contrefaçon. 13. Elle conteste que les similtudes relevées puissent procéder d'une rencontre fortuite dès lors que:- en leur qualité de professionnels, les auteur, réalisateur et producteur de l'épisode litigieux ont nécessairement une culture cinématographique qui s'étend à l'international;- ils ont pu avoir connaissance du film par la filmographie du scénariste du film, [V] [U] [S], et de ses acteurs principaux, [H] [P] et [F] [Z], qui jouissent d'une notoriété internationale; - le film est célèbre pour avoir été le premier film en France à utiliser des hologrammes et a été présenté en avant-première du 5ème forum international des nouvelles images dénommé "imagina" qui a eu lieu du 4 au 8 février 1986;- le film est disponible sur FilmoTV qui peut être accessible depuis l'étranger par le biais d'un lien de déblocage;- une bande annonce du film de 9 minutes et comprenant les éléments clés du film est diffusée sur Youtube depuis 2013;- un entretien, présentant des éléments clés du film, avec le réalisateur [A] [B] et l'acteur [H] [P] est diffusé sur Youtube depuis 2014 ; - le synopsys est accessible sur de nombreux sites internet et en anglais. 14. Les sociétés Netflix et House of Tomorrow, qui ne contestent pas le caractère original du film l'Unique, opposent la rencontre fortuite, au motif que:- l'oeuvre était inacessible aux créateurs de l'épisode, aucun n'étant basé en France;- le film n'est sorti qu'en France, le 26 février 1986;- le film n'est pas disponible à la vente en format DVD, Blu-ray, vidéocassette ou tout autre support matériel, et notamment sur les sites de vente de biens culturels Amazon, La Fnac, Cultura, Cdiscount, ou encore sur la plateforme « Shopping » de Google;- il n'est pas non plus disponible sur des plateformes de streaming ou de téléchargement, et notamment sur Netflix, MyCanal ou Prime Vidéo;- seul un site de streaming français isolé, dénommé « Filmo TV » (https ://www.filmotv.fr/), propose le visionnage du film, service cependant exclusivement réservé aux personnes physiques résidant sur le territoire français. 15. Subsidiairement, elles soutiennent que ledit épisode ne reproduit pas la combinaison originale des caractéristiques revendiquées et que les similitudes invoquées sont soit inexistentes, soit banales et accessoires. Réponse du tribunal 16. En application de l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. 17. Aux termes de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. 18. L'article L.112-2 6o du code de la propriété intellectuelle dispose que sont considérées notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du présent code, les oeuvres cinématographiques et autres oeuvres consistant dans des séquences animées d'images, sonorisées ou non, dénommées ensemble oeuvres audiovisuelles. 19. Il en résulte que la protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d' auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole.20. Selon l'article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle, l' auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. 21. De la même manière, selon l'article L.122-1 du même code, le droit d'exploitation appartenant à l' auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. 22. L'article L.122-4 du même code prévoit quant à lui que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. 23. La contrefaçon s'apprécie au regard des ressemblances et non par les différences (Cass. Civ. 1ère, 4 février 1992, no90-21.630 ; Cass. Civ. 1ère, 2 octobre 2013, no 12-25.941; Cass. Civ. 1ère, 30 septembre 2015, pourvoi no14-19.105). 24. La contrefaçon ne peut être écartée que lorsque celui qui la conteste démontre que les similitudes existant entre les deux oeuvres procèdent d'une rencontre fortuite ou de réminiscences issues d'une source d'inspiration commune (Cass. 1 civ., 16 mai 2006, no 05-11.780; Cass. Civ. 1ère, 5 octobre 2022, no20-23.629). Présentation de l'oeuvre 25. En l'occurrence, l'oeuvre pour laquelle la protection par le droit d'auteur est revendiquée est une oeuvre cinématographique française intitulée « L'Unique », sortie en salle le 26 février 1986, d'une durée d'1h25, réalisée par [A] [B] et scénarisée notamment par [K] [S]. 26. La société Ciné-Mag résume le scenario comme suit: "Michel ([H] [P]), un pirate électronique qui vit de rapines dans les maisons de disques, découvre que son ancienne compagne, devenue une chanteuse célèbre de rock ([F] [Z]), est en train, au sens propre du mot, de se faire "doubler". Le savant Colewsky ([L] [Y]) met au point un procédé de « clonage holographique », un hologramme, qui permet de reproduire l'image tridimensionnelle animée des êtres vivants. Ces travaux de recherche, menés dans le plus grand secret avec l'appui du producteur Vox ([D] [J]), manager de la chanteuse, et en l'absence du consentement de celle-ci débouchent sur la création du clone virtuel de la chanteuse. Le manager compte se passer de la chanteuse réelle, sujette à des caprices et moments de dépression, en lui substituant son clone parfait pour la remplacer lors des apparitions à la télévision comme à la scène. La chanteuse est enlevée alors qu'elle tente de fuir après avoir exprimé son refus de participer à ce clonage holographique, et endormie sous la contrainte. Mais Michel, et son fils, vont interrompre cet échantillonnage curieux en intervenant pour la libérer puis interrompre un concert où l'hologramme remplace la chanteuse, mettant en public fin, à l'expérience, ce qui est la fin du film." 27. L'originalité de l'oeuvre n'est pas contestée par les sociétés en défense et la société Ciné-Mag revendique comme originale la combinaison des caractéristiques suivantes:- l'introduction de l'hologramme dans un film, ce qu'aucun film français n'avait encore fait;- le choix d'une chanteuse dépressive pour incarner un personnage public destiné à être remplacé par un hologramme ;- le but dans lequel l'hologramme est utilisé: reproduire l'image et la voix de la chanteuse pour la remplacer, contre son gré;- le message délivré derrière le scénario: dénonciation de l'importance des risques de l'abus dans l'utilisation d'un hologramme dans la carrière d'une chanteuse et le remplacement de sa personne contre sa volonté;- les caractères physiques et psychologiques des personnages principaux et secondaires (la chanteuse svelte et dépressive, son manager avide d'argent, l'ex-compagnon de la chanteuse et son enfant de 7/8 ans, doués en informatique);- la trame du récit: une intrigue se déroulant dans le présent avec des dérives futuristes plausibles; le conflit entre la chanteuse et son manager; les moyens utilisés pour créer un hologramme de la chanteuse sans son consentement et retenue prisonnière par son manager; la création de l'hologramme pour se débarasser de l'artiste ; le piratage des ordinateurs; la présentation de l'hologramme sur scène; la démultiplication de l'hologramme; le fonctionnement de l'hologramme; le dénouement dans lequel la chanteuse est libérée. Sur la rencontre fortuite 28. Il est constant que l'épisode litigieux a été réalisé par [O] [E], de nationalité norvégienne, d'après un scénario de [N] [I], de nationalité anglaise et produit par la société anglaise House of Tomorrow sur commande des sociétés belges et américaines Netflix. 29. Il ressort des pièces versées aux débats (pièce no8.1 de la demanderesse et pièces noF-8 et F-12de la défenderesse) et en particulier du procès-verbal de constat établi le 26 mars 2020 à la requête de la société House of Tomorrow que le film l'Unique est un film français qui n'est sorti en salle qu'en France, le 26 février 1986 - soit 33 ans avant la diffusion de l'épisode litigieux le 5 juin 2019, qu'il n'a jamais été distribué sur des supports CD ou DVD ou tout autre support matériel permettant sa diffusion hors de France et qu'il n'a été diffusé que sur une seule plateforme de streaming, la plateforme FilmoTV, l'ensemble de ces faits n'étant d'ailleurs pas contesté par la société Ciné-Mag. 30. Or la plateforme FilmoTV n'est pas licitement accessible depuis l'étranger, tel qu'il ressort du constat susvisé, la société Ciné-Mag ne pouvant sérieusement conclure à la possibilité pour les défenderesses de contourner cette interdiction par le recours à des liens de déblocage, ni invoquer à cette fin les propos du scénariste de l'épisode litigieux incitant les internautes à "pirater sur le net" pour accéder à des contenus non disponibles dans leur pays. En outre, le film apparaît comme non disponible sur cette plateforme, ce qui est d'ailleurs confirmé par la pièce Ciné Mag no50 présentant un commentaire posté il y a plusieurs années sur Youtube faisant état de l'indisponibilité du film. 31. Est ainsi établie par les défenderesses une diffusion territoriale, matérielle, linguistique et temporelle significativement restreinte du film à laquelle s'ajoute l'ancienneté de sa sortie, autants d'éléments dont il s'infère que les auteur, réalisateur et producteur de l'épisode litigieux, tous étrangers, n'ont pu raisonnablement avoir eu accès au film, de sorte que les griefs de contrefaçon élevés par la société Ciné-Mag contre les défenderesses ne sont pas fondés. 32. Les moyens opposés par la société Ciné Mag sont inopérants. En effet, d'une part, la notoriété du film à l'international ne se déduit pas, comme le laisse entendre à tort la société Ciné Mag, de la notoriété internationale de [V] [U] [S], l'un des scénaristes du film, ou de ses acteurs [H] [P] et [F] [Z], et de la mention du film dans leurs biographies respectives. Une telle notoriété internationale ne saurait pas plus résulter de la seule présentation du film en avant première au festival international Imagina alors que cette présentation a eu lieu en 1986 et que ce festival a disparu depuis 2011. Il ne peut donc être déduit de ces seuls faits une connaissance du film par les défenderesses. 33. Par ailleurs, les vidéos accessibles sur Youtube depuis 2014, présentant des séquences du film, ainsi que les pages internet présentant le synopsis du film, toutes en français, ne peuvent pallier l'absence d'accessibilité et de disponibilité du film à l'international et dans une verson traduite pour l'étranger, étant observé en outre que la société Ciné Mag n'établit pas que la combinaison des caractéristiques originales revendiquées pour bénéficier de la protection par le droit d'auteur se retrouverait dans ces vidéos et pages internet prises dans leur ensemble, se contantant d'affirmer que les éléments clés du film s'y retrouvent, alors de plus que la trame du film revendiquée comme originale ne peut être connue que par le visionnage du film dans son intégralité. 34. Il y a lieu en conséquence de rejeter la demande de la société Ciné Mag en contrefaçon de son droit d'auteur sur le film l'Unique. Sur la demande subsidiaire en parasitisme et concurrence déloyale Moyen des parties 35. La société Ciné Mag demande à titre subsidiaire la condamnation des défenderesses au paiement de 1 500 000 euros en réparation des préjudices subis des faits de parasitisme et de concurrence déloyale. Au titre du parasitisme, elle fait valoir que les défenderesses ont utilisé sans bourse déliée son travail en reprenant nombre d'éléments du film l'Unique dans l'épisode litigieux et profité du succès du film. S'agissant de la concurrence déloyale, invoquée à titre plus subsidiaire, elle fait valoir une concurrence déloyale par la création d'une oeuvre dérivée. 36. S'agissant de la demande fondée sur le parasitisme, les sociétés défenderesses opposent l'absence de faute, au motif pris de son absence de diffusion à l'étranger, affirmant en outre que l'épisode litigieux ne reprend aucun élément du film. S'agissant de la demande fondée sur la concurrence déloyale, les défenderesses concluent également au débouté au motif qu'elle est erronée en droit. Réponse du tribunal 37. Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 38. Conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. 39. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. 40. L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 10 juillet 2018, no16-23.694). 41. Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 10 juillet 2018, no16-23.694).42. En l'occurrence, la demande subsidiaire de société Ciné Mag fondée sur le parasitisme n'apparaît pas fondée dès lors qu'il n'est pas établi que les défenderesses ont eu accès au film et, partant, au travail invoqué. La notoriété alléguée du film n'est pas davantage établie, de sorte qu'il ne peut être considéré que les défenderesses ont cherché à profiter de ce travail et de cette prétendue notoriété. 43. La demande plus subsidiaire de la société Ciné Mag fondée sur la concurrence déloyale n'est pas plus fondée, aucune faute ne pouvant être reprochée aux défenderesses dès lors qu'il ressort de l'examen précédemment réalisé qu'il s'agit d'une rencontre fortuite. Par ailleurs, la demanderesse n'établit ni même n'invoque un risque de confusion, lequel est requis pour caractériser la concurrence déloyale alléguée. 44. Il convient dès lors de rejeter les demandes de la société Ciné Mag fondées à titre subsidiaire sur le parasitisme et à titre plus subsidiaire sur la concurrence déloyale. Sur les dispositions finales Sur les dépens et les frais irrépétibles 45. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 46. Selon l'article 699 du même code, les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens. 47. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 48. En l'occurrence, la société Ciné-Mag, partie perdante, sera condamnée aux dépens et l'équité commande de la condamner à payer aux sociétés Netflix et House of Tomorrow chacune la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Sur l'exécution provisoire 49. En application des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée. 50. En l'espèce, l'exécution provisoire, compatible avec la nature de l'affaire, n'a pas à être écartée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Rejette les demandes de la société Ciné Mag, fondées à titre principal sur la contrefaçon de droit d'auteur et à titre subsidiaire, sur des actes de parasitisme et plus subsidiairement de concurrence déloyale ; Condamne la société Ciné Mag aux dépens, avec droit pour Maître Clara Steinitz, avocat au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont elle a fait l'avance sans recevoir provision ; Condamne la société Ciné Mag à payer 4 000 euros à chacune des sociétés Netflix Inc., Netflix International BV et House of Tomorrow Ltd en application de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 06 décembre 2023 La greffière Le président | x |
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JURITEXT000049130314 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130314.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 22 novembre 2023, 21/08624 | 2023-11-22 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/08624 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 21/08624 - No Portalis 352J-W-B7F-CUWKH No MINUTE : Assignation du :16 juin 2021 JUGEMENT rendu le 22 novembre 2023 DEMANDERESSES S.A. EXEL INDUSTRIES[Adresse 1][Adresse 1] S.A.S. HOZELOCK EXEL[Adresse 3][Adresse 3][Adresse 3] représentées par Maître Olivier LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL GAULTIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D1104 DÉFENDERESSE S.A.S. REDER[Adresse 2][Adresse 2] représentée par Maître Cécile MOREIRA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0817 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointAnne BOUTRON, vice-présidenteLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DEBATS A l'audience du 11 mai 2023 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2023 puis prorogé au 22 novembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société par actions simplifiée (ci-après SAS) Hozelock Exel, immatriculée le 12 septembre 1957 au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Villefranche-Tarare, fait partie du groupe Exel Industries et est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de produits de jardinage destinés au grand public. 2. La société anonyme (ci-après SA) Exel Industries, immatriculée le 13 juillet 1955 au RCS de Reims est la maison mère du groupe Exel Industries et détient les portefeuilles de brevets et de marques du groupe. 3. Elle est titulaire du brevet européen EP2540162 (ci-après EP162), déposé le 27 juin 2012 sous priorité du 1er juillet 2011 et délivré le 10 juillet 2013, ayant pour objet un appareil de désherbage. 4. La SAS Reder, immatriculée le 29 janvier 1997 au RCS de Paris, se présente comme ayant pour activité principale la vente par correspondance et au détail de produits textiles et de divers équipements et produits. 5. La SAS Hozelock Exel expose fabriquer et commercialiser l'invention du brevet EP162 sous les marques Berthoud, Hozelock et Green Power depuis le début de l'année 2012. Pour ce faire, elle dit avoir conclu avec la SA Exel Industries un contrat de licence non-exclusive le 10 septembre 2014, suivi d'un contrat du 9 juin 2021. 6. Reprochant à la SAS Reder la commercialisation, sur le site internet <seado.com>, d'un appareil de désherbage portant, selon elles, atteinte au brevet EP162, les sociétés Hoselock Exel et Exel Industries l'ont mise en connaissance de cause dudit brevet, par lettre du 20 mai 2019. 7. La réponse de la SAS Reder du 5 juin 2019 demandant des précisions sur la contrefaçon alléguée ne les satisfaisant pas, les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries l'ont mise en demeure, par lettre de leur conseil du 1er juillet 2019, de cesser toute commercialisation et détention de l'appareil de désherbage litigieux, de préciser l'identité et les coordonnées du fournisseur dudit appareil et d'indiquer les quantités de produits importés, commercialisés et détenus en stock. 8. À défaut d'accord amiable avec la SAS Reder et lui reprochant de continuer à commercialiser plusieurs appareils de désherbage portant atteinte selon elles au brevet EP162 sur les sites <sedao.com> et <lhommemoderne.fr> et de profiter indument de leurs investissements de communication, les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries l'ont faite assigner devant ce tribunal en contrefaçon de brevet et en parasitisme, par acte d'huissier du 16 juin 2021. 9. L'instruction a été close par ordonnance du 15 septembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 11 mai 2023 pour être plaidée. 10. Par conclusions adressées le 23 septembre 2022 au juge de la mise en état et dans leur dernier état le 6 octobre 2022, la SAS Reder a demandé la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 15 septembre 2022 afin de pouvoir faire assigner son fournisseur en garantie et en intervention forcée. Les demanderesses s'y sont opposées par conclusions notifiées le 28 septembre 2022. 11. Par décision du 28 octobre 2022 le juge de la mise en état a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture. EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES 12. Dans leurs dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 18 mai 2022, les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries demandent au tribunal de :- déclarer la SAS Reder irrecevable à soulever une fin de non-recevoir à l'encontre des demandes de la SAS Hozelock Exel ;- déclarer en tout état de cause la SAS Reder mal fondée en sa fin de non-recevoir à l'encontre des demandes de la SAS Hozelock Exel ; l'en débouter ;- déclarer la SAS Reder mal fondée en sa demande en nullité des revendications 1, 9 et 10 du brevet EP162 pour défaut d'activité inventive ; l'en débouter ;- dire et juger que la SAS Reder s'est rendue coupable de contrefaçon des revendications 1, 9 et 10 du brevet EP162 au préjudice des sociétés Exel Industries et Hozelock Exel ;- dire et juger que la SAS Reder s'est rendue coupable de parasitisme au préjudice de la SAS Hozelock Exel ;- ordonner à la SAS Reder, de cesser la diffusion de tous documents, prospectus, catalogues, tant sur support papier que par tout autre moyen de communication, présentant les appareils de désherbage Thermo Kill, Thermo Green Électrique 3 en 1 Easymaxx, Thermo Green Électrique et Thermo Green Électrique 4 en 1, sous ces dénominations, sous ces marques, sous les références 0252948, 0249164 et 0238008 ou sous quelques autres dénominations, marques ou références que ce soit, et ce sous astreinte de 1500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit ;- faire interdiction à la SAS Reder, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit, d'importer en France les appareils de désherbage Thermo Kill, Thermo Green Électrique 3 en 1 Easymaxx, Thermo Green Électrique et Thermo Green Électrique 4 en 1, sous ces dénominations, sous ces marques, sous les références 0252948, 0249164 et 0238008 ou sous quelques autres dénominations, marques ou références que ce soit, de les détenir, de les offrir à la vente et de les vendre, l'infraction s'entendant de chaque acte d'importation, détention, offre à la vente ou vente de l'un ou l'autre de ces produits ;- ordonner le retrait du marché et la destruction, sous le contrôle de la SA Exel Industries et aux frais de la SAS Reder, de tous les appareils de désherbage respectivement dénommés, marqués ou référencés Thermo Kill 0252948, Thermo Green Électrique 3 en 1 Easymaxx 0249164, Thermo Green Électrique 0238008 et Thermo Green Électrique 4 en 1 0252948 se trouvant entre ses mains, et ce sous astreinte de 1500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit ;- faire injonction à la SAS Reder, sous astreinte de 1500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit, d'avoir produire un état certifié par son commissaire aux comptes du nombre d'appareils de désherbage respectivement dénommés, marqués ou référencés Thermo Kill 0252948, Thermo Green Électrique 3 en 1 Easymaxx 0249164, Thermo Green Électrique 0238008 et Thermo Green Électrique 4 en 1 0252948 importés et vendus en France, ainsi que du chiffre d'affaires et du bénéfice réalisés à ce titre, accompagné de l'ensemble des éléments comptables justificatifs ;- dire que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes et la fixation éventuelle de nouvelles astreintes ;- condamner la SAS Reder au paiement à la SA Exel Industries de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de l'atteinte portée à ses droits privatifs sur le brevet EP162 et de leur dévalorisation consécutive ;- dire que le tribunal statuera sur le préjudice commercial subi par la SAS Hozelock Exel au vu des pièces qui seront produites par la SAS Reder en exécution de la condamnation à production de pièces prononcée sous astreinte ;- condamner d'ores et déjà la SAS Reder au paiement à la SAS Hozelock Exel de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels du chef du préjudice commercial subi ;- condamner la SAS Reder au paiement à la SAS Hozelock Exel de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts du chef des actes de parasitisme commis ;- ordonner à la SAS Reder d'afficher le dispositif du jugement à intervenir en page d'accueil des sites <sedao.com> et <www.lhommemoderne.com>, en police Arial, en taille 12 points et avec une durée de présence à l'écran de 15 secondes, pendant une durée d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 1500 euros par jour de retard, jour d'interruption ou jour manquant ;- déclarer la SAS Reder mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ; l'en débouter ;- condamner la SAS Reder au paiement aux sociétés Exel Industries et Hozelock Exel de 50 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;- la condamner à rembourser aux sociétés Exel Industries et Hozelock Exel les honoraires, frais et dépens par elles exposés à l'occasion des opérations de constat des 11 février, 22 février et 8 mars 2021 ;- la condamner également en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Olivier Legrand conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;- dire n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir. 13. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2022, la SAS Reder demande au tribunal de :- dire et juger irrecevables et mal fondées les sociétés Exel Industries et Hozelock Exel en toutes leurs demandes, fins et prétentions dirigées à son encontre ;- prononcer la nullité des revendications 1, 9 et 10 du brevet EP162 pour défaut d'activité inventive ;- dire et juger que les sociétés Exel Industries et Hozelock Exel n'apportent pas la preuve d'une quelconque contrefaçon des revendications 1, 9 et 10 du brevet EP162 ni d'un quelconque parasitisme ni d'un quelconque préjudice ;- débouter en conséquence les société Exel Industries et Hozelock Exel de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;- condamner les sociétés Exel Industries et Hozelock Exel avec exécution provisoire, au paiement d'une somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens et frais d'instance ;- à titre infiniment subsidiaire, pour le cas où par impossible, le tribunal prononçait une condamnation à son encontre, dire et juger n'y avoir lieu à exécution provisoire. MOTIVATION 14. En préambule, la SAS Reder ne formule pas de fin de non-recevoir, selon les termes de ses dernières conclusions. Le tribunal ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispostif des dernières conclusions notifiées, par application de l'article 768 du code de procédure civile, il n'y a, dès lors, pas lieu à statuer sur la demande des sociétés Hozelock Exel et Exel Industries tendant à déclarer la SAS Reder irrecevable à soulever une fin de non-recevoir à l'encontre des demandes de la société Hozelock Exel. I - Présentation du brevet EP162 15. Le brevet EP162 décrit un "appareil, ensemble et procédé de désherbage manuel et localisé" (pièce Hozelock et Exel no6). 16. Selon le fascicule descriptif du brevet, les appareils de désherbage connus de l'art antérieur présentent l'inconvénient d'être peu économiques, peu écologiques, d'avoir un temps de chauffe relativement important ce qui est peu pratique ou ont tendance à détériorer les plantes avoisinantes par un défaut de gestion de l'air chaud (même pièce no6, § 2 à 5). 17. Le but de l'invention est de remédier à ces inconvénients "en proposant un appareil de désherbage manuel et localisé efficace et précis, pratique, respectueux de l'environnement, dont la sécurité d'utilisation est optimale et qui est économique" (même pièce no6, § 6). 18. Le brevet EP 162 comporte dix revendications. Les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries opposent à la SAS Reder les revendications 1, 9 et 10 de ce brevet, libellées comme suit :"1. Appareil de désherbage manuel et localisé comprenant un générateur thermique fixé à une canne, le générateur thermique comprenant un ventilateur et une résistance chauffante et projetant un jet d'air chaud dans un volume intérieur d'une cloche pourvue d'un bord libre pour l'appui de l'appareil sur le sol, caractérisé en ce que la cloche est pourvue d'au moins un trou d'évacuation d'un jet d'air à partir du volume intérieur de la cloche et en ce que le trou est écarté du bord libre d'une distance supérieure à 2 cm. 9. Procédé de désherbage manuel et localisé, caractérisé en ce qu'il comprend des étapes dans lesquelles : - on crée un jet d'air chaud en faisant circuler de l'air au contact d'une résistance chauffante, - par-dessus une mauvaise herbe, on pose une cloche qui comprend au moins un trou, avec un bord libre de la cloche en appui sur le sol, le trou étant écarté d'une distance supérieure à 2 cm du bord libre,- on dirige le jet d'air chaud dans un volume intérieur de la cloche,- le jet d'air chaud est évacué de la cloche sous la forme d'un jet secondaire passant par le trou. 10. Procédé selon la revendication 9, caractérisé en ce que la température du jet d'air chaud est supérieure à 100oC, de préférence supérieure à 400 oC". II - Sur la définition de la personne du métier Moyens des parties 19. Les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries considèrent que la personne du métier s'entend du concepteur d'appareil de désherbage. 20. La SAS Reder estime que la personne du métier est un technicien spécialisé dans les appareils de l'industrie du jardinage ou de l'agriculture, et particulièrement dans les appareils de destruction des mauvaises herbes. Réponse du tribunal 21. La personne du métier est celle du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440). 22. Elle s'entend d'un praticien du domaine technique concerné, qui dispose de connaissances et d'aptitudes moyennes, possèdant les connaissances générales dans le domaine concerné à la date de dépôt ou de priorité du brevet (en ce sens chambre des recours de l'Office européen des brevet - ci-après OEB - 9 août 2001, Sequus Pharmaceuticals Inc. c. Inex Pharmaceuticals Corporation, T0004/98). 23. La personne du métier est donc ici un spécialiste des appareils de désherbage, doté de connaissances générales au 1er juillet 2011. III - Sur la validité du brevet EP162 Moyens des parties 24. La SAS Reder soutient que les revendications 1, 9 et 10 du brevet EP162 sont nulles comme étant dépourvues d'activité inventive au regard de l'absence d'explication technique au soutien de la partie caractérisante de ces revendications et des caractéristiques dévoilées par l'art antérieur cité dans le fascicule du brevet, en particulier les documents US6029589A (US589A), GB2278988A (GB988A) et WO9114363 (WO363). Elle précise que la solution apportée par l'invention, à savoir l'apport au niveau de la cloche d'au moins un trou d'évacuation d'un jet d'air était déjà connue de l'art antérieur, en sorte que seule la caractéristique selon laquelle le trou est écarté du bord libre d'une distance supérieure à deux centimètres (2 cm) lui permet d'échapper au défaut de nouveauté, tandis que cette caractéristique, selon elle purement arbitraire faute d'explication technique, est dépourvue d'activité inventive. Elle ajoute que le document WO363 proposait déjà une solution pour éviter d'endommager les plantes voisines des plantes à éliminer, consistant à recourir à une surcloche, tandis que les documents US589A et GB988A proposaient des orifices d'évacuation de l'air chaud, la combinaison de ces documents conduisant la personne du métier à déduire l'invention. 25. Elle considère le brevet EP162 comme dépourvu d'activité inventive au regard du document US6076231 (US231) qui décrit une seconde buse pouvant être située à peu près à cinq pouces, soit 12,7 cm, de l'extrémité de la buse principale. Elle en déduit que la personne du métier était conduite, en rapprochant l'enseignement des différents documents cités dans le fascicule du brevet litigieux et celui du document US231, à positionner les orifices d'évacuation de l'air chaud à l'écart du bord libre de l'embout, à une distance non nulle de l'extrémité du bord libre de la cloche. 26. Elle tire de ses précédentes conclusions que la revendication indépendante 9 décrivant un procédé mettant en oeuvre, notamment, la revendication 1 du brevet EP162, est dépourvue d'activité inventive dans la mesure où l'ensemble de ses caractéristiques en est dépourvue. Elle conclut, également, au défaut d'activité inventive de la revendication indépendante 10 en ce qu'elle prévoit un jet d'air chaud supérieur à cent degrés (100oC), de préférence supérieure à 400oC, cette caractéristique étant purement numérique, totalement arbitraire, non explicitée dans sa fonction et résultant des connaissances générales de la personne du métier, outre que le document GB988A dévoile un procédé dans lequel l'air est chauffé à une température supérieure à 80oC. 27. Les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries opposent que le positionnement précis d'au moins un trou à une distance supérieure à 2 cm du bord libre répond exactement au problème de la détérioration des plantes avoisinantes et de l'endommagement de l'appareil de désherbage auquel la personne du métier est confrontée avec les dispositifs de l'art antérieur, ce que la description de l'appareil associé aux figures 2, 7 et 8 du fascicule du brevet illustrent clairement. 28. Elles assurent que ni pris isolément, ni dans leur combinaison, les documents de l'art antérieur ne permettent d'aboutir à l'invention : le bouclier du document WO363 n'est doté d'aucun moyen destiné, une fois l'air projeté sur la plante à détruire, d'en gérer l'évacuation en dehors du bouclier ; le document US589A fonctionne à la vapeur d'eau, la question de l'évacuation de l'air chaud ne s'y pose pas, les orifices figurés sont décrits comme permettant à l'air de s'échapper lorsque la vapeur est envoyée dans le couvercle à mauvaises herbes, la fonction de ces ouvertures est exactement contraires à celles du brevet EP162 ; le document GB988A propose une tête d'application visible en figure 1 qui a la forme d'un rateau pour permettre l'agitation mécanique du sol comme aide au procédé d'air chaud, ses dents n'ont donc en aucun cas pour fonction d'assurer l'évacuation de l'air chaud. Elle considère que la personne du métier, confronté au problème technique de l'évacuation de l'air chaud n'a aucune raison de s'intéresser à l'enseignement des documents précités et ne peut déduire de leur consultation que des ouvertures sur le bord libre, non la solution proposée par l'invention, pas plus que cette solution ne résulterait des connaissances générales élémentaires de la personne du métier qui vont à l'opposé des enseignements de l'art antérieur, la défenderesse opérant, à cet égard, selon elles, une analyse a posteriori prohibée, une fois connus le problème et sa solution apportée par le brevet EP162. 29. Elles réfutent que le document US231, seul ou en combinaison avec l'art antérieur précité, prive leur brevet EP162 d'activité inventive. Elles font valoir que l'appareil décrit par le document US231 est utilisé pour déplacer et nettoyer les débris de pelouse, jardins, etc. et qu'il prévoit une seconde buse, adjointe à la première et éloignée de 12,7 cm environ, afin de propulser les débris vers l'extérieur lorsqu'un obstacle provoque leur refoulement vers l'utilisateur. Elles estiment, d'abord, que la personne du métier confrontée au problème technique de l'évacuation de l'air chaud afin de ne pas endommager les plantes avoisinantes n'a aucune raison de s'intéresser à ce document US231, étranger à la question du désherbage, ensuite, que son enseignement, qui consiste à prévoir une seconde buse de propulsion d'air, ne saurait conduire à l'invention du brevet EP162. 30. Elles concluent à la validité de la revendication 9 du brevet EP162 compte tenu qu'aucun des documents de l'art antérieur ne divulgue la combinaison de ses caractéristiques, les ouvertures figurées dans le document US589A étant uniquement conçues pour l'évacuation de l'air ambiant de sorte que la vapeur d'eau puisse y pénétrer, les dents du rateau du document GB988A ayant pour seule fonction de fouiller le sol et la combinaison de ces documents avec les documents WO363 et US231 ne permettant pas d'en déduire de manière évidente l'écartement d'au moins un trou à une distance d'au moins 2 cm du bord libre. Il en va de même, selon elles, de la revendication 10 du brevet EP162 qui se situe dans la dépendance de la précédente. Réponse du tribunal 31. L'article 52 de la convention de Munich du 5 octobre 1973 sur le brevet européen dispose que les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle. 32. Selon l'article 54 paragraphe 3 de cette convention, est également considéré comme compris dans l'état de la technique le contenu de demandes de brevet européen telles qu'elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au paragraphe 2 et qui n'ont été publiées qu'à cette date ou à une date postérieure. 33. L'article 56 de cette convention précise qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. Si l'état de la technique comprend également des documents visés à l'article 54, paragraphe 3, ils ne sont pas pris en considération pour l'appréciation de l'activité inventive. 34. L'élément ou les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à la personne du métier, ils lui permettaient à l'évidence d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 15 novembre 1994, no93-12.917 et jurisprudence constante depuis). 35. Au cas présent, le fascicule du brevet EP162 expose que :- le document WO363 "divulgue un appareil de désherbage manuel et localisé pour le traitement de mauvaises herbes comprenant un générateur thermique fixé à une canne (...) Aucune disposition n'est prévue pour la gestion du jet d'air chaud, une fois que ce dernier a détruit la mauvaise herbe. Par conséquent, le jet d'air chaud a tendance à s'échapper de la cloche soit par le bord libre, détériorant ainsi les plantes avoisinantes, soit en remontant vers le générateur thermique, ce qui génère une surchauffe risquant d'endommager l'appareil" (pièce Hozelock et Exel no6, paragraphe 5)- selon l'invention, "le générateur thermique projette le jet d'air chaud dans le volume intérieur de la cloche (...) Le jet d'air chaud entre en contact avec la mauvaise herbe et est évacué automatiquement du volume intérieur de la cloche par les trous, sous la forme de plusieurs jets secondaires représentés aux figures 1 à 3 (...) La direction des jets secondaires est conditionnée par la géométrie de la paroi d'échappement et des ouvertures" (même pièce, paragraphes 28 et 29). 36. Il décrit aux paragraphes 30, 31, 34 et 38 différentes géométries des cloches représentées aux figures 3, 4, 5 et 6, toutes dotées de trous d'évacuation situés à distance du bord libre, dont "la paroi d'échappement et les trous de passage des jets secondaires sont conçus de sorte que les jets secondaires sont évacués à partir du volume intérieur de la cloche, avec une distance entre le bord libre et les trous d'échappement supérieure à 2 cm" (même pièce, paragraphe 39). 37. Selon l'invention, "de cette manière, les plantes voisines de la mauvaise herbe à détruire ne risquent pas d'être détériorées" (même pièce, paragraphe 34) et "une légère surpression est créée dans le volume intérieur de la cloche, ce qui favorise la destruction de la mauvaise herbe sans surchauffer la résistance chauffante" (même pièce, paragraphe 36). 38. Ces exposés, associés aux figures 2 à 6 du brevet, mettent la personne du métier en mesure de comprendre les effets techniques de la présence des trous à distance du bord libre de la cloche et la nécessité que cette distance soit au moins de 2 cm pour les obtenir. 39. Ainsi, la critique de la SAS Reder selon laquelle la revendication 1 du brevet EP162 est dépourvue d'activité inventive faute d'explication technique à la raison de l'écartement des trous de plus de 2 cm du bord libre, est infondée. 40. S'agissant du défaut d'activité inventive au regard de l'art antérieur, le document US589A décrit un appareil portable à vapeur pour tuer les mauvaises herbes (selon la traduction du tribunal de "portable steam weed killing apparatus", pièce Reder no4). Le fascicule décrit, notamment, un couvercle à mauvaises herbes de forme conique, semblable à une cloche selon les figures 5 et 6, doté d'une pluralité d'ouvertures d'échappement qui permettent à l'air frais de s'échapper du couvercle à mauvaises herbes lorsque le couvercle à mauvaises herbes est placé étroitement sur le sol et que la vapeur est délivrée au couvercle à mauvaises herbes (traduction de "formed along the lower edge of the weed cover are a plurality of exhaust openings which allow cool air to escape from the weed cover when the weed cover is placed closely on the ground and steam is delivered to the weed cover", même pièce). 41. Le document GB988A propose un appareil et une méthode pour contrôler la croissance et la propagation de la végétation ("apparatus and method to control the growth and spread of plant vegetation", pièce Reder no2), à l'aide d'un flux d'air chaud et dont l'embout peut être doté d'une gamme de têtes d'application, en particulier un rateau, schématisé en figure 3. Le fonctionnement des têtes mécaniques consisterait à agiter, déloger et exposer les mauvaises herbes pour améliorer la capacité létale de désherbage du procédé à air chaud ("the operation of the mechanical heads would be to agitate, dislodge and expose weeds to improve the lethal weeding capability of the air process", même pièce). Les différents accessoires de tête peuvent être utilisés pour diriger, concentrer ou disperser l'air chaud, agir comme un bouclier pour protéger les plantes voisines ("the various head attachments may be used to direct, concentrate or disperse the hot air, act as a shield to protect neighbouring plants", même pièce). L'utilisation des têtes d'application peut permettre à l'air chaud d'être concentré, diffusé, dirigé ou étalé sur les mauvaises herbes, permettre la protection d'autres végétaux ("the use of the application heads may allow hot air to be focused, diffused, directed or spread over the weeds, allow protection to other vegetation", même pièce). Une autre tête d'application conçue peut comprendre une ouverture inclinée pour diriger l'air chaud à un angle donné (non représenté) ("a further designed application head may include an angled outlet to direct the hot air at a given angle (not shown)", même pièce). 42. Le document WO363 divulgue un dispositif de destruction de végétaux ("plant killing device", pièce Reder no3), fonctionnant à l'air chaud. Le fascicule de ce document indique que pour aider à empêcher des dommages accidentels aux plantes poussant à proximité de celles à tuer, il peut être prévu un écran pour s'adapter autour ou adjacent à la buse du dispositif pour restreindre la zone à laquelle l'air chauffé émis est appliqué ("to help prevent accidental damage to plants growing near to those to be killed, there may be provided a shield for fitting around or adjacent the nozzle of the device to restrict the area to which the emitted heated air is applied", même pièce). La conception de cet écran est illustrée aux figures 4 et 5, proposant une cloche cylindrique (même pièce). 43. Il ressort de l'ensemble que les appareils de désherbage de l'art antérieur proposent, à tout le moins, un appareil manuel et localisé comprenant un générateur thermique fixé à une canne, le générateur thermique comprenant un ventilateur et une résistance chauffante et projetant un jet d'air chaud dans un volume intérieur d'une cloche pourvue d'un bord libre pour l'appui de l'appareil sur le sol. 44. Dès lors que le document US589A divulgue une cloche dotée d'une pluralité d'ouvertures d'échappement qui permettent à l'air frais de s'échapper du couvercle à mauvaises herbes, la personne du métier, confrontée au problème technique de l'évacuation de l'air chaud généré par l'appareil, est conduit à concevoir au moins un trou d'évacuation sur le bord libre de la cloche, ses connaissances générales et les enseignements du document GB988A lui permettant de substituer l'air chaud à l'air frais. 45. Il résulte, de ce fait, de la combinaison des trois documents précédents que la personne du métier, confrontée au problème technique de l'évacuation de l'air chaud d'un appareil de désherbage, est conduit à pourvoir la cloche servant à la protection de la végétation avoisinante d'au moins un trou d'évacuation d'un jet d'air à partir du volume intérieur de la cloche. 46. En revanche, aucun de ces documents de l'art antérieur ne divulgue de trou écarté du bord libre de la cloche servant à la protection de la végétation avoisinante d'une distance supérieure à 2 cm de ce bord libre. 47. Si la SAS Reder affirme que la personne du métier "sait, à partir de ses connaissances générales élémentaires, que si les orifices d'évacuation de l'air chaud sont positionnés sur le bord libre de l'embout de l'appareil, l'air chaud va mécaniquement venir au contact des plantes avoisinantes et risquer de les endommager" (ses conclusions page 17), elle n'explique en rien comment, au moyen de ses connaissances générales ou à l'aide des trois documents précédents, cette personne serait incitée de manière évidente ou implicite à positionner les orifices d'évacuation à distance de l'extrémité du bord libre de la cloche. 48. L'opération de déduction qu'elle décrit pour parvenir à ce résultat consiste, au contraire, dans l'activité inventive de la personne du métier confrontée au problème technique de l'évacuation de l'air chaud d'un appareil de désherbage en vue d'épargner les plantes avoisinantes et la surchauffe du générateur d'air chaud. 49. S'agissant du document US231, il décrit une buse pour souffleur de pelouse et jardin ("nozzle for lawn and garden blower", pièce Reder no1), dont l'objet est de permettre plusieurs canaux de passage d'écoulement d'air dans différentes directions à partir d'un souffleur d'air à gaz ou électrique, de pelouse ("an output nozzle for allowing plural air flow passage channels in different directions from a gas/electric yard/lawn air blower", même pièce). L'invention relève du domaine technique des appareils électriques ou à gaz, destinés à diriger le flux d'air afin de permettre aux débris tels que les feuilles, l'herbe, la saleté et les déchets d'être déplacés vers le haut et au-dessus d'obstacles tel que les bordures de pelouse ("this invention relates to gas and electric powered lawn and garden blowers (...) for directing airflow to allow debris such as leaves, grass, dirt and trash to be moved upward and over obstacles such as lawn edges and curbs", même pièce). 50. Il ressort de l'objet de cette invention que la personne du métier du brevet EP162 n'est pas incitée à consulter les enseignements du document US231 qui se trouve en dehors de son champ de spécialité. 51. À supposer que la personne du métier consulte ce document, il serait incité, tout au plus, à concevoir une seconde buse fixée à la première buse ayant une seconde extrémité d'échappement pour faire passer une seconde partie du flux d'air dans une seconde direction à l'extérieur de la seconde extrémité d'échappement ("a preferred embodiment of the nozzle invention includes the combination of a gas or electric motor for moving an airflow, a first longitudinal nozzle having an exhaust end for passing a first portion of the airflow in a first direction outside the exhaust end, and a second nozzle attached to the first nozzle having a second exhaust end for passing a second portion of the airflow in a second direction outside the second exhaust end", pièce Reder no1), cette deuxième buse pouvant être située à peu près à cinq pouces de l'extrémité de la buse principale ("the second nozzle can be located approximately 5 inches in front of main nozzle end", même pièce), dans l'objectif de répondre au problème technique des turbulences indésirables qui provoquent le refoulement des débris vers l'utilisateur ("an undesirable turbulence forms which causes the debris to blow back towards the user", même pièce). 52. Le problème technique résolu par l'invention du document US231 étant distinct de celui proposé par l'invention du brevet EP162, les enseignements du document US231 ne permettaient pas à la personne du métier d'apporter au problème résolu par l'invention du brevet EP162 la même solution que celle apportée par le document US231 avec l'évidence requise. 53. Ainsi, la SAS Reder échoue à démontrer que la revendication 1 du brevet EP162 est dépourvue d'activité inventive. 54. Les revendications 9 et 10 de ce brevet, qui décrivent des procédés de mise en oeuvre de sa revendication 1, ne sont pas plus dépourvues d'activité inventive (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 27 janvier 2021, no18-17.053 : la validité d'une revendication principale entraîne celle des revendications placées sous sa dépendance). 55. En conséquence, la demande de la SAS Reder de prononcer la nullité des revendications 1, 9 et 10 du brevet EP162 pour défaut d'activité inventive sera rejetée. IV - Sur la contrefaçon du brevet EP162 Moyens des parties 56. Les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries soutiennent que les appareils Thermo Kill et Thermo Green électrique équipés de l'embout en forme de buse ou sifflet de la défenderesse constituent des contrefaçons des revendications 1, 9 et 10 de son brevet EP152, compte tenu qu'ils en reproduisent l'intégralité des caractéristiques. Elles considèrent qu'il importe peu, au regard de la matérialité de la contrefaçon, que ces appareils dotés de ces embouts soient présentés comme des allume-barbecues non destinés au désherbage, dès lors que rien n'exclut qu'ils puissent être utilisés conformément à leur fonction principale de désherbeurs. Elles tiennent pour inopérante la prétendue circonstance selon laquelle la buse litigieuse provoquerait une dissémination, non une canalisation, de l'air, dès lors que l'air chaud projeté par le ventilateur l'est dans le volume interne de la buse. Elles assurent que rien ne permet d'affirmer que la forme de la buse litigieuse ne constitue pas une cloche au sens de la revendication 1 de son brevet, dont elle présente toute les caractéristiques couvertes par sa revendication 1. Elles estiment que la buse ligieuse peut être utilisée dans une fonction de désherbage, que dès lors c'est nécessairement par les différents trous de cette buse que l'air arrivé au niveau du sol sera évacué et que, cette buse présentant des trous situés à une distance supérieure à 2 cm de son bord libre, la circonstance qu'ils ne le soient pas tous n'est pas de nature à faire disparaître la contrefaçon. Elles avancent que la contrefaçon des revendications 9 et 10 de son brevet EP162 résulte des mêmes constats, arguments et moyens que ceux présidant à la contrefaçon de sa revendication 1. 57. La SAS Reder oppose qu'aucun des appareils Thermo Kill ou Thermo Green qu'elle commercialise ne sont des contrefaçons du brevet EP162, dans la mesure où la buse ou sifflet fixé à l'embout n'est pas assimilable à une cloche, dont ni la structure, ni la fonction, ne sont définis dans le fascicule du brevet EP162, et où cet embout n'a pas la même structure, ni la même fonction que celles que l'on peut déduire, selon elle, du brevet EP162. Elle déduit de la figure 2 du brevet EP162 que la cloche dispose d'une section intérieure et d'une sortie nettement supérieure à celle de la bouche du générateur thermique et qu'elle a pour fonction de transformer un jet d'air chaud de faible section en jet d'une section de plus grande valeur pour couvrir une aire de plantes à détruire plus importante que l'aire couverte par la sortie du tube de l'appareil. Elle expose que l'embout en forme de buse ou sifflet dont la fonction est de servir de briquet ou d'allume-barbecue, ne permet pas la projection d'un jet d'air chaud, ses nombreux trous provoquant une dissémination de l'air et un amoidrissement de sa canalisation ; qu'il ne comprend pas de cloche, étant plat ; qu'il n'en constitue pas une, car l'entrée de l'embout a une section plus grande que sa sortie d'éjection ; que ses nombreux trous ont pour objet de produire un effet de ventilation, au contraire du positionnement des orifices de la cloche du brevet EP162 dont l'objet est d'évacuer le surplus d'air chaud pour éviter une surchauffe de l'appareil et d'atteindre les herbes avoisinantes. Elle en conclut que cet embout litigieux n'a ni la même structure, ni la même fonction que la cloche selon le brevet EP162, la protection conférée par ce brevet ne pouvant pas s'étendre aux résultats recherchés ou allégués par les demanderesses, en sorte que, selon elle, aucune des revendications 1, 9 et 10 de ce brevet ne sont reproduites par les appareils qu'elle commercialise. Réponse du tribunal 58. L'article L.613-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet :a) La fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ;b) L'utilisation d'un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l'offre de son utilisation sur le territoire français ;c) L'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet. 59. Conformément à l'article L.615-1 du même code, toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles L.613-3 à L.613-6, constitue une contrefaçon.La contrefaçon engage la responsabilité civile de son auteur.Toutefois, l'offre, la mise sur le marché, l'utilisation, la détention en vue de l'utilisation ou la mise sur le marché d'un produit contrefaisant, lorsque ces faits sont commis par une autre personne que le fabricant du produit contrefaisant, n'engagent la responsabilité de leur auteur que si les faits ont été commis en connaissance de cause. 60. Lorsqu'une forme particulière est indissociable de la combinaison caractérisant l'invention, la contrefaçon n'est établie que si cette forme est également reproduite (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 7 février 1995, no93-13.005). 61. Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. 62. En l'occurrence, les Hozelock Exel et Exel Industries versent aux débats différentes pièces permettant d'établir que la SAS Reder offre à la vente les produits Thermo Kill, Thermo Green Électrique 3 en 1 Easymaxx, Thermo Green Électrique et Thermo Green Électrique 4 en 1, sous les références 0252948, 0249164 et 0238008 (ses pièces 26a, 27a et 28a), ce que la SAS Reder ne conteste pas. 63. Selon les modes d'emploi de ces appareils, ils peuvent avoir pour fonctions de désherber ou d'allumer du charbon de bois (pièces Hozelock et Exel no28b) ou encore d'enlever le vernis ou les autocollants (pièces Hozelock et Exel no26b, 27b). Les trois appareils sont livrés avec deux buses ou embouts, destinés, selon les mêmes modes d'emploi, l'un au désherbage, en forme de cloche, l'autre, de forme tubulaire aux autres fonctions (mêmes pièces). Seuls les appareils dotés de l'embout tubulaire sont argués de contrefaçon. 64. Or, selon la revendication 1 du brevet EP162, l'invention est caractérisée, notamment, par la projection "d'un jet d'air chaud dans un volume intérieur d'une cloche", cette cloche étant "pourvue d'au moins un trou d'évacuation d'un jet d'air à partir du volume intérieur de la cloche et en ce que le trou est écarté du bord libre d'une distance supérieure à 2 cm". 65. L'embout de forme tubulaire des appareils argués de contrefaçon ne saurait être assimilé à une cloche, compte tenu de sa forme : cet embout est d'une section plus étroite à son extrémité de sortie de l'air chaud qu'à celle destinée à être fixée au générateur d'air chaud (pièces Hozelock et Exel 26a à 28b). Par définition, à l'inverse, une cloche a une forme évasée. 66. De plus, la cloche de l'invention est "prévue pour recouvrir une plante à détruire", ou placée "par-dessus une mauvaise herbe [à] détruire (...) La mauvaise herbe [étant] alors confinée dans le volume intérieur de la cloche", selon la description du brevet EP162 (pièce Hozelock et Exel no6, paragraphes 14 et 28). À l'inverse, l'embout argué de contrefaçon, compte tenu de sa forme, est inapte à recouvrir une plante à détruire ou à la confiner dans son volume intérieur. Sa fonction technique est distincte. 67. De même, le au moins un trou de la cloche de l'invention est écarté de son bord libre d'une distance supérieure à 2 cm afin de préserver les plantes voisines de celles à détruire et d'éviter une surchauffe de la résistance chauffante (même pièce, paragraphes 34 et 36). L'embout litigieux est doté d'une série de trous sur l'une de ses faces, allant en continu du bord libre au tronc conique destiné à être fixé au générateur d'air chaud (pièces Hozelock et Exel 26a à 28b). De ce fait, si certains des trous peuvent être situés à plus de 2 cm du bord libre de l'embout, d'autres sont situés à proximité de ce bord libre. Alors, à supposer que les appareils argués de contrefaçon soient utilisés avec l'embout litigieux pour désherber, l'air chaud produit par le générateur va se diffuser à l'ensemble des trous, affectant indistinctement les plantes à détruire et les plantes avoisinantes. L'embout litigieux est donc inapte à préserver les plantes voisines de celles à détruire. 68. Enfin, si la SAS Reder ne conteste pas que certains des trous de l'embout litigieux peuvent être situés à plus de 2 cm de son bord libre, il sera relevé que les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries l'affirment sans l'établir par aucune pièce, les photographies et constats produits ne comportant aucune mesure. 69. Il résulte de l'ensemble que les appareils munis de l'embout litigieux, argués de contrefaçon, ne reproduisent pas l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 du brevet EP162 et ne parviennent pas à obtenir le même résultat technique. 70. Faute de reproduction de cette revendication 1, la reproduction des revendications 9 et 10 du brevet EP162, qui en sont des procédés de mise en oeuvre, ne sont pas plus établies. La contrefaçon alléguée n'est, en conséquence, pas démontrée. 71. Les demandes des sociétés Hozelock Exel et Exel Industries fondées sur la contrefaçon des revendications 1, 9 et 10 de son brevet EP162 seront, en conséquence, rejetées. V - Sur le parasitisme Moyens des parties 72. Les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries reprochent à la défenderesse d'avoir commercialisé des appareils de désherbage thermique à compter de 2018 copiés de leurs produits en se dispensant de tous frais de communication et de promotion, en profitant du succès commercial remporté par leurs propres appareils, en usant des mêmes arguments, termes et expressions que ceux qu'elles ont adoptés et en choisissant une dénomination proche de celle qu'elles ont retenue. 73. La SAS Reder oppose que les demanderesses ne caractérisent aucun fait distinct de la contrefaçon qu'elles allèguent, non plus que la notoriété de leurs produits. Elle considère que l'emploi qu'elle fait de termes usuels et du langage courant pour désigner ses produits n'est pas constitutif de parasitisme. Réponse du tribunal 74. Aux termes des articles 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 75. Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 10 juillet 2018, no16-23.694). 76. Au cas présent, la seule circonstance que la SAS Reder emploie une dénomination proche, Thermo Green électrique, de celle adoptée par les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries, Green Power, ou qu'elle adopte des termes identiques ou synonymes, tels que efficace, écologique, sûr ou performant, pour commercialiser des appareils ayant des fonctions similaires, est insuffisant à caractériser le parasitisme allégué. 77. Surtout, la demanderesse ne démontre par aucune pièce que sa dénomination Green Power a acquis une valeur économique individualisée dont la défenderesse chercherait à profiter en utilisant une dénomination proche. 78. Les demandes des sociétés Hozelock Exel et Exel Industries fondées sur le parasitisme seront, en conséquence, rejetées. VI - Sur les dispositions finales VI.1 - S'agissant des dépens 79. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 80. Les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries, parties perdantes, seront condamnées aux dépens. VI.2 - S'agissant des frais irrépétibles 81. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 82. Les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries, parties tenues aux dépens, seront condamnées à payer 30 000 euros à ce titre à la SAS Reder. VI.3 - S'agissant de l'exécution provisoire 83. En application des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée. 84. En l'espèce, l'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, n'a pas à être écartée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande des sociétés Hozelock Exel et Exel Industries tendant à déclarer la SAS Reder irrecevable à soulever une fin de non-recevoir à l'encontre des demandes de la société Hozelock Exel ; Déboute la SAS Reder de sa demande en nullité des revendications 1, 9 et 10 du brevet européen EP 2540162 pour défaut d'activité inventive; Déboute les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries de l'ensemble de leurs demandes fondées sur la contrefaçon du brevet européen EP 2540162 et sur le parasitisme ; Condamne les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries aux dépens; Condamne les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries à payer 30 000 euros à la SAS Reder en application de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 22 novembre 2023 La greffière Le président | x |
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JURITEXT000049130315 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130315.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 20 décembre 2023, 18/14422 | 2023-12-20 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 18/14422 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 18/14422 - No Portalis 352J-W-B7C-COOKP No MINUTE : Assignation du :10 décembre 2018 et 07 et 22 août 2019 JUGEMENT rendu le 20 décembre 2023 DEMANDERESSES S.A.S. MARS WRIGLEY CONFECTIONERY FRANCE[Adresse 1][Adresse 1] Société MARS INCORPORATED[Adresse 2][Adresse 2] (ETATS-UNIS D'AMERIQUE) représentées par Maître Alain CLERY de la SELARL CLERY DEVERNAY, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D0070 Société MARQUES intervenante volontaire[Adresse 4][Adresse 4] (ROYAUME-UNI) représentée par Maître Pierre LUBET de la SELARL ALTANA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0021 DÉFENDERESSES Société PIASTEN GMBH[Adresse 3][Adresse 3] (ALLEMAGNE) représentée par Maître Anne-Charlotte LE BIHAN de l'AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0255 S.A.S. LUTTI[Adresse 5][Adresse 5][Adresse 5] représentée par Maître Jean-Mathieu BERTHO de l'AARPI JACOBACCI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0260 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointAnne BOUTRON, vice-présidenteLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DEBATS A l'audience du 14 juin 2023 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2023 puis prorogé au 20 décembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société de droit des États-Unis d'Amérique Mars Incorporated (ci-après la société Mars Inc.), créée en 1911, est la société mère du groupe agroalimentaire Mars (ci-après le groupe Mars) dont la société par actions simplifiée Mars Wrigley Confectionery France (ci-après la SAS Mars France) est une filiale. Cette dernière vient aux droits de la société Mars Alimentaire et était titulaire de diverses marques "Treets". 2. La société de droit allemand Piasten GmbH (ci-après la société Piasten), fondée en 1923, est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de confiseries. 3. La SAS Lutti, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lille, est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de confiseries. 4. En 1986 le groupe Mars a remplacé la marque "Treets" par la marque "M&M's" pour désigner ses cacahuètes enrobées de chocolat et de sucre vendues en sachets. En 2017, la société Piasten a sollicité des sociétés Mars le retrait de diverses marques "Treets" en France et dans d'autres pays, ce que la SAS Mars France a opéré pour les marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883. Les renonciations totales de la SAS Mars France à ces marques ont été inscrites au registre national des marques le 2 novembre 2017 sous les no0710801 et 0710802 et publiées le 1er décembre 2017. 5. La société Piasten a procédé au dépôt, notamment, des marques suivantes :- la marque verbale internationale "Treets" no1368068, le 17 août 2017 sous priorité de la maque allemande no302017005087 du 28 février 2017, désignant notamment la France et l'Union européenne pour désigner notamment en classe 30 des friandises, confiseries à base d'arachides, pastilles, confiseries, confiseries au chocolat, bonbons enrobés de sucre, fruits à coque enrobés, amandes enrobées et chocolats enrobés- la marque semi-figurative internationale "Treets the peanut company" no1413533, le 19 avril 2018 sous priorité de la marque allemande no302018000667 du 16 janvier 2018, désignant notamment la France et l'Union européenne, pour désigner en classe 30 les friandises, confiseries à base d'arachides, confiseries, confiseries au chocolat, bonbons enrobés de sucre, fruits à coque enrobés, amandes enrobées et chocolats enrobés : - la marque verbale internationale "Treets" no1448836, le 1er octobre 2018 sous priorité de la marque allemande no302018012419 du 17 mai 2018, désignant notamment la France et l'Union européenne, pour désigner en classe 29 des mélanges contenant de la graisse pour tartine et des fruits à coques transformés et en classe 30 des pâtes à tartiner sucrées pour autant qu'elles soient comprises dans cette classe, en particulier pâtes à tartiner au chocolat contenant des fruits à coque, pâtes à tartiner à base de chocolat et crèmes au chocolat- la marque semi-figurative internationale "Treets" no1498477, le 15 mai 2019 sous priorité de la marque allemande no302018028671 du 30 novembre 2018, désignant notamment la France et l'Union européenne, pour désigner en classe 29 des mélanges à tartiner contenant des matières grasses et des fruits à coques transformés, en classe 30 des friandises sucreries, dragées enrobées de chocolat, fruits à coque enrobés, amandes enrobées, chocolats enrobés, pâtes à tartiner sucrées et en classe 35 des services de vente au détail en lien avec des produits alimentaires : 6. La société Piasten a commercialisé, à compter de janvier 2018 divers produits, dont des cacahuètes enrobées de chocolat et de sucre, faisant partie de la catégorie des turbinés, sous ses marques "Treets", le lancement en France ayant eu lieu par l'intermédiaire de la SAS Lutti en juin 2018. 7. À cette occasion, un article de l'hebdomadaire Le Journal du Dimanche publié le 24 juin 2018 a mentionné la relance d'un bonbon mythique et le grand retour des "Treets". 8. Estimant que le dépôt de ces marques par la société Piasten a été opéré en fraude et que la commercialisation en France par la SAS Lutti des produits vendus sous les marques "Treets" a porté atteinte à leurs droits, en particulier en raison de la copie servile des emballages du produit originel, la société Mars Inc. les a mises en demeure d'en cesser l'usage par courrier des 5 et 21 novembre 2018. 9. Assurant que les affirmations parues dans l'article du Journal du Dimanche et repris par d'autres médias a résulté d'une approximation des journalistes, la SAS Lutti a proposé la diffusion d'un communiqué de presse rectificatif par courrier du 24 juillet 2018. 10. Saisi par la SAS Mars France, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, par ordonnance du 13 ou 21 décembre 2018 a rejeté les demandes d'interdiction de poursuivre l'exploitation de tout produit de confiserie à base de cacahuètes enrobées de chocolat sous la dénomination "Treets" fondées sur le parasitisme. 11. Par acte d'huissier du 10 décembre 2018, la société Mars Inc. a fait assigner la société Piasten devant ce tribunal en dépôt frauduleux de marques. 12. Par actes d'huissier des 7 et 22 août 2019, la SAS Mars France, a fait assigner les sociétés Piasten et Lutti devant ce tribunal en dépôt frauduleux des mêmes marques. Cette affaire, enregistrée sous le numéro RG 19/9767, a été jointe le 10 septembre 2019 à la précédente, initialement enregistrée sous le numéro RG 18/14422, par le juge de la mise en état. 13. Saisi par conclusions d'incident du 28 mars 2019 de la société Piasten, le juge de la mise en état, par ordonnance du 31 janvier 2020 rectifiée le 19 juin 2020, a :- rejeté l'exception de nullité de l'assignation du 22 août 2019 délivrée par la SAS Mars France- déclaré le tribunal de Paris incompétent pour connaître de l'action en revendication de la partie française de la marque internationale "Treets" no1368068 et ses demandes accessoires (communication d'un état comptable, paiement provisionnel de 100 000 euros et transfert de propriété) et renvoyé les sociétés Mars à mieux se pourvoir, sur ces prétentions- rejeté l'exception d'incompétence du tribunal de Paris au profit de la cour d'appel de Colmar pour connaître de l'annulation des renonciations des marques françaises no1296438 et no93498883- ordonné le sursis à statuer sur la demande subsidiaire en annulation de la marque verbale internationale no1368068, dans l'attente d'une décision définitive et irrévocable des juridictions allemandes sur les demandes principales en revendication de la partie française de cette même marque- dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer sur l'annulation de la partie française de la marque semi-figurative internationale no1413533 et sur l'annulation des renonciations de la SAS Mars France aux marques verbales françaises no1296438 et no93498883, dans l'attente de la décision allemande sur l'action en revendication de la partie française de la marque verbale internationale "Treets" no1368068- ordonné le renvoi de l'affaire à la mise en état- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et que les parties supporteront les dépens de l'incident. 14. Saisi par conclusions de la société Piasten du 15 juin 2020, le juge de la mise en état, par ordonnance du 4 décembre 2020, a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Paris, sur les recours formés par les sociétés Piasten et Lutti contre l'ordonnance du 31 janvier 2020 rectifiée, ordonné le renvoi à la mise en état et réservé les dépens. 15. Par arrêt du 19 mars 2021, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance rectifiée, condamné les sociétés Piasten et Lutti à payer 25 000 euros aux sociétés Mars au titre des frais irrépétibles d'appel et aux dépens d'appel. 16. Par conclusions notifiées le 19 mai 2022, la société de droit anglais Marques est intervenue volontairement à l'instance au soutien des demanderesses. 17. L'instruction a été close par ordonnance du 29 septembre 2022 du juge de la mise en état et l'affaire fixée à l'audience du 14 juin 2023 pour être plaidée. PRÉTENTIONS DES PARTIES 18. Dans leurs dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 28 juillet 2022, les sociétés Mars Inc. et Mars France ont demandé au tribunal de :- constater que les sociétés Piasten et Lutti ont renoncé à leur revendication de la partie française de la marque "Treets" no1368068, de sorte que le sursis à statuer prononcé dans l'attente d'une décision sur cette demande n'a plus lieu d'être, et en tant que de besoin le révoquer- dire et juger de mauvaise foi les dépôts des marques internationales "Treets" no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 effectués par la société Piasten et annuler la partie française de ces marques- annuler les renonciations no710801 et 710802 publiées au bulletin officiel de la propriété industrielle 2017-48 de la SAS Mars France et ordonner le rétablissement subséquent des marques "Treets fond dans la bouche et pas dans la main" no1296428 et "Treets" no93498883- dire que mention de ces annulations et restitutions seront notifiées à l'INPI pour inscription au registre national des marques, à la requête de la partie la plus diligente- faire interdiction aux sociétés Piasten et Lutti :> de tout usage du terme "Treets" pour désigner et distribuer des confiseries à base de cacahuètes et de chocolat (et notamment constituées de cacahuètes enrobées de chocolat)> de tout usage d'emballages dont les codes visuels reprennent celui des bonbons "Treets" du groupe Mars> de mentionner une éventuelle relance des bonbons "Treets" ou de toute référence aux anciens bonbons "Treets" du groupe Mars ou d'une identité de recette, et de laisser les tiers faire usage de telles mentions ou références> d'évoquer un quelconque accord avec le groupe Mars et de laisser les tiers faire état d'un tel accord> sous astreinte de 50 euros par infraction commise pour les deux premières interdictions et de 10 000 euros pour les deux dernières, à compter du huitième jour après la signification du jugement- faire interdiction aux sociétés Lutti et Piasten :> de faire référence, directement ou indirectement, de quelque façon et à quelque titre que ce soit, aux produits anciennement commercialisés par la SAS Mars France sous la marque "Treets", sous astreinte de 1500 euros par infraction commise> de poursuivre l'exploitation en France de l'emballage des produits "Treets" litigieux, à l'exception de la couleur orange, sous astreinte de 15 euros par infraction commise- ordonner le rappel et le retrait du marché français de tous les produits "Treets" commercialisés par la société Lutti depuis le mois de juin 2018 et jusqu'au jour du jugement à intervenir, aux frais de cette dernière, dans les 30 jours de la signification dudit jugement, sous astreinte de 25 000 euros par jour de retard passé ledit délai, et dont il devra être justifié aux sociétés Mars dans les 60 jours de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 25 000 euros par jour de retard passé ce délai- dire et juger que les sociétés Piasten et Lutti se sont en outre rendues coupables de concurrence déloyale et parasitisme connexes au préjudice des sociétés Mars- ordonner aux sociétés Piasten et Lutti, en application des dispositions de l'article 142 du code de procédure civile, de produire un état comptable certifié des quantités de sachets de bonbons "Treets" vendus en France et des chiffres d'affaires afférents, jusqu'au prononcé du jugement à intervenir, afin de pouvoir chiffrer son préjudice en toute connaissance de cause, dans les quinze jours de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard- condamner in solidum les sociétés Piasten et Lutti à payer 5 000 000 euros à chacune des société Mars en réparation du préjudice causé par leurs agissements frauduleux- ordonner la publication du jugement à intervenir, par extraits, dans 15 journaux au choix des sociétés Mars et aux frais in solidum des sociétés Piasten et Lutti dans la limite de 10 000 euros HT par insertion- ordonner à la société Lutti de publier un extrait du dispositif du jugement à intervenir dans toute la hauteur et toute la largeur d'un bandeau occupant le premier quart supérieur de la page d'accueil de son site internet <lutti.com>, en lettres blanches sur fond rouge, de façon ininterrompue pendant 30 jours consécutifs, à compter du huitième jour de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la signification du jugement à intervenir, et qui pourrait être rédigé comme suit : "par jugement du tribunal de grande instance de Paris du [---], la société Lutti a été condamnée à cesser l'exploitation de la marque "Treets", à la demande de la SAS Mars France et à indemniser ladite société au titre de son exploitation litigieuse et désormais interdite de ladite marque"- se réserver la liquidation des astreintes- dire et juger irrecevables et mal fondées les sociétés Lutti et Piasten en leurs demande reconventionnelles en déchéance de marque et les débouter de toutes leurs demandes à toutes fins qu'elles comportent- condamner in solidum les sociétés Piasten et Lutti à payer aux sociétés Mars 150 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris les divers frais de constas et de traductions, dont distraction au profit de la société Cléry Devernay en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile- ordonner l'exécution provisoire du jugement nonobstant appel et sans constitution de garantie. 19. Selon ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 juillet 2022, la société Marques a demandé au tribunal de :- recevoir la constitution de son avocat- la recevoir en son intervention volontaire accessoire à l'appui des prétentions des sociétés du groupe Mars, en ce qu'elles demandent la nullité des dépôts de marques "Treets" réalisées par la société Piasten et l'interdiction d'usage du nom "Treets" par les sociétés Piasten et Lutti dans les conditions querellées- prendre acte des observations issues de cette intervention et en tenir compte pour l'établissement du jugement. 20. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 septembre 2022, la société Piasten a demandé au tribunal de :- déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la société Marques dans la présente instance à l'appui des prétentions des sociétés Mars en ce qu'elles demandent la nullité des dépôts de marques "Treets" par la société Piasten et l'interdiction de l'usage du nom "Treets" par les sociétés Piasten et Lutti- à titre subsidiaire, juger les observations de la société Marques infondées- déclarer irrecevable la demande des sociétés Mars de révocation du sursis à statuer sur la demande en nullité de la partie française de la marque internationale "Treets" no1368068- à titre subsidiaire, la juger infondée- déclarer irrecevable la demande principale des sociétés Mars en nullité de la partie française de la marque internationale "Treets" no1368068- à titre subsidiaire, juger que la partie française de la marque internationale "Treets" no1368068 n'a pas été déposée en fraude des droits des sociétés Mars et n'est ni déceptive ni trompeuse et débouter les sociétés Mars de leur demande en nullité de la partie française de cette marque- déclarer irrecevable les demandes additionnelles des sociétés Mars en nullité de la partie française des marques internationales verbale "Treets" no1448836 et semi-figurative "Treets" no1498477- à titre subsidiaire, juger que les marques internationales no1448836 et no1498477 n'ont pas été déposées en fraude des droits des sociétés Mars et ne sont ni déceptives, ni trompeuses et débouter les sociétés Mars de leur demande en nullité de la partie française de ces marques- juger que la partie française de la marque internationale semi-figurative "Treets" no1413533 n'a pas été déposée en fraude des droits des sociétés Mars et n'est ni déceptive ni trompeuse et débouter les sociétés Mars de leur demande en nullité de la partie française de cette marque- déclarer irrecevable la demande des sociétés Mars en rétablissement des marques françaises "Treets" no126438 et no93498883- juger qu'elle n'a commis aucun dol et débouter la SAS Mars France de sa demande d'annulation de ses renonciations à ses marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883- déclarer irrecevables les demandes en concurrence déloyale, pratique commerciale trompeuse et parasitisme de la société Mars Inc. à son encontre et juger qu'elle n'a pas commis d'acte de concurrence déloyale, de pratique commerciale trompeuse et de parasitisme- à titre reconventionnel et subsidiaire, dans le cas où le tribunal ferait droit à la demande d'annulation des renonciations de la SAS Mars France aux marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883, prononcer la déchéance de la SAS Mars France des marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 à compter du 28 décembre 1996 et "Treets" no93498883 à compter du 15 juillet 1999 pour défaut d'usage sérieux pendant plus de cinq ans- dire que que la partie la plus diligente devra porter à la connaissance de l'INPI la décision devenue définitive pour inscription de la déchéance prononcée au registre national des marques- débouter les sociétés Mars de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions- à titre subsidiaire, ramener le montant des dommages et intérêts et de la provision sollicités par les sociétés Mars à de plus justes proportions- dire n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire- à titre reconventionnel, condamner les sociétés Mars à lui payer 200 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive et à payer 10 000 euros d'amende civile pour procédure abusive- en tout état de cause, condamner solidairement les sociétés Mars à lui payer 240 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. 21. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 septembre 2022, la SAS Lutti a demandé au tribunal de :- déclarer la société Marques irrecevable à agir, faute de qualité et d'intérêt à intervenir à l'instance à l'appui des prétentions des sociétés Mars- déclarer les sociétés Mars irrecevables en leur demande de révocation du sursis à statuer sur la demande de nullité de la partie française de la marque internationale "Treets" no1368068- déclarer les sociétés Mars irrecevables en leurs demandes contre elle concernant les prétendus agissements frauduleux liés au dépôt des marques de la société Piasten- rejeter en conséquence toutes les demandes formées par les sociétés Mars à ce titre à son égard,- déclarer la société Mars Inc. irrecevable en toutes ses demandes à son égard en particulier la demande indemnitaire de 5 000 000 euros en réparation du préjudice tiré de ses agissements frauduleux- rejeter en conséquence toutes les demandes formées par la société Mars Inc. à son égard- déclarer irrecevable la demande de la SAS Mars France en annulation de ses renonciations no710801 et 710802, faute de pouvoir du tribunal pour annuler une renonciation à une marque française et d'en ordonner le rétablissement sur le registre des marques- à titre principal, dire qu'elle n'a commis aucun acte frauduleux, ni acte de concurrence déloyale, pratique commerciale trompeuse ou parasitisme, que la SAS Mars France n'établit aucun préjudice et débouter la SAS Mars France de toutes ses demandes- à titre subsidiaire, juger que les observations de la société Marques sont infondées- rejeter la demande de révocation du sursis à statuer sur la demande de nullité de la partie française de la marque internationale "Treets" no1368068- si, par extraordinaire, le tribunal devait rejeter la demande tendant à l'irrecevabilité de l'ensemble des demandes des sociétés Mars pour les agissements frauduleux prétendument liés au dépôt des marques de la société Piasten :> dire que le dépôt des marques internationales "Treets" no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 n'est entaché d'aucune fraude ni mauvaise foi> dire qu'elle n'a commis aucun agissement frauduleux> dire que les sociétés Mars n'établissent aucun préjudice> les débouter en conséquence de leurs demandes relatives au dépôt de mauvaise foi des marques internationales "Treets"no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 effectués par la société Piasten, de l'annulation de la partie française de ces marques, de leurs demandes en concurrence déloyale et parasitisme, en production d'un état comptable sous astreinte, en dommages-intérêts- si, par extraordinaire, le tribunal devait rejeter la demande tendant à l'irrecevabilité de la demande d'annulation des renonciations aux marques françaises no1296438 et no93498883 de la SAS Mars France et de rétablissement de ces marques :> constater que le consentement de la SAS Mars France à la renonciation à ses marques n'est entaché d'aucun vice> rejeter la demande de la SAS Mars France en annulation de ses renonciations et rétablissement de ces deux marques- à titre encore plus subsidiaire, prononcer la déchéance de la SAS Mars France des marques françaises "Treets" no93498883 à compter 15 juillet 1999 et "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 à compter du 28 décembre 1996 pour l'intégralité des produits visés à ces enregistrements et dire que la partie la plus diligente devra porter à la connaissance de l'INPI la décision devenue définitive pour inscription de la déchéance au registre national des marques- si, par extraordinaire, le tribunal devait entrer en voie de condamnation contre Lutti, rejeter les demandes indemnitaires, d'article 700 et de mesures de réparation accessoires (interdiction, publication, rappel et retrait) des sociétés Mars- à titre infiniment subsidiaire, ramener les mesures de réparation demandées par les sociétés Mars à de plus justes proportions, notamment quant au quantum de l'indemnisation sollicitée, aux modalités des mesures de réparation accessoires demandées en particulier : préciser l'objet et la durée des mesures d'interdiction demandées par les sociétés Mars (et notamment exclure les produits non débattus dans le présent litige qui porte sur des cacahuètes enrobées de chocolat), limiter le nombre de journaux pour les publications judiciaires demandées dans la presse, limiter ces publications aux titres de presse actifs dans le secteur de la consommation, limiter le coût hors taxe maximum de chaque publication, prévoir qu'une éventuelle publication sur son site internet ne devra pas excéder un certain nombre de mot et ne pas imposer cette publication dans le premier quart supérieur de la page d'accueil du site, encadrer dans le temps ces mesures de publication qui ne pourront être réalisées dans la presse après expiration d'un délai suivant le jour où la décision sera devenue définitive et avoir une durée limitée sur son site internet- à titre reconventionnel, dire que les demandes des sociétés Mars constituent un détournement de procédure abusif et les condamner à lui payer 100 000 euros à titre de dommages-intérêts et à payer 10 000 euros d'amende civile- en toute hypothèse, débouter les sociétés Mars de leur demande d'exécution provisoire, de l'ensemble de leurs demandes, moyens et prétentions- condamner in solidum les sociétés Mars à lui payer 150 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de son avocat. MOTIFS DU JUGEMENT I - Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la société Marques Moyens des parties 22. Les sociétés Piasten et Lutti soutiennent que la société Marques n'a pas d'intérêt à agir accessoirement dans ce litige, son objet social ne comprenant pas la défense en justice des intérêts de ses membres et la conservation des droits qu'elle invoque n'étant pas démontrée. 23. La société Marques, présentant son statut comme correspondant à une association à but non lucratif, affirme être recevable à agir en intervention volontaire à titre accessoire pour la défense des intérêts collectifs de ses membres lesquels ont trait au droit des marques. 24. Les sociétés Mars Inc. et Mars France assurent que l'intervention de la société Marques est à titre accessoire et non à titre principal, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'exiger une prétention qui lui soit propre. Réponse du tribunal 25. Conformément à l'article 328 du code de procédure civile, l'intervention volontaire est principale ou accessoire. 26. Selon l'article 330 du même code, l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie.Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.L'intervenant à titre accessoire peut se désister unilatéralement de son intervention. 27. Compte tenu de son objet limité, l'intervention accessoire est soumise à des conditions de recevabilité plus souples que l'intervention principale et ses effets sont moins étendus. L'intervenant volontaire doit néanmoins démontrer un intérêt pour la conservation de droits qui lui soient propres (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 21 novembre 2018, no17-21.624). 28. Au cas présent, la société Marques, dont il n'est pas débattu le caractère lucratif ou non de son but, a pour objet social selon l'article 3 de ses statuts, notamment, de : "a) former une organisation pour promouvoir les intérêts particuliers des propriétaires de marques de commerce, de marques de service, de noms commerciaux et autres en Europe.b) Protéger les intérêts du public dans toute l'Europe en matière d'utilisation des marques (...)d) Améliorer la compréhension et l'appréciation de la valeur des marques commerciales parmi les membres et les autres personnes.e) Représenter les points de vue et les intérêts des membres de l'association dans tout forum public ou privé approprié, au niveau national ou international, et, en leur nom, engager des discussions et des négociations et faire des observations et des soumissions aux autorités compétentes ou à d'autres organismes sur tout sujet affectant les intérêts des membres de l'association (...)" (pièce Marques no1). 29. Il n'est pas contesté, par ailleurs, que deux sociétés du groupe Mars, dont la société Mars Inc., sont membres de la société Marques, ce qui résulte également d'un extrait du site internet de cette denière que produisent les défenderesses (pièce Piasten no110 et Lutti no82). 30. Il en résulte que la société Marques instituée en vue, notamment, de la défense des intérêts collectifs de ses membres, présente un intérêt à agir dans la mesure où le litige, au-delà de la seule question de la validité des marques litigieuses déposées par la société Piasten et exploitées par la SAS Lutti, pose la question de la portée de la notion de renommée d'une ou plusieurs marques antérieures d'un de ses membres, la société Mars Inc. 31. L'intervention volontaire accessoire de la société Marques sera, en conséquence, déclarée recevable. II - Sur le sursis à statuer prononcé à l'égard de l'action en revendication de la partie française de la marque verbale internationale "Treets" no1368068 Moyens des parties 32. Les sociétés Piasten et Lutti tiennent pour irrecevable la demande de révocation du sursis à statuer prononcé le 31 janvier 2020 et portant sur la demande en nullité de la partie française de la marque verbale internationale "Treets" no1368068 du fait que seul le juge de la mise en état est compétent pour révoquer le sursis à statuer qu'il a ordonné, non le tribunal. 33. Elles considèrent, subsidiairement, que la révocation du sursis à statuer est infondée dans la mesure où la prétendue renonciation des demanderesses à leur revendication de la partie française de cette marque n'est pas valable, dès lors que le tribunal s'en est dessaisi, et qu'en tout état de cause, les tribunaux allemands doivent être saisis par le groupe Mars pour statuer sur la demande principale en revendication pour que sa demande subsidiaire en nullité devant le tribunal de Paris puisse être accueillie. 34. Les sociétés Mars Inc. et Mars France concluent que s'agissant d'une demande de révocation de sursis à statuer, elle peut être prononcée par le tribunal compte tenu que sa cause a disparu par l'abandon de sa demande en revendication de la partie française de la marque verbale internationale "Treets" no1368068 et qu'il ne peut pas lui être imposé de saisir le juge allemand d'une action en revendication qui n'existe pas en droit allemand. Réponse du tribunal 35. L'article 379 du code de procédure civile prévoit que le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. À l'expiration du sursis, l'instance est poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d'ordonner, s'il y a lieu, un nouveau sursis.Le juge peut, suivant les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai. 36. En l'occurrence, le juge de la mise en état, par ordonnance du 31 janvier 2020, rectifiée le 19 juin 2020 et confirmée par arrêt du 19 mars 2021 de la cour d'appel de Paris, a ordonné le sursis à statuer sur la demande subsidiaire en annulation de la marque verbale internationale "Treets" no1368068, dans l'attente d'une décision définitive et irrévocable des juridictions allemandes sur les demandes principales en revendication de la partie française de cette marque. 37. Les sociétés Mars ne présentent plus leur demande d'annulation de la partie française de la marque verbale internationale "Treets" no1368068 comme étant subsidiaire, mais principale. Elles indiquent également avoir renoncé à leur action en revendication de cette marque devant les juridictions allemandes. 38. Il s'ensuit que la cause du sursis a disparu et le tribunal ne peut que constater que l'instance est poursuivie relativement à la demande principale d'annulation de la partie française de la marque verbale internationale "Treets" no1368068 qui figure au dispositif de leurs dernières conclusions, en sorte que le tribunal en est valablement saisi. 39. Dès lors, la prétendue irrecevabilité de la demande de révocation du sursis à statuer est sans objet. III - Sur la recevabilité des demandes en nullité de la partie française des marques internationales verbale "Treets" no1448836 et semi-figurative "Treets" no1498477 Moyens des parties 40. La société Piasten estime que les demandes additionnelles des demanderesses visant les parties françaises de ses marques internationales verbale "Treets" no1448836 et semi-figurative "Treets" no1498477 sont irrecevables faute de se rattacher par un lien suffisant à leurs demandes originaires visant ses marques no1368068 et no1413533. Elle fait observer qu'à tout le moins la marque internationale no1448836 a été publiée antérieurement à l'assignation du 22 août 2019 de la SAS Mars France, de sorte que cette dernière en avait nécessairement connaissance lors de son assignation. 41. La SAS Lutti considère qu'elle est étrangère aux actes imputés par les demanderesses à la société Piasten lors des dépôts des marques litigieuses, en sorte qu'elle n'a aucune qualité à défendre à ce titre, n'étant titulaire d'aucune marque comportant l'élément verbal "Treets". 42. Les sociétés Mars Inc. et Mars France opposent que leurs demandes visant l'annulation de la partie française des marques internationales verbale "Treets" no1448836 et semi-figurative "Treets" no1498477 se rattachent à leurs prétentions originaires par un lien suffisant compte qu'elles appartiennent au même titulaire, comportent le même élément verbal, désignent des produits identiques ou similaires et sont arguées des mêmes vices de dépôt de mauvaise foi. Réponse du tribunal 43. L'article 4 du code de procédure civile prévoit que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. 44. L'article 70 alinéa 1 du même code précise que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. 45. Selon l'article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. 46. En l'espèce, l'action introduite par l'assignation de la société Mars Inc. le 10 décembre 2018 tendait, notamment, à l'annulation de la partie française des marques internationales verbale "Treets" no1368068 et semi-figurative "Treets" no1413533. 47. Il résulte des pièces versées par les demanderesses et il n'est pas contesté par la société Piasten que les marques internationales "Treets" litigieuses ont été déposées par cette dernière, la première le 1er octobre 2018, la seconde le 15 mai 2019 et publiées, la première le 7 février 2019, la seconde le 14 novembre 2019 (pièces Piasten no98 et 99). 48. Les marques internationales "Treets" no1448836 et no1498477 ayant été publiées postérieurement à l'action introduite par la société Mars Inc., elles ne pouvaient pas être visées par les demandes initiales. Les demandes additionnelles de cette dernière visant à l'annulation de la partie française de ces marques présentent avec les demandes originaires visant les marques internationales no1368068 et no1413533 un lien suffisant, dès lors qu'elles tendent à faire annuler les marques litigieuses de la même défenderesse en raison, notamment, de l'emploi du même élément verbal "Treets" pour des produits et services argués comme identiques ou similaires. 49. Le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes des sociétés Mars Inc. et Mars France en nullité des marques internationales verbale "Treets" no1448836 et semi-figurative "Treets" no1498477 sera, en conséquence, écarté. 50. S'agissant de l'irrecevabilité des mêmes demandes en tant qu'elles visent la SAS Lutti, la fin de non-recevoir opposée vise la demande suivante des sociétés Mars : "condamner les sociétés Piasten et Lutti in solidum à payer à la société Mars Inc. la somme de 5 000 000 euros en réparation du préjudice qui lui a été causé en suite de leurs agissements frauduleux, sauf à parfaire ; condamner les sociétés Piasten et Lutti in solidum à payer à la société Mars France la somme de 5 000 000 euros en réparation du préjudice qui lui a été causé en suite de leurs agissements frauduleux, sauf à parfaire". 51. Les sociétés Mars Inc. et Mars France, au soutien de ces demandes, invoquent divers faits dont certains qu'elles imputent à la SAS Lutti, en particulier la campagne de presse ayant accompagné le lancement de ses produits en France. 52. La SAS Lutti se présente elle-même comme le distributeur en France des produits commercialisés sous les marques "Treets" litigieuses dont la société Piasten est titulaire (conclusions Lutti page 10). 53. Dès lors, elle dispose d'une qualité à défendre à ce titre et la fin de non-recevoir opposée par la SAS Lutti sera écartée. IV - Sur la recevabilité des demandes d'annulation des renonciations de la SAS Mars France à ses marques françaises no1296438 et no93498883 Moyens des parties 54. Les sociétés Piasten et Lutti invoquent le défaut de pouvoir du tribunal pour annuler les renonciations de la SAS Mars France à ses marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883 inscrites au registre national des marques le 2 novembre 2017 sous les no0710801 et 0710802, ce pouvoir n'appartenant qu'à l'INPI. Elles font également valoir que cette demande est viciée par une intention frauduleuse de la SAS Mars France dans la mesure où elle ne vise qu'à les empêcher d'utiliser le signe "Treets" sans intention de l'utiliser pour ses propres activités. 55. Les sociétés Mars Inc. et Mars France objectent que la question de la compétence du tribunal pour statuer sur leur demande d'annulation de leur renonciation à leurs marques françaises no1296438 et no93498883 a été tranchée par le juge de la mise en état et qu'elle entre dans les pouvoirs du tribunal dans la mesure où elle est fondée sur des manoeuvres frauduleuses de la société Piasten, non sur une intention frauduleuse de l'une d'elle. Réponse du tribunal 56. Aux termes de l'article 1100-1 du code civil, les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux.Ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats. 57. L'article 1130 du même code énonce que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. 58. Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. 59. L'article L.714-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que l'auteur d'une demande d'enregistrement ou le titulaire d'une marque enregistrée peut renoncer aux effets de cette demande ou de cet enregistrement pour tout ou partie des produits ou services auxquels s'applique la marque. 60. Il se déduit de l'ensemble que la renonciation à une marque par son titulaire constitue un acte juridique dont la nullité peut être demandée pour une cause de vice du consentement.61. La SAS Mars France estimant son consentement vicié est, de ce fait, recevable à demander au tribunal qu'il statue sur la validité des renonciations qu'elle a opérées le 6 juin 2017, publiées le 2 novembre 2017, à ses marques no1296438 et no93498883 (pièces Piasten no10, 11 et 13). Le moyen tiré de la compétence du directeur de l'INPI pour statuer sur la validité de cette renonciation est, dès lors, inopérant. 62. Par ailleurs, le moyen des défenderesses selon lequel cette demande constituerait une manoeuvre frauduleuse visant à faire seulement obstacle à l'entrée de leurs produits "Treets" sur le marché français relève d'une défense au fond. 63. La fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes de la SAS Mars France d'annulation de ses renonciations à ses marques françaises no1296438 et no93498883 sera, en conséquence, écartée. V - Sur la recevabilité des demandes en concurrence déloyale et parasitaire Moyens des parties 64. La SAS Lutti avance que la société Mars Inc. est dépourvue d'intérêt à agir au titre de la commercialisation des produits "Treets" en France, faute d'exploitation directe des produits "Treets" sur le marché français et de lien de causalité entre le préjudice que la société Mars Inc. invoque au titre de sa politique de dépôt de marques à l'étranger et la distribution sur le territoire français qui lui est reprochée. 65. La société Piasten s'associe au défaut d'intérêt à agir de la société Mars Inc. en concurrence déloyale et parasitaire en l'absence d'activité commerciale sur le territoire français. 66. Les sociétés Mars Inc. et Mars France considèrent que compte tenu de la filiation et des liens économiques qui ont existé et qui existent encore entre elles, toute atteinte directe contre les activités économiques de la première interagissent, ne serait-ce qu'indirectement, sur les résultats économiques de la seconde. Réponse du tribunal 67. Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. 68. L'article 32 du même code ajoute qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. 69. Au cas présent, la seule circonstance établie par les pièces versées (pièces Mars no6, 15, 16, 23) et non contestée par la SAS Lutti qu'elle a commercialisé en France des produits ou services que les sociétés Mars Inc. lui reprochent suffit à rendre ses demandes relatives à la concurrence déloyale recevables à son égard, les moyens invoqués par la SAS Lutti s'analysant en des défenses au fond. 70. Il en va de même du moyen invoqué par les défenderesses relativement à l'absence d'activité commerciale de la société Mars Inc. sur le territoire français. 71. Le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes de la société Mars Inc. en concurrence déloyale ou parasitaire sera, en conséquence, écarté. VI - Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle des sociétés Piasten et Lutti en déchéance des droits sur les marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883 Moyens des parties 72. Les sociétés Mars Inc. et Mars France soutiennent que la demande des défendesses en déchéance des droits sur les marques françaises no1296438 et no93498883 éventuellement restaurées est irrecevable dans la mesure où elle est sans objet, ces marques étant sans existence juridique, et elle ne se rattache pas aux prétentions originaires par un lien suffisant étant sans incidence sur la demande de nullité des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 et ne pouvant pas faire échec à la demande d'annulation de la renonciation de la SAS Mars France à ses marques françaises no1296438 et no93498883. 73. Les sociétés Piasten et Lutti estiment que la demande reconventionnelle de déchéance des droits des demanderesses sur leurs marques françaises no1296438 et no93498883 est connexe à la demande d'annulation des renonciations à ces marques compte tenu que le rétablissement de ces marques est susceptible de constituer une entrave à leur activité économique. Réponse du tribunal 74. L'article 70 alinéa 1 du code de procédure civile prévoit que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. 75. Selon l'article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. 76. Au cas présent, la demande des sociétés Piasten et Lutti consiste à réclamer la déchéance des droits des sociétés Mars sur les marques françaises no1296438 et no93498883 pour défaut d'usage sérieux dans l'hypothèse où le tribunal annulerait la renonciation de la SAS Mars France à ces mêmes marques. 77. Cette demande se rattache, de ce fait, aux prétentions additionnelles de la SAS Mars France par un lien suffisant et le moyen tiré de son irrecevabilité sera, en conséquence, écarté. VII - Sur l'annulation de la partie française des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 Moyens des parties 78. Les sociétés Mars Inc. et Mars France estiment que :- la marque "Treets" originelle dispose d'une notoriété résiduelle importante que les défenderesses n'ignoraient pas,- les dépôts des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 ont été effectués de mauvaise foi par la société Piasten, qui a mené une stratégie d'éviction, de menaces, d'actions judiciaires et de manoeuvres d'appropriation de leurs droits sur les marques "Treets" afin de récupérer cette notoriété à son profit et celui de son distributeur en France, la SAS Lutti- la société Piasten a dissimulé ses véritables intentions pour ne pas éveiller une quelconque méfiance de leur part, en procédant à des dépôts du signe "Treets" avec de nombreux libellés ne mentionnant pas expressément des produits de cacahuètes enrobées de chocolat, rompant avec sa pratique antérieure en la matière- la mauvaise foi de la société Piasten est également caractérisée par la reprise de l'emballage d'origine avec lequel elles commercialisaient leur produit "Treets" antérieur, alors que la société Piasten ou sa maison mère ont déjà été condamnées pour des faits similaires- la société Piasten ne démontre aucun intérêt légitime au dépôt des marques "Treets" litigieuses, dès lors qu'elle dispose d'autres marques sous lesquelles elle commercialise les mêmes produits, son appropriation frauduleuse de la marque "Treets" antérieure ne visant qu'à bénéficier de sa notoriété résiduelle- les marques litigieuses déposées par la société Piasten revêtent également un caractère déceptif, celles-ci renvoyant nécessairement à leurs marques "Treets" antérieures et à ses bonbons du même nom, créant un risque de confusion dans l'esprit du consommateur, qui se trouvant en présence des produits "Treets" des sociétés défenderesses pensera être les leurs, connus dans le passé- ces marques litigieuses ont un caractère trompeur, les sociétés Piasten et Lutti ayant tout fait pour faire croire et laisser croire qu'elles relançaient les bonbons "Treets" originels alors que tel n'est pas le cas- la SAS Lutti s'est rendue complice des dépôts frauduleux de la société Piasten, en participant à l'exploitation litigieuse de ces marques et en tirant économiquement profit. 79. La société Marques, reprenant les mêmes moyens que les sociétés Mars, en particulier sur la nécessaire protection contre des comportements déloyaux de la valeur résiduelle de marques ayant connu un succès extrêment important, conclut de prohiber et de condamner tout dépôt de marque reproduisant ou imitant un signe qui, ayant été exploité par un tiers avec une réelle notoriété et qui a conservé une partie de cette notoriété au moment du dépôt considéré et désignant des produits et services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque première a acquis et conserve sa notoriété, cette prohibition s'imposant d'autant plus si l'exploitation de la marque seconde s'effectue dans des conditions identiques ou similaires à celles de l'exploitaion de la marque première et porte préjudice au titulaire de la marque première, et si, comme en l'espèce, le dépôt de marque vise à désigner un produit identique à celui qui est toujours présent sur le marché, sous son nom nouveau, de sorte que deux produits identiques, d'origine pourtant distincte, coexistent sous deux noms différents, mais que le public est susceptible d'attribuer à la même provenance. 80. La société Piasten réfute tout caractère frauduleux des dépôts des marques "Treets" litigieuses qu'elle a opérés, en l'absence de droits des sociétés Mars sur le signe "Treets" et de l'inexistence de sa notoriété résiduelle. Elle souligne que sa volonté de lancer une nouvelle gamme de produits à base de cacahuètes enrobées de chocolat en y apposant le signe "Treets" n'a jamais été dissimulée, en attestent sa communication ouverte avec la société Mars Inc., ses dépôts pour sécuriser ses droits sur ce signe qui n'ont fait l'objet d'aucune opposition des demanderesses et ses actions en déchéance pour en assurer la disponibilité, la fraude étant exclue, selon elle, du fait de la volonté expresse de la SAS Mars France de renoncer à ses droits sur ses marques françaises "Treets" et de l'absence d'exploitation de celles-ci pour des bonbons à la cacahuète enrobée de chocolat, dont la commercialisation a cessé depuis 1986. 81. Elle affirme :- que la notion de notoriété résiduelle est inconnue du droit français et aucune notoriété résiduelle n'est attachée au signe "Treets", le sondage produit par les demanderesses sensé l'établir étant biaisé- que la licéité du dépôt des marques internationales "Treets" doit s'analyser au regard des dispositions applicables à la date du dépôt, lesquelles ne prévoyaient pas le motif de nullité pour mauvaise foi- que les produits qu'elle commercialise sous les marques "Treets" litigieuses diffèrent de ceux des sociétés Mars, les emballages étant de couleur, de typographie et de présentation distinctes- que faute de marque "Treets" valable et d'usage de leurs marques éponymes depuis 1986 par les demanderesses, les marques internationales "Treets" litigieuses n'ont pas pu les priver d'un signe nécessaire à leur activité, de sorte que la fraude alléguée n'est pas constituée- que ses marques internationales "Treets" ne sont ni déceptives, ni trompeuses, en l'absence de fausse croyance dans l'esprit des consommateurs quant à la nature, la qualité ou la provenance géographique des produits et services qu'elles proposent, outre qu'en l'absence de notoriété résiduelle de la marque "Treets" antérieure, les consommateurs ne font pas de lien entre cette marque et ses marques internationales "Treets" et que les dispositions du code de la consommation ne peuvent pas constituer une motif de nullité d'une marque. 82. La SAS Lutti développe les mêmes moyens. Réponse du tribunal 83. Aux termes de l'article L.711-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable aux dépôts des marques internationales litigieuses, ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe :a) Exclu par l'article 6 ter de la convention de Paris en date du 20 mars 1883, révisée, pour la protection de la propriété industrielle ou par le paragraphe 2 de l'article 23 de l'annexe I C à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce ;b) Contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, ou dont l'utilisation est légalement interdite ;c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. VII.1 - S'agissant de la nullité au motif de la mauvaise foi du déposant 84. L'article 6bis de la Convention d'Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883 dispose :1) Les pays de l'Union s'engagent, soit d'office si la législation du pays le permet, soit à la requête de l'intéressé, à refuser ou à invalider l'enregistrement et à interdire l'usage d'une marque de fabrique ou de commerce qui constitue la reproduction, l'imitation ou la traduction, susceptibles de créer une confusion, d'une marque que l'autorité compétente du pays de l'enregistrement ou de l'usage estimera y être notoirement connue comme étant déjà la marque d'une personne admise à bénéficier de la présente Convention et utilisée pour des produits identiques ou similaires. Il en sera de même lorsque la partie essentielle de la marque constitue la reproduction d'une telle marque notoirement connue ou une imitation susceptible de créer une confusion avec celle-ci. 2) Un délai minimum de cinq années à compter de la date de l'enregistrement devra être accordé pour réclamer la radiation d'une telle marque. Les pays de l'Union ont la faculté de prévoir un délai dans lequel l'interdiction d'usage devra être réclamée. 3) Il ne sera pas fixé de délai pour réclamer la radiation ou l'interdiction d'usage des marques enregistrées ou utilisées de mauvaise foi. 85. L'article 4, paragraphe 2 de la directive 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques prévoit qu'une marque est susceptible d'être déclarée nulle si sa demande d'enregistrement a été faite de mauvaise foi par le demandeur. Un État membre peut aussi prévoir qu'une telle marque est refusée à l'enregistrement. 86. Toute marque déposée en fraude des droits d'autrui étant nécessairement déposée de mauvaise foi, la jurisprudence des juridictions françaises, antérieure et postérieure aux directives précitées, selon laquelle l'annulation d'une marque déposée en fraude des droits d'autrui peut être demandée, sur le fondement du principe fraus omnia corrumpit (la fraude corrompt tout), s'inscrit dans le cadre du motif d'annulation prévu à l'article 4, paragraphe 2 de la directive 2015/2436 (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 17 mars 2021, no18-19.774, rendu au visa de la directive 89/104 et de la directive 2008/95) 87. Toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l'ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d'espèce. Ce n'est que de cette manière que l'allégation de mauvaise foi peut être appréciée objectivement. La circonstance que l'usage d'un signe dont l'enregistrement est demandé permettrait au demandeur de tirer indûment profit de la renommée d'une marque antérieure est de nature à établir la mauvaise foi du demandeur. Toutefois, un comportement de parasitisme à l'égard de la renommée d'une marque antérieure n'est, en principe, possible que si cette marque jouit effectivement et actuellement d'une certaine renommée. Par ailleurs, lorsque la mauvaise foi du demandeur de marque est fondée sur son intention de tirer indûment profit de la renommée d'une marque antérieure, le public pertinent pour apprécier l'existence de cette renommée et du profit indûment tiré de ladite renommée est celui visé par la marque contestée, à savoir le consommateur moyen des produits pour lesquels celle-ci a été enregistrée. En outre, il incombe au demandeur en nullité d'établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire de la marque contestée était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d'enregistrement de cette dernière, la bonne foi étant présumée jusqu'à preuve du contraire (TUE, 6 juillet 2022, T-250/21, Ladislav Zdut c/ EUIPO, points 26, 32 à 34, 57 et jurisprudence citée). 88. En l'espèce, les pièces produites par les parties montrent des échanges nourris entre avril et juin 2017 relativement à la volonté de la société Piasten et de sa maison mère, la société Katjes, de négocier autour du signe "Treets" et, en particulier, des marques françaises "Treets" dont la SAS Mars France était titulaire. 89. Ainsi, la société Piasten a sollicité de la SAS Mars France le retrait de ses marques françaises no93498883 et no1296438 le 8 mars 2017 et engagé des actions en déchéance d'autres marques "Treets", par exemple de la marque de l'Union européenne no1454 devant l'Office européen pour la propriété intellectuelle (pièce Mars no11). 90. Par courriel du 26 mai 2017, la société Piasten a proposé le rachat des plus anciennes marques "Treets", notamment en France, proposition à laquelle la société Mars Inc. n'a pas donné suite, estimant le prix proposé dérisoire (pièce Piasten no12-2 et conclusions Mars page 14). 91. La société Piasten a également proposé, le 2 juin 2017 à la société Mars Inc. un engagement à "ne pas utiliser la marque "Treets" sur un emballage jaune" (pièce Mars no74). Aucun accord n'a, toutefois, été conclu et la société Mars Inc a avisé la société Katjes de sa renonciation à ses marques françaises par courriel du 5 juin 2017 (pièce Piasten no12-4). 92. Il résulte de l'ensemble que la société Mars Inc. était informée de la volonté de la société Piasten d'utiliser le signe "Treets" pour ses produits ou ceux d'éventuels licenciés et la stratégie dénoncée par les sociétés Mars ne correspond en réalité qu'à des démarches usuelles dans la vie des affaires permettant à un concurrent de s'assurer sans déloyauté de la disponibilité d'un signe qu'il souhaite exploiter à titre de marque, ce qui participe de la liberté du commerce. 93. Le dépôt des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 n'a, de ce fait, pas été effectué de mauvaise foi par la société Piasten et les demandes des sociétés Mars à ce titre seront, en conséquence, rejetées. VII.2 - S'agissant de la nullité au motif du caractère trompeur ou de la déceptivité de la partie française des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 94. Les dispositions de l'article L.711-3 c) du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction applicable à l'espèce, s'analysent à la lumière des dispositions de la directive 89/104 interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne selon laquelle, le caractère trompeur d'une marque suppose que la marque crée un risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen et exige d'établir l'existence d'une tromperie effective ou d'un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur (en sens CJCE, 30 mars 2006, C-259/04, Elizabeth Emanuel, paragraphe 46 et 47). 95. Une marque est nulle lorsqu'elle est en elle-même susceptible de tromper le public sur l'une des caractéristiques des produits désignés dans son enregistrement, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération les conditions de son exploitation, qui n'intéressent que la déchéance ultérieure des droits qui lui sont attachés (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 15 mars 2017, no15-19.513 et 15-50.038). 96. Les marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 ne sont pas susceptibles de créer un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs, dès lors qu'elles sont seules existantes sur le marché français pour les produits et services visés à leur enregistrement suite aux radiations des marques françaises de la SAS Mars France et la renommée résiduelle éventuelle de la marque première est insuffisante à établir le caractère déceptif allégué. 97. L'invocation par les sociétés Mars du caractère trompeur ou déceptif des marques internationales "Treets" de la société Piasten en raison d'un risque de confusion avec leurs marques "Treets" antérieures est, de ce fait, inopérant. 98. En conséquence, les demandes à ce titre des sociétés Mars seront rejetées. VIII - Sur la demande d'annulation de la renonciation aux marques verbales françaises no1296438 et no93498883 Moyens des parties 99. Les sociétés Mars Inc. et Mars France assurent que les manoeuvres de la société Piasten en vue de contraindre la SAS Mars France à renoncer à ses marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883 ont vicié son consentement. Elles assurent que la SAS Mars France ne pouvait pas soupçonner le but final et la mauvaise foi de la société Piasten lors des échanges au sujet de ces marques. 100. La société Piasten oppose que les demanderesses n'utilisent plus le signe "Treets" depuis plus de trente ans, que ce signe n'est pas nécessaire à leur activité et qu'elles n'ont aucune intention de l'utiliser à nouveau pour leur activité, le but de leur demande de rétablissement des marques verbales françaises no1296438 et no93498883 étant seulement de l'empêcher d'utiliser ce signe nécessaire à son activité pour commercialiser ses nouveaux produits, ce dont elle déduit que cette demande est formée avec intention frauduleuse. Elle assure n'avoir commis aucun dol compte tenu que les demanderesses, en leur qualité de professionnelles, ne pouvaient ignorer que ses démarches de rachat de ces marques et sa demande à la SAS Mars France d'y renoncer n'avait que pour but d'en disposer pour elle-même. 101. La SAS Lutti ajoute que la SAS Mars France a procédé en toute connaissance de cause aux renonciations à ses marques verbales françaises no1296438 et no93498883 ayant la certitude de ne pas pouvoir résister à une action en déchéance contre ces marques. Réponse du tribunal 102. Aux termes de l'article 1100-1 du code civil, les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux.Ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats. 103. L'article 1130 du même code énonce que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. 104. L'article L.714-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que l'auteur d'une demande d'enregistrement ou le titulaire d'une marque enregistrée peut renoncer aux effets de cette demande ou de cet enregistrement pour tout ou partie des produits ou services auxquels s'applique la marque. 105. En l'espèce, la SAS Mars France a renoncé le 6 juin 2017 à ses marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883. Ces renonciations ont été publiées le 2 novembre 2017 (pièces Piasten no10, 11 et 13). 106. À cette date, elle avait connaissance de la demande de rachat de ces marques dont les conclusions des demanderesses mentionnent qu'elle a été renouvelée le 2 juin 2017 (conclusions Mars page 39 et pièce Mars no74) et elle avait échangé avec la société Piasten des courriels courant mai 2017 selon lesquels cette dernière lui demandait de retirer ses marques "Treets" en vigueur notamment en France et "serait prête à s'engager à ne pas utiliser un fond de couleur jaune pour le packaging des produits identifiés (en particulier les confiseries)" (pièce Mars no60). 107. Il en ressort suffisamment que la SAS Mars France était informée, ou, à tout le moins, ne pouvait ignorer, la volonté de la société Piasten de disposer du signe "Treets" pour ses propres produits. 108. La volonté de la SAS Mars France de renoncer à ses marques verbales françaises no1296438 et no93498883 n'a, de ce fait, pas été viciée par de prétendues manoeuvres frauduleuses de la société Piasten. 109. En conséquence, la demande des sociétés Mars d'annulation de la renonciation de la SAS Mars France à ses marques verbales françaises no1296438 et no93498883 sera rejetée. 110. De ce fait, la demande reconventionnelle des sociétés Piasten et Lutti en déchéance des marques verbales françaises no1296438 et 93498883 est sans objet. IX - Sur la concurrence déloyale, le parasitisme et les pratiques commerciales trompeuses Moyens des parties 111. Les sociétés Mars Inc. et Mars France estiment que les défenderesses, en situation de concurrence avec elles en France dans le domaine de la confiserie, ont sciemment promu des produits créant pour le consommateur un risque de confusion avec les leurs et ont appuyé ce lancement à l'aide d'une campagne de communication contenant des mensonges et du dénigrement à leur égard et celui de leurs produits, l'ensemble constituant une concurrence déloyale. 112. Elles reprochent également aux défenderesses des actes de parasitisme consistant à s'accaparer la valeur économique résiduelle, fruit des efforts, des résultats passés, du patrimoine et de l'histoire de la marque "Treets" antérieure en lançant des produits imités de ceux-ci par leur nom, leur nature, leur présentation et leur emballage, s'épargnant ainsi de considérables économies de recherche, développement et promotion. 113. Elles font également valoir que les société Piasten et Lutti ont tout fait pour altérer le comportement du consommateur, pour le conduire à consommer leurs produits "Treets" en les associant aux anciens bonbons "Treets" et en les présentant comme un retour ou une relance, caractérisant une pratique commerciale trompeuse. 114. La société Piasten conteste toute concurrence déloyale faute de se trouver en concurrence avec la SAS Mars France sur le même marché, à défaut d'avoir imité les produits "Treets" antérieurs des demanderesses et en l'absence de tout risque caractérisé de confusion du consommateur qu'elle démontre, notamment par sondage et par l'évolution des ventes des produits en cause. Elle précise que les produits "Treets" des demanderesses ne sont plus commercialisés depuis 1986 et ne sont plus associés aux produits "M&M's" qui les ont substitués ; qu'elle était légitime à faire usage du signe "Treets" sur lequel les demanderesses ne disposent d'aucun droit ; que ses produits "Treets" se distinguent des produits originels des demanderesses dans leur composition, leur présentation, en particulier l'emballage, et leur promotion. 115. Elle réfute également tout acte de parasitisme, les demanderesses ne justifiant d'aucun investissement relatif à leur produit "Treets" antérieurs, tandis qu'elle-même a consacré des investissements considérables pour développer ses propres produits. Elle ajoute n'avoir jamais cherché à se placer dans le sillage des demanderesses, le nom "Treets" ayant délibérément été abandonné par elles, l'emballage de ses produits ne reprenant aucun des éléments caractéristiques des anciens produits "Treets", la nature, la recette et l'aspect de ses produits étant distincts et aucune notoriété résiduelle du produit "Treets" originel, selon elle inexistante, ne pouvant être invoquée pour caractériser une concurrence déloyale ou un parasitisme. 116. La SAS Lutti, outre la reprise des moyens développés par la société Piasten, affirme qu'aucune fraude ne saurait lui être reprochée dès lors :- qu'elle n'a pas pu priver les demanderesses de l'usage du signe "Treets" qu'elles ont volontairement abandonné depuis plus de trente ans- que la société Piasten a loyalement fait part à la société Mars Inc. de son intention d'user du signe "Treets" pour elle-même et qu'elle n'est pas à l'origine d'un quelconque dénigrement des sociétés Mars- que le signe "Treets the peanut company" désigne une gamme de confiserie déclinant le chocolat et la cacahuète sous diverses formes et non seulement des cacahuètes enrobées de chocolat- qu'elle est étrangère aux propos mentionnés dans l'article du Journal du Dimanche du 24 juin 2018 repris ensuite par d'autres titres de presse, ayant tenté de rectifier les erreurs et approximations publiées, en particulier par une proposition de communiqué de presse que la SAS Mars France a refusé- qu'elle a investi près de 100 000 euros pour la promotion de ses produits "Treets" qu'elle a commercialisés en France. Réponse du tribunal 117. Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 118. Conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. IX.1 - S'agissant de la concurrence déloyale 119. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. 120. L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 10 juillet 2018, no16-23.694). 121. Le risque de confusion s'apprécie pour un consommateur d'attention moyenne qui ne dispose pas en même temps des produits litigieux (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 juillet 2001, no99-19.632). 122. La caractérisation d'une situation de concurrence directe ou effective entre des sociétés n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 12 février 2008, no06-17.501). 123. Il s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 mars 2021, no18-24.373). 124. Au cas présent en l'absence de dépôt de mauvaise foi des quatre marques internationales par la société Piasten, en l'absence de commercialisation en France par les sociétés Mars de produits sous le signe "Treets" depuis trente ans, en raison de la renonciation de la SAS Mars France à ses marques verbales françaises no1296438 et no93498883 et en raison de l'exploitation par les défenderesses des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477, dont la demande en nullité pour mauvaise foi a été rejetée, aucune faute de la société Piasten n'est caractérisée. 125. Les demandes à ce titre des sociétés Mars seront, en conséquence rejetées. IX.2 - S'agissant du dénigrement 126. Les atteintes à la réputation d'une personne, relevant de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sont à distinguer de la mise en cause des produits et services d'une entreprise, relevant de la responsabilité délictuelle (en ce sens Cour de cassation assemblée plénière, 12 juillet 2000, no98-10.160 et 98-11.155). 127. Même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 9 janvier 2019, no17-18.350). 128. Au soutien de leur demande à ce titre les sociétés Mars produisent aux débats treize articles de la presse nationale et régionale faisant état "d'un pacte de non agression" entre les sociétés Lutti et Mars, ou mettant en avant que "cette manoeuvre s'est déroulée en bonne entente avec Mars", tout en soulignant que l'objectif est de "marcher sur les plates-bandes du géant M&M's", ou "s'attaquer à M&M's, une marque monstre" (pièce Mars no61). 129. Toutefois, il ne résulte d'aucun des articles cités que la société Piasten ou la SAS Lutti a divulgué une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par les sociétés Mars, que ce soit ses produits M&M's, le qualificatif de "monstre" se rapportant dans l'article cité à sa domination du marché, ou à ses produits "Treets" antérieurs. 130. De même, la reprise dans plusieurs articles de l'information selon laquelle la SAS Lutti aurait reproduit la recette originale des bonbons "Treets" antérieurs ne prouve pas que celle-ci soit à l'origine de sa divulgation et, à supposer que tel soit le cas, cette divulgation est dépourvue de discrédit sur le produit en cause. 131. Par ailleurs, si les sociétés Mars imputent aux défenderesses des actes de dénigrement consistant à avoir divulgué une fausse information relative à un accord entre elles portant sur le signe "Treets", cette information, à la supposer établie, ne concerne pas les produits commercialisés sous ce signe, mais les sociétés Mars, en sorte qu'elle ne relève pas du dénigrement. 132. Les demandes des sociétés Mars fondés sur le dénigrement seront, en conséquence, rejetées. IX.3 - S'agissant du parasitisme 133. Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 10 juillet 2018, no16-23.694). 134. Au cas présent, les société Mars se fondent sur un article du magazine "Linéaires" de septembre 2018 qui a évalué les retombées médiatiques de l'annonce du retour en France des bonbons "Treets" antérieurs par la SAS Lutti à 500 000 euros (pièce Mars no67). 135. Toutefois, cette seule pièce est insuffisante à établir les investissements consentis par les sociétés Mars pour la construction ou la conservation de la notoriété de leur produit "Treets" antérieur. 136. La société Piasten verse, à l'inverse, aux débats une attestation de son directeur financier mentionnant que les coûts de recherche et développement de ses nouveaux produits "Treets" se sont élevés à 120 000 euros et ceux de marketing et communication à 1 550 000 euros jusque fin novembre 2018 (pièce Pisten no62). 137. Le parasitisme reproché aux sociétés Piasten et Lutti n'est, en conséquence, pas démontré et les demandes à ce titre des sociétés Mars seront rejetées. IX.4 - S'agissant des pratiques commerciales trompeuses 138. L'article L.121-1 du code de la consommation dispose que les pratiques commerciales déloyales sont interdites.Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L.121-2 à L.121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L.121-6 et L.121-7. 139. L'article L.121-2 du même code ajoute qu'une pratique commerciale est trompeuse, notamment, 1o Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent (...). 140. La violation de ces dispositions peut constituer une faute de concurrence déloyale invocable entre concurrents, car le non-respect d'une règle peut constituer un avantage dans la concurrence par rapport à ceux qui la respectent. Ainsi, lorsque la faute, dont il est demandé réparation sur le fondement de la concurrence déloyale, est identifiée à une pratique commerciale déloyale prohibée par les dispositions susvisées, il est nécessaire, pour la société qui s'en prétend victime, de démontrer qu'elle est susceptible d'altérer, de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard de ce bien ou de ce service. Il en résulte que deux éléments doivent être démontrés par la partie qui se prévaut d'une pratique trompeuse au titre de la concurrence déloyale : en premier lieu, elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en second lieu, elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 7 décembre 2022, no21-16.462). 141. En l'occurrence, en l'absence de dépôt de mauvaise foi des quatre marques internationales par la société Piasten, en l'absence de commercialisation en France par les sociétés Mars de produits sous le signe "Treets" depuis trente ans, en raison de la renonciation de la SAS Mars France à ses marques verbales françaises no1296438 et no93498883 et en raison de l'exploitation par les défenderesses des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477, dont la demande en nullité pour mauvaise foi a été rejetée, la commercialisation par la SAS Lutti en France sous le signe "Treets" de cacahuètes enrobées de chocolat, n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. 142. Les demandes à ce titre des sociétés Mars seront, en conséquence, rejetées. X - Sur le caractère abusif de la procédure Moyens des parties 143. Les sociétés Piasten et Lutti tiennent l'action engagée par les demanderesses pour un détournement de l'action en contrefaçon en vue de reconstituer son monopole sur la marque "Treets", leur ayant causé une désorganisation dont elles demandent réparation. 144. Les sociétés Mars Inc. et Mars France n'ont pas conclu à ce titre. Réponse du tribunal 145. L'article 1240 du code civil prévoit que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 146. En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. 147. Le droit d'agir en justice participe des libertés fondamentales de toute personne. Il dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 10 octobre 2012, no11-15.473). 148. La seule circonstance que les demandes des sociétés Mars soient rejetées n'est pas de nature à faire dégénérer leur action en abus, aucune intention de nuire n'étant établie, outre que les sociétés Piasten et Lutti ne démontrent aucun préjudice distinct des frais engagés pour leur défense, lesquels sont indemnisés au titre des frais non compris dans les dépens. 149. Les demandes à ce titre des sociétés Piasten et Lutti seront, en conséquence, rejetées. XI - Sur les demandes accessoires XI.1 - Sur les dépens 150. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 151. L'article 699 du même code prévoit que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens. 152. Les sociétés Mars, qui succombent à l'instance, seront condamnées aux dépens, avec distraction au profit de l'avocat de la société Lutti. XI.2 - Sur l'article 700 du code de procédure civile 153. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 154. Les sociétés Mars Inc. et Mars France, parties tenues aux dépens, seront condamnées, in solidum, à payer 50 000 euros à chacune des sociétés Piasten et Lutti à ce titre. XI. 3 - Sur l'exécution provisoire 155. Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. 156. L'exécution provisoire de droit n'a pas à être écartée en l'espèce. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Déclare recevable l'intervention volontaire accessoire de la société Marques ; Écarte le moyen d'irrecevabilité de la demande de révocation du sursis à statuer à l'égard de l'action en revendication de la partie française de la marque verbale internationale "Treets" no1368068 ; Écarte les moyens d'irrecevabilité des demandes en nullité de la partie française des marques internationales verbale "Treets" no1448836 et semi-figurative "Treets" no1498477, des demandes d'annulation des renonciations de la SAS Mars France à ses marques françaises no1296438 et no93498883, des demandes en concurrence déloyale et parasitaire et de la demande reconventionnelle des sociétés Piasten et Lutti en déchéance des droits sur les marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883 ; Déboute la société Mars Inc. et la SAS Mars France de leur demande d'annulation de la partie française des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 ; Déboute la société Mars Inc. et la SAS Mars France de leur demande d'annulation de la renonciation de la SAS Mars France à ses marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883 ; Déboute les sociétés Mars Inc. et Mars France de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale, du dénigrement, du parasitisme et des pratiques commerciales trompeuses ; Déboute la société Piasten et la SAS Lutti de leurs demandes en procédure abusive ; Condamne in solidum les sociétés Mars Inc. et Mars France aux dépens avec droit pour Maître Jean-Mathieu Bertho, avocat au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont il a fait l'avance sans recevoir provision ; Condamne in solidum les sociétés Mars Inc. et Mars France à payer 50 000 euros à chacune des société Piasten et Lutti au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 20 décembre 2023 La greffière Le président | x |
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JURITEXT000018907771 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/18/90/77/JURITEXT000018907771.xml | ARRET | Cour d'appel de Rennes, Chambre commerciale, 11 décembre 2007, 06/04140 | 2007-12-11 00:00:00 | Cour d'appel de Rennes | - | 06/04140 | CHAMBRE_COMMERCIALE | RENNES | Deuxième Chambre Comm. ARRÊT No R.G : 06/04140 Pourvoi No : Q 0813477 du 03/04/2008 Société IMMOBILIERE X... C/ Mme Jacqueline X... épouse Y... Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours Copie exécutoire délivrée le : à : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 11 DECEMBRE 2007 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, entendu en son rapport Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller, Madame Véronique BOISSELET, Conseiller, GREFFIER : Madame Béatrice Z..., lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 30 Octobre 2007 ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l'audience publique du 11 Décembre 2007, date indiquée à l'issue des débats. **** APPELANTE : Société IMMOBILIERE X... ... 44700 ORVAULT représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués assistée de Me Philippe A..., avocat INTIMÉE : Madame Jacqueline X... épouse Y... ... 44700 ORVAULT représentée par la SCP GUILLOU & RENAUDIN, avoués assistée de Me B..., avocat EXPOSE DU LITIGE Par jugement en date du 4 mai 2006, le Tribunal de commerce de NANTES a: Débouté la Société Immobilière X... "SIM" de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions; Dit qu'il n'y a pas lieu de nommer un mandataire Ad'hoc; Condamné la Société Immobilière X... "SIM" à payer à Madame Y... née X... Jacqueline la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 Euros) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure; Condamné la Société Immobilière X... "SIM" en tous les dépens dont les frais de greffe liquidés à 61,96 Euros toutes taxes comprises. La SIM a relevé appel de la décision. Elle demande à la Cour de : " Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de NANTES en date du 4 mai 2006, Vu la loi du 24 juillet 1966 en son article 60 alinéa 2, Vu le rapport de gérance en vue de l'Assemblée Générale mixte en date du 22 décembre 2004, Vu le compte- rendu de l'Assemblée Générale mixte du 22 décembre 2004, Vu le rejet de la première résolution ayant pour objet le transfert du siège social, - Dire et juger que le refus de Madame Y... de transférer le siège social au domicile du nouveau gérant, Monsieur Patrick X..., à savoir ... à SAINT AYGULF, est caractéristique d'un abus de minorité, - Dire et juger que le transfert est conforme à l'intérêt de la Société et que l'opposition de Madame Y... est caractéristique d'une manifestation d'intérêt personnel et de volonté d'agir au détriment des autres associés, En conséquence, - Dire et juger que la réparation la plus adéquate d'un tel abus est la validation du transfert de siège social, - Dire qu'à compter que prononcé de la décision, le siège social sera fixé au domicile du gérant, Monsieur Patrick X..., ... à SAINT AYGULF, A titre subsidiaire, - Ordonner la convocation d'une Assemblée Générale Extraordinaire pour voter le principe du transfert du siège social et nommer tel mandataire ad hoc afin de voter, le cas échéant, aux lieu et place de Madame LOCMANT, dans l'intérêt de la Société, - Mettre les frais du mandataire ad hoc à la charge de Madame Y..., - Débouter Madame Y... de sa demande subsidiaire et la condamner au paiement de la somme de 5 000 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, - La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par la S.C.P. BREBION-CHAUDET, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile." Mme Y... conclut ainsi: " Vu l'article 1382 du Code Civil, Vu la loi du 24 Juillet 1966 en son article 60, alinéa 2, Vu les statuts de la Société Immobilière X..., Vu le compte rendu de l'assemblée générale mixte du 22 décembre 2004, Vu la jurisprudence citée, A titre principal : - Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de NANTES le 4 mai 2006, - Débouter la Société Immobilière X... de l'ensemble de ses prétentions, A titre subsidiaire: - Nommer tel mandataire de justice qu'il lui plaira avec pour mission de gérer la société, de faire un rapport sur la gestion de Messieurs X... depuis le début de leur gérance, de décrire l'activité de la société et le lieu de situation des immeubles à gérer, de donner son avis sur le montant des sommes perçues par la gérance, de dresser un rapport du tout à la Cour d'appel de RENNES, En tout état de cause: - Condamner la Société Immobilière X... à verser à Madame Y... une indemnité de 5 000 euros sur le fondement des dispositions qui résultent de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile . - Condamner la Société Immobilière X... aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile . Pour un plus ample exposé du litige, il est fait référence à la décision attaquée, ainsi qu'aux écritures des parties en date des 24 Octobre 2007 (appelante) et 8 Octobre 2007(intimée) . MOTIFS DE LA DÉCISION Considérant que l'ordonnance de clôture a été reportée du 24 au 29 octobre 2006 pour permettre à l'intimée de répondre aux conclusions de l'appelante, signifiées le 24 Octobre précédent, et de faire valoir ses observations sur les pièces communiquées la veille; Qu'il n'y a pas lieu de déclarer irrecevables ces pièces et conclusions; que le principe, du respect du contradictoire n'a pas été méconnu en l'espèce ; Considérant que : "La Société Immobilière X... (SIM)" est constituée de trois associés , soit - Monsieur Jean Claude X..., possédant 3.333 actions et autant de voix. - Monsieur Patrick X... , possédant 3.333 actions et autant de voix - Madame Jacqueline Y... née X..., possédant 3334 actions et autant de voix. Que cette société exerce une activité de location d'immeubles commerciaux, Qu'aux termes de l'article 4 des statuts , son siège social est situé " Route de Nort" à Suce (Loire Atlantique), étant stipulé que : " Il pourra être transféré dans tout autre endroit de la même ville par simple décision de la gérance et en tout autre lieu en vertu d'une décision extraordinaire des associés". Que Monsieur Patrick X..., nommé gérant de la société par décision de l'assemblée générale du 22 décembre 2004 prise à l'unanimité, a souhaité transférer le siège social de la société dans le VAR ; Que Madame Y..., résidant à Nantes, a refusé de voter la résolution concernant ce transfert d'adresse; Considérant que deux conditions sont nécessaires afin de caractériser un abus de minorité : - une attitude contraire à l'intérêt général de la société lui interdisant de réaliser une opération essentielle . - une attitude adoptée dans le seul but de favoriser des intérêts personnels au détriment des autres associés (cass.com. 15 juillet 1992); Que ces conditions ne sont pas réunies en l'espèce; Considérant que l'appelante ne justifie pas en quoi l'absence de transfert du siège social de la société dans le VAR serait contraire à son intérêt; Qu'elle ne mentionne nul projet concret concernant cette région dans laquelle elle n'a pas actuellement d'activité; Que les chiffres qu'elle cite (ratio de rentabilité) ne sont étayés par aucune analyse comptable probante; que sur l'essentiel des documents versés aux débats figure le présent siège social de la société; Que l'objet social de cette dernière et l'ensemble des biens exploités se trouvent à Nantes; Que la Société Immobilière X... se contente d'alléguer que "Monsieur Patrick X... va développer l'activité de cette société dans le VAR où le tissu économique est tel que cette structure prospérera", sans établir en quoi le tissu économique du Var favorisera le développement de l'entreprise dont l'activité économique en Loire Atlantique est tout à fait florissante; Que les pièces comptables produites démontrent que le chiffre d'affaires dans ce département où le patrimoine locatif de la société se situe pour l'ensemble, ne cesse de croître - 518 950 en 2004 - 627 138 en 2005 - 711 154 en 2006 Qu'un changement du siège social dans le Var apparaît ainsi infondé; Considérant que l'appelante invoque un problème de courrier pour justifier le changement du siège social; Qu'il suffit pourtant de faire suivre le courrier et que la société reçoit sans difficulté les paiements faits à son profit, notamment par les locataires; Que l'intimée s'est renseignée auprès des différentes administrations qui lui ont toutes confirmé qu'il suffisait de leur signaler à quelle adresse les documents sociaux ou comptables devaient être renvoyés. Qu'il appartient au gérant de signaler aux organismes concernés les éventuels changements d'adresse; Qu'ainsi, le transfert d'adresse apparaît seulement sollicité dans l'intérêt de son gérant, Monsieur Patrick X..., qui désire rapprocher le siège social de la société de son nouveau lieu de résidence; Que le refus de Madame Y... est légitime au regard de l'intérêt de la société; Qu'au demeurant, aucun abus de minorité ne peut lui être reproché dans la mesure où l'appelante n'apporte pas la preuve que ce transfert correspondrait à un intérêt réel lié à une opération essentielle pour la société; Qu'il revient au gérant, conformément à l'article 4 des statuts de la société, de transférer le siège dans un autre endroit de la même ville si, comme il le soutient, le siège officiel de la société a été vendu; que la société n'est pas pour autant "obligée de louer un bureau au sein de ce département"; Qu'afin d'éviter tout frais inutiles et tout risque de perte de courrier, Madame Y... précise qu'elle est disposée à voire le siège social de la Société Immobilière X... transféré à son domicile, sis ...; Considérant qu'enfin, l'appelante se fonde sur le fait que, pour une autre société dont les consorts C... sont les seuls actionnaires ( à savoir la SCI 3M), le transfert du siège social a été décidé à l'unanimité; Qu'elle soutient que le refus de transfert du siège social de la Société Immobilière X... de la part de l'intimée manifesterait sa volonté d'entraver le fonctionnement de la SIM; Qu'une telle argumentation est inopérante; Qu'en effet, ce qui est peut être fait pour une société ne doit pas nécessairement l'être pour une autre ; Que Madame Y... ne s'oppose pas systématiquement , et sans raison, aux décisions intéressant les sociétés dont elle est actionnaire; Que le Tribunal de commerce a relevé à juste titre : "Le refus ne manifeste pas nécessairement la volonté d'entraver le fonctionnement de la SIM, cette interprétation est contredite par la non opposition au transfert de la direction administrative qui résulterait de la location des locaux à Saint Aygulf, ce qui laisse au gérant les moyens qu'il souhaitait pour assurer ses fonctions"; Que Madame Y... ne s'oppose donc pas à toute décision concernant la Société Immobilière X..., comme tente de le faire accroire son gérant; Considérant que les notions d'intérêt personnel et de détriment des associés doivent être interprétées au regard des intérêts de la société; Que les raisons personnelles sont par exemple sources d'abus de minorité dans l'hypothèse d'une décision prise dans le seul but d'entraver le fonctionnement d'une société afin de se venger et de favoriser ses intérêts dans une entreprise concurrente dont le gendre de l'associé détenait la majorité du capital (Cass. Com. 5 mai 1998); Que l'appelante ne prouve pas que Madame Y... aurait agi dans son intérêt personnel, ni au détriment des autres associés; Que le Tribunal a justement estimé que le refus de vote : " ne traduit pas une volonté de nuire aux autres associés. Le seul fait qu'un associé ait eu des raisons personnelles de s'opposer au vote d'une résolution, ne suffit pas à caractériser l'existence d'un abus de minorité . L'intéressé peut avoir une appréciation différente de la saine gestion de la société"; Que dans la mesure où la société ne trouve aucun intérêt à se voir domiciliée dans le Var, Madame Y... pourrait tout aussi légitimement prétendre que la résolution relative au transfert du siège social était soumise à l'assemblée générale dans l'intérêt personnel des actionnaires résidant dans ce département, et à son détriment; Que la condition relative à un intérêt personnel n'est pas remplie; Considérant qu'aucune des deux conditions cumulatives permettant de qualifier une décision d'abus de minorité n'est satisfaite; Considérant que la SARL IMMOBILIERE X... allègue également que les frères MERCIER ont pu continuer à investir dans le VAR, en particulier dans l'acquisition de deux propriétés et un terrain; Qu'en fait, il s'avère au vu des pièces du dossier qu'il ne s'agit pas d'acquisitions faites au nom de la Société mais à titre personnel; Que par ailleurs, en ce qui concerne les sommes perçues par Monsieur X..., celui-ci a touché en salaire la somme de 103 000 alors que le chiffre d'affaires était de 711 154 ; qu'il a également perçu 65 940 de salaires dans NANTES 2000 pour un chiffre d'affaires de 208 317 . Que le salaire de Monsieur X... a donc constitué un pourcentage très important, alors qu'une gestion par un administrateur s'élèverait à 2% du chiffre d'affaires; Que n'est pas constitué la preuve de l'abus de minorité reprochée à l'intimée, les éléments invoqués à cet égard par l'appelante étant insuffisants. Considérant qu'il convient, dès lors, de confirmer par adoption de motifs le jugement déféré et de débouter la Sté Immobilière X... de toutes ses demandes, en la condamnant aux dépens du fait de sa succombance. Considérant que l'équité commande d'octroyer à Mme Y... une somme de 3000 euros en compensation de ses frais non répétibles d'appel. PAR CES MOTIFS - Déclare recevables les pièces et conclusions de l'appelante communiquées et signifiées les 23 et 24 Octobre 2007; - Confirme le jugement entrepris; - Condamne la Société Immobilière X... à payer à Madame Y... une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - La condamne aux dépens qui, pour ceux d'appel , seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - Rejette toute prétention autre ou contraire. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT, | |||||||||
JURITEXT000025298688 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/25/29/86/JURITEXT000025298688.xml | ARRET | Cour d'appel de Lyon, 18 octobre 2011, 10/05853 | 2011-10-18 00:00:00 | Cour d'appel de Lyon | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 10/05853 | 8ème chambre | LYON | R. G : 10/ 05853 COUR D'APPEL DE LYON 8ème chambre ARRET DU 18 Octobre 2011 Décision du Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE Au fond du 31 août 2009 RG : 07/ 1822 ch no1 X... C/ Y... APPELANTE : Madame Karine X... née le .... à ....(42) ... ... représentée par Me Annick DE FOURCROY, avoué à la Cour assistée de Me Elodie JUBAN, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE INTIME : Maître Fabrice Y... ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL AG TECHNIQUE ... 42026 SAINT-ETIENNE CEDEX 1 représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour assisté de Me Brigitte MANEVAL-PASQUET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE Date de clôture de l'instruction : 06 Juin 2011 Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Septembre 2011 Date de mise à disposition : 18 Octobre 2011 Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Pascal VENCENT, président -Dominique DEFRASNE, conseiller -Catherine ZAGALA, conseiller assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier. A l'audience, Catherine ZAGALA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile. Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. Madame Karine X... s'est adressée à la société AG TECHNIQUE pour lui confier des travaux de rénovation de quatre appartements situés 37 rue Royet et d'une maison située 10 impasse des roses à Saint Etienne. Le 12 février 2005, la société AG TECHNIQUE a établi un devis pour les travaux de l'immeuble rue BB, s'élevant à la somme de 99. 646, 42 euros et un second pour les travaux de la maison impasse des roses s'élevant à la somme de 9. 986, 37 euros, précisant à madame ... X... que si elle acceptait l'ensemble de ces propositions, une remise lui serait accordée sur le chantier.... Par lettre du 15 mars 2005, la société AG TECHNIQUE faisant référence à un accord conclu lors d'un entretien téléphonique avec madame ... X... lui indiquait : " Les travaux en plâtrerie, concernant la maison située rue BB seront réalisés à nos frais selon le montant du devis concernant celle-ci. En contrepartie, vous vous engagez à me faire réaliser entièrement les travaux en plâtrerie, selon les descriptifs, des quatre appartements de l'immeuble situé au CC à M.... (...) ". Une première facture de 5. 000, 00 euros TTC établie le 5 juin 2005 a été réglée par madame ... X.... La seconde du 3 juillet 2005 pour la somme de 7. 000, 00 euros TTC a été réglée à hauteur de 3. 000, 00 euros. La société AG TECHNIQUE a suspendu les travaux en août 2005. Par lettre du 18 août 2005, madame...X... a mis en demeure la société AG TECHNIQUE de terminer les travaux des deux premiers appartements avant le 25 août 2005, indiquant qu'ils auraient du être achevés le 30 juin 2005. La société AG TECHNIQUE a adressé à madame ...X... : - le 4 septembre 2005, une facture des travaux réalisés dans l'immeuble de la rue BB pour un montant de 17. 686, 70 euros, soit un solde du de 9. 686, 70 euros TTC après déduction de l'acompte de 8. 000, 00 euros. - le 7 novembre 2005 une facture des travaux réalisés CC pour un montant de 3. 236, 74 euros. Par lettre du 9 janvier 2006, madame ... X..., faisant référence au courrier susvisé du 15 mars 2005, contestait devoir la somme de 3. 236, 74 euros pour les travaux de la maison BB et demandait à la société AG TECHNIQUE un avoir du même montant. Elle faisait référence à l'absence d'achèvement des travaux des deux premiers appartements et donnait son accord pour que les travaux commandés mais non effectués à ce jour " s'annulent purement et simplement ". Par lettre du 6 janvier 2006, faisant référence à un entretien téléphonique, la société AG TECHNIQUE indiquait à madame ... X... que l'avoir qu'elle réclamait concernant les chantiers BB était à sa disposition chez monsieur Z.... Par ordonnance de référé du 8 février 2006, madame ...X... était condamnée à payer à la société AG TECHNIQUE la somme de 9. 686, 70 euros à titre de provision sur les travaux de la rue Royet. Madame...X... a fait assigner la société AG TECHNIQUE le 5 juin 2007 d'une demande en paiement de la somme de 24. 622, 52 euros correspondant au coût des travaux de reprise et achèvement nécessaires pour les deux appartements où la société AG TECHNIQUE était intervenue et celle de 2. 760, 00 euros à titre d'indemnisation des pertes de loyers. Vu la décision rendue le 31 août 2009 par le tribunal de grande instance de Saint Etienne ayant : - débouté madame ... X... de toutes ses demandes, - débouté la société AG TECHNIQUE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, - condamné madame ...X... au paiement de la somme de 2. 000, 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Vu l'appel formé le 5 novembre 2009 par madame... X..., Vu le jugement rendu le 18 mars 2009 par le tribunal de commerce de SAINT ETIENNE déclarant la société AG TECHNIQUE en liquidation judiciaire, Vu l'ordonnance de radiation rendue le 3 juin 2010 par le conseiller de la mise en état, Vu l'inscription au rôle à l'initiative de maître Y... constitué le 29 juillet 2010 en qualité de mandataire liquidateur de la société AG TECHNIQUE, Vu les conclusions de maître Y... ès qualités, signifiées le 28 janvier 2011, Vu les conclusions de madame ... X... signifiées le 4 avril 2011, Vu l'ordonnance de clôture du 6 juin 2011. Madame ...X... demande à la cour, infirmant le jugement critiqué : A titre principal : - de condamner la société AG TECHNIQUE prise en la personne de son liquidateur maître Y..., à lui verser : . la somme de 24. 622, 52 euros afin qu'elle puisse achever les travaux et faire procéder aux reprises nécessaires, . 2. 760, 00 euros correspondant aux trois mois de loyer, . 4. 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour réticence abusive, - de dire que la société AG TECHNIQUE prise en la personne de son liquidateur devra la relever et garantir des indemnités d'éviction qu'elle sera amenée à verser à ses locataires lors de la réalisation des travaux, A titre subsidiaire : - si une nouvelle expertise devait être ordonnée de dire que les frais seront supportés par la société AG TECHNIQUE prise en la personne de son liquidateur, - de condamner la société AG TECHNIQUE prise en la personne de son liquidateur au paiement d'une somme provisionnelle de 8. 000, 00 euros à valoir sur son préjudice définitif, En tout état de cause : - de condamner la société AG TECHNIQUE prise en la personne de son liquidateur au paiement d'une somme de 3. 000, 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Maître Y... en qualité de mandataire liquidateur de la société AG TECHNIQUE demande à la cour : - de lui donner acte de son intervention dans la procédure et de sa reprise d'instance interrompue à la suite de prononcé de la liquidation judiciaire, conformément à ses conclusions de reprise d'instance du 2 août 2010, - de débouter madame ... X... de ses demandes, - de confirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions, - de condamner madame X... au paiement de la somme de 3. 000, 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION Les parties s'accordent pour reconnaître que la société AG TECHNIQUE a limité son intervention aux travaux du chantier BB et à ceux de deux appartements du chantier de la CC à Saint Etienne, sans achever ces derniers travaux, le chantier ayant été abandonné en août 2005. Si la société AG TECHNIQUE avait soumis la réalisation de travaux à titre gratuit à l'acceptation du devis établi pour les quatre appartements, il résulte du courrier susvisé adressé le 6 janvier 2006 à madame ...X..., que la société AG TECHNIQUE a renoncé à facturer les travaux du chantier ..BB. L'échange des courriers entre les parties établit, ainsi que l'a relevé le premier juge, leur accord pour mettre fin au contrat avant achèvement. Il convient donc de vérifier si les travaux facturés par la société AG TECHNIQUE correspondent aux seuls travaux effectués sur les deux appartements situés CC et si la responsabilité contractuelle de cette dernière peut être mise en cause comme le soutient madame Karine X.... Si aux termes de la synthèse du rapport d'expertise amiable réalisé le 12 juillet 2006 par monsieur A..., expert mandaté par la compagnie d'assurance de madame ...X..., l'exécution et la finition des ouvrages de plâtrerie réalisés sont " perfectibles ", cette constatation ne suffit à mettre à la charge de la société AG TECHNIQUE le coût de l'achèvement des travaux dont les parties ont acceptés qu'il soient interrompus. Le rapport établi par monsieur A...n'est pas de nature à établir la réalité des défauts reprochés à la société AG TECHNIQUE à l'encontre de qui aucune faute contractuelle n'est établie. Ainsi que l'a relevé le premier juge par des motifs pertinents que la cour adopte, les demandes de madame ...X... relatives aux finitions ou à l'achèvement des travaux interrompus en accord entre les parties doivent être rejetées. Madame...X... doit donc être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 24. 622, 52 euros. Il n'y a pas lieu d'organiser une mesure d'expertise et la demande subsidiaire de madame ...X... tendant au versement d'une provision dans cette hypothèse doit être rejetée. Par ailleurs, si madame ...X... produit un exemplaire du devis remis le 12 février 2005 par la société AG TECHNIQUE, sur lequel elle donnait son accord pour les travaux de deux appartements VV à effectuer au plus tard au 30 juin 2005, il n'est nullement établi que cette exigence de madame ... X... a été acceptée par la société AG TECHNIQUE. En l'absence de tout engagement contractuel sur les délais de réalisation des travaux, madame ... X... ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice dont elle fait état au titre de la perte des loyers qu'elle impute à la société AG TECHNIQUE. Compte tenu de ce qui précède, madame ...X... doit en outre déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société AG TECHNIQUE. En application de l'article 700 du code de procédure civile, il n'apparaît pas inéquitable que chacune des parties garde à sa charge les frais engagés devant la cour. PAR CES MOTIFS LA COUR, Déclare madame ...X... recevable en son appel, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Condamne madame Karine X... aux dépens qui seront distraits au profit de l'avoué de son adversaire conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Le greffier, Le président. | |||||||||
JURITEXT000049130303 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130303.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 1 décembre 2023, 16/13597 | 2023-12-01 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 16/13597 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 16/13597No Portalis 352J-W-B7A-CIYIZ No MINUTE : Assignation du :02 Septembre 2016 JUGEMENT rendu le 01 Décembre 2023 DEMANDERESSES Société SARTORIUS STEDIM BIOTECH GmbH[Adresse 4][Adresse 4] (ALLEMAGNE) Société RESPIRONICS NOVAMETRIX LLC - intervenante volontaire [Adresse 1], [Adresse 1] (ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE) représentées par Maître Bertrand WARUSFEL de la SELARL FELTESSE WARUSFEL PASQUIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0028 DÉFENDERESSES S.A.S.U. MILLIPORE[Adresse 3][Adresse 3] S.A.S.U. MERCK BIODEVELOPMENT[Adresse 2][Adresse 2] représentées par Maître Catherine MATEU de l'AARPI ARMENGAUD - GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0007 Copies délivrées le :- Maître WARUSFEL #K28 (ccc)- Maître MATEU #W7 (exécutoire) COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 11 Mai 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2023 puis prorogé en dernier lieu le 01 Décembre 2023 JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE Synthèse de l'objet du litige 1. La société de droit allemand Sartorius stedim biotech (la société Sartorius) et la société de droit des États-Unis Respironics novametrix (la société Respironics, et toutes deux ensemble, les brevetées) reprochent aux sociétés Millipore et Merck biodevelopment (les sociétés Merck) d'avoir respectivement fabriqué, fait fabriquer et commercialisé, pour la première, et utilisé, pour la seconde, un système intitulé ‘Mobius sensor ready', en contrefaçon des revendications 1, 2, 5, 6, 8 et 9 de la partie française du brevet européen EP 2 024 487 dont elles sont cotitulaires, portant sur un « bioréacteur ». 2. Les sociétés Merck réclament reconventionnellement la nullité de ces revendications pour défaut de nouveauté et d'activité inventive, la nullité de la saisie-contrefaçon pratiquée en vue de prouver la contrefaçon alléguée, au titre de laquelle ils réclament des dommages et intérêts pour abus, et résistent à l'ensemble des demandes, soulevant notamment la prescription partielle et l'absence de mise en connaissance de cause à leur égard, et l'absence de reproduction des revendications par les produits litigieux. Droits invoqués et procédure 3. Le brevet EP 2 024 487 (ci-après le brevet ou le brevet en cause), demandé le 24 avril 2007 sous priorité d'une demande allemande du 11 mai 2006, délivré le 31 aout 2011, est intitulé « Bioréacteur à usage unique muni d'un système de détection ». 4. Un « bioréacteur » est, en chimie, un appareil permettant de cultiver des micro-organismes pour un usage économique (dans l'industrie agroalimentaire ou pharmaceutique) ou environnemental. L'invention, ici, concerne plus précisément un dispositif permettant la prise d'une mesure dans un bioréacteur à usage unique, perfectionnée en ce que l'interaction entre le capteur et le milieu est réduite. 5. Le brevet a été annulé en ce qui concerne l'Allemagne par la Cour fédérale des brevets (9 juin 2020, no3 Ni 7/18), confirmée par la Cour fédérale de justice (29 novembre 2022, noX ZR 96/20). En France, il a fait l'objet d'une limitation auprès de l'INPI, acceptée le 17 novembre 2021. 6. La société Sartorius, seule, a assigné les sociétés Merck en contrefaçon du brevet le 2 septembre 2016, après une saisie-contrefaçon du 3 aout 2016. La notification de l'assignation au cotitulaire du brevet (la société Respironics) domicilié aux États-Unis n'ayant d'abord pas été jugée valable, l'instance a été suspendue jusqu'à ce qu'une nouvelle notification éclairée par divers autres éléments soit approuvée par une ordonnance du 15 janvier 2021. 7. C'est alors seulement que les défenderesses, demandant reconventionnellement la nullité du brevet, ont elles-mêmes assigné la société Respironics en intervention forcée le 24 mai 2021. 8. L'instruction a été close le 12 janvier 2023 et l'affaire plaidée le 11 mai suivant. Prétentions des parties 9. Dans leurs dernières conclusions (10 janvier 2023) les sociétés Sartorius et Respironics résistent aux demandes reconventionnelles, et demandent :- la cessation de la contrefaçon, l'interdiction à la société Millipore de fabriquer et commercialiser en France le système Sensor ready et les bioréacteurs Mobius, et l'interdiction à la société Merck biodevelopment d'utiliser ledit système, le tout sous astreintes ; - la condamnation solidaire des sociétés Merck à leur payer 100 000 euros de dommages et intérêts provisionnels pour la contrefaçon ;- une expertise pour déterminer leur préjudice, tout en se réservant de former une demande au titre du droit d'information ;- la publication du jugement ;- outre l'exécution provisoire, 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens, devant comprendre les frais de la saisie-contrefaçon et être recouvrés par leur avocat. 10. Dans leurs dernières conclusions (30 novembre 2022), les sociétés Merck demandent la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon (avec interdiction de communiquer dans toute autre procédure les pièces qui en sont issues), la nullité des revendications 1, 2, 3, 5, 6, 8 et 9 du brevet, résistent aux demandes, en soulèvent l'irrecevabilité, et réclament elles-mêmes de la part des brevetées, prises solidairement, 50 000 euros chacune pour abus à raison de la saisie-contrefaçon, 50 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens, à recouvrer par leur avocat. MOTIVATION I . Demande reconventionnelle en nullité du brevet 1 . Présentation du brevet 11. Il ressort de la description du brevet que la prise de mesures dans un bioréacteur jetable selon l'art antérieur, qui prévoit la présence d'un capteur à l'intérieur du bioréacteur, pose essentiellement deux problèmes : le capteur interne risque de ne pas résister à la stérilisation préalable du bioréacteur, le milieu (contenu dans le bioréacteur) risque d'interagir avec le capteur. 12. L'invention se propose de les résoudre grâce à un adaptateur de capteur intégré dans au moins une « conduite périphérique du bioréacteur servant à alimenter en milieu et/ou décharger celui-ci » et qui doit recevoir un « agencement capteur » (c'est-à-dire le capteur devant réaliser la mesure), lequel interagit avec le milieu (qui parcourt la conduite périphérique) via une « surface limite intérieure de l'adaptateur de capteur ». 13. Les deux « caractéristiques fondamentales » de l'invention selon la description sont ainsi, d'une part, la localisation de la mesure au niveau d'une conduite périphérique, ce qui limite l'interaction entre le capteur et le milieu à la « durée relativement courte d'écoulement du milieu dans la conduite », d'autre part l'usage d'une surface limite de l'adaptateur, surface limite qui est perméable pour la variable physique à mesurer, ce qui évite l'interaction directe entre le capteur et le milieu. 14. Le brevet donne ensuite quelques exemples de mesures et de capteurs adaptés, tels que la mesure du CO2 par la lumière infrarouge traversant la conduite (et donc le milieu), la surface limite étant alors transparente, la mesure de la température à travers une surface limite thermoconductrice, ou la mesure de la conductivité du milieu grâce à deux électrodes situées sur (ou consistant en) deux « sous-surfaces » limites isolées l'une de l'autre. 15. Le brevet tel que délivré contenait 10 revendications, la revendication 1, dont toutes les autres étaient dépendantes, étant ainsi rédigée : « Bioréacteur à usage unique qui comprend un agencement capteur pouvant être monté de manière réversible à l'extérieur, pour mesurer une variable physique d'un milieu contenu, caractérisé en ce qu'un adaptateur de capteur (28) est intégré dans au moins une conduite périphérique (14, 16, 18) du bioréacteur servant à alimenter et/ou décharger le milieu, pour recevoir un agencement capteur électronique (34, 38 ; 42 ; 44a, 44b, 46, 48) en interaction, via une surface-limite (32a, 32b ; 40 ; 44b) de l'adaptateur de capteur, avec le milieu parcourant la conduite périphérique (14, 16, 18), et en ce que l'adaptateur de capteur (28) est monté dans la conduite périphérique (14, 16, 18) sous forme d'un insert qui prolonge la conduite périphérique (14, 16, 18) et par lequel le milieu contenu peut couler. » 16. La figure 1, reproduite ci-dessous, illustre une forme d'exécution de l'invention (avant la limitation du brevet). Les figures 3 et 4 (ci-après) illustrent deux exemples de capteur et d'adaptateur de capteur (mesure optique pour la figure 3 et mesure de température pour la figure 4). 17. La limitation acceptée par l'INPI a ajouté deux caractéristiques à la revendication 1, la première précisant que le milieu est liquide, la seconde précisant comment l'agencement capteur est reçu dans l'adaptateur de capteur. En conséquence, la revendication 2 qui portait sur un conduit d'échappement de gaz a été supprimée. Hormis la prise en compte de la nouvelle numérotation qui en résulte, les autres revendications sont inchangées. 18. La revendication 1 limitée est ainsi rédigée (les ajouts sont soulignés) : « Bioréacteur à usage unique qui comprend un agencement capteur pouvant être monté de manière réversible à l'extérieur, pour mesurer une variable physique d'un milieu liquide contenu, caractérisé en ce qu'un adaptateur de capteur (28) est intégré dans au moins une conduite périphérique (14, 16, 18) du bioréacteur servant à alimenter et/ou décharger le milieu liquide, pour recevoir un agencement capteur électronique (34, 38 ; 42 ; 44a, 44b, 46, 48) en interaction, via une surface-limite (32a, 32b ; 40 ; 44b) de l'adaptateur de capteur, avec le milieu liquide parcourant la conduite périphérique (14, 16, 18), et en ce que l'adaptateur de capteur (28) est monté dans la conduite périphérique (14, 16, 18) sous forme d'un insert qui prolonge la conduite périphérique (14, 16, 18) et par lequel le milieu liquide contenu peut couler, et que l'adaptateur de capteur (28) comprend des moyens d'ajustement pour fixer l'agencement capteur électronique (34, 38, 42 ; 44a, 44b, 46, 48) par insertion dans l'adaptateur de capteur. » 19. La revendication 2 du brevet limité, dépendante, précise que l'agencement capteur est configuré pour interagir directement avec le milieu à travers la surface-limite intérieure (32a, 32b ; 40 ; 44b). 20. Les revendications 3 à 7, dépendantes, portent sur les types de capteurs des exemples précités et les revendications 8 et 9, dépendantes, précisent que l'adaptateur de capteur est constitué d'un matériau résistant à des méthodes de stérilisations, à savoir le rayonnement gamma (revendication 8) ou l'oxyde d'éthylène (revendication 9). 2 . Nouveauté et activité inventive Documents de l'art antérieur cités 21. Les parties citent, entre autres, les deux documents suivants pour établir l'état de la technique à la date de priorité du brevet, qui seront identifiés dans la présente décision comme l'ont fait les parties par le nom souligné ci-dessous : - Spaulding, Apparatus and methods for culturing mammalian cells [appareil et procédés de culture de cellules de mammifères], demande internationale de brevet WO 97/31128, publiée le 28 aout 1997 (pièce Merck no10) ; - Hodge, Disposable bioreactor systems and methods [systèmes de bioréacteurs jetables et procédés associés] demande internationale de brevet WO 2005/118771 A2, publiée le 15 décembre 2005 (pièce Merck no11) ; Moyens des parties 22. Les sociétés Merck exposent, à propos de la limitation de la revendication 1, que le brevet ne décrit aucun effet technique relatif à état liquide du milieu, qui n'a pas de rapport avec l'effet technique recherché, à savoir minimiser l'interaction entre le capteur et le milieu ; au contraire, ajoutent-elles, le brevet expose seulement des avantages associés à une mesure de gaz. En second lieu, elles analysent la caractéristique ajoutée tenant à l'insertion du capteur dans l'adaptateur comme excluant une fixation par clipsage. 23. Elles ajoutent que puisque la conduite périphérique doit servir à alimenter et/ou décharger le milieu, ce qui, interprété à la lumière de la description (§6), implique un écoulement du milieu pendant une « durée relativement courte », la revendication n'inclut pas un écoulement continu du milieu dans la boucle ; le fait que seule une petite fraction n'y coule à un moment donné est selon elles indifférent. 24. Dans ce cadre, elles soutiennent à titre principal que la revendication 1 n'est pas nouvelle à l'égard du document Spalding, dont elles estiment notamment qu'en décrivant une portion de tuyau (transparente) placée dans l'encoche d'un capteur externe, il divulgue un adaptateur de capteur sous la forme d'un insert prolongeant la conduite et dans lequel l'agencement capteur se fixe par insertion. Elles soutiennent à titre subsidiaire que la revendication n'est pas inventive vis-à-vis de ce document car les éventuelles caractéristiques non divulguées par lui ne seraient que des modalités pratiques mineures évidentes qu'il suggère. 25. Elles contestent également l'activité inventive à l'égard du document Hodge, dont elles estiment notamment qu'en décrivant des capteurs de pression pouvant être ajustés à un T créé sur la ligne d'entrée ou de sortie du bioréacteur, il divulgue un agencement capteur fixé à un adaptateur (le T) lequel a la forme d'un insert prolongeant la conduite, de sorte que la seule nouveauté de la revendication 1 est la nature liquide du milieu, qui n'a selon elles aucun effet pour la résolution du problème technique, de sorte que cette modification ne pourrait impliquer aucune activité inventive. Selon elles, la personne du métier, au regard de la façon classique d'utiliser un T, comprend que la branche verticale de celui-ci sert à raccorder le capteur, dont une partie est insérée dans cette branche pour aller jusqu'à la jonction avec la branche horizontale. 26. Elles contestent alternativement l'activité inventive au regard d'autres documents de l'art antérieur, selon différentes combinaisons entre eux. ** 27. Les brevetées soutiennent d'abord que la « conduite périphérique » selon la revendication 1 peut servir en même temps à alimenter et décharger le liquide comme l'indique la formule « et/ou », et que ce qui est important est qu'elle est installée en périphérie du bioréacteur, ce qui minimise bien selon elles l'interaction avec le milieu en la limitant à une petite fraction de son ensemble. Sur la limitation, elles expliquent que la mesure effectuée dans un milieu liquide implique qu'elle soit faite directement sur le bio-milieu (et non sur ses émanations gazeuses) ce qui rend plus important la limitation de l'interaction, objet de l'invention, de sorte que cette limitation est techniquement cohérente ; que « l'insertion » de l'agencement capteur dans l'adaptateur n'est pas suffisante pour le fixer, de sorte que l'enseignement du brevet ne se limite pas à la seule caractéristique de l'insertion. 28. Sur le document Spaulding, elles exposent que celui-ci est limité à la culture de cellules de mammifères, concerne seulement des récipients et non un bioréacteur à usage unique (qui implique l'addition de gaz, une agitation, un éclairage et un contrôle continu), ne divulgue pas un adaptateur de capteur intégré dans le tube (notamment pas sous la forme d'un insert prolongeant la conduite), tube qui n'est pas davantage configuré pour recevoir un agencement capteur électronique et en particulier pas par insertion de l'agencement capteur dans l'adaptateur. Ainsi, selon elles, dans ce document, ce n'est pas le capteur qui est fixé sur la conduite acheminant le milieu mais la conduite qui est insérée dans le capteur. Elles ajoutent que le capteur de pH décrit dans le document Spaulding implique la présence dans le milieu de Phenol red qui pollue donc celui-ci, indépendamment de sa non-toxicité, ce qui empêche selon elles d'atteindre l'effet technique recherché par l'invention (à savoir minimiser toute interaction avec le bio-milieu liquide). 29. Elles soulignent que le document Hodge concerne une mesure dans une conduite d'air, qui n'interagit pas avec le bio-milieu lui-même, donc qui ne peut pas « être pertinente au regard de la revendication 1 » selon elles, outre qu'il ne s'agit pas d'un milieu liquide, que ce document ne divulguerait pas un adaptateur de capteur intégré au sein d'une conduite périphérique, ni un moyen de fixation par insertion car le document ne précise aucun moyen de fixation du capteur au T. 30. Elles contestent également la pertinence des autres documents invoqués. Appréciation du tribunal 31. En application de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich (la Convention sur le brevet européen, ci-après la Convention), lequel est ainsi rédigé : « (1) Sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ; (...). » a. Revendication 1 32. Pour mémoire, la revendication 1 est ainsi rédigée (les passages à la ligne et la numérotation sont le fait du tribunal afin de distinguer les ensembles pertinents de caractéristiques) : a- Bioréacteur à usage unique b- qui comprend un agencement capteur pouvant être monté de manière réversible à l'extérieur,c- pour mesurer une variable physique d- d'un milieu liquide contenu, e- caractérisé en ce qu'un adaptateur de capteur (28) est intégré e1- dans au moins une conduite périphérique (14, 16, 18) du bioréacteur e12- servant à alimenter et/ou décharger e13- le milieu liquide, e2- pour recevoir un agencement capteur électronique (34, 38 ; 42 ; 44a, 44b, 46, 48) en interaction, e21- via une surface-limite (32a, 32b ; 40 ; 44b) de l'adaptateur de capteur, e23- avec le milieu liquide parcourant la conduite périphérique (14, 16, 18), f- et en ce que l'adaptateur de capteur (28) f1- est monté dans la conduite périphérique (14, 16, 18) sous forme d'un insert qui prolonge la conduite périphérique (14, 16, 18) f2- et par lequel le milieu liquide contenu peut couler, g- et que l'adaptateur de capteur (28) comprend des moyens d'ajustement pour fixer l'agencement capteur électronique (34, 38, 42 ; 44a, 44b, 46, 48) par insertion dans l'adaptateur de capteur. » Nouveauté 33. L'article 52 de la Convention de Munich limite la brevetabilité aux inventions nouvelles et inventives. En vertu de l'article 54, une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique, lequel est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. 34. Il résulte de ce texte, tel que l'interprètent les juridictions françaises, que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y retrouver tout entière, dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement et le même résultat technique (Cass. Com., 17 mai 2023, no19-25.509). 35. Le document Spaulding concerne un « nouvel appareil et procédé associé, pour surveiller et alimenter des cultures de cellules, en particulier de mammifères ou d'autres cultures de cellules extrêmement sensibles. » Il ne se limite donc pas aux seuls mammifères et en toute hypothèse il s'agit d'un type particulier de micro-organismes pouvant être cultivés dans un bioréacteur tel que revendiqué par le brevet. 36. Il divulgue, en substance, un dispositif dans lequel le milieu de culture d'un récipient (12) est partiellement déchargé et remplacé selon les besoins, grâce à un contrôle du pH de ce milieu effectué par un capteur (20) en communication opérationnelle avec une portion (18) de la conduite (14) d'alimentation et de décharge se trouvant en-dehors du récipient (12), portion dans laquelle est pompée une partie du milieu pour les besoins de la mesure (mode de réalisation décrit p. 6 lignes 11 et s. et illustré par la figure 1 reproduite ci-dessous). 37. Les récipients visés par ce document sont non seulement des « t-flask » (des récipients plats destinés à la culture cellulaire) mais également différentes sortes de bioréacteurs, sans toutefois préciser qu'ils sont à usage unique (p. 4, lignes 18-21). Il n'est certes pas contesté que les t-flask sont à usage unique, mais ce document distingue les t-flask (ainsi que les boites de Petri et récipients du même genre) des bioréacteurs. Il ne peut donc pas en être déduit que les premiers font partie des seconds, ni, par suite, que ce document divulgue directement et sans ambigüité des bioréacteurs à usage unique. 38. En outre, l'adaptation du capteur à la conduite n'est décrite que via une encoche dans le capteur, ce qui ne divulgue pas l'adaptateur de capteur visé à la revendication 1 ni une fixation par insertion dans l'adaptateur. 39. La revendication 1, contre laquelle aucun autre document de l'art antérieur n'est invoqué au titre de la nouveauté, est donc nouvelle. Activité inventive 40. En application de l'article 56 de la Convention de Munich, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. 41. Les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à la personne du métier, ils permettaient à l'évidence à cette dernière d'apporter au problème résolu par l'invention, la même solution que celle-ci. 42. Les compétences de la personne du métier ne sont pas contestées. Elle connait a minima les bioréacteurs, leur but et leur fonctionnement. 43. Le document Hodge porte sur un bioréacteur jetable (donc à usage unique) et il est constant qu'il était accessible à la personne du métier. Il enseigne, entre autres, que la surveillance des paramètres importants du processus (tels que la température ou le CO2 dissous) par des capteurs se fait préférentiellement de façon à ne pas compromettre la barrière stérile établie par le bioréacteur, donnant l'exemple de la surveillance de l'intensité du flux de gaz par un capteur situé en amont d'un filtre d'entrée d'air (p. 7, lignes 15-20). Il précise notamment que la pression peut être surveillée par des capteurs en créant un « T » sur la ligne d'arrivée et/ou de sortie d'air, avec une membrane qui peut couvrir la surface du T pour maintenir la barrière stérile tout en étant fabriquée de façon à ne pas affecter la mesure de pression. Un transducteur de pression standard peut alors être ajusté au T pour mesurer et contrôler la pression à l'intérieur de la barrière stérile (p. 7 ligne 27 à p. 8 ligne 3). 44. Ces caractéristiques ne sont pas illustrées dans le document Hodge mais les brevetées en ont proposé un schéma dont la partie non contestée est reproduite ci-dessous. 45. Dans le mode de réalisation ainsi divulgué, le bioréacteur à usage unique comprend un agencement capteur électronique servant à mesurer une variable physique (le transducteur de pression). Pouvant être ajusté à l'élément en T, il est ainsi réversible et monté à l'extérieur. L'élément en T sert de ce fait d'adaptateur de capteur. Cet élément étant « créé sur la ligne d'arrivée et/ou de sortie d'air », il est bien intégré dans une conduite périphérique du bioréacteur, sous la forme d'un insert qui prolonge cette conduite. La membrane couvrant la surface du T est une surface-limite de l'adaptateur par laquelle l'agencement capteur interagit avec ce que contient la conduite. 46. La façon d'ajuster le capteur à l'adaptateur n'est pas précisée mais il est évident que dans un adaptateur en T, dont la branche horizontale est nécessairement la partie prolongeant la conduite, la branche verticale a pour fonction de permettre l'ajustement du capteur (les brevetées ne lui allèguent au demeurant aucune autre raison d'être) et un tel ajustement peut avantageusement se faire par insertion de l'agencement capteur dans cette branche, une telle insertion pouvant évidemment permettre une fixation. 47. Les brevetées estiment certes une telle insertion impossible selon le mode de réalisation divulgué par le document Hodge à cause de la membrane dont celui-ci explique qu'elle couvre « la surface du T », c'est-à-dire, selon elles, l'extrémité externe de la branche verticale du T (en haut, sur leur schéma). Toutefois, comme le soulèvent les sociétés Merck, une telle localisation n'aurait aucun sens pour la personne du métier cherchant à suivre l'enseignement de ce document. En effet la forme en T n'aurait aucun intérêt technique si la surface-limite se trouvait à l'extrémité de la branche verticale, qui ne constituerait ainsi qu'une bosse ou cavité inutile le long de la conduite. Il est ainsi évident pour la personne du métier, malgré l'apparente incohérence des termes employés dans le document Hodge, que celui-ci suggère de placer la membrane (surface-limite) à l'intersection des deux branches du T, c'est-à-dire dans la continuité de la paroi de la conduite que le T prolonge, ce qui permet l'insertion du capteur dans l'adaptateur, dont la forme est ainsi un moyen d'ajustement permettant la fixation par insertion, au sens de la revendication 1. 48. Dès lors, les seules caractéristiques de cette revendication qui ne sont pas manifestement divulguées par le document Hodge sont l'état liquide du milieu, le fait que la conduite périphérique sert à alimenter et/ou décharger ce milieu liquide, lequel peut couler à travers elle, et le fait que c'est avec ce milieu liquide que l'agencement capteur électronique interagit. Le document Hodge divulguant ces caractéristiques pour un milieu gazeux, la question est en définitive de savoir si, au regard du document Hodge, il était évident pour la personne du métier de les appliquer à un milieu liquide. 49. Le terme « milieu » n'est pas défini par le brevet ni, au demeurant, par les parties. Le brevet comme les parties l'emploient simplement pour désigner ce qui est contenu dans le bioréacteur et dont une variable doit être mesurée par le capteur objet de l'invention. Le « milieu » est donc ce que l'on veut mesurer. Ainsi, l'état de ce milieu (gazeux ou liquide) est un élément du problème technique (on veut mesurer un milieu liquide en minimisant l'interaction du capteur avec le milieu) et non un élément de la solution. C'est également ce qu'implique l'argumentation des brevetées (leurs conclusions p. 24), lorsqu'elles expliquent que la mesure qui s'effectue sur le milieu liquide est plus critique, c'est-à-dire plus risquée, car elle interagit directement avec le « bio-milieu » (c'est-à-dire les micro-organismes cultivés), lequel est liquide, contrairement à une mesure effectuée seulement sur les gaz émis par ce « bio-milieu », de sorte que l'invention trouve toute son utilité dans le cadre d'une mesure effectuée sur le milieu liquide. Cet état liquide du milieu ne contribue donc pas à l'activité inventive mais est une donnée du problème technique résolu par l'invention. 50. Devant la méthode de mesure réalisée sur une conduite d'air périphérique divulguée par le document Hodge qui expose explicitement l'objectif de maintenir la stérilité du bioréacteur, la personne du métier aurait vu l'intérêt évident de cette mesure périphérique pour minimiser en général l'interaction entre le capteur et le milieu, et aurait pensé à utiliser cette solution pour mesurer le milieu liquide en utilisant les conduites d'arrivée et/ou d'évacuation de celui-ci. À supposer que le document Hodge n'eût pas été une incitation suffisante pour cette transposition, le document Spaulding, qui divulgue explicitement une mesure effectuée sur la conduite d'alimentation et d'évacuation en milieu, lequel est par hypothèse liquide selon les brevetées elles-mêmes (leurs conclusions p. 24, 2e §, p. 25, 1er §), aurait apporté le complément suffisant pour rendre évidentes les caractéristiques divulguées par le document Hodge, y compris pour un milieu liquide. 51. Il en résulte que la revendication 1 était, dans tous ses éléments, évidente pour la personne du métier à la date de priorité. b. Revendication 2 52. La revendication 2 du brevet limité est ainsi libellée : « Bioréacteur à usage unique selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'agencement capteur (34, 38 ; 41 ; 44a, 46, 48) est configuré pour interagir directement avec le milieu à travers la surface-limite intérieure (32a, 32b ; 40 ; 44b). » 53. Comme le relèvent les sociétés Merck, il ressort de la description du brevet que « l'interaction directe avec le milieu à travers la surface limite intérieure » est illustrée par une mesure par émission d'une lumière infrarouge à travers la surface limite (paragraphe [0008]), qui est opposée à « l'interaction indirecte entre l'agencement capteur et le milieu avec participation de la surface limite », illustrée par un capteur qui mesure la température de la surface limite (et non directement celle du milieu) ou par un capteur de courant ou de tension entre des électrodes en contact avec la surface limite (divisée en deux sous-surfaces) (paragraphes [0009]-[0010]). 54. Les sociétés Merck en déduisent sans être contredites que la mesure de pression divulguée par le document Hodge serait directe car elle s'effectue « simplement à travers la membrane ». 55. En toute hypothèse, et à supposer qu'une mesure optique infrarouge telle que décrite dans le brevet ne fasse pas partie des connaissances générales de la personne du métier à la date de priorité, le document Spaulding divulgue une mesure (de pH) à travers un capteur optique qui opère donc directement à travers la surface de la conduite. La critique soulevée par les brevetées selon laquelle cette mesure optique de pH, qui requiert la présence dans le milieu d'une teinture adaptée (du Phenol Red), serait une « pollution » du milieu et irait ainsi à l'encontre du problème technique pris en compte par le brevet qui est de minimiser l'interaction entre le capteur et le milieu, n'est pas fondée : le brevet ne revendique pas une mesure absolument dépourvue de toute « pollution », mais seulement de « minimiser l'interaction ». Il n'exclut donc pas la mesure de pH décrite par le document Spaulding et il est ainsi évident pour la personne du métier de la mettre en oeuvre en utilisant les caractéristiques évidentes de la revendication 1. 56. La revendication 2 est donc dépourvue d'activité inventive. c. Revendications 5, 6, 8 et 9 57. La revendication 5, dépendante, porte spécialement sur la présence d'un capteur mesurant la température de la surface-limite. 58. Les sociétés Merck allèguent sans être contredites que la mesure de la température dans un bioréacteur est banale (et elle est décrite par exemple dans le document Hodge). Elles s'appuient sur un autre document que ceux déjà cités qui divulgue selon elles la mesure de température par l'intermédiaire d'une surface-limite. Néanmoins, indépendamment de ce document, il est évident qu'une température peut utilement être mesurée par l'intermédiaire d'une surface limite lorsque l'on veut éviter l'interaction entre deux milieux : c'est le fonctionnement traditionnel des thermomètres domestiques à liquide, notoirement connu de la population générale, dont fait partie la personne du métier. 59. La revendication 6 précise que la surface-limite est constituée d'un matériau thermiquement conducteur et étanche par rapport au milieu. Il s'agit de deux conditions évidentes pour permettre respectivement la mesure de la température et l'existence même d'un milieu de culture liquide stable. 60. Les revendications 8 et 9 ajoutent que l'adaptateur de capteur est constitué d'un matériau résistant respectivement au rayonnement gamma ou à l'oxyde d'éthylène. Le brevet décrit lui-même comme habituelle la stérilisation par rayonnement gamma ou par agents chimiques très agressifs tels que l'oxyde d'éthylène (paragraphe[0002]). Les brevetées ne le contestent pas. Ces revendications sont donc, elles aussi, dépourvues d'activité inventive. 61. Enfin, si les sociétés Merck demandent la nullité de la revendication 3, elles ne soulèvent aucun moyen à son égard. La demande visant cette revendication est donc rejetée. 62. Par conséquent, les revendications 1, 2, 5, 6, 8 et 9 du brevet, dépourvues d'activité inventive, sont annulées. 63. Par suite, les demandes fondées sur la contrefaçon de ces revendications sont rejetées. II . Demandes reconventionnelles en nullité de la saisie-contrefaçon et dommages et intérêts pour procédure abusive et détournement de saisie-contrefaçon Moyens des parties 64. Les sociétés Merck estiment la saisie-contrefaçon nulle au motif, d'abord, que son déroulement a porté atteinte aux droits de la défense en ce que les actes délivrés par l'huissier comportent des erreurs sur l'identification de la personne saisie et la transcription des opérations réalisées (écrits contredits par des photographies, omission de certaines diligences telles que l'introduction dans des salles stériles et l'apposition de scellés) ; au motif, ensuite, que l'huissier a dépassé les termes de sa mission en saisissant des articles en nature et en faisant procéder à la découpe des objets appréhendés ; au motif, enfin, d'une violation du secret des affaires et d'un « dévoiement des voies de droit » du fait de l'incertitude sur le sort des pièces saisies car « aucun article communiqué ne comporte le moindre sceau d'Huissier ou la moindre mention rattachant ces pièces aux opérations de saisie-contrefaçon. » S'agissant en particulier du secret des affaires, elles critiquent l'appréhension et la remise à la saisissante de notices, instructions et manuels non nécessaires à la démonstration de la contrefaçon, réalisant ainsi selon elles une « enquête sur toute l'activité de l'entreprise » dépassant sa mission. 65. Elles demandent qu'en conséquence de la nullité il soit interdit de communiquer les pièces obtenues dans toute procédure en France ou à l'étranger. 66. Sur leur demande indemnitaire, elles soutiennent que la conservation par la société Sartorius, pendant plus de quatre ans, malgré l'annulation de la partie allemande du brevet, « des articles et pièces comptables » appréhendés, alors qu'elle savait selon elles que ces articles n'étaient pas argüés de contrefaçon, lui a permis de bénéficier indument d'informations stratégiques. Elles ajoutent que la mise en oeuvre d'une saisie-contrefaçon malgré leur secret des affaires, en présence des forces de l'ordre et d'un expert étranger, a porté atteinte à leur réputation. Elles en déduisent qu'il « conviendra donc de réparer entièrement le préjudice subi » par elles. 67. Les sociétés Sartorius et Respironics contestent les irrégularités invoquées contre la saisie-contrefaçon. En particulier, sur l'atteinte au secret des affaires, elles font valoir que les sociétés Merck n'exposent pas en quoi les pièces saisies relèveraient d'un tel secret ni qu'elles seraient inutiles à la démonstration de la contrefaçon alléguée, n'ont pas donné suite à la proposition faite par l'huissier lors de la saisie pour que leur avocat le contacte pour s'assurer avant leur éventuelle production en justice que les documents étaient bien en relation avec la contrefaçon alléguée, et n'ont pas demandé la protection de leur éventuel secret des affaires. 68. Elles ne répondent pas spécifiquement à la demande en dommages et intérêts fondée sur la violation du secret des affaires et la procédure abusive. Appréciation du tribunal 1 . Nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon 69. La procédure de saisie-contrefaçon étant dérogatoire au droit commun, l'annulation du titre sur lequel elle était fondée entraîne l'annulation du procès-verbal de saisie, ne laisse rien subsister de celui-ci et emporte, en conséquence, l'impossibilité absolue de se prévaloir du contenu du procès-verbal et des produits saisis, ainsi que l'anéantissement de toute mesure qui en est la suite (Cass. Com., 28 septembre 2022, no20-16.874, point 21). 70. Les brevetées ont limité leur action en contrefaçon aux revendications 1, 2, 5, 6, 8 et 9 du brevet. Elles ont donc entendu laisser hors de l'objet du litige les autres revendications, que les défenderesses, par suite, n'ont pas contestées. Dans ce cadre, la saisie-contrefaçon n'est elle aussi fondée que sur les revendications 1, 2, 5, 6, 8 et 9, qui sont nulles, et non sur les revendications que les parties ont volontairement laissées hors de l'objet du litige. 71. Dès lors, fondé exclusivement sur un titre nul, le procès-verbal de saisie-contrefaçon est nul et il doit en tant que de besoin être interdit aux sociétés Sartorius et Respironics de communiquer les documents et éléments obtenus, conformément à la demande. Naturellement, cette nullité implique plus généralement l'obligation pour les sociétés Sartorius et Respironics de détruire tous les éléments obtenus grâce à la saisie-contrefaçon et de s'abstenir pour toujours de s'en servir de quelque façon que ce soit. 2 . Dommages et intérêts pour abus et détournement de saisie-contrefaçon 72. En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. 73. Le droit d'agir en justice dégénère en abus lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action ou un moyen que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 74. Comme le soulignent les sociétés Sartorius et Respironics dans leurs développements sur la validité de la saisie-contrefaçon, les sociétés Merck n'exposent pas en quoi les documents qu'elles reprochent aux premières d'avoir obtenus par la saisie-contrefaçon relèvent du secret des affaires, ni en quoi leur conservation serait fautive alors qu'elles-mêmes ne contestent pas n'avoir rien tenté pour assurer la protection de ce secret. Aucune faute de la part des sociétés Sartorius et Respironics n'est donc établie à cet égard. 75. Quant au principe de la mise en oeuvre d'une saisie-contrefaçon, il était justifié par un brevet alors délivré, que les brevetées pouvaient légitimement croire valide, et il n'est pas contesté que des éléments pouvaient rendre vraisemblable à leurs yeux la mise en oeuvre de ce brevet par un ou des produits des sociétés Merck. Enfin, la présence des forces de l'ordre et d'un expert étranger lors de la mise en oeuvre de cette saisie-contrefaçon était autorisée par l'ordonnance, ce qui est usuel. Aucun abus n'est donc caractérisé. 76. Par conséquent, la demande est rejetée. III . Dispositions finales 77. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 78. Hormis sur la demande reconventionnelle pour abus, les demanderesses au principal perdent le procès. Elles sont donc tenues in solidum aux dépens ainsi qu'à indemniser les parties gagnantes des frais exposés pour le procès, qui peuvent être estimés, en l'absence de justificatif mais au regard de l'ampleur envisageable des discussions et recherches rendues nécessaires par la contestation infondée (bien au-delà des seuls éléments finalement retenus dans la motivation du présent jugement), ampleur corroborée par le montant de la demande en ce sens des parties perdantes (60 000 euros au total), à 30 000 euros chacune soit 60 000 euros au total. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Annule les revendications 1, 2, 5, 6, 8 et 9 du brevet ; Dit que la présente décision sera transmise à l'INPI par la partie la plus diligence pour son inscription au registre lorsqu'elle aura force de chose jugée ; Rejette les demande fondées sur la contrefaçon du brevet (dommages et intérêts, interdiction, expertise, publication) ; Annule le procès-verbal de saisie-contrefaçon pratiquée le 3 aout 2016 ; Interdit aux sociétés Sartorius stedim biotech et Respironics novametrix de communiquer dans toute procédure en France ou à l'étranger ledit procès-verbal et les éléments et documents obtenus lors de la saisie-contrefaçon ; Rejette la demande des sociétés Merck en dommages et intérêts pour procédure abusive et détournement de saisie-contrefaçon ; Condamne in solidum les sociétés Sartorius stedim biotech et Respironics novametrix aux dépens (avec recouvrement par Me Mateu pour ceux dont elle aurait fait l'avance sans en recevoir provision) ainsi qu'à payer aux sociétés Merck biodevelopment et Millipore 30 000 euros à chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne l'inscription de la nullité du brevet au registre. Fait et jugé à Paris le 01 Décembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130304 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130304.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 1 décembre 2023, 22/02412 | 2023-12-01 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/02412 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/02412No Portalis 352J-W-B7G-CWEHG No MINUTE : Assignation du :16 Février 2022 JUGEMENT rendu le 08 Décembre 2023 DEMANDERESSE S.A.S. LABORATOIRES CEORA[Adresse 2][Localité 3] représentée par Maître Jean-didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0240 et par Maître Philippe BRIAND de la SELARL HUBERT BENSOUSSAN ET ASSOCIES, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS DÉFENDERESSE S.A.S. SYLAMED[Adresse 1][Localité 4] représentée par Maître Laurent-haim BENOUAICH de la SCP BBO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0057 Copies délivrées le : - Maître BRIAND #P240 (exécutoire)- Maître BENOUAICH #R57 (ccc) COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier, DÉBATS A l'audience du 23 Juin 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 6 Octobre 2023 puis prorogé en dernier lieu au 8 décembre 2023 JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à dipsosition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société Ceora distribue, dans un réseau de pharmacie dénommé ‘Leadersanté', qu'elle anime, différents produits rassemblés dans une gamme appelée ‘Apothicare', dont une bande adhésive dénommée ‘Apothiplast' qui lui était fournie par la société Sylamed entre 2015 et 2020. Les relations des parties se sont dégradées et tandis que la société Sylamed reproche à la société Ceora une rupture brutale de relations commerciales établies (soumise au tribunal de commerce), celle-ci reproche à la première d'avoir commencé à vendre aux pharmacies du réseau Leadersanté un produit concurrent dans un emballage constituant la reproduction servile du sien, ce qu'elle qualifie notamment de contrefaçon de droit d'auteur et de concurrence déloyale et parasitaire. C'est la présente procédure. 2. L'emballage de la société Ceora est reproduit ci-dessous à gauche, celui de la société Sylamed, ci-dessous à droite. 3. La société Ceora a assigné la société Sylamed le 16 février 2022. L'instruction a été close le 2 février 2023. Prétentions des parties 4. Dans ses dernières conclusions (16 novembre 2022), la société Ceora demande à titre principal, au titre de la contrefaçon de droit d'auteur, 60 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice matériel et 20 000 euros pour préjudice moral outre des mesures d'interdiction, rappel, destruction et publication, subsidiairement, au titre de la concurrence déloyale, 50 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice matériel et 20 000 euros pour préjudice moral outre une mesure d'interdiction, en tout état de cause, 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. 5. Dans ses dernières conclusions (31 octobre 2022), la société Sylamed résiste aux demandes et réclame elle-même 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Moyens des parties 6. La société Ceora soutient que l'emballage du produit Sylaplast de la défenderesse, presque identique au sien selon elle, reproduit les caractéristiques originales de celui de son produit Apothiplast mais aussi plus généralement de l'ensemble de sa gamme Apothicare, en reprenant ce qui fait son identité visuelle. Elle se prévaut d'un contrat de cession de droit non signé que lui a tout de même consenti, affirme-t-elle, la société qu'elle avait chargée de la conception de cette identité visuelle, mais aussi de la présomption de titularité des droits tirée de l'exploitation de l'oeuvre sous son nom. Elle invoque par ailleurs une contrefaçon de sa marque Apothiplast du fait de la « suppression » de celle-ci sur l'emballage litigieux. Elle allègue un préjudice forfaitaire de 60 000 euros et un préjudice qu'elle qualifie de moral, tenant au détournement de l'image de ses produits contribuant à la dépréciation de sa marque Apothicare. 7. Subsidiairement, elle estime que la reprise de son emballage constitue un parasitisme et suscite un risque de confusion fautif, lui ayant causé un préjudice tenant d'une part aux économies d'investissement qu'elle évalue à 40 000 euros en se fondant sur les dépenses marketing qu'elle avait engagée pour cette gamme l'année de sa création (43 729 euros) auxquelles elle ajoute un avantage indu acquis du fait des actes déloyaux et qu'elle évalue à 10 000 euros, outre un préjudice moral tenant à la banalisation de son emballage. 8. La société Sylamed conteste que la demanderesse soit titulaire des droits d'auteur, conteste l'originalité, soutient qu'en toute hypothèse son emballage contient des éléments différents et n'est pas une reproduction servile. Elle en déduit également l'absence de concurrence déloyale. 9. Elle estime que le préjudice n'est pas démontré, souligne que les investissements allégués sont de 2015 alors que la création de la gamme en cause remonte à 2014, année où les dépenses de la demanderesse ne sont justifiées qu'à hauteur de 2 370 euros. MOTIVATION I . Demandes fondées sur le droit d'auteur 10. Conformément à l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur l'oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. 11. En application de la directive 2001/29 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, qui harmonise la notion d'oeuvre conditionnant la protection exigée par ce texte, une oeuvre implique un objet original, c'est-à-dire une création intellectuelle propre à son auteur, qui en reflète la personnalité en manifestant ses choix libres et créatifs ; et cet objet doit être identifiable avec suffisamment de précision et d'objectivité, ce qui exclut une identification reposant essentiellement sur les sensations de la personne qui reçoit l'objet (CJUE, 12 septembre 2019, Cofemel, C-683/17, points 29 à 35). 12. Par ailleurs, la propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils se sont exprimés (Cass. 1re Civ., 29 novembre 2005, no04-12-721 ; 1re Civ., 16 janvier 2013, no12-13.027). 13. Au cas présent, les caractéristiques invoquées par la demanderesse pour caractériser l'originalité de l'emballage en cause sont le choix de « quatre coloris » (non précisés, mais seuls trois sont visibles sur les images communiquées, à savoir blanc, gris et vert), une bande verticale (grise) à droite, un bandeau en haut portant la mention de la marque « Apo... » dans « un coloris spécifique » avec une alternance de caractères gras et non gras, un fond avec des liserés fins obliques gris clair, l'indication des dimensions dans une pastille ronde en blanc sur noir, la mention des « caractéristiques principales du produit regroupées en deux ou trois lignes dans la partie supérieure gauche et précédées d'un trait vertical dans la couleur dominante », les « éléments caractéristiques du conditionnement », les « segmentations de gamme opérées », outre la photographie centrale montrant le produit et plus généralement le fait que les signes de reconnaissance de tous les emballages de sa gamme Apothicare « sont suffisamment nombreux et spécifiques pour que le packaging [de ces produits] soit tenu pour une création originale. » 14. Ces caractéristiques relèvent soit de caractéristiques commerciales ou techniques insusceptibles de protection par le droit d'auteur (le conditionnement, le segment de gamme), soit de caractéristiques banales qui ne traduisent aucun choix créatif. Leur combinaison n'est que l'agencement efficace et attendu de ces caractéristiques visuelles et ne porte ainsi pas davantage l'empreinte de la personnalité de son auteur. La photographie du produit, dont l'originalité n'est pas même décrite, n'est pas davantage originale. Quant au fait que plusieurs emballages de la gamme aient une « identité visuelle », il s'agit d'un argument indifférent pour apprécier leur originalité. 15. L'objet invoqué n'est donc pas protégé par le droit d'auteur et les demandes formées à ce titre sont par conséquent rejetées. II . Demandes fondées sur la contrefaçon de marque 16. En substance, la société Ceora estime que l'emballage de la société Sylamed est si proche du sien que la seule différence serait en définitive la modification de la marque (Apothiplast remplacé par Sylaplast), ce qui s'analyserait en une suppression de la marque, prohibée par le 7o de l'article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle. 17. Toutefois, la suppression prohibée d'une marque implique que la marque figurât initialement sur le produit ou son emballage. Ici il est constant que ce sont ses propres produits que la société Sylamed a vendu, dans un emballage sur lequel la marque Apothiplast n'a jamais figuré. Ce que critique en fait la demanderesse n'est pas une suppression de marque, mais une imitation fautive de l'emballage (examinée ci-dessous au titre de la concurrence déloyale). Il ne s'agit pas d'une contrefaçon de marque. III . Concurrence déloyale 18. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l'article 1240 du code civil, consiste en des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre. L'appréciation de la faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits. 19. Constitue également une concurrence déloyale et est ainsi fautif au sens de l'article 1240 du code civil le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indument des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité (Cass. Com., 4 février 2014, no13-11.044 ; Cass. Com., 26 janvier 1999, no 96-22.457), et qu'il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l'industrie. 20. Au cas présent, il ressort de la représentation des emballages en cause (cf point 2) que celui de la société Sylamed imite tous les éléments visuellement marquants de celui de la demanderesse d'une façon si complète, jusqu'à l'indication de la dimension dans une petite pastille ronde de même couleur, qu'il est manifeste que l'acheteur de ces produits, en en voyant un sur un présentoir, peut croire acheter l'autre, ou à tout le moins que le produit de la défenderesse fait partie de la gamme de la demanderesse, ce qui caractérise un risque de confusion. 21. Cette imitation est donc fautive. Le fait qu'elle soit constitutive également d'un parasitisme économique n'est pas susceptible de causer un préjudice distinct et est donc indifférent. 22. À défaut de preuve d'un préjudice économique (étant précisé que comme le souligne la défenderesse sans être contredite, la société Ceora s'appuie sur des dépenses marketing de 2015 alors qu'elle affirme par ailleurs que la gamme d'emballage dont elle se prévaut a été créée en 2014), seul un préjudice moral a été causé par les faits litigieux, qui peut être estimé à à 10 000 euros. 23. Il est également nécessaire, pour mettre fin au préjudice, d'interdire la poursuite de la vente des produits dans l'emballage fautif, sous astreinte. IV . Dispositions finales 24. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 25. La société Sylamed perd le procès dès lors qu'elle avait contesté toute faute. En équité, l'indemnité qu'elle doit à la société Ceora au titre des frais exposés peut être limitée à 6 000 euros. 26. L'exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l'écarter au cas présent. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Rejette les demandes en contrefaçon (dommages et intérêts, rappel, destruction, interdiction, publication) ; Condamne la société Sylamed à payer 10 000 euros de dommages et intérêts à la société Ceora au titre de la concurrence déloyale ; Ordonne à la société Sylamed de cesser de vendre ou d'offrir à la vente l'emballage litigieux ou des produits dans cet emballage, sous astreinte de 150 euros par jour qui commencera à courir passés 5 jours suivant la signification du jugement puis pendant 180 jours. Condamne la société Sylamed aux dépens ainsi qu'à payer 6 000 euros à la société Ceora au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 08 Décembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130305 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130305.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 10 novembre 2023, 22/9077 | 2023-11-10 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/9077 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/09077No Portalis 352J-W-B7G-CXMQ5 No MINUTE : Assignation du :12 Juillet 2022 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 10 Novembre 2023DEMANDERESSES Association WIMBI FOUNDATION[Adresse 3][Adresse 3] Société WIMBI BOATS[Adresse 1][Adresse 1] représentée par Maître Tamara BOOTHERSTONE de la SELEURL SELARL BOOTHERSTONE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D2085 et par Maître John GASNERIE-CESARI, avocat au barreau d'AJACCIO, avocat plaidant, DEFENDERESSE S.A.R.L. 3BBB[Adresse 2][Adresse 2] représentée par Maître Clara STEINITZ de la SELARL TALIENS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0320 Copies délivrées le : - Maître BOOTHERSTONES #D2085 (exécutoire)- Maître STEINITZ #D320 (ccc) MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 07 Septembre 2023, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 20 Octobre 2023 puis prorogé en dernier lieu au 10 Novembre 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoireen premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. L'association ‘Wimbi foundation', titulaire de marques verbales françaises Wimbi et, depuis le 16 juin 2020, d'une marque de l'Union européenne Wimbi boats désignant notamment des bateaux, et la société ‘Wimbi boats', licenciée exclusive de cette dernière marque (ensemble, le groupe Wimbi), reprochent à la société 3BBB, qui importait auparavant de façon licite des bateaux sous ces marques, d'avoir continué à le faire après le 8 mars 2019, date à laquelle une société de droit hong-kongais, ‘Wimbi boats limited', qui faisait fabriquer les bateaux, a été dissoute, ce qui aurait rendu illicite toute importation de bateaux revêtus des marques. Procédures devant d'autres juridictions 2. Un bateau revêtu de la marque Wimbi ayant été saisi en douane le 19 mai 2021, l'association Wimbi foundation, la société Wimbi boats, ainsi que la dirigeante de celle-ci, une société civile ‘Wimbi', ont assigné le 19 juin 2021, devant le tribunal judiciaire de Lyon, la société 3BBB en contrefaçon des marques, d'abord les seules marques françaises puis, par demande incidente, la marque de l'Union européenne. 3. Le 27 mars 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon a ordonné la communication de plusieurs éléments par la défenderesse et un tiers, et prononcé plusieurs interdictions à l'encontre de la société 3BBB. 4. Une plainte a, par ailleurs, été portée auprès du procureur de la République de Thonons les bains. 5. Pour sa part, la société 3BBB a engagé une action en nullité de dessins ou modèles français contre la société civile Wimbi devant le tribunal judiciaire de Marseille. Procès devant le présent tribunal 6. La défenderesse ayant soulevé l'incompétence du tribunal judiciaire de Lyon pour connaitre de l'atteinte à la marque de l'Union européenne, le groupe Wimbi a assigné le 12 juillet 2022 la société 3BBB devant le présent tribunal, en contrefaçon de sa marque de l'Union européenne Wimbi boats no18170014, déposée le 20 décembre 2019, publiée le 3 mars 2020 et enregistrée le 12 juin suivant pour désigner notamment des bateaux. 7. Au terme d'un premier incident, le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer de la société 3BBB et la demande de communication forcée de documents formée par le groupe Wimbi, par ordonnance du 10 février 2023. 8. Par conclusions du 3 mai 2023, le groupe Wimbi a demandé une nouvelle communication forcée de pièces, ainsi que des mesures d'interdiction à l'encontre de la socité 3BBB. L'incident a été entendu à l'audience du 7 septembre 2023. Prétentions des parties pour l'incident 9. Dans ses dernières conclusions d'incident (4 septembre 2023) le groupe Wimbi demande : 1) la communication sous astreinte, pour les bateaux (a) immatriculé [Immatriculation 4] avec le numéro de série [Numéro identifiant 9] , (b) comportant le numéro de série WBB W1031D919,(c) immatriculé PP F94488 avec le numéro de série WBB W9138F919,(d) comportant le numéro de série WBB W1052A121, des pièces suivantes : - leur facture de vente et les documents obligatoires pour être introduit légalement sur le marché de l'Union européenne ;- leur manuel constructeur devant répondre à la norme internationale 10240 ; - le manuel de leur place de coque devant répondre à la norme internationale 10087 ; - le manuel de leur plaque constructeur devant répondre à la norme internationale 14945 ; - leur certificat de conformité CE conforme à la directive 2013/53/UE du Parlement européen relative aux bateaux de plaisance avec l'évaluation de conformité par l'organisme notifié CE indiquant son numéro d'identification ; - les fiches moteur du motoriste indiquant leur numéro de série du ou des moteurs équipants lesdits bateaux et le nom de leur constructeur. 2) l'extension des mesures d'interdiction provisoire prononcées par le tribunal judiciaire de Lyon à l'ensemble du territoire de l'Union européenne, sous astreinte, 3) outre 9 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (répartis à hauteur de 4 000 euros pour l'association et 5 000 euros pour la société). 10. Dans ses dernières conclusions d'incident (1er septembre 2023), la société 3BBB résiste à l'ensemble des demandes et réclame elle-même 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Moyens des parties 11. 1) (a) Pour justifier sa nouvelle demande de communication forcée depuis le rejet de la précédente demande, le groupe Wimbi explique avoir découvert un fait nouveau tenant à l'achat, par une société en Corse, et l'immatriculation le 31 mars 2023, d'un bateau immatriculé [Immatriculation 4] de numéro de coque [Numéro identifiant 9], dont la facture initiale d'importation dans l'Union européenne par la société 3BBB serait fausse car datée du 28 juin 2019 alors que l'exportateur, la société Hong-kongaise Wimbi boats limited, était radié du registre local des sociétés depuis le 8 mars 2019. Il conteste plus généralement la réalité d'une importation en 2019, faisant valoir que dans le carnet ATA dont se prévaut en ce sens la société 3BBB, l'immatriculation du bateau est différente (« [Immatriculation 7] »), ajoutant par ailleurs que ce bateau, sous le même numéro ([Immatriculation 4]) était auparavant en Suisse, hors de l'UE, et qu'il n'a donc été mis sur le marché dans l'Union qu'en 2022 ou 2023. 12. Il estime également que le motif de l'ordonnance du 10 février, tenant au manque de clarté du rôle de la disparition de la société Hong-kongaise, est aujourd'hui « levé » au bénéfice de ses nouvelles explications à ce sujet, à savoir que cette société était le fabricant des bateaux Wimbi (il en sous-traitait la fabrication à une société chinoise Delta bay) et que sa dissolution a ainsi immédiatement fait perdre à la société 3BBB, qui n'avait aucune licence, le droit d'importer des bateaux sous la marque. 13. Sur les documents demandés, tous obligatoires en vertu de la règlementation, il estime d'abord nécessaire d'obtenir le certificat CE de ce bateau pour connaitre son émetteur, au regard de l'enjeu de sécurité et de réputation qu'il encourt dès lors que l'apposition de la norme CE sous son nom sur le bateau le rend officiellement responsable en cas d'accident. Il estime ensuite nécessaire d'obtenir les autres documents pour « affiner les débats » et apprécier les faits dans leur ensemble. En particulier, explique-t-il, la facture de vente permet de vérifier la commercialisation effective du produit, le « manuel de la plaque de coque » mentionne nécessairement le code constructeur et sa date d'émission ce qui permettra de déterminer si le bateau est « authentique », la fiche moteur du motoriste permettra de vérifier si le nom Wimbi boats y a été frauduleusement ajouté et de connaitre la date d'installation du moteur qui est préalable à la commercialisation du bateau. Plus généralement, explique-t-elle, tous ces documents permettront de prouver l'usage de la marque et de l'identité du constructeur (qu'ils sont censés reproduire) et leur date de création. 14. (b) Il demande les mêmes pièces pour un autre bateau, découvert à [Localité 6] en avril 2023 et dépourvu d'immatriculation, importé par la société 3BBB, dont la facture originale et le certificat du fabricant associé, datés de 2019, seraient également faux pour les mêmes raisons (postérieurs à la radiation de la société Wimbi boats limited), et dont l'absence d'immatriculation fait douter, estime-t-il, de la réalité d'une importation dans l'UE avant 2023. 15. (c) et (d) Il demande enfin les mêmes pièces pour les mêmes motifs au sujet de deux autres bateaux, découverts en juin 2023 sur l'ile de Saint-Martin dans des circonstances qu'il n'explicite pas, dont l'un ne serait pas immatriculé, tous deux importés par la société 3BBB et qui auraient fait l'objet d'une facture respectivement en 2019 et 2020, postérieurement à la radiation de la société émettrice (toujours Wimbi boats limited). 16. 2) Sur la demande d'interdiction, le groupe Wimbi invoque d'une part ses craintes de découvrir d'autres bateaux contrefaisants ailleurs en Europe ou de voir le bateau se trouvant en Corse être vendu en Sardaigne, d'autre part la poursuite de faits de contrefaçon par la société 3BBB, tenant à la poursuite de la fabrication de bateaux, à de la publicité dans un magazine à l'été 2023, au maintien d'anciennes publications sur Instagram, à l'envoi par le gérant de la société 3BBB d'un courriel depuis une adresse [Courriel 10] et l'usage par un nouvel associé de la société 3BBB (depuis seulement septembre 2022) d'une carte de visite comportant le signe Wimbi boats. ** 17. Contre la communication de documents, la société 3BBB estime qu'il s'agit de pièces identiques à celles demandées dans le cadre du précédent incident, pièces que le juge de la mise en état a déjà jugées inutiles, à ceci près qu'elles portent ici sur un autre bateau, importé en juin 2019 comme le démontrerait son document d'identification établi par les Affaires maritimes de [Localité 8], c'est-à-dire avant le dépôt de la marque en cause, de sorte que les pièces à son égard seraient d'autant plus inutiles pour apprécier la contrefaçon de cette marque. Elle ajoute qu'il en va de même pour les autres bateaux auxquels les demanderesses ont fait référence en cours d'incident. 18. S'agissant des documents demandés, elle soutient qu'ils ne permettent pas d'apprécier le caractère contrefaisant de l'usage, que la plupart sont de nature technique et que les factures sont confidentielles. 19. Contre la demande d'interdiction, elle fait valoir que le bateau se trouvant en Corse ayant été importé licitement en 2019, le droit de marque est épuisé et sa revente éventuelle est indifférente. ** 20. À l'audience du 7 septembre 2023, la société 3BBB a demandé à ce que soient rejetées les dernières conclusions versées par les demanderesses dans la mesure où elles avaient été signifiées hors du calendrier fixé, ce qui a été refusé dès lors que la contradiction avait pu être apportée sur l'ensemble des prétentions et moyens de chaque partie. MOTIVATION I . Demande en communication de documents 21. L'article L. 716-4-9 du code de la propriété intellectuelle, appliquant l'article 8 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, prévoit au bénéfice du demandeur à l'action en contrefaçon un droit d'information en vertu duquel, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, la juridiction peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argüés de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argüés de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services. 22. La directive précitée, à son article 8, paragraphe 2, sous a) prévoit que les informations visées peuvent comprendre des renseignements sur les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des marchandises ou des services en question, ainsi que des destinataires et des détaillants. 23. En application de l'article 3 de la même directive, la mesure doit ainsi être limitée à ce qui est effectif, et proportionné au regard, notamment, de l'intérêt du défendeur à la protection du secret des affaires. 24. Par ailleurs, les articles 142, 138 et 139 du code de procédure civile prévoient la communication forcée des éléments de preuves détenus par les parties. 25. Au cas présent, la demande porte sur quatre bateaux dont il est constant qu'ils n'étaient pas concernés par la demande de documents déjà tranchée par l'ordonnance du 10 février 2023 ni par une décision du tribunal de Lyon. Il s'agit donc d'une demande nouvelle. 26. Ces quatre bateaux, dont deux ont une immatriculation et deux en sont dépourvus, auraient été fabriqués en 2019 (pour trois d'entre eux) ou en 2020 (pour l'un d'entre eux). Il est constant qu'ils ont tous été importés dans l'Union européenne par la société 3BBB. Comme le souligne celle-ci, leur date d'importation dans l'Union européenne (en réalité, leur date de mise sur le marché) est pertinente pour apprécier un éventuel épuisement des droits. Plus généralement, la date à laquelle la société 3BBB s'en est dépossédée est déterminante pour apprécier les faits susceptibles de lui être reprochés, en particulier à l'égard de la date d'opposabilité de la marque (qui, pour rappel, n'est pas la date de la demande d'enregistrement mais la date de la publication de celle-ci, c'est-à-dire non pas le 20 décembre 2019 mais le 3 mars 2020). 27. Or la date de ces faits est contestée. Il est donc utile pour trancher le litige de disposer de toutes preuves utiles parmi lesquelles figurent les factures de vente de ces bateaux, dont la confidentialité, à la supposer établie, n'est pas suffisante ici pour y faire obstacle. 28. Par ailleurs, le certificat de conformité associé à ces bateaux, le manuel constructeur et la fiche du fabricant du moteur, dans la mesure où ils sont censés faire une référence précise au « constructeur » du bateau ou émanent d'un tiers, sont utiles pour éclairer la situation juridique telle qu'elle était perçue par la société 3BBB à la date d'importation des bateaux litigieux. Ils sont également utiles pour corroborer les factures et leur date dans le cadre de ce litige où les parties s'accusent mutuellement de manoeuvres malhonnêtes et où force est de constater que certains éléments ont été volontairement passés sous silence ou manquent de cohérence. On peut ainsi s'étonner que dans sa contestation de la présence du bateau (a) en Suisse, la société 3BBB n'ait pas jugé utile d'expliquer pourquoi le courrier des douanes suisses à son sujet a été adressé à une personne résidant à la même adresse que M. [O], son dirigeant... Réciproquement, on peut regretter que le groupe Wimbi n'ait pas jugé pertinent d'expliquer pourquoi la société Wimbi boats limited apparait sur les factures comme ayant son siège non pas à [Localité 5] mais en Australie, ce qui est au demeurant corroboré par le code constructeur débutant par « AU ». 29. Dans ce contexte, où toute information non manifestement inutile doit être considérée comme potentiellement utile, les manuels des plaques de coque et plaques constructeur peuvent également être exigés. Il ressort de la description qu'en donnent les parties qu'il ne s'agit que de modèles pour la fabrication de la plaque constructeur ou de la plaque de coque, de sorte que leur communication doit s'entendre, en pratique, comme la communication de toute preuve de leur envoi à la personne ayant fabriqué ces éléments ou à toute personne ou administration ayant dû en être destinataire (par exemple la preuve de l'envoi d'un courriel dont il serait la pièce-jointe, avec preuve du contenu de cette pièce-jointe. Un commissaire de justice peut être utile pour apporter clairement une telle preuve). 30. Devant le refus non clairement justifié de communiquer ces documents, une astreinte est nécessaire. Il est rappelé qu'il incombe au débiteur d'une obligation d'en prouver l'exécution. II . Mesures d'interdiction 31. En application de l'article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires. 32. L'article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. » 33. Une mesure d'interdiction doit, pour être exécutable, porter sur des faits identifiés ou identifiables. Elle ne peut pas être le simple rappel de l'interdiction générale de contrefaire une marque, qui n'ajouterait rien à la loi et ne ferait que renvoyer le débat de la qualification des faits (sont-ils une contrefaçon) au stade de l'exécution, dont ce n'est évidemment pas le rôle. Il est donc nécessaire d'identifier suffisamment clairement une série de faits susceptibles de porter atteinte à la marque, série qui doit être susceptible d'être poursuivie ou réitérée. 34. Il est établi que la société 3BBB a publié à l'été 2023, dans un magazine spécialisé, une publicité pour la vente de bateaux montrant des bateaux Wimbi, ce qu'au demeurant elle ne conteste pas. Il est constant en outre que plusieurs publications sur sa page Instagram, anciennes mais toujours visibles (voire toujours mises en avant dans le cadre de ses « stories »), désignent des bateaux sous la marque. Enfin, il n'est pas contesté que le nouvel associé de la société 3BBB fait, ou a fait, usage de la marque sur sa carte de visite. Or il est tout aussi constant qu'elle n'a plus le droit de faire usage de cette marque. L'interdiction à cet égard est fondée. 35. Toutefois, ces faits, tous commis en France entrent entièrement dans le domaine de l'interdiction déjà prononcée par le juge de la mise en état de Lyon. La demande, à leur égard, n'est donc pas nouvelle. 36. Hors de France, les demanderesses font valoir des craintes de déplacement ou de vente des quatre bateaux objets de la demande de communication de pièces, dont trois se trouvent près des frontières extérieures de la France. Il s'agit toutefois de bateaux qui ont été vendus à des tiers, de sorte qu'un éventuel usage illicite de la marque à travers la revente de ces bateaux serait commis par un tiers, et non par la société 3BBB. Aucun fait illicite n'est ainsi suffisamment étayé pour fonder une interdiction allant au-delà du simple rappel de l'interdit légal général. 37. Par conséquent, la demande est rejetée. III . Dispositions finales et suite de la procédure 38. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 39. La présente décision ne mettant pas fin à l'instance, il n'y a pas lieu à décision sur les dépens. Par ailleurs l'issue du litige amène à rejeter la demande d'indemnité de procédure de chaque partie. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : Ordonne à la société 3BBB de remettre à l'association Wimbi foundation et à la société Wimbi boats, au sujet des quatre bateaux suivants : (a) immatriculé [Immatriculation 4] avec le numéro de série [Numéro identifiant 9], (b) comportant le numéro de série WBB W1031D919,(c) immatriculé PP F94488 avec le numéro de série WBB W9138F919,(d) comportant le numéro de série WBB W1052A121, les documents suivants : 1) leur facture de vente ;2) leur manuel constructeur ; 3) le manuel de leur place de coque4) le manuel de leur plaque constructeur5) leur certificat de conformité CE6) les fiches moteur du motoriste indiquant leur numéro de série du ou des moteurs équipant le bateau et le nom du constructeur ; et ce dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la présente décision puis sous astreinte de 300 euros par jour qui courra pendant 90 jours au maximum ; Se réserve (ainsi qu'au tribunal selon l'avancée de la procédure) la liquidation de l'astreinte ; Rejette les demandes d'interdiction provisoire ; Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fixe le prochain examen de la mise en état au 14 décembre 2023 avec :- confirmation de la communication des pièces par les parties- conclusions Wimbi pour fin décembre ou première quinzaine de janvier selon la date de remise des pièces (sauf meilleur accord des parties sur l'ordre pour reconclure et le délai) Faite et rendue à Paris le 10 Novembre 2023 Le Greffier Le Juge de la mise en étatQuentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY | x |
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JURITEXT000049130306 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130306.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 24 novembre 2023, 22/05592 | 2023-11-24 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/05592 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/05592No Portalis 352J-W-B7G-CWNTC No MINUTE : Assignation du :22 Mars 2022 JUGEMENT rendu le 24 Novembre 2023 DEMANDERESSE S.A.S. SUCRE SALE[Adresse 1][Localité 2] représentée par Maître Jean-marie LEGER de l'AARPI ENTHEMIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D2159 DÉFENDERESSE Commune de [Localité 3][Adresse 4][Localité 3] représentée par Maître Yvon GOUTAL de la SELARL GAA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0116 Copies délivrées le : - Maître LEGER #D2159 (ccc)- Maître GOUTAL #R116 (exécutoire)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Quentin CURABET, Greffier, DÉBATS A l'audience du 29 Septembre 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2023 JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société Sucré salé déclare exploiter une banque de photographies culinaires pour lesquelles elle délivre des licences d'utilisation à partir de son site www.photocuisine.fr, parmi lesquelles la photographie no 60186260 Oranges Givrées dont l'auteur est M. [R] [C]. 2. Ayant découvert que cette photographie figurait sans son autorisation sur le site www.drancy.fr édité par la ville de Drancy, la société Sucré salé lui a reproché la violation des droits patrimoniaux et moral d'auteurs et l'a mise en demeure de l'en indemniser, puis, devant son refus après plusieurs échanges, l'a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris par acte du 22 mars 2022. 3. Dans ses dernières conclusions signifiées le 15 novembre 2022, la société Sucré salé demande au tribunal de :- condamner la ville de [Localité 3] à lui payer les sommes de 1.498 euros et 3.500 euros en réparation de ses préjudices sur le fondement de la contrefaçon de ses droits d'auteur sur la photographie no60186260 à titre principal et sur celui de sa responsabilité civile délictuelle à titre subsidiaire, - condamner la ville de [Localité 3] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement, - condamner la ville de [Localité 3] aux dépens et à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 4. Elle soutient que:- M. [C] est l'auteur de la photographie litigieuse et lui a cédé ses droits d'auteur, ce dont il atteste lui-même ;- en toute hypothèse, elle est présumée titulaire des droits d'auteur de l'oeuvre qu'elle exploite sur son site internet ;- l'oeuvre est originale en ce qu'elle a donné lieu à une mise en scène au stade préparatoire et à un cadrage et des jeux de lumière et de couleurs au stade de la réalisation ;- plusieurs jugements et arrêts ont retenu l'originalité de photographies culinaires ;- à titre subsidiaire, la ville de [Localité 3] a commis une faute par la reproduction à titre lucratif du cliché en profitant du fruit de son investissement sans contrepartie et en faisant une économie injustifiée ;- cette utilisation l'a désorganisée par le contournement du processus commercial mis en place pour ses licences, quand bien même les parties ne sont pas en concurrence ; - il en est résulté un gain manqué du fait de l'absence de redevance normalement due, un préjudice moral résultant du trouble commercial, de la dévalorisation de sa photographie, des pertes subies du fait des moyens externes et internes qu'elle a dû déployer pour identifier l'utilisation non autorisée et de l'absence de crédit photographique et un préjudice moral ;- la ville de [Localité 3] ayant refusé l'accord amiable, elle est mal fondée à se prévaloir de la deuxième offre d'indemnisation, limitée dans le temps, qui comportait des concessions aujourd'hui injustifiées ; - la durée d'exposition affirmée par la ville de [Localité 3] n'est pas démontrée ;- en refusant toute indemnisation malgré ses efforts, la ville de [Localité 3] a fait preuve d'une résistance abusive. 5. Dans ses dernières conclusions du 6 janvier 2023, la commune de Drancy demande au tribunal, au visa des articles L. 111-1 et L. 112-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle de : - à titre principal, déclarer l'assignation irrecevable pour défaut de titularité des droits sur l'oeuvre,- subsidiairement, débouter la société Sucré salé de l'ensemble de ses demandes ;- très subsidiairement, fixer les indemnités à la somme totale de 630, 67 euros ;- condamner la société Sucré salé aux dépens et à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 6. La ville de [Localité 3] oppose que :- la société Sucré salé ne justifie pas de la titularité des droits d'auteurs en ce que l'annexe au contrat de cession énumérant les oeuvres cédées n'est pas produite et que l'attestation du photographe n'est pas manuscrite et ne justifie pas de l'identité de celui-ci ;- les caractéristiques revendiquées au titre de l'originalité relèvent en réalité du savoir-faire photographique et il n'existe pas de choix libres et créatifs reflétant l'empreinte de la personnalité de l'auteur ; - elle n'a commis aucune faute qualifiable de parasitisme, n'ayant pas titré d'avantage concurrentiel ou lucratif du fait de l'utilisation litigieuse, faite pendant une période éphémère dans un objectif éducatif ;- elle n'est pas un opérateur économique et la publication n'a eu lieu qu'entre le 15 et le 25 décembre 2018 afin d'illustrer un calendrier de l'avent écoresponsable ;- aucun préjudice moral n'est caractérisé ;- en refusant de transiger, elle ne s'est pas rendue coupable de résistance abusive ; - à titre très subsidiaire, le gain manqué doit être chiffré à 120 euros, en se référant aux montants figurant dans le courriel de la demanderesse du 10 novembre 2021, la perte subie, comprenant les frais de détection et de gestion interne, à 260,67 euros et le préjudice moral à 250 euros. 7. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023. MOTIVATION I . Sur la demande principale sur le fondement du droit d'auteur 8. Selon l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. En application de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.La protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. 9. La société Sucré salé explicite comme suit l'originalité de la photographie en cause :"au stade préparatoire, cette photographie révèle un travail de mise en scène : sur une table en bois de couleur grise, au premier plan dans une assiette de couleur noire, quatre oranges givrées ont été présentées. Les couleurs sombres de l'assiette et de la table ont été choisies pour mettre en valeur le jaune de la crème et l'orange des fruits. Deux cuillères, à l'arrière de l'assiette invitent à une dégustation immédiate. (...) Au stade de la prise de vue, le photographe a choisi un cadrage centré sur les oranges (...) Les reflets sur l'assiette et la lumière en arrière-plan suggèrent un temps propice à la dégustation." 10. La photographie vise à mettre en valeur les aliments par différents moyens techniques relevant d'un savoir-faire de photographe.Le choix de poser quatre oranges givrées dans une assiette sombre sur table en bois, à proximité de cuillères en métal est banal et ne témoigne ni d'une mise en scène ni d'un effort créatif particuliers. S'agissant du cadrage du sujet et de la captation de lumières mettant en valeur le produit, il s'agit du savoir-faire du photographe culinaire consistant dans la mise en valeur de différentes textures ne réagissant pas pareil à la luminosité ainsi qu'il ressort d'ailleurs de l'article de presse sur le développement de la photographie culinaire (pièce no3 de la société Sucré salé) et non de l'empreinte de sa personnalité, même pris en combinaison avec les choix de mise en scène précités. 11. La photographie en cause n'ouvre donc pas droit à la protection par le droit d'auteur et les demandes présentées sur ce fondement sont par conséquent rejetées, sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen tiré du défaut de titularité des droits sur l'image. II . Sur la demande subsidiaire fondée sur la faute délictuelle 12. L'article 1240 du code civil prévoit que tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et l'article 1241 ajoute que "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé par sa négligence ou par son imprudence". 13. Le parasitisme consiste dans le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire. 14. Il est établi que la ville de [Localité 3] a diffusé l'image litigieuse pour illustrer un contenu éditorial pédagogique sur des questions de nutrition ou de développement durable pendant une courte période, ce qui ne suffit pas à caractériser un usage lucratif des investissements de la société Sucré salé. 15. La société Sucré salé n'invoque, à l'appui de la caractérisation de la faute alléguée, aucun autre grief que l'économie réalisée sur le paiement d'une redevance dont le fondement (droit d'auteur) n'a pas été admis par le tribunal. 16. La faute n'est pas établie et il convient de rejeter les demandes fondées sur la responsabilité délictuelle de la ville de [Localité 3]. III . Dispositions finales 17. Le droit d'agir en justice dégénère en abus, susceptible de réparation sur le fondement de l'article 1240 du code civil précité, lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action ou un moyen que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 18. La défense de la ville de [Localité 3] étant accueillie, son refus de payer une réparation pour l'usage sans droit du cliché litigieux ne saurait être considéré comme un abus de droit et trouve sa sanction dans la condamnation prononcée et la charge des frais du procès. 19. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Sucré salé est condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la ville de [Localité 3] une somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Déboute la société Sucré salé de l'ensemble de ses demandes ; Condamne la société Sucré salé aux dépens ; Condamne la société Sucré salé à payer à la ville de [Localité 3] la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 24 Novembre 2023Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130307 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130307.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 24 novembre 2023, 21/07270 | 2023-11-24 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/07270 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/07270No Portalis 352J-W-B7F-CUQCK No MINUTE : Assignation du :28 Mai 2021 JUGEMENT rendu le 24 Novembre 2023 DEMANDERESSE S.A.S. LES TECHNIQUES ACTUELLES FRANCE[Adresse 7][Localité 3] représentée par Maître Philippe BESSIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0804 DÉFENDERESSE S.A.S. AG+[Adresse 5][Localité 4] représentée par Maître Martine LE ROUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0714 Copies délivrées le : - Maître BESSIS #E804 (exécutoire)- Maître LE ROUX #D714 (exécutoire)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 15 Septembre 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2023, puis prorogé au 24 Novembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La SAS Les techniques actuelles France (ci-après société TAF) est titulaire de deux marques françaises semi-figuratives :- la marque numéro 12 3 956 002 déposée le 24 octobre 2012 à l'INPI dans les classes 28 (notamment articles de sports), 35 (notamment publicité) et 41 (notamment formation, activités sportives),- la marque numéro 09 3 627 123 déposée le 4 février 2009 à l'INPI dans les classes 5 (notamment compléments nutritionnels à usage médical), 25 (notamment vêtements de sport) et 30 (notamment produits diététiques à usage non médical) et renouvelée le 14 décembre 2018. 2. Par acte du 15 juillet 2020, la société TAF a cédé à la SAS AG+ "les éléments d'actifs énumérés et décrits ci-dessous constituant une des branches d'activités du fonds de commerce de commerce en gros qu'il exploite (...) sous l'enseigne Disportex". 3. Par courriel du 11 janvier 2021, M. [U], directeur général de la société TAF, a écrit à la société AG+ de retirer de son site le logo et la marque Athlonia, non cédés. La société AG+ s'en est aussitôt étonnée, indiquant que la cession incluait toutes les activités sportives et les marques afférentes, une clause de non concurrence directe ou indirecte dans les activités de fitness et un stock comportant des machines et accessoires Athlonia et des stickers Athlonia. 4. La société TAF a fait constater par huissier de justice, le 10 avril 2021, que le site <www.disportex.fr> faisait mention de la marque Athlonia. Autorisée par ordonnance du 26 avril 2021, elle a fait réaliser des opérations de saisie-contrefaçon le 11 mai 2021 au siège de la société AG+, ainsi que de nouveaux constats. 5. Le 28 mai 2021, la société TAF a assigné la société AG+ devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de ses marques françaises Athlonia et concurrence déloyale. 6. Dans ses dernières conclusions du 2 novembre 2022, la société TAF demande au tribunal de - interdire à la société AG+ d'utiliser et/ou de reproduire les marques sous astreinte ; - ordonner la saisie et la destruction de tous produits, documents, ou supports contrefaisants ; - condamner la société AG+ à lui payer la somme de 135.771,52 euros en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de marque et 10.000 euros au titre des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire ;- débouter la société AG+ de ses demandes reconventionnelles ;- ordonner la publication du jugement à intervenir ; - condamner la société AG+ aux dépens et à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.7. Dans ses dernières conclusions du 27 octobre 2022, la société AG+ demande au tribunal de - déclarer la société TAF irrecevable à agir en concurrence déloyale à son encontre ;- débouter la société TAF de ses demandes ; Reconventionnellement,- dans l'hypothèse où le tribunal jugerait que la marque Athlonia n'était pas incluse dans la cession, condamner la société TAF à lui payer à titre de dommages et intérêts une somme équivalente à la condamnation prononcée au titre de la contrefaçon augmentée de 30.000 euros ;- ordonner le transfert des deux marques Athlonia, sous astreinte ;- condamner la société TAF à lui payer la somme de 138.724 euros en réparation de son préjudice matériel et celle de 10.000 euros au titre de son préjudice moral ; - interdire à la société TAF de faire usage, exploiter et/ou communiquer, directement ou indirectement, au public, sur tous supports et par tous moyens, les marques Disportex, Walter, SDI, Kashirai et Athlonia, sous astreinte ;- ordonner la publication de la décision ; - condamner la société TAF à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices résultant de transfert des numéros de téléphone historiques, du retard dans la transmission des noms de domaine et sites internet, moral et pour le temps perdu ainsi que celle de 572 euros réglée par erreur ;- réduire le prix de la cession partielle d'actifs d'un montant de 1.475 euros - condamner la société TAF aux dépens et à lui payer la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sous le bénéfice de l'exécution provisoire. 8. L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 novembre 2022. MOTIVATION I . Sur les demandes principales 1 . Sur la contrefaçon des marques Athlonia 9. La société TAF soutient que :- la société AG+ propose à la vente sur son site internet www.disportex.fr, divers articles de sport portant les marques Athlonia, elle a vendu 122 articles marqués Athlonia, elle a commandé 1272 nouveaux produits facturés le 17 mars 2021 et elle fait aussi apparaître ces signes sur des tapis de sol, des plaques et des stickers, commettant autant de faits de contrefaçon de ses marques ; - la société AG+, assistée de son conseil lors des négociations, ne pouvait ignorer que la cession partielle ne comprenait pas la cession des marques Athlonia en l'absence de mention écrite à ce sujet et alors que cette cession avait été antérieurement envisagée et que le prix a été négocié à la baisse ;- elle-même a subi un préjudice au titre du gain manqué sur les ventes des produits en stock lors des opérations de saisie contrefaçon correspondant à sa marge habituelle, un préjudice moral au regard des ses investissements concernant ces marques et au titre des bénéfices indus du contrefacteur depuis le 15 septembre 2020. 10. La société AG+ oppose que :- la marque litigieuse lui a été cédée, au même titre que tous les actifs de la branche d'activité de vente en gros de matériel de sport ;- l'intention des parties à cet égard est démontrée par l'existence d'une clause de non concurrence pour "toute activité similaire ou identique", la présence dans les stocks de 581 produits marqués Athlonia sans prévoir de licence de la marque litigieuse, de la participation de M. [U] à l'élaboration de la première brochure promotionnelle en septembre 2020 de la société TAF incluant la marque Athlonia, de l'absence de précision au graphiste des logos des marques à ne pas transmettre cette marque et la remise de stickers et d'une dalle de sol marquée Athlonia ;- le papier à en-tête de la société TAF comporte les quatre marques Disportex, Walter Kashikai et SDI mais non Athlonia de sorte qu'elle a été induite en erreur sur l'existence d'un dépôt de marque pour Athlonia ;- le contrat de cession ne précise pas de façon détaillée tous les actifs cédés, évalués globalement, et la liste des marques n'est pas limitative ;- la société TAF soutient des positions contradictoires et irréalistes quant à la valorisation de la marque Athlonia à 160.000 euros quand il n'existe aucune valorisation au bilan et que la cession des quatre autres marques est incluse dans le prix de cession de 40.000 euros ;- à titre subsidiaire, les actes de contrefaçon ne sont pas prouvés : les constats ont été effectués sur des sites internet dont la société TAF avait la maîtrise jusqu'au 8 juin 2021, les stocks et catalogues saisis sont ceux cédés par la demanderesse elle-même et les nouveaux stocks n'ont pas été commercialisés puis ont été "délogotés" dans l'attente de la décision du tribunal, ce qui a été constaté par l'huissier le 9 septembre 2021 ;- aucun préjudice n'a été causé à la société TAF, qui a cessé l'activité de vente de matériel de sport, corollaire de son engagement de non-concurrence, dès lors que les produits litigieux ont immédiatement été immobilisés et que les investissements prétendus à l'appui du préjudice moral sont justifiés par des factures concernant la marque Disportex, qui lui a été cédée, et non les marques Athlonia. Sur ce, a) Sur la cession des marques Athlonia 11. L'article L.714-1 du code de propriété intellectuelle dispose notamment : "Les droits attachés à une marque sont transmissibles en totalité ou en partie, indépendamment de la personne qui les exploite ou les fait exploiter. La cession de ces droits, même partielle, ne peut comporter de limitation territoriale.La transmission totale de l'entreprise, y compris en application d'une obligation contractuelle, emporte la transmission des droits attachés à la marque, sauf s'il existe une convention contraire ou si cela ressort clairement des circonstances de ce transfert.(...) La cession et la constitution de droits réels, dont le nantissement, sur les droits attachés à la marque sont constatés par écrit, à peine de nullité.Les dispositions du présent article s'appliquent aux demandes d'enregistrement de marques." 12. Les parties ont été mises en rapport en août 2018 par la société Midway entreprises, mandatée par M. [U], dirigeant de la société TAF sur le point de prendre sa retraite, pour négocier la cession soit de la société, soit seulement de ses actifs, l'entreprise étant présentée sous la désignation "Disportex/SDI/Walter/Kashikai/Athlonia" et son activité décrite comme "matériel de sport dont combat (boxe) en BtoB".Athlonia est encore citée en tant que marque appartenant à la société TAF dans le courriel adressé à la société AG+ le 25 novembre 2019 en cours de négociations. 13. L'acte de cession du 15 juillet 2020 porte non pas sur la cession de l'ensemble du fonds de commerce de commerce en gros, mais sur une des branches d'activité et énumère comme suit les éléments d'actif cédés : "- les fichiers de la clientèle, - les fichiers des fournisseurs, - les marques commerciales suivantes : SDI, et Disportex, Kashikai, Walter,- le site internet marchand y compris les noms de domaine y attachés ainsi que les catalogues, - la ligne téléphonique [XXXXXXXX01] ainsi que le numéro de télécopie [XXXXXXXX02] et mail: [Courriel 6] et toutes adresses mail liées aux marques commerciales cédées".Venaient en sus le matériel, l'outillage et le mobilier ainsi que les marchandises en stock. 14. Le retrait des marques Athlonia du périmètre de la cession entre le 25 novembre 2019 et le 15 juillet 2020 n'a donné lieu à aucun échange formel et ne résulte pas de la valorisation des actifs incorporels ou des quelques courriels échangés. 15. Il ne s'explique pas par la réduction du prix de vente, à plus forte raison de 160.000 euros, les actifs incorporels incluant quatre autres marques - parmi lesquelles les marques principales Disportex et SDI - étant valorisés à 35.000 euros.Au contraire, le stock cédé comportait des fournitures de fitness marquées Athlonia et la brochure publicitaire de la rentrée 2020, constituée de concert avec la société TAF, incluait des produits portant cette marque. De plus, une clause de non concurrence interdisait au vendeur de poursuivre, directement ou indirectement, une activité similaire à la branche cédée durant 3 ans et les marques Athlonia sont déposées pour des produits et services orientés vers les activités de sport en salle. 16. Néanmoins, les marques Athlonia ne sont pas mentionnées dans l'acte alors que les marques cédées sont citées et, bien que la ponctuation ci-dessus reproduite (point 13), ne soit pas très conventionnelle, elle ne laisse aucunement supposer que la liste des marques cédées n'est pas limitative.Cette omission de la marque Athlonia constitue donc une stipulation écartant cette marque de la cession au sens de l'article L.714-1 précité, de sorte que la société TAF en est bien restée propriétaire. b) Sur la contrefaçon 17. L'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment que : "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée". Cet usage constitue, d'après l'article L.716-4 du même code, un acte de contrefaçon. 18. Un procès-verbal de constat d'huissier du 10 avril 2021 montre que 116 références de produits marqués Athlonia étaient offertes à la vente en ligne sur le site www.disportex.fr qui a été cédé à la société AG+ par le contrat du 15 juillet 2020. Les opérations de saisie-contrefaçon du 11 mai 2021 ont confirmé que les marques Athlonia étaient encore reproduites à l'identique sur ce site.Des captures d'écran réalisées en mai 2021 le confirment encore. 19. Quoique la société TAF le conteste, il ressort d'un échange de courriels et SMS entre les parties et le prestataire extérieur ayant réalisé les opérations de transfert (la société Siteinternetpourtous) du 1er septembre 2020 au 8 juin 2021 que :- la société TAF n'a communiqué que le 15 janvier 2021, après plusieurs demandes, les codes de transfert du nom de domaine <disportex.fr> administré par la société Ionos, - cette démarche n'a pas suffi, la société TAF ayant souhaité conserver certains noms de domaine non cédés et n'ayant effectué la procédure demandée par l'administrateur qu'en mai 2021, - le transfert du site cédé en juillet 2020 n'a été effectif que le 8 juin 2021.Ces éléments démontrent que le prestataire Siteinternetpourtous n'a obtenu les codes de M. [U] que le 5 mai 2021 et a réalisé le transfert le 8 juin 2021. 20. Le transfert du site à la société AG+ n'a donc eu réellement lieu qu'à partir du 8 juin 2021 de sorte que les mentions de la marque observées par ces constats d'avril et mai 2021 ne peuvent lui être imputées. 21. La société TAF invoque également un procès-verbal de constat d'huissier du 28 février 2022 relevant à cette date 45 occurrences du mot Athlonia sur ce même site marchand.Le tribunal observe cependant que toutes ces occurrences sont extraites d'un catalogue intitulé Disportex no144, antérieur à la cession (sa dernière page indique qu'il est celui de 2016 et la facture produite qu'il est celui de 2018). Eu égard à ces dates et à la cession expresse par l'acte 15 juillet 2020 de la marque Disportex, du site marchand www.disportex.fr et des catalogues attachés, la présence sur le site de ce catalogue tel quel, n'est pas illicite. 22. Le récapitulatif des ventes de produits communiqué spontanément par la société AG+ dans le cadre de la saisie-contrefaçon fait apparaître 122 articles vendus entre le 15 septembre 2020 et mai 2021. Les "codes articles" qui y figurent sont ceux des produits listés à l'inventaire joint à l'acte de cession et la société TAF n'indique pas quels produits n'étaient pas présents dans l'inventaire.Ces ventes ne démontrent donc pas des actes de contrefaçon. 23. A l'occasion des opérations de saisie-contrefaçon, l'huissier de justice a notamment relevé la présence, dans les locaux de la société AG+ d'un tapis de sol, d'une plaque et de 300 stickers présentant la marque litigieuse. 24. La présence de ces signes sur le tapis, la plaque et les stickers visés ci-dessus témoignent d'un usage de la marque Athlonia dans la vie des affaires pour l'activité de vente de produits et de services visés à l'enregistrement. 25. Il a également saisi une commande du 20 août 2020 facturée le 17 mars 2021 d'achat de 1272 nouveaux produits marqués Athlonia par la société AG+ en provenance d'un fournisseur chinois figurant sur la liste des fournisseurs, incluse et valorisée dans la cession. En l'absence d'autorisation d'utilisation de la marque litigieuse, limitée à l'écoulement des stocks disponibles, cette importation de produits marqués constitue un acte de contrefaçon. c) Sur la réparation 26. En vertu de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.À titre d'alternative, et sur demande de la partie lésée, la juridiction peut allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire, supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière de la directive 2004/48 sur le respect des droits de propriété intellectuelle, qui prévoit à son article 13 que les dommages et intérêts doivent être adaptés au préjudice que le titulaire du droit a réellement subi du fait de l'atteinte. 27. Il est démontré que les seuls produits marqués Athlonia commandés au fournisseur chinois n'ont pas été commercialisés et que la marque a été effacée, de sorte que la société AG+ n'a réalisé aucun bénéfice indu grâce à l'utilisation de la marque.La société TAF de son côté (quand bien même la licéité de la clause de non-concurrence qu'elle a accordée serait sujette à caution en ce qu'elle n'est pas géographiquement limitée) ne pouvait commercialiser des articles de sport, son objet social tel qu'il ressort de l'extrait Kbis du 25 avril 2020 qu'elle verse au dossier étant limité à "toutes activités de curage et hydrocurage, plomberie, dépannage plomberie et assainissement" ; elle ne saurait donc alléguer un gain manqué. 28. S'agissant du préjudice moral, la société TAF invoque des investissements de plus de 20.000 euros par an concernant ces marques, justifiés par ses pièces no17, et la persistance des actes de contrefaçon après son courriel du 27 janvier 2021 mentionnant l'absence de cession de la marque Athlonia et la mise en demeure dans le même sens du 17 mai 2021. 29. Aucun investissement n'est démontré : les pièces versées étant des factures d'édition ne mentionnant que la marque Disportex.La réputation de la marque de la société TAF n'a pu être entachée par l'usage contrefaisant de la marque litigieuse par la société AG+, puisque les produits n'ont pas été commercialisés (en toute hypothèse, ils étaient les mêmes que ceux antérieurement vendus par la société TAF puisque émanant du même fournisseur).Cependant, la reproduction illicite, poursuivie après avoir été signalée par M. [U], est à l'origine d'un préjudice moral. 30. Eu égard au caractère ponctuel des faits et à leur cessation dès septembre 2021, ce préjudice sera fixé à la somme de 500 euros. 31. Il y a lieu de fait droit à la demande d'interdiction d'utiliser de quelque façon que ce soit et/ou de reproduire partiellement ou entièrement les marques Athlonia. Les circonstances de l'espèce ne justifient pas d'assortir cette condamnation d'une astreinte, ni d'ordonner la saisie et la destruction de produits contrefaisants dont l'existence n'est ni établie ni vraisemblable, ni enfin la publication de la décision, demandes qui sont donc rejetées. 2. Sur la concurrence déloyale 32. La société TAF soutient que :- le maintien de son nom dans les mentions légale du site <disportex.fr>, au moins jusqu'au 25 mai 2021, et la mention de nombreux produits Athlonia sur ce même site entretiennent un risque de confusion entre les parties, faits constituant des actes distincts de concurrence déloyale ;- elle n'est pas à l'origine du transfert tardif des sites internet et du nom de domaine.- la clause de non-concurrence de l'article 10 du contrat de cession partielle d'actifs est nulle, car non limitée géographiquement et disproportionnée, et donc être réputée non écrite (Com., 23 septembre 2014, pourvoi no13-20.454) ;- M. [U] a toujours facilité l'exécution de l'accord de cession. 33. La société AG+ oppose que :- la société TAF n'a pas d'intérêt à agir sur le fondement de la concurrence déloyale puisque les deux entreprises ne sont pas en situation de concurrence, leurs activités étant différentes et le contrat de cession prévoyant une clause de non-concurrence à la charge de la société TAF ;- aucun risque de confusion n'existe ;- cette clause est valide, et limitée géographiquement ;- les faits allégués à l'appui de la contrefaçon sont indissociables de ceux invoqués à l'appui des actes de concurrence déloyale ;- elle n'est entrée en possession des sites et noms de domaine de la société TAF que le 8 juin 2021, du fait des retards de M. [U], de sorte qu'elle n'était pas en mesure de modifier la mention querellée à la date du constat du 10 avril 2021;- aucun préjudice n'est démontré. Sur ce, 34. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l'article 1240 du code civil, consiste en des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre.Elle suppose la caractérisation d'une faute en lien de causalité avec un préjudice. 35. La présence de 45 occurrences du mot Athlonia sur le site <disportex.fr>, relevée par le procès-verbal de constat d'huissier du 28 février 2022, sans aucune référence à la société TAF ne constitue en aucune manière un agissement distinct des faits reprochés au titre de la contrefaçon de marque rappelés au point 21 supra. Elle ne saurait donc caractériser à elle seule une faute au titre de la concurrence déloyale. 36. Le maintien du nom de la société TAF dans les mentions légales du site <disportex.fr> est établi par un procès-verbal de constat d'huissier du 10 avril 2021 et des captures d'écran des 17 et 25 mai 2021.Comme le démontre la société AG+, à ces dates, le nom de domaine, et donc l'accès au site, ne lui avait pas été transféré par la société TAF, de sorte qu'elle n'était pas en mesure de modifier ces mentions et que ce maintien ne lui est aucunement imputable.L'absence de faute justifie d'écarter la demande. 37. Aucun acte de concurrence déloyale n'est donc démontré et les demandes de dommages et intérêts à ce titre sont rejetées. II . Sur les demandes reconventionnelles 1 . Sur l'exécution forcée du transfert des marques et du nom de domaine Atlonia 38. La société AG+ soutient que:- les circonstances de la cession démontrant que la société TAF lui a cédé les marques litigieuses, elle doit donc être forcée à les lui transférer, ainsi que le nom de domaine correspondant, sous astreinte ;- l'inexécution de cette obligation de transfert lui a causé un préjudice matériel en ce qu'elle a dû suspendre en urgence toutes les commandes qu'elle envisageait et stocker et délogotés les produits Athlonia, remanier son site et a perdu les ventes correspondantes outre les frais de défense, soit 138.7224 euros, et un préjudice moral, du fait de l'impossibilité d'exploiter la marque et son image ; - à titre subsidiaire, la société TAF a manqué à son obligation contractuelle d'information en dissimulant l'exclusion de la marque litigieuse à la cession, cette information ayant une importance déterminante et un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat. 39. La société TAF oppose que :- les marques Athlonia ne sont jamais entrées dans le périmètre de la cession ;- le contrat de cession n'est pas un pacte obscur ou ambigu ;- le prétendu préjudice de la société AG+ n'est aucunement établi et, en toute hypothèse, il serait dépourvu de lien de causalité avec la faute alléguée. Sur ce, 40. Selon l'article 1602 du code civil que " Le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur". L'article 1104 du code civil pose l'obligation d'une négociation de bonne foi du contrat, y compris dans la période de négociation. 41. L'acte est rédigé de façon concise et explicite et ne saurait être qualifié d'obscur ou ambigü. 42. La négociation entre les parties, assistées chacune d'un conseil, n'a pas donné lieu à des échanges écrits hors ceux décrits aux points 12 à 14 supra. Aucun élément de preuve ne permet de déterminer les raisons pour lesquelles les marques Athlonia ont été retirées du périmètre de la cession entre novembre 2019 et juillet 2020 : il n'est pas plus établi qu'il résulterait des négociations, d'une erreur ou d'une manoeuvre subreptice.Le ton des échanges entre les parties en janvier 2021 et les termes des réponses de M. [U] dans ses courriel du 27 janvier et lettre du 10 février 2021 permettent seulement de penser que le sujet n'avait pas été discuté. De même, la société Midway n'en a pas été informée. 43. Il ne ressort d'aucune circonstance ou pièce que la cession ou la licence de la marque Athlonia aurait été un élément déterminant de son consentement pour la société AG+ et que la société TAF en avait conscience.La mauvaise foi de la société TAF dans les négociations n'est donc pas démontrée. 44. Il convient de rejeter les demandes d'exécution forcée du transfert de la marque et du nom de domaine Athlonia de la société AG+ et ses demandes d'indemnisation en réparation du dommage résultant du défaut de transfert antérieur. 2 . Sur l'inexécution des autres obligations 45. La société AG+ fait valoir que la société TAF a manqué aux obligations suivantes du contrat de cession d'actif : le transfert des numéros de téléphone, le transfert des noms de domaine et de l'accès à la plateforme d'administration des sites, la deuxième formation prévue et le règlement d'une facture 200955 du 19 octobre 2020. 46. La société TAF réplique que:- ces griefs n'ont jamais fait donné lieu à une quelconque réclamation antérieurement à l'assignation du 28 mai 2021 ; - en vertu de l'article 11 du contrat, il appartenait à la société AG+ d'accomplir les diligences nécessaires pour ne pas perdre l'usage des lignes téléphoniques cédées et réaliser le transfert du site ; - une formation a été délivrée conformément au contrat et aucune autre n'a été demandée ;- la facture de 4.572 euros n'est pas due. Sur ce, 47. L'article 1103 du code civil dispose que les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L'article 1217 du code civil énonce que : "La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;- obtenir une réduction du prix ;- provoquer la résolution du contrat ;- demander réparation des conséquences de l'inexécution.Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter." 48. L'article 1353 du même code dispose : "Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation". 49. L'acte de cession prévoyait le transfert des lignes de téléphone et de télécopie. Or, par courriel du 24 septembre 2020, M. [U] a indiqué à la société AG+ avoir résilié les lignes au 15 septembre 2020 de sorte que ce transfert n'a pu avoir lieu, de façon irréversible.Ainsi qu'il a été vu au point 25 supra, la société TAF a retardé le transfert des noms de domaine cédés de plusieurs mois par inertie et sa volonté d'en conserver certains, tandis qu'aucun défaut de diligence de la société AG+ n'est caractérisé. 50. Si l'article 11 du contrat de cession mettait à la charge de l'acquéreur les formalités consécutives à la cession, qui s'entendent à l'évidence de l'enregistrement de l'acte, celles-ci ne sauraient inclure des diligences que seul le cédant était en mesure de faire, comme l'exécution des procédures de transfert des contrats téléphoniques et liés aux noms de domaine et sites internet. 51. La perte du bénéfice des lignes téléphoniques figurant sur les catalogues et connues des clients ainsi que le retard à la mise en possession des noms de domaine et sites internet est donc entièrement imputable à la société TAF et a freiné l'activité commerciale du cessionnaire.Le préjudice en résultant est fixé à la somme de 4.000 euros. 52. Il n'est pas discuté qu'une seule formation sur les dux prévues a été réalisée par la société TAF. Néanmoins la société AG+ ne l'a pas réclamée et ne justifie aucunement la demande de réduction de prix de 1475 euros qu'elle demande, de sorte qu'il y a lieu de rejeter sa demande de réduction de prix, insuffisamment fondée. 53. La société AG+ justifie avoir livré, le 6 octobre 2020, à la société Casal sport Rézé un équipement Disportex d'une valeur de 4.572 euros en exécution d'un devis de la société TAF du 3 mars 2020 et d'une commande du 5 octobre 2020 de la société Casal sport Rézé à "Disportex" à l'adresse du siège de la société TAF. Elle a refacturé cet équipement à la société TAF le 19 octobre 2020 et cette facture noFA200955 n'a pas été payée. 54. En revanche, elle ne justifie pas d'un accord avec la société TAF sur ce point, l'acte de cession n'évoquant aucune commande en cours, pas plus qu'un règlement de la société Casal sport Rézé à la société TAF.Il y a donc lieu de rejeter la demande en paiement. 3 . Sur la contrefaçon des marques cédées 55. La société AG+ soutient que la société TAF a continué à faire usage des marques qu'elle a cédées, notamment sur son papier d'entête et son email officiel. 56. La société TAF s'en défend, soulignant le préjudice purement symbolique allégué. Sur ce, 57. Dans un courrier du 10 février 2021 à la société AG+, la société TAF a utilisé un papier à en-tête figurant les marques cédées à la société AG+ : SDI, Disportex, Kashikai et Walter et son adresse courriel est restée plusieurs mois sdi.taf. Ces seuls éléments ne suffisent pas à caractériser un usage de ces signes pour des produits ou services au sens de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle précité. 58. Il y a lieu de rejeter la demande. 4 . Sur la procédure abusive 59. La société AG+ sollicite la condamnation de la société TAF pour procédure abusive, celle-ci ayant été intentée "dans l'espoir d'obtenir des subsides indues, de contourner une clause de non-concurrence pourtant limpide et conforme aux désirs de retraite de son dirigeant voire de poursuivre une activité de commerce de matériels de sport". Sur ce, 60. Le droit d'agir en justice dégénère en abus lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action ou un moyen que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 61. Les faits de la cause ont démontré de la part de la société TAF un désintérêt certain pour l'exécution de ses obligations à l'égard du cessionnaire de sa branche d'activité, contrastant fâcheusement avec son empressement à demander des dommages et intérêts considérables pour des faits de contrefaçon limités, que les circonstances de l'espèce rendaient très excusables et qui n'ont pu lui causer réellement qu'un préjudice très symbolique.De plus, elle n'a pas hésité à fonder l'essentiel de ses demandes en contrefaçon sur des constatations faites sur un site dont elle n'avait pas assuré le transfert auquel elle s'était engagée et y a ajouté une action en concurrence déloyale très peu étayée, témoignant ainsi d'une légèreté inexcusable. 62. Dès lors, et quand bien même l'action de la société TAF en contrefaçon de marques a été très partiellement accueillie, la procédure peut être qualifiée d'abusive et justifie de condamner la société TAF à payer à la société AG+ la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts. III . Sur les autres demandes 63. De ce fait et vu qu'elle succombe partiellement, il y a lieu de mettre à la charge de la société TAF les dépens de l'instance, de rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à la société AG+, en l'absence de justificatif des frais exposés, la somme de 5.000 euros au même titre. PAR CES MOTIFS Condamne la société AG+ à verser à la société les Techniques actuelles France la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral résultant de la contrefaçon des marques françaises Athlonia numéros 3956002 et 3627123; Interdit à la société AG+ d'utiliser et/ou de reproduire partiellement ou entièrement les marques Athlonia ; Rejette les demandes d'astreinte, de saisie et la destruction de produits contrefaisants et de publication de la décision formées par la société les Techniques actuelles France ; Rejette les demandes de la société les Techniques actuelles France au titre de la concurrence déloyale ; Condamne la société les Techniques actuelles France à payer à la société AG+ la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par les inexécutions contractuelles et celle de 1.000 euros pour procédure abusive ; Rejette le surplus des demandes de la société AG+ ; Condamne la société les Techniques actuelles France aux dépens de l'instance ; Condamne la société les Techniques actuelles France à payer à la société AG+ la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 24 Novembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130308 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130308.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 1 décembre 2023, 23/11158 | 2023-12-01 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 23/11158 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 23/11158No Portalis 352J-W-B7H-C2WS2 No MINUTE : Assignation du :04 Septembre 2023 JUGEMENTrendu le 01 Décembre 2023 DEMANDEURS Monsieur [P] [R][Adresse 1][Localité 3] S.A.S. MARKETING BEAUTE ASSOCIES[Adresse 2][Localité 3] représentés par Maître Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0049 DÉFENDERESSE S.A.S. PUIG FRANCE[Adresse 4][Localité 5] représentée par Maître Vincent FAUCHOUX de la SELARL DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0221 Copies délivrées le :- Maître ABELLO #J49 - Maître FAUCHOUX #P221COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 29 Septembre 2023 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2023 puis prorogé en ernier lieu le 01 Décembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoireen premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. M. [P] [R] est titulaire de la marque verbale française Divine no 1262106 enregistrée en classe 3 pour des produits de parfumerie et dont le dépôt initial remonte à 1929. La société Marketing beauté associés exploite le nom commercial et l'enseigne Divine pour le commerce de détail d'articles de parfumerie et produits de beauté et elle est licenciée exclusive, notamment de cette marque Divine. 2. La société Puig France est titulaire de nombreuses marques incluant le nom "[Z]" parmi lesquelles :- la marque verbale française [Z] divine no 4836885 déposée le 24 janvier 2022 et enregistrée le 26 juin 2022,- la marque verbale de l'Union européenne [Z] divine no018644036 déposée le 25 janvier 2022 et enregistrée le 6 juin 2022,- la marque internationale [Z] divine no 1686536 déposée le 21 juillet 2022 pour 39 autres pays, - la marque verbale française [Z] no 1307978 déposée le 3 mai 1985, - la marque figurative française no 1703307 déposée le 4 novembre 1991.toutes déposées notamment en classe 3 pour des parfums et produits cosmétiques. 3. Le groupe Puig a lancé un nouveau parfum nommé "[Z] divine" sur le site internet www.[06].com en août 2023. 4. Après y avoir été autorisés, par acte du 4 septembre 2023, M. [P] [R] et la société Marketing beauté associés ont assigné la société Puig France à jour fixe à l'audience du 28 septembre 2023. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 28 septembre 2023, ils demandent au tribunal de :- écarter des débats les pièces 9 et 10 de la société Puig France, couvertes par le secret professionnel,- débouter la société Puig France de l'ensemble de ses demandes,- interdire à la société Puig France de faire usage dans la vie des affaires du signe "Divine" seul ou en combinaison avec d'autres éléments verbaux ou figuratifs tels que les termes "[Z]" et "[F] [Z]" en lien avec des produits identiques et/ou similaires aux produits de parfumerie couverts par la marque française verbale Divine no 1262106, notamment de fournir ou d'offrir des produits sous ce signe, d'en faire usage comme partie d'un nom commercial, de l'utiliser dans les papiers d'affaires, sur tous supports de communication, promotionnels ou publicitaires, physiques et sur internet et sur l'ensemble des réseaux sociaux,- enjoindre à la société Puig France, sous astreinte, de faire cesser tout usage du signe par des tiers notamment toute enseigne de parfumerie en France telle que Sephora, Marionnaud et Nocibé,- ordonner le rappel des circuits commerciaux des produits désignés sous ce signe et ordonner leur destruction sous astreinte,- se réserver la liquidation des astreintes,- ordonner la production par la société Puig France du résultat brut d'exploitation et du chiffre d'affaires générés directement ou indirectement par la promotion et la vente des produits de parfumerie, des produits cosmétiques, foulards et tout produit similaire sous les signes contrefaisants Divine et [Z] divine, sous astreinte,- condamner la société Puig France à leur payer à chacun une provision de 250.000 euros à valoir sur la réparation de leur préjudice commercial et une provision de 100.000 euros à valoir sur la réparation de leur préjudice moral résultant de la contrefaçon de la marque Divine,- ordonner diverses mesures de publication, sous astreinte,- prononcer la nullité partielle de la marque française [Z] divine no 4836885 de la société Puig France pour des produits de parfumerie,- condamner la société Puig France à payer à la société Marketing beauté associés la somme de 90.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de l'atteinte à son nom commercial, son enseigne et son nom de domaine <divine.fr>, - condamner la société Puig France aux dépens et à payer à M. [R] et à la société Marketing beauté associés la somme de 80.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- ne pas écarter l'exécution provisoire de droit, sauf pour les mesures de publication et d'inscription au Registre national des marques. 5. Par conclusions signifiées le 28 septembre 2023, la société Puig France demande au tribunal de débouter M. [P] [R] et la société Marketing beauté associés de toutes leurs demandes et de les condamner solidairement aux dépens et à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, subsidiairement, d'écarter l'exécution provisoire. MOTIVATION I . Sur le retrait des pièces no 9 et 10 de la société Puig France 6. Les demandeurs sollicitent ce retrait en ce que ces pièces sont couvertes par le secret des échanges entre avocats et conseils en propriété industrielle. 7. La société Puig France ne conclut pas sur ce point. Sur ce, 8. L'article L. 422-11 du code de la propriété intellectuelle prévoit que : "En toute matière et pour tous les services mentionnés à l'article L. 422-1, le conseil en propriété industrielle observe le secret professionnel. Ce secret s'étend aux consultations adressées ou destinées à son client, aux correspondances professionnelles échangées avec son client, un confrère ou un avocat, à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", aux notes d'entretien et, plus généralement, à toutes les pièces du dossier". 9. Les pièces no9 et 10 sont un courrier qui n'est pas estampillé "officiel" de la société Ipsilon au cabinet Marchais & associés, tous deux conseils en propriété industrielle, et le courrier de réponse émanant du cabinet d'avocats DDG. 10. Il y a donc lieu de les écarter des débats. II . Sur la contrefaçon de la marque Divine 11. Les demandeurs font valoir que la marque [Z] Divine de la société Puig France contrefait la marque verbale Divine, usant de signes identiques : en effet, sur les flacons et les supports publicitaires, le mot divine est placé sur une ligne distincte des termes [Z] et [F] [Z], en plus gros caractères de sorte qu'il apparaît sur les produits, selon eux, un empilement de trois marques du groupe Puig : la marque [F] [Z], la marque [Z] et le signe Divine, qui ne forme pas un tout indivisible avec [Z] . Ce signe désignant des produits également identiques, la protection de la marque est absolue et la démonstration d'un risque de confusion n'est pas nécessaire. 12. Ils ajoutent que, quand bien même l'identité des signes ne serait pas retenue par le tribunal, l'examen de la similarité entre eux doit reposer sur une appréciation globale fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte des éléments distinctifs et dominants de celles-ci (CJCE, 11 novembre 1997, C-251/95, Sabèl) et que, dans l'hypothèse de la juxtaposition de la marque de l'entreprise d'un tiers et d'une marque antérieure, la CJCE a précisé que le risque de confusion est établi dès lors que celle-ci dispose d'une position distinctive autonome dans le signe, lequel permet au public concerné de le rattacher à une origine commerciale précise, peu important par exemple que l'élément d'attaque du signe soit constitué d'une marque renommée (CJCE, 6 octobre 2005 C-120/04, Medion c/Thomson life). 13. Selon eux, les marques [Z] Divine et Divine sont similaires sur les plans visuel et phonétique en ce qu'elles partagent un mot commun qui se lit et se prononce de la même façon tandis que, sur le plan conceptuel, "Divine" est un adjectif de genre féminin signifiant exceptionnel, parfait ou sublime et "[Z]" est un prénom masculin de sorte que la combinaison des deux est nécessairement une fantaisie puisque l'un ne peut qualifier l'autre comme l'a déjà jugé l'EUIPO pour la marque communautaire Gillette Divine. 14. S'agissant du caractère distinctif, ils estiment que, comme l'ont déjà retenu plusieurs décisions de justice, la marque Divine est fortement distinctive en ce qu'elle est arbitraire pour désigner des produits de parfumerie (les trois décisions produites aux débats par la défenderesse n'étant pas transposables en ce que, dans les marques concernées, divine était utilisé comme adjectif qualificatif d'un mot lui-même descriptif du produit) et que sa distinctivité a également été acquise par un usage ancien. 15. Ils font aussi valoir que l'expression "[Z] Divine" combine la marque [Z], bien connue du grand public, jouant le rôle de marque ombrelle, et la marque propre au nouveau parfum, qui a un caractère dominant comme en témoigne sa typographie plus grande et plus épaisse, cette pratique de désigner les parfums par leur "prénom" combiné à la marque ombrelle étant fréquente dans la parfumerie, ca qui fait que le public comprend ici "Divine par [Z]". 16. S'agissant des produits, ils soutiennent que ceux commercialisés par la société Puig France sous le signe querellé sont des parfums, identiques aux produits de parfumerie couverts par leur marque, et des produits très similaires : un gel douche, un lait hydratant et un foulard. 17. Ils caractérisent le risque de confusion par la forte similarité des signes, le caractère fortement distinctif de leur marque Divine, qui domine le signe querellé et, subsidiairement, a une position distinctive autonome au sein du signe [Z] Divine, auprès d'un public pertinent défini comme les consommateurs de parfums, d'attention moyenne. Ils soulignent que, sur les réseaux sociaux, les consommateurs désignent le parfum par "Divine", de sorte que l'atteinte à la fonction essentielle de garantie d'origine de leur marque antérieure Divine est déjà constituée. 18. La société Puig France soutient que les usages incriminés concernent le signe [Z] Divine qui constitue un ensemble unitaire, indivisible, et non la marque Divine utilisée seule. Or la Cour de justice des Communautés eurospéennes a rappelé qu'un signe est identique à la marque lorsqu'il reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen (CJCE, 20 mars 2003, C-291/00) et l'adjonction du terme [Z], qui est une marque renommée en matière de parfumerie, ne peut être considérée comme une telle différence insignifiante. Il appartient ainsi aux demandeurs de démontrer l'existence d'un risque de confusion. 19. Elle fait valoir que, à la date des faits litigieux, le terme "divine" commun aux deux signes était dépourvu de caractère distinctif, ou à tout le moins avait un caractère très faiblement distinctif, pour des parfums et cosmétiques, ce qui est démontré par - le nombre de produits actuellement commercialisés le comportant : parfums Divine Exclusive et Divine d'Oriflame, Divine parfum de Natures Essence, parfum Divine de Boadicea The Victorious, parfum My Divine, parfum Orissima Divine, parfum Ô Divine, parfum Divine Emeraude, parfum Divine Marquise, Passion Parfum Divine Isis par Eau de Mars, parfum Divine Decadence, eau de parfum Divine Vanille d'Olivier Pescheux, savon Divine Vanille, Divine Cream de Make Up Forever, soin Immortelle Divine de l'Occitane ; - le fait que plus de 100 marques en classe 3 pour des produits de parfums et de cosmétiques sur les registres de marques comportent ce terme ; - le fait que, depuis plusieurs années, l'EUIPO refuse d'enregistrer les marques constituées du terme divine pour les produits de la classe 3, produisant à l'appui de cette affirmation trois décisions de la chambre de recours, et que l'usage devenu courant du mot divine dans le sens d'exceptionnelle, parfaite ou sublime de sorte qu'il est devenu descriptif, ou au moins évocateur, de la destination du produit : s'identifier à une personne divine grâce au produit acheté. 20. Elle ajoute que l'élément verbal divine n'est pas en position dominante dans le signe [Z] Divine, l'élément [Z], en position d'attaque, étant fortement distinctif et même renommé en tant qu'indication d'une origine commerciale, comme elle en justifie par un sondage du 27 septembre 2023. 21. Elle expose que les signes Divine et [Z] divine ont une architecture globale différente, dont il résulte une très faible similitude tant visuelle que phonétique entre les signes en présence tandis que, sur le plan conceptuel, le signe antérieur Divine renvoie au sens commun de proche de la divinité, parfait ou sublime, tandis que dans l'ensemble [Z] Divine, l'adjectif qualifie la finalité du parfum, à savoir permettre à son utilisatrice si ce n'est d'être assimilée à une divinité, à tout le moins de sublimer sa beauté et son attrait par l'usage du parfum, et évoque dans sa globalité, par un jeu de mot immanquable, l'expression bien connue de "beauté divine" et ne sera pas perçu comme une marque autonome au sein du signe [Z] Divine. 22. Elle admet la similarité des produits qu'elle commercialise et de ceux désignés à l'enregistrement de la marque Divine. 23. Elle en conclut que tous ces facteurs pertinents (similitude faible entre les signes, ne résultant que de la coïncidence du mot "divine" doté d'une faible distinctivité intrinsèque, présence de la marque ombrelle [F] [Z] renommée) écartent tout risque de confusion entre les signes en présence, de sorte qu'aucun acte de contrefaçon de la marque Divine du fait de l'usage de la marque [Z] Divine n'est en l'espèce caractérisé.Elle explique que les décisions obtenues par M. [R] sur la marque Divine ne sont pas transposables en ce qu'aucun défendeur n'avait sérieusement contesté la distinctivité du terme divine au jour des faits reprochés, qu'aucune des marques n'adjoignait au mot divine un signe distinctif et renommé comme l'est [Z] et qu'elles sont toutes antérieures à l'évolution jurisprudentielle dont témoigne un arrêt de la Cour de justice qui indique : "lorsque la marque antérieure et le signe coïncident dans un élément de caractère faiblement distinctif au regard des produits en cause, l'appréciation globale du risque de confusion n'aboutit fréquemment pas au constat de l'existence de ce droit" (CJUE, 18 juin 2020, C702/18, Primart, § 53). Sur ce, 24. L'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, transposant l'article 10 de la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques, dispose : "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." 25. Le signe identique est celui qui reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen (CJCE, 20 mars 2003, C-291/00, LTJ Diffusion). 26. Constitue un risque de confusion, le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement. 27. Le risque de confusion doit être apprécié globalement à partir de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, notamment la connaissance de la marque sur le marché, l'association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, le degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou les services désignés, le caractère distinctif de la marque antérieure.Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les signes en cause, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants qui les composent (CJCE, 11 novembre 1997, C-251/95, Sabel). 28. L'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Toutefois, ce n'est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l'appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l'élément dominant (CJUE, 12 juin 2007, C-334/05, OHMI/Shaker, § 42). 29. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'il n'est pas exclu qu'une marque antérieure, utilisée par un tiers dans un signe composé comprenant la dénomination de l'entreprise de ce tiers, conserve une position distinctive autonome dans le signe composé ; en ce cas, "aux fins de la constatation d'un risque de confusion, il suffit que, en raison de la position distinctive autonome conservée par la marque antérieure, le public attribue également au titulaire de cette marque l'origine des produits ou des services couverts par le signe composé" (CJUE, 6 octobre 2005, C-120/04, Thomson life, § 16). Cependant, un élément d'un signe composé ne conserve pas une telle position distinctive autonome si cet élément forme avec le ou les autres éléments du signe, pris ensemble, une unité ayant un sens différent par rapport au sens desdits éléments pris séparément (CJUE, 8 mai 2014, C-591/12, Bimbo). 30. La CJUE, en grande chambre, a rappelé que "s'il est vrai que le risque de confusion est d'autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s'avère important, un tel risque n'est pas pour autant exclu lorsque le caractère distinctif de la marque antérieure est faible" (CJUE, 8 novembre 2016, C-43/15, BSH), ce qui n'est aucunement incompatible ou remis en question par l'arrêt cité par la société Puig France ( CJUE, 18 juin 2020, C-702/18, Primart) selon lequel "lorsque la marque antérieure et le signe dont l'enregistrement est demandé coïncident dans un élément de caractère faiblement distinctif ou descriptif au regard des produits et des services en cause, il est vrai que l'appréciation globale du risque de confusion (...) n'aboutira fréquemment pas au constat de l'existence dudit risque. Toutefois, il résulte de la jurisprudence de la Cour que le constat de l'existence d'un tel risque de confusion ne peut pas, en raison de l'interdépendance des facteurs pertinents à cet égard, être exclu d'avance et en toute hypothèse". 31. Selon l'article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux l'article L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4 du même code. a) Sur les signes concernés 32. Pour apprécier la contrefaçon alléguée de la marque Divine, il y a lieu d'examiner tous les usages dénoncés par les demandeurs. Il s'agit de :- la représentation figurant sur les emballages et plusieurs fois sur le site internet en lettres blanches sur fond doré ou dorées sur fond beige , - la désignation des différents produits sur le même site sous l'ensemble "[Z] Divine" en lettres capitales noires de même taille et même épaisseur parfois sur une ligne, parfois sur deux,- ainsi que plusieurs usages de "Divine" seule pour désigner le parfum sur les comptes Instagram (1er septembre 2023), Facebook (31 août, 3 et 4 septembre 2023) et X (4 septembre 2023) de [F] [Z]. 33. S'agissant de ces derniers, le tribunal constate l'identité de signes entre la marque et le signe utilisé et l'identité de produits s'agissant d'un parfum.Ces usages de la marque antérieure pour les mêmes produits dans la vie des affaires sont donc contrefaisants, ceux-ci étant interdits, sauf autorisation du titulaire de la marque. 34. S'agissant des autres usages, les mots [Z] et Divine y sont systématiquement associés, tantôt de façon équivalente (même taille), tantôt avec une accentuation du mot "divine" en lettres deux fois plus hautes et occupant la même largeur que le mot [Z] qui comporte deux lettres de plus et, dans tous les cas, ils sont accolés.Il s'agit donc d'une représentation unitaire et non de deux signes distincts,"Divine" et "[Z]" utilisés à proximité l'un de l'autre, quand bien même le nom [Z] est aussi une marque de la société Puig France. b) Sur le caractère distinctif de la marque Divine 35. La preuve est rapportée d'un usage courant de l'adjectif divine dans les marques désignant des produits de la parfumerie dans le but, souligné par la société Puig France, de conduire le consommateur à faire un lien entre l'usage du parfum et le perfectionnement de sa beauté et sa séduction. 36. Comme l'ont retenu les décisions de la chambre de recours de l'EUIPO versées aux débats par la défenderesse, cet adjectif n'est pas de nature à rendre distinctif un signe l'incluant.Ainsi, pour Divine blush : "the relevant public would simply perceive the sign ‘Divine Blush' as providing the purely laudatory information that the goods are extremely good cosmetics and/or make up" c'est-à-dire "le public pertinent percevra simplement le signe ‘Divine Blush' comme procurant une information purement laudative selon laquelle les produits sont de très bons cosmétiques et/ou produits de maquillage", et pour Divine skin : " there are no additional elements, such as for example, another word or a figurative element that would enable the relevant public to memorise the sign easily and to instantly perceive the trade mark applied for as an indication of the commercial origin of the goods offered under this sign" c'est-à-dire "il n'existe pas d'autre élément tel qu'un autre mot ou un élément figuratif permettant au public pertinent de mémoriser facilement le signe et de percevoir immédiatement la marque dont il est demandé l'enregistrement comme une indication de l'origine commerciale des biens offerts sous ce signe".La chambre de recours de l'EUIPO a aussi décidé, le 12 décembre 2019, que la marque Divina se limitait à un message purement élogieux et n'était, pour cette raison, pas de nature à indiquer l'origine commerciale des produits. 37. Or, le mot divine, utilisé seul ou associé à un mot sans rapport avec les produits ou services (marquise, décadence, immortelle, pour reprendre quelques exemples cités par la société Puig France) ne vient plus évoquer la perfection d'un second terme mais redevient arbitraire et permet d'identifier des produits de parfumerie comme provenant d'une entreprise déterminée, quand bien même il serait évocateur de la fonction du produit. Ici, la marque Divine pour désigner des parfums présente un caractère arbitraire qui lui confère un caractère distinctif intrinsèque moyen. 38. La société Puig souligne le nombre élevé d'occurrences du mot "Divine" dans le discours commercial et dans l'intitulé des marques pour de tels produits à la date des faits allégués de contrefaçon. Il résulte de cette évolution du langage un affaiblissement du caractère distinctif de la marque Divine du fait de sa banalisation. 39. Les demandeurs démontrent un usage long, constant et ostensible de ce signe pour des parfums, néanmoins, ils soutiennent eux-mêmes qu'il s'agit de produits de niche, peu connus du grand public et promus par le bouche à oreille ; cette circonstance est donc de nature à conserver au signe sa distinctivité mais non à lui en conférer une supplémentaire. 40. Au regard de ces éléments, le tribunal retient que la marque Divine est dotée d'une distinctivité normale quoique modérée. c) Sur les éléments dominants du signe [Z] Divine 41. La marque antérieure n'est composée que d'un mot.Le signe litigieux est la combinaison du terme "[Z]", en attaque, suivi de "Divine" ; c'est la juxtaposition, d'une part, de la marque ombrelle et, d'autre part, de la marque antérieure de M. [R], hypothèse expressément évoquée dans l'arrêt de la CJCE précité au point 28 supra (lorsque "le titulaire d'une marque renommée fait usage d'un signe composé juxtaposant cette dernière et une marque antérieure qui n'est pas elle-même renommée" CJUE, 6 octobre 2005, C-120/04, Thomson life, § 34) justifiant d'assurer la protection de la fonction d'origine de la marque antérieure. 42. Le signe [Z] attirera l'attention du public en raison de sa position d'attaque et de sa renommée incontestée, tirée de celle du styliste du même nom et donnée à la marque ombrelle ; la perception du signe Divine, renvoyant de façon générale à un attribut de divinité, est affectée par cette très forte distinctivité et il n'est pas dominant. 43. Les demandeurs rappellent une pratique généralisée de la parfumerie consistant à déposer à titre de marque la combinaison de la marque ombrelle et du nom du nouveau parfum, pratique illustrée par la pièce no2 de la société Puig France faisant état de très nombreuses marques ainsi structurées (la belle [Z], [F] [Z] la belle, [F] [Z] classique, [F] [Z] le mâle, etc...) ce qui conduit le public à conserver en mémoire la perception de cette partie du signe et le comprendre comme Divine par [Z]. 44. L'absence de combinaison de sens entre les deux mots [Z] et Divine, la mise en valeur prépondérante de Divine sur les représentations contestées versées aux débats, son pouvoir distinctif intrinsèque et le fait que [Z] soit également une marque ombrelle font que ce mot conserve une position distinctive autonome dans le signe. 45. Or, la marque antérieure et ce signe doté d'une position distinctive autonome sont identiques. d) Sur le risque de confusion 46. En l'espèce, il n'est pas discuté que le public pertinent est constitué du consommateur de parfums en France, moyennement attentif. 47. Il est admis par toutes les parties que les produits vendus ou promus sous la marque [Z] Divine sont identiques ou hautement similaires aux produits désignés par la marque antérieure, s'agissant dans les deux cas de parfums et produits de soin du corps. 48. Ces produits sont commercialisés sous la marque [Z] divine dont un élément en position distinctive autonome est identique à la marque antérieure Divine, d'une telle façon que le public concerné la comprendra comme signifiant Divine par [Z], et sera donc enclin à croire que ces produits ont une origine commune ou proviennent, à tout le moins, d'entreprises liées économiquement. 49. Il s'ensuit que la contrefaçon au sens de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle est caractérisée. II . Sur l'atteinte au nom commercial, à l'enseigne et au nom de domaine 50. La société Marketing beauté associés fait valoir une atteinte à son nom commercial et son enseigne "Divine" qu'elle exploite depuis plus de 35 ans pour la vente de produits de parfumerie, et au nom de domaine <divine.fr> qui renvoie à son site marchand et dont elle est titulaire depuis le 23 février 1998, caractérisant une usurpation répréhensible et un détournement de ses actifs, qui "déprécie ses identifiants commerciaux". 51. La société Puig France oppose que, en l'absence de risque de confusion possible entre les dénominations Divine et [Z] Divine, aucune atteinte ne peut a fortiori être caractérisée à une enseigne ou à un nom commercial, tandis que le risque que les consommateurs puissent croire à un partenariat avec la société Divine est écarté par la commercialisation sous la marque ombrelle, ajoutant que le parfum [Z] divine n'est commercialisé que sur le site internet [06].com/fr/fr/fragances. Sur ce, 52. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. 53. L'action en concurrence déloyale exige la preuve d'une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon (Com., 18 septembre 2019, pourvoi no 17-23.253). 54. Au cas présent les demandeurs ne démontrent pas de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon de marque, ni un préjudice distinct de celui résultant de celle-ci.Il y a donc lieu de rejeter les demandes à ce titre. III . Sur les demandes indemnitaires et les demandes d'interdiction et de publications 55. Les demandeurs font valoir que :- tous les usages du signe Divine, seul ou en combinaison avec les termes [Z] et [F] [Z] et #, doivent être interdits et notamment de fournir ou d'offrir des produits sous ce signe, les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, d'importer ou d'exporter les produits sous le signe, d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement, d'en faire usage comme partie d'un nom commercial, de l'utiliser dans les papiers d'affaires, sur tous supports de communication, promotionnels ou publicitaires, physiques et sur internet et sur l'ensemble des réseaux sociaux, dont notamment Twitter, Facebook, Instagram, TikTok, YouTube, et notamment https://www.[06].com/, en lien avec l'offre, la prestation ou la promotion, de produits identiques et similaires aux produits de parfumerie couverts par leur marque verbale française Divine ;- il doit être enjoint à la société Puig France de faire cesser cet usage par des tiers, notamment trois réseaux de parfumerie en France, et de rappeler et détruire les produits contrefaisants sous astreinte ;- pour leur permettre de chiffrer leur préjudice, il y a lieu d'ordonner à la société Puig France de leur communiquer le résultat brut d'exploitation et le chiffre d'affaires généré par la vente des parfums [Z] Divine et des produits dérivés ;- une provision sur leur préjudice peut leur être allouée sur la base du chiffre d'affaires généré par la commercialisation du parfum "le mâle" et du taux de redevance standard en matière de licence de marque dans le secteur du parfum, soit 5 à 8 % du chiffre d'affaires, triplée au regard de son caractère indemnitaire ; - leur préjudice moral est très élevé du fait de l'usage massif, tapageur et sexualisé du signe litigieux par la société Puig France qui a grandement banalisé et amoindri son caractère distinctif, alors qu'ils s'efforcent, depuis des décennies, de lui conserver une image authentique, épurée et élégante ;- la publication sur le site https://www.[06].com/ et l'ensemble des réseaux sociaux pendant trois mois ainsi que dans trois journaux est de nature à réparer l'atteinte à leur marque. 56. La société Puig France dénie l'existence d'une atteinte aux droits antérieurs des demandeurs et donc du moindre préjudice, de sorte que toutes les demandes doivent être rejetées. Sur ce, 57. L'article L. 716-4-10du code de la propriété intellectuelle prévoit que : "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée."L'article L. 716-4-9 du même code permet au juge d'ordonner la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution, s'il n'existe pas d'empêchement légitime. 58. L'article L. 716-4-11du code de la propriété intellectuelle prévoit que : "En cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée." 59. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur". 60. Il y a lieu de faire droit aux demandes d'interdiction sous astreinte de l'usage du signe Divine, seul ou en combinaison avec [Z], en France, la marque Divine étant une marque française.Il est également justifié d'enjoindre à la société Puig France de retirer les produits ainsi marqués des circuits de distribution en France, ce qui inclut ceux commercialisés par les réseaux de parfumerie précités. En revanche, la demande de destruction de ceux-ci sous astreinte apparaît disproportionnée. 61. Les demandeurs sont également fondés à solliciter la communication des éléments demandés afin de déterminer l'étendue de leur préjudice, limités à l'exploitation en France, la société Puig France ne soulevant aucune objection, ni motif légitime.S'agissant de la provision sur le préjudice matériel, le tribunal observe qu'aucune pièce ne vient à l'appui des éléments chiffrés basant la demande de provision et que la société Marketing beauté associés n'allègue pas de perte de chiffre d'affaires. Il y a donc lieu de la rejeter. 62. S'agissant du préjudice moral, l'utilisation du signe litigieux dans une campagne de grande ampleur, allant à rebours de leurs efforts et pratiques anciens, et pour des produits directement concurrents de ceux des demandeurs leur a causé un préjudice moral que le tribunal fixe à la somme de 10.000 euros pour M. [R], titulaire de la marque, et de 25.000 euros pour la société Marketing beauté associés, exploitant celle-ci. 63. Il y a également lieu de faire droit à la demande de publication d'un communiqué sur le site internet dans les termes du dispositif et de rejeter les demandes de publications dans la presse écrite. IV . Sur la nullité partielle de la marque verbale française [Z] Divine no 4836885 64. Les demandeurs sollicitent :- la nullité de la marque française verbale [Z] Divine no 4836885 pour certains produits de la classe 3 désignés à l'enregistrement, relevant de la parfumerie et de la cosmétique,- la transmission de la décision au Bureau international en ce que cette marque sert de base à l'enregistrement international de la marque internationale [Z] divine no 1686536 déposée le 21 juillet 2022. 65. La société Puig France soutient que, pour qu'une marque enregistrée soit annulée, le signe contesté doit porter atteinte à la marque antérieure, ce qui suppose de démontrer un risque de confusion entre les marques en présence, ce qui n'est pas le cas en l'espèce où chacune est à même d'identifier les produits objets du litige, sur leurs marchés distincts. Sur ce, 66. L'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment : "I.-Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :1o Une marque antérieure :a) Lorsqu'elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée ;b) Lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure ;(...)3o Une dénomination ou une raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;4o Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n'est pas seulement locale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; (...)" et l'article L. 716-5 que "II.-Les autres actions civiles et les demandes relatives aux marques autres que celles mentionnées au I, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire.Les tribunaux mentionnés à l'alinéa précédent sont en outre exclusivement compétents dans les cas suivants :1o Lorsque les demandes mentionnées aux 1o et 2o du I sont formées à titre principal ou reconventionnel par les parties de façon connexe à toute autre demande relevant de la compétence du tribunal et notamment à l'occasion d'une action introduite sur le fondement des articles L. 716-4, L. 716-4-6, L. 716-4-7 et L. 716-4-9 ou à l'occasion d'une action en concurrence déloyale ;".L'article L.714-3 du même code prévoit qu'est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme notamment aux dispositions des articles L. 711-3. 67. L'article 6 du protocole relatif à l'arrangement de Madrid prévoit notamment que : "3) La protection résultant de l'enregistrement international, ayant ou non fait l'objet d'une transmission, ne pourra plus être invoquée si, avant l'expiration de cinq ans à compter de la date de l'enregistrement international, la demande de base ou l'enregistrement qui en est issu, ou l'enregistrement de base, selon le cas, a fait l'objet d'un retrait, a expiré ou a fait l'objet d'une renonciation ou d'une décision finale de rejet, de révocation, de radiation ou d'invalidation, à l'égard de l'ensemble ou de certains des produits et des services énumérés dans l'enregistrement international. (...) 4) L'Office d'origine notifiera au Bureau international, comme prescrit dans le règlement d'exécution, les faits et les décisions pertinents en vertu de l'alinéa 3), et le Bureau international informera les parties intéressées et procédera à toute publication correspondante, comme prescrit dans le règlement d'exécution. L'Office d'origine demandera, le cas échéant, au Bureau international de radier, dans la mesure applicable, l'enregistrement international, et le Bureau international donnera suite à sa demande." 68. En l'espèce, la demande en nullité de la marque postérieure est formée à titre principal de manière connexe à l'action en contrefaçon de la marque antérieure, le présent tribunal est donc compétent. 69. La marque verbale française Divine no 1262106 a été déposée les 21 février 1984, 7 janvier 1994, 15 octobre 2003 et 18 avril 2014 pour les produits de la classe 3 suivants : savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices, antérieurement à la marque verbale française [Z] divine no 4836885 déposée le 24 janvier 2022 pour les produits de la classe 3 suivants : produits cosmétiques et préparations de toilette non médicamenteux, dentifrices non médicamenteux, produits de parfumerie, huiles essentielles, préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser, produits odorants à usage personnel, eau de Cologne, eau de parfum, eaux de toilette, eaux de senteur, parfums, extraits de parfums, produits non médicinaux pour l'hygiène buccale, produits de nettoyage et de soin pour le corps non à usage médical, lotions, laits et crèmes pour le corps non à usage médical, déodorants à usage personnel, antitranspirants à usage personnel, savons non médicinaux, savons non médicinaux à usage personnel, savons liquides, solides ou en gel non médicinaux à usage personnel, gels pour le bain non à usage médical, gels douche non à usage médical, préparations pour le bain non à usage médical, sels de bain non à usage médical, préparations pour le soin de la peau autres qu'à usage médical, exfoliants, talc pour la toilette, poudres parfumées, lingettes, cotons et serviettes imprégnés de lotions cosmétiques non médicinales et pour parfumer, cosmétiques autres qu'à usage médical, produits de toilette non médicinaux et produits de parfumerie pour le soin et la beauté des cils, sourcils, yeux, lèvres et ongles, baumes labiaux non médicamenteux , laques pour les ongles, dissolvants pour vernis à ongles, adhésifs à usage cosmétique, préparations cosmétiques amincissantes autres qu'à usage médical, préparations et traitements capillaires autres qu'à usage médical, shampooings autres qu'à usage médical, produits de démaquillage, dépilatoires, produits de rasage non médicinaux, produits avant-rasage non médicinaux, produits après-rasage non médicinaux, produits de beauté autres qu'à usage médical, préparations cosmétiques pour le bronzage et auto-bronzantes, autres qu'à usage médical, nécessaires de cosmétique, parfums domestiques, encens, pots-pourris odorants, bois odorants, produits pour parfumer le linge, extraits aromatiques, préparations non médicinales pour le soin et nettoyage d'animaux, cire pour tailleurs et pour cordonniers et préparations pour nettoyer et polir le cuir et les chaussures. 70. La démonstration précise des demandeurs de ce que tous ces produits sont, pour certains, identiques à ceux protégés par la marque Divine et, s'agissant des autres énumérés au point supra, fortement similaires en tant que produits d'hygiène corporelle, de soins du corps ou de produits de beauté ou de maquillage, ni que les nécessaires de cosmétique sont également similaires en ce qu'ils contiennent des produits désignés, n'est pas discutée. Il n'est pas plus contesté que les produits destinés à parfumer la maison et le linge sont similaires aux produits de parfumerie.Le tribunal fait sienne cette analyse pour chacun des produits. 71. L'analyse du risque de confusion faite aux point 46 à 48 supra est transposable pour ces produits et ceux visés à l'enregistrement de la marque Divine, s'agissant de produits identiques ou similaires. 72. Il y a donc lieu de faire droit la demande d'annulation partielle de la marque verbale française [Z] divine no 4836885 pour les produits de la classe 3 relevant des catégories ci-dessus énumérées, et non pour les produits suivants : préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser, préparations non médicinales pour le soin et nettoyage d'animaux, cire pour tailleurs et pour cordonniers et préparations pour nettoyer et polir le cuir et les chaussures, ni pour les produits et services désignés à l'enregistrement relevant d'autres classes. 73. La pièce 2.6.4 des demandeurs montre que l'enregistrement international de la marque [Z] Divine, le 21 juillet 2022, a été fait sur la base du dépôt de la marque française FR 4836885, de sorte qu'il appartiendra à l'INPI de notifier au Bureau international des marques la décision d'annulation une fois devenue définitive. V . Dispositions finales 74. La société Puig France, qui succombe, est condamnée aux dépens de l'instance et l'équité justifie de la condamner à payer à M. [R] et à la société Marketing beauté associés la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 75. La société Puig France fait valoir que, si l'exécution provisoire était prononcée en cas de condamnation, les conséquences lui causeraient un préjudice commercial démesuré, sans le caractériser ni le préciser.Elle est en toute hypothèse mal fondée à invoquer ce risque, ayant elle-même pris celui de promouvoir massivement un produit sous un signe existant dans les conditions examinées supra.Il n'existe donc aucune circonstance justifiant d'écarter l'exécution provisoire de droit du présent jugement sauf pour les mesures de publication et de transmission de la décision à l'INPI pour inscription au Registre national des marques et transmission au Bureau international. PAR CES MOTIFS Ecarte des débats les pièces no9 et 10 de la société Puig France ; Interdit à la société Puig France de faire usage en France dans la vie des affaires des signes "Divine" ou "[Z] divine" pour des produits tels que parfums et produits cosmétiques identiques et/ou similaires aux produits de parfumerie couverts par la marque française verbale Divine no 1262106, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée (entendue comme chaque usage) courant à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; Enjoint à la société Puig France de rappeler des circuits commerciaux à ses frais, en quelques lieux et en quelques mains qu'ils se trouvent, les produits de parfumerie ou produits cosmétiques commercialisés sous le signe "Divine", seul ou en combinaison avec le terme "[Z]" à compter d'un délai de 10 jours à compter de la signification du présent jugement ; Ordonne la communication par la société Puig France du résultat brut d'exploitation et du chiffre d'affaires générés en France par la promotion et la vente des produits de parfumerie et produits similaires sous le signe "Divine", seul ou en combinaison avec le terme "[Z]", certifiés par expert comptable ou commissaire aux comptes, sous astreinte de 450 euros par jour de retard, courant à l'expiration d'un délai de 45 jours à compter de la signification du présent jugement et pendant 45 jours ; Rejette la demande de provision de la société Marketing beauté associés et de M. [P] [R] à valoir sur la réparation de leur préjudice matériel ; Rejette les demandes de la société Marketing beauté associés et de M. [P] [R] fondées sur la concurrence déloyale ; Condamne la société Puig France à payer à la société Marketing beauté associés une indemnité provisionnelle de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon de la marque française verbale Divine no 1262106 ; Condamne la société Puig France à payer à M. [P] [R] une indemnité provisionnelle de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon de la marque française verbale Divine no 1262106 ; Ordonne la publication par la société Puig France, en français en police de caractères de taille 12, à ses frais, du communiqué suivant : "Par décision du 1er décembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a jugé que le signe [Z] Divine, pour des produits de parfumerie, cosmétiques et similaires, contrefaisait la marque française Divine appartenant à M. [P] [R] et exploité par la société Marketing beauté associés et l'a condamnée au retrait des produits correspondants et à leur payer des dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices."sur la page d'accueil de tout site Internet exploité par la société Puig France et notamment sur le site https://www.[06].com/ pendant une durée de un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ; Rejette les autres demandes de publication ; Se réserve la liquidation des astreintes, Annule la marque française [Z] divine no 4836885 déposée le 24 janvier 2022 pour les produits suivants de la classe 3 : - produits cosmétiques et préparations de toilette non médicamenteux,- dentifrices non médicamenteux,- produits de parfumerie, huiles essentielles, produits odorants à usage personnel, eau de Cologne, eau de parfum, eaux de toilette, eaux de senteur, parfums, extraits de parfums,- produits non médicinaux pour l'hygiène buccale,- produits de nettoyage et de soin pour le corps non à usage médical, lotions, laits et crèmes pour le corps non à usage médical, déodorants à usage personnel, antitranspirants à usage personnel, savons non médicinaux, savons non médicinaux à usage personnel, savons liquides, solides ou en gel non médicinaux à usage personnel, gels pour le bain non à usage médical, gels douche non à usage médical, préparations pour le bain non à usage médical, sels de bain non à usage médical, préparations pour le soin de la peau autres qu'à usage médical, exfoliants, talc pour la toilette, poudres parfumées, lingettes, cotons et serviettes imprégnés de lotions cosmétiques non médicinales et pour parfumer,- cosmétiques autres qu'à usage médical, produits de toilette non médicinaux et produits de parfumerie pour le soin et la beauté des cils, sourcils, yeux, lèvres et ongles, baumes labiaux non médicamenteux, laques pour les ongles, dissolvants pour vernis à ongles, adhésifs à usage cosmétique,- préparations cosmétiques amincissantes autres qu'à usage médical,- préparations et traitements capillaires autres qu'à usage médical, shampooings autres qu'à usage médical,- produits de maquillage, produits de démaquillage,- dépilatoires, produits de rasage non médicinaux, produits avant-rasage non médicinaux, produits après-rasage non médicinaux, produits de beauté autres qu'à usage médical, préparations cosmétiques pour le bronzage et auto-bronzantes, autres qu'à usage médical, nécessaires de cosmétique, - parfums domestiques, encens, pots-pourris odorants, bois odorants, produits pour parfumer le linge, extraits aromatiques ; Ordonne l'inscription de la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, à l'initiative de la partie la plus diligente, sur le registre des marques tenu par l'INPI, à charge pour lui de la notifier au Bureau international aux fins de radiation de l'enregistrement international [Z] divine no 1686536 ; Condamne la société Puig France aux dépens de l'instance ; Condamne la société Puig France à payer à M. [P] [R] et à la société Marketing beauté associés , ensemble, la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Écarte l'exécution provisoire de droit mais seulement pour les mesures de publication et de transmission de la décision à l'INPI pour inscription au Registre national des marques et transmission au Bureau international. Fait et jugé à Paris le 01 Décembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130309 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130309.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 22 décembre 2023, 22/03126 | 2023-12-22 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/03126 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/03126No Portalis 352J-W-B7G-CWMFW No MINUTE : Assignation du :29 Novembre 2021 JUGEMENT rendu le 22 Décembre 2023 DEMANDERESSE S.A.S. APODIS[Adresse 1][Localité 2] représentée par Maître Nicole DELAY PEUCH, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0377 et par Maître Quentin MOUTIER de la SELARL AROBASE, avocat au barreau de TOURS, avocat plaidant, DÉFENDERESSE S.A. EQUASENS (anciennement PHARMAGEST INTERACTIVE)[Adresse 3][Localité 4] représentée par Maître Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C2440 et par Maître Anne WILLIE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant. Copies délivrées le : - Maître DELAYPEUCH #A377 (exécutoire)-Maître DOMAIN #C2440 (ccc)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 05 Octobre 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe la 15 Décembre 2023 puis prorogé au 22 Décembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La SA Pharmagest interactive, dont la dénomination sociale est devenue Equasens en mai 2022, concède aux pharmaciens qui contractent avec elle l'usage d'un logiciel de gestion d'officine dénommé "logiciel de gestion à portail intégré" (ci-après LGPI) permettant d'accéder à une ou plusieurs bases de données et à un applicatif de gestion des stocks et d'effectuer des commandes de produits pharmaceutiques et de parapharmacie.Ce LGPI est installé dans le système informatique de l'officine, qui y accède à l'aide d'un mot de passe confidentiel, et traite les données saisies en son sein. 2. La société Apodis offre également des solutions logicielles à destination des professionnels de santé, pharmaciens et laboratoires, notamment une application informatique appelée "Apodis pharma" de gestion commerciale qui procure aux officines des tableaux de bord et outils de suivi des ventes et des stocks ainsi que des outils de prévention des ruptures de d'approvisionnement. L'application Apodis pharma est alimentée avec le consentement du pharmacien par un logiciel nommé "Santé secure" qui extrait les données de vente du système informatique. 3. Par constat de commissaire de justice des 11 et 12 octobre 2018, la société Apodis a fait constater que la société Pharmagest interactive avait installé un dispositif informatique empêchant le logiciel Santé secure de se connecter au serveur de données d'une pharmacie de [Localité 5], équipée à la fois du LGPI et du logiciel Apodis Pharma.A la suite des échanges entre les parties, la société Pharmagest a proposé à la société Apodis de conclure un "contrat de coopération technique et commerciale" lui donnant accès aux données de toutes les pharmacies équipées du logiciel LGPI via un connecteur, moyennant une licence et une redevance de connexion. 4. Par acte du 12 mars 2019, la société Apodis a fait assigner la société Pharmagest interactive devant le tribunal de commerce de Tours pour lui faire interdire tout nouveau blocage du logiciel Santé secure et réparer les conséquences dommageables de celui du 10 octobre 2018.Par jugement du 29 octobre 2021, le tribunal de commerce de Tours s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris, la société Pharmagest interactive ayant soulevé des moyens tirés de ses droits de propriété intellectuelle. 5. Par constat d'huissier de justice du 23 septembre 2020, la société Apodis a fait constater la chute du nombre de connexions à son logiciel Santé secure dans la semaine du 21 octobre 2019. 6. Dans ses dernières conclusions signifiées le 7 novembre 2023, la société Apodis demande au tribunal de :- interdire à la société Equasens tout acte ayant pour objet d'entraver ou de fausser le transfert de données traitées par une officine vers la société Apodis, lorsque ladite officine y a consenti, sous astreinte, de 100.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir ; - condamner la société Equasens à lui payer la somme de 280.000 euros en réparation des préjudices résultant de la voie de fait commise en octobre 2018 (trouble commercial, atteinte à son image, désorganisation et préjudice moral) ; - ordonner la publication du jugement; - condamner la société Equasens aux dépens et à lui payer la somme 44.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. 7. Elle fait valoir que :- la société Equasens a commis une faute si grossière qu'elle constitue une voie de fait en lui interdisant par des moyens illicites l'accès aux données des pharmacies utilisant son LGPI au lieu de recourir aux voies de droit qui lui étaient ouvertes (cf CA Paris 24 septembre 2015, 2014/17586) ;- le blocage du site est dirigé exclusivement contre elle et est illicite en ce qu'il nécessite l'intrusion sur le système automatisé de données des pharmaciens à des fins autres que celles prévues aux contrats avec les officines, ce qui constitue le délit d'entrave au fonctionnement de ce système prévu à l'article 323-2 du code pénal ;- ce faisant, la société Equasens ne pouvait se prévaloir d'aucun motif légitime en ce que la certification LAD est sans lien avec la possibilité d'une extraction par Santé secure, qui fonctionne en lecture seule et ne peut altérer les données tandis que la qualité de responsable du traitement au sens du RGPD revient aux pharmaciens eux-mêmes, qui ont donné leur accord à l'extraction de leurs données ;- ces données ne sont pas des données de santé mais des informations commerciales et des statistiques de vente et la société Equasens n'a aucune objection à les délivrer contre paiement et cette seule motivation est à l'origine du blocage et non des problèmes de sécurité prétendument démontrés par un rapport d'analyse privé réalisé en 2020, deux ans plus tard ;- la volonté de nuire par cette mesure de blocage est évidente ;- la société Equasens n'a aucun droit de propriété intellectuelle sur les données, ni la structure de la base de données ;- en toute hypothèse, il n'y aurait aucune contrefaçon puisqu'elle ne fait qu'extraire des données brutes de la base, informations non protégeables par le droit d'auteur et qui n'appartiennent pas à la société Equasens, sans reproduire de quelque façon que ce soit la structure de la base ou le logiciel et, encore le ferait-elle, le principe d'interopérabilité, admis par la Cour de cassation (1re Civ. 20 octobre 2011, pourvoi no10-14.069), le lui permettrait ;- le droit des producteurs de bases de données consacré par les articles L. 341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ne bénéficie pas à la société Equasens qui n'héberge ni ne stocke les données et ne les fournit pas plus, n'étant qu'éditeur du LGPI et n'apportant aucune plus-value auxdites données ;- seuls les pharmaciens pourraient prétendre être de tels producteurs de bases de données ;- les autres moyens d'extraction invoqués par la société Equasens (CSV et Dump) ne permettent pas l'interopérabilité entre le LGPI et les autres applications des officines ;- son modèle économique repose sur sa capacité à extraire les données et son préjudice consiste dans le trouble commercial qu'elle subit pour assurer ses services, l'atteinte à son image du fait des défaillances techniques consécutives, les coûts de recherche des causes de dysfonctionnement de Santé secure dans 552 pharmacies et la perte des données de certaines d'entre elles qui n'utilisent plus l'application. 8. Dans ses dernières conclusions signifiées le 14 décembre 2022, la société Equasens demande au tribunal de débouter la société Apodis de l'ensemble de ses demandes et de la condamner aux dépens et à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 9. Elle fait valoir que :- le LGPI est une création intellectuelle au sens de la directive 2009/24 du 23 avril 2009 sur la protection des programmes d'ordinateurs et ce texte l'autorise à mettre en place un dispositif de sécurisation empêchant tout accès non autorisé au LGPI et interdit à la société Apodis (article 7, c, et article L. 122-6-2 du code de la propriété intellectuelle) de le neutraliser ;- la base de données intégrée au LGPI résulte d'un investissement substantiel de sa part, au sens retenu par la CJCE par quatre arrêts du 9 novembre 2004, même si elle n'est pas propriétaire des données, de sorte que la récupération de données dans la base est une extraction illicite (Com., 5 octobre 2022, pourvoi no21-16.307) ;- la société Apodis cherche à accéder avec son logiciel hacker Santé secure à l'ensemble des tables de la base de données et copier non pas les données brutes mais les données structurées par la base ;- ses droits de propriété intellectuelle sur le LGPI la rendent légitime à mettre en oeuvre des mesures techniques de protection de celui-ci tandis que le société Equasens est mal fondée à les contourner ;- la société Apodis est mal fondée à invoquer l'interopérabilité dès lors que cette obligation ne porte que sur les logiciels et non les bases de données, qu'elle ne doit pas porter atteinte à l'exploitation normale du logiciel et que seule la personne ayant le droit d'utiliser le logiciel en question peut s'en prévaloir ;- le règlement 2018/1807 établissant un cadre applicable au libre flux des données à caractère non personnel dans l'Union européenne n'est pas applicable ici ;- l'interopérabilité des données de santé envisagée par l'article 1470-5 du code de la santé publique ne concerne que les logiciels des professionnels de santé et seulement pour coordonner les parcours de soins ;- elle est responsable civilement et pénalement de la sécurité de son LGPI, dont la société Apodis extrait des données personnelles sensibles (identification du patient, no INSEE, médecin traitant, produits commandés) et les exporte, à l'égard des officines cocontractantes et du public ;- le logiciel Santé secure ne fonctionne pas en lecture seule et menace l'intégrité des données et du LGPI ; - la société Apodis a déjà connu un incident de sécurité majeur en octobre 2020 ; - le refus qu'elle oppose à l'accès de la société Apodis est parfaitement justifié, sachant qu'elle développe parallèlement des extracteurs sûrs pour un coût raisonnable.Elle n'a pas conclu sur les demandes de réparation. 10. L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2023. MOTIVATION I . Sur la faute 11. L'article 1240 du code civil dispose : "Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer." 12. L'article 323-2 du code pénal dispose : "Le fait d'entraver ou de fausser le fonctionnement d'un système de traitement automatisé de données est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 150.000 € d'amende." 13. Les conditions générales du contrat de cession d'usage du LGPI liant les officines à la société Equasens prévoient "L'utilisateur autorise en outre expressément Pharmagest interactive à collecter certaines données traitées par le système informatique de l'officine de la pharmacie. Ces données, qui seront stockées sur support informatique par Pharmagest interactive à des fins uniquement statistiques et ne seront croisées à aucun autre fichier, consistent en des renseignements sur les produits vendus par l'officine, le volume, le type de transaction, le prix de vente et d'achat." 14. Il en résulte que le pharmacien cocontractant n'octroie aucune exclusivité à la société Equasens : il conserve la propriété des données et la faculté d'en disposer, ainsi qu'il l'a fait en contractant avec la société Apodis pour obtenir d'autres services que ceux procurés par le LGPI. 15. Dans le cadre de l'exécution du contrat de cession d'usage du LGPI, la société Equasens a accès à distance au système informatique de l'officine aux fins du "bon fonctionnement du service" (article 6 des conditions générales). 16. Il n'est pas discuté que, grâce à cet accès, la société Equasens a mis en oeuvre, en octobre 2018, un dispositif informatique ayant pour effet, non pas d'assurer la maintenance du LGPI ou le bon fonctionnement du service, mais d'empêcher l'accès de la base de données au logiciel Santé secure de la société Apodis.Il n'est pas plus contesté qu'elle a mis en oeuvre cette mesure sans aucune démarche préalable auprès de l'officine. 17. La matérialité du fait reproché en tant que faute civile est donc établi. 18. En revanche, il n'est pas établi que ce dispositif aurait provoqué des dysfonctionnements du système de traitement automatisé de données de la société Apodis, au sens de l'article 323-2 du code pénal. II . Sur les faits justificatifs opposés par la société Equasens 1 . Sur le droit sui generis du producteur de base de données de s'opposer à des extractions 19. La directive 96/9 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données définit la base de données comme "un recueil d'oeuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou d'une autre manière" (article 1) et son fabricant comme "la personne qui prend l'initiative et assume le risque d'effectuer les investissements" (considérant 41). 20. S'ils remplissent la condition d'originalité, le choix ou la disposition des éléments de la base de données, bénéficient de la protection par le droit d'auteur (CJUE, 1er mars 2012, C-604/10, Football dataco), étant précisé que "La protection des bases de données par le droit d'auteur prévue par la présente directive ne couvre pas leur contenu et elle est sans préjudice des droits subsistant sur ledit contenu." (article 3 de la directive). 21. S'agissant du contenu de la base, la directive 96/9 précitée instaure, au profit du fabricant (devenu producteur dans la transposition en droit français) d'une base de données, un droit sui generis d'empêcher l'extraction et/ou la réutilisation non autorisée de son contenu. L'objet de ce droit est "d'assurer la protection d'un investissement dans l'obtention, la vérification ou la présentation du contenu d'une base de données pour la durée limitée du droit ; que cet investissement peut consister dans la mise en oeuvre de moyens financiers et/ou d'emploi du temps, d'efforts et d'énergie" (considérant 39 de la directive).Les dispositions correspondantes sont transposées en droit interne notamment par :- l'article 341-1 du code de la propriété intellectuelle, qui prévoit : "Le producteur d'une base de données, entendu comme la personne qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d'une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel" et - l'article L. 342-1 qui dispose que le producteur de base de données a le droit d'interdire notamment : "l'extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d'une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit.Cette protection est indépendante et s'exerce sans préjudice de celles résultant du droit d'auteur ou d'un autre droit sur la base de données ou un de ses éléments constitutifs." 22. Les quatre arrêts de la CJCE et celui de la Cour de cassation que cite la société Equasens (point 9) retiennent la qualité de producteur/fabricant à ceux qui, ayant acquis une base de données constituée par des tiers, justifient de nouveaux investissements substantiels pour la constitution, la vérification et la présentation d'une base de données. 23. La société Equasens soutient avoir réalisé des investissements conséquents pour la création - ici la structuration et la mise en relation des très nombreuses tables adaptées aux besoins des officines - et la maintenance de la base de données Oracle incluse dans le LGPI, mais elle n'allègue ni ne démontre en avoir réalisé pour la constitution ni le renouvellement de son contenu. Au contraire, la collecte et le stockage sont exclusivement réalisés par chaque officine et les conditions générales du contrat de cession d'usage versées aux dossier ne font mention d'aucune prestation de vérification par la société Equasens.Celle-ci n'a pas la qualité de fabricant/producteur de la base de données. 24. La société Equasens est donc éventuellement titulaire de droits d'auteur sur la structure de la base de données, à supposer que le choix et la disposition des données soient originaux, mais elle est mal fondée à opposer à la société Apodis le droit sui generis du fabricant/producteur de base de données d'interdire l'extraction de données de la base. 2 . Sur la licéité des mesures techniques de protection 25. La directive 2009/24 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, modifiant la directive 91/250 du 14 mai 1991, étend à ceux-ci la protection par le droit d'auteur s'ils sont originaux (article 1), interdisant "la reproduction, la traduction, l'adaptation ou la transformation non autorisée de la forme du code sous lequel une copie de programme d'ordinateur a été fournie" (considérant 15 et article 4). Elle définit la notion d'interopérabilité (considérant 10) et prévoit une exception aux droits exclusifs de l'auteur d'interdire la reproduction à celle nécessaire à l'utilisation du programme par son acquéreur légitime (article 5, 1, transposé par l'article L.122-6-1 du code de la propriété intellectuelle), précisant que "L'un des objectifs de cette exception est de permettre l'interconnexion de tous les éléments d'un système informatique, y compris ceux de fabricants différents, afin qu'ils puissent fonctionner ensemble" (considérant 15). 26. L'article 7, 1, c), de ce texte prévoit que les Etats-membres prennent des mesures appropriées à l'encontre des personnes qui accomplissent notamment l'acte de "mettre en circulation ou détenir à des fins commerciales tout moyen ayant pour seul but de faciliter la suppression non autorisée ou la neutralisation de tout dispositif technique éventuellement mis en place pour protéger un programme d'ordinateur" et sa transposition a été faite par l'article L.122-6-2 du code de la propriété intellectuelle. 27. Il s'évince de ces textes que l'auteur d'un logiciel est bien fondé à mettre en place des dispositifs techniques destinés à le protéger contre la reproduction non autorisée. 28. Au cas présent, la société Equasens n'explique pas en quoi le logiciel Santé secure réaliserait la reproduction, la traduction, l'adaptation ou la transformation non autorisée de la forme du code du LGPI, et ne forme pas de demande en contrefaçon du logiciel. 29. De plus, le "verrou informatique" qu'il lui est reproché d'avoir posé en octobre 2018 n'avait pas pour objet ni pour effet de protéger son logiciel de la reproduction mais d'empêcher les extractions de données de la base constituée par l'officine à l'aide de ce logiciel. Il ne constitue donc pas un dispositif technique mis en place pour protéger un programme d'ordinateur au sens de l'article L.122-6-2 précité. 30. Les textes ainsi invoqués par la société Equasens ne sont donc pas susceptibles de légitimer la mise en place du dispositif interdisant l'accès de la société Apodis aux données des pharmacies utilisant son LGPI. 31. En toute hypothèse, l'objectif d'interopérabilité des logiciels rappelé au point 25 supra peut être invoqué par toute personne autorisée et non le seul licencié du logiciel.En effet, la société Apodis rappelle à juste titre que la Cour de cassation, au visa de la directive no 91/250/CEE du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, désormais codifiée par la directive no 2009/24/CE du 23 avril 2009, a approuvé une cour d'appel d'avoir jugé que "les opérations de migrations de données, réalisées par M. X. et la société Alphapi, habilités à cette fin par les huissiers de justice titulaires de la licence d'utilisation du logiciel "H. Open", pour récupérer les fichiers de ce programme, s'inscrivaient dans les strictes nécessités de l'interopérabilité autorisée par l'article L. 122-6-1, IV du code de la propriété intellectuelle qui prévoit la nullité de toute stipulation contraire" (1re Civ. 20 octobre 2011, pourvoi no10-14.069, publié). 3 . Sur les risques d'atteinte à la sécurité du programme LGPI ou des données 32. La société Equasens soutient que le logiciel Santé secure extrait et exporte des données personnelles sensibles, s'appuyant sur un rapport de M. [B], expert informatique, du 18 juin 2020. Elle affirme que ce logiciel constitue une menace pour l'intégrité du LGPI et des données qui s'y trouvent enregistrées, s'appuyant sur une étude de M. [U], expert en systèmes d'informations, du 9 avril 2019 et sur diverses pièces attestant d'une importante fuite de données personnelles provenant des serveurs de la société Apodis en octobre 2020. 33. La société Apodis soutient que l'extraction de données de la base des pharmacies se fait en "lecture seule" sans reproduction ni intrusion dans le LGPI.Cette affirmation est corroborée par un rapport de M. [Y], expert informatique, réalisé aux fins de constat le 20 mars 2019, indiquant : "Pour fournir ces services, le portail ‘Apodis pharma' nécessite la mise en place d'un outil de synchronisation installé par le pharmacien lui-même sur son serveur, appelé ‘Santé Secure'. Cet outil logiciel se contente de lire les données nécessaires au fonctionnement du portail sur le serveur de données du pharmacien pour les envoyer de manière cryptée au Portail ‘Apodis pharma'" et n'est aucunement démentie par le rapport de M. [B].Ce dernier conclut en effet seulement : "II a été constaté que ce logiciel se connectait à cette base de données via l'utilisation d'un login et mot de passe spécifique à Pharmagest. De plus, des données sont alors récupérées et stockées de manière récurrente dans un fichier situé clans le répertoire du logiciel sur le poste de la pharmacie. Il a pu être observé également des échanges réseaux entre ce même logiciel qui change de nom régulièrement ‘sante-secure' et des serveurs externes à la pharmacie. Les données ainsi recueillies comprennent des identités ainsi que desnoms de produits et d'autre part, le volume de ces données reste important (I7 Mo) en sachant que seul du texte est échangé". 34. Quant à l'étude de M. [U] du 9 avril 2019, versée en intégralité par la demanderesse (sa pièce 2-6 d), la société Equasens n'en produisant qu'un court extrait (sa pièce 13), elle a été réalisée dans le cadre d'un contentieux entre un pharmacien licencié du LGPI et la société Equasens.Il y est dit que la position de la société Equasens de refuser au pharmacien la communication de codes d'accès administrateur de la base Oracle de l'application LGPI se comprenait afin de ne pas "dévoiler le modèle de données confidentiel de son application LGPI, ni permettre à un tiers de librement interagir de façon risquée dans les tables de la base de données de son application" mais ajoutait immédiatement "il n'en demeure pas moins que Pharmagest ne permet pas, non plus, d'actionner des interfaces(API) permettant l'interopérabilité de son système d'information avec d'autres applications.", et concluait :"Les extractions proposées dans LGPI ne permettent donc pas de traiter le besoin d'interopérabilité ‘au fil de l'eau' entre l'application LGPI et les outils informatiques imaginés par la Pharmacie du centre. En l'état, elle ne permet pas la mise en oeuvre d'interfaces (API) entre l'application LGPI et ses logiciels informatiques." 35. Ainsi, le rapport de M. [B], qui porte sur le fonctionnement de Santé secure, ne signale aucune menace à l'intégrité du LGPI ni aux données qu'il permet d'enregistrer.L'étude de M. [U] évoque clairement une interaction "risquée" avec les tables de la base de données du LGPI en cas de remise au licencié des codes d'accès administrateur de la base Oracle de l'application LGPI. Or, il n'est aucunement question ici d'une telle communication. 36. Ces éléments ne démontrent donc pas la menace alléguée pour l'intégrité du LGPI ni pour les données qu'il permet d'enregistrer et il n'est pas expliqué par la société Equasens ses affirmations (p 31 de ses conclusions) selon lesquelles l'extracteur qu'elle a proposé à la société Equasens moyennant un coût de 180.000 euros par mois assurerait mieux que le logiciel Santé secure la sécurité des flux de données. 37. La société Equasens ne démontre pas plus sa responsabilité à l'égard des tiers quant aux éventuelles fuites de données personnelles incluses dans la base de données par le pharmacien, qui a la qualité de responsable du traitement des données personnelles au sens du règlement 2016/679 du 27 avril 2016 dit RGPD. 38. En toute hypothèse, le moyen tiré par la société Equasens des risques de déperdition des données extraites est démenti par le fait qu'elle ne voyait aucun inconvénient, dans sa proposition de contrat du 16 décembre 2018, à y donner accès à la société Apodis moyennant paiement sans exiger de quelconque précaution sur les conditions de stockage et de protection de ces données. 39. Dès lors, les impératifs de sécurité allégués par la société Equasens ne justifiaient pas la mise en oeuvre du dispositif de blocage qui lui est reproché. 40. Dans ces conditions, le tribunal retient quela société Equasens a abusé de son accès au LGPI donné en licence pour monnayer et/ou se réserver une exclusivité de l'accès aux données enregistrées sur le logiciel des pharmaciens licenciés du LGPI que le contrat ne lui accorde pas et empêcher l'interopérabilité des différentes solutions logicielles que ceux-ci ont choisies (en l'espèce LGPI et Apodis pharma), sans motif légitime, ce qui caractérise une faute engageant sa responsabilité. III. Sur la réparation 41. La société Apodis est bien fondée à demander qu'il soit enjoint à la société Equasens de ne pas mettre en oeuvre sur le LGPI de dispositif technique ayantpour effet d'entraver ou de fausser le transfert de données traitées par une officine vers la société Apodis, lorsque ladite officine y a consenti.Les circonstances de la cause justifient d'assortir cette condamnation d'une astreinte. 42. La société Apodis demande réparation d'un trouble commercial, d'une atteinte à son image, d'une désorganisation et d'un préjudice moral consécutifs au blocage d'octobre 2018. 43. A l'appui de ses demandes d'un total de 280.000 euros, elle verse une vingtaine de messages reçus de pharmacies s'étant plaintes de l'absence de transmissions de données pendant des durées diverses en octobre et novembre 2019 et la preuve par procès-verbal de constat d'huissier de justice du 23 septembre 2020 de ce que 552 pharmacies ont connu une chute des données transmises durant la semaine du 21 octobre 2019 (les flux reprenant à l'identique la semaine suivante). 44. Outre qu'ils sont insuffisants à caractériser l'existence d'un préjudice matériel, ces éléments de preuve sont sans rapport avec la mesure de blocage d'octobre 2018. Il y a donc lieu de rejeter les demandes de dommages et intérêts qui ne sont formées qu'à titre de réparation des préjudices résultant de ce seul fait d'octobre 2018 et qui ne sont justifiées que par ceux-ci. 45. En revanche, l'existence d'un préjudice moral résultant du procédé utilisé est établie et sera réparé par la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et les mesures de publication du jugement demandées. IV . Sur les autres demandes 46. La société Equasens, qui succombe, est condamnée aux dépens de l'instance et l'équité justifie de la condamner à payer à la société Apodis la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.La nature et l'ancienneté de l'affaire justifient de prononcer l'exécution provisoire du jugement, sauf s'agissant des mesures de publication. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Interdit à la société Equasens de commettre ou participer à la commission de tout acte, de quelque nature que ce soit, ayant pour effet d'entraver ou de fausser le transfert de données traitées par une officine vers la société Apodis, lorsque ladite officine y a consenti, sous astreinte de 3.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant 180 jours ; Condamne la société Equasens à payer à la société Apodis la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ; Ordonne la publication du jugement à intervenir dans trois médias de presse écrite dédiés aux pharmaciens, aux frais de la société Equasens dans la limite de 4.000 euros par publication ; Condamne la société Equasens aux dépens de l'instance ; Condamne la société Equasens à payer à la société Apodis la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Ordonne l'exécution provisoire sauf s'agissant de la publication du jugement. Fait et jugé à Paris le 22 Décembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130310 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130310.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 1 décembre 2023, 21/10657 | 2023-12-01 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/10657 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/10657No Portalis 352J-W-B7F-CVBWH No MINUTE : Assignation du :11 Juin 2021 JUGEMENT rendu le 01 Décembre 2023 DEMANDERESSES S.A.S. NOIR[Adresse 11][Localité 9] représentée par Maître Yann GASNIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0470 DÉFENDERESSES Société [F] SPA[Adresse 6][Localité 4] (ITALIE) Société [F] SA[Adresse 5][Localité 2] (LUXEMBOURG) S.A.S.U [F] RETAIL FRANCE[Adresse 3][Localité 8] représentée par Maître Pascal BECKER de la SELARL ipSO, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0052 INTERVENANTE VOLONTAIRE S.A.S.U. FR STUDIO[Adresse 7][Localité 10] Copies délivrées le : - Maître GASNIER #C470 (ccc)- Maître BECKER #L52 (exécutoire)représentée par Maître Yann GASNIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0470COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 29 Septembre 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 01 Décembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise àd isposition au greffe Contradictoireen premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société Noir est une société créée par M. [H] [Y] en 2014 qui conçoit et réalise des campagnes publicitaires. Elle expose avoir répondu à un appel d'offres de la société [S] [I], en octobre 2018, avec un projet créatif élaboré avec la société Fr Studio et déposé par celle-ci sous enveloppe Soleau auprès de l'INPI le 28 août 2018. 2. Ce projet comportait un dossier de 38 pages reposant sur "les 4 lettres iconiques du nom [I] déclinées dans un manifeste sous forme d'acrostiches" lues verticalement "comme langage poétique, ludique, simple et visuel à échanger sous le hashtag #[012]iku", en français (Demain Imagine On Rêve) et en anglais (Dream Is Our Religion) comme dans les exemples ci-dessous. Il n'a pas été retenu. 3. La société Noir a fait constater par huissier de justice des images de la campagne publicitaire en ligne de [F] "Resort 2020" le 23 avril 2020 et des images du compte Instagram [Courriel 1]; le 19 mai 2020, faisant apparaître des pages du type suivant. 4. Estimant que cette campagne reprenait "l'idée maîtresse et originale", la même déclinaison multimédia, la même stratégie créative et la même utilisation de célébrités du monde de la culture que son projet de campagne pour la maison [I], par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 juin 2020, la société Noir a mis en demeure la société [F] spa de cesser cet usage comme contrefaisant son projet précité et de l'indemniser des conséquences dommageables.En réponse, le conseil de la société [F] spa a soulevé plusieurs objections parmi lesquelles la preuve de l'exploitation non équivoque dudit projet avant même l'examen d'une prétendue contrefaçon. 5. Par actes des 11, 14 et16 juin 2021, la société Noir a assigné les sociétés [F] Spa, [F] SA et [F] retail France devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de ses droits d'auteur. 6. Par ordonnance du 13 mai 2022, le juge de la mise en état a constaté l'intervention volontaire de la société Fr Studio, désigné un huissier de justice afin de constater le contenu de l'enveloppe Soleau électronique précitée et d'en dresser procès-verbal et ordonné la production de celui-ci aux débats. 7. Dans ses dernières conclusions du 23 novembre 2022, la société Noir demande au tribunal de -faire interdiction aux défenderesses de poursuivre la publication de la campagne [F] Acronyms sur tous leurs sites, sous astreinte,- ordonner la publication de la décision à intervenir,- condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 2.500.000 euros à titre de dommages et intérêts,- les condamner aux dépens et à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 8. La société Noir soutient avoir qualité à agir en qualité d'auteure du projet déposé à l'INPI sous enveloppe Soleau par la société Fr Studio, qui lui a cédé ses droits, et en ce qu'elle a divulgué la campagne [I] sous son nom et explique diriger son action contre la société [F] Spa en qualité de propriétaire de la marque sous laquelle la campagne litigieuse a été diffusée, contre la société [F] Spa en tant que propriétaire des sites internet sur lesquels elle est diffusée et contre la société [F] Retail France comme la filiale française du groupe. 9. Elle revendique la protection par le droit d'auteur de son projet de campagne publicitaire, tel que déposé à l'INPI, dont l'originalité est constituée par "la conjugaison de l'acrostiche, des thèmes abordés de leur mise en forme originale et des moyens de communication mis en oeuvre" et l'impression d'ensemble qui s'en dégage. 10. La campagne [F] a, selon elle, copié les éléments les plus révélateurs de sa création : - le positionnement vertical des lettres de la marque en acrostiche à gauche du visuel représentant un mannequin ou un artiste illustrant le thème de l'acrostiche,- les thèmes du rêve, du rythme, du rock et de la romance,- la création d'un hashtag pourla création d'acrostiches, de sorte que la contrefaçon est caractérisée.Aux objections des défenderesses, elle oppose que :- la prétendue antériorité (Acne) est un projet non fini, non signé et non divulgué dont l'authenticité et la date ne sont pas garanties,- la campagne [F] ne fonctionne pas sur un concept d'acronyme mais bien d'acrostiche (entendu comme une poème ou une strophe où les initiales de chaque vers composent un nom ou un mot-clef) permettant de créer un langage à partir des lettres de la marque. 11. S'agissant du préjudice, elle fait valoir que l'exploitation de son projet pour une autre campagne publicitaire lui aurait procuré un gain de 2.100.000 euros (remboursement du coût de la conception de 850.000 euros, rémunération de la réalisation de la campagne de 500.000 euros et de sa production de 750.000) outre le préjudice lié à l'utilisation du concept mal compris et mal traité pour une seule saison alors qu'il était pensé sur la durée et à l'impossibilité de l'exploiter dorénavant. 12. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 16 décembre 2022, les sociétés [F] Spa, [F] SA et [F] Retail France demandent au tribunal de débouter la société Noir de ses demandes et de la condamner aux dépens et à leur payer, ensemble, la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 13. Elles indiquent n'avoir jamais eu connaissance du projet de la société Fr Studio et que M. [R] [W] a conçu la campagne de publicité de la marque [F] diffusée en 2020 et 2021, décrite dans un document du 3 mai 2019, basée sur le concept de fragmentation et dans laquelle les lettres du nom [F] sont placées verticalement comme s'il s'agissait d'un acronyme. Elles précisent que M. [W] avait, déjà en avril 2012, usé d'un procédé proche de celui invoqué par la demanderesse pour une campagne pour une société Acne dans laquelle les lettres de la marque étaient disloquées en acronymes, en caractères majuscules, à la verticale et à gauche des supports publicitaires, décliné avec différents mots comme dans les exemples suivants (un constat par huissier de justice du 7 octobre 2022 attestent qu'ils figurent dans un document pdf créé le 2 mai 2012). 14. Elles font valoir que les titulaires des droits d'auteur invoqués sur le projet tel que déposé dans l'enveloppe Soleau ne sont pas clairement identifiés et le projet ne peut être une oeuvre de collaboration, ayant eu lieu entre deux personnes morales, et s'analyse en une oeuvre de commande et que les pièces versées sont souvent non datées, certaines n'ayant aucun lien entre elles, de sorte qu'elle ne permettent pas d'établir une date de divulgation de l'oeuvre prétendue. 15. Sur le fond, elles dénient l'originalité du projet de la société Noir en ce que l'emploi d'acronymes construits à partir de la marque était déjà pratiqué par M. [W] en 2012 et que les thèmes du rêve, de la romance, du rythme ou du rock sont communs dans la publicité de mode. 16. A titre subsidiaire, elles contestent la contrefaçon en ce que le procédé des acronymes, utilisé dans la campagne [F] est distinct de celui des acrostiches, eux-mêmes antériorisés dès 2012.255 acronymes ont été établis, dont seulement 12 reprennent les thèmes revendiqués par les demanderesses (rythm, rock, romance, dream, rêve) traités d'une toute autre manière et les ressemblances alléguées sont inexistantes à l'examen.La déclinaison multimédia ne donne pas prise au droit d'auteur et a toujours été pratiquée par M. [W]. 17. Enfin, elles soulignent que le fait générateur du préjudice exorbitant allégué par la société Noir (l'économie d'un travail créatif important) n'est pas démontré, les réalisations de la campagne [F] étant le produit d'un processus créatif propre. 18. La société Fr Studio est intervenue volontairement à l'instance mais n'a pas conclu. 19. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023. MOTIVATION 20. L'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création et dès lors qu'elle est originale, d'un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. La propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils se sont exprimés (1re Civ., 29 novembre 2005, pourvoi no 04-12.721, Bull. 2005, I, no 458).L' article L. 111-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que "l'oeuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l'auteur ". 21. Il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les choix arbitraires et créatifs traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole.La reconnaissance de la protection par le droit d'auteur ne repose donc pas sur un examen de l'oeuvre invoquée par référence aux antériorités produites, même si celles-ci peuvent contribuer à l'appréciation de la recherche créative.L'originalité de l'oeuvre peut résulter du choix des couleurs, des dessins, des formes, des matières ou des ornements mais également, de la combinaison originale d'éléments connus. 22. Le projet contenu dans l'enveloppe Soleau le 28 août 2018 est composé de 36 pages dont 9 expliquent l'inspiration du récit que la campagne illustre et 27 sont ces illustrations construites selon une structure identique : une page de gauche comportant un slogan en forme d'acrostiche sur le mot [I] (Dream Is Our Rock/river/rifle/rose/rhapsody/rage/revolution/ride/romance) et une page de droite comportant des photographies de mannequins dans des costumes et décors très particuliers ( les exemples produits au point 2 en sont extraits) . 23. La société Noir revendique en réalité la protection par le droit d'auteur de quatre livrets (ses pièces 8 à 11) développant ces éléments tout son projet de campagne de 2018, dont l'originalité est constituée par "la conjugaison de l'acrostiche, des thèmes abordés, de leur mise en forme originale et des moyens de communication mis en oeuvre" et l'impression d'ensemble qui s'en dégage. 24. La diffusion sur plusieurs media différents ne constitue pas une oeuvre de l'esprit mais un procédé publicitaire, ne pouvant accéder à la protection par le droit d'auteur, quand bien même il serait innovant comme, ici, la création de hashtags particuliers pour permettre au public d'imaginer et publier des acrostiches. 25. Les thèmes retenus du rêve, de la romance, du rythme ou du rocher ne sont pas en eux-mêmes protégeables, seule la forme sensible des créations les illustrant pouvant l'être. 26. De la même façon, l'usage de l'acrostiche comme fil conducteur d'un récit publicitaire (ainsi décrit par la société Noir : "ce concept de campagne, particulièrement élaboré en ce qu'elle ne se limitait pas à de simples visuels, avait vocation à constituer un langage pour susciter une communication codifiée, libre et ouverte sur les réseaux sociaux") reste précisément un concept qui n'est pas protégeable par le droit d'auteur. 27. En revanche, la présentation verticale, en acrostiche, des lettres de la marque à gauche d'une photographie l'illustrant est une idée qui a pris la forme concrète suffisamment précise d'une maquette commune à plus de vingt illustrations du dossier du projet déposé sous enveloppe Soleau, telles que celles représentées à titre d'exemples au point 2 supra. 28. S'agissant de l'originalité de cette forme, la société Noir invoque la présentation verticale de l'acrostiche, à gauche de la photographie, les deux "s'inscrivant en miroir de façon constante marquant un signe de reconnaissance". 29. L'acrostiche est une figure de style, un jeu littéraire, très ancien et bien connu et la société Noir ne revendique pas l'originalité de ceux proposés dans son projet de campagne "Dream is our religion" (ou rhapsody, river, rock, rythm, etc). Le principe même de l'acrostiche est la présentation d'initiales à la verticale, et nécessairement à gauche, le sens de lecture des langues en alphabet romain étant de gauche à droite de sorte que cette présentation est inhérente au procédé.La juxtaposition d'un slogan et d'une photographie l'illustrant sur deux pages en vis-à-vis est également très courant et connu dans la communication publicitaire. 30. De même, la combinaison d'un slogan sous forme d'acrostiche et d'une photographie sur la page accolée ne produit aucun effet particulier témoignant de choix arbitraires et créatifs. Les défenderesses démontrent d'ailleurs qu'il n'était pas inédit en publicité de pratiquer l'acrostiche, ainsi qu'il ressort de leur pièce no31, partiellement reproduite au point 13 supra. 31. La société Noir ne caractérise donc pas l'originalité de l'oeuvre ayant pris une forme concrète précise. 32. Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble de ses demandes, toutes fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur. 33. La société Noir, qui succombe, est condamnée aux dépens de l'instance.L'équité justifie de la condamner à payer aux défenderesses, ensemble, la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Déboute la société Noir de l'ensemble de ses demandes ; Condamne la société Noir aux dépens de l'instance ; Condamne la société Noir à payer aux sociétés [F] Spa, [F] SA et [F] retail France, ensemble, la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 01 Décembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130311 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130311.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 15 décembre 2023, 22/08239 | 2023-12-15 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/08239 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/08239No Portalis 352J-W-B7G-CXL6F No MINUTE : Assignation du :06 Juillet 2022 JUGEMENT rendu le 15 Décembre 2023 DEMANDEUR Monsieur [Y] [P][Adresse 4][Localité 3] représenté par Maître Arnaud LELLINGER de l'AARPI LLF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0112 DÉFENDEURS Monsieur [X] [B][Adresse 1][Localité 5] Société Editions Yris[Adresse 1][Localité 5] représentés par Maître Felicia MALINBAUM, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0298 et par Maître Mohamed FELOUAH, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant Copies délivrées le : - Maître LELLINGER #L112- Maître MELINBAUM #A298 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 06 Octobre 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023 JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. M. [Y] [P] se présente comme l'unique ayant-droit de [C] [V], décédé le [Date décès 2] 1994, qui est notamment l'auteur d'un roman intitulé La planète des singes, paru en 1963, qui a connu un très grand succès et a été adapté plusieurs fois au cinéma et à la télévision. 2. La société Les éditions Yris, est une société coopérative d'édition de livres, dont M. [X] [B] est directeur de collection. 3. Le 18 mars 2021, la société Les éditions Yris a publié, dans une collection nommée Les archives de la télévision, un livre intitulé La planète des singes dont l'auteur est M. [B]. 4. Après mise en demeure du 19 mai 2022 de rappeler et détruire l'ensemble des ouvrages et d'indemniser son préjudice, par actes du 6 juillet 2022, M. [P] a fait assigner la société Les éditions Yris et M. [B] devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droit d'auteur sur le titre La planète des singes et réparation de pratiques commerciales trompeuses. 5. Dans ses dernières conclusions signifiées le 29 décembre 2022, M. [P] demande au tribunal, au visa des articles L. 112-4, L. 122-4 et L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle, L. 121-1 à 3 du code de la consommation et 1240 du code civil, de :? faire interdiction aux défendeurs de fabriquer et vendre tout ouvrage reprenant le titre La planète des singes dans le mois de la décision, sous astreinte de 1.000 euros par infraction et par jour ;? ordonner la communication d'un état des stocks certifié, le retrait et la destruction des ouvrages litigieux et documents en lien direct ou indirect avec celui-ci, sous astreinte, et publication de la décision à intervenir dans 15 journaux ;? condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral, celle de 20.000 euros en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon et celle de 10.000 euros en réparation du préjudice causé la tromperie sur l'origine de l'ouvrage, le détournement et l'affaiblissement de l'oeuvre et les pratiques commerciales trompeuses ;? les condamner aux dépens et à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sous le bénéfice de l'exécution provisoire. 6. Il soutient que :- il détient les droits sur le titre de sorte que l'utilisation de celui-ci sans son autorisation constitue une contrefaçon, le risque de confusion étant indifférent ;- ce titre est original, à la date de sa création, par sa valeur conceptuelle et, ultérieurement, par sa très grande renommée issue d'un succès planétaire ;- sa reproduction à l'identique sur la couverture de l'ouvrage litigieux constitue une contrefaçon ;- le préjudice consiste dans la dévalorisation de l'oeuvre originale, les investissements substantiels qu'il devra faire pour y remédier et dans les économies d'investissement et bénéfices indus des défendeurs. 7. Dans leurs dernières conclusions du 20 décembre 2022, la société Les éditions Yris et M. [B] demandent au tribunal de débouter M. [P] de ses demandes et de le condamner aux dépens et à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 8. Ils font valoir que:- M. [P] n'a pas intérêt à agir en contrefaçon, l'ouvrage incriminé portant sur la série télévisée d'[T] [D] et non sur l'oeuvre de [C] [V] ;- aucune confusion ne peut être faite entre les deux ouvrages ;- si le titre est original, il est impossible de faire référence à l'oeuvre sans citer son titre, ce qui ne constitue pas une contrefaçon ;- aucun préjudice n'est démontré ni vraisemblable et le quantum des demandes ne repose sur aucun calcul sérieux. 9. L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2023. MOTIVATION 10. L'article L. 112-4 du code de la propriété intellectuelle dispose : "Le titre d'une oeuvre de l'esprit, dès lors qu'il présente un caractère original, est protégé comme l'oeuvre elle-même".La contrefaçon d'un titre original s'entend de la reprise des mots et formules qui le constituent pour en faire la locution distinctive sous laquelle une autre oeuvre sera divulguée (1re Civ., 19 février 2002, pourvoi no 00-12.151, Bull. civ. 2002, I, no62). 11. L'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée". 12. Les articles L. 121-1 à L. 121-3 du code de la consommation définissent et interdisent les pratiques commerciales déloyales et trompeuses à l'égard des consommateurs, interdites en ce qu'elles sont "contraires aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elles altèrent ou sont susceptibles d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif, à l'égard d'un bien ou d'un service".La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité édicté par l'article 1240 du code civil, consiste dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires.La création d'un risque de confusion avec un bien d'un concurrent est une pratique commerciale déloyale vis-à-vis du consommateur susceptible de l'induire en erreur et, par conséquent, un acte de concurrence déloyale à l'égard du concurrent. 13. L'originalité du titre La planète des singes n'est pas discutée, pas plus que la titularité des droits patrimoniaux d'auteur de M. [P]. 14. Le livre écrit par M. [B] et édité par la société Les éditions Yris est un inventaire illustré et commenté des adaptations au cinéma et à la télévision de l'oeuvre de [C] [V], et porte un titre identique à cette oeuvre. Contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, il ne s'agit pas d'une référence nécessaire à l'oeuvre de [C] [V], qui n'est pas le sujet du livre, mais bien de la désignation de l'oeuvre de M. [B].Il constitue donc une contrefaçon du titre protégé par le droit d'auteur, quand bien même l'ouvrage litigieux n'est pas un roman. 15. Il y a donc lieu de faire droit aux mesures d'interdiction de vente pour l'avenir ainsi que de rappel et destruction des ouvrages contrefaisant ce titre et d'accès à l'information sur les stocks existant. En revanche, les demandes de prononcé d'astreinte n'apparaissent pas justifiées par les circonstances. 16. Quoiqu'interpellé sur ce point par les écritures adverses, le demandeur ne précise pas les références ni le mode de calcul des sommes forfaitaires demandées à titre de réparation de son gain manqué - alors que plusieurs livres en vente en France portent le titre litigieux -, ni des économies d'investissement qu'il estime réalisées par les défendeurs. De son côté, la société Les éditions Yris ne justifie aucunement des tirages, ni des stocks de l'ouvrage litigieux, qu'elle qualifie de minimes. Les défendeurs ayant échappé au paiement d'une redevance en faisant usage de ce titre sans autorisation, ils ont tiré un bénéfice de l'atteinte aux droits de M. [P].Dès lors, eu égard à la durée brève de l'exploitation et aux mesures de retrait ordonnées, le tribunal retient un préjudice économique résultant de l'usage sans autorisation du titre qu'il fixe à 1.500 euros 17. S'agissant du préjudice moral, M. [P] invoque le fait que l'ouvrage, de piètre qualité, fait l'étude des adaptations audiovisuelles au détriment de l'oeuvre littéraire de [C] [V], galvaude cette oeuvre, la dilue et est susceptible de ternir l'image de l'auteur. 18. Or, l'examen du livre de M. [B] ne corrobore pas l'affirmation brute selon laquelle il serait de piètre qualité. Par ailleurs, rien ne permet de retenir que ce livre aurait pu contribuer à galvauder ou à diluer l'oeuvre littéraire originale de [C] [V], au contraire des très nombreuses adaptations de celle-ci, d'ambition artistique très variable, que l'auteur ou ses ayant-droits ont autorisées.Le préjudice moral du titulaire des droits d'auteur n'est donc aucunement démontré et la demande d'indemnisation à ce titre est rejetée. 19. S'agissant des faits de concurrence déloyale, M. [P] reproche à l'ouvrage litigieux de créer une confusion avec l'oeuvre originale de [C] [V], "dont elle reprend allègrement les éléments emblématiques". Or, ces éléments se résument à des photographies tirées d'une adaptation au cinéma de La planète des singes, qui ne sont aucunement emblématiques de l'oeuvre de [C] [V] et sont bien différents de l'illustration du livre litigieux.De plus, il est fait grief de ce que celui-ci serait présenté de sorte que le lecteur pourrait l'acheter en le prenant pour l'original. Or, le simple examen du livre montre immédiatement qu'il ne s'agit pas d'un roman et le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif ne peut confondre les deux oeuvres. 20. Aucune pratique commerciale trompeuse ou création d'une confusion n'étant établie, il y a lieu de rejeter la demande fondée sur la concurrence déloyale. 21. La société Les éditions Yris et M. [B], qui succombent, sont condamnés aux dépens de l'instance et l'équité justifie de les condamner à payer à M. [P] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Interdit à la société Les éditions Yris et à M. [X] [B] de fabriquer, faire fabriquer, offrir à la vente et vendre tout ouvrage intitulé La planète des singes, dans le mois de la signification du jugement à intervenir ; Ordonne à la société Les éditions Yris de communiquer à M. [Y] [P] un état certifié par un comptable des stocks de l'ouvrage La planète des singes, de le retirer des stocks et circuits de distribution et d'en détruire l'intégralité à ses frais ; Rejette la demande de publication ; Condamne in solidum la société Les éditions Yris et M. [X] [B] à payer à M. [Y] [P] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon du titre La planète des singes ; Rejette les demandes fondées sur le préjudice moral et la concurrence déloyale ; Condamne in solidum la société Les éditions Yris et M. [B] aux dépens de l'instance qui pourront être recouvrés directement par Me Arnaud Lellinger dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne in solidum la société Les éditions Yris et M. [B] à payer à M. [Y] [P] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 15 Décembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130312 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130312.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 15 décembre 2023, 21/00807 | 2023-12-15 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/00807 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/00807No Portalis 352J-W-B7F-CTT2V No MINUTE : Assignation du :11 Janvier 2021 JUGEMENT rendu le 15 Décembre 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. GROUPE [T] [H][Adresse 3][Localité 4] représentée par Maître Roland PEREZ de la SELEURL GOZLAN PEREZ ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0310 DÉFENDERESSES S.A. PROMECO[Adresse 8],[Localité 5] (BELGIQUE) S.A.S. CAFOM DISTRIBUTION[Adresse 6][Localité 7] représentées par Maître Claire POIRSON de la SELARLU FIRSH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2137 Copies délivrées le :- Maître PEREZ #P310 (exécutoire)- Maître POIRSON #C2137 (ccc)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Anne BOUTRON, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 15 Septembre 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2023 puis prorogé en dernier lieu au 15 Décembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La SARL Groupe [T] [H], dont l'activité est le conseil et la communication dans le domaine culinaire et dont le gérant, M. [H], est un chef cuisinier réputé, est titulaire de la marque verbale française [T] [H], déposée à l'INPI le 4 juin 2004 sous le numéro 04 3 295 699, régulièrement renouvelée depuis, pour des produits et services des classes 7, 8, 9, 11, 16, 20, 21, 24, 29, 30, 32, 33, 35, 38, 41 et 43. 2. La société Promeco est une société de droit belge spécialisée dans l'organisation d'opérations de promotion commerciale et de distribution de produits, notamment dans des chaînes de supermarchés. 3. La SAS Cafom distribution a pour activité la vente au détail d'articles ménagers et d'équipement de la maison. 4. Les 20 mars 2015, 4 février 2016 et 15 mars 2017, la société Groupe [T] [H] et la société Promeco ont conclu plusieurs contrats de licence de la marque [T] [H], de prestation de services et de cession des droits de la personnalité de M. [H] pour la fabrication et la distribution d'ustensiles de cuisine et de cuisson portant la marque [T] [H] au sein du réseau de distribution Carrefour et sur le site internet <vente-privée.com>.Le contrat de licence de la marque du 20 mars 2015 prévoyait une faculté de revente des invendus dans certaines conditions et jusqu'au 15 juillet 2016 ; le contrat du 4 février 2016 fixait la limite au 31 décembre 2017. 5. Le 23 juillet 2018, les parties ont conclu un protocole transactionnel pour mettre fin aux litiges nés de l'exécution des contrats précités. Aux termes de cette transaction, la société Groupe [T] [H] a autorisé la société Promeco à vendre les produits marqués [T] [H] invendus avant le 30 juin 2020 et dans certaines conditions, et la société Promeco s'est engagée à payer à la société Groupe [T] [H] la somme de 265.000 euros. 6. Ayant constaté que des produits étaient commercialisés sous sa marque au-delà de cette date par un distributeur non autorisé (la société Cafom Distribution), la société Groupe [T] [H] a fait réaliser deux saisies contrefaçons le 18 décembre 2020 au siège de la société Cafom Distribution et dans l'un de ses points de vente à [Localité 9]. 7. Par acte du 11 janvier 2021, la société Groupe [T] [H] a fait assigner les sociétés Promeco et Cafom Distribution en contrefaçon de marque et réparation des dommages causés. 8. Par ordonnance du juge de la mise en état du 9 avril 2021, un médiateur a été désigné mais aucun accord n'est intervenu. 9. Dans ses dernières conclusions du 12 octobre 2022, la société Groupe [T] [H] demande au tribunal de : À titre principal,- condamner solidairement les sociétés défenderesses à lui payer la somme de 380.267,40 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 250.000 euros en réparation de son préjudice moral résultant de la contrefaçon de la marque [T] [H] ; - condamner solidairement les sociétés défenderesses à lui payer la somme de 150.000 euros en réparation des préjudices résultant des actes distincts de parasitisme ;- ordonner la confiscation et la restitution de la totalité des stocks, sous astreinte ; À titre subsidiaire,- condamner la société Promeco à lui payer la somme de 102.000 euros en réparation de son préjudice résultant des manquements à l'exécution du contrat du 23 juillet 2018 ; - condamner la société Cafom distribution à lui payer la somme de 150.000 euros en réparation des préjudices résultant des actes distincts de parasitisme ; En tout état de cause,- condamner solidairement les sociétés défenderesses aux dépens et à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les frais de constats d'huissier et de saisie-contrefaçon.10. Dans leurs dernières conclusions du 4 janvier 2023, les sociétés Promeco et Cafom distribution demandent au tribunal de :- rejeter l'ensemble des demandes de la société Groupe [T] [H], - prononcer l'épuisement des droits de la société Groupe [T] [H] sur la marque [T] [H] pour les produits litigieux,- condamner la société Groupe [T] [H] à leur payer la somme de 50.000 euros à chacune à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, aux dépens et à leur payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 11. L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2023. MOTIVATION I . Sur la contrefaçon de la marque [T] [H] 12. La société Groupe [T] [H] soutient à titre principal que :- le protocole du 23 juillet 2018 est un contrat de licence de marque, en ce qu'il donne l'autorisation à la société Promeco d'exploiter la marque [T] [H], dont un extrait du registre INPI est annexé, et de l'apposer sur une gamme de produits commercialisés moyennant redevance, dans un temps limité, et qui s'inscrit dans la continuité du contrat de licence du 4 février 2016 ;- il incombe à la société Promeco de démontrer qu'elle a vendu le stock à la société Cafom distribution avant le 30 juin 2020, date d'expiration de la licence, ce qu'elle ne fait pas, la valeur probatoire du courriel envoyé par Iphone le 28 octobre 2019 étant douteuse et ne suffisant pas à prouver l'accord de société Cafom distribution sur la chose et le prix à cette date ;- le non respect de la durée du contrat de licence par la société Promeco fait obstacle à l'épuisement des droits du titulaire de la marque (CJUE, 23 avril 2009, C-59/08, Copad) ;- ses droits sur la marque n'étant pas épuisés, elle est bien fondée à agir contre les deux défenderesses en contrefaçon pour avoir vendu les produits marqués après la date de fin du contrat sans autorisation ; - la société Promeco a vendu, après le 30 juin 2020, à la seule société Cafom Distribution 77921 produits pour un montant de 380.267,40 euros, ce qui constitue au minimum le montant de son préjudice financier car elle n'a rien perçu "des sommes auxquelles elle était pourtant légitime de prétendre" à ce titre ; - elle a subi un préjudice moral du fait de l'atteinte à l'image de sa marque du fait des conditions de revente des produits ayant conduit à leur avilissement. - au 6 octobre 2020, la société Promeco disposait encore de 61800 produits de la marque, tout ustensile de cuisine confondus qui doivent être confisqués et lui être remis. 13. Les sociétés Promeco et Cafom distribution font valoir que :- la société Promeco a rempli ses obligations au titre du protocole transactionnel dans les délais, ayant vendu le stock résiduel à la société Cafom distribution le 28 octobre 2019, payé la somme de 265.000 euros à la société Groupe [T] [H] et transmis les état de stock annuels ;- les droits de la société Groupe [T] [H] sur la marque litigieuse ont été épuisés (ce que la société Groupe [T] [H] admettait dans son assignation puisqu'elle se bornait à opposer un motif légitime à la commercialisation dans des conditions susceptibles de nuire à sa réputation) pour ces produits à partir du moment où elle a expressément autorisé la société Promeco à vendre, sur le marché de l'Union européenne dès 2015, tous les produits listés dans l'inventaire annexé au protocole, qui sont ceux apparaissant dans les procès-verbaux de saisie-contrefaçon, et où elle a réalisé la valeur économique de la marque puisque les redevances ont été payées ;- il n'existe pas de tel motif légitime en ce que la marque [T] [H] n'est pas une marque de luxe et que les conditions de vente des produits par la société Cafom distribution n'ont pas altéré les produits et ne sont pas vendus dans des conditions plus avilissantes ou à plus faible prix que sur les sites (autorisés) <showroomprive.com> er <venteprivee.com> ou dans le cadre de la campagne promotionnelle faite dans les magasins Carrefour entre le 19 janvier et le 4 avril 2021 ;- aucun produit n'a été fabriqué postérieurement ;- la réputation et la valorisation de la marque [T] [H] pour des ustensiles de cuisine ne s'est faite que sur la base du travail de la société Promeco qui les a fabriqués et commercialisés pour la première fois ;- le protocole du 23 juillet 2018 n'est pas assimilable à une licence, puisqu'il s'agit d'une transaction, qu'il ne fait pas référence à la marque verbale européenne [T] [H] no14984488 et qu'il ne comporte pas de certificat d'enregistrement de la marque mais seulement un extrait de la base de données de l'INPI ;- la société Cafom distribution n'a pas commis de contrefaçon puisqu'elle a revendu des produits marqués licitement ;- il n'existe aucun préjudice puisque le protocole du 28 juillet 2018 ne prévoyait aucune rémunération de la société Groupe [T] [H] pour les produits revendus, excédant le forfait de 265.000 euros payés et venant s'ajouter à 2.600.000 euros antérieurement versés ; - le préjudice allégué est exorbitant et l'assiette de calcul ne saurait excéder la valeur des produits mis en vente dans les magasins du [Localité 2], non agréés, soit 11.671,69 euros ;- en l'absence de renommée de la marque [T] [H], le préjudice moral d'atteinte à la marque est infondé et le montant demandé n'est aucunement justifié. 1 . Sur les faits argués de contrefaçon 14. L'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que : "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée". 15. L'article L.713-4 du code de la propriété intellectuelle, équivalent à l'article 15 de la directive 2015/2436 et à l'article 7 de la directive 2008/95, dispose que : "Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans l'Union européenne ou dans l'Espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.Le paragraphe 1 n'est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s'oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l'état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce." 16. L'article L. 714-1, alinéa 5, du même code, dans sa rédaction à la date des contrats conclus entre les parties, équivalent à l'article 25 de la directive 2015/2436 et à l'article 8 de la directive 2008/95, disposait que "les droits conférés par la marque peuvent être invoqués à l'encontre d'un licencié qui enfreint l'une des limites de sa licence en ce qui concerne sa durée. 17. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que "L'article 7, paragraphe 1, de la directive 89/104 (...) doit être interprété en ce sens que la mise dans le commerce de produits revêtus de la marque par le licencié, en méconnaissance d'une clause du contrat de licence, est faite sans le consentement du titulaire de la marque, lorsqu'il est établi que cette clause correspond à l'une de celles prévues à l'article 8, paragraphe 2, de cette directive" c'est à dire notamment sa durée (CJCE, 23 avril 2009,C-59/08, Copad). 18. Dans le cadre des contrats des 20 mars 2015 et 4 février 2016, la société Promeco a reçu licence de fabrication et de commercialisation de produits sur lesquels la marque française [T] [H] no043295699 (dont un certificat d'enregistrement était annexé) était apposée et la transaction du 23 Juillet 2018 entre les parties prolonge la licence de commercialisation de la société Promeco en France des stocks résiduels jusqu'au 30 juin 2020 et fait référence explicite à la marque (avec un extrait du registre INPI).La licence de marque - dont la validité n'est conditionnée par aucun formalisme et notamment pas à l'annexion d'un certificat d'enregistrement - était ainsi limitée dans la durée tant pour la fabrication de produits marqués que pour leur commercialisation. La société Groupe [T] [H] n'est pas fondée à interdire l'usage de la marque pour tous les produits visés par ces contrats dans les conditions qu'ils fixent. 19. Au cas présent, il n'est aucunement établi ni même vraisemblable, que la société Promeco ait fabriqué de nouveaux produits marqués [T] [H], au-delà du terme de la licence, dès lors que les invendus étaient considérables à l'issue des deux opérations promotionnelles réalisées par les parties. L'inventaire annexé au protocole du 23 juillet 2018 fait état de 141.384 produits dans les entrepôts de la société Promeco auxquels s'ajoutent ceux des entrepôts des magasins Carrefour, jamais inventoriés et l'état des ventes communiqué par la société Promeco à la société Groupe [T] [H] le 5 juillet 2019 montre qu'environ la moitié de ce stock avait été vendue à cette date. 20. Néanmoins les ventes de produits marqués ont continué après la date de fin de la licence, caractérisant un usage de la marque dans la vie des affaires pour des produits désignés à l'enregistrement de celle-ci. 21. Or, les mesures de saisie-contrefaçon ont révélé des commandes et des factures d'achat de produits marqués entre la société Promeco et la société Cafom distribution, échelonnées entre le 6 août et le 6 octobre 2020 (pièce no9 demandeur), ce qui démontre la vente de ceux-ci au-delà de la limite contractuelle du 30 juin 2020. En effet, le courriel du 28 octobre 2019 de la société Promeco à la société Cafom distribution ne suffit pas, à lui seul, à démontrer à cette date la vente de tout le stock de produits marqués en l'absence de détermination des produits sur lesquels elle portait et de leurs prix unitaires et d'accord de l'acquéreur, étant observé que les échanges entre les parties entre le 2 juillet et le 28 septembre 2020 montrent que tant les produits que leur prix étaient sujets à discussions. 22. Le licencié n'ayant pas respecté la durée du contrat, les défenderesses sont mal fondées à opposer l'exception de l'épuisement des droits sur la marque à l'action en contrefaçon. 23. La vente de produits marqués au-delà de la date du 30 juin 2020 constitue donc un acte de contrefaçon de la part de la société Promeco, comme de la part de la société Cafom distribution qui a revendu des produits eux-mêmes contrefaisants. 2 . Sur la réparation 24. En vertu de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.À titre d'alternative, et sur demande de la partie lésée, la juridiction peut allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire, supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.Ces dispositions ne dérogent pas au principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit, conformément à la directive 2004/48 sur le respect des droits de propriété intellectuelle, qui prévoit à son article 13 que les dommages et intérêts doivent être adaptés au préjudice que le titulaire du droit a réellement subi du fait de l'atteinte. Il en résulte que les différents éléments pris en compte distinctement ne constituent pas pour autant des chefs de préjudice distincts qui seraient cumulables. 25. L'article L.716-4-11 du même code dispose que : "En cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée". 26. Il résulte des factures des 7 juillet, 8 août et 6 octobre 2020 et il n'est pas discuté que la société Promeco a vendu à la société Cafom distribution 77921 produits marqués pour un montant de 380.267,40 euros constituant le chiffre d'affaires contrefaisant total de la société Promeco.S'agissant de la société Cafom distribution, il n'est fourni aucun élément sur ses propres ventes. 27. Il n'est pas contesté que la société Groupe [T] [H] n'avait pas vocation à percevoir une quelconque rémunération sur les ventes de produits invendus au-delà du montant de 265.000 euros stipulé dans le protocole du 28 juillet 2018. Elle n'a donc pas subi de préjudice financier du fait de la perte de redevances, comme elle le soutient.Si elle a pu subir un préjudice financier du fait d'une concurrence des produits contrefaisants à l'égard de ses propres ventes, elle ne forme aucune demande de ce chef. 28. S'agissant du préjudice moral résultant de l'atteinte à la marque, la société Groupe [T] [H] faisait figurer dans tous les contrats entre les parties une obligation de vendre les produits en veillant au respect du prestige de la marque, d'obtenir son agrément préalable de chaque distributeur et d'éviter les magasins qui ne seraient pas conformes à ses normes, tout particulièrement les magasins de liquidation, de stock, d'usine, déstokage et/ou discount. Le protocole du 23 juillet 2018 autorisait la vente "en France dans les enseignes Carrefour, But, Boulanger, Darty, Vente privée, le site internet Showroom privé (...), Zodio, Alinéa, Maison du monde et en Belgique dans les enseignes Carrefour" et précisait que "la présentation des produits devra respecter la notoriété de la marque et les conditions d'écoulement ne devront pas avilir la marque". 29. Les produits contrefaisants étant les mêmes que ceux dont la commercialisation était autorisée avant par la licence, l'image de la marque n'a pas été atteinte. 30. Néanmoins, ainsi que constaté par le procès-verbal de saisie contrefaçon du 22 décembre 2020, des produits marqués étaient offerts à la vente sur des cartons, présentés dans leur emballage, un exemplaire de chaque étant sorti et visible de la clientèle, dans le magasin du [Adresse 1], qui est un outlet, situé en sous-sol.Si les conditions de vente admises par la société Groupe [T] [H] dans les enseignes Carrefour ne sont guère différentes de celles observées par le commissaire de justice, il n'en demeure pas moins qu'elle tenait particulièrement à ce que les produits marqués ne soient pas vendus en magasins d'usine ou solderie.En réalisant ces ventes dans de telles conditions, les défenderesses sont à l'origine d'un préjudice moral que le tribunal fixe à la somme de 10.000 euros, eu égard aux 2000 produits de 15 références distinctes, ainsi vendus dans cet établissement. 31. Le courriel du 28 octobre 2019 précité prévoyait l'écoulement du stock de produits marqués [T] [H] avant le 31 décembre 2020 et les opérations de saisie-contrefaçon ont montré que la société Cafom distribution avait encore en stock 9104 produits parmi lesquels 7009 entrés postérieurement au 30 juin 2020.La société Promeco indique qu'elle n'a plus de produits contrefaisants en stock mais ne produit pas d'inventaire. 32. Aucune circonstance ne justifie d'ordonner la confiscation des produits invendus au profit de la société Groupe [T] [H], qui n'en a pas supporté le coût de fabrication et sur lesquels elle a réalisé la valeur de sa marque, mais il y a lieu d'ordonner leur destruction aux frais des défenderesses. La mesure d'astreinte sollicitée ne se justifie pas au regard des circonstances de l'affaire et de l'ancienneté des faits ; en revanche, le caractère irréversible de la mesure commande d'écarter l'exécution provisoire sur ce point. 33. La destruction des 7009 produits entrés en stock chez la société Cafom distribution ou ses affiliés après le 30 juin 2023 et de tous ceux encore en possession de la société Promeco sera donc ordonnée. II . Sur le parasitisme 34. La société Groupe [T] [H] soutient que les défenderesses ont également commis des actes distincts de parasitisme en vendant à bas prix, via des soldeurs, des produits marqués en profitant de la notoriété de la marque, acquise par des investissements commerciaux et publicitaires massifs depuis 2004 et elles ont désorganisé son réseau de distribution et qu'elles se sont ainsi placées dans son sillage pour tirer profit sans bourse délier de ces investissements, son travail et son savoir-faire. 35. Les sociétés Promeco et Cafom Distribution soutiennent que :- les produits marqués n'ont été jamais été fabriqués ni vendus par la société Groupe [T] [H] ;- ils ont été fabriqués pour être vendus dans le cadre d'opérations évènementielles en grandes surfaces et n'ont été vendus à leur prix "réel"que sur une période d'un mois sur un site internet dédié, minimum légal pour pouvoir les solder durant ces opérations;- les catalogues promotionnels sur les produits quasi-identiques vendus en 2021 dans des magasins Carrefour sont aux mêmes prix que ceux qu'elles pratiquent ;- la société Groupe [T] [H] n'a jamais eu d'autre réseau de distribution que celui établi par la société Promeco. Sur ce, 36. Le parasitisme, fondé sur le principe général de responsabilité civile édicté par l'article 1240 du code civil, consiste dans l'ensemble des comportements par lequel un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.Il suppose la caractérisation d'une faute en lien de causalité avec un préjudice. 37. Quoiqu'interpellée sur ce point par les écritures adverses, la société Groupe [T] [H] ne verse aucune pièce à l'appui des investissements publicitaires et commerciaux qu'elle invoque pour la vente d'ustensiles de cuisine, ni de la réalité du réseau de distribution qui aurait été désorganisé. Elle ne conteste pas plus qu'elle n'a jamais fait fabriquer ni vendre d'ustensiles de cuisine avant les contrats passés avec la société Promeco en mars 2015.S'agissant des prix de vente, si il est établi que les produits saisis étaient vendus à des prix inférieurs à ceux pratiqués dans les enseignes Carrefour, les contrats entre les parties ne prévoyaient aucune disposition sur un prix minimum de revente. 38. De plus, la société Groupe [T] [H] n'invoque aucun autre fait distinct de la vente de produits au-delà de la date limite de la licence accordée à cet effet. 39. Il y a donc lieu de rejeter la demande fondée sur les actes de parasitisme III . Sur la demande reconventionnelle 40. Les défenderesses soutiennent que la demande en justice est abusive, en ce qu'elle constitue un détournement du droit d'agir pour purger le marché des produits avant une nouvelle opération promotionnelle dans les magasins Carrefour, et que les opérations de saisie-contrefaçon se sont déroulées dans des circonstances dommageables et disproportionnées. 41. La société Groupe [T] [H] ne conclut pas sur cette demande. Sur ce, 42. L'article 32-1 du code de procédure civile prévoit que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés sur le fondement de l'article 1240 du même code. 43. Le droit d'agir en justice dégénère en abus lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action ou un moyen que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 44. La demande de la société Groupe [T] [H] sur le principe de la contrefaçon et l'existence d'un préjudice est accueillie et aucune des circonstances précitée n'est présentee. 45. La demande de réparation pour procédure abusive est donc rejetée. IV . Sur les autres demandes 46. La société Promeco et la société Cafom Distribution, qui succombent, sont condamnées aux dépens de l'instance et à payer à la société Groupe [T] [H] la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Condamne in solidum la société Promeco et la société Cafom distribution à payer à la société Groupe [T] [H] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la contrefaçon de sa marque française [T] [H] numéro 04 3 295 699 ; Rejette les demandes de la société Groupe [T] [H] fondée sur des actes distincts de parasitisme ; Ordonne la destruction des 7009 produits entrés en stock chez la société Cafom distribution après le 30 juin 2023, soit entre ses mains, soit auprès de distributeurs affiliés, et de tous ceux encore en possession de la société Promeco aux frais des défenderesses ; Rejette les demandes reconventionnelles des sociétés Promeco et Cafom Distribution ; Condamne in solidum la société Promeco et la société Cafom distribution aux dépens de l'instance ; Condamne in solidum la société Promeco et la société Cafom distribution à payer à la société Groupe [T] [H] la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 15 Décembre 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000049130313 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130313.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 6 décembre 2023, 20/12635 | 2023-12-06 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/12635 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 20/12635 - No Portalis 352J-W-B7E-CTMKM No MINUTE : Assignation du :30 novembre 2020 JUGEMENT rendu le 06 Décembre 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. CINE-MAG BODARD[Adresse 1][Localité 3] représentée par Maître Henri LARMARAUD de la SARL PGEE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C1511 DÉFENDERESSES Société NETFLIX INC[Adresse 2][Adresse 2][Localité 4] (ETATS-UNIS D'AMERIQUE) Société NETFLIX INTERNATIONAL BVKarperstraat 8-101075 KZ AMSTERDAM (PAYS BAS) Société HOUSE OF TOMORROW LIMITED intervenante volontaireShepherds Building Central[Adresse 5][Localité 6] (ROYAUME UNI) représentées par Maître Clara STEINITZ de la SELARL TALIENS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D0320 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointAnne BOUTRON, vice-présidenteLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DEBATS A l'audience du 21 septembre 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 06 décembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société Ciné-Mag Bodard (ci-après dénommée «Ciné Mag ») est une société de production audiovisuelle qui se présente comme étant titulaire des droits d'auteur du film intitulé «L'Unique » sorti en salle le 26 février 1986, réalisé par [A] [B] et scénarisé notamment par [K] [S]. 2. La plateforme Netflix est une plateforme de streaming exploitée par la société américaine Netflix Inc. (dénommée ci-après « Netflix Inc.») et qui propose à ses abonnés dans plus de 190 pays un catalogue de films et séries à voir à la demande. La distribution des séries Netflix est assurée pour la zone Europe et donc pour la France par la filiale néerlandaise, Netflix International BV (dénommée ci-après « Netflix BV »). 3. La société britannique House of Tomorrow Limited (ci-après dénommée «House of Tomorrow ») se présente comme étant spécialisée dans la production d'oeuvres télévisées de fiction et de comédie et avoir été mandatée par les sociétés Netflix pour la production de la cinquième saison de la série "Black Mirror". 4. La société Ciné-Mag expose avoir constaté que le troisième épisode de la cinquième saison de la série « Black Mirror », intitulé « Rachel, Jack et Ashley aussi » et diffusé depuis le 5 juin 2019 sur la plateforme Netflix, contient des éléments qu'elle estime identiques ou très similaires au film «L'Unique ». 5. Par courriers recommandés de son conseil des 2 décembre 2019 et 3 février 2020, la société Ciné-Mag a enjoint la société Netflix Inc. de cesser toute exploitation de l'épisode « Rachel, Jack et Ashley aussi », faisant valoir le caractère contrefaisant de l'épisode, et demandé communication de divers documents qu'elle affirmait nécessaire à la fixation du montant de son préjudice. 6. Par courrier officiel de son conseil du 19 juin 2020, la société Netflix a rejeté les demandes de la société Ciné Mag, contestant tout fait de contrefaçon. 7. C'est dans ces circonstances que la société Ciné-Mag a fait assigner le 29 juin 2020 les sociétés Netflix devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon du film "l'Unique", acte non placé à la demande des sociétés Netflix qui, par courrier officiel de leur conseil du 27 octobre 2020, ont de nouveau contesté tous faits de contrefaçon. 8. La société Ciné-Mag a de nouveau fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris les sociétés Netflix par actes du 30 novembre 2020 et la société House of Tomorrow est intervenue volontairement à l'instance par conclusions du 3 mars 2021. 9. L'instruction de l'affaire a été clôturée par une ordonnance du 10 novembre 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 21 septembre 2023. Prétentions des parties 10. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2022, la société Ciné-Mag demande au tribunal de : Condamner les sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow pour : - actes de contrefaçon constitués par la reproduction du personnage principal et des personnages secondaires, d'une partie importante de l'intrigue, de la totalité de la trame et du dénouement du film « L'Unique » de 1986 dans l'épisode de la série « Black Mirror » intitulé « Rachel, Jack et Ashley aussi » tel que décrit ci-avant ; - l'exploitation et la distribution de cet épisode contrefaisant en France et dans le monde entier ; - Condamner les sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow à réparer le préjudice subi par la société Ciné-Mag au titre de la contrefaçon de ses droits de propriété intellectuelle et d'exploitation pour un montant de 1.1 million d'euros pour la perte subie, et une indemnité forfaitaire de 60 000 euros a minima pour le gain manqué ; - Condamner les sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow, à réparer le préjudice subi par la société Ciné-Mag au titre de son préjudice moral, à hauteur de 70 000 euros ; - Subsidiairement, au cas où il ne serait pas fait droit aux demandes ci-dessus, condamner les sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow, à réparer le préjudice subi par la société Ciné-Mag au titre d'acte de parasitisme et/ou de concurrence déloyale, à hauteur de 1 500 000 euros ; En tout état de cause, - Condamner les sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow aux publications de la décision qui sera rendue par le tribunal de céans si elle est favorable au demandeur au sein de cinq revues internationales spécialisées dont Variety, Screen international, Hollywood Reporter, en langue française ou anglaise selon la revue, sans que le coût de cette publication ne dépasse 12 000 euros par publication et sur la page d'accueil des sites internet de chaque intimé pendant 90 jours ; - Ordonner aux sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow d'intégrer, sous réserve des droits des auteurs, au sein des génériques de début et de fin de l'épisode litigieux de « Black irror », un carton de quatre secondes, précédant les mentions et qualité des producteurs et de toute personne citée au générique et dans des caractères identiques : « D'après le film « l'Unique » produit par Ciné-Mag, réalisé par [A] [B], sur des scénarios d' [W] [T], [A] [B], [M] [R] et [K] [S] » - Condamner les sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow à verser à la société Ciné Mag au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 70 000 euros pour le fond, et à 3000 euros supplémentaire chacune au titre de l'incident, ainsi que les entiers dépens dont les frais d'assignation, de traduction, de signification à venir de la décision du tribunal judiciaire et de son exécution ; - Ordonner l'exécution provisoire de droit. 11. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 septembre 2022, les sociétés Netflix et Netflix BV demandent au tribunal de : - Donner acte, dans son jugement, du visionnage par le Tribunal du film « L'Unique » et de l'épisode « Rachel, Jack and Ashley Too » de la série « Black Mirror » ; ( ?) - Juger que le film « L'Unique » est inaccessible, rendant toute contrefaçon de cette oeuvre impossible ; A titre subsidiaire : - Juger qu'il n'existe aucune similitude pertinente entre le film « L'Unique » et l'épisode « Rachel, Jack and Ashley Too » de la série « Black Mirror » ; Par conséquent : - Juger que l'épisode « Rachel, Jack and Ashley Too » de la série « Black Mirror » ne constitue pas une contrefaçon du film « L'Unique » ; - Juger que la société Ciné-Mag n'a subi aucun préjudice qui résulterait de la contrefaçon du film L'Unique, d'acte de parasitisme ou d'acte de concurrence déloyale de la part des sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow ; A titre encore plus subsidiaire, si le tribunal entrait en voie de condamnation : - Dire que le préjudice patrimonial de la société Ciné-Mag doit être porté à de plus justes proportions, dont la réparation ne saurait excéder 1 000 euros ;- Rejeter les demandes de la société Ciné-Mag de réparation de son préjudice moral, de son préjudice au titre du parasitisme et de la concurrence déloyale, et de publication ; En tout état de cause : - Débouter la société Ciné-Mag de l'ensemble de ses demandes ;- Condamner la société Ciné-Mag à payer aux sociétés Netflix, Netflix BV et House of Tomorrow, la somme de 65 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société Ciné-Mag aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Clara Steinitz, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. MOTIVATION Sur la demande principale en contrefaçon de droit d'auteur Moyen des parties 12. La société Ciné-Mag revendique un droit d'auteur sur le film « l'Unique » dont l'originalité se caractérise selon elle par la combinaison de choix opérés pour le scénario et le message qu'il véhicule, en particulier au regard du choix de remplacer un personnage réel célèbre par son hologramme digital, ainsi que pour les caractéristiques physiques et psychologiques des personnages principaux et secondaires. Elle soutient qu'en raison des nombreuses ressemblances avec le film "l'Unique" et la reprise de ses caractéristiques dont la combinaison est originale, l'épisode « Rachel, Jack and Ashley Too » de la série « Black Mirror » constitue une contrefaçon. 13. Elle conteste que les similtudes relevées puissent procéder d'une rencontre fortuite dès lors que:- en leur qualité de professionnels, les auteur, réalisateur et producteur de l'épisode litigieux ont nécessairement une culture cinématographique qui s'étend à l'international;- ils ont pu avoir connaissance du film par la filmographie du scénariste du film, [V] [U] [S], et de ses acteurs principaux, [H] [P] et [F] [Z], qui jouissent d'une notoriété internationale; - le film est célèbre pour avoir été le premier film en France à utiliser des hologrammes et a été présenté en avant-première du 5ème forum international des nouvelles images dénommé "imagina" qui a eu lieu du 4 au 8 février 1986;- le film est disponible sur FilmoTV qui peut être accessible depuis l'étranger par le biais d'un lien de déblocage;- une bande annonce du film de 9 minutes et comprenant les éléments clés du film est diffusée sur Youtube depuis 2013;- un entretien, présentant des éléments clés du film, avec le réalisateur [A] [B] et l'acteur [H] [P] est diffusé sur Youtube depuis 2014 ; - le synopsys est accessible sur de nombreux sites internet et en anglais. 14. Les sociétés Netflix et House of Tomorrow, qui ne contestent pas le caractère original du film l'Unique, opposent la rencontre fortuite, au motif que:- l'oeuvre était inacessible aux créateurs de l'épisode, aucun n'étant basé en France;- le film n'est sorti qu'en France, le 26 février 1986;- le film n'est pas disponible à la vente en format DVD, Blu-ray, vidéocassette ou tout autre support matériel, et notamment sur les sites de vente de biens culturels Amazon, La Fnac, Cultura, Cdiscount, ou encore sur la plateforme « Shopping » de Google;- il n'est pas non plus disponible sur des plateformes de streaming ou de téléchargement, et notamment sur Netflix, MyCanal ou Prime Vidéo;- seul un site de streaming français isolé, dénommé « Filmo TV » (https ://www.filmotv.fr/), propose le visionnage du film, service cependant exclusivement réservé aux personnes physiques résidant sur le territoire français. 15. Subsidiairement, elles soutiennent que ledit épisode ne reproduit pas la combinaison originale des caractéristiques revendiquées et que les similitudes invoquées sont soit inexistentes, soit banales et accessoires. Réponse du tribunal 16. En application de l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. 17. Aux termes de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. 18. L'article L.112-2 6o du code de la propriété intellectuelle dispose que sont considérées notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du présent code, les oeuvres cinématographiques et autres oeuvres consistant dans des séquences animées d'images, sonorisées ou non, dénommées ensemble oeuvres audiovisuelles. 19. Il en résulte que la protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d' auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole.20. Selon l'article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle, l' auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. 21. De la même manière, selon l'article L.122-1 du même code, le droit d'exploitation appartenant à l' auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. 22. L'article L.122-4 du même code prévoit quant à lui que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. 23. La contrefaçon s'apprécie au regard des ressemblances et non par les différences (Cass. Civ. 1ère, 4 février 1992, no90-21.630 ; Cass. Civ. 1ère, 2 octobre 2013, no 12-25.941; Cass. Civ. 1ère, 30 septembre 2015, pourvoi no14-19.105). 24. La contrefaçon ne peut être écartée que lorsque celui qui la conteste démontre que les similitudes existant entre les deux oeuvres procèdent d'une rencontre fortuite ou de réminiscences issues d'une source d'inspiration commune (Cass. 1 civ., 16 mai 2006, no 05-11.780; Cass. Civ. 1ère, 5 octobre 2022, no20-23.629). Présentation de l'oeuvre 25. En l'occurrence, l'oeuvre pour laquelle la protection par le droit d'auteur est revendiquée est une oeuvre cinématographique française intitulée « L'Unique », sortie en salle le 26 février 1986, d'une durée d'1h25, réalisée par [A] [B] et scénarisée notamment par [K] [S]. 26. La société Ciné-Mag résume le scenario comme suit: "Michel ([H] [P]), un pirate électronique qui vit de rapines dans les maisons de disques, découvre que son ancienne compagne, devenue une chanteuse célèbre de rock ([F] [Z]), est en train, au sens propre du mot, de se faire "doubler". Le savant Colewsky ([L] [Y]) met au point un procédé de « clonage holographique », un hologramme, qui permet de reproduire l'image tridimensionnelle animée des êtres vivants. Ces travaux de recherche, menés dans le plus grand secret avec l'appui du producteur Vox ([D] [J]), manager de la chanteuse, et en l'absence du consentement de celle-ci débouchent sur la création du clone virtuel de la chanteuse. Le manager compte se passer de la chanteuse réelle, sujette à des caprices et moments de dépression, en lui substituant son clone parfait pour la remplacer lors des apparitions à la télévision comme à la scène. La chanteuse est enlevée alors qu'elle tente de fuir après avoir exprimé son refus de participer à ce clonage holographique, et endormie sous la contrainte. Mais Michel, et son fils, vont interrompre cet échantillonnage curieux en intervenant pour la libérer puis interrompre un concert où l'hologramme remplace la chanteuse, mettant en public fin, à l'expérience, ce qui est la fin du film." 27. L'originalité de l'oeuvre n'est pas contestée par les sociétés en défense et la société Ciné-Mag revendique comme originale la combinaison des caractéristiques suivantes:- l'introduction de l'hologramme dans un film, ce qu'aucun film français n'avait encore fait;- le choix d'une chanteuse dépressive pour incarner un personnage public destiné à être remplacé par un hologramme ;- le but dans lequel l'hologramme est utilisé: reproduire l'image et la voix de la chanteuse pour la remplacer, contre son gré;- le message délivré derrière le scénario: dénonciation de l'importance des risques de l'abus dans l'utilisation d'un hologramme dans la carrière d'une chanteuse et le remplacement de sa personne contre sa volonté;- les caractères physiques et psychologiques des personnages principaux et secondaires (la chanteuse svelte et dépressive, son manager avide d'argent, l'ex-compagnon de la chanteuse et son enfant de 7/8 ans, doués en informatique);- la trame du récit: une intrigue se déroulant dans le présent avec des dérives futuristes plausibles; le conflit entre la chanteuse et son manager; les moyens utilisés pour créer un hologramme de la chanteuse sans son consentement et retenue prisonnière par son manager; la création de l'hologramme pour se débarasser de l'artiste ; le piratage des ordinateurs; la présentation de l'hologramme sur scène; la démultiplication de l'hologramme; le fonctionnement de l'hologramme; le dénouement dans lequel la chanteuse est libérée. Sur la rencontre fortuite 28. Il est constant que l'épisode litigieux a été réalisé par [O] [E], de nationalité norvégienne, d'après un scénario de [N] [I], de nationalité anglaise et produit par la société anglaise House of Tomorrow sur commande des sociétés belges et américaines Netflix. 29. Il ressort des pièces versées aux débats (pièce no8.1 de la demanderesse et pièces noF-8 et F-12de la défenderesse) et en particulier du procès-verbal de constat établi le 26 mars 2020 à la requête de la société House of Tomorrow que le film l'Unique est un film français qui n'est sorti en salle qu'en France, le 26 février 1986 - soit 33 ans avant la diffusion de l'épisode litigieux le 5 juin 2019, qu'il n'a jamais été distribué sur des supports CD ou DVD ou tout autre support matériel permettant sa diffusion hors de France et qu'il n'a été diffusé que sur une seule plateforme de streaming, la plateforme FilmoTV, l'ensemble de ces faits n'étant d'ailleurs pas contesté par la société Ciné-Mag. 30. Or la plateforme FilmoTV n'est pas licitement accessible depuis l'étranger, tel qu'il ressort du constat susvisé, la société Ciné-Mag ne pouvant sérieusement conclure à la possibilité pour les défenderesses de contourner cette interdiction par le recours à des liens de déblocage, ni invoquer à cette fin les propos du scénariste de l'épisode litigieux incitant les internautes à "pirater sur le net" pour accéder à des contenus non disponibles dans leur pays. En outre, le film apparaît comme non disponible sur cette plateforme, ce qui est d'ailleurs confirmé par la pièce Ciné Mag no50 présentant un commentaire posté il y a plusieurs années sur Youtube faisant état de l'indisponibilité du film. 31. Est ainsi établie par les défenderesses une diffusion territoriale, matérielle, linguistique et temporelle significativement restreinte du film à laquelle s'ajoute l'ancienneté de sa sortie, autants d'éléments dont il s'infère que les auteur, réalisateur et producteur de l'épisode litigieux, tous étrangers, n'ont pu raisonnablement avoir eu accès au film, de sorte que les griefs de contrefaçon élevés par la société Ciné-Mag contre les défenderesses ne sont pas fondés. 32. Les moyens opposés par la société Ciné Mag sont inopérants. En effet, d'une part, la notoriété du film à l'international ne se déduit pas, comme le laisse entendre à tort la société Ciné Mag, de la notoriété internationale de [V] [U] [S], l'un des scénaristes du film, ou de ses acteurs [H] [P] et [F] [Z], et de la mention du film dans leurs biographies respectives. Une telle notoriété internationale ne saurait pas plus résulter de la seule présentation du film en avant première au festival international Imagina alors que cette présentation a eu lieu en 1986 et que ce festival a disparu depuis 2011. Il ne peut donc être déduit de ces seuls faits une connaissance du film par les défenderesses. 33. Par ailleurs, les vidéos accessibles sur Youtube depuis 2014, présentant des séquences du film, ainsi que les pages internet présentant le synopsis du film, toutes en français, ne peuvent pallier l'absence d'accessibilité et de disponibilité du film à l'international et dans une verson traduite pour l'étranger, étant observé en outre que la société Ciné Mag n'établit pas que la combinaison des caractéristiques originales revendiquées pour bénéficier de la protection par le droit d'auteur se retrouverait dans ces vidéos et pages internet prises dans leur ensemble, se contantant d'affirmer que les éléments clés du film s'y retrouvent, alors de plus que la trame du film revendiquée comme originale ne peut être connue que par le visionnage du film dans son intégralité. 34. Il y a lieu en conséquence de rejeter la demande de la société Ciné Mag en contrefaçon de son droit d'auteur sur le film l'Unique. Sur la demande subsidiaire en parasitisme et concurrence déloyale Moyen des parties 35. La société Ciné Mag demande à titre subsidiaire la condamnation des défenderesses au paiement de 1 500 000 euros en réparation des préjudices subis des faits de parasitisme et de concurrence déloyale. Au titre du parasitisme, elle fait valoir que les défenderesses ont utilisé sans bourse déliée son travail en reprenant nombre d'éléments du film l'Unique dans l'épisode litigieux et profité du succès du film. S'agissant de la concurrence déloyale, invoquée à titre plus subsidiaire, elle fait valoir une concurrence déloyale par la création d'une oeuvre dérivée. 36. S'agissant de la demande fondée sur le parasitisme, les sociétés défenderesses opposent l'absence de faute, au motif pris de son absence de diffusion à l'étranger, affirmant en outre que l'épisode litigieux ne reprend aucun élément du film. S'agissant de la demande fondée sur la concurrence déloyale, les défenderesses concluent également au débouté au motif qu'elle est erronée en droit. Réponse du tribunal 37. Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 38. Conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. 39. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. 40. L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 10 juillet 2018, no16-23.694). 41. Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 10 juillet 2018, no16-23.694).42. En l'occurrence, la demande subsidiaire de société Ciné Mag fondée sur le parasitisme n'apparaît pas fondée dès lors qu'il n'est pas établi que les défenderesses ont eu accès au film et, partant, au travail invoqué. La notoriété alléguée du film n'est pas davantage établie, de sorte qu'il ne peut être considéré que les défenderesses ont cherché à profiter de ce travail et de cette prétendue notoriété. 43. La demande plus subsidiaire de la société Ciné Mag fondée sur la concurrence déloyale n'est pas plus fondée, aucune faute ne pouvant être reprochée aux défenderesses dès lors qu'il ressort de l'examen précédemment réalisé qu'il s'agit d'une rencontre fortuite. Par ailleurs, la demanderesse n'établit ni même n'invoque un risque de confusion, lequel est requis pour caractériser la concurrence déloyale alléguée. 44. Il convient dès lors de rejeter les demandes de la société Ciné Mag fondées à titre subsidiaire sur le parasitisme et à titre plus subsidiaire sur la concurrence déloyale. Sur les dispositions finales Sur les dépens et les frais irrépétibles 45. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 46. Selon l'article 699 du même code, les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens. 47. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 48. En l'occurrence, la société Ciné-Mag, partie perdante, sera condamnée aux dépens et l'équité commande de la condamner à payer aux sociétés Netflix et House of Tomorrow chacune la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Sur l'exécution provisoire 49. En application des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée. 50. En l'espèce, l'exécution provisoire, compatible avec la nature de l'affaire, n'a pas à être écartée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Rejette les demandes de la société Ciné Mag, fondées à titre principal sur la contrefaçon de droit d'auteur et à titre subsidiaire, sur des actes de parasitisme et plus subsidiairement de concurrence déloyale ; Condamne la société Ciné Mag aux dépens, avec droit pour Maître Clara Steinitz, avocat au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont elle a fait l'avance sans recevoir provision ; Condamne la société Ciné Mag à payer 4 000 euros à chacune des sociétés Netflix Inc., Netflix International BV et House of Tomorrow Ltd en application de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 06 décembre 2023 La greffière Le président | x |
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JURITEXT000049130314 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130314.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 22 novembre 2023, 21/08624 | 2023-11-22 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/08624 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 21/08624 - No Portalis 352J-W-B7F-CUWKH No MINUTE : Assignation du :16 juin 2021 JUGEMENT rendu le 22 novembre 2023 DEMANDERESSES S.A. EXEL INDUSTRIES[Adresse 1][Adresse 1] S.A.S. HOZELOCK EXEL[Adresse 3][Adresse 3][Adresse 3] représentées par Maître Olivier LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL GAULTIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D1104 DÉFENDERESSE S.A.S. REDER[Adresse 2][Adresse 2] représentée par Maître Cécile MOREIRA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0817 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointAnne BOUTRON, vice-présidenteLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DEBATS A l'audience du 11 mai 2023 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2023 puis prorogé au 22 novembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société par actions simplifiée (ci-après SAS) Hozelock Exel, immatriculée le 12 septembre 1957 au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Villefranche-Tarare, fait partie du groupe Exel Industries et est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de produits de jardinage destinés au grand public. 2. La société anonyme (ci-après SA) Exel Industries, immatriculée le 13 juillet 1955 au RCS de Reims est la maison mère du groupe Exel Industries et détient les portefeuilles de brevets et de marques du groupe. 3. Elle est titulaire du brevet européen EP2540162 (ci-après EP162), déposé le 27 juin 2012 sous priorité du 1er juillet 2011 et délivré le 10 juillet 2013, ayant pour objet un appareil de désherbage. 4. La SAS Reder, immatriculée le 29 janvier 1997 au RCS de Paris, se présente comme ayant pour activité principale la vente par correspondance et au détail de produits textiles et de divers équipements et produits. 5. La SAS Hozelock Exel expose fabriquer et commercialiser l'invention du brevet EP162 sous les marques Berthoud, Hozelock et Green Power depuis le début de l'année 2012. Pour ce faire, elle dit avoir conclu avec la SA Exel Industries un contrat de licence non-exclusive le 10 septembre 2014, suivi d'un contrat du 9 juin 2021. 6. Reprochant à la SAS Reder la commercialisation, sur le site internet <seado.com>, d'un appareil de désherbage portant, selon elles, atteinte au brevet EP162, les sociétés Hoselock Exel et Exel Industries l'ont mise en connaissance de cause dudit brevet, par lettre du 20 mai 2019. 7. La réponse de la SAS Reder du 5 juin 2019 demandant des précisions sur la contrefaçon alléguée ne les satisfaisant pas, les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries l'ont mise en demeure, par lettre de leur conseil du 1er juillet 2019, de cesser toute commercialisation et détention de l'appareil de désherbage litigieux, de préciser l'identité et les coordonnées du fournisseur dudit appareil et d'indiquer les quantités de produits importés, commercialisés et détenus en stock. 8. À défaut d'accord amiable avec la SAS Reder et lui reprochant de continuer à commercialiser plusieurs appareils de désherbage portant atteinte selon elles au brevet EP162 sur les sites <sedao.com> et <lhommemoderne.fr> et de profiter indument de leurs investissements de communication, les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries l'ont faite assigner devant ce tribunal en contrefaçon de brevet et en parasitisme, par acte d'huissier du 16 juin 2021. 9. L'instruction a été close par ordonnance du 15 septembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 11 mai 2023 pour être plaidée. 10. Par conclusions adressées le 23 septembre 2022 au juge de la mise en état et dans leur dernier état le 6 octobre 2022, la SAS Reder a demandé la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 15 septembre 2022 afin de pouvoir faire assigner son fournisseur en garantie et en intervention forcée. Les demanderesses s'y sont opposées par conclusions notifiées le 28 septembre 2022. 11. Par décision du 28 octobre 2022 le juge de la mise en état a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture. EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES 12. Dans leurs dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 18 mai 2022, les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries demandent au tribunal de :- déclarer la SAS Reder irrecevable à soulever une fin de non-recevoir à l'encontre des demandes de la SAS Hozelock Exel ;- déclarer en tout état de cause la SAS Reder mal fondée en sa fin de non-recevoir à l'encontre des demandes de la SAS Hozelock Exel ; l'en débouter ;- déclarer la SAS Reder mal fondée en sa demande en nullité des revendications 1, 9 et 10 du brevet EP162 pour défaut d'activité inventive ; l'en débouter ;- dire et juger que la SAS Reder s'est rendue coupable de contrefaçon des revendications 1, 9 et 10 du brevet EP162 au préjudice des sociétés Exel Industries et Hozelock Exel ;- dire et juger que la SAS Reder s'est rendue coupable de parasitisme au préjudice de la SAS Hozelock Exel ;- ordonner à la SAS Reder, de cesser la diffusion de tous documents, prospectus, catalogues, tant sur support papier que par tout autre moyen de communication, présentant les appareils de désherbage Thermo Kill, Thermo Green Électrique 3 en 1 Easymaxx, Thermo Green Électrique et Thermo Green Électrique 4 en 1, sous ces dénominations, sous ces marques, sous les références 0252948, 0249164 et 0238008 ou sous quelques autres dénominations, marques ou références que ce soit, et ce sous astreinte de 1500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit ;- faire interdiction à la SAS Reder, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit, d'importer en France les appareils de désherbage Thermo Kill, Thermo Green Électrique 3 en 1 Easymaxx, Thermo Green Électrique et Thermo Green Électrique 4 en 1, sous ces dénominations, sous ces marques, sous les références 0252948, 0249164 et 0238008 ou sous quelques autres dénominations, marques ou références que ce soit, de les détenir, de les offrir à la vente et de les vendre, l'infraction s'entendant de chaque acte d'importation, détention, offre à la vente ou vente de l'un ou l'autre de ces produits ;- ordonner le retrait du marché et la destruction, sous le contrôle de la SA Exel Industries et aux frais de la SAS Reder, de tous les appareils de désherbage respectivement dénommés, marqués ou référencés Thermo Kill 0252948, Thermo Green Électrique 3 en 1 Easymaxx 0249164, Thermo Green Électrique 0238008 et Thermo Green Électrique 4 en 1 0252948 se trouvant entre ses mains, et ce sous astreinte de 1500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit ;- faire injonction à la SAS Reder, sous astreinte de 1500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit, d'avoir produire un état certifié par son commissaire aux comptes du nombre d'appareils de désherbage respectivement dénommés, marqués ou référencés Thermo Kill 0252948, Thermo Green Électrique 3 en 1 Easymaxx 0249164, Thermo Green Électrique 0238008 et Thermo Green Électrique 4 en 1 0252948 importés et vendus en France, ainsi que du chiffre d'affaires et du bénéfice réalisés à ce titre, accompagné de l'ensemble des éléments comptables justificatifs ;- dire que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes et la fixation éventuelle de nouvelles astreintes ;- condamner la SAS Reder au paiement à la SA Exel Industries de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de l'atteinte portée à ses droits privatifs sur le brevet EP162 et de leur dévalorisation consécutive ;- dire que le tribunal statuera sur le préjudice commercial subi par la SAS Hozelock Exel au vu des pièces qui seront produites par la SAS Reder en exécution de la condamnation à production de pièces prononcée sous astreinte ;- condamner d'ores et déjà la SAS Reder au paiement à la SAS Hozelock Exel de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels du chef du préjudice commercial subi ;- condamner la SAS Reder au paiement à la SAS Hozelock Exel de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts du chef des actes de parasitisme commis ;- ordonner à la SAS Reder d'afficher le dispositif du jugement à intervenir en page d'accueil des sites <sedao.com> et <www.lhommemoderne.com>, en police Arial, en taille 12 points et avec une durée de présence à l'écran de 15 secondes, pendant une durée d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 1500 euros par jour de retard, jour d'interruption ou jour manquant ;- déclarer la SAS Reder mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ; l'en débouter ;- condamner la SAS Reder au paiement aux sociétés Exel Industries et Hozelock Exel de 50 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;- la condamner à rembourser aux sociétés Exel Industries et Hozelock Exel les honoraires, frais et dépens par elles exposés à l'occasion des opérations de constat des 11 février, 22 février et 8 mars 2021 ;- la condamner également en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Olivier Legrand conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;- dire n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir. 13. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2022, la SAS Reder demande au tribunal de :- dire et juger irrecevables et mal fondées les sociétés Exel Industries et Hozelock Exel en toutes leurs demandes, fins et prétentions dirigées à son encontre ;- prononcer la nullité des revendications 1, 9 et 10 du brevet EP162 pour défaut d'activité inventive ;- dire et juger que les sociétés Exel Industries et Hozelock Exel n'apportent pas la preuve d'une quelconque contrefaçon des revendications 1, 9 et 10 du brevet EP162 ni d'un quelconque parasitisme ni d'un quelconque préjudice ;- débouter en conséquence les société Exel Industries et Hozelock Exel de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;- condamner les sociétés Exel Industries et Hozelock Exel avec exécution provisoire, au paiement d'une somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens et frais d'instance ;- à titre infiniment subsidiaire, pour le cas où par impossible, le tribunal prononçait une condamnation à son encontre, dire et juger n'y avoir lieu à exécution provisoire. MOTIVATION 14. En préambule, la SAS Reder ne formule pas de fin de non-recevoir, selon les termes de ses dernières conclusions. Le tribunal ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispostif des dernières conclusions notifiées, par application de l'article 768 du code de procédure civile, il n'y a, dès lors, pas lieu à statuer sur la demande des sociétés Hozelock Exel et Exel Industries tendant à déclarer la SAS Reder irrecevable à soulever une fin de non-recevoir à l'encontre des demandes de la société Hozelock Exel. I - Présentation du brevet EP162 15. Le brevet EP162 décrit un "appareil, ensemble et procédé de désherbage manuel et localisé" (pièce Hozelock et Exel no6). 16. Selon le fascicule descriptif du brevet, les appareils de désherbage connus de l'art antérieur présentent l'inconvénient d'être peu économiques, peu écologiques, d'avoir un temps de chauffe relativement important ce qui est peu pratique ou ont tendance à détériorer les plantes avoisinantes par un défaut de gestion de l'air chaud (même pièce no6, § 2 à 5). 17. Le but de l'invention est de remédier à ces inconvénients "en proposant un appareil de désherbage manuel et localisé efficace et précis, pratique, respectueux de l'environnement, dont la sécurité d'utilisation est optimale et qui est économique" (même pièce no6, § 6). 18. Le brevet EP 162 comporte dix revendications. Les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries opposent à la SAS Reder les revendications 1, 9 et 10 de ce brevet, libellées comme suit :"1. Appareil de désherbage manuel et localisé comprenant un générateur thermique fixé à une canne, le générateur thermique comprenant un ventilateur et une résistance chauffante et projetant un jet d'air chaud dans un volume intérieur d'une cloche pourvue d'un bord libre pour l'appui de l'appareil sur le sol, caractérisé en ce que la cloche est pourvue d'au moins un trou d'évacuation d'un jet d'air à partir du volume intérieur de la cloche et en ce que le trou est écarté du bord libre d'une distance supérieure à 2 cm. 9. Procédé de désherbage manuel et localisé, caractérisé en ce qu'il comprend des étapes dans lesquelles : - on crée un jet d'air chaud en faisant circuler de l'air au contact d'une résistance chauffante, - par-dessus une mauvaise herbe, on pose une cloche qui comprend au moins un trou, avec un bord libre de la cloche en appui sur le sol, le trou étant écarté d'une distance supérieure à 2 cm du bord libre,- on dirige le jet d'air chaud dans un volume intérieur de la cloche,- le jet d'air chaud est évacué de la cloche sous la forme d'un jet secondaire passant par le trou. 10. Procédé selon la revendication 9, caractérisé en ce que la température du jet d'air chaud est supérieure à 100oC, de préférence supérieure à 400 oC". II - Sur la définition de la personne du métier Moyens des parties 19. Les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries considèrent que la personne du métier s'entend du concepteur d'appareil de désherbage. 20. La SAS Reder estime que la personne du métier est un technicien spécialisé dans les appareils de l'industrie du jardinage ou de l'agriculture, et particulièrement dans les appareils de destruction des mauvaises herbes. Réponse du tribunal 21. La personne du métier est celle du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440). 22. Elle s'entend d'un praticien du domaine technique concerné, qui dispose de connaissances et d'aptitudes moyennes, possèdant les connaissances générales dans le domaine concerné à la date de dépôt ou de priorité du brevet (en ce sens chambre des recours de l'Office européen des brevet - ci-après OEB - 9 août 2001, Sequus Pharmaceuticals Inc. c. Inex Pharmaceuticals Corporation, T0004/98). 23. La personne du métier est donc ici un spécialiste des appareils de désherbage, doté de connaissances générales au 1er juillet 2011. III - Sur la validité du brevet EP162 Moyens des parties 24. La SAS Reder soutient que les revendications 1, 9 et 10 du brevet EP162 sont nulles comme étant dépourvues d'activité inventive au regard de l'absence d'explication technique au soutien de la partie caractérisante de ces revendications et des caractéristiques dévoilées par l'art antérieur cité dans le fascicule du brevet, en particulier les documents US6029589A (US589A), GB2278988A (GB988A) et WO9114363 (WO363). Elle précise que la solution apportée par l'invention, à savoir l'apport au niveau de la cloche d'au moins un trou d'évacuation d'un jet d'air était déjà connue de l'art antérieur, en sorte que seule la caractéristique selon laquelle le trou est écarté du bord libre d'une distance supérieure à deux centimètres (2 cm) lui permet d'échapper au défaut de nouveauté, tandis que cette caractéristique, selon elle purement arbitraire faute d'explication technique, est dépourvue d'activité inventive. Elle ajoute que le document WO363 proposait déjà une solution pour éviter d'endommager les plantes voisines des plantes à éliminer, consistant à recourir à une surcloche, tandis que les documents US589A et GB988A proposaient des orifices d'évacuation de l'air chaud, la combinaison de ces documents conduisant la personne du métier à déduire l'invention. 25. Elle considère le brevet EP162 comme dépourvu d'activité inventive au regard du document US6076231 (US231) qui décrit une seconde buse pouvant être située à peu près à cinq pouces, soit 12,7 cm, de l'extrémité de la buse principale. Elle en déduit que la personne du métier était conduite, en rapprochant l'enseignement des différents documents cités dans le fascicule du brevet litigieux et celui du document US231, à positionner les orifices d'évacuation de l'air chaud à l'écart du bord libre de l'embout, à une distance non nulle de l'extrémité du bord libre de la cloche. 26. Elle tire de ses précédentes conclusions que la revendication indépendante 9 décrivant un procédé mettant en oeuvre, notamment, la revendication 1 du brevet EP162, est dépourvue d'activité inventive dans la mesure où l'ensemble de ses caractéristiques en est dépourvue. Elle conclut, également, au défaut d'activité inventive de la revendication indépendante 10 en ce qu'elle prévoit un jet d'air chaud supérieur à cent degrés (100oC), de préférence supérieure à 400oC, cette caractéristique étant purement numérique, totalement arbitraire, non explicitée dans sa fonction et résultant des connaissances générales de la personne du métier, outre que le document GB988A dévoile un procédé dans lequel l'air est chauffé à une température supérieure à 80oC. 27. Les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries opposent que le positionnement précis d'au moins un trou à une distance supérieure à 2 cm du bord libre répond exactement au problème de la détérioration des plantes avoisinantes et de l'endommagement de l'appareil de désherbage auquel la personne du métier est confrontée avec les dispositifs de l'art antérieur, ce que la description de l'appareil associé aux figures 2, 7 et 8 du fascicule du brevet illustrent clairement. 28. Elles assurent que ni pris isolément, ni dans leur combinaison, les documents de l'art antérieur ne permettent d'aboutir à l'invention : le bouclier du document WO363 n'est doté d'aucun moyen destiné, une fois l'air projeté sur la plante à détruire, d'en gérer l'évacuation en dehors du bouclier ; le document US589A fonctionne à la vapeur d'eau, la question de l'évacuation de l'air chaud ne s'y pose pas, les orifices figurés sont décrits comme permettant à l'air de s'échapper lorsque la vapeur est envoyée dans le couvercle à mauvaises herbes, la fonction de ces ouvertures est exactement contraires à celles du brevet EP162 ; le document GB988A propose une tête d'application visible en figure 1 qui a la forme d'un rateau pour permettre l'agitation mécanique du sol comme aide au procédé d'air chaud, ses dents n'ont donc en aucun cas pour fonction d'assurer l'évacuation de l'air chaud. Elle considère que la personne du métier, confronté au problème technique de l'évacuation de l'air chaud n'a aucune raison de s'intéresser à l'enseignement des documents précités et ne peut déduire de leur consultation que des ouvertures sur le bord libre, non la solution proposée par l'invention, pas plus que cette solution ne résulterait des connaissances générales élémentaires de la personne du métier qui vont à l'opposé des enseignements de l'art antérieur, la défenderesse opérant, à cet égard, selon elles, une analyse a posteriori prohibée, une fois connus le problème et sa solution apportée par le brevet EP162. 29. Elles réfutent que le document US231, seul ou en combinaison avec l'art antérieur précité, prive leur brevet EP162 d'activité inventive. Elles font valoir que l'appareil décrit par le document US231 est utilisé pour déplacer et nettoyer les débris de pelouse, jardins, etc. et qu'il prévoit une seconde buse, adjointe à la première et éloignée de 12,7 cm environ, afin de propulser les débris vers l'extérieur lorsqu'un obstacle provoque leur refoulement vers l'utilisateur. Elles estiment, d'abord, que la personne du métier confrontée au problème technique de l'évacuation de l'air chaud afin de ne pas endommager les plantes avoisinantes n'a aucune raison de s'intéresser à ce document US231, étranger à la question du désherbage, ensuite, que son enseignement, qui consiste à prévoir une seconde buse de propulsion d'air, ne saurait conduire à l'invention du brevet EP162. 30. Elles concluent à la validité de la revendication 9 du brevet EP162 compte tenu qu'aucun des documents de l'art antérieur ne divulgue la combinaison de ses caractéristiques, les ouvertures figurées dans le document US589A étant uniquement conçues pour l'évacuation de l'air ambiant de sorte que la vapeur d'eau puisse y pénétrer, les dents du rateau du document GB988A ayant pour seule fonction de fouiller le sol et la combinaison de ces documents avec les documents WO363 et US231 ne permettant pas d'en déduire de manière évidente l'écartement d'au moins un trou à une distance d'au moins 2 cm du bord libre. Il en va de même, selon elles, de la revendication 10 du brevet EP162 qui se situe dans la dépendance de la précédente. Réponse du tribunal 31. L'article 52 de la convention de Munich du 5 octobre 1973 sur le brevet européen dispose que les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle. 32. Selon l'article 54 paragraphe 3 de cette convention, est également considéré comme compris dans l'état de la technique le contenu de demandes de brevet européen telles qu'elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au paragraphe 2 et qui n'ont été publiées qu'à cette date ou à une date postérieure. 33. L'article 56 de cette convention précise qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. Si l'état de la technique comprend également des documents visés à l'article 54, paragraphe 3, ils ne sont pas pris en considération pour l'appréciation de l'activité inventive. 34. L'élément ou les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à la personne du métier, ils lui permettaient à l'évidence d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 15 novembre 1994, no93-12.917 et jurisprudence constante depuis). 35. Au cas présent, le fascicule du brevet EP162 expose que :- le document WO363 "divulgue un appareil de désherbage manuel et localisé pour le traitement de mauvaises herbes comprenant un générateur thermique fixé à une canne (...) Aucune disposition n'est prévue pour la gestion du jet d'air chaud, une fois que ce dernier a détruit la mauvaise herbe. Par conséquent, le jet d'air chaud a tendance à s'échapper de la cloche soit par le bord libre, détériorant ainsi les plantes avoisinantes, soit en remontant vers le générateur thermique, ce qui génère une surchauffe risquant d'endommager l'appareil" (pièce Hozelock et Exel no6, paragraphe 5)- selon l'invention, "le générateur thermique projette le jet d'air chaud dans le volume intérieur de la cloche (...) Le jet d'air chaud entre en contact avec la mauvaise herbe et est évacué automatiquement du volume intérieur de la cloche par les trous, sous la forme de plusieurs jets secondaires représentés aux figures 1 à 3 (...) La direction des jets secondaires est conditionnée par la géométrie de la paroi d'échappement et des ouvertures" (même pièce, paragraphes 28 et 29). 36. Il décrit aux paragraphes 30, 31, 34 et 38 différentes géométries des cloches représentées aux figures 3, 4, 5 et 6, toutes dotées de trous d'évacuation situés à distance du bord libre, dont "la paroi d'échappement et les trous de passage des jets secondaires sont conçus de sorte que les jets secondaires sont évacués à partir du volume intérieur de la cloche, avec une distance entre le bord libre et les trous d'échappement supérieure à 2 cm" (même pièce, paragraphe 39). 37. Selon l'invention, "de cette manière, les plantes voisines de la mauvaise herbe à détruire ne risquent pas d'être détériorées" (même pièce, paragraphe 34) et "une légère surpression est créée dans le volume intérieur de la cloche, ce qui favorise la destruction de la mauvaise herbe sans surchauffer la résistance chauffante" (même pièce, paragraphe 36). 38. Ces exposés, associés aux figures 2 à 6 du brevet, mettent la personne du métier en mesure de comprendre les effets techniques de la présence des trous à distance du bord libre de la cloche et la nécessité que cette distance soit au moins de 2 cm pour les obtenir. 39. Ainsi, la critique de la SAS Reder selon laquelle la revendication 1 du brevet EP162 est dépourvue d'activité inventive faute d'explication technique à la raison de l'écartement des trous de plus de 2 cm du bord libre, est infondée. 40. S'agissant du défaut d'activité inventive au regard de l'art antérieur, le document US589A décrit un appareil portable à vapeur pour tuer les mauvaises herbes (selon la traduction du tribunal de "portable steam weed killing apparatus", pièce Reder no4). Le fascicule décrit, notamment, un couvercle à mauvaises herbes de forme conique, semblable à une cloche selon les figures 5 et 6, doté d'une pluralité d'ouvertures d'échappement qui permettent à l'air frais de s'échapper du couvercle à mauvaises herbes lorsque le couvercle à mauvaises herbes est placé étroitement sur le sol et que la vapeur est délivrée au couvercle à mauvaises herbes (traduction de "formed along the lower edge of the weed cover are a plurality of exhaust openings which allow cool air to escape from the weed cover when the weed cover is placed closely on the ground and steam is delivered to the weed cover", même pièce). 41. Le document GB988A propose un appareil et une méthode pour contrôler la croissance et la propagation de la végétation ("apparatus and method to control the growth and spread of plant vegetation", pièce Reder no2), à l'aide d'un flux d'air chaud et dont l'embout peut être doté d'une gamme de têtes d'application, en particulier un rateau, schématisé en figure 3. Le fonctionnement des têtes mécaniques consisterait à agiter, déloger et exposer les mauvaises herbes pour améliorer la capacité létale de désherbage du procédé à air chaud ("the operation of the mechanical heads would be to agitate, dislodge and expose weeds to improve the lethal weeding capability of the air process", même pièce). Les différents accessoires de tête peuvent être utilisés pour diriger, concentrer ou disperser l'air chaud, agir comme un bouclier pour protéger les plantes voisines ("the various head attachments may be used to direct, concentrate or disperse the hot air, act as a shield to protect neighbouring plants", même pièce). L'utilisation des têtes d'application peut permettre à l'air chaud d'être concentré, diffusé, dirigé ou étalé sur les mauvaises herbes, permettre la protection d'autres végétaux ("the use of the application heads may allow hot air to be focused, diffused, directed or spread over the weeds, allow protection to other vegetation", même pièce). Une autre tête d'application conçue peut comprendre une ouverture inclinée pour diriger l'air chaud à un angle donné (non représenté) ("a further designed application head may include an angled outlet to direct the hot air at a given angle (not shown)", même pièce). 42. Le document WO363 divulgue un dispositif de destruction de végétaux ("plant killing device", pièce Reder no3), fonctionnant à l'air chaud. Le fascicule de ce document indique que pour aider à empêcher des dommages accidentels aux plantes poussant à proximité de celles à tuer, il peut être prévu un écran pour s'adapter autour ou adjacent à la buse du dispositif pour restreindre la zone à laquelle l'air chauffé émis est appliqué ("to help prevent accidental damage to plants growing near to those to be killed, there may be provided a shield for fitting around or adjacent the nozzle of the device to restrict the area to which the emitted heated air is applied", même pièce). La conception de cet écran est illustrée aux figures 4 et 5, proposant une cloche cylindrique (même pièce). 43. Il ressort de l'ensemble que les appareils de désherbage de l'art antérieur proposent, à tout le moins, un appareil manuel et localisé comprenant un générateur thermique fixé à une canne, le générateur thermique comprenant un ventilateur et une résistance chauffante et projetant un jet d'air chaud dans un volume intérieur d'une cloche pourvue d'un bord libre pour l'appui de l'appareil sur le sol. 44. Dès lors que le document US589A divulgue une cloche dotée d'une pluralité d'ouvertures d'échappement qui permettent à l'air frais de s'échapper du couvercle à mauvaises herbes, la personne du métier, confrontée au problème technique de l'évacuation de l'air chaud généré par l'appareil, est conduit à concevoir au moins un trou d'évacuation sur le bord libre de la cloche, ses connaissances générales et les enseignements du document GB988A lui permettant de substituer l'air chaud à l'air frais. 45. Il résulte, de ce fait, de la combinaison des trois documents précédents que la personne du métier, confrontée au problème technique de l'évacuation de l'air chaud d'un appareil de désherbage, est conduit à pourvoir la cloche servant à la protection de la végétation avoisinante d'au moins un trou d'évacuation d'un jet d'air à partir du volume intérieur de la cloche. 46. En revanche, aucun de ces documents de l'art antérieur ne divulgue de trou écarté du bord libre de la cloche servant à la protection de la végétation avoisinante d'une distance supérieure à 2 cm de ce bord libre. 47. Si la SAS Reder affirme que la personne du métier "sait, à partir de ses connaissances générales élémentaires, que si les orifices d'évacuation de l'air chaud sont positionnés sur le bord libre de l'embout de l'appareil, l'air chaud va mécaniquement venir au contact des plantes avoisinantes et risquer de les endommager" (ses conclusions page 17), elle n'explique en rien comment, au moyen de ses connaissances générales ou à l'aide des trois documents précédents, cette personne serait incitée de manière évidente ou implicite à positionner les orifices d'évacuation à distance de l'extrémité du bord libre de la cloche. 48. L'opération de déduction qu'elle décrit pour parvenir à ce résultat consiste, au contraire, dans l'activité inventive de la personne du métier confrontée au problème technique de l'évacuation de l'air chaud d'un appareil de désherbage en vue d'épargner les plantes avoisinantes et la surchauffe du générateur d'air chaud. 49. S'agissant du document US231, il décrit une buse pour souffleur de pelouse et jardin ("nozzle for lawn and garden blower", pièce Reder no1), dont l'objet est de permettre plusieurs canaux de passage d'écoulement d'air dans différentes directions à partir d'un souffleur d'air à gaz ou électrique, de pelouse ("an output nozzle for allowing plural air flow passage channels in different directions from a gas/electric yard/lawn air blower", même pièce). L'invention relève du domaine technique des appareils électriques ou à gaz, destinés à diriger le flux d'air afin de permettre aux débris tels que les feuilles, l'herbe, la saleté et les déchets d'être déplacés vers le haut et au-dessus d'obstacles tel que les bordures de pelouse ("this invention relates to gas and electric powered lawn and garden blowers (...) for directing airflow to allow debris such as leaves, grass, dirt and trash to be moved upward and over obstacles such as lawn edges and curbs", même pièce). 50. Il ressort de l'objet de cette invention que la personne du métier du brevet EP162 n'est pas incitée à consulter les enseignements du document US231 qui se trouve en dehors de son champ de spécialité. 51. À supposer que la personne du métier consulte ce document, il serait incité, tout au plus, à concevoir une seconde buse fixée à la première buse ayant une seconde extrémité d'échappement pour faire passer une seconde partie du flux d'air dans une seconde direction à l'extérieur de la seconde extrémité d'échappement ("a preferred embodiment of the nozzle invention includes the combination of a gas or electric motor for moving an airflow, a first longitudinal nozzle having an exhaust end for passing a first portion of the airflow in a first direction outside the exhaust end, and a second nozzle attached to the first nozzle having a second exhaust end for passing a second portion of the airflow in a second direction outside the second exhaust end", pièce Reder no1), cette deuxième buse pouvant être située à peu près à cinq pouces de l'extrémité de la buse principale ("the second nozzle can be located approximately 5 inches in front of main nozzle end", même pièce), dans l'objectif de répondre au problème technique des turbulences indésirables qui provoquent le refoulement des débris vers l'utilisateur ("an undesirable turbulence forms which causes the debris to blow back towards the user", même pièce). 52. Le problème technique résolu par l'invention du document US231 étant distinct de celui proposé par l'invention du brevet EP162, les enseignements du document US231 ne permettaient pas à la personne du métier d'apporter au problème résolu par l'invention du brevet EP162 la même solution que celle apportée par le document US231 avec l'évidence requise. 53. Ainsi, la SAS Reder échoue à démontrer que la revendication 1 du brevet EP162 est dépourvue d'activité inventive. 54. Les revendications 9 et 10 de ce brevet, qui décrivent des procédés de mise en oeuvre de sa revendication 1, ne sont pas plus dépourvues d'activité inventive (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 27 janvier 2021, no18-17.053 : la validité d'une revendication principale entraîne celle des revendications placées sous sa dépendance). 55. En conséquence, la demande de la SAS Reder de prononcer la nullité des revendications 1, 9 et 10 du brevet EP162 pour défaut d'activité inventive sera rejetée. IV - Sur la contrefaçon du brevet EP162 Moyens des parties 56. Les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries soutiennent que les appareils Thermo Kill et Thermo Green électrique équipés de l'embout en forme de buse ou sifflet de la défenderesse constituent des contrefaçons des revendications 1, 9 et 10 de son brevet EP152, compte tenu qu'ils en reproduisent l'intégralité des caractéristiques. Elles considèrent qu'il importe peu, au regard de la matérialité de la contrefaçon, que ces appareils dotés de ces embouts soient présentés comme des allume-barbecues non destinés au désherbage, dès lors que rien n'exclut qu'ils puissent être utilisés conformément à leur fonction principale de désherbeurs. Elles tiennent pour inopérante la prétendue circonstance selon laquelle la buse litigieuse provoquerait une dissémination, non une canalisation, de l'air, dès lors que l'air chaud projeté par le ventilateur l'est dans le volume interne de la buse. Elles assurent que rien ne permet d'affirmer que la forme de la buse litigieuse ne constitue pas une cloche au sens de la revendication 1 de son brevet, dont elle présente toute les caractéristiques couvertes par sa revendication 1. Elles estiment que la buse ligieuse peut être utilisée dans une fonction de désherbage, que dès lors c'est nécessairement par les différents trous de cette buse que l'air arrivé au niveau du sol sera évacué et que, cette buse présentant des trous situés à une distance supérieure à 2 cm de son bord libre, la circonstance qu'ils ne le soient pas tous n'est pas de nature à faire disparaître la contrefaçon. Elles avancent que la contrefaçon des revendications 9 et 10 de son brevet EP162 résulte des mêmes constats, arguments et moyens que ceux présidant à la contrefaçon de sa revendication 1. 57. La SAS Reder oppose qu'aucun des appareils Thermo Kill ou Thermo Green qu'elle commercialise ne sont des contrefaçons du brevet EP162, dans la mesure où la buse ou sifflet fixé à l'embout n'est pas assimilable à une cloche, dont ni la structure, ni la fonction, ne sont définis dans le fascicule du brevet EP162, et où cet embout n'a pas la même structure, ni la même fonction que celles que l'on peut déduire, selon elle, du brevet EP162. Elle déduit de la figure 2 du brevet EP162 que la cloche dispose d'une section intérieure et d'une sortie nettement supérieure à celle de la bouche du générateur thermique et qu'elle a pour fonction de transformer un jet d'air chaud de faible section en jet d'une section de plus grande valeur pour couvrir une aire de plantes à détruire plus importante que l'aire couverte par la sortie du tube de l'appareil. Elle expose que l'embout en forme de buse ou sifflet dont la fonction est de servir de briquet ou d'allume-barbecue, ne permet pas la projection d'un jet d'air chaud, ses nombreux trous provoquant une dissémination de l'air et un amoidrissement de sa canalisation ; qu'il ne comprend pas de cloche, étant plat ; qu'il n'en constitue pas une, car l'entrée de l'embout a une section plus grande que sa sortie d'éjection ; que ses nombreux trous ont pour objet de produire un effet de ventilation, au contraire du positionnement des orifices de la cloche du brevet EP162 dont l'objet est d'évacuer le surplus d'air chaud pour éviter une surchauffe de l'appareil et d'atteindre les herbes avoisinantes. Elle en conclut que cet embout litigieux n'a ni la même structure, ni la même fonction que la cloche selon le brevet EP162, la protection conférée par ce brevet ne pouvant pas s'étendre aux résultats recherchés ou allégués par les demanderesses, en sorte que, selon elle, aucune des revendications 1, 9 et 10 de ce brevet ne sont reproduites par les appareils qu'elle commercialise. Réponse du tribunal 58. L'article L.613-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet :a) La fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ;b) L'utilisation d'un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l'offre de son utilisation sur le territoire français ;c) L'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet. 59. Conformément à l'article L.615-1 du même code, toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles L.613-3 à L.613-6, constitue une contrefaçon.La contrefaçon engage la responsabilité civile de son auteur.Toutefois, l'offre, la mise sur le marché, l'utilisation, la détention en vue de l'utilisation ou la mise sur le marché d'un produit contrefaisant, lorsque ces faits sont commis par une autre personne que le fabricant du produit contrefaisant, n'engagent la responsabilité de leur auteur que si les faits ont été commis en connaissance de cause. 60. Lorsqu'une forme particulière est indissociable de la combinaison caractérisant l'invention, la contrefaçon n'est établie que si cette forme est également reproduite (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 7 février 1995, no93-13.005). 61. Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. 62. En l'occurrence, les Hozelock Exel et Exel Industries versent aux débats différentes pièces permettant d'établir que la SAS Reder offre à la vente les produits Thermo Kill, Thermo Green Électrique 3 en 1 Easymaxx, Thermo Green Électrique et Thermo Green Électrique 4 en 1, sous les références 0252948, 0249164 et 0238008 (ses pièces 26a, 27a et 28a), ce que la SAS Reder ne conteste pas. 63. Selon les modes d'emploi de ces appareils, ils peuvent avoir pour fonctions de désherber ou d'allumer du charbon de bois (pièces Hozelock et Exel no28b) ou encore d'enlever le vernis ou les autocollants (pièces Hozelock et Exel no26b, 27b). Les trois appareils sont livrés avec deux buses ou embouts, destinés, selon les mêmes modes d'emploi, l'un au désherbage, en forme de cloche, l'autre, de forme tubulaire aux autres fonctions (mêmes pièces). Seuls les appareils dotés de l'embout tubulaire sont argués de contrefaçon. 64. Or, selon la revendication 1 du brevet EP162, l'invention est caractérisée, notamment, par la projection "d'un jet d'air chaud dans un volume intérieur d'une cloche", cette cloche étant "pourvue d'au moins un trou d'évacuation d'un jet d'air à partir du volume intérieur de la cloche et en ce que le trou est écarté du bord libre d'une distance supérieure à 2 cm". 65. L'embout de forme tubulaire des appareils argués de contrefaçon ne saurait être assimilé à une cloche, compte tenu de sa forme : cet embout est d'une section plus étroite à son extrémité de sortie de l'air chaud qu'à celle destinée à être fixée au générateur d'air chaud (pièces Hozelock et Exel 26a à 28b). Par définition, à l'inverse, une cloche a une forme évasée. 66. De plus, la cloche de l'invention est "prévue pour recouvrir une plante à détruire", ou placée "par-dessus une mauvaise herbe [à] détruire (...) La mauvaise herbe [étant] alors confinée dans le volume intérieur de la cloche", selon la description du brevet EP162 (pièce Hozelock et Exel no6, paragraphes 14 et 28). À l'inverse, l'embout argué de contrefaçon, compte tenu de sa forme, est inapte à recouvrir une plante à détruire ou à la confiner dans son volume intérieur. Sa fonction technique est distincte. 67. De même, le au moins un trou de la cloche de l'invention est écarté de son bord libre d'une distance supérieure à 2 cm afin de préserver les plantes voisines de celles à détruire et d'éviter une surchauffe de la résistance chauffante (même pièce, paragraphes 34 et 36). L'embout litigieux est doté d'une série de trous sur l'une de ses faces, allant en continu du bord libre au tronc conique destiné à être fixé au générateur d'air chaud (pièces Hozelock et Exel 26a à 28b). De ce fait, si certains des trous peuvent être situés à plus de 2 cm du bord libre de l'embout, d'autres sont situés à proximité de ce bord libre. Alors, à supposer que les appareils argués de contrefaçon soient utilisés avec l'embout litigieux pour désherber, l'air chaud produit par le générateur va se diffuser à l'ensemble des trous, affectant indistinctement les plantes à détruire et les plantes avoisinantes. L'embout litigieux est donc inapte à préserver les plantes voisines de celles à détruire. 68. Enfin, si la SAS Reder ne conteste pas que certains des trous de l'embout litigieux peuvent être situés à plus de 2 cm de son bord libre, il sera relevé que les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries l'affirment sans l'établir par aucune pièce, les photographies et constats produits ne comportant aucune mesure. 69. Il résulte de l'ensemble que les appareils munis de l'embout litigieux, argués de contrefaçon, ne reproduisent pas l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 du brevet EP162 et ne parviennent pas à obtenir le même résultat technique. 70. Faute de reproduction de cette revendication 1, la reproduction des revendications 9 et 10 du brevet EP162, qui en sont des procédés de mise en oeuvre, ne sont pas plus établies. La contrefaçon alléguée n'est, en conséquence, pas démontrée. 71. Les demandes des sociétés Hozelock Exel et Exel Industries fondées sur la contrefaçon des revendications 1, 9 et 10 de son brevet EP162 seront, en conséquence, rejetées. V - Sur le parasitisme Moyens des parties 72. Les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries reprochent à la défenderesse d'avoir commercialisé des appareils de désherbage thermique à compter de 2018 copiés de leurs produits en se dispensant de tous frais de communication et de promotion, en profitant du succès commercial remporté par leurs propres appareils, en usant des mêmes arguments, termes et expressions que ceux qu'elles ont adoptés et en choisissant une dénomination proche de celle qu'elles ont retenue. 73. La SAS Reder oppose que les demanderesses ne caractérisent aucun fait distinct de la contrefaçon qu'elles allèguent, non plus que la notoriété de leurs produits. Elle considère que l'emploi qu'elle fait de termes usuels et du langage courant pour désigner ses produits n'est pas constitutif de parasitisme. Réponse du tribunal 74. Aux termes des articles 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 75. Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 10 juillet 2018, no16-23.694). 76. Au cas présent, la seule circonstance que la SAS Reder emploie une dénomination proche, Thermo Green électrique, de celle adoptée par les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries, Green Power, ou qu'elle adopte des termes identiques ou synonymes, tels que efficace, écologique, sûr ou performant, pour commercialiser des appareils ayant des fonctions similaires, est insuffisant à caractériser le parasitisme allégué. 77. Surtout, la demanderesse ne démontre par aucune pièce que sa dénomination Green Power a acquis une valeur économique individualisée dont la défenderesse chercherait à profiter en utilisant une dénomination proche. 78. Les demandes des sociétés Hozelock Exel et Exel Industries fondées sur le parasitisme seront, en conséquence, rejetées. VI - Sur les dispositions finales VI.1 - S'agissant des dépens 79. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 80. Les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries, parties perdantes, seront condamnées aux dépens. VI.2 - S'agissant des frais irrépétibles 81. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 82. Les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries, parties tenues aux dépens, seront condamnées à payer 30 000 euros à ce titre à la SAS Reder. VI.3 - S'agissant de l'exécution provisoire 83. En application des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée. 84. En l'espèce, l'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, n'a pas à être écartée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande des sociétés Hozelock Exel et Exel Industries tendant à déclarer la SAS Reder irrecevable à soulever une fin de non-recevoir à l'encontre des demandes de la société Hozelock Exel ; Déboute la SAS Reder de sa demande en nullité des revendications 1, 9 et 10 du brevet européen EP 2540162 pour défaut d'activité inventive; Déboute les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries de l'ensemble de leurs demandes fondées sur la contrefaçon du brevet européen EP 2540162 et sur le parasitisme ; Condamne les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries aux dépens; Condamne les sociétés Hozelock Exel et Exel Industries à payer 30 000 euros à la SAS Reder en application de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 22 novembre 2023 La greffière Le président | x |
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JURITEXT000049130315 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/49/13/03/JURITEXT000049130315.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 20 décembre 2023, 18/14422 | 2023-12-20 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 18/14422 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 18/14422 - No Portalis 352J-W-B7C-COOKP No MINUTE : Assignation du :10 décembre 2018 et 07 et 22 août 2019 JUGEMENT rendu le 20 décembre 2023 DEMANDERESSES S.A.S. MARS WRIGLEY CONFECTIONERY FRANCE[Adresse 1][Adresse 1] Société MARS INCORPORATED[Adresse 2][Adresse 2] (ETATS-UNIS D'AMERIQUE) représentées par Maître Alain CLERY de la SELARL CLERY DEVERNAY, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D0070 Société MARQUES intervenante volontaire[Adresse 4][Adresse 4] (ROYAUME-UNI) représentée par Maître Pierre LUBET de la SELARL ALTANA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0021 DÉFENDERESSES Société PIASTEN GMBH[Adresse 3][Adresse 3] (ALLEMAGNE) représentée par Maître Anne-Charlotte LE BIHAN de l'AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0255 S.A.S. LUTTI[Adresse 5][Adresse 5][Adresse 5] représentée par Maître Jean-Mathieu BERTHO de l'AARPI JACOBACCI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0260 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointAnne BOUTRON, vice-présidenteLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DEBATS A l'audience du 14 juin 2023 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2023 puis prorogé au 20 décembre 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société de droit des États-Unis d'Amérique Mars Incorporated (ci-après la société Mars Inc.), créée en 1911, est la société mère du groupe agroalimentaire Mars (ci-après le groupe Mars) dont la société par actions simplifiée Mars Wrigley Confectionery France (ci-après la SAS Mars France) est une filiale. Cette dernière vient aux droits de la société Mars Alimentaire et était titulaire de diverses marques "Treets". 2. La société de droit allemand Piasten GmbH (ci-après la société Piasten), fondée en 1923, est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de confiseries. 3. La SAS Lutti, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lille, est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de confiseries. 4. En 1986 le groupe Mars a remplacé la marque "Treets" par la marque "M&M's" pour désigner ses cacahuètes enrobées de chocolat et de sucre vendues en sachets. En 2017, la société Piasten a sollicité des sociétés Mars le retrait de diverses marques "Treets" en France et dans d'autres pays, ce que la SAS Mars France a opéré pour les marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883. Les renonciations totales de la SAS Mars France à ces marques ont été inscrites au registre national des marques le 2 novembre 2017 sous les no0710801 et 0710802 et publiées le 1er décembre 2017. 5. La société Piasten a procédé au dépôt, notamment, des marques suivantes :- la marque verbale internationale "Treets" no1368068, le 17 août 2017 sous priorité de la maque allemande no302017005087 du 28 février 2017, désignant notamment la France et l'Union européenne pour désigner notamment en classe 30 des friandises, confiseries à base d'arachides, pastilles, confiseries, confiseries au chocolat, bonbons enrobés de sucre, fruits à coque enrobés, amandes enrobées et chocolats enrobés- la marque semi-figurative internationale "Treets the peanut company" no1413533, le 19 avril 2018 sous priorité de la marque allemande no302018000667 du 16 janvier 2018, désignant notamment la France et l'Union européenne, pour désigner en classe 30 les friandises, confiseries à base d'arachides, confiseries, confiseries au chocolat, bonbons enrobés de sucre, fruits à coque enrobés, amandes enrobées et chocolats enrobés : - la marque verbale internationale "Treets" no1448836, le 1er octobre 2018 sous priorité de la marque allemande no302018012419 du 17 mai 2018, désignant notamment la France et l'Union européenne, pour désigner en classe 29 des mélanges contenant de la graisse pour tartine et des fruits à coques transformés et en classe 30 des pâtes à tartiner sucrées pour autant qu'elles soient comprises dans cette classe, en particulier pâtes à tartiner au chocolat contenant des fruits à coque, pâtes à tartiner à base de chocolat et crèmes au chocolat- la marque semi-figurative internationale "Treets" no1498477, le 15 mai 2019 sous priorité de la marque allemande no302018028671 du 30 novembre 2018, désignant notamment la France et l'Union européenne, pour désigner en classe 29 des mélanges à tartiner contenant des matières grasses et des fruits à coques transformés, en classe 30 des friandises sucreries, dragées enrobées de chocolat, fruits à coque enrobés, amandes enrobées, chocolats enrobés, pâtes à tartiner sucrées et en classe 35 des services de vente au détail en lien avec des produits alimentaires : 6. La société Piasten a commercialisé, à compter de janvier 2018 divers produits, dont des cacahuètes enrobées de chocolat et de sucre, faisant partie de la catégorie des turbinés, sous ses marques "Treets", le lancement en France ayant eu lieu par l'intermédiaire de la SAS Lutti en juin 2018. 7. À cette occasion, un article de l'hebdomadaire Le Journal du Dimanche publié le 24 juin 2018 a mentionné la relance d'un bonbon mythique et le grand retour des "Treets". 8. Estimant que le dépôt de ces marques par la société Piasten a été opéré en fraude et que la commercialisation en France par la SAS Lutti des produits vendus sous les marques "Treets" a porté atteinte à leurs droits, en particulier en raison de la copie servile des emballages du produit originel, la société Mars Inc. les a mises en demeure d'en cesser l'usage par courrier des 5 et 21 novembre 2018. 9. Assurant que les affirmations parues dans l'article du Journal du Dimanche et repris par d'autres médias a résulté d'une approximation des journalistes, la SAS Lutti a proposé la diffusion d'un communiqué de presse rectificatif par courrier du 24 juillet 2018. 10. Saisi par la SAS Mars France, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, par ordonnance du 13 ou 21 décembre 2018 a rejeté les demandes d'interdiction de poursuivre l'exploitation de tout produit de confiserie à base de cacahuètes enrobées de chocolat sous la dénomination "Treets" fondées sur le parasitisme. 11. Par acte d'huissier du 10 décembre 2018, la société Mars Inc. a fait assigner la société Piasten devant ce tribunal en dépôt frauduleux de marques. 12. Par actes d'huissier des 7 et 22 août 2019, la SAS Mars France, a fait assigner les sociétés Piasten et Lutti devant ce tribunal en dépôt frauduleux des mêmes marques. Cette affaire, enregistrée sous le numéro RG 19/9767, a été jointe le 10 septembre 2019 à la précédente, initialement enregistrée sous le numéro RG 18/14422, par le juge de la mise en état. 13. Saisi par conclusions d'incident du 28 mars 2019 de la société Piasten, le juge de la mise en état, par ordonnance du 31 janvier 2020 rectifiée le 19 juin 2020, a :- rejeté l'exception de nullité de l'assignation du 22 août 2019 délivrée par la SAS Mars France- déclaré le tribunal de Paris incompétent pour connaître de l'action en revendication de la partie française de la marque internationale "Treets" no1368068 et ses demandes accessoires (communication d'un état comptable, paiement provisionnel de 100 000 euros et transfert de propriété) et renvoyé les sociétés Mars à mieux se pourvoir, sur ces prétentions- rejeté l'exception d'incompétence du tribunal de Paris au profit de la cour d'appel de Colmar pour connaître de l'annulation des renonciations des marques françaises no1296438 et no93498883- ordonné le sursis à statuer sur la demande subsidiaire en annulation de la marque verbale internationale no1368068, dans l'attente d'une décision définitive et irrévocable des juridictions allemandes sur les demandes principales en revendication de la partie française de cette même marque- dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer sur l'annulation de la partie française de la marque semi-figurative internationale no1413533 et sur l'annulation des renonciations de la SAS Mars France aux marques verbales françaises no1296438 et no93498883, dans l'attente de la décision allemande sur l'action en revendication de la partie française de la marque verbale internationale "Treets" no1368068- ordonné le renvoi de l'affaire à la mise en état- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et que les parties supporteront les dépens de l'incident. 14. Saisi par conclusions de la société Piasten du 15 juin 2020, le juge de la mise en état, par ordonnance du 4 décembre 2020, a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Paris, sur les recours formés par les sociétés Piasten et Lutti contre l'ordonnance du 31 janvier 2020 rectifiée, ordonné le renvoi à la mise en état et réservé les dépens. 15. Par arrêt du 19 mars 2021, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance rectifiée, condamné les sociétés Piasten et Lutti à payer 25 000 euros aux sociétés Mars au titre des frais irrépétibles d'appel et aux dépens d'appel. 16. Par conclusions notifiées le 19 mai 2022, la société de droit anglais Marques est intervenue volontairement à l'instance au soutien des demanderesses. 17. L'instruction a été close par ordonnance du 29 septembre 2022 du juge de la mise en état et l'affaire fixée à l'audience du 14 juin 2023 pour être plaidée. PRÉTENTIONS DES PARTIES 18. Dans leurs dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 28 juillet 2022, les sociétés Mars Inc. et Mars France ont demandé au tribunal de :- constater que les sociétés Piasten et Lutti ont renoncé à leur revendication de la partie française de la marque "Treets" no1368068, de sorte que le sursis à statuer prononcé dans l'attente d'une décision sur cette demande n'a plus lieu d'être, et en tant que de besoin le révoquer- dire et juger de mauvaise foi les dépôts des marques internationales "Treets" no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 effectués par la société Piasten et annuler la partie française de ces marques- annuler les renonciations no710801 et 710802 publiées au bulletin officiel de la propriété industrielle 2017-48 de la SAS Mars France et ordonner le rétablissement subséquent des marques "Treets fond dans la bouche et pas dans la main" no1296428 et "Treets" no93498883- dire que mention de ces annulations et restitutions seront notifiées à l'INPI pour inscription au registre national des marques, à la requête de la partie la plus diligente- faire interdiction aux sociétés Piasten et Lutti :> de tout usage du terme "Treets" pour désigner et distribuer des confiseries à base de cacahuètes et de chocolat (et notamment constituées de cacahuètes enrobées de chocolat)> de tout usage d'emballages dont les codes visuels reprennent celui des bonbons "Treets" du groupe Mars> de mentionner une éventuelle relance des bonbons "Treets" ou de toute référence aux anciens bonbons "Treets" du groupe Mars ou d'une identité de recette, et de laisser les tiers faire usage de telles mentions ou références> d'évoquer un quelconque accord avec le groupe Mars et de laisser les tiers faire état d'un tel accord> sous astreinte de 50 euros par infraction commise pour les deux premières interdictions et de 10 000 euros pour les deux dernières, à compter du huitième jour après la signification du jugement- faire interdiction aux sociétés Lutti et Piasten :> de faire référence, directement ou indirectement, de quelque façon et à quelque titre que ce soit, aux produits anciennement commercialisés par la SAS Mars France sous la marque "Treets", sous astreinte de 1500 euros par infraction commise> de poursuivre l'exploitation en France de l'emballage des produits "Treets" litigieux, à l'exception de la couleur orange, sous astreinte de 15 euros par infraction commise- ordonner le rappel et le retrait du marché français de tous les produits "Treets" commercialisés par la société Lutti depuis le mois de juin 2018 et jusqu'au jour du jugement à intervenir, aux frais de cette dernière, dans les 30 jours de la signification dudit jugement, sous astreinte de 25 000 euros par jour de retard passé ledit délai, et dont il devra être justifié aux sociétés Mars dans les 60 jours de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 25 000 euros par jour de retard passé ce délai- dire et juger que les sociétés Piasten et Lutti se sont en outre rendues coupables de concurrence déloyale et parasitisme connexes au préjudice des sociétés Mars- ordonner aux sociétés Piasten et Lutti, en application des dispositions de l'article 142 du code de procédure civile, de produire un état comptable certifié des quantités de sachets de bonbons "Treets" vendus en France et des chiffres d'affaires afférents, jusqu'au prononcé du jugement à intervenir, afin de pouvoir chiffrer son préjudice en toute connaissance de cause, dans les quinze jours de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard- condamner in solidum les sociétés Piasten et Lutti à payer 5 000 000 euros à chacune des société Mars en réparation du préjudice causé par leurs agissements frauduleux- ordonner la publication du jugement à intervenir, par extraits, dans 15 journaux au choix des sociétés Mars et aux frais in solidum des sociétés Piasten et Lutti dans la limite de 10 000 euros HT par insertion- ordonner à la société Lutti de publier un extrait du dispositif du jugement à intervenir dans toute la hauteur et toute la largeur d'un bandeau occupant le premier quart supérieur de la page d'accueil de son site internet <lutti.com>, en lettres blanches sur fond rouge, de façon ininterrompue pendant 30 jours consécutifs, à compter du huitième jour de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la signification du jugement à intervenir, et qui pourrait être rédigé comme suit : "par jugement du tribunal de grande instance de Paris du [---], la société Lutti a été condamnée à cesser l'exploitation de la marque "Treets", à la demande de la SAS Mars France et à indemniser ladite société au titre de son exploitation litigieuse et désormais interdite de ladite marque"- se réserver la liquidation des astreintes- dire et juger irrecevables et mal fondées les sociétés Lutti et Piasten en leurs demande reconventionnelles en déchéance de marque et les débouter de toutes leurs demandes à toutes fins qu'elles comportent- condamner in solidum les sociétés Piasten et Lutti à payer aux sociétés Mars 150 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris les divers frais de constas et de traductions, dont distraction au profit de la société Cléry Devernay en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile- ordonner l'exécution provisoire du jugement nonobstant appel et sans constitution de garantie. 19. Selon ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 juillet 2022, la société Marques a demandé au tribunal de :- recevoir la constitution de son avocat- la recevoir en son intervention volontaire accessoire à l'appui des prétentions des sociétés du groupe Mars, en ce qu'elles demandent la nullité des dépôts de marques "Treets" réalisées par la société Piasten et l'interdiction d'usage du nom "Treets" par les sociétés Piasten et Lutti dans les conditions querellées- prendre acte des observations issues de cette intervention et en tenir compte pour l'établissement du jugement. 20. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 septembre 2022, la société Piasten a demandé au tribunal de :- déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la société Marques dans la présente instance à l'appui des prétentions des sociétés Mars en ce qu'elles demandent la nullité des dépôts de marques "Treets" par la société Piasten et l'interdiction de l'usage du nom "Treets" par les sociétés Piasten et Lutti- à titre subsidiaire, juger les observations de la société Marques infondées- déclarer irrecevable la demande des sociétés Mars de révocation du sursis à statuer sur la demande en nullité de la partie française de la marque internationale "Treets" no1368068- à titre subsidiaire, la juger infondée- déclarer irrecevable la demande principale des sociétés Mars en nullité de la partie française de la marque internationale "Treets" no1368068- à titre subsidiaire, juger que la partie française de la marque internationale "Treets" no1368068 n'a pas été déposée en fraude des droits des sociétés Mars et n'est ni déceptive ni trompeuse et débouter les sociétés Mars de leur demande en nullité de la partie française de cette marque- déclarer irrecevable les demandes additionnelles des sociétés Mars en nullité de la partie française des marques internationales verbale "Treets" no1448836 et semi-figurative "Treets" no1498477- à titre subsidiaire, juger que les marques internationales no1448836 et no1498477 n'ont pas été déposées en fraude des droits des sociétés Mars et ne sont ni déceptives, ni trompeuses et débouter les sociétés Mars de leur demande en nullité de la partie française de ces marques- juger que la partie française de la marque internationale semi-figurative "Treets" no1413533 n'a pas été déposée en fraude des droits des sociétés Mars et n'est ni déceptive ni trompeuse et débouter les sociétés Mars de leur demande en nullité de la partie française de cette marque- déclarer irrecevable la demande des sociétés Mars en rétablissement des marques françaises "Treets" no126438 et no93498883- juger qu'elle n'a commis aucun dol et débouter la SAS Mars France de sa demande d'annulation de ses renonciations à ses marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883- déclarer irrecevables les demandes en concurrence déloyale, pratique commerciale trompeuse et parasitisme de la société Mars Inc. à son encontre et juger qu'elle n'a pas commis d'acte de concurrence déloyale, de pratique commerciale trompeuse et de parasitisme- à titre reconventionnel et subsidiaire, dans le cas où le tribunal ferait droit à la demande d'annulation des renonciations de la SAS Mars France aux marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883, prononcer la déchéance de la SAS Mars France des marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 à compter du 28 décembre 1996 et "Treets" no93498883 à compter du 15 juillet 1999 pour défaut d'usage sérieux pendant plus de cinq ans- dire que que la partie la plus diligente devra porter à la connaissance de l'INPI la décision devenue définitive pour inscription de la déchéance prononcée au registre national des marques- débouter les sociétés Mars de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions- à titre subsidiaire, ramener le montant des dommages et intérêts et de la provision sollicités par les sociétés Mars à de plus justes proportions- dire n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire- à titre reconventionnel, condamner les sociétés Mars à lui payer 200 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive et à payer 10 000 euros d'amende civile pour procédure abusive- en tout état de cause, condamner solidairement les sociétés Mars à lui payer 240 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. 21. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 septembre 2022, la SAS Lutti a demandé au tribunal de :- déclarer la société Marques irrecevable à agir, faute de qualité et d'intérêt à intervenir à l'instance à l'appui des prétentions des sociétés Mars- déclarer les sociétés Mars irrecevables en leur demande de révocation du sursis à statuer sur la demande de nullité de la partie française de la marque internationale "Treets" no1368068- déclarer les sociétés Mars irrecevables en leurs demandes contre elle concernant les prétendus agissements frauduleux liés au dépôt des marques de la société Piasten- rejeter en conséquence toutes les demandes formées par les sociétés Mars à ce titre à son égard,- déclarer la société Mars Inc. irrecevable en toutes ses demandes à son égard en particulier la demande indemnitaire de 5 000 000 euros en réparation du préjudice tiré de ses agissements frauduleux- rejeter en conséquence toutes les demandes formées par la société Mars Inc. à son égard- déclarer irrecevable la demande de la SAS Mars France en annulation de ses renonciations no710801 et 710802, faute de pouvoir du tribunal pour annuler une renonciation à une marque française et d'en ordonner le rétablissement sur le registre des marques- à titre principal, dire qu'elle n'a commis aucun acte frauduleux, ni acte de concurrence déloyale, pratique commerciale trompeuse ou parasitisme, que la SAS Mars France n'établit aucun préjudice et débouter la SAS Mars France de toutes ses demandes- à titre subsidiaire, juger que les observations de la société Marques sont infondées- rejeter la demande de révocation du sursis à statuer sur la demande de nullité de la partie française de la marque internationale "Treets" no1368068- si, par extraordinaire, le tribunal devait rejeter la demande tendant à l'irrecevabilité de l'ensemble des demandes des sociétés Mars pour les agissements frauduleux prétendument liés au dépôt des marques de la société Piasten :> dire que le dépôt des marques internationales "Treets" no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 n'est entaché d'aucune fraude ni mauvaise foi> dire qu'elle n'a commis aucun agissement frauduleux> dire que les sociétés Mars n'établissent aucun préjudice> les débouter en conséquence de leurs demandes relatives au dépôt de mauvaise foi des marques internationales "Treets"no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 effectués par la société Piasten, de l'annulation de la partie française de ces marques, de leurs demandes en concurrence déloyale et parasitisme, en production d'un état comptable sous astreinte, en dommages-intérêts- si, par extraordinaire, le tribunal devait rejeter la demande tendant à l'irrecevabilité de la demande d'annulation des renonciations aux marques françaises no1296438 et no93498883 de la SAS Mars France et de rétablissement de ces marques :> constater que le consentement de la SAS Mars France à la renonciation à ses marques n'est entaché d'aucun vice> rejeter la demande de la SAS Mars France en annulation de ses renonciations et rétablissement de ces deux marques- à titre encore plus subsidiaire, prononcer la déchéance de la SAS Mars France des marques françaises "Treets" no93498883 à compter 15 juillet 1999 et "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 à compter du 28 décembre 1996 pour l'intégralité des produits visés à ces enregistrements et dire que la partie la plus diligente devra porter à la connaissance de l'INPI la décision devenue définitive pour inscription de la déchéance au registre national des marques- si, par extraordinaire, le tribunal devait entrer en voie de condamnation contre Lutti, rejeter les demandes indemnitaires, d'article 700 et de mesures de réparation accessoires (interdiction, publication, rappel et retrait) des sociétés Mars- à titre infiniment subsidiaire, ramener les mesures de réparation demandées par les sociétés Mars à de plus justes proportions, notamment quant au quantum de l'indemnisation sollicitée, aux modalités des mesures de réparation accessoires demandées en particulier : préciser l'objet et la durée des mesures d'interdiction demandées par les sociétés Mars (et notamment exclure les produits non débattus dans le présent litige qui porte sur des cacahuètes enrobées de chocolat), limiter le nombre de journaux pour les publications judiciaires demandées dans la presse, limiter ces publications aux titres de presse actifs dans le secteur de la consommation, limiter le coût hors taxe maximum de chaque publication, prévoir qu'une éventuelle publication sur son site internet ne devra pas excéder un certain nombre de mot et ne pas imposer cette publication dans le premier quart supérieur de la page d'accueil du site, encadrer dans le temps ces mesures de publication qui ne pourront être réalisées dans la presse après expiration d'un délai suivant le jour où la décision sera devenue définitive et avoir une durée limitée sur son site internet- à titre reconventionnel, dire que les demandes des sociétés Mars constituent un détournement de procédure abusif et les condamner à lui payer 100 000 euros à titre de dommages-intérêts et à payer 10 000 euros d'amende civile- en toute hypothèse, débouter les sociétés Mars de leur demande d'exécution provisoire, de l'ensemble de leurs demandes, moyens et prétentions- condamner in solidum les sociétés Mars à lui payer 150 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de son avocat. MOTIFS DU JUGEMENT I - Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la société Marques Moyens des parties 22. Les sociétés Piasten et Lutti soutiennent que la société Marques n'a pas d'intérêt à agir accessoirement dans ce litige, son objet social ne comprenant pas la défense en justice des intérêts de ses membres et la conservation des droits qu'elle invoque n'étant pas démontrée. 23. La société Marques, présentant son statut comme correspondant à une association à but non lucratif, affirme être recevable à agir en intervention volontaire à titre accessoire pour la défense des intérêts collectifs de ses membres lesquels ont trait au droit des marques. 24. Les sociétés Mars Inc. et Mars France assurent que l'intervention de la société Marques est à titre accessoire et non à titre principal, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'exiger une prétention qui lui soit propre. Réponse du tribunal 25. Conformément à l'article 328 du code de procédure civile, l'intervention volontaire est principale ou accessoire. 26. Selon l'article 330 du même code, l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie.Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.L'intervenant à titre accessoire peut se désister unilatéralement de son intervention. 27. Compte tenu de son objet limité, l'intervention accessoire est soumise à des conditions de recevabilité plus souples que l'intervention principale et ses effets sont moins étendus. L'intervenant volontaire doit néanmoins démontrer un intérêt pour la conservation de droits qui lui soient propres (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 21 novembre 2018, no17-21.624). 28. Au cas présent, la société Marques, dont il n'est pas débattu le caractère lucratif ou non de son but, a pour objet social selon l'article 3 de ses statuts, notamment, de : "a) former une organisation pour promouvoir les intérêts particuliers des propriétaires de marques de commerce, de marques de service, de noms commerciaux et autres en Europe.b) Protéger les intérêts du public dans toute l'Europe en matière d'utilisation des marques (...)d) Améliorer la compréhension et l'appréciation de la valeur des marques commerciales parmi les membres et les autres personnes.e) Représenter les points de vue et les intérêts des membres de l'association dans tout forum public ou privé approprié, au niveau national ou international, et, en leur nom, engager des discussions et des négociations et faire des observations et des soumissions aux autorités compétentes ou à d'autres organismes sur tout sujet affectant les intérêts des membres de l'association (...)" (pièce Marques no1). 29. Il n'est pas contesté, par ailleurs, que deux sociétés du groupe Mars, dont la société Mars Inc., sont membres de la société Marques, ce qui résulte également d'un extrait du site internet de cette denière que produisent les défenderesses (pièce Piasten no110 et Lutti no82). 30. Il en résulte que la société Marques instituée en vue, notamment, de la défense des intérêts collectifs de ses membres, présente un intérêt à agir dans la mesure où le litige, au-delà de la seule question de la validité des marques litigieuses déposées par la société Piasten et exploitées par la SAS Lutti, pose la question de la portée de la notion de renommée d'une ou plusieurs marques antérieures d'un de ses membres, la société Mars Inc. 31. L'intervention volontaire accessoire de la société Marques sera, en conséquence, déclarée recevable. II - Sur le sursis à statuer prononcé à l'égard de l'action en revendication de la partie française de la marque verbale internationale "Treets" no1368068 Moyens des parties 32. Les sociétés Piasten et Lutti tiennent pour irrecevable la demande de révocation du sursis à statuer prononcé le 31 janvier 2020 et portant sur la demande en nullité de la partie française de la marque verbale internationale "Treets" no1368068 du fait que seul le juge de la mise en état est compétent pour révoquer le sursis à statuer qu'il a ordonné, non le tribunal. 33. Elles considèrent, subsidiairement, que la révocation du sursis à statuer est infondée dans la mesure où la prétendue renonciation des demanderesses à leur revendication de la partie française de cette marque n'est pas valable, dès lors que le tribunal s'en est dessaisi, et qu'en tout état de cause, les tribunaux allemands doivent être saisis par le groupe Mars pour statuer sur la demande principale en revendication pour que sa demande subsidiaire en nullité devant le tribunal de Paris puisse être accueillie. 34. Les sociétés Mars Inc. et Mars France concluent que s'agissant d'une demande de révocation de sursis à statuer, elle peut être prononcée par le tribunal compte tenu que sa cause a disparu par l'abandon de sa demande en revendication de la partie française de la marque verbale internationale "Treets" no1368068 et qu'il ne peut pas lui être imposé de saisir le juge allemand d'une action en revendication qui n'existe pas en droit allemand. Réponse du tribunal 35. L'article 379 du code de procédure civile prévoit que le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. À l'expiration du sursis, l'instance est poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d'ordonner, s'il y a lieu, un nouveau sursis.Le juge peut, suivant les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai. 36. En l'occurrence, le juge de la mise en état, par ordonnance du 31 janvier 2020, rectifiée le 19 juin 2020 et confirmée par arrêt du 19 mars 2021 de la cour d'appel de Paris, a ordonné le sursis à statuer sur la demande subsidiaire en annulation de la marque verbale internationale "Treets" no1368068, dans l'attente d'une décision définitive et irrévocable des juridictions allemandes sur les demandes principales en revendication de la partie française de cette marque. 37. Les sociétés Mars ne présentent plus leur demande d'annulation de la partie française de la marque verbale internationale "Treets" no1368068 comme étant subsidiaire, mais principale. Elles indiquent également avoir renoncé à leur action en revendication de cette marque devant les juridictions allemandes. 38. Il s'ensuit que la cause du sursis a disparu et le tribunal ne peut que constater que l'instance est poursuivie relativement à la demande principale d'annulation de la partie française de la marque verbale internationale "Treets" no1368068 qui figure au dispositif de leurs dernières conclusions, en sorte que le tribunal en est valablement saisi. 39. Dès lors, la prétendue irrecevabilité de la demande de révocation du sursis à statuer est sans objet. III - Sur la recevabilité des demandes en nullité de la partie française des marques internationales verbale "Treets" no1448836 et semi-figurative "Treets" no1498477 Moyens des parties 40. La société Piasten estime que les demandes additionnelles des demanderesses visant les parties françaises de ses marques internationales verbale "Treets" no1448836 et semi-figurative "Treets" no1498477 sont irrecevables faute de se rattacher par un lien suffisant à leurs demandes originaires visant ses marques no1368068 et no1413533. Elle fait observer qu'à tout le moins la marque internationale no1448836 a été publiée antérieurement à l'assignation du 22 août 2019 de la SAS Mars France, de sorte que cette dernière en avait nécessairement connaissance lors de son assignation. 41. La SAS Lutti considère qu'elle est étrangère aux actes imputés par les demanderesses à la société Piasten lors des dépôts des marques litigieuses, en sorte qu'elle n'a aucune qualité à défendre à ce titre, n'étant titulaire d'aucune marque comportant l'élément verbal "Treets". 42. Les sociétés Mars Inc. et Mars France opposent que leurs demandes visant l'annulation de la partie française des marques internationales verbale "Treets" no1448836 et semi-figurative "Treets" no1498477 se rattachent à leurs prétentions originaires par un lien suffisant compte qu'elles appartiennent au même titulaire, comportent le même élément verbal, désignent des produits identiques ou similaires et sont arguées des mêmes vices de dépôt de mauvaise foi. Réponse du tribunal 43. L'article 4 du code de procédure civile prévoit que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. 44. L'article 70 alinéa 1 du même code précise que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. 45. Selon l'article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. 46. En l'espèce, l'action introduite par l'assignation de la société Mars Inc. le 10 décembre 2018 tendait, notamment, à l'annulation de la partie française des marques internationales verbale "Treets" no1368068 et semi-figurative "Treets" no1413533. 47. Il résulte des pièces versées par les demanderesses et il n'est pas contesté par la société Piasten que les marques internationales "Treets" litigieuses ont été déposées par cette dernière, la première le 1er octobre 2018, la seconde le 15 mai 2019 et publiées, la première le 7 février 2019, la seconde le 14 novembre 2019 (pièces Piasten no98 et 99). 48. Les marques internationales "Treets" no1448836 et no1498477 ayant été publiées postérieurement à l'action introduite par la société Mars Inc., elles ne pouvaient pas être visées par les demandes initiales. Les demandes additionnelles de cette dernière visant à l'annulation de la partie française de ces marques présentent avec les demandes originaires visant les marques internationales no1368068 et no1413533 un lien suffisant, dès lors qu'elles tendent à faire annuler les marques litigieuses de la même défenderesse en raison, notamment, de l'emploi du même élément verbal "Treets" pour des produits et services argués comme identiques ou similaires. 49. Le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes des sociétés Mars Inc. et Mars France en nullité des marques internationales verbale "Treets" no1448836 et semi-figurative "Treets" no1498477 sera, en conséquence, écarté. 50. S'agissant de l'irrecevabilité des mêmes demandes en tant qu'elles visent la SAS Lutti, la fin de non-recevoir opposée vise la demande suivante des sociétés Mars : "condamner les sociétés Piasten et Lutti in solidum à payer à la société Mars Inc. la somme de 5 000 000 euros en réparation du préjudice qui lui a été causé en suite de leurs agissements frauduleux, sauf à parfaire ; condamner les sociétés Piasten et Lutti in solidum à payer à la société Mars France la somme de 5 000 000 euros en réparation du préjudice qui lui a été causé en suite de leurs agissements frauduleux, sauf à parfaire". 51. Les sociétés Mars Inc. et Mars France, au soutien de ces demandes, invoquent divers faits dont certains qu'elles imputent à la SAS Lutti, en particulier la campagne de presse ayant accompagné le lancement de ses produits en France. 52. La SAS Lutti se présente elle-même comme le distributeur en France des produits commercialisés sous les marques "Treets" litigieuses dont la société Piasten est titulaire (conclusions Lutti page 10). 53. Dès lors, elle dispose d'une qualité à défendre à ce titre et la fin de non-recevoir opposée par la SAS Lutti sera écartée. IV - Sur la recevabilité des demandes d'annulation des renonciations de la SAS Mars France à ses marques françaises no1296438 et no93498883 Moyens des parties 54. Les sociétés Piasten et Lutti invoquent le défaut de pouvoir du tribunal pour annuler les renonciations de la SAS Mars France à ses marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883 inscrites au registre national des marques le 2 novembre 2017 sous les no0710801 et 0710802, ce pouvoir n'appartenant qu'à l'INPI. Elles font également valoir que cette demande est viciée par une intention frauduleuse de la SAS Mars France dans la mesure où elle ne vise qu'à les empêcher d'utiliser le signe "Treets" sans intention de l'utiliser pour ses propres activités. 55. Les sociétés Mars Inc. et Mars France objectent que la question de la compétence du tribunal pour statuer sur leur demande d'annulation de leur renonciation à leurs marques françaises no1296438 et no93498883 a été tranchée par le juge de la mise en état et qu'elle entre dans les pouvoirs du tribunal dans la mesure où elle est fondée sur des manoeuvres frauduleuses de la société Piasten, non sur une intention frauduleuse de l'une d'elle. Réponse du tribunal 56. Aux termes de l'article 1100-1 du code civil, les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux.Ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats. 57. L'article 1130 du même code énonce que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. 58. Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. 59. L'article L.714-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que l'auteur d'une demande d'enregistrement ou le titulaire d'une marque enregistrée peut renoncer aux effets de cette demande ou de cet enregistrement pour tout ou partie des produits ou services auxquels s'applique la marque. 60. Il se déduit de l'ensemble que la renonciation à une marque par son titulaire constitue un acte juridique dont la nullité peut être demandée pour une cause de vice du consentement.61. La SAS Mars France estimant son consentement vicié est, de ce fait, recevable à demander au tribunal qu'il statue sur la validité des renonciations qu'elle a opérées le 6 juin 2017, publiées le 2 novembre 2017, à ses marques no1296438 et no93498883 (pièces Piasten no10, 11 et 13). Le moyen tiré de la compétence du directeur de l'INPI pour statuer sur la validité de cette renonciation est, dès lors, inopérant. 62. Par ailleurs, le moyen des défenderesses selon lequel cette demande constituerait une manoeuvre frauduleuse visant à faire seulement obstacle à l'entrée de leurs produits "Treets" sur le marché français relève d'une défense au fond. 63. La fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes de la SAS Mars France d'annulation de ses renonciations à ses marques françaises no1296438 et no93498883 sera, en conséquence, écartée. V - Sur la recevabilité des demandes en concurrence déloyale et parasitaire Moyens des parties 64. La SAS Lutti avance que la société Mars Inc. est dépourvue d'intérêt à agir au titre de la commercialisation des produits "Treets" en France, faute d'exploitation directe des produits "Treets" sur le marché français et de lien de causalité entre le préjudice que la société Mars Inc. invoque au titre de sa politique de dépôt de marques à l'étranger et la distribution sur le territoire français qui lui est reprochée. 65. La société Piasten s'associe au défaut d'intérêt à agir de la société Mars Inc. en concurrence déloyale et parasitaire en l'absence d'activité commerciale sur le territoire français. 66. Les sociétés Mars Inc. et Mars France considèrent que compte tenu de la filiation et des liens économiques qui ont existé et qui existent encore entre elles, toute atteinte directe contre les activités économiques de la première interagissent, ne serait-ce qu'indirectement, sur les résultats économiques de la seconde. Réponse du tribunal 67. Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. 68. L'article 32 du même code ajoute qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. 69. Au cas présent, la seule circonstance établie par les pièces versées (pièces Mars no6, 15, 16, 23) et non contestée par la SAS Lutti qu'elle a commercialisé en France des produits ou services que les sociétés Mars Inc. lui reprochent suffit à rendre ses demandes relatives à la concurrence déloyale recevables à son égard, les moyens invoqués par la SAS Lutti s'analysant en des défenses au fond. 70. Il en va de même du moyen invoqué par les défenderesses relativement à l'absence d'activité commerciale de la société Mars Inc. sur le territoire français. 71. Le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes de la société Mars Inc. en concurrence déloyale ou parasitaire sera, en conséquence, écarté. VI - Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle des sociétés Piasten et Lutti en déchéance des droits sur les marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883 Moyens des parties 72. Les sociétés Mars Inc. et Mars France soutiennent que la demande des défendesses en déchéance des droits sur les marques françaises no1296438 et no93498883 éventuellement restaurées est irrecevable dans la mesure où elle est sans objet, ces marques étant sans existence juridique, et elle ne se rattache pas aux prétentions originaires par un lien suffisant étant sans incidence sur la demande de nullité des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 et ne pouvant pas faire échec à la demande d'annulation de la renonciation de la SAS Mars France à ses marques françaises no1296438 et no93498883. 73. Les sociétés Piasten et Lutti estiment que la demande reconventionnelle de déchéance des droits des demanderesses sur leurs marques françaises no1296438 et no93498883 est connexe à la demande d'annulation des renonciations à ces marques compte tenu que le rétablissement de ces marques est susceptible de constituer une entrave à leur activité économique. Réponse du tribunal 74. L'article 70 alinéa 1 du code de procédure civile prévoit que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. 75. Selon l'article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. 76. Au cas présent, la demande des sociétés Piasten et Lutti consiste à réclamer la déchéance des droits des sociétés Mars sur les marques françaises no1296438 et no93498883 pour défaut d'usage sérieux dans l'hypothèse où le tribunal annulerait la renonciation de la SAS Mars France à ces mêmes marques. 77. Cette demande se rattache, de ce fait, aux prétentions additionnelles de la SAS Mars France par un lien suffisant et le moyen tiré de son irrecevabilité sera, en conséquence, écarté. VII - Sur l'annulation de la partie française des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 Moyens des parties 78. Les sociétés Mars Inc. et Mars France estiment que :- la marque "Treets" originelle dispose d'une notoriété résiduelle importante que les défenderesses n'ignoraient pas,- les dépôts des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 ont été effectués de mauvaise foi par la société Piasten, qui a mené une stratégie d'éviction, de menaces, d'actions judiciaires et de manoeuvres d'appropriation de leurs droits sur les marques "Treets" afin de récupérer cette notoriété à son profit et celui de son distributeur en France, la SAS Lutti- la société Piasten a dissimulé ses véritables intentions pour ne pas éveiller une quelconque méfiance de leur part, en procédant à des dépôts du signe "Treets" avec de nombreux libellés ne mentionnant pas expressément des produits de cacahuètes enrobées de chocolat, rompant avec sa pratique antérieure en la matière- la mauvaise foi de la société Piasten est également caractérisée par la reprise de l'emballage d'origine avec lequel elles commercialisaient leur produit "Treets" antérieur, alors que la société Piasten ou sa maison mère ont déjà été condamnées pour des faits similaires- la société Piasten ne démontre aucun intérêt légitime au dépôt des marques "Treets" litigieuses, dès lors qu'elle dispose d'autres marques sous lesquelles elle commercialise les mêmes produits, son appropriation frauduleuse de la marque "Treets" antérieure ne visant qu'à bénéficier de sa notoriété résiduelle- les marques litigieuses déposées par la société Piasten revêtent également un caractère déceptif, celles-ci renvoyant nécessairement à leurs marques "Treets" antérieures et à ses bonbons du même nom, créant un risque de confusion dans l'esprit du consommateur, qui se trouvant en présence des produits "Treets" des sociétés défenderesses pensera être les leurs, connus dans le passé- ces marques litigieuses ont un caractère trompeur, les sociétés Piasten et Lutti ayant tout fait pour faire croire et laisser croire qu'elles relançaient les bonbons "Treets" originels alors que tel n'est pas le cas- la SAS Lutti s'est rendue complice des dépôts frauduleux de la société Piasten, en participant à l'exploitation litigieuse de ces marques et en tirant économiquement profit. 79. La société Marques, reprenant les mêmes moyens que les sociétés Mars, en particulier sur la nécessaire protection contre des comportements déloyaux de la valeur résiduelle de marques ayant connu un succès extrêment important, conclut de prohiber et de condamner tout dépôt de marque reproduisant ou imitant un signe qui, ayant été exploité par un tiers avec une réelle notoriété et qui a conservé une partie de cette notoriété au moment du dépôt considéré et désignant des produits et services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque première a acquis et conserve sa notoriété, cette prohibition s'imposant d'autant plus si l'exploitation de la marque seconde s'effectue dans des conditions identiques ou similaires à celles de l'exploitaion de la marque première et porte préjudice au titulaire de la marque première, et si, comme en l'espèce, le dépôt de marque vise à désigner un produit identique à celui qui est toujours présent sur le marché, sous son nom nouveau, de sorte que deux produits identiques, d'origine pourtant distincte, coexistent sous deux noms différents, mais que le public est susceptible d'attribuer à la même provenance. 80. La société Piasten réfute tout caractère frauduleux des dépôts des marques "Treets" litigieuses qu'elle a opérés, en l'absence de droits des sociétés Mars sur le signe "Treets" et de l'inexistence de sa notoriété résiduelle. Elle souligne que sa volonté de lancer une nouvelle gamme de produits à base de cacahuètes enrobées de chocolat en y apposant le signe "Treets" n'a jamais été dissimulée, en attestent sa communication ouverte avec la société Mars Inc., ses dépôts pour sécuriser ses droits sur ce signe qui n'ont fait l'objet d'aucune opposition des demanderesses et ses actions en déchéance pour en assurer la disponibilité, la fraude étant exclue, selon elle, du fait de la volonté expresse de la SAS Mars France de renoncer à ses droits sur ses marques françaises "Treets" et de l'absence d'exploitation de celles-ci pour des bonbons à la cacahuète enrobée de chocolat, dont la commercialisation a cessé depuis 1986. 81. Elle affirme :- que la notion de notoriété résiduelle est inconnue du droit français et aucune notoriété résiduelle n'est attachée au signe "Treets", le sondage produit par les demanderesses sensé l'établir étant biaisé- que la licéité du dépôt des marques internationales "Treets" doit s'analyser au regard des dispositions applicables à la date du dépôt, lesquelles ne prévoyaient pas le motif de nullité pour mauvaise foi- que les produits qu'elle commercialise sous les marques "Treets" litigieuses diffèrent de ceux des sociétés Mars, les emballages étant de couleur, de typographie et de présentation distinctes- que faute de marque "Treets" valable et d'usage de leurs marques éponymes depuis 1986 par les demanderesses, les marques internationales "Treets" litigieuses n'ont pas pu les priver d'un signe nécessaire à leur activité, de sorte que la fraude alléguée n'est pas constituée- que ses marques internationales "Treets" ne sont ni déceptives, ni trompeuses, en l'absence de fausse croyance dans l'esprit des consommateurs quant à la nature, la qualité ou la provenance géographique des produits et services qu'elles proposent, outre qu'en l'absence de notoriété résiduelle de la marque "Treets" antérieure, les consommateurs ne font pas de lien entre cette marque et ses marques internationales "Treets" et que les dispositions du code de la consommation ne peuvent pas constituer une motif de nullité d'une marque. 82. La SAS Lutti développe les mêmes moyens. Réponse du tribunal 83. Aux termes de l'article L.711-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable aux dépôts des marques internationales litigieuses, ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe :a) Exclu par l'article 6 ter de la convention de Paris en date du 20 mars 1883, révisée, pour la protection de la propriété industrielle ou par le paragraphe 2 de l'article 23 de l'annexe I C à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce ;b) Contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, ou dont l'utilisation est légalement interdite ;c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. VII.1 - S'agissant de la nullité au motif de la mauvaise foi du déposant 84. L'article 6bis de la Convention d'Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883 dispose :1) Les pays de l'Union s'engagent, soit d'office si la législation du pays le permet, soit à la requête de l'intéressé, à refuser ou à invalider l'enregistrement et à interdire l'usage d'une marque de fabrique ou de commerce qui constitue la reproduction, l'imitation ou la traduction, susceptibles de créer une confusion, d'une marque que l'autorité compétente du pays de l'enregistrement ou de l'usage estimera y être notoirement connue comme étant déjà la marque d'une personne admise à bénéficier de la présente Convention et utilisée pour des produits identiques ou similaires. Il en sera de même lorsque la partie essentielle de la marque constitue la reproduction d'une telle marque notoirement connue ou une imitation susceptible de créer une confusion avec celle-ci. 2) Un délai minimum de cinq années à compter de la date de l'enregistrement devra être accordé pour réclamer la radiation d'une telle marque. Les pays de l'Union ont la faculté de prévoir un délai dans lequel l'interdiction d'usage devra être réclamée. 3) Il ne sera pas fixé de délai pour réclamer la radiation ou l'interdiction d'usage des marques enregistrées ou utilisées de mauvaise foi. 85. L'article 4, paragraphe 2 de la directive 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques prévoit qu'une marque est susceptible d'être déclarée nulle si sa demande d'enregistrement a été faite de mauvaise foi par le demandeur. Un État membre peut aussi prévoir qu'une telle marque est refusée à l'enregistrement. 86. Toute marque déposée en fraude des droits d'autrui étant nécessairement déposée de mauvaise foi, la jurisprudence des juridictions françaises, antérieure et postérieure aux directives précitées, selon laquelle l'annulation d'une marque déposée en fraude des droits d'autrui peut être demandée, sur le fondement du principe fraus omnia corrumpit (la fraude corrompt tout), s'inscrit dans le cadre du motif d'annulation prévu à l'article 4, paragraphe 2 de la directive 2015/2436 (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 17 mars 2021, no18-19.774, rendu au visa de la directive 89/104 et de la directive 2008/95) 87. Toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l'ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d'espèce. Ce n'est que de cette manière que l'allégation de mauvaise foi peut être appréciée objectivement. La circonstance que l'usage d'un signe dont l'enregistrement est demandé permettrait au demandeur de tirer indûment profit de la renommée d'une marque antérieure est de nature à établir la mauvaise foi du demandeur. Toutefois, un comportement de parasitisme à l'égard de la renommée d'une marque antérieure n'est, en principe, possible que si cette marque jouit effectivement et actuellement d'une certaine renommée. Par ailleurs, lorsque la mauvaise foi du demandeur de marque est fondée sur son intention de tirer indûment profit de la renommée d'une marque antérieure, le public pertinent pour apprécier l'existence de cette renommée et du profit indûment tiré de ladite renommée est celui visé par la marque contestée, à savoir le consommateur moyen des produits pour lesquels celle-ci a été enregistrée. En outre, il incombe au demandeur en nullité d'établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire de la marque contestée était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d'enregistrement de cette dernière, la bonne foi étant présumée jusqu'à preuve du contraire (TUE, 6 juillet 2022, T-250/21, Ladislav Zdut c/ EUIPO, points 26, 32 à 34, 57 et jurisprudence citée). 88. En l'espèce, les pièces produites par les parties montrent des échanges nourris entre avril et juin 2017 relativement à la volonté de la société Piasten et de sa maison mère, la société Katjes, de négocier autour du signe "Treets" et, en particulier, des marques françaises "Treets" dont la SAS Mars France était titulaire. 89. Ainsi, la société Piasten a sollicité de la SAS Mars France le retrait de ses marques françaises no93498883 et no1296438 le 8 mars 2017 et engagé des actions en déchéance d'autres marques "Treets", par exemple de la marque de l'Union européenne no1454 devant l'Office européen pour la propriété intellectuelle (pièce Mars no11). 90. Par courriel du 26 mai 2017, la société Piasten a proposé le rachat des plus anciennes marques "Treets", notamment en France, proposition à laquelle la société Mars Inc. n'a pas donné suite, estimant le prix proposé dérisoire (pièce Piasten no12-2 et conclusions Mars page 14). 91. La société Piasten a également proposé, le 2 juin 2017 à la société Mars Inc. un engagement à "ne pas utiliser la marque "Treets" sur un emballage jaune" (pièce Mars no74). Aucun accord n'a, toutefois, été conclu et la société Mars Inc a avisé la société Katjes de sa renonciation à ses marques françaises par courriel du 5 juin 2017 (pièce Piasten no12-4). 92. Il résulte de l'ensemble que la société Mars Inc. était informée de la volonté de la société Piasten d'utiliser le signe "Treets" pour ses produits ou ceux d'éventuels licenciés et la stratégie dénoncée par les sociétés Mars ne correspond en réalité qu'à des démarches usuelles dans la vie des affaires permettant à un concurrent de s'assurer sans déloyauté de la disponibilité d'un signe qu'il souhaite exploiter à titre de marque, ce qui participe de la liberté du commerce. 93. Le dépôt des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 n'a, de ce fait, pas été effectué de mauvaise foi par la société Piasten et les demandes des sociétés Mars à ce titre seront, en conséquence, rejetées. VII.2 - S'agissant de la nullité au motif du caractère trompeur ou de la déceptivité de la partie française des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 94. Les dispositions de l'article L.711-3 c) du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction applicable à l'espèce, s'analysent à la lumière des dispositions de la directive 89/104 interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne selon laquelle, le caractère trompeur d'une marque suppose que la marque crée un risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen et exige d'établir l'existence d'une tromperie effective ou d'un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur (en sens CJCE, 30 mars 2006, C-259/04, Elizabeth Emanuel, paragraphe 46 et 47). 95. Une marque est nulle lorsqu'elle est en elle-même susceptible de tromper le public sur l'une des caractéristiques des produits désignés dans son enregistrement, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération les conditions de son exploitation, qui n'intéressent que la déchéance ultérieure des droits qui lui sont attachés (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 15 mars 2017, no15-19.513 et 15-50.038). 96. Les marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 ne sont pas susceptibles de créer un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs, dès lors qu'elles sont seules existantes sur le marché français pour les produits et services visés à leur enregistrement suite aux radiations des marques françaises de la SAS Mars France et la renommée résiduelle éventuelle de la marque première est insuffisante à établir le caractère déceptif allégué. 97. L'invocation par les sociétés Mars du caractère trompeur ou déceptif des marques internationales "Treets" de la société Piasten en raison d'un risque de confusion avec leurs marques "Treets" antérieures est, de ce fait, inopérant. 98. En conséquence, les demandes à ce titre des sociétés Mars seront rejetées. VIII - Sur la demande d'annulation de la renonciation aux marques verbales françaises no1296438 et no93498883 Moyens des parties 99. Les sociétés Mars Inc. et Mars France assurent que les manoeuvres de la société Piasten en vue de contraindre la SAS Mars France à renoncer à ses marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883 ont vicié son consentement. Elles assurent que la SAS Mars France ne pouvait pas soupçonner le but final et la mauvaise foi de la société Piasten lors des échanges au sujet de ces marques. 100. La société Piasten oppose que les demanderesses n'utilisent plus le signe "Treets" depuis plus de trente ans, que ce signe n'est pas nécessaire à leur activité et qu'elles n'ont aucune intention de l'utiliser à nouveau pour leur activité, le but de leur demande de rétablissement des marques verbales françaises no1296438 et no93498883 étant seulement de l'empêcher d'utiliser ce signe nécessaire à son activité pour commercialiser ses nouveaux produits, ce dont elle déduit que cette demande est formée avec intention frauduleuse. Elle assure n'avoir commis aucun dol compte tenu que les demanderesses, en leur qualité de professionnelles, ne pouvaient ignorer que ses démarches de rachat de ces marques et sa demande à la SAS Mars France d'y renoncer n'avait que pour but d'en disposer pour elle-même. 101. La SAS Lutti ajoute que la SAS Mars France a procédé en toute connaissance de cause aux renonciations à ses marques verbales françaises no1296438 et no93498883 ayant la certitude de ne pas pouvoir résister à une action en déchéance contre ces marques. Réponse du tribunal 102. Aux termes de l'article 1100-1 du code civil, les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux.Ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats. 103. L'article 1130 du même code énonce que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. 104. L'article L.714-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que l'auteur d'une demande d'enregistrement ou le titulaire d'une marque enregistrée peut renoncer aux effets de cette demande ou de cet enregistrement pour tout ou partie des produits ou services auxquels s'applique la marque. 105. En l'espèce, la SAS Mars France a renoncé le 6 juin 2017 à ses marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883. Ces renonciations ont été publiées le 2 novembre 2017 (pièces Piasten no10, 11 et 13). 106. À cette date, elle avait connaissance de la demande de rachat de ces marques dont les conclusions des demanderesses mentionnent qu'elle a été renouvelée le 2 juin 2017 (conclusions Mars page 39 et pièce Mars no74) et elle avait échangé avec la société Piasten des courriels courant mai 2017 selon lesquels cette dernière lui demandait de retirer ses marques "Treets" en vigueur notamment en France et "serait prête à s'engager à ne pas utiliser un fond de couleur jaune pour le packaging des produits identifiés (en particulier les confiseries)" (pièce Mars no60). 107. Il en ressort suffisamment que la SAS Mars France était informée, ou, à tout le moins, ne pouvait ignorer, la volonté de la société Piasten de disposer du signe "Treets" pour ses propres produits. 108. La volonté de la SAS Mars France de renoncer à ses marques verbales françaises no1296438 et no93498883 n'a, de ce fait, pas été viciée par de prétendues manoeuvres frauduleuses de la société Piasten. 109. En conséquence, la demande des sociétés Mars d'annulation de la renonciation de la SAS Mars France à ses marques verbales françaises no1296438 et no93498883 sera rejetée. 110. De ce fait, la demande reconventionnelle des sociétés Piasten et Lutti en déchéance des marques verbales françaises no1296438 et 93498883 est sans objet. IX - Sur la concurrence déloyale, le parasitisme et les pratiques commerciales trompeuses Moyens des parties 111. Les sociétés Mars Inc. et Mars France estiment que les défenderesses, en situation de concurrence avec elles en France dans le domaine de la confiserie, ont sciemment promu des produits créant pour le consommateur un risque de confusion avec les leurs et ont appuyé ce lancement à l'aide d'une campagne de communication contenant des mensonges et du dénigrement à leur égard et celui de leurs produits, l'ensemble constituant une concurrence déloyale. 112. Elles reprochent également aux défenderesses des actes de parasitisme consistant à s'accaparer la valeur économique résiduelle, fruit des efforts, des résultats passés, du patrimoine et de l'histoire de la marque "Treets" antérieure en lançant des produits imités de ceux-ci par leur nom, leur nature, leur présentation et leur emballage, s'épargnant ainsi de considérables économies de recherche, développement et promotion. 113. Elles font également valoir que les société Piasten et Lutti ont tout fait pour altérer le comportement du consommateur, pour le conduire à consommer leurs produits "Treets" en les associant aux anciens bonbons "Treets" et en les présentant comme un retour ou une relance, caractérisant une pratique commerciale trompeuse. 114. La société Piasten conteste toute concurrence déloyale faute de se trouver en concurrence avec la SAS Mars France sur le même marché, à défaut d'avoir imité les produits "Treets" antérieurs des demanderesses et en l'absence de tout risque caractérisé de confusion du consommateur qu'elle démontre, notamment par sondage et par l'évolution des ventes des produits en cause. Elle précise que les produits "Treets" des demanderesses ne sont plus commercialisés depuis 1986 et ne sont plus associés aux produits "M&M's" qui les ont substitués ; qu'elle était légitime à faire usage du signe "Treets" sur lequel les demanderesses ne disposent d'aucun droit ; que ses produits "Treets" se distinguent des produits originels des demanderesses dans leur composition, leur présentation, en particulier l'emballage, et leur promotion. 115. Elle réfute également tout acte de parasitisme, les demanderesses ne justifiant d'aucun investissement relatif à leur produit "Treets" antérieurs, tandis qu'elle-même a consacré des investissements considérables pour développer ses propres produits. Elle ajoute n'avoir jamais cherché à se placer dans le sillage des demanderesses, le nom "Treets" ayant délibérément été abandonné par elles, l'emballage de ses produits ne reprenant aucun des éléments caractéristiques des anciens produits "Treets", la nature, la recette et l'aspect de ses produits étant distincts et aucune notoriété résiduelle du produit "Treets" originel, selon elle inexistante, ne pouvant être invoquée pour caractériser une concurrence déloyale ou un parasitisme. 116. La SAS Lutti, outre la reprise des moyens développés par la société Piasten, affirme qu'aucune fraude ne saurait lui être reprochée dès lors :- qu'elle n'a pas pu priver les demanderesses de l'usage du signe "Treets" qu'elles ont volontairement abandonné depuis plus de trente ans- que la société Piasten a loyalement fait part à la société Mars Inc. de son intention d'user du signe "Treets" pour elle-même et qu'elle n'est pas à l'origine d'un quelconque dénigrement des sociétés Mars- que le signe "Treets the peanut company" désigne une gamme de confiserie déclinant le chocolat et la cacahuète sous diverses formes et non seulement des cacahuètes enrobées de chocolat- qu'elle est étrangère aux propos mentionnés dans l'article du Journal du Dimanche du 24 juin 2018 repris ensuite par d'autres titres de presse, ayant tenté de rectifier les erreurs et approximations publiées, en particulier par une proposition de communiqué de presse que la SAS Mars France a refusé- qu'elle a investi près de 100 000 euros pour la promotion de ses produits "Treets" qu'elle a commercialisés en France. Réponse du tribunal 117. Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 118. Conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. IX.1 - S'agissant de la concurrence déloyale 119. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. 120. L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 10 juillet 2018, no16-23.694). 121. Le risque de confusion s'apprécie pour un consommateur d'attention moyenne qui ne dispose pas en même temps des produits litigieux (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 juillet 2001, no99-19.632). 122. La caractérisation d'une situation de concurrence directe ou effective entre des sociétés n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 12 février 2008, no06-17.501). 123. Il s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 mars 2021, no18-24.373). 124. Au cas présent en l'absence de dépôt de mauvaise foi des quatre marques internationales par la société Piasten, en l'absence de commercialisation en France par les sociétés Mars de produits sous le signe "Treets" depuis trente ans, en raison de la renonciation de la SAS Mars France à ses marques verbales françaises no1296438 et no93498883 et en raison de l'exploitation par les défenderesses des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477, dont la demande en nullité pour mauvaise foi a été rejetée, aucune faute de la société Piasten n'est caractérisée. 125. Les demandes à ce titre des sociétés Mars seront, en conséquence rejetées. IX.2 - S'agissant du dénigrement 126. Les atteintes à la réputation d'une personne, relevant de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sont à distinguer de la mise en cause des produits et services d'une entreprise, relevant de la responsabilité délictuelle (en ce sens Cour de cassation assemblée plénière, 12 juillet 2000, no98-10.160 et 98-11.155). 127. Même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 9 janvier 2019, no17-18.350). 128. Au soutien de leur demande à ce titre les sociétés Mars produisent aux débats treize articles de la presse nationale et régionale faisant état "d'un pacte de non agression" entre les sociétés Lutti et Mars, ou mettant en avant que "cette manoeuvre s'est déroulée en bonne entente avec Mars", tout en soulignant que l'objectif est de "marcher sur les plates-bandes du géant M&M's", ou "s'attaquer à M&M's, une marque monstre" (pièce Mars no61). 129. Toutefois, il ne résulte d'aucun des articles cités que la société Piasten ou la SAS Lutti a divulgué une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par les sociétés Mars, que ce soit ses produits M&M's, le qualificatif de "monstre" se rapportant dans l'article cité à sa domination du marché, ou à ses produits "Treets" antérieurs. 130. De même, la reprise dans plusieurs articles de l'information selon laquelle la SAS Lutti aurait reproduit la recette originale des bonbons "Treets" antérieurs ne prouve pas que celle-ci soit à l'origine de sa divulgation et, à supposer que tel soit le cas, cette divulgation est dépourvue de discrédit sur le produit en cause. 131. Par ailleurs, si les sociétés Mars imputent aux défenderesses des actes de dénigrement consistant à avoir divulgué une fausse information relative à un accord entre elles portant sur le signe "Treets", cette information, à la supposer établie, ne concerne pas les produits commercialisés sous ce signe, mais les sociétés Mars, en sorte qu'elle ne relève pas du dénigrement. 132. Les demandes des sociétés Mars fondés sur le dénigrement seront, en conséquence, rejetées. IX.3 - S'agissant du parasitisme 133. Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 10 juillet 2018, no16-23.694). 134. Au cas présent, les société Mars se fondent sur un article du magazine "Linéaires" de septembre 2018 qui a évalué les retombées médiatiques de l'annonce du retour en France des bonbons "Treets" antérieurs par la SAS Lutti à 500 000 euros (pièce Mars no67). 135. Toutefois, cette seule pièce est insuffisante à établir les investissements consentis par les sociétés Mars pour la construction ou la conservation de la notoriété de leur produit "Treets" antérieur. 136. La société Piasten verse, à l'inverse, aux débats une attestation de son directeur financier mentionnant que les coûts de recherche et développement de ses nouveaux produits "Treets" se sont élevés à 120 000 euros et ceux de marketing et communication à 1 550 000 euros jusque fin novembre 2018 (pièce Pisten no62). 137. Le parasitisme reproché aux sociétés Piasten et Lutti n'est, en conséquence, pas démontré et les demandes à ce titre des sociétés Mars seront rejetées. IX.4 - S'agissant des pratiques commerciales trompeuses 138. L'article L.121-1 du code de la consommation dispose que les pratiques commerciales déloyales sont interdites.Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L.121-2 à L.121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L.121-6 et L.121-7. 139. L'article L.121-2 du même code ajoute qu'une pratique commerciale est trompeuse, notamment, 1o Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent (...). 140. La violation de ces dispositions peut constituer une faute de concurrence déloyale invocable entre concurrents, car le non-respect d'une règle peut constituer un avantage dans la concurrence par rapport à ceux qui la respectent. Ainsi, lorsque la faute, dont il est demandé réparation sur le fondement de la concurrence déloyale, est identifiée à une pratique commerciale déloyale prohibée par les dispositions susvisées, il est nécessaire, pour la société qui s'en prétend victime, de démontrer qu'elle est susceptible d'altérer, de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard de ce bien ou de ce service. Il en résulte que deux éléments doivent être démontrés par la partie qui se prévaut d'une pratique trompeuse au titre de la concurrence déloyale : en premier lieu, elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en second lieu, elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 7 décembre 2022, no21-16.462). 141. En l'occurrence, en l'absence de dépôt de mauvaise foi des quatre marques internationales par la société Piasten, en l'absence de commercialisation en France par les sociétés Mars de produits sous le signe "Treets" depuis trente ans, en raison de la renonciation de la SAS Mars France à ses marques verbales françaises no1296438 et no93498883 et en raison de l'exploitation par les défenderesses des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477, dont la demande en nullité pour mauvaise foi a été rejetée, la commercialisation par la SAS Lutti en France sous le signe "Treets" de cacahuètes enrobées de chocolat, n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. 142. Les demandes à ce titre des sociétés Mars seront, en conséquence, rejetées. X - Sur le caractère abusif de la procédure Moyens des parties 143. Les sociétés Piasten et Lutti tiennent l'action engagée par les demanderesses pour un détournement de l'action en contrefaçon en vue de reconstituer son monopole sur la marque "Treets", leur ayant causé une désorganisation dont elles demandent réparation. 144. Les sociétés Mars Inc. et Mars France n'ont pas conclu à ce titre. Réponse du tribunal 145. L'article 1240 du code civil prévoit que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 146. En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. 147. Le droit d'agir en justice participe des libertés fondamentales de toute personne. Il dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 10 octobre 2012, no11-15.473). 148. La seule circonstance que les demandes des sociétés Mars soient rejetées n'est pas de nature à faire dégénérer leur action en abus, aucune intention de nuire n'étant établie, outre que les sociétés Piasten et Lutti ne démontrent aucun préjudice distinct des frais engagés pour leur défense, lesquels sont indemnisés au titre des frais non compris dans les dépens. 149. Les demandes à ce titre des sociétés Piasten et Lutti seront, en conséquence, rejetées. XI - Sur les demandes accessoires XI.1 - Sur les dépens 150. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 151. L'article 699 du même code prévoit que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens. 152. Les sociétés Mars, qui succombent à l'instance, seront condamnées aux dépens, avec distraction au profit de l'avocat de la société Lutti. XI.2 - Sur l'article 700 du code de procédure civile 153. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 154. Les sociétés Mars Inc. et Mars France, parties tenues aux dépens, seront condamnées, in solidum, à payer 50 000 euros à chacune des sociétés Piasten et Lutti à ce titre. XI. 3 - Sur l'exécution provisoire 155. Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. 156. L'exécution provisoire de droit n'a pas à être écartée en l'espèce. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Déclare recevable l'intervention volontaire accessoire de la société Marques ; Écarte le moyen d'irrecevabilité de la demande de révocation du sursis à statuer à l'égard de l'action en revendication de la partie française de la marque verbale internationale "Treets" no1368068 ; Écarte les moyens d'irrecevabilité des demandes en nullité de la partie française des marques internationales verbale "Treets" no1448836 et semi-figurative "Treets" no1498477, des demandes d'annulation des renonciations de la SAS Mars France à ses marques françaises no1296438 et no93498883, des demandes en concurrence déloyale et parasitaire et de la demande reconventionnelle des sociétés Piasten et Lutti en déchéance des droits sur les marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883 ; Déboute la société Mars Inc. et la SAS Mars France de leur demande d'annulation de la partie française des marques internationales no1368068, no1413533, no1448836 et no1498477 ; Déboute la société Mars Inc. et la SAS Mars France de leur demande d'annulation de la renonciation de la SAS Mars France à ses marques verbales françaises "Treets fond dans la bouche pas dans la main" no1296438 et "Treets" no93498883 ; Déboute les sociétés Mars Inc. et Mars France de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale, du dénigrement, du parasitisme et des pratiques commerciales trompeuses ; Déboute la société Piasten et la SAS Lutti de leurs demandes en procédure abusive ; Condamne in solidum les sociétés Mars Inc. et Mars France aux dépens avec droit pour Maître Jean-Mathieu Bertho, avocat au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont il a fait l'avance sans recevoir provision ; Condamne in solidum les sociétés Mars Inc. et Mars France à payer 50 000 euros à chacune des société Piasten et Lutti au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 20 décembre 2023 La greffière Le président | x |
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JURITEXT000006940122 | JAX2002X06XVEX0000000003 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/94/01/JURITEXT000006940122.xml | Cour d'appel de Versailles, du 6 juin 2002, 2000-7997 | 2002-06-06 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 2000-7997 | VERSAILLES | L'Association FRONT NATIONAL a interjeté appel du jugement rendu le 20 septembre 2000 par le tribunal de grande instance de Nanterre lequel statuant sur l'action par elle engagée à l'encontre de Serge MARTINEZ aux fins de l'entendre condamner à la garantir des condamnations prononcées contre elle à son encontre par le Conseil des Prud'hommes de Boulogne-Billancourt dans le cadre de la procédure initiée par une ancienne salariée licenciée pour motif économique par Serge MARTINEZ es qualité de directeur du personnel de l'Association, l'a déboutée de ses demandes. L'appelante conclut aux termes de ses dernières écritures en date du 23 mars 2001 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, à l'infirmation du jugement et prie la cour, statuant à nouveau, de condamner au visa de l'article 1992 du code civil, Serge MARTINEZ à lui payer la somme de 17373,09 à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé du fait du licenciement manifestement irrégulier commis de sa propre initiative, de Madame X... et de lui allouer, à la charge de l'intimé, la somme de 3048,98 par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Rappelant que Serge MARTINEZ avait reçu délégation, en qualité de directeur du personnel, d'embaucher, nommer et licencier le personnel salarié, qu'il a procédé au licenciement pour motif économique de Madame X... par lettre en date du 1er décembre 1998, alors qu'il ne lui avait jamais été demandé de licencier pour ce motif, que sur la procédure engagée par Madame X..., elle a été condamnée à des dommages et intérêts en raison de l'irrégularité de la procédure conduisant le conseil des prud'hommes à juger que le licenciement était sans cause. Elle soutient que le comportement de Serge MARTINEZ s'inscrit dans la tentative de certains de ses membres de déstabiliser son président et procède d'une intention de lui nuire. Elle affirme qu'en sa qualité de directeur du personnel, Serge MARTINEZ, maître d'oeuvre de la procédure, a commis une faute excluant qu'il puisse bénéficier de l'exonération qui profite au mandataire gratuit et bénévole, faisant valoir qu'il ne lui a jamais été demandé de licencier l'intéressée pour un tel motif, quand bien même le président de l'association avait perdu toute confiance dans cette salariée ; elle ajoute que Serge MARTINEZ s'est abstenu de consulter le service juridique pour vérifier la régularité de la procédure qu'il engageait, que d'ailleurs une simple consultation du code du travail suffisait au respect de la procédure. Elle relève la carence de l'intimé à prouver qu'il avait reçu mandat d'initier un licenciement pour motif économique et conteste avoir jamais donné d'instructions générales ou particulière pour engager de telles poursuites contres des salariés. Elle observe que Serge MARTINEZ qui avait de son propre chef initié une procédure contre un autre salarié s'est rétracté de son propre chef. Elle justifie la position prise devant le conseil des prud'hommes par la nécessité de défendre ses intérêts d'employeur en tentant d'établir qu'un licenciement économique était justifié. Estimant qu'aucun élément ne permettant d'apprécier moins sévèrement la faute de Serge MARTINEZ, ce dernier doit l'indemniser de l'intégralité du préjudice financier qu'elle a supporté. Serge MARTINEZ, intimé, conclut aux termes de ses dernières écritures en date du 20 juillet 2001 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, à la confirmation du jugement, déclarant renoncer au moyen de nullité de l'assignation introductive d'instance, et subsidiairement prie la cour de l'exonérer de toute responsabilité en application de l'article 1992 alinéa 2 du code civil, de faire droit à sa demande reconventionnelle et de condamner l'appelante à lui payer le franc symbolique à titre de dommages et intérêts outre une somme de 4573,47 par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Il rappelle sa qualité de mandataire bénévole, invoque le fait qu'il n'avait aucune formation juridique et aucune des qualités requises pour exercer ce mandat, la responsabilité du seul service juridique de l'association, la particularité et la technicité de la procédure en telle matière, et la position prise par l'appelante devant le conseil des prud'hommes, pour conclure à l'absence de toute responsabilité. En tout état de cause, il s'estime fondé à bénéficier de l'exonération qui profite au mandataire bénévole et dénonce l'abus du droit d'ester en justice commis par l'appelante, justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts. SUR CE Considérant que Serge MARTINEZ qui occupait les fonctions de directeur du personnel au sein de l'association, avait manifestement reçu délégation d'embaucher, nommer et licencier le personnel, des preuves de l'exercice de cette délégation étant fournies par la production de contrats de travail signés par lui ainsi que d'exemples de l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur ; Considérant que les parties sont contraires sur l'initiative de procéder au licenciement de Madame X... pour motif économique ; Que l'association ne peut soutenir que le décision de licencier Madame X... aurait été prise par Serge MARTINEZ seul et à son insu, alors qu''il résulte des conclusions prises par l'association devant le conseil des prud'hommes de Boulogne- Billancourt qu'elle reconnaît "avoir perdu toute confiance en Madame X... et demandé à Serge MARTINEZ, malgré la décision de supprimer son poste, d'engager une procédure de licenciement pour motif personnel", que l'association défend principalement dans ses conclusions la réalité et le sérieux du motif économique invoqué dans la lettre de licenciement, tenant à la suppression du poste de Madame X... assistante de Bruno MEGRET lui-même remplacé dans ses fonctions ; Que les attestations nombreuses et circonstanciées versées aux débats par Serge MARTINEZ établissent suffisamment le projet arrêté de l'association de procéder à une restructuration des effectifs pour raisons économiques, qu'expliquent d'ailleurs les turbulences auxquelles l'association se trouvait confrontée à raison de la dissidence de certains membres, projet annoncé par le président de l'association lors d'une réunion le 3 novembre 1998 ; Considérant que l'association appelante a été condamnée par le conseil des prud'hommes au paiement de dommages et intérêts à Madame X... à raison du non respect de l'obligation de l'employeur d'énoncer le ou les motifs du licenciement, accompagné de l'indication des éléments justifiant la nécessité impérieuse de recourir à un licenciement économique, conformément aux dispositions légales, équivalant à une absence totale de motifs, le licenciement étant dit non causé, qu'en outre le conseil a relevé l'absence de proposition de convention de conversion et le non respect de la priorité de réembauchage ; Considérant que la condamnation est intervenue sur le constat de l'irrégularité formelle et substantielle de la procédure légale ; Considérant que Serge MARTINEZ qui a signé la lettre de licenciement a commis une faute en ne respectant pas le formalisme légal ; Considérant que si le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion, sa responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit ; Considérant que l'association argue de l'intention de nuire de Serge MARTINEZ, que ce comportement ne saurait se déduire de la seule allégation, au demeurant non fondée, de ce que Serge MARTINEZ aurait pris seul la décision d'une procédure reposant sur un motif économique ; Considérant que seule la faute dans l'exécution de son mandat peut être retenue contre lui ; Considérant que nul ne conteste que Serge MARTINEZ exerçait un mandat à titre gratuit ; Considérant que l'insuffisance des motifs du licenciement au regard des exigences légales, s'agissant en l'espèce d'une procédure relevant d'une technicité juridique certaine et à laquelle les plus expérimentés des professionnels peuvent être pris en défaut, ne suffit pas à conférer à la faute commise par l'intimé le caractère de gravité nécessaire pour engager sa responsabilité de mandataire à titre gratuit ; Considérant qu'il convient en conséquence et en application de l'article 1992 alinéa 2 du code civil seul applicable, de débouter l'appelante de ses prétentions et de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ; Considérant qu'en exerçant son droit d'appel, l'association qui n'a commis d'autre faute que celle de l'erreur sur l'appréciation de l'étendue de ses droits, n'a commis aucun abus de droit générateur d'un préjudice pour l'intimé qui doit être débouté de sa demande reconventionnelle ; Considérant qu'aucun motif d'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, REOEOIT l'Association FRONT NATIONAL en son appel mais la déclare mal fondée, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE l'appelante aux dépens avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile, ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier, Le Président, Sylvie RENOULT Francine BARDY | MANDAT - Mandataire - Responsabilité - Mandat gratuit - Faute - Appréciation - Article 1992 alinéa 2 du Code civil - Portée. - / Aux termes de l'article 1992 du Code civil, "le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion. Néanmoins la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit." Aucune intention de nuire ne pouvant être déduite de l'affirmation, non démontrée, qu'un mandataire aurait pris seul la décision de procéder à un licenciement acquis dans son principe pour un motif économique plutôt que pour un motif personnel, seule une faute dans l'exécution du mandat peut être retenue en raison de l'insuffisance des motifs du licenciement au regard des exigences légales. S'agissant d'un mandat exercé à titre gratuit et d'une faute commise dans le cours d'une procédure relevant d'une technicité juridique certaine, à laquelle les plus expérimentés des professionnels peuvent être pris en défaut, l'insuffisance des motifs du licenciement imputable au mandataire ne suffit pas à conférer à cette faute un caractère de gravité nécessaire pour engager la responsabilité de ce mandataire à titre gratuit |
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JURITEXT000024304446 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/24/30/44/JURITEXT000024304446.xml | ARRET | Cour d'appel de Lyon, 27 juin 2011, 10/04825 | 2011-06-27 00:00:00 | Cour d'appel de Lyon | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée | 10/04825 | 2ème chambre | LYON | R. G : 10/ 04825 décision du Tribunal de Grande Instance de LYON ch 2 sect 5 du 15 juin 2010 RG : 2010/ 04886 ch no2 X... C/ A... COUR D'APPEL DE LYON 2ème chambre ARRET DU 27 Juin 2011 APPELANT : M. ... X... né le 12 Décembre 1960 à AIT HICHAM (AL HOCEIMA) ALG. ... 69100 VILLEURBANNE représenté par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour assisté de Me Malika BARTHELEMY BANSAC, avocat au barreau de LYON INTIMEE : Mme ... A épouse X... née le 03 Février 1966 à MOULAY IDRISS (AL HOCEIMA) MAR ... 69130 ECULLY représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me Marie-Christine BARRET, avocat au barreau de LYON (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 019342 du 14/ 10/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON) * * * * * * Date de clôture de l'instruction : 04 Mars 2011 Date des plaidoiries tenues en chambre du conseil : 16 Mars 2011 Date de mise à disposition : 23 mai 2011 prorogée jusqu'au 27 Juin 2011 Audience présidée par Françoise CONTAT, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christine SENTIS, greffier. Composition de la Cour lors du délibéré : - Jean-Charles GOUILHERS, président -Marie LACROIX, conseiller -Françoise CONTAT, conseiller Arrêt Contradictoire rendu en Chambre du Conseil par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Jean-Charles GOUILHERS, président, et par Christelle MAROT, greffier en chef, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. * * * * * Monsieur ...X... et Madame ... A. se sont mariés le 11 août 1981 à AL HOCEIMA (Maroc), sans contrat préalable. De leur union, sont issus cinq enfants : - BX... né le 5 janvier 1985 à OULLINS, actuellement majeur, - CX... né le 18 octobre 1986 à TASSIN-LA-DEMI-LUNE, actuellement majeur, - DX... né le 22 février 1992 à ECULLY, actuellement majeur, - EX... né le 11 mai 1994 à ECULLY, - FX... né le 10 janvier 2006 à ECULLY. L'épouse a présenté une requête en divorce et par ordonnance sur tentative de conciliation du 15 juin 2010, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de LYON, a, s'agissant des mesures provisoires : - attribué la jouissance du domicile conjugal à l'épouse, à titre gratuit, à titre de complément de pension alimentaire, - dit que l'époux devrait quitter les lieux avant le 1er septembre 2010, sous peine d'expulsion, - constaté que les parents exerçaient en commun l'autorité parentale sur les enfants mineurs ..CX.et ...DX, - fixé leur résidence habituelle chez la mère, - dit que le père exercerait son droit de visite et d'hébergement librement et à défaut d'accord une fin de semaine sur deux les semaines impaires de l'année du vendredi 18 heures au dimanche 19 heures, et pendant la moitié des vacances scolaires de plus de cinq jours (première moitié les années paires, deuxième moitié les années impaires) à charge pour lui de prendre et ramener les enfants à leur résidence habituelle, - fixé à (100 euros x 2) 200 euros par mois la contribution du père à l'entretien et d'éducation des enfants mineurs et à 100 euros par mois la contribution du père à l'entretien et d'éducation de l'enfant majeur Nasrodine, toujours à charge. Monsieur X... a fait appel de cette décision le 28 juin 2010. Par conclusions déposées le 22 novembre 2010, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé complet de ses moyens et prétentions, il demande à la Cour de : - infirmer l'ordonnance sur tentative de conciliation, - constater que la situation des époux X... s'est détériorée et que le montant de l'endettement dépasse les facultés contributives du couple, - fixer le montant de la pension alimentaire pour les deux enfants mineurs à (50 euros x 2) 100 euros et celle due pour l'enfant majeur à 50 euros, - l'autoriser à vendre le logement familial et la résidence au Maroc, - l'autoriser à vendre les différents véhicules appartenant à la communauté, - en attendant la vente, à titre principal : * autoriser l'habitation commune et séparée des époux dans le logement familial à titre gratuit, * déclarer que les charges relatives à la maison seront partagées de façon égale entre les époux, * fixer à 100 euros le montant de la pension alimentaire qu'il devra à son épouse au titre du devoir de secours jusqu'à ce qu'elle trouve un emploi à la condition de prouver sous quinzaine à compter de l'arrêt une recherche active d'emploi auprès de Pôle Emploi, - à titre subsidiaire : * attribuer le logement familial à l'épouse à titre onéreux (500 euros par mois) avec paiement au jour de la liquidation de la communauté, * constater qu'il est dans l'impossibilité financière de verser une pension alimentaire à son épouse, - condamner Madame A... aux entiers dépens. Par conclusions déposées le 2 février 2011, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé complet de ses moyens et prétentions, Madame ...A... épouse X... demande à la Cour de : - lui donner acte de son accord officiel pour vendre le domicile conjugal qui lui a été attribué par l'ordonnance sur tentative de conciliation et ce dans les meilleurs délais, - dire que si le véhicule Mercédès Classe S est vendu, les fonds issus de la vente devront être partagés sinon, lui en attribuer la jouissance, - lui donner acte de son accord pour vendre tous les véhicules détenus actuellement par le couple et faisant l'objet de contrats de crédit bail, - condamner Monsieur X... à lui payer une pension alimentaire de 1. 000 euros au titre du devoir de secours, - porter à 200 euros par mois et par enfant la pension alimentaire due pour les deux enfants mineurs mais aussi pour les deux enfants majeurs qui poursuivent leurs études, - faire injonction à Monsieur X... de payer le retard lié au crédit immobilier s'élevant aujourd'hui à 6. 400 euros outre intérêts liés au retard et de payer les mensualités du biens immobilier principal s'élevant à 1. 559, 44 euros par mois, - condamner Monsieur ...X... à lui payer une provision ad litem de 3. 000 euros et lui donner acte de ce qu'elle renoncera dans cette hypothèse à l'aide juridictionnelle, - condamner Monsieur... X... à lui payer la somme de 1. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile dans le cadre de cette procédure d'appel, outre les entiers dépens. S'agissant du bien immobilier au Maroc, elle indique que ce bien est au seul nom de son mari, qu'elle ne percevra pas un centime sur le prix de vente alors qu'il a été financé par des fonds communs et qu'elle demandera une prestation compensatoire majorée de la moitié de la valeur du bien. Elle souligne que les revenus déclarés par son époux ne correspondent pas à ses revenus réels. L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 mars 2011. En cours de délibéré, la Cour a demandé à Madame A... de lui remettre ses pièces 19 à 30 qui avaient été régulièrement communiquées mais n'étaient pas versées au dossier. Le délibéré a été prorogé à cette fin. DISCUSSION : Attendu que devant la Cour, seules sont remises en question les dispositions de l'ordonnance relatives au montant de la pension alimentaire relative aux enfants ; que pour le surplus il s'agit de demandes nouvelles ; Sur la contribution du père a l'entretien et l'éducation des enfants : Attendu que Monsieur X... prétend qu'il est dans l'impossibilité de payer une pension alimentaire mensuelle de 300 euros pour ses enfants et demande que sa contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant soit fixée à (50 euros x3) 150 euros en faisant valoir que son salaire mensuel est de 1. 032, 99 euros net, que son loyer est de 990 euros par mois et qu'il a la charge d'un enfant de 7 ans issu d'une relation hors mariage et dont la mère ne peut s'occuper ; Qu'il produit les statuts de la SAS INDEX créée en 2010 dont son fils aîné est l'associé unique (ainsi que le Président avant sa démission en mai 2010), ses feuilles de paye de mars à octobre 2010 faisant ressortir un salaire net moyen de 1. 656 euros compte tenu notamment d'une prime d'objectif ainsi que son contrat de travail duquel il résulte que son salaire est constitué d'une rémunération de base brute de 1500 euros, de commissions de 2 à 5 % du chiffre d'affaires de la société outre le remboursement de ses frais professionnels ; Qu'il ne donne aucun élément d'information sur la situation de la SARL INDEX INDUSTRIAL EXCHANGE dont il détient 2250 parts sociales sur 3000 et qui lui a versé une rémunération de 91. 164 euros outre 13. 736 euros à titre de remboursement de frais en 2008 (soit 7. 597 euros par mois) et de 85. 200 euros outre 85. 512 euros à titre de remboursement de frais en 2009 (soit 14. 226, 25 euros par mois) ni sur celle de la SARL " Société Comptoir Régional Terre Cuite " dont le siège social est au Maroc et dont il détient 12217 parts sur 18. 940 ; Que ses divers relevés bancaires font apparaître tout au long de l'année 2010 des rentrées d'argent importantes (remises de chèques et remboursement de frais) sur lesquelles il ne s'explique pas et font ressortir un train de vie qui ne correspond manifestement pas au salaire qu'il déclare ; Qu'il convient d'en déduire qu'il a d'autres revenus que ceux qu'il reconnaît dans le cadre de cette instance ainsi que le soutient Madame A... ; Attendu que les besoins des enfants sont prioritaires ; qu'il convient de tenir compte du fait que Monsieur X... a la charge d'un autre enfant mais non de l'endettement du couple (664. 780 euros générant des remboursements mensuels de 9. 190, 87 euros), problème que seule la vente des biens communs pourra régler ; Attendu que Madame A..., qui s'est jusqu'à présent consacrée à l'éducation des cinq enfants communs, n'a pas d'autres ressources que celles versées par les allocations familiales ; Qu'eu égard aux besoins des enfants Nasrodine majeur mais toujours à charge, Charafodine âgé de 17 ans et Rida âgé de 5 ans et des facultés contributives des parents, il convient de fixer à 150 euros par mois et par enfant soit 450 euros la contribution du père à l'entretien et d'éducation des enfants ; Que s'agissant de l'autre enfant majeur dont le prénom n'est pas précisé et qui serait également étudiant et à charge, la Cour ne peut faire droit à la demande présentée pour la première fois par Madame A... en cause d'appel en l'absence de tout élément d'appréciation ; Sur les mesures provisoires concernant les epoux : 1- autorisation de vendre : Attendu qu'en application de l'article 217 du Code Civil, un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d'état de manifester sa volonté ou si son refus n'est pas justifié par l'intérêt de la famille ; Qu'en application des articles 1286 et 1287 du Code de Procédure Civile dans leur rédaction issue du décret no2009-1591 du 17 décembre 2009, les demandes d'autorisation sur le fondement de l'article 217 du Code Civil relèvent désormais de la compétence du Juge aux Affaires Familiales mais obéissent aux règles prévues par les articles 788 à 792 du Code de Procédure Civile relatifs à la procédure à jour fixe ; Qu'elles ne relèvent pas de la compétence du Juge aux Affaires Familiales statuant à titre provisoire dans le cadre d'une procédure de divorce ; Qu'en tout état de cause, les demandes d'autorisation de vendre des biens de communauté présentées par Monsieur X... sont non seulement irrecevables mais également sans objet puisque Madame A..., consciente des graves difficultés financières du couple, ne s'oppose nullement aux ventes projetées par son époux ; Qu'en effet, elle donne expressément son accord : - pour la vente dans les meilleurs délais de la maison d'Ecully constituant le domicile conjugal en s'engageant à accepter toute offre d'achat supérieure à 550. 000 euros, - pour la vente de tous les véhicules du couple faisant l'objet d'un crédit-bail, - pour celle du véhicule Mercédès classe S qui est au nom de son mari à condition que le prix soit partagée ; Que s'agissant de la maison acquise par son mari au Maroc, elle ne s'y oppose pas en soulignant que son mari n'a pas besoin de son autorisation pour la vendre puisqu'elle est à son nom ; 2- jouissance du domicile conjugal : Attendu que les tensions importantes qui existent dans le couple rendent irréaliste la demande de Monsieur X... tendant au partage de la jouissance de la maison familiale sise à ECULLY ; Que dans l'attente de la vente, la jouissance de cette maison sera attribuée à titre gratuit à l'épouse puisque les enfants vivent à titre principal avec elle et qu'elle n'a pas d'autres revenus que les allocations versées par la caisse d'allocations familiales familiales ; 3- devoir de secours : Attendu qu'eu égard aux revenus respectifs des époux, il convient de condamner Monsieur X... à payer à Madame A... une pension alimentaire de 1. 000 euros par mois au titre du devoir de secours à compter du présent arrêt ; 4- injonction de payer le prêt immobilier : Attendu qu'il n'entre pas dans les attributions du Juge aux Affaires Familiales et donc de la Cour d'appel de prononcer de telles injonctions ; Que la demande sera rejetée ; Sur la provision ad litem, les frais et dépens : Attendu qu'eu égard aux ressources respectives des époux, il convient d'allouer une provision ad litem de 2. 000 euros à Madame A... qui bénéfice actuellement de l'aide juridictionnelle ; Qu'il lui sera alloué la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile dans le cadre de cette instance ; Attendu que les dépens de la procédure d'appel seront supportés par l'appelant qui succombe ; PAR CES MOTIFS : LA COUR, Après débats en audience non publique et après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant en chambre du conseil, par décision contradictoire et en dernier ressort, Infirme l'ordonnance sur tentative de conciliation du 15 juin 2010 en ce qui concerne le montant de la contribution de Monsieur...X... à l'entretien et d'éducation de ses enfants ; La confirme pour le surplus ; Statuant à nouveau : Fixe à 150 euros par mois et par enfant soit au total 450 euros par mois la pension alimentaire due par Monsieur X... pour contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants mineurs et de son enfant majeur Nasrodine ; En tant que de besoin, condamner Monsieur ... X... à payer la-dite pension à Madame ...A... épouse X..., d'avance et le 1er de chaque mois ; Y ajoutant : Condamne Monsieur ... X... à payer à Madame ... A... épouse X... une pension alimentaire de 1. 000 euros par mois au titre du devoir de secours à compter du présent arrêt ; En tant que de besoin, condamne Monsieur ... X... à payer la-dite pension à Madame ... A... épouse X..., d'avance et le 1er de chaque mois ; Déclare irrecevables les demandes d'autorisation de vendre des biens de communauté présentées par Monsieur X... et au surplus, sans objet, compte tenu de l'accord de Madame A... épouse X... ; Condamne Monsieur ... X... à payer à Madame ...A... épouse X... : - une somme de 2. 000 euros à titre de provision pour frais de procès, - une somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; Rejette toute autre demande ; Condamne Monsieur ...X... aux dépens de la procédure d'appel ; Accorde à la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoué, le bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile. Le Greffier Le Président | |||||||||
JURITEXT000026002809 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/26/00/28/JURITEXT000026002809.xml | ARRET | Cour d'appel de Caen, 21 novembre 2011, 11/01152 | 2011-11-21 00:00:00 | Cour d'appel de Caen | 875 | 11/01152 | CHAMBRE DES APPELS CORRECTIONNELS | CAEN | DOSSIER N 11/ 01152 ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2011 X.. contradictoire à signifier Y... contradictoire à signifier Y... contradictoire N 2011/ 875 COUR D'APPEL DE CAEN CHAMBRE DES APPELS CORRECTIONNELS AUDIENCE DU 4 NOVEMBRE 2011 ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2011 COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré Président : Madame NIRDÉ-DORAIL, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 22 décembre 2010 Conseillers : Monsieur SOUBISE, Madame HOUYVET, MINISTÈRE PUBLIC : représenté aux débats par Madame ROZE, Substitut Général et au prononcé par Monsieur LESIGNE, Substitut Général GREFFIER lors des débats : Mademoiselle FERET lors du prononcé : Madame THOMAS PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR : X... ,né le 4 septembre 1980 à CAEN, fils de X... et de Z... , de nationalité française, marié, Négociant automobiles demeurant...14930 Prévenu, Comparant, détenu pour autre cause à la maison d'arrêt de LORIENT PLOEMEUR (mandat de dépôt du 7. 04. 11 au 9. 05. 11, dans une procédure sur comparution immédiate annulée, puis mandat de dépot délivré le 30 juin 2011, dans le cadre de la présente procédure), assisté de Maître MARTIAL Jacques, avocat à CAEN Y... ,né le.... novembre 1984 à NANTES, fils de Y... et de A... , de nationalité française, célibataire, Vendeur de caravane demeurant... .... Prévenu, comparant, détenu au centre pénitentiaire de NANTES (mandat de dépôt du 7. 04. 11 au 9. 05. 11 dans une procédure sur comparution immédiate annulée puis mandat d'arrêt du 30 juin 2011 exécuté le 25 août 2011), assisté de Maître MASURE-LETOURNEUR Catherine, avocat à CAEN, commise d'office. M... né le 6 juin 1989 à NANTES, fils de N;;; et de A... ;;;, de nationalité française, célibataire, Chauffeur demeurant...- Chez Mme B... 14400 MONCEAUX-EN-BESSIN Prévenu, comparant, détenu à la maison d'arrêt de CAEN (mandat de dépôt du 7. 04. 11 au 9. 05. 11 dans une procédure sur comparution immédiate annulée, puis mandat d'arrêt du 30. 06. 2011, mis à exécution le 19 juillet 2011), assisté de Maître BARAKAT Kian, avocat à CAEN LE MINISTÈRE PUBLIC, RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LE JUGEMENT : Saisi de poursuites dirigées contre X...: " d'avoir à ARGENTAN, entre le 1er septembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, participé à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation des délits, puis de 10 ans d'emprisonnement, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, en l'espèce un trafic de produits stupéfiants au centre de détention, en organisant un approvisionnement en téléhone portable et une carte SIM et en organisant la répartition des rôles entre les différents auteurs de l'introduction en détention de produits stupéfiants par des appels téléphoniques préparatoires, en en se faisant fournir de l'argent en numéraire en détention ", infraction prévue et réprimée par les articles 450-1 alinéa 1, alinéa 2, 450-3, 450-5 du code pénal " ; - " d'avoir à ARGENTAN, entre le 1er septembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, offert ou cédé, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 23 septembre 2009 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-37 alinéa 1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8 à 132-19 du code pénal, R. 5132-74, R. 5132-77, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 ; - " d'avoir à ARGENTAN, entre le 1er septembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, acquis, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 23 septembre 2009 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articls 222-37 alinéa 1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8, 132-19-1 du code pénal ;, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1, R. 5132-74, R. 5132-77 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 ; - " d'avoir à ARGENTAN, entre le 1er septembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, fait usage de manière illicite de résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 23 septembre 2009 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-49 alinéa 1, 132-8 à 132-19-1 du code pénal, L. 3421-1 alinéa 1, L. 5132-7 L. 3421-1 alinéa 1, alinéa 2, L. 3421-2, L. 3421-3, L. 3425-1 du code de la santé publique ; - " d'avoir à ARGENTAN entre le 1er septembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, détenu, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 23 septembre 2009 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-37 alinéa 1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8 à 132-19-1 du code pénal, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1, R. 5132-74, R. 5132-77 du code de la santé publique ; - " d'avoir à ARGENTAN, entre le 1er septembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, été complice du délit de la tentative de remise irrégulière à un détenu des sommes d'argent des substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement, commis par C... Bangaly, par D....., par E... ...., en provoquant cette action par menace ou ordre et en donnant des instructions pour commettre l'infraction ; infraction prévue et réprimée par les articles 434-34, 434-35 alinéa 2, 434-44 alinéa 1, alinéa 3, alinéa 4, 121-6, et 121-7 du code pénal ; Saisi de poursuites dirigées contre Y... ... : " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 1er décembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, participé à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation des délits, punis de 10 ans d'emprisonnement, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, en l'espèce des infractions à la législation sur les produits stupéfiants, à savoir un trafic de produits stupéfiants dans un établissement pénitentiaire, en participant aux opérations d'introduction de téléphones portables dans un établissement pénitentiaire, destinés à des personnes dont il savait qu'elles animaient un trafic de stupéfiants en détention, et en se faisant adresser une puce de téléphone portable " une semaine avant " le 13 décembre 2010 alors qu'il se trouvait en détention " ; infraction prévue et réprimée par les articles 450-1 alinéa 1, alinéa 2, 450-3, 450-5 du code pénal " ; - " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 13 janvier 2011 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, offert ou cédé des stupéfiants, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 13 décembre 2007 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-37 alinéa 1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8 à 132-19-1 du code pénal, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1, R. 5132-74, R. 5132-77 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 " ; - " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 13 janver 2011 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, détenu des stupéfiants, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 13 décembre 2007 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-37 alinéa 1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8 à 132-19-1 du code pénal, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1, R. 5132-74, R. 5132-77 du code de la santé publique, art. 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 " ;' " d'avoir à ARGENTAN, du 12 décembre 2010 au 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, fait usage de matière illicite de résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 13 décembre 2007 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles L. 3421 alinéa 1, alinéa 2, L. 5132-7, L. 3421-2, L. 3421-3, L. 3425-1 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990, 222-49 alinéa 1, 132-8 à 132-9 du code pénal ; " d'avoir à ARGENTAN, le 13 décembre 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, été complice du délit de remise irrégulière à un détenu des sommes d'argent, des substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement, commis par Bengaly C... en l'aidant en en l'assistant sciemment dans la commission du délit, en téléphonant de sa cellule à la personne qui effectue la projection, pour lui faire réitérer son tir " ; infraction prévue et réprimée par les articles 434-35, 434-35 alinéa 2, 434-44 alinéa 1, alinéa 3, alinéa 4, 121-6 et 121-7 du code pénal ; Saisi de poursuites dirigées contre Y....... : - " d'avoir à ARGENTAN, dans le calvados et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 12 décembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, participé à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation d'un ou plusieurs délits punis de 10 ans d'emprisonnement, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, en l'espèce des infractions à la législation sur les produits stupéfiants, à savoir un trafic de produits stupéfiants dans un établissement pénitentiaire, en participant aux opérations d'introduction de téléphones portables dans un établissement pénitentiaire, destinés à des personnes dont il savait qu'elles animaient un trafic de stupéfiants en détention " ; infraction prévue et réprimée par les articles 450-1 alinéa 1, alinéa 2, 450-3, 450-5 du code pénal ; " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS, et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 12 décembre 2010 au 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, de manière illicite, transporté des stupéfiants, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiants et ce, en état de récidive légale pour avoir été condamné le 29 avril 2010, par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-37 alinéa 1, 222-41 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8, 132-19-1 du code pénal, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1, R. 5132-74, R. 5132-77 du code de procédure pénale ; " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 12 décembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, de manière illicite, offert ou cédé des stupéfiants, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 29 avril 2010 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-37 alinéa 1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49- alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8 à 132-19-1 du code pénal, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1, R. 5132-74, R. 5132-77 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 " ; " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 12 décembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, détenu des stupéfiants, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant et ce en état de récidive légale pouar voir été condamné le 29 avril 2010 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-37 alinéa 1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8 à 132-9 du code pénal, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1, R. 5132-74, R. 5132-77 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 ; - " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 12 décembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, fait usage de manière illicite de résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 29 avril 2010 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles L. 3421-1 alinéa 1, L. 5132-7 L. 3421-1 alinéa 1, alinéa 2, L. 3421-2, L. 3421-3, L. 3425-1, du code de la santé publique, 222-49 alinéa 1, 132-8 à 132-19-1 du code pénal, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 " ; " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS, le 13 décembre 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, été complice du délit de remise irrégulière à un détenu des sommes d'argent des substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement, commis sur ... C... en l'aidant en l'assistant sciemment dans la commission du délit, en conduisant le véhicule BMW " infraction prévue et réprimée par les articles 434-35, 434-35 alinéa 1, 434-44 alinéa 1, alinéa 3, alinéa 4, 121-6, 121-7 du code pénal ; " d'avoir à RONAI et sur le territoire du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, le 13 décembre 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, étant conducteur d'un véhicule, refusé d'obtempérer à une sommation de s'arrêter d'un fonctionnaire ou agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité, dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 9 mars 2009 par le tribunal correctionnel pour des faits identiques ou assimilés " ; infraction prévue et réprimée par les articles L. 233-1-1 § I, L. 224-12 du code de la route, 132-8 à 132-19-1 du code pénal, L. 233-1 § I, L. 233-1 du code de la route ; Par jugement contradictoire en date du 30 juin 2011, le tribunal correctionnel d'ARGENTAN : - a fait droit partiellement aux exceptions de nullité soulevées par les parties, - a annulé les auditions de garde à vue des prévenus, - a rejeté les autres exceptions de nullité, concernant .... Y... : - l'a relaxé pour les faits d'usage illicite de stupéfiants en récidive commis du 12 décembre 2010 au 5 avril 2011 à ARGENTAN, dans le Calvados et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, - a requalifié les faits de complicité de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu par personne habilitée à entrer dans l'établissement pénitentiaire ou a approcher les détenus qui lui étaient reprochés en tentative de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu par personne habilitée à entrer dans l'établissement pénitentiaire ou approcher les détenus, - sous réserve de cette requalification, l'a déclaré coupable pour le surplus sur la période comprise entre le 12 et le 14 décembre 2011, - l'a relaxé pour les faits commis entre le 15 décembre 2011 au 5 avril 2011 - l'a condamné à la peine de 4 ans d'emprisonnement, - a décerné mandat d'arrêt à son encontre, concernant .... Y... : - l'a relaxé pour les faits d'usage illicite de stupéfiants en récidive commis du 12 décembre 2010 au 5 avril 2011 à ARGENTAN, - a requalifié les faits de complicité de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu par personne habilitée à entrer dans l'établissement pénitentiaire ou a approcher les détenus qui lui étaient reprochés en complicité de tentative de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu par personne habilitée à entre dans l'établissement pénitentiaire ou à approcher les détenus, - l'a déclaré coupable du surplus -l'a condamné à la peine de 5 ans d'emprisonnement, - a décerné mandat d'arrêt à son encontre. concernant.....X... : - l'a relaxé pour les faits d'usage illicite de stupéfiants en récidive commis du 1er septembre 2010 au 5 avril 2011, à ARGENTAN, - a requalifié les faits de complicité de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu par personne habilitée à entrer dans l'établissement pénitentiaire ou à approcher les détenus qui lui étaient reprochés en tentative de complicité de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu par personne habilitée à entrer dans l'établissement pénitentiaire ou approcher les détenus, - l'a déclaré coupable du surplus sur la période comprise entre le 11 décembre 2010 et le 9 février 2011, - l'a relaxé pour les faits commis entre le 1er septembre 2010 au 10 décembre 2010 et entre le 9 février 2011 et le 5 avril 2011, - l'a condamné à la peine de 5 ans d'emprisonnement, - a décerné mandat de dépôt à son encontre et a ordonné la confiscation des scellés. LES APPELS : Appel a été interjeté par : ...D... ...., le 4 juillet 2011 M. le Procureur de la République, le 6 juillet 2011 contre D... .... ....D... ...., s'est désisté de son appel le 11 juillet 2011 entraînant l'appel incident du ministère public (ordonnance du 22 septembre 2011) ...X... ..... le 5 juillet 2011 M. le Procureur de la République, le 6 juillet 2011 contre ...X... ...Y... , le 8 juillet 2011 ...Y... , le 8 juillet 2011 M. le Procureur de la République, le 8 juillet 2011 contre ...Y... et Y... Par arrêt contradictoire en date du 2 novembre 2011, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de CAEN a renvoyé l'affaire à l'audience du 4 novembre 2011. DÉROULEMENT DES DÉBATS : L'affaire a été appelée en audience publique le 4 novembre 2011, en présence des prévenus assistés de leur conseil ; Maître MARTIAL a déposé à l'audience du 2 novembre 2011 des conclusions de nullité in limine litis aussitôt visées et versées au dossier et qu'il a reprises à l'audience du 4 novembre 2011 ; Maître MASURE-LETOURNEUR et Maître BARAKAT ont déposé des conclusions qui ont aussitôt été visées et versées au dossier ; Madame le Président a constaté l'identité de .... X..., de ... Y... et de .....Y..., a donné lecture de leur casier judiciaire, des renseignements les concernant et du dispositif du jugement ; Cour a joint l'incident au fond ; Ont été entendus : Madame le Conseiller HOUYVET, en son rapport ; .... X... qui a été interrogé ; ..... Y... qui a été interrogé ; ..... Y... qui a été interrogé ; Madame ROZE, en ses réquisitions ; Maître MARTIAL, en sa plaidoirie ; Maître BARAKAT, en sa plaidoirie ; Maître MASURE-LETOURNEUR, en sa plaidoirie ; .... X... qui a eu la parole en dernier ; .... Y... qui a eu la parole en dernier ; .... Y... qui a eu la parole en dernier. Puis la Cour a mis l'affaire en délibéré et informé les parties présentes qu'elle prononcerait son arrêt à l'audience publique du lundi 21 novembre 2011 à 14 H 00. Et ce jour, lundi 21 novembre 2011 à 14 H 00, la Cour, après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu en audience publique l'arrêt suivant : prononcé par Mme NIRDÉ-DORAIL, Président, en présence de M. LESIGNE, Substitut Général, assistés de Mme THOMAS, Greffier. MOTIFS : ...X... a interjeté appel principal du jugement ci-dessus rapporté le 5 Juillet 2011 au greffe du centre pénitentiaire de LORIENT. Son appel a été retranscrit dans les registres du greffe correctionnel du tribunal de grande instance d'argentan le jour même. Le Procureur de la République du tribunal de grande instance d'ARGENTAN a formé un appel incident contre lui le 6 juillet 2011. ... Y... et .... Y... ont formé chacun un appel principal contre ce jugement le 8 Juillet 2011 au greffe correctionnel du tribunal de grande instance d'ARGENTAN. Le Procureur de la République du tribunal de grande instance d'ARGENTAN a formé un appel incident contre chacun d'eux le 8 juillet 2011. Ces appels sont réguliers et recevables. ** * Sur les exceptions de nullité Avant toute défense au fond, les conseils de chacun des prévenus ont déposé des conclusions régulièrement visées à l'audience, étant précisé que le conseil de ...X... a indiqué qu'il convenait de prendre en considération les conclusions qu'il avait régulièrement déposées à l'audience du 2 novembre 2011à l'occasion de laquelle le renvoi contradictoire de l'examen de l'affaire avait été ordonné et que le conseil de ... Y... a mentionné sur ses conclusions déposées à l'audience du 4 novembre 2011 qu'elle étaient prises au lieu et place de ses précédentes conclusions déposées le 2 Novembre 2011. Après en avoir délibéré, la Cour a décidé de les joindre au fond et de statuer par un seul et même arrêt. a) Sur la validité de la saisine du tribunal Maitre MARTIAL, agissant au soutien des intérêts de ... X..., dans ses conclusions développées à l'audience, demande l'annulation du jugement frappé d'appel sans possibilité pour la Cour d'évoquer, le tribunal n'ayant pas été valablement saisi. Il rappelle que le Parquet avait initialement saisi le tribunal suivant la procédure de comparution immédiate pour l'audience du 7 Avril 2011, qu'à la demande des prévenus qui avaient sollicité un délai pour préparer leur défense, le tribunal avait renvoyé l'affaire au 9 mai 2011 et décerné mandat de dépôt contre tous les prévenus. Par jugement du 9 Mai 2011, le tribunal, faisant droit à la demande de nullité de ...X..., ... Y..., .... Y... et .... D..., a constaté la nullité des actes de saisine du tribunal correctionnel les concernant par suite de la violation des dispositions de l'article 706-106 du code de procédure pénale, a dit qu'il n'était pas valablement saisi à leur égard et a ordonné la disjonction du dossier les concernant, jugeant Alexa E... qui n'avait pas soulevé de nullités de procédure et avait demandé à être jugée le jour même. Le 9 mai 2011, le Procureur de lé République faisait délivrer par un greffier du tribunal, au visa de l'article 390-1 du code de procédure pénale, une citation portant sur les mêmes faits à l'encontre de ....X..., .... Y..., ... Y... et .... D... pour l'audience du 20 Juin 2011. Le conseil de .... X..., agissant au soutien des intérêts de ce dernier, soulevait l'irrégularité de cette saisine et de la disjonction des poursuites, conclusions qu'il reprenait devant la Cour, en faisant valoir que le Procureur de la République du tribunal de grande instance d'ARGENTAN ne pouvait mettre à nouveau en mouvement l'action publique alors que le jugement rendu par le tribunal le 9 mai 2011 n'était pas définitif. Il ajoutait que le tribunal, sans tenir compte de l'article préliminaire du code de procédure pénale selon lequel les personnes se trouvant dans des situations semblables et poursuivies pour les mêmes infractions devaient être jugées selon les mêmes règles, avait irrégulièrement ordonné la disjonction des poursuites. Sur ce, Au-delà de la décision critiquable du Parquet d'ARGENTAN qui a profité que les formalités de levée d'écrou ne soient pas encore effectuées, à la suite de l'annulation décidée par le tribunal le 9 mai 2011, pour faire délivrer ce jour là aux prévenus à l'égard desquels la nullité était prononcée une citation à comparaitre à l'audience du 30 juin 2011 des mêmes chefs de prévention que ceux ayant fait l'objet des poursuites initiales, il n'est pas légalement prohibé pour le Ministère public de procéder comme il l'a fait. En effet, rien n'interdit au Parquet, dès lors que sa première modalité de saisine a été écartée par le Tribunal de ressaisir à nouveau la juridiction de la même prévention, mais suivant une autre modalité procédurale. Faisant siens, pour rejeter cette exception de procédure, les motifs du tribunal selon lesquels d'une part, les prévenus concernés avaient la possibilité, en application de l'article 507 du code de procédure pénale, de faire immédiatement appel du jugement du 9 mai 2011 qui mettait fin à la procédure les concernant, ce que, pas plus que le Ministère public, ils n'ont fait, et, d'autre part,.... X... ne pouvait valablement reprocher au tribunal d'avoir disjoint et jugé, conformément à sa demande,...E... sans que cette nullité puisse être soulevée d'office par le tribunal, la Cour y ajoute que la mesure de disjonction est une mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours et qu'il n'est pas démontré que le procès n'a pas été équitable, contradictoire et loyal. Enfin, il n'est pas démontré par ...X... que les modalités de saisine du tribunal par le Parquet lui ont porté grief. Dès lors, cette exception de nullité sera rejetée. b) Sur l'annulation des auditions des prévenus recueillies au cours de leur garde à vue et des actes subséquents ... X..., se prévalant de la convention européenne des droits de l'homme, de la jurisprudence européenne et de celle de l'assemblée plénière de la Cour de Cassation du 15 avril 2011, sollicite l'annulation de toutes ses auditions recueillies sous le régime de la garde à vue ainsi que celles de ses co-prévenus et des personnes condamnées par jugement du tribunal correctionnel d'ARGENTAN du 17 décembre 2010 (...P...) et par arrêt de la Cour d'appel du 28 Février 2011 (...Q... et ...R...) aux motifs que le droit à l'assistance d'un avocat dès le début de leur garde à vue et pendant toute sa durée avec accès immédiat pour l'avocat à l'intégralité du dossier ne leur avait pas été notifié, ce qui lui fait grief, les déclarations ainsi recueillies l'ayant été de façon irrégulière. ...Y... et ...Y..., rappelant la jurisprudence de la Cour de cassation en date du 31 mai 2011, ont sollicité dans leurs conclusions devant le tribunal l'annulation de leurs auditions en garde à vue en faisant valoir qu'ils n'ont pas été avisés de leurs droits et n'ont pas pu être assistés d'un avocat dès la première heure de garde à vue ; ils ont aussi de ce fait sollicité l'annulation de toutes leurs auditions recueillies dans ce cadre ainsi que l'annulation de la perquisition effectuée au domicile de .... Y... au motif qu'il n'avait pas pu régulièrement y consentir, faute d'avoir été assisté d'un avocat ; ils ont aussi demandé que les scellés résultant de cette perquisition soient écartés des débats. Dans leurs conclusions devant la Cour, ils reprennent ces exceptions de nullité relatives au défaut de notification du droit de se taire et du droit de bénéficier de l'assistance effective d'un avocat ce qui doit selon ...Y..., conduire à l'annulation de l'ensemble de ses auditions recueillies sous le régime de la garde à vue, de la perquisition effectuée à son domicile le 5 avril 2011, dont l'annulation n'avait pas été sollicitée en première instance, ainsi que tous les actes d'enquête subséquents. .....Y..., pour sa part, soutient pour la première fois devant la Cour que la nullité de l'ensemble de la procédure suivie contre lui doit être prononcée, en faisant aussi valoir que cette nullité doit aussi s'étendre à tous les actes de la procédure en soutenant que les auditions des tiers recueillies irrégulièrement lui ont causé grief. Il convient préalablement de rappeler que ....Y... et .....Y... sont irrecevables à soulever pour la première fois en cause d'appel des demandes nouvelles. Ainsi, est irrecevable la demande d'annulation de la perquisition faite chez .... Y... le 5 Avril 2011 non soulevée devant le tribunal, saisi de la demande d'annulation de la perquisition effectuée chez ...Y.... L'est aussi la demande d'annulation faite par .... Y... relative aux auditions des tiers placés en garde à vue dans ce dossier. - Sur le défaut de notification du droit de se taire, Seuls ....Y... et ....Y... soulèvent ce moyen. Il résulte de l'article 6 paragraphe 3 de la convention européeene des droits de l'homme que toute personne placée en garde à vue doit être informée qu'elle a la possibilité de se taire et de ne pas s'auto-incriminer. En l'espèce, ... Y... et .....Y... n'ont pas été avisés de ce droit, ce qui leur a nécessairement fait grief. - Sur le défaut de notification du droit à l'assistance effective d'un avocat dès le début de la garde à vue, Si les règles de procédure pénale applicables à la criminalité et à la délinquance organisée, applicables en l'espèce, prévoyaient le droit à l'assistance de l'avocat à partir de la 72ème heure de garde à vue, il résulte toutefois de la convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, notamment dans ses arrêts du 31 mai 2011, qu'en application de l'article 6 paragraphe 3 de la convention européenne des droits de l'homme, « toute personne placée en garde à vue doit, dès le début de cette mesure, être informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, pouvoir bénéficier, en l'absence de renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ». En l'espèce, même si ... Y... et ...Y... ont expressément renoncé à la présence d'un avocat au moment où leurs droits leur ont été notifés en début de garde à vue, il ne résulte pas de la procédure qu'il existait en l'espèce des raisons impérieuses de différer le droit pour eux d'être assistés d'un avocat. Le respect des droits de la Défense n'est pas assuré par la limitation systématique apportée au droit d'une personne gardée à vue à l'assistance effective d'un avocat, fût elle prévue par le code de procédure pénale. S'il est possible de prévoir des restrictions à ce droit, elles doivent être clairement circonscrites et ne pas priver le droit de la personne à un procès équitable, à la lumière de la procédure dans son ensemble. En l'espèce, il n'est pas indiqué en quoi il existait des raisons impérieuses de restreindre pour ... X...,... Y..., Teddy Y... ce droit. La restriction non motivée apportée à ce droit leur a nécessairement fait grief. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les auditions de ... X..., ...Y..., Teddy Y... recueillies sous le régime de la garde à vue doivent être annulées sans que le soient, comme le sollicite ... X..., celles des tiers placés en garde à vue dans le cadre de la procédure, ce dernier ne démontrant pas en quoi l'irrégularité de leur garde à vue, aurait porté atteinte à ses intérêts. Ce qui est protégé, c'est le droit pour chaque personne gardée à vue d'avoir un procès équitable. ... X..., qui a eu accès à l'ensemble du dossier et notamment aux déclarations de l'ensemble des personnes ayant été placées en garde à vue dans cette procédure, y compris à celles ayant été jugées à une date antérieure à lui, a ainsi été mis en mesure de pouvoir se défendre. Dès lors, il n'y a pas lieu à annulation des auditions en garde à vue des tierces personnes concernées par ce dossier. Par suite, conformément à la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation, ne doivent être annulés que les actes subséquents dont la garde à vue était le support nécessaire. Or, la perquisition au domicile de Teddy Y... a été effectuée avant sa première audition en garde à vue et il a de surcroit consenti expressément à cet acte en y donnant son assentiment alors qu'il avait été préalablement porté à sa connaissance qu'il pouvait s'y opposer, Dès lors, il n'y a pas lieu à annulation de le perquisition effectuée à son domicile. c) Sur l'annulation des écoutes téléphoniques ...X... reprend devant la Cour exactement dans les mêmes termes les conclusions déposées sur ce point par son conseil à l'audience devant le tribunal. ...Y... demande, comme en première instance, qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'adjoint aux conclusions de ... X... sur ce point. Par contre, ....Y..., qui l'avait aussi demandé devant le tribunal, ne le demande pas devant la Cour. Sur ce point, faisant siens les motifs du tribunal qu'elle adopte, la Cour confirme le rejet des demandes de nullité soulevées de ce chef devant elle par...X... et ...Y.... 2) Sur le fond Le 13 décembre 2010, des surveillants du centre de détention d'Argentan signalaient aux services de police que des personnes tentaient de lancer des objets par dessus le grillage de protection de l'établissement. Dépêchés sur place, les fonctionnaires de police ne parvenaient pas à en interpeller les auteurs qui prenaient la fuite à bord d'un véhicule de marque BMW dont le conducteur empruntait un champ de culture, allait de droite à gauche de la chaussée, circulait à vive allure tandis que ses trois passagers lançaient des objets en direction du véhicule de police, dont les avertisseurs sonores et lumineux étaient en fonctionnement, et ce, de façon à en ralentir la progression. Avec l'aide de militaires de la gendarmerie qui déployaient une herse sur la chaussée, le véhicule était abandonné par ses occupants à Ronai. Tandis que...C..., ... G...et ... F..., passagers de ce véhicule, étaient interpellés, le conducteur réussissait à s'enfuir à pied non sans avoir laissé tomber un paquet contenant un téléphone portable, un chargeur, un kit mains libres, un morceau de cannabis de 22, 6 grammes et 3, 1 grammes d'héroïne. ...E F... était définitivement condamné pour ces faits le 17 décembre 2010 par jugement définitif du tribunal correctionnel d'Argentan à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve tandis que ... G...l'était à trois ans d'emprisonnement par arrêt de la chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel du 28 février 2011 contre lequel...C..., condamné pour sa part à quatre ans d'emprisonnement, formait un pourvoi. ... F..., ...G..., ... C... déclaraient que le chauffeur du véhicule BMW, qui avait organisé leur venue de Caen à Argentan, avait été averti de l'échec du lancement du colis par un appel téléphonique en provenance du centre de détention. Dès lors, le Parquet d'Argentan confiait la poursuite de l'enquête aux fonctionnaires de police qui, en étudiant les contacts téléphoniques que ...C... avait eus le jour des faits, apprenaient qu'il avait été en relation à sept reprises avec un numéro attribué, selon les mentions figurant dans son répertoire téléphonique à un prénommé ..., étant précisé que ce numéro avait déclenché la cellule couvrant le centre de détention d'Argentan. Par ailleurs, l'analyse de la téléphonie conduisait les enquêteurs à déterminer que le soir des faits l'utilisateur de la ligne ..., en relation avec Bangaly C..., avait peu de temps après sa fuite contacté le père des frères Y... dont la géo-localisation du téléphone permettait d'apprendre qu'il s'était déplacé à proximité du lieu d'abandon du véhicule BMW. Face à ces éléments matériels,...Y..., titulaire de cette ligne, reconnaissait à l'audience devant le tribunal qu'il en était l'utilisateur et qu'il connaissait ... C.... De plus, les déclarations de ... F... selon lesquelles le soir des faits le conducteur de la BMW, qu'il ne connaissait pas, possédait une Fiat rouge dont le pot d'échappement était bruyant, permettaient aussi de confondre ... Y... comme étant celui qui conduisait le véhicule BMW le soir du 13 Décembre 2010 car il avait, par le biais d'internet, mis en vente fin janvier 2011 un véhicule Fiat Punto rouge ayant un problème d'échappement. A l'audience devant la Cour, ...Y... reconnaissait qu'il était le conducteur du véhicule BMW le soir des faits et avait refusé d'obtempérer aux injonctions des policiers dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité. Il était d'ailleurs en état de récidive légale pour ces faits compte-tenu de la condamnation définitive prononcée contre lui par jugement contradictoire du tribunal correctionnel de Caen du 9 mars 2009 pour des faits de même nature. Il a aussi déclaré que, sachant qu'il était titulaire du permis de conduire, ... C..., qu'il connaissait, l'avait contacté pour aller au centre de détention jeter un paquet dont il connaissait le contenu pour avoir assisté à Caen à sa préparation. Il a ajouté qu'il reconnaissait l'usage de cannabis qui lui était reproché. En ce qui concerne ... Y..., l'enquête établissait que le téléphone qu'il utilisait au centre de détention avait fonctionné le soir des faits, ce qui laissait penser que c'était lui qui avait dû avertir son frère ... de l'échec de l'envoi du paquet contenant notamment un téléphone et des produits stupéfiants. Il reconnaitra à l'audience devant la Cour qu'il existait au centre de détention d'Argentan, où il était écroué du 24 Juin 2009 au 13 Janvier 2011, un trafic portant à la fois sur des produits stupéfiants et des téléphones portables animé par des co-détenus dont il refusait de donner le nom lesquels lui avaient demandé s'il connaissait des personnes pour y participer. Il expliquait avoir agi de concert avec ... C... et avoir sollicité comme chauffeur son frère T... afin de procéder au " parachutage " d'un paquet, contenant produits stupéfiants et téléphone portable, au centre de détention. Il déclarait qu'avec un téléphone portable que lui avait prêté un co-détenu, dont il taisait le nom, c'était lui qui était chargé de récupérer ce paquet moyennant quoi il était prévu qu'il bénéficie d'un téléphone portable pour Noël ainsi que d'un petit bout de cannabis pour sa consommation le soir. Libéré du centre de détention d'Argentan et placé sous bracelet électronique le 13 janvier 2011,...Y... sera à compter de cette date en relation téléphonique avec ... X... avec lequel il organise le moyen de faire entrer au centre de détention, par l'intermédiaire des détenus .... D... ou H...bénéficiant de permissions de sortie, et avec le soutien de l'épouse de ... X..., des stupéfiants et des puces de téléphone portable. Les retranscriptions des écoutes téléphoniques du portable utilisé par ....Y... depuis son élargissement du centre de détention attestent clairement de son rôle essentiel dans l'introduction au centre de détention de produits stupéfiants et de puces de téléphones portables, en exécution des demandes à lui faites par ... X.... A l'audience devant la Cour, .... Y... reconnaissait qu'il était après sa sortie de prison resté en contact avec ... X... qui était pour lui un ami de longue date, originaire comme lui de la région de Caen et qu'il avait voulu accéder à sa demande en lui faisant parvenir une puce de téléphone portable afin qu'il puisse facilement communiquer avec sa femme. Il déclarait qu'il avait profité d'une permission de sortie d'Abdelali D... pour lui confier du cannabis à charge pour lui de le remettre à un de ses ex co-détenus qui avait été gentil avec lui et dont il refusait de donner le nom. ..... Y... déclarait que le morceau de cannabis d'un poids de 11, 2 g découvert au cours de la perquisition effectuée le 5 avril 2011 dans sa caravane appartenait à un ami dont il taisait le nom. Il précisait qu'il ne se souvenait plus qu'il détenait ces produits stupéfiants. A l'audience devant la Cour, ... X... concédait qu'il n'était pas totalement étranger aux faits qui lui étaient reprochés. Tout en indiquant qu'il y avait de nombreux détenus prénommés comme lui au centre de détention d'Argentan et que ce n'était pas lui qui était toujours l'interlocuteur de ....Y... au cours des conversations téléphoniques retranscrites qui venaient étayer l'existence d'un trafic organisé de produits stupéfiants, de téléphones portables ou d'éléments de téléphones portables au sein du centre de détention, il admettait néanmoins qu'il avait effectivement été en relation téléphonique avec ....Y... le 21 janvier 2011, se limitant à dire qu'il lui avait demandé une puce de téléphone portable et affirmant de rien à voir avec les stupéfiants. Cependant, quand au cours des débats, il était porté à sa connaissance que dans cette conversation où il donnait le numéro de portable de sa femme, il était clairement question de faire de nouveau entrer du cannabis au centre de détention portant sur 40, il concédait avoir servi d'intermédiaire entre .... D... et .... Y... pour 40 euros de cannabis et avoir téléphoné à....Y... pour lui dire que, pendant sa permission, ... D... allait venir chez lui en chercher. Il ajoutait que si ce dernier n'avait pas obtenu sa permission, il avait pensé solliciter aux mêmes fins H.... Le Parquet d'Argentan n'ayant pas fait choix d'une ouverture d'information, les confrontations avaient lieu à l'audience sans que ... X... puisse être interrogé sur toutes les retranscriptions d'écoutes téléphoniques figurant au dossier soumis à la Cour. Dès lors, seule l'écoute téléphonique susvisée du 21 janvier 2011 sur laquelle il a été mis en mesure de s'expliquer, sera retenue contre lui. Bien qu'il le conteste, il en résulte clairement qu'il était l'organisateur du trafic de stupéfiants et de téléphones portables démantelé au centre de détention d'Argentan puisqu'en dehors des déclarations faites par ..... Y..., son ami de longue date et fidèle lieutenant, il résulte de la conversation susvisée que ce n'était pas la première fois qu'ils faisaient rentrer des produits stupéfiants en détention puisqu'ils en comparent la qualité avec celui de « la dernière fois », étant précisé qu'il est permis de se demander si les « 40 » dont il est question dans cette conversation ne correspondent pas plutôt à 40 grammes quand on sait que le colis qui a tenté d'être envoyé au centre de détention le 13 décembre 2010 contenait un peu plus de 22 grammes de résine de cannabis et qu'au cours de la conversation téléphonique qu'il a avec .... Y... 21 Janvier 2011,... X... lui demande « il est mastoc le truc ». De plus, c'est.... X..., qui l'a d'ailleurs admis, qui sollicite Teddy Y... pour confier à des détenus bénéficiant de permissions de sortie du cannabis afin de le lui ramener au centre de détention. Ces agissements sont à mettre en relation avec le fait qu'il purgeait au centre de détention une peine de six ans d'emprisonnement prononcée contre lui par jugement contradictoire du tribunal correctionnel de Caen le 23 septembre 2009 pour infractions à la législation sur les stupéfiants. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'infraction d'association de malfaiteurs est constituée à l'encontre de ..... X..., ....Y... et ......y Y..., puisqu'il est établi que ....X... et ..... Y... ont été particulièrement actifs dans la constitution d'un groupement ou d'une entente établie en vue de la préparation des délits d'infractions à la la législation sur les stupéfiants au sein du centre de détention d'ARGENTAN puisque, alors qu'il y était incarcéré, ..... Y... a organisé le parachutage d'un colis contenant téléphone portable et stupéfiants en s'adressant à ...... C... et à son frère ..... Y..., recruté comme chauffeur, devant quant à lui diriger l'envoi de ce colis, en définitive non parvenu à destination en raison de l'intervention des forces de police. Une fois libéré sous bracelet électronique, ..... Y... a continué à avoir des contacts avec Nordin X... avec lequel, et pour le compte duquel, moyennant le recrutement de détenus bénéficiant de permissions de sortie, il faisait entrer au centre de détention des stupéfiants et des téléphones ou éléments de téléphones portables alimentant ainsi le trafic lucratif existant au sein du centre de détention. Eu égard au rôle tenu par Nordin X..., les faits d'acquisition, de détention, d'offre ou cession de produits stupéfiants qui lui sont reprochés seront requalifiés en complicité par instructions desdits délits et il sera déclaré coupable de ces faits ainsi requalifiés, lesquels ont été commis entre le 12 octobre 2010 et le 9 février 2011, période à laquelle il était écroué au centre de détention d'ARGENTAN, et ce, en état de récidive légale compte-tenu de la condamnation définitive dont il a fait l'objet par jugement contradictoire du tribunal correctionnel de Caen du 23 septembre 2009 pour infractions à la législation sur les stupéfiants. Par contre, faute d'avoir reconnu à l'audience les faits d'usage de stupéfiants qui lui sont reprochés, il sera relaxé de ce chef. En ce qui concerne les faits du 13 décembre 2010 reprochés à .... et ....Y..., sous la qualification de complicité de délit de remise irrégulière à un détenu des sommes d'argent ou de substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement, ils devront être requalifiés en tentative de remise irrégulière à détenu de substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement puisque le colis contenant des stupéfiants, un téléphone portable et des éléments du téléphone portable n'est pas parvenu dans l'enceinte du centre de détention d'ARGENTAN en raison de l'intervention des policiers. Tous deux seront déclarés coupables de ces faits ainsi requalifiés commis le 13 décembre 2010. S'agissant des faits reprochés à Nordin X... sous la qualification de complicité de tentative de remise irrégulière à un détenu de sommes d'argent ou de substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement commis par .....C...,..... D... et..... E..., en provoquant cette action par menace ou ordre et en donnant des instructions pour commettre l'infraction, ils sont constitués sauf à indiquer qu'il n'est pas démontré qu'ils portaient sur des sommes d'argent et sauf à préciser qu'il les a commis pendant la période où il était écroué au centre de détention d'ARGENTAN, soit entre le 12 octobre 2010 et le 9 février 2011. Il résulte en effet des déclarations de ... X... à l'audience qu'il a sollicité ..... Y... pour obtenir irrégulièrement sur son lieu de détention une puce de téléphone portable ainsi que de la résine de cannabis, étant précisé qu'il résulte des écoutes téléphoniques réalisées qu'.... D... et sa concubine ..... E... ont à leur tour été sollicités par .... X... et .... Y... à cette fin. Les faits d'usage de stupéfiants, reconnus par .... Y... à l'audience devant la Cour, sont caractérisés à son encontre comme le sont aussi les faits de détention, d'offre ou de cession de produits stupéfiants qui lui sont reprochés puisqu'il est établi qu'il a eu un rôle déterminant dans le trafic sévissant au sein du centre de détention en en faisant parvenir notamment à Nordin X..., qui le lui demandait, ainsi que cela résulte clairement de l'écoute téléphonique du 21 janvier 2011. Il a commis ces faits en état de récidive légale compte-tenu de la condamnation définitive prononcée contre lui pour des faits notamment de même nature par jugement contradictoire du tribunal correctionnel de Caen en date du 13 décembre 2007. Par contre, si l'enquête n'a pas permis de démontrer l'implication de Thierry Y... dans les faits, d'offre ou cession de stupéfiants qui lui sont reprochés, sa culpabilité est avérée pour les faits d'usage, qu'il a reconnus à l'audience devant la Cour, ainsi que pour ceux de détention et de transport en raison du rôle qu'il a joué le 13 décembre 2010 dans l'acheminement, en connaissance de cause, de Caen à Argentan, du colis contenant notamment des stupéfiants. Il a commis ces faits en état de récidive légale compte-tenu de la condamnation définitive prononcée contre lui par jugement contradictoire du tribunal correctionnel de Caen le 29 avril 2010 pour des faits de même nature. Le délit de refus d'obtempérer, tel que visé à la citation et qu'il a reconnu à l'audience devant la Cour est aussi caractérisé contre lui ; il était en état de récidive légale pour ces faits eu égard à la condamnation définitive prononcée contre lui par jugement contradictoire du tribunal correctionnel de Caen le 9 mars 2009 notamment pour des faits de même nature. De l'ensemble de ce qui précède, il résulte que le jugement frappé d'appel sera confirmé sur les exceptions de nullité, sauf à y substituer ou ajouter pour certaines la motivation de la Cour et sauf à préciser que les exceptions soulevées pour la première fois en cause d'appel sont irrecevables. Pour le reste, il sera infirmé. ** * .....X... sera déclaré coupable du délit d'association de malfaiteurs ; il le sera aussi de complicité par instructions des délits d'acquisition, détention, offre ou cession de produits stupéfiants, lesquels ont été commis en état de récidive légale. Il le sera aussi du chef de complicité de tentative du délit de remise irrégulière à détenu, de sommes d'argent ou de substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement, étant précisé que l'ensemble des faits dont il est déclaré coupable ont été commis alors qu'il était incarcéré au centre de détention d'Argentan, soit du 12 octobre 2010 au 9 février 2011. Par contre, il sera renvoyé des fins de la poursuite du chef d'usage de stupéfiants. ** * .....Y... sera déclaré coupable du délit d'association de malfaiteurs. Il le sera aussi des délits d'usage, offre ou cession, détention de produits stupéfiants en récidive légale, tels que visés à la prévention, ainsi qu'après requalification, du délit de tentative de remise irrégulière de substances quelconques à un détenu en dehors des cas prévus par le règlement ledit délit ayant été commis le 13 décembre 2010. Thierry Y... sera déclaré coupable du délit d'association de malfaiteurs. Il le sera aussi des délits d'usage, détention, transport de produits stupéfiants, ainsi que de refus d'obtempérer par conducteur d'un véhicule à une sommation de s'arrêter dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité, en récidive, tels que visés à la prévention. Par contre, il sera renvoyé des fins de la poursuite des chefs, d'offre ou cession de produits stupéfiants. * * * En ce qui concerne les peines, tenant à la fois compte de la gravité des faits qu'ils ont commis, pour certains en récidive légale, et de leurs antécédents judiciaires, Thierry Y..., dont le casier judiciaire porte trace de neuf condamnations, a longtemps été suivi par le service d'insertion et de probation dans le cadre de peines assorties d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un sursis avec l'obligation d'effectuer un travail d'intérêt général avant de connaître une première incarcération entre juin 2009 et janvier 2010 et de bénéficier d'une mesure de semi-liberté. Le concernant, une peine de trois ans d'emprisonnement dont un an assorti d'une mise à l'épreuve pendant trois ans avec les obligations de soins et de travail s'impose, et, la délivrance d'un mandat d'arrêt ayant été nécessaire pour s'assurer de sa personne, son maintien en détention sera ordonné pour garantir l'exécution de la peine. Teddy Y..., dont le casier judiciaire porte trace de onze condamnations, qui bénéficiait d'un placement sous surveillance électronique au moment de la commission de certains des faits dont il a été déclaré coupable sera condamné à quatre ans d'emprisonnement, et, la délivrance d'un mandat d'arrêt ayant été nécessaire pour s'assurer de sa personne, son maintien en détention sera ordonné pour garantir l'exécution de la peine. Nordin X..., dont le casier judiciaire porte trace de huit condamnations et qui purgeait une peine de six années d'emprisonnement pour infractions à la législation sur les stupéfiants au moment de la commission des faits, sera condamné à cinq années d'emprisonnement. Son maintien en détention sera ordonné afin de garantir l'exécution de la peine. Enfin, sera ordonnée la confiscation des scellés, prévue par la loi, s'agissant de stupéfiants ou encore des moyens ayant servi à commettre les infractions ou de leur produit. DISPOSITIF LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire à l'égard de Thierry Y... et par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de Nordin X..., et Teddy Y..., (car non extraits lors du prononcé) ; Reçoit Nordin X..., Teddy Y..., Thierry Y... et le Ministère public en leur appel respectif, Déclare irrecevables les exceptions de nullité soulevées par Teddy et Thierry Y... pour la première fois en cause d'appel ; Les déclare recevables pour le surplus en leurs exceptions de nullité ; Déclare recevables les exceptions de nullité soulevées par Nordin X... ; Les joint au fond et dit qu'il sera statué par un seul et même arrêt sur les exceptions de procédure et sur le fond ; Y fait partiellement droit et ordonne l'annulation des auditions de Nordin X..., Teddy Y..., Thierry Y..., recueillies sous le régime de la garde à vue ; Rejette leurs demandes pour le surplus ; Infirme le jugement entrepris ; Renvoie Nordin X... des fins de la poursuite du chef d'usage de produits stupéfiants ; Renvoie Thierry Y... des fins de la poursuite des chefs, d'offre ou cession de produits stupéfiants ; Requalifie les faits de complicité du délit de remise irrégulière à détenu de sommes d'argent ou de substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement reprochés à Teddy Y... et Thierry Y... en tentative de complicité de ce délit et les déclare coupables de ces faits ainsi requalifiés ; Déclare Nordin X..., Teddy Y..., Thierry Y... coupables du surplus des faits tels que visés à la prévention les concernant sauf à préciser pour Nordin X... qu'ils ont été commis entre le 12 octobre 2010 et le 9 février 2011, et que s'agissant du délit de complicité de tentative de remise irrégulière à un détenu de sommes d'argent ou de substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement, il a été commis le 13 décembre 2010 et ne portait pas sur des sommes d'argent ; Condamne Nordin X... à la peine de cinq (5) ans d'emprisonnement et ordonne son maintien en détention ; Condamne Teddy Y... à la peine de quatre (4) ans d'emprisonnement et ordonne son maintien en détention ; Condamne Thierry Y... à la peine de trois (3) ans d'emprisonnement mais dit qu'il sera sursis à l'exécution de cette peine à hauteur d'un an (1) an et place Thierry Y... sous le régime de la mise à l'épreuve pendant une durée de trois (3) ans avec les obligations suivantes : * exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle, prévue par l'article 132-45 1o du code pénal, * se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation, prévue par l'article 132-456 3o du code pénal prévues à l'article 132-45, et ordonne son maintien en détention ; Ordonne la confiscation des scellés ; Conformément à l'article 132-40 du code pénal, le Président avertit le condamné, Thierry Y..., d'une part, que s'il commettait dans le délai d'épreuve une nouvelle infraction suivie d'une peine d'emprisonnement sans sursis, cette condamnation serait susceptible d'entraîner l'exécution de la peine prononcée par le présent arrêt, ainsi que le cas échéant, du ou des sursis antérieurement accordés, d'autre part que tout manquement pendant le même délai d'épreuve, aux mesures de contrôle et aux obligations ordonnées par le présent arrêt, serait susceptible d'entraîner l'exécution de la peine d'emprisonnement prononcée par cette décision, et enfin de la possibilité qu'il aurait à l'inverse, de voir déclarer sa condamnation non avenue en observant une conduite satisfaisante ; En vertu des articles 800-1 du code de procédure pénale et 1018 A du code général des impôts, la présente décision est assujettie à un droit fixe dont sont redevables chacun des condamnés d'un montant de 120 réduit de 20 %, soit 96 , en cas de règlement dans un délai d'un mois. - Magistrat rédacteur : Mme HOUYVET LE GREFFIERLE PRÉSIDENT Elisabeth THOMAS Régine NIRDÉ-DORAIL | Rien n'interdit au Procureur de la République de faire délivrer au prévenu une citation à comparaître devant le tribunal correctionnel pour les mêmes chefs de prévention que ceux retenus dans une procédure de comparution immédiate précedemment mise en oeuvre, dès lors que les actes de saisine du tribunal avaient été déclarés nuls, peu important que le jugement d'annulation n'était pas définitif au moment où la citation directe a été délivrée. |
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JURITEXT000026002809 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/26/00/28/JURITEXT000026002809.xml | ARRET | Cour d'appel de Caen, 21 novembre 2011, 11/01152 | 2011-11-21 00:00:00 | Cour d'appel de Caen | 875 | 11/01152 | CHAMBRE DES APPELS CORRECTIONNELS | CAEN | DOSSIER N 11/ 01152 ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2011 X.. contradictoire à signifier Y... contradictoire à signifier Y... contradictoire N 2011/ 875 COUR D'APPEL DE CAEN CHAMBRE DES APPELS CORRECTIONNELS AUDIENCE DU 4 NOVEMBRE 2011 ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2011 COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré Président : Madame NIRDÉ-DORAIL, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 22 décembre 2010 Conseillers : Monsieur SOUBISE, Madame HOUYVET, MINISTÈRE PUBLIC : représenté aux débats par Madame ROZE, Substitut Général et au prononcé par Monsieur LESIGNE, Substitut Général GREFFIER lors des débats : Mademoiselle FERET lors du prononcé : Madame THOMAS PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR : X... ,né le 4 septembre 1980 à CAEN, fils de X... et de Z... , de nationalité française, marié, Négociant automobiles demeurant...14930 Prévenu, Comparant, détenu pour autre cause à la maison d'arrêt de LORIENT PLOEMEUR (mandat de dépôt du 7. 04. 11 au 9. 05. 11, dans une procédure sur comparution immédiate annulée, puis mandat de dépot délivré le 30 juin 2011, dans le cadre de la présente procédure), assisté de Maître MARTIAL Jacques, avocat à CAEN Y... ,né le.... novembre 1984 à NANTES, fils de Y... et de A... , de nationalité française, célibataire, Vendeur de caravane demeurant... .... Prévenu, comparant, détenu au centre pénitentiaire de NANTES (mandat de dépôt du 7. 04. 11 au 9. 05. 11 dans une procédure sur comparution immédiate annulée puis mandat d'arrêt du 30 juin 2011 exécuté le 25 août 2011), assisté de Maître MASURE-LETOURNEUR Catherine, avocat à CAEN, commise d'office. M... né le 6 juin 1989 à NANTES, fils de N;;; et de A... ;;;, de nationalité française, célibataire, Chauffeur demeurant...- Chez Mme B... 14400 MONCEAUX-EN-BESSIN Prévenu, comparant, détenu à la maison d'arrêt de CAEN (mandat de dépôt du 7. 04. 11 au 9. 05. 11 dans une procédure sur comparution immédiate annulée, puis mandat d'arrêt du 30. 06. 2011, mis à exécution le 19 juillet 2011), assisté de Maître BARAKAT Kian, avocat à CAEN LE MINISTÈRE PUBLIC, RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LE JUGEMENT : Saisi de poursuites dirigées contre X...: " d'avoir à ARGENTAN, entre le 1er septembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, participé à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation des délits, puis de 10 ans d'emprisonnement, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, en l'espèce un trafic de produits stupéfiants au centre de détention, en organisant un approvisionnement en téléhone portable et une carte SIM et en organisant la répartition des rôles entre les différents auteurs de l'introduction en détention de produits stupéfiants par des appels téléphoniques préparatoires, en en se faisant fournir de l'argent en numéraire en détention ", infraction prévue et réprimée par les articles 450-1 alinéa 1, alinéa 2, 450-3, 450-5 du code pénal " ; - " d'avoir à ARGENTAN, entre le 1er septembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, offert ou cédé, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 23 septembre 2009 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-37 alinéa 1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8 à 132-19 du code pénal, R. 5132-74, R. 5132-77, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 ; - " d'avoir à ARGENTAN, entre le 1er septembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, acquis, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 23 septembre 2009 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articls 222-37 alinéa 1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8, 132-19-1 du code pénal ;, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1, R. 5132-74, R. 5132-77 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 ; - " d'avoir à ARGENTAN, entre le 1er septembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, fait usage de manière illicite de résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 23 septembre 2009 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-49 alinéa 1, 132-8 à 132-19-1 du code pénal, L. 3421-1 alinéa 1, L. 5132-7 L. 3421-1 alinéa 1, alinéa 2, L. 3421-2, L. 3421-3, L. 3425-1 du code de la santé publique ; - " d'avoir à ARGENTAN entre le 1er septembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, détenu, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 23 septembre 2009 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-37 alinéa 1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8 à 132-19-1 du code pénal, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1, R. 5132-74, R. 5132-77 du code de la santé publique ; - " d'avoir à ARGENTAN, entre le 1er septembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, été complice du délit de la tentative de remise irrégulière à un détenu des sommes d'argent des substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement, commis par C... Bangaly, par D....., par E... ...., en provoquant cette action par menace ou ordre et en donnant des instructions pour commettre l'infraction ; infraction prévue et réprimée par les articles 434-34, 434-35 alinéa 2, 434-44 alinéa 1, alinéa 3, alinéa 4, 121-6, et 121-7 du code pénal ; Saisi de poursuites dirigées contre Y... ... : " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 1er décembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, participé à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation des délits, punis de 10 ans d'emprisonnement, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, en l'espèce des infractions à la législation sur les produits stupéfiants, à savoir un trafic de produits stupéfiants dans un établissement pénitentiaire, en participant aux opérations d'introduction de téléphones portables dans un établissement pénitentiaire, destinés à des personnes dont il savait qu'elles animaient un trafic de stupéfiants en détention, et en se faisant adresser une puce de téléphone portable " une semaine avant " le 13 décembre 2010 alors qu'il se trouvait en détention " ; infraction prévue et réprimée par les articles 450-1 alinéa 1, alinéa 2, 450-3, 450-5 du code pénal " ; - " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 13 janvier 2011 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, offert ou cédé des stupéfiants, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 13 décembre 2007 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-37 alinéa 1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8 à 132-19-1 du code pénal, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1, R. 5132-74, R. 5132-77 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 " ; - " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 13 janver 2011 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, détenu des stupéfiants, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 13 décembre 2007 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-37 alinéa 1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8 à 132-19-1 du code pénal, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1, R. 5132-74, R. 5132-77 du code de la santé publique, art. 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 " ;' " d'avoir à ARGENTAN, du 12 décembre 2010 au 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, fait usage de matière illicite de résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 13 décembre 2007 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles L. 3421 alinéa 1, alinéa 2, L. 5132-7, L. 3421-2, L. 3421-3, L. 3425-1 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990, 222-49 alinéa 1, 132-8 à 132-9 du code pénal ; " d'avoir à ARGENTAN, le 13 décembre 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, été complice du délit de remise irrégulière à un détenu des sommes d'argent, des substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement, commis par Bengaly C... en l'aidant en en l'assistant sciemment dans la commission du délit, en téléphonant de sa cellule à la personne qui effectue la projection, pour lui faire réitérer son tir " ; infraction prévue et réprimée par les articles 434-35, 434-35 alinéa 2, 434-44 alinéa 1, alinéa 3, alinéa 4, 121-6 et 121-7 du code pénal ; Saisi de poursuites dirigées contre Y....... : - " d'avoir à ARGENTAN, dans le calvados et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 12 décembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, participé à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation d'un ou plusieurs délits punis de 10 ans d'emprisonnement, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, en l'espèce des infractions à la législation sur les produits stupéfiants, à savoir un trafic de produits stupéfiants dans un établissement pénitentiaire, en participant aux opérations d'introduction de téléphones portables dans un établissement pénitentiaire, destinés à des personnes dont il savait qu'elles animaient un trafic de stupéfiants en détention " ; infraction prévue et réprimée par les articles 450-1 alinéa 1, alinéa 2, 450-3, 450-5 du code pénal ; " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS, et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 12 décembre 2010 au 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, de manière illicite, transporté des stupéfiants, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiants et ce, en état de récidive légale pour avoir été condamné le 29 avril 2010, par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-37 alinéa 1, 222-41 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8, 132-19-1 du code pénal, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1, R. 5132-74, R. 5132-77 du code de procédure pénale ; " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 12 décembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, de manière illicite, offert ou cédé des stupéfiants, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 29 avril 2010 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-37 alinéa 1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49- alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8 à 132-19-1 du code pénal, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1, R. 5132-74, R. 5132-77 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 " ; " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 12 décembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, détenu des stupéfiants, sans autorisation administrative, en l'espèce de la résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant et ce en état de récidive légale pouar voir été condamné le 29 avril 2010 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles 222-37 alinéa 1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49 alinéa 1, 222-50, 222-51, 132-8 à 132-9 du code pénal, L. 5132-7, L. 5132-8 alinéa 1, R. 5132-74, R. 5132-77 du code de la santé publique, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 ; - " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, entre le 12 décembre 2010 et le 5 avril 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, fait usage de manière illicite de résine de cannabis, substance ou plante classée comme stupéfiant, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 29 avril 2010 par le tribunal correctionnel de CAEN " ; infraction prévue et réprimée par les articles L. 3421-1 alinéa 1, L. 5132-7 L. 3421-1 alinéa 1, alinéa 2, L. 3421-2, L. 3421-3, L. 3425-1, du code de la santé publique, 222-49 alinéa 1, 132-8 à 132-19-1 du code pénal, 1 de l'arrêté ministériel du 22 février 1990 " ; " d'avoir à ARGENTAN, dans le CALVADOS, le 13 décembre 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, été complice du délit de remise irrégulière à un détenu des sommes d'argent des substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement, commis sur ... C... en l'aidant en l'assistant sciemment dans la commission du délit, en conduisant le véhicule BMW " infraction prévue et réprimée par les articles 434-35, 434-35 alinéa 1, 434-44 alinéa 1, alinéa 3, alinéa 4, 121-6, 121-7 du code pénal ; " d'avoir à RONAI et sur le territoire du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, le 13 décembre 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, étant conducteur d'un véhicule, refusé d'obtempérer à une sommation de s'arrêter d'un fonctionnaire ou agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité, dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 9 mars 2009 par le tribunal correctionnel pour des faits identiques ou assimilés " ; infraction prévue et réprimée par les articles L. 233-1-1 § I, L. 224-12 du code de la route, 132-8 à 132-19-1 du code pénal, L. 233-1 § I, L. 233-1 du code de la route ; Par jugement contradictoire en date du 30 juin 2011, le tribunal correctionnel d'ARGENTAN : - a fait droit partiellement aux exceptions de nullité soulevées par les parties, - a annulé les auditions de garde à vue des prévenus, - a rejeté les autres exceptions de nullité, concernant .... Y... : - l'a relaxé pour les faits d'usage illicite de stupéfiants en récidive commis du 12 décembre 2010 au 5 avril 2011 à ARGENTAN, dans le Calvados et sur le ressort du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, - a requalifié les faits de complicité de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu par personne habilitée à entrer dans l'établissement pénitentiaire ou a approcher les détenus qui lui étaient reprochés en tentative de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu par personne habilitée à entrer dans l'établissement pénitentiaire ou approcher les détenus, - sous réserve de cette requalification, l'a déclaré coupable pour le surplus sur la période comprise entre le 12 et le 14 décembre 2011, - l'a relaxé pour les faits commis entre le 15 décembre 2011 au 5 avril 2011 - l'a condamné à la peine de 4 ans d'emprisonnement, - a décerné mandat d'arrêt à son encontre, concernant .... Y... : - l'a relaxé pour les faits d'usage illicite de stupéfiants en récidive commis du 12 décembre 2010 au 5 avril 2011 à ARGENTAN, - a requalifié les faits de complicité de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu par personne habilitée à entrer dans l'établissement pénitentiaire ou a approcher les détenus qui lui étaient reprochés en complicité de tentative de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu par personne habilitée à entre dans l'établissement pénitentiaire ou à approcher les détenus, - l'a déclaré coupable du surplus -l'a condamné à la peine de 5 ans d'emprisonnement, - a décerné mandat d'arrêt à son encontre. concernant.....X... : - l'a relaxé pour les faits d'usage illicite de stupéfiants en récidive commis du 1er septembre 2010 au 5 avril 2011, à ARGENTAN, - a requalifié les faits de complicité de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu par personne habilitée à entrer dans l'établissement pénitentiaire ou à approcher les détenus qui lui étaient reprochés en tentative de complicité de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu par personne habilitée à entrer dans l'établissement pénitentiaire ou approcher les détenus, - l'a déclaré coupable du surplus sur la période comprise entre le 11 décembre 2010 et le 9 février 2011, - l'a relaxé pour les faits commis entre le 1er septembre 2010 au 10 décembre 2010 et entre le 9 février 2011 et le 5 avril 2011, - l'a condamné à la peine de 5 ans d'emprisonnement, - a décerné mandat de dépôt à son encontre et a ordonné la confiscation des scellés. LES APPELS : Appel a été interjeté par : ...D... ...., le 4 juillet 2011 M. le Procureur de la République, le 6 juillet 2011 contre D... .... ....D... ...., s'est désisté de son appel le 11 juillet 2011 entraînant l'appel incident du ministère public (ordonnance du 22 septembre 2011) ...X... ..... le 5 juillet 2011 M. le Procureur de la République, le 6 juillet 2011 contre ...X... ...Y... , le 8 juillet 2011 ...Y... , le 8 juillet 2011 M. le Procureur de la République, le 8 juillet 2011 contre ...Y... et Y... Par arrêt contradictoire en date du 2 novembre 2011, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de CAEN a renvoyé l'affaire à l'audience du 4 novembre 2011. DÉROULEMENT DES DÉBATS : L'affaire a été appelée en audience publique le 4 novembre 2011, en présence des prévenus assistés de leur conseil ; Maître MARTIAL a déposé à l'audience du 2 novembre 2011 des conclusions de nullité in limine litis aussitôt visées et versées au dossier et qu'il a reprises à l'audience du 4 novembre 2011 ; Maître MASURE-LETOURNEUR et Maître BARAKAT ont déposé des conclusions qui ont aussitôt été visées et versées au dossier ; Madame le Président a constaté l'identité de .... X..., de ... Y... et de .....Y..., a donné lecture de leur casier judiciaire, des renseignements les concernant et du dispositif du jugement ; Cour a joint l'incident au fond ; Ont été entendus : Madame le Conseiller HOUYVET, en son rapport ; .... X... qui a été interrogé ; ..... Y... qui a été interrogé ; ..... Y... qui a été interrogé ; Madame ROZE, en ses réquisitions ; Maître MARTIAL, en sa plaidoirie ; Maître BARAKAT, en sa plaidoirie ; Maître MASURE-LETOURNEUR, en sa plaidoirie ; .... X... qui a eu la parole en dernier ; .... Y... qui a eu la parole en dernier ; .... Y... qui a eu la parole en dernier. Puis la Cour a mis l'affaire en délibéré et informé les parties présentes qu'elle prononcerait son arrêt à l'audience publique du lundi 21 novembre 2011 à 14 H 00. Et ce jour, lundi 21 novembre 2011 à 14 H 00, la Cour, après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu en audience publique l'arrêt suivant : prononcé par Mme NIRDÉ-DORAIL, Président, en présence de M. LESIGNE, Substitut Général, assistés de Mme THOMAS, Greffier. MOTIFS : ...X... a interjeté appel principal du jugement ci-dessus rapporté le 5 Juillet 2011 au greffe du centre pénitentiaire de LORIENT. Son appel a été retranscrit dans les registres du greffe correctionnel du tribunal de grande instance d'argentan le jour même. Le Procureur de la République du tribunal de grande instance d'ARGENTAN a formé un appel incident contre lui le 6 juillet 2011. ... Y... et .... Y... ont formé chacun un appel principal contre ce jugement le 8 Juillet 2011 au greffe correctionnel du tribunal de grande instance d'ARGENTAN. Le Procureur de la République du tribunal de grande instance d'ARGENTAN a formé un appel incident contre chacun d'eux le 8 juillet 2011. Ces appels sont réguliers et recevables. ** * Sur les exceptions de nullité Avant toute défense au fond, les conseils de chacun des prévenus ont déposé des conclusions régulièrement visées à l'audience, étant précisé que le conseil de ...X... a indiqué qu'il convenait de prendre en considération les conclusions qu'il avait régulièrement déposées à l'audience du 2 novembre 2011à l'occasion de laquelle le renvoi contradictoire de l'examen de l'affaire avait été ordonné et que le conseil de ... Y... a mentionné sur ses conclusions déposées à l'audience du 4 novembre 2011 qu'elle étaient prises au lieu et place de ses précédentes conclusions déposées le 2 Novembre 2011. Après en avoir délibéré, la Cour a décidé de les joindre au fond et de statuer par un seul et même arrêt. a) Sur la validité de la saisine du tribunal Maitre MARTIAL, agissant au soutien des intérêts de ... X..., dans ses conclusions développées à l'audience, demande l'annulation du jugement frappé d'appel sans possibilité pour la Cour d'évoquer, le tribunal n'ayant pas été valablement saisi. Il rappelle que le Parquet avait initialement saisi le tribunal suivant la procédure de comparution immédiate pour l'audience du 7 Avril 2011, qu'à la demande des prévenus qui avaient sollicité un délai pour préparer leur défense, le tribunal avait renvoyé l'affaire au 9 mai 2011 et décerné mandat de dépôt contre tous les prévenus. Par jugement du 9 Mai 2011, le tribunal, faisant droit à la demande de nullité de ...X..., ... Y..., .... Y... et .... D..., a constaté la nullité des actes de saisine du tribunal correctionnel les concernant par suite de la violation des dispositions de l'article 706-106 du code de procédure pénale, a dit qu'il n'était pas valablement saisi à leur égard et a ordonné la disjonction du dossier les concernant, jugeant Alexa E... qui n'avait pas soulevé de nullités de procédure et avait demandé à être jugée le jour même. Le 9 mai 2011, le Procureur de lé République faisait délivrer par un greffier du tribunal, au visa de l'article 390-1 du code de procédure pénale, une citation portant sur les mêmes faits à l'encontre de ....X..., .... Y..., ... Y... et .... D... pour l'audience du 20 Juin 2011. Le conseil de .... X..., agissant au soutien des intérêts de ce dernier, soulevait l'irrégularité de cette saisine et de la disjonction des poursuites, conclusions qu'il reprenait devant la Cour, en faisant valoir que le Procureur de la République du tribunal de grande instance d'ARGENTAN ne pouvait mettre à nouveau en mouvement l'action publique alors que le jugement rendu par le tribunal le 9 mai 2011 n'était pas définitif. Il ajoutait que le tribunal, sans tenir compte de l'article préliminaire du code de procédure pénale selon lequel les personnes se trouvant dans des situations semblables et poursuivies pour les mêmes infractions devaient être jugées selon les mêmes règles, avait irrégulièrement ordonné la disjonction des poursuites. Sur ce, Au-delà de la décision critiquable du Parquet d'ARGENTAN qui a profité que les formalités de levée d'écrou ne soient pas encore effectuées, à la suite de l'annulation décidée par le tribunal le 9 mai 2011, pour faire délivrer ce jour là aux prévenus à l'égard desquels la nullité était prononcée une citation à comparaitre à l'audience du 30 juin 2011 des mêmes chefs de prévention que ceux ayant fait l'objet des poursuites initiales, il n'est pas légalement prohibé pour le Ministère public de procéder comme il l'a fait. En effet, rien n'interdit au Parquet, dès lors que sa première modalité de saisine a été écartée par le Tribunal de ressaisir à nouveau la juridiction de la même prévention, mais suivant une autre modalité procédurale. Faisant siens, pour rejeter cette exception de procédure, les motifs du tribunal selon lesquels d'une part, les prévenus concernés avaient la possibilité, en application de l'article 507 du code de procédure pénale, de faire immédiatement appel du jugement du 9 mai 2011 qui mettait fin à la procédure les concernant, ce que, pas plus que le Ministère public, ils n'ont fait, et, d'autre part,.... X... ne pouvait valablement reprocher au tribunal d'avoir disjoint et jugé, conformément à sa demande,...E... sans que cette nullité puisse être soulevée d'office par le tribunal, la Cour y ajoute que la mesure de disjonction est une mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours et qu'il n'est pas démontré que le procès n'a pas été équitable, contradictoire et loyal. Enfin, il n'est pas démontré par ...X... que les modalités de saisine du tribunal par le Parquet lui ont porté grief. Dès lors, cette exception de nullité sera rejetée. b) Sur l'annulation des auditions des prévenus recueillies au cours de leur garde à vue et des actes subséquents ... X..., se prévalant de la convention européenne des droits de l'homme, de la jurisprudence européenne et de celle de l'assemblée plénière de la Cour de Cassation du 15 avril 2011, sollicite l'annulation de toutes ses auditions recueillies sous le régime de la garde à vue ainsi que celles de ses co-prévenus et des personnes condamnées par jugement du tribunal correctionnel d'ARGENTAN du 17 décembre 2010 (...P...) et par arrêt de la Cour d'appel du 28 Février 2011 (...Q... et ...R...) aux motifs que le droit à l'assistance d'un avocat dès le début de leur garde à vue et pendant toute sa durée avec accès immédiat pour l'avocat à l'intégralité du dossier ne leur avait pas été notifié, ce qui lui fait grief, les déclarations ainsi recueillies l'ayant été de façon irrégulière. ...Y... et ...Y..., rappelant la jurisprudence de la Cour de cassation en date du 31 mai 2011, ont sollicité dans leurs conclusions devant le tribunal l'annulation de leurs auditions en garde à vue en faisant valoir qu'ils n'ont pas été avisés de leurs droits et n'ont pas pu être assistés d'un avocat dès la première heure de garde à vue ; ils ont aussi de ce fait sollicité l'annulation de toutes leurs auditions recueillies dans ce cadre ainsi que l'annulation de la perquisition effectuée au domicile de .... Y... au motif qu'il n'avait pas pu régulièrement y consentir, faute d'avoir été assisté d'un avocat ; ils ont aussi demandé que les scellés résultant de cette perquisition soient écartés des débats. Dans leurs conclusions devant la Cour, ils reprennent ces exceptions de nullité relatives au défaut de notification du droit de se taire et du droit de bénéficier de l'assistance effective d'un avocat ce qui doit selon ...Y..., conduire à l'annulation de l'ensemble de ses auditions recueillies sous le régime de la garde à vue, de la perquisition effectuée à son domicile le 5 avril 2011, dont l'annulation n'avait pas été sollicitée en première instance, ainsi que tous les actes d'enquête subséquents. .....Y..., pour sa part, soutient pour la première fois devant la Cour que la nullité de l'ensemble de la procédure suivie contre lui doit être prononcée, en faisant aussi valoir que cette nullité doit aussi s'étendre à tous les actes de la procédure en soutenant que les auditions des tiers recueillies irrégulièrement lui ont causé grief. Il convient préalablement de rappeler que ....Y... et .....Y... sont irrecevables à soulever pour la première fois en cause d'appel des demandes nouvelles. Ainsi, est irrecevable la demande d'annulation de la perquisition faite chez .... Y... le 5 Avril 2011 non soulevée devant le tribunal, saisi de la demande d'annulation de la perquisition effectuée chez ...Y.... L'est aussi la demande d'annulation faite par .... Y... relative aux auditions des tiers placés en garde à vue dans ce dossier. - Sur le défaut de notification du droit de se taire, Seuls ....Y... et ....Y... soulèvent ce moyen. Il résulte de l'article 6 paragraphe 3 de la convention européeene des droits de l'homme que toute personne placée en garde à vue doit être informée qu'elle a la possibilité de se taire et de ne pas s'auto-incriminer. En l'espèce, ... Y... et .....Y... n'ont pas été avisés de ce droit, ce qui leur a nécessairement fait grief. - Sur le défaut de notification du droit à l'assistance effective d'un avocat dès le début de la garde à vue, Si les règles de procédure pénale applicables à la criminalité et à la délinquance organisée, applicables en l'espèce, prévoyaient le droit à l'assistance de l'avocat à partir de la 72ème heure de garde à vue, il résulte toutefois de la convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, notamment dans ses arrêts du 31 mai 2011, qu'en application de l'article 6 paragraphe 3 de la convention européenne des droits de l'homme, « toute personne placée en garde à vue doit, dès le début de cette mesure, être informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, pouvoir bénéficier, en l'absence de renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ». En l'espèce, même si ... Y... et ...Y... ont expressément renoncé à la présence d'un avocat au moment où leurs droits leur ont été notifés en début de garde à vue, il ne résulte pas de la procédure qu'il existait en l'espèce des raisons impérieuses de différer le droit pour eux d'être assistés d'un avocat. Le respect des droits de la Défense n'est pas assuré par la limitation systématique apportée au droit d'une personne gardée à vue à l'assistance effective d'un avocat, fût elle prévue par le code de procédure pénale. S'il est possible de prévoir des restrictions à ce droit, elles doivent être clairement circonscrites et ne pas priver le droit de la personne à un procès équitable, à la lumière de la procédure dans son ensemble. En l'espèce, il n'est pas indiqué en quoi il existait des raisons impérieuses de restreindre pour ... X...,... Y..., Teddy Y... ce droit. La restriction non motivée apportée à ce droit leur a nécessairement fait grief. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les auditions de ... X..., ...Y..., Teddy Y... recueillies sous le régime de la garde à vue doivent être annulées sans que le soient, comme le sollicite ... X..., celles des tiers placés en garde à vue dans le cadre de la procédure, ce dernier ne démontrant pas en quoi l'irrégularité de leur garde à vue, aurait porté atteinte à ses intérêts. Ce qui est protégé, c'est le droit pour chaque personne gardée à vue d'avoir un procès équitable. ... X..., qui a eu accès à l'ensemble du dossier et notamment aux déclarations de l'ensemble des personnes ayant été placées en garde à vue dans cette procédure, y compris à celles ayant été jugées à une date antérieure à lui, a ainsi été mis en mesure de pouvoir se défendre. Dès lors, il n'y a pas lieu à annulation des auditions en garde à vue des tierces personnes concernées par ce dossier. Par suite, conformément à la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation, ne doivent être annulés que les actes subséquents dont la garde à vue était le support nécessaire. Or, la perquisition au domicile de Teddy Y... a été effectuée avant sa première audition en garde à vue et il a de surcroit consenti expressément à cet acte en y donnant son assentiment alors qu'il avait été préalablement porté à sa connaissance qu'il pouvait s'y opposer, Dès lors, il n'y a pas lieu à annulation de le perquisition effectuée à son domicile. c) Sur l'annulation des écoutes téléphoniques ...X... reprend devant la Cour exactement dans les mêmes termes les conclusions déposées sur ce point par son conseil à l'audience devant le tribunal. ...Y... demande, comme en première instance, qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'adjoint aux conclusions de ... X... sur ce point. Par contre, ....Y..., qui l'avait aussi demandé devant le tribunal, ne le demande pas devant la Cour. Sur ce point, faisant siens les motifs du tribunal qu'elle adopte, la Cour confirme le rejet des demandes de nullité soulevées de ce chef devant elle par...X... et ...Y.... 2) Sur le fond Le 13 décembre 2010, des surveillants du centre de détention d'Argentan signalaient aux services de police que des personnes tentaient de lancer des objets par dessus le grillage de protection de l'établissement. Dépêchés sur place, les fonctionnaires de police ne parvenaient pas à en interpeller les auteurs qui prenaient la fuite à bord d'un véhicule de marque BMW dont le conducteur empruntait un champ de culture, allait de droite à gauche de la chaussée, circulait à vive allure tandis que ses trois passagers lançaient des objets en direction du véhicule de police, dont les avertisseurs sonores et lumineux étaient en fonctionnement, et ce, de façon à en ralentir la progression. Avec l'aide de militaires de la gendarmerie qui déployaient une herse sur la chaussée, le véhicule était abandonné par ses occupants à Ronai. Tandis que...C..., ... G...et ... F..., passagers de ce véhicule, étaient interpellés, le conducteur réussissait à s'enfuir à pied non sans avoir laissé tomber un paquet contenant un téléphone portable, un chargeur, un kit mains libres, un morceau de cannabis de 22, 6 grammes et 3, 1 grammes d'héroïne. ...E F... était définitivement condamné pour ces faits le 17 décembre 2010 par jugement définitif du tribunal correctionnel d'Argentan à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve tandis que ... G...l'était à trois ans d'emprisonnement par arrêt de la chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel du 28 février 2011 contre lequel...C..., condamné pour sa part à quatre ans d'emprisonnement, formait un pourvoi. ... F..., ...G..., ... C... déclaraient que le chauffeur du véhicule BMW, qui avait organisé leur venue de Caen à Argentan, avait été averti de l'échec du lancement du colis par un appel téléphonique en provenance du centre de détention. Dès lors, le Parquet d'Argentan confiait la poursuite de l'enquête aux fonctionnaires de police qui, en étudiant les contacts téléphoniques que ...C... avait eus le jour des faits, apprenaient qu'il avait été en relation à sept reprises avec un numéro attribué, selon les mentions figurant dans son répertoire téléphonique à un prénommé ..., étant précisé que ce numéro avait déclenché la cellule couvrant le centre de détention d'Argentan. Par ailleurs, l'analyse de la téléphonie conduisait les enquêteurs à déterminer que le soir des faits l'utilisateur de la ligne ..., en relation avec Bangaly C..., avait peu de temps après sa fuite contacté le père des frères Y... dont la géo-localisation du téléphone permettait d'apprendre qu'il s'était déplacé à proximité du lieu d'abandon du véhicule BMW. Face à ces éléments matériels,...Y..., titulaire de cette ligne, reconnaissait à l'audience devant le tribunal qu'il en était l'utilisateur et qu'il connaissait ... C.... De plus, les déclarations de ... F... selon lesquelles le soir des faits le conducteur de la BMW, qu'il ne connaissait pas, possédait une Fiat rouge dont le pot d'échappement était bruyant, permettaient aussi de confondre ... Y... comme étant celui qui conduisait le véhicule BMW le soir du 13 Décembre 2010 car il avait, par le biais d'internet, mis en vente fin janvier 2011 un véhicule Fiat Punto rouge ayant un problème d'échappement. A l'audience devant la Cour, ...Y... reconnaissait qu'il était le conducteur du véhicule BMW le soir des faits et avait refusé d'obtempérer aux injonctions des policiers dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité. Il était d'ailleurs en état de récidive légale pour ces faits compte-tenu de la condamnation définitive prononcée contre lui par jugement contradictoire du tribunal correctionnel de Caen du 9 mars 2009 pour des faits de même nature. Il a aussi déclaré que, sachant qu'il était titulaire du permis de conduire, ... C..., qu'il connaissait, l'avait contacté pour aller au centre de détention jeter un paquet dont il connaissait le contenu pour avoir assisté à Caen à sa préparation. Il a ajouté qu'il reconnaissait l'usage de cannabis qui lui était reproché. En ce qui concerne ... Y..., l'enquête établissait que le téléphone qu'il utilisait au centre de détention avait fonctionné le soir des faits, ce qui laissait penser que c'était lui qui avait dû avertir son frère ... de l'échec de l'envoi du paquet contenant notamment un téléphone et des produits stupéfiants. Il reconnaitra à l'audience devant la Cour qu'il existait au centre de détention d'Argentan, où il était écroué du 24 Juin 2009 au 13 Janvier 2011, un trafic portant à la fois sur des produits stupéfiants et des téléphones portables animé par des co-détenus dont il refusait de donner le nom lesquels lui avaient demandé s'il connaissait des personnes pour y participer. Il expliquait avoir agi de concert avec ... C... et avoir sollicité comme chauffeur son frère T... afin de procéder au " parachutage " d'un paquet, contenant produits stupéfiants et téléphone portable, au centre de détention. Il déclarait qu'avec un téléphone portable que lui avait prêté un co-détenu, dont il taisait le nom, c'était lui qui était chargé de récupérer ce paquet moyennant quoi il était prévu qu'il bénéficie d'un téléphone portable pour Noël ainsi que d'un petit bout de cannabis pour sa consommation le soir. Libéré du centre de détention d'Argentan et placé sous bracelet électronique le 13 janvier 2011,...Y... sera à compter de cette date en relation téléphonique avec ... X... avec lequel il organise le moyen de faire entrer au centre de détention, par l'intermédiaire des détenus .... D... ou H...bénéficiant de permissions de sortie, et avec le soutien de l'épouse de ... X..., des stupéfiants et des puces de téléphone portable. Les retranscriptions des écoutes téléphoniques du portable utilisé par ....Y... depuis son élargissement du centre de détention attestent clairement de son rôle essentiel dans l'introduction au centre de détention de produits stupéfiants et de puces de téléphones portables, en exécution des demandes à lui faites par ... X.... A l'audience devant la Cour, .... Y... reconnaissait qu'il était après sa sortie de prison resté en contact avec ... X... qui était pour lui un ami de longue date, originaire comme lui de la région de Caen et qu'il avait voulu accéder à sa demande en lui faisant parvenir une puce de téléphone portable afin qu'il puisse facilement communiquer avec sa femme. Il déclarait qu'il avait profité d'une permission de sortie d'Abdelali D... pour lui confier du cannabis à charge pour lui de le remettre à un de ses ex co-détenus qui avait été gentil avec lui et dont il refusait de donner le nom. ..... Y... déclarait que le morceau de cannabis d'un poids de 11, 2 g découvert au cours de la perquisition effectuée le 5 avril 2011 dans sa caravane appartenait à un ami dont il taisait le nom. Il précisait qu'il ne se souvenait plus qu'il détenait ces produits stupéfiants. A l'audience devant la Cour, ... X... concédait qu'il n'était pas totalement étranger aux faits qui lui étaient reprochés. Tout en indiquant qu'il y avait de nombreux détenus prénommés comme lui au centre de détention d'Argentan et que ce n'était pas lui qui était toujours l'interlocuteur de ....Y... au cours des conversations téléphoniques retranscrites qui venaient étayer l'existence d'un trafic organisé de produits stupéfiants, de téléphones portables ou d'éléments de téléphones portables au sein du centre de détention, il admettait néanmoins qu'il avait effectivement été en relation téléphonique avec ....Y... le 21 janvier 2011, se limitant à dire qu'il lui avait demandé une puce de téléphone portable et affirmant de rien à voir avec les stupéfiants. Cependant, quand au cours des débats, il était porté à sa connaissance que dans cette conversation où il donnait le numéro de portable de sa femme, il était clairement question de faire de nouveau entrer du cannabis au centre de détention portant sur 40, il concédait avoir servi d'intermédiaire entre .... D... et .... Y... pour 40 euros de cannabis et avoir téléphoné à....Y... pour lui dire que, pendant sa permission, ... D... allait venir chez lui en chercher. Il ajoutait que si ce dernier n'avait pas obtenu sa permission, il avait pensé solliciter aux mêmes fins H.... Le Parquet d'Argentan n'ayant pas fait choix d'une ouverture d'information, les confrontations avaient lieu à l'audience sans que ... X... puisse être interrogé sur toutes les retranscriptions d'écoutes téléphoniques figurant au dossier soumis à la Cour. Dès lors, seule l'écoute téléphonique susvisée du 21 janvier 2011 sur laquelle il a été mis en mesure de s'expliquer, sera retenue contre lui. Bien qu'il le conteste, il en résulte clairement qu'il était l'organisateur du trafic de stupéfiants et de téléphones portables démantelé au centre de détention d'Argentan puisqu'en dehors des déclarations faites par ..... Y..., son ami de longue date et fidèle lieutenant, il résulte de la conversation susvisée que ce n'était pas la première fois qu'ils faisaient rentrer des produits stupéfiants en détention puisqu'ils en comparent la qualité avec celui de « la dernière fois », étant précisé qu'il est permis de se demander si les « 40 » dont il est question dans cette conversation ne correspondent pas plutôt à 40 grammes quand on sait que le colis qui a tenté d'être envoyé au centre de détention le 13 décembre 2010 contenait un peu plus de 22 grammes de résine de cannabis et qu'au cours de la conversation téléphonique qu'il a avec .... Y... 21 Janvier 2011,... X... lui demande « il est mastoc le truc ». De plus, c'est.... X..., qui l'a d'ailleurs admis, qui sollicite Teddy Y... pour confier à des détenus bénéficiant de permissions de sortie du cannabis afin de le lui ramener au centre de détention. Ces agissements sont à mettre en relation avec le fait qu'il purgeait au centre de détention une peine de six ans d'emprisonnement prononcée contre lui par jugement contradictoire du tribunal correctionnel de Caen le 23 septembre 2009 pour infractions à la législation sur les stupéfiants. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'infraction d'association de malfaiteurs est constituée à l'encontre de ..... X..., ....Y... et ......y Y..., puisqu'il est établi que ....X... et ..... Y... ont été particulièrement actifs dans la constitution d'un groupement ou d'une entente établie en vue de la préparation des délits d'infractions à la la législation sur les stupéfiants au sein du centre de détention d'ARGENTAN puisque, alors qu'il y était incarcéré, ..... Y... a organisé le parachutage d'un colis contenant téléphone portable et stupéfiants en s'adressant à ...... C... et à son frère ..... Y..., recruté comme chauffeur, devant quant à lui diriger l'envoi de ce colis, en définitive non parvenu à destination en raison de l'intervention des forces de police. Une fois libéré sous bracelet électronique, ..... Y... a continué à avoir des contacts avec ... X... avec lequel, et pour le compte duquel, moyennant le recrutement de détenus bénéficiant de permissions de sortie, il faisait entrer au centre de détention des stupéfiants et des téléphones ou éléments de téléphones portables alimentant ainsi le trafic lucratif existant au sein du centre de détention. Eu égard au rôle tenu par ... X..., les faits d'acquisition, de détention, d'offre ou cession de produits stupéfiants qui lui sont reprochés seront requalifiés en complicité par instructions desdits délits et il sera déclaré coupable de ces faits ainsi requalifiés, lesquels ont été commis entre le 12 octobre 2010 et le 9 février 2011, période à laquelle il était écroué au centre de détention d'ARGENTAN, et ce, en état de récidive légale compte-tenu de la condamnation définitive dont il a fait l'objet par jugement contradictoire du tribunal correctionnel de Caen du 23 septembre 2009 pour infractions à la législation sur les stupéfiants. Par contre, faute d'avoir reconnu à l'audience les faits d'usage de stupéfiants qui lui sont reprochés, il sera relaxé de ce chef. En ce qui concerne les faits du 13 décembre 2010 reprochés à .... et ....Y..., sous la qualification de complicité de délit de remise irrégulière à un détenu des sommes d'argent ou de substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement, ils devront être requalifiés en tentative de remise irrégulière à détenu de substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement puisque le colis contenant des stupéfiants, un téléphone portable et des éléments du téléphone portable n'est pas parvenu dans l'enceinte du centre de détention d'ARGENTAN en raison de l'intervention des policiers. Tous deux seront déclarés coupables de ces faits ainsi requalifiés commis le 13 décembre 2010. S'agissant des faits reprochés à .... X... sous la qualification de complicité de tentative de remise irrégulière à un détenu de sommes d'argent ou de substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement commis par .....C...,..... D... et..... E..., en provoquant cette action par menace ou ordre et en donnant des instructions pour commettre l'infraction, ils sont constitués sauf à indiquer qu'il n'est pas démontré qu'ils portaient sur des sommes d'argent et sauf à préciser qu'il les a commis pendant la période où il était écroué au centre de détention d'ARGENTAN, soit entre le 12 octobre 2010 et le 9 février 2011. Il résulte en effet des déclarations de ... X... à l'audience qu'il a sollicité ..... Y... pour obtenir irrégulièrement sur son lieu de détention une puce de téléphone portable ainsi que de la résine de cannabis, étant précisé qu'il résulte des écoutes téléphoniques réalisées qu'.... D... et sa concubine ..... E... ont à leur tour été sollicités par .... X... et .... Y... à cette fin. Les faits d'usage de stupéfiants, reconnus par .... Y... à l'audience devant la Cour, sont caractérisés à son encontre comme le sont aussi les faits de détention, d'offre ou de cession de produits stupéfiants qui lui sont reprochés puisqu'il est établi qu'il a eu un rôle déterminant dans le trafic sévissant au sein du centre de détention en en faisant parvenir notamment à .... X..., qui le lui demandait, ainsi que cela résulte clairement de l'écoute téléphonique du 21 janvier 2011. Il a commis ces faits en état de récidive légale compte-tenu de la condamnation définitive prononcée contre lui pour des faits notamment de même nature par jugement contradictoire du tribunal correctionnel de Caen en date du 13 décembre 2007. Par contre, si l'enquête n'a pas permis de démontrer l'implication de ....Y... dans les faits, d'offre ou cession de stupéfiants qui lui sont reprochés, sa culpabilité est avérée pour les faits d'usage, qu'il a reconnus à l'audience devant la Cour, ainsi que pour ceux de détention et de transport en raison du rôle qu'il a joué le 13 décembre 2010 dans l'acheminement, en connaissance de cause, de Caen à Argentan, du colis contenant notamment des stupéfiants. Il a commis ces faits en état de récidive légale compte-tenu de la condamnation définitive prononcée contre lui par jugement contradictoire du tribunal correctionnel de Caen le 29 avril 2010 pour des faits de même nature. Le délit de refus d'obtempérer, tel que visé à la citation et qu'il a reconnu à l'audience devant la Cour est aussi caractérisé contre lui ; il était en état de récidive légale pour ces faits eu égard à la condamnation définitive prononcée contre lui par jugement contradictoire du tribunal correctionnel de Caen le 9 mars 2009 notamment pour des faits de même nature. De l'ensemble de ce qui précède, il résulte que le jugement frappé d'appel sera confirmé sur les exceptions de nullité, sauf à y substituer ou ajouter pour certaines la motivation de la Cour et sauf à préciser que les exceptions soulevées pour la première fois en cause d'appel sont irrecevables. Pour le reste, il sera infirmé. ** * .....X... sera déclaré coupable du délit d'association de malfaiteurs ; il le sera aussi de complicité par instructions des délits d'acquisition, détention, offre ou cession de produits stupéfiants, lesquels ont été commis en état de récidive légale. Il le sera aussi du chef de complicité de tentative du délit de remise irrégulière à détenu, de sommes d'argent ou de substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement, étant précisé que l'ensemble des faits dont il est déclaré coupable ont été commis alors qu'il était incarcéré au centre de détention d'Argentan, soit du 12 octobre 2010 au 9 février 2011. Par contre, il sera renvoyé des fins de la poursuite du chef d'usage de stupéfiants. ** * .....Y... sera déclaré coupable du délit d'association de malfaiteurs. Il le sera aussi des délits d'usage, offre ou cession, détention de produits stupéfiants en récidive légale, tels que visés à la prévention, ainsi qu'après requalification, du délit de tentative de remise irrégulière de substances quelconques à un détenu en dehors des cas prévus par le règlement ledit délit ayant été commis le 13 décembre 2010. ....Y... sera déclaré coupable du délit d'association de malfaiteurs. Il le sera aussi des délits d'usage, détention, transport de produits stupéfiants, ainsi que de refus d'obtempérer par conducteur d'un véhicule à une sommation de s'arrêter dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité, en récidive, tels que visés à la prévention. Par contre, il sera renvoyé des fins de la poursuite des chefs, d'offre ou cession de produits stupéfiants. * * * En ce qui concerne les peines, tenant à la fois compte de la gravité des faits qu'ils ont commis, pour certains en récidive légale, et de leurs antécédents judiciaires, ...... Y..., dont le casier judiciaire porte trace de neuf condamnations, a longtemps été suivi par le service d'insertion et de probation dans le cadre de peines assorties d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un sursis avec l'obligation d'effectuer un travail d'intérêt général avant de connaître une première incarcération entre juin 2009 et janvier 2010 et de bénéficier d'une mesure de semi-liberté. Le concernant, une peine de trois ans d'emprisonnement dont un an assorti d'une mise à l'épreuve pendant trois ans avec les obligations de soins et de travail s'impose, et, la délivrance d'un mandat d'arrêt ayant été nécessaire pour s'assurer de sa personne, son maintien en détention sera ordonné pour garantir l'exécution de la peine. ...... Y..., dont le casier judiciaire porte trace de onze condamnations, qui bénéficiait d'un placement sous surveillance électronique au moment de la commission de certains des faits dont il a été déclaré coupable sera condamné à quatre ans d'emprisonnement, et, la délivrance d'un mandat d'arrêt ayant été nécessaire pour s'assurer de sa personne, son maintien en détention sera ordonné pour garantir l'exécution de la peine. .... X..., dont le casier judiciaire porte trace de huit condamnations et qui purgeait une peine de six années d'emprisonnement pour infractions à la législation sur les stupéfiants au moment de la commission des faits, sera condamné à cinq années d'emprisonnement. Son maintien en détention sera ordonné afin de garantir l'exécution de la peine. Enfin, sera ordonnée la confiscation des scellés, prévue par la loi, s'agissant de stupéfiants ou encore des moyens ayant servi à commettre les infractions ou de leur produit. DISPOSITIF LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire à l'égard de ..... Y... et par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de .... X..., et ..... Y..., (car non extraits lors du prononcé) ; Reçoit .... X..., .... Y..., .....Y... et le Ministère public en leur appel respectif, Déclare irrecevables les exceptions de nullité soulevées par ..... et..... Y... pour la première fois en cause d'appel ; Les déclare recevables pour le surplus en leurs exceptions de nullité ; Déclare recevables les exceptions de nullité soulevées par .... X... ; Les joint au fond et dit qu'il sera statué par un seul et même arrêt sur les exceptions de procédure et sur le fond ; Y fait partiellement droit et ordonne l'annulation des auditions de .... X..., .... Y..., ..... Y..., recueillies sous le régime de la garde à vue ; Rejette leurs demandes pour le surplus ; Infirme le jugement entrepris ; Renvoie ..... X... des fins de la poursuite du chef d'usage de produits stupéfiants ; Renvoie .... Y... des fins de la poursuite des chefs, d'offre ou cession de produits stupéfiants ; Requalifie les faits de complicité du délit de remise irrégulière à détenu de sommes d'argent ou de substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement reprochés à .... Y... et .... Y... en tentative de complicité de ce délit et les déclare coupables de ces faits ainsi requalifiés ; Déclare.... X..., T....Y..., .... Y... coupables du surplus des faits tels que visés à la prévention les concernant sauf à préciser pour ..... X... qu'ils ont été commis entre le 12 octobre 2010 et le 9 février 2011, et que s'agissant du délit de complicité de tentative de remise irrégulière à un détenu de sommes d'argent ou de substances quelconques en dehors des cas prévus par le règlement, il a été commis le 13 décembre 2010 et ne portait pas sur des sommes d'argent ; Condamne ..... X... à la peine de cinq (5) ans d'emprisonnement et ordonne son maintien en détention ; Condamne .....Y... à la peine de quatre (4) ans d'emprisonnement et ordonne son maintien en détention ; Condamne ..... Y... à la peine de trois (3) ans d'emprisonnement mais dit qu'il sera sursis à l'exécution de cette peine à hauteur d'un an (1) an et place .... Y... sous le régime de la mise à l'épreuve pendant une durée de trois (3) ans avec les obligations suivantes : * exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle, prévue par l'article 132-45 1o du code pénal, * se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation, prévue par l'article 132-456 3o du code pénal prévues à l'article 132-45, et ordonne son maintien en détention ; Ordonne la confiscation des scellés ; Conformément à l'article 132-40 du code pénal, le Président avertit le condamné,.... Y..., d'une part, que s'il commettait dans le délai d'épreuve une nouvelle infraction suivie d'une peine d'emprisonnement sans sursis, cette condamnation serait susceptible d'entraîner l'exécution de la peine prononcée par le présent arrêt, ainsi que le cas échéant, du ou des sursis antérieurement accordés, d'autre part que tout manquement pendant le même délai d'épreuve, aux mesures de contrôle et aux obligations ordonnées par le présent arrêt, serait susceptible d'entraîner l'exécution de la peine d'emprisonnement prononcée par cette décision, et enfin de la possibilité qu'il aurait à l'inverse, de voir déclarer sa condamnation non avenue en observant une conduite satisfaisante ; En vertu des articles 800-1 du code de procédure pénale et 1018 A du code général des impôts, la présente décision est assujettie à un droit fixe dont sont redevables chacun des condamnés d'un montant de 120 réduit de 20 %, soit 96 , en cas de règlement dans un délai d'un mois. - Magistrat rédacteur : Mme HOUYVET LE GREFFIERLE PRÉSIDENT Elisabeth THOMAS Régine NIRDÉ-DORAIL | Rien n'interdit au Procureur de la République de faire délivrer au prévenu une citation à comparaître devant le tribunal correctionnel pour les mêmes chefs de prévention que ceux retenus dans une procédure de comparution immédiate précedemment mise en oeuvre, dès lors que les actes de saisine du tribunal avaient été déclarés nuls, peu important que le jugement d'annulation n'était pas définitif au moment où la citation directe a été délivrée. |
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JURITEXT000028862762 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/28/86/27/JURITEXT000028862762.xml | ARRET | Cour d'appel de Limoges, 14 avril 2014, 13/00618 | 2014-04-14 00:00:00 | Cour d'appel de Limoges | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 13/00618 | CHAMBRE CIVILE | LIMOGES | ARRET N. RG N : 13/ 00618 AFFAIRE : Juliette X... épouse Y... C/ Jean-Charles Y... CMS-iB mesures provisoires enfants Grosse délivrée Maître PELUARD, avocat COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE --- = = oOo = =--- ARRÊT DU 14 AVRIL 2014 --- = = oOo = =--- Le quatorze Avril deux mille quatorze la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe : ENTRE : Juliette X... épouse Y... de nationalité Française née le 14 Septembre 1976 à AMIENS (80000) Profession : Enseignante, demeurant ... représentée par Me Virginie TURPIN, avocat au barreau de CREUSE APPELANTE d'une ordonnance rendue le 24 AVRIL 2013 par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE GUERET ET : Jean-Charles Y... de nationalité Française né le 21 Août 1976 à CHAUMONT (52000) Profession : Professeur, demeurant ... représenté par Me Catherine PELUARD, avocat au barreau de CREUSE INTIME --- = = oO § Oo = =--- Communication a été faite au Ministère Public le 5 décembre 2013 et visa de celui-ci a été donné le 16 janvier 2014 Selon avis de fixation du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 03 Février 2014 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 3 mars 2014. L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 décembre 2013. Conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile, Madame Christine MISSOUX-SARTRAND et Monsieur Luc SARRAZIN, Conseillers rapporteurs, assistés de Madame Elysabeth AZEVEDO, Greffier, ont tenu seuls l'audience au cours de laquelle, en chambre du conseil, Madame Christine MISSOUX-SARTRAND, Conseiller a été entendue en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure. Après quoi, Madame Christine MISSOUX-SARTRAND a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 14 Avril 2014 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. Au cours de ce délibéré, Madame Christine MISSOUX-SARTRAND, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX-SARTRAND, Conseiller et de Monsieur Luc SARRAZIN, Conseiller. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe. --- = = oO § Oo = =--- LA COUR --- = = oO § Oo = =--- FAITS ET PROCEDURE Madame Juliette Y... née X a interjeté appel d'une ordonnance prononcée le 24 avril 2013 par le juge aux affaires familiales de GUERET qui a, notamment, fixé la résidence de l'enfant issu de son mariage dissous d'avec Jean-Charles Y..., en alternance au domicile de chacun des parents les semaines paires chez le père, et les semaines impaires chez la mère, du vendredi au vendredi suivant, ainsi que la moitié des vacances scolaires en alternance, la première moitié les années paires chez le père, et la seconde moitié les années impaires. Par ailleurs, le 1er juge a dit qu'en raison de ce mode de garde, il n'y avait pas lieu à fixer une contribution alimentaire pour l'enfant. MOYENS DES PARTIES Faisant valoir une profonde mésentente entre les parents qui perdure, des agressions incessantes de la part de M. Y... qui conduisent par exemple le père à l'insulter devant l'enfant, à s'introduire chez elle, et à s'en prendre physiquement à elle, amenant la police et les avocats à intervenir. Puis, modifiant son comportement, elle indique qu'il a désormais, opté pour ne plus communiquer du tout, par exemple, le père peut administrer une mauvaise posologie médicamenteuse à l'enfant pour ne pas la contacter, de sorte que l'enfant, sur médicamenté, a dû être conduit aux urgences, ne travaillant pas le vendredi, il a décrété unilatéralement qu'il prendrait l'enfant le vendredi, même lorsque ce n'est pas sa semaine, en revanche, il ne fait aucune concession dans l'intérêt de l'enfant lorsque c'est sa semaine à elle...... et les seuls accords obtenus passent par la médiatrice, qu'il refuse désormais de rencontrer. Au regard de cette situation extrêmement conflictuelle, elle sollicite en conséquences, que la résidence de l'enfant soit fixée à son domicile en accordant au père un droit de visite et d'hébergement dit classique. Par ailleurs, elle demande une contribution alimentaire mensuelle pour l'enfant de 250 ¿. Subsidiairement, elle demande le maintien de la garde alternée, mais en ajoutant qu'eu égard au fait que le père travaille le mercredi, et lorsque Salomé aura la résidence chez son père, l'enfant ira chez la mère du mardi soir au mercredi soir, de façon à ne pas contraindre l'enfant à se lever tôt le mercredi puisque celle-ci n'a pas école. Pour sa part, Monsieur Jean-Charles Y... sollicite la confirmation de la décision, et subsidiairement, si l'ordonnance était réformée, fixer la résidence de l'enfant à son domicile en accordant un droit de visite et d'hébergement élargi à la mère. Encore plus subsidiairement, si la résidence était fixée chez la mère, lui accorder un droit de visite et d'hébergement classique outre du mardi soir au mercredi soir. Il sollicite en outre une contribution alimentaire mensuel de 200 ¿, outre la condamnation de Mme Y... à lui payer la somme de 1000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. MOTIFS DE L'ARRÊT Attendu qu'il résulte tant des nombreux témoignages versés de part et d'autre, que de l'enquête sociale, que M. Y... et Mme X... sont des parents aimants et ont de réelles capacités éducatives identiques. Attendu que le juge conciliateur par son ordonnance du 14 novembre 2012, a fait droit au mode de résidence alternée pour l'enfant commun Salomé sollicité d'un commun accord par les parents, et auquel la mère veut désormais mettre fin au regard des relations conflictuelles entre les parents, ou voir encore, de l'absence de communication entre ces derniers, ce qui nuirait, selon elle, à l'enfant. Attendu cependant, que tous les griefs invoqués (violences, menaces, insultes, etc...) se situent dans la période immédiatement antérieure à l'ordonnance, concomitamment à celle, ou encore, juste après, s'agissant des faits de violence dénoncés par Mme X... le 21 décembre 2012 qui ont, par ailleurs fait l'objet d'un classement sans suite ; Qu'elle ne produit aucun fait nouveau depuis, et notamment au cours d le'année 2013 et début 2014 ; Que ces faits et cette attitude doivent être manifestement rattachés au contexte de la séparation que M. Y... a eu du mal à gérer, eu égard au départ de son épouse pour aller vivre avec un autre homme. Attendu enfin, que Mme X... ne produit aucun certificat médical, aucun bilan psychologique démontrant que l'enfant, habituée à ce mode de résidence, ne le supporterait plus, or seul doit pris en compte l'intérêt de l'enfant ; Que changer de mode de résidence n'éviterait pas, au demeurant, les contacts entre les parents lors de l'échange de l'enfant à l'occasion des droits de visite et d'hébergement, étant observé que la demande de la mère de prendre Salomé tous les mercredi les multiplie ; Qu'il n'existe donc aucun motif sérieux pour modifier ce mode de résidence alternée dont Madame X... sera déboutée. Attendu que les parents, tel que cela résulte des courriers d'avocats, se sont mis d'accord pour que lorsque le père a en résidence l'enfant, l'enfant aille le mercredi chez la mère du fait que le père travaille le mercredi matin, alors que la mère est disponible ; qu'il y sera fait droit, précision étant faite, que s'il advenait que le père ne travaille pas un mercredi, ou plus le mercredi, ce jour d'hébergement chez la mère n'aurait plus lieu d'être ; Que toutefois, cela conduit l'enfant à se lever à 7h ou 8h du matin alors que celui-ci n'a pas école ; qu'il paraît plus opportun pour le bien-être de l'enfant, le temps que l'enfant, en section maternelle, n'a pas école le mercredi, que le père le conduise chez la mère la veille, pour le coucher, Monsieur Y... ne travaillant pas le mardi, pour le reprendre le mercredi après le déjeuner et au plus tard, à 14h ; Qu'il sera ajouté cette disposition aux modalités d'exercice de la résidence de l'enfant. Attendu par ailleurs, que la résidence alternée implique notamment, une certaine parité économique des parents ; qu'en l'espèce, il convient de relever que les deux parents, enseignants tous les deux, ont des ressources équivalentes, offrant ainsi à l'enfant des conditions de vie matérielles similaires, qu'il n'y a donc pas lieu de prévoir au bénéfice de l'un ou de l'autre une contribution alimentaire pour l'enfant ; que M. Y... et Mme X... seront déboutés de ce chef de demande. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, après débats en chambre du conseil, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ; CONFIRME l'ordonnance déférée, Et Y AJOUTANT, Dit que la semaine où Monsieur Y... accueillera l'enfant, il le conduira chez la mère, sauf meilleur accord, le mardi soir pour le coucher, et au plus tard 20h, pour le reprendre le mercredi après le déjeuner et au plus tard, à 14h ; DIT que s'il advenait que le père ne travaille pas un mercredi, ou plus le mercredi, ce jour d'hébergement chez la mère n'aurait plus lieu d'être, DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, LAISSE à chacune des parties, la charge de ses dépens. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT, Elysabeth AZEVEDO. Martine JEAN. | |||||||||
JURITEXT000027739781 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/27/73/97/JURITEXT000027739781.xml | ARRET | Cour d'appel de Chambéry, 9 juillet 2013, 12/01887 | 2013-07-09 00:00:00 | Cour d'appel de Chambéry | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 12/01887 | 3E CHAMBRE | CHAMBERY | COUR D'APPEL de CHAMBÉRY 3ème Chambre Arrêt du Mardi 9 Juillet 2013 RG : 12/ 01887 AG/ MFM Décision attaquée : Jugement du Juge aux affaires familiales de CHAMBERY en date du 19 Juillet 2012, RG 12/ 00773 Appelante Mme Caroline X... née le 16 Décembre 1975 à CHAMBERY (73), demeurant ... assistée de la SCP VISIER PHILIPPE-OLLAGNON DELROISE & ASSOCIES, avocats au barreau de CHAMBERY (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 2565 du 8 octobre 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CHAMBERY) Intimé M. Fabien Y... né le 6 Septembre 1975 à SETE (34), demeurant ...-13550 NOVES assisté de Maître Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SCP BILLY SIGNORET BOUCHOUCHA, avocats plaidants au barreau de TARASCON, - =- =- =- =- =- =- =- =- COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience non publique des débats, tenue en rapporteur, sans opposition des avocats, le 10 juin 2013 par Monsieur GROZINGER, Conseiller faisant fonction de Président, en qualité de rapporteur, à ces fins désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président, qui a entendu les plaidoiries, avec l'assistance de Madame TAMBOSSO, Greffier Et lors du délibéré, par : - Monsieur GROZINGER, Conseiller faisant fonction de Président, qui a rendu compte des plaidoiries, - Madame BEYLARD-OZEROFF, Conseiller, - Madame OUDOT, Conseiller - =- =- =- =- =- =- =- =- =- Par un jugement en date du 19 juillet 2012, le Juge aux Affaires Familiales du tribunal de grande instance de Chambéry a : - dit que le droit de visite et d'hébergement de M. Y...des fins de semaine débutera entre 20 heures 30 et 21 heures et non plus 18 heures, sauf meilleur accord qui pourra intervenir entre les parents, - débouté Mme X...du surplus de ses demandes relatives au droit de visite et d'hébergement, - fixé à 200 € le montant mensuel de la part contributive à l'entretien et à l'éducation de chaque enfant, que le père devra verser à l'autre parent. Mme X...a interjeté appel le 28 août 2012. Elle expose, suivant des conclusions du 28 mai 2013, que les époux se sont mariés le 19 août 2000 et que deux enfants sont issus de cette union les 18 septembre 2001 et 5 octobre 2004. Le divorce a été prononcé le 23 octobre 2009 et la Cour d'Appel d'Aix-En-Provence a confirmé l'organisation des droits de visite et d'hébergement du père. Les deux enfants exprimeraient la fatigue que génèrent les trajets, soit 550 kilomètres aller-retour pour passer une fin de semaine chez le père tous les quinze jours et leur souhait d'être entendus sur cette question. Mme X...sollicite ainsi leur audition avant dire droit. Julie a un suivi médical lourd et tous les professionnels consultés souligneraient sa fatigabilité au regard de son handicap auditif. Mme X...demande ainsi la réduction des droits de visite et d'hébergement à une fin de semaine par mois du vendredi soir 21 heures au dimanche soir 19 heures ainsi que durant la moitié des vacances scolaires. Subsidiairement, elle réclame que les droits soient fixés durant la totalité des vacances scolaires de février, pâques et Toussaint en supprimant les droits des fins de semaine, le père ayant la charge des trajets en toute hypothèse. M. Y...fait valoir en réponse, suivant des conclusions en date du 6 juin 2013, qu'il n'est justifié d'aucun élément nouveau dans le cadre de la présente procédure diligentée par Mme X.... Il indique accepter l'augmentation de sa part contributive fixée par le premier juge ainsi que la modification des horaires du début de ses droits. L'arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-En-Provence du 29 septembre 2011 aurait maintenu les mesures prises concernant les droits de visite et d'hébergement du père au regard de la nécessité de garantir le lien avec ses enfants. Quatre mois séparaient cet arrêt de la saisine du Juge aux Affaires Familiales de Chambéry. Mme X...placerait ses enfants au centre du conflit en tentant de réduire les droits paternels. M. Y...soutient s'investir dans la vie de ses enfants et s'occuper au mieux de ces derniers. Les problèmes d'audition de Julie ne seraient pas récents et existaient déjà lors des précédentes procédures. Son suivi médical serait tout à fait compatible avec les périodes d'accueil chez le père. M. Y...conclut au rejet des demandes de Mme X...pour défaut d'éléments nouveaux et à la confirmation de la décision entreprise. Il demande une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive outre un montant identique sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La procédure a été clôturée le 7 juin 2013. SUR CE Attendu que suivant un arrêt en date du 29 septembre 2011, la Cour d'Appel d'Aix-En-Provence avait constaté que les deux enfants étaient pris dans un conflit parental majeur et que le dossier d'assistance éducative mettait en exergue cette réalité et la nécessité de prendre des mesures d'investigation afin d'éviter qu'ils ne se trouvent pris dans un conflit de loyauté gravement préjudiciable à leur équilibre psychologique et affectif ; que la demande d'audition des enfants avait été rejetée au regard de cette situation qui était de nature à altérer gravement leurs capacités de discernement ; Attendu qu'il y a lieu de constater que la saisine du Juge aux Affaires Familiales du tribunal de grande instance de Chambéry en date du 10 février 2012, soit quatre mois plus tard, est relative à la même demande et concerne la réduction des droits de visite et d'hébergement du père ; Attendu que les enfants ont été entendus dans le cadre de la procédure d'assistance éducative où des mesures d'investigation ont été réalisées ; que le conflit entre les parents reste au centre de la problématique familiale et notamment la réalité de la situation d'enjeu et d'instrumentalisation des enfants ; que Julie est en toute hypothèse trop jeune pour être entendue ; que la Cour d'Appel d'Aix-En-Provence avait relevé la position de Yohan, notamment, qui n'est âgé que de douze ans, et les contraintes pesant sur ce dernier dans le cadre des différentes procédures judiciaires opposant ses parents ; que la demande d'audition réitérée d'un garçon, encore très jeune, qui mentionne par écrit son souhait de partager des vacances scolaires avec sa mère ainsi que d'aller à une activité de gymnastique le vendredi, confirme une volonté d'impliquer le mineur dans le conflit parental, ce qui n'est pas de son intérêt ; qu'en conséquence, la demande d'audition présentée par Mme X...sera écartée ; Attendu que le suivi médical de Julie est une réalité depuis plusieurs années ; que les juridictions successives ont arrêté les droits de visite et d'hébergement du père au regard de cette situation et de la nécessité du maintien du lien régulier entre le père et ses enfants ; que Mme X...ne justifie pas d'une évolution récente de la situation de ses deux enfants et notamment d'une dégradation, légitimant que les droits du père soient diminués, dans l'intérêt des enfants, et cela quelques mois après la décision de la Cour d'Aix-En-Provence ; qu'il convient ainsi de constater que Mme X...ne présente aucun élément nouveau au soutien de sa demande et que ses prétentions seront en conséquence rejetées ; Attendu que M. ...Y.... ne justifie d'aucun préjudice effectif et non réparé du fait de la procédure ; que sa demande à titre de dommages et intérêts sera écartée ; Attendu qu'il n'est pas inéquitable de condamner Mme X...à verser à M. Y...la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; PAR CES MOTIFS Statuant en chambre du conseil, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare l'appel recevable en la forme, Au fond, Confirme le jugement du Juge aux Affaires Familiales de Chambéry en date du 19 juillet 2012, Déboute Mme X...de ses demandes, Déboute M. Y...de sa demande à titre de dommages et intérêts, Condamne Mme X...à payer à M. Y...la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, Condamne Mme X...aux dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit de Maître Dormeval avec application des règles en matière d'aide juridictionnelle. Ainsi prononcé le 9 juillet 2013 par Monsieur GROZINGER, Conseiller faisant fonction de Président, qui a signé le présent arrêt avec Madame VIDAL, Greffier. | |||||||||
JURITEXT000024304446 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/24/30/44/JURITEXT000024304446.xml | ARRET | Cour d'appel de Lyon, 27 juin 2011, 10/04825 | 2011-06-27 00:00:00 | Cour d'appel de Lyon | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée | 10/04825 | 2ème chambre | LYON | R. G : 10/ 04825 décision du Tribunal de Grande Instance de LYON ch 2 sect 5 du 15 juin 2010 RG : 2010/ 04886 ch no2 X... C/ A... COUR D'APPEL DE LYON 2ème chambre ARRET DU 27 Juin 2011 APPELANT : M. ... X... né le 12 Décembre 1960 à AIT HICHAM (AL HOCEIMA) ALG. ... 69100 VILLEURBANNE représenté par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour assisté de Me Malika BARTHELEMY BANSAC, avocat au barreau de LYON INTIMEE : Mme ... A épouse X... née le 03 Février 1966 à MOULAY IDRISS (AL HOCEIMA) MAR ... 69130 ECULLY représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me Marie-Christine BARRET, avocat au barreau de LYON (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 019342 du 14/ 10/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON) * * * * * * Date de clôture de l'instruction : 04 Mars 2011 Date des plaidoiries tenues en chambre du conseil : 16 Mars 2011 Date de mise à disposition : 23 mai 2011 prorogée jusqu'au 27 Juin 2011 Audience présidée par Françoise CONTAT, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christine SENTIS, greffier. Composition de la Cour lors du délibéré : - Jean-Charles GOUILHERS, président -Marie LACROIX, conseiller -Françoise CONTAT, conseiller Arrêt Contradictoire rendu en Chambre du Conseil par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Jean-Charles GOUILHERS, président, et par Christelle MAROT, greffier en chef, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. * * * * * Monsieur ...X... et Madame ... A. se sont mariés le 11 août 1981 à AL HOCEIMA (Maroc), sans contrat préalable. De leur union, sont issus cinq enfants : - BX... né le 5 janvier 1985 à OULLINS, actuellement majeur, - CX... né le 18 octobre 1986 à TASSIN-LA-DEMI-LUNE, actuellement majeur, - DX... né le 22 février 1992 à ECULLY, actuellement majeur, - EX... né le 11 mai 1994 à ECULLY, - FX... né le 10 janvier 2006 à ECULLY. L'épouse a présenté une requête en divorce et par ordonnance sur tentative de conciliation du 15 juin 2010, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de LYON, a, s'agissant des mesures provisoires : - attribué la jouissance du domicile conjugal à l'épouse, à titre gratuit, à titre de complément de pension alimentaire, - dit que l'époux devrait quitter les lieux avant le 1er septembre 2010, sous peine d'expulsion, - constaté que les parents exerçaient en commun l'autorité parentale sur les enfants mineurs ..CX.et ...DX, - fixé leur résidence habituelle chez la mère, - dit que le père exercerait son droit de visite et d'hébergement librement et à défaut d'accord une fin de semaine sur deux les semaines impaires de l'année du vendredi 18 heures au dimanche 19 heures, et pendant la moitié des vacances scolaires de plus de cinq jours (première moitié les années paires, deuxième moitié les années impaires) à charge pour lui de prendre et ramener les enfants à leur résidence habituelle, - fixé à (100 euros x 2) 200 euros par mois la contribution du père à l'entretien et d'éducation des enfants mineurs et à 100 euros par mois la contribution du père à l'entretien et d'éducation de l'enfant majeur DX, toujours à charge. Monsieur X... a fait appel de cette décision le 28 juin 2010. Par conclusions déposées le 22 novembre 2010, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé complet de ses moyens et prétentions, il demande à la Cour de : - infirmer l'ordonnance sur tentative de conciliation, - constater que la situation des époux X... s'est détériorée et que le montant de l'endettement dépasse les facultés contributives du couple, - fixer le montant de la pension alimentaire pour les deux enfants mineurs à (50 euros x 2) 100 euros et celle due pour l'enfant majeur à 50 euros, - l'autoriser à vendre le logement familial et la résidence au Maroc, - l'autoriser à vendre les différents véhicules appartenant à la communauté, - en attendant la vente, à titre principal : * autoriser l'habitation commune et séparée des époux dans le logement familial à titre gratuit, * déclarer que les charges relatives à la maison seront partagées de façon égale entre les époux, * fixer à 100 euros le montant de la pension alimentaire qu'il devra à son épouse au titre du devoir de secours jusqu'à ce qu'elle trouve un emploi à la condition de prouver sous quinzaine à compter de l'arrêt une recherche active d'emploi auprès de Pôle Emploi, - à titre subsidiaire : * attribuer le logement familial à l'épouse à titre onéreux (500 euros par mois) avec paiement au jour de la liquidation de la communauté, * constater qu'il est dans l'impossibilité financière de verser une pension alimentaire à son épouse, - condamner Madame A... aux entiers dépens. Par conclusions déposées le 2 février 2011, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé complet de ses moyens et prétentions, Madame ...A... épouse X... demande à la Cour de : - lui donner acte de son accord officiel pour vendre le domicile conjugal qui lui a été attribué par l'ordonnance sur tentative de conciliation et ce dans les meilleurs délais, - dire que si le véhicule Mercédès Classe S est vendu, les fonds issus de la vente devront être partagés sinon, lui en attribuer la jouissance, - lui donner acte de son accord pour vendre tous les véhicules détenus actuellement par le couple et faisant l'objet de contrats de crédit bail, - condamner Monsieur X... à lui payer une pension alimentaire de 1. 000 euros au titre du devoir de secours, - porter à 200 euros par mois et par enfant la pension alimentaire due pour les deux enfants mineurs mais aussi pour les deux enfants majeurs qui poursuivent leurs études, - faire injonction à Monsieur X... de payer le retard lié au crédit immobilier s'élevant aujourd'hui à 6. 400 euros outre intérêts liés au retard et de payer les mensualités du biens immobilier principal s'élevant à 1. 559, 44 euros par mois, - condamner Monsieur ...X... à lui payer une provision ad litem de 3. 000 euros et lui donner acte de ce qu'elle renoncera dans cette hypothèse à l'aide juridictionnelle, - condamner Monsieur... X... à lui payer la somme de 1. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile dans le cadre de cette procédure d'appel, outre les entiers dépens. S'agissant du bien immobilier au Maroc, elle indique que ce bien est au seul nom de son mari, qu'elle ne percevra pas un centime sur le prix de vente alors qu'il a été financé par des fonds communs et qu'elle demandera une prestation compensatoire majorée de la moitié de la valeur du bien. Elle souligne que les revenus déclarés par son époux ne correspondent pas à ses revenus réels. L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 mars 2011. En cours de délibéré, la Cour a demandé à Madame A... de lui remettre ses pièces 19 à 30 qui avaient été régulièrement communiquées mais n'étaient pas versées au dossier. Le délibéré a été prorogé à cette fin. DISCUSSION : Attendu que devant la Cour, seules sont remises en question les dispositions de l'ordonnance relatives au montant de la pension alimentaire relative aux enfants ; que pour le surplus il s'agit de demandes nouvelles ; Sur la contribution du père a l'entretien et l'éducation des enfants : Attendu que Monsieur X... prétend qu'il est dans l'impossibilité de payer une pension alimentaire mensuelle de 300 euros pour ses enfants et demande que sa contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant soit fixée à (50 euros x3) 150 euros en faisant valoir que son salaire mensuel est de 1. 032, 99 euros net, que son loyer est de 990 euros par mois et qu'il a la charge d'un enfant de 7 ans issu d'une relation hors mariage et dont la mère ne peut s'occuper ; Qu'il produit les statuts de la SAS INDEX créée en 2010 dont son fils aîné est l'associé unique (ainsi que le Président avant sa démission en mai 2010), ses feuilles de paye de mars à octobre 2010 faisant ressortir un salaire net moyen de 1. 656 euros compte tenu notamment d'une prime d'objectif ainsi que son contrat de travail duquel il résulte que son salaire est constitué d'une rémunération de base brute de 1500 euros, de commissions de 2 à 5 % du chiffre d'affaires de la société outre le remboursement de ses frais professionnels ; Qu'il ne donne aucun élément d'information sur la situation de la SARL INDEX INDUSTRIAL EXCHANGE dont il détient 2250 parts sociales sur 3000 et qui lui a versé une rémunération de 91. 164 euros outre 13. 736 euros à titre de remboursement de frais en 2008 (soit 7. 597 euros par mois) et de 85. 200 euros outre 85. 512 euros à titre de remboursement de frais en 2009 (soit 14. 226, 25 euros par mois) ni sur celle de la SARL " Société Comptoir Régional Terre Cuite " dont le siège social est au Maroc et dont il détient 12217 parts sur 18. 940 ; Que ses divers relevés bancaires font apparaître tout au long de l'année 2010 des rentrées d'argent importantes (remises de chèques et remboursement de frais) sur lesquelles il ne s'explique pas et font ressortir un train de vie qui ne correspond manifestement pas au salaire qu'il déclare ; Qu'il convient d'en déduire qu'il a d'autres revenus que ceux qu'il reconnaît dans le cadre de cette instance ainsi que le soutient Madame A... ; Attendu que les besoins des enfants sont prioritaires ; qu'il convient de tenir compte du fait que Monsieur X... a la charge d'un autre enfant mais non de l'endettement du couple (664. 780 euros générant des remboursements mensuels de 9. 190, 87 euros), problème que seule la vente des biens communs pourra régler ; Attendu que Madame A..., qui s'est jusqu'à présent consacrée à l'éducation des cinq enfants communs, n'a pas d'autres ressources que celles versées par les allocations familiales ; Qu'eu égard aux besoins des enfants DX majeur mais toujours à charge, EX âgé de 17 ans et FX âgé de 5 ans et des facultés contributives des parents, il convient de fixer à 150 euros par mois et par enfant soit 450 euros la contribution du père à l'entretien et d'éducation des enfants ; Que s'agissant de l'autre enfant majeur dont le prénom n'est pas précisé et qui serait également étudiant et à charge, la Cour ne peut faire droit à la demande présentée pour la première fois par Madame A... en cause d'appel en l'absence de tout élément d'appréciation ; Sur les mesures provisoires concernant les epoux : 1- autorisation de vendre : Attendu qu'en application de l'article 217 du Code Civil, un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d'état de manifester sa volonté ou si son refus n'est pas justifié par l'intérêt de la famille ; Qu'en application des articles 1286 et 1287 du Code de Procédure Civile dans leur rédaction issue du décret no2009-1591 du 17 décembre 2009, les demandes d'autorisation sur le fondement de l'article 217 du Code Civil relèvent désormais de la compétence du Juge aux Affaires Familiales mais obéissent aux règles prévues par les articles 788 à 792 du Code de Procédure Civile relatifs à la procédure à jour fixe ; Qu'elles ne relèvent pas de la compétence du Juge aux Affaires Familiales statuant à titre provisoire dans le cadre d'une procédure de divorce ; Qu'en tout état de cause, les demandes d'autorisation de vendre des biens de communauté présentées par Monsieur X... sont non seulement irrecevables mais également sans objet puisque Madame A..., consciente des graves difficultés financières du couple, ne s'oppose nullement aux ventes projetées par son époux ; Qu'en effet, elle donne expressément son accord : - pour la vente dans les meilleurs délais de la maison d'Ecully constituant le domicile conjugal en s'engageant à accepter toute offre d'achat supérieure à 550. 000 euros, - pour la vente de tous les véhicules du couple faisant l'objet d'un crédit-bail, - pour celle du véhicule Mercédès classe S qui est au nom de son mari à condition que le prix soit partagée ; Que s'agissant de la maison acquise par son mari au Maroc, elle ne s'y oppose pas en soulignant que son mari n'a pas besoin de son autorisation pour la vendre puisqu'elle est à son nom ; 2- jouissance du domicile conjugal : Attendu que les tensions importantes qui existent dans le couple rendent irréaliste la demande de Monsieur X... tendant au partage de la jouissance de la maison familiale sise à ECULLY ; Que dans l'attente de la vente, la jouissance de cette maison sera attribuée à titre gratuit à l'épouse puisque les enfants vivent à titre principal avec elle et qu'elle n'a pas d'autres revenus que les allocations versées par la caisse d'allocations familiales familiales ; 3- devoir de secours : Attendu qu'eu égard aux revenus respectifs des époux, il convient de condamner Monsieur X... à payer à Madame A... une pension alimentaire de 1. 000 euros par mois au titre du devoir de secours à compter du présent arrêt ; 4- injonction de payer le prêt immobilier : Attendu qu'il n'entre pas dans les attributions du Juge aux Affaires Familiales et donc de la Cour d'appel de prononcer de telles injonctions ; Que la demande sera rejetée ; Sur la provision ad litem, les frais et dépens : Attendu qu'eu égard aux ressources respectives des époux, il convient d'allouer une provision ad litem de 2. 000 euros à Madame A... qui bénéfice actuellement de l'aide juridictionnelle ; Qu'il lui sera alloué la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile dans le cadre de cette instance ; Attendu que les dépens de la procédure d'appel seront supportés par l'appelant qui succombe ; PAR CES MOTIFS : LA COUR, Après débats en audience non publique et après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant en chambre du conseil, par décision contradictoire et en dernier ressort, Infirme l'ordonnance sur tentative de conciliation du 15 juin 2010 en ce qui concerne le montant de la contribution de Monsieur...X... à l'entretien et d'éducation de ses enfants ; La confirme pour le surplus ; Statuant à nouveau : Fixe à 150 euros par mois et par enfant soit au total 450 euros par mois la pension alimentaire due par Monsieur X... pour contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants mineurs et de son enfant majeur DX; En tant que de besoin, condamner Monsieur ... X... à payer la-dite pension à Madame ...A... épouse X..., d'avance et le 1er de chaque mois ; Y ajoutant : Condamne Monsieur ... X... à payer à Madame ... A... épouse X... une pension alimentaire de 1. 000 euros par mois au titre du devoir de secours à compter du présent arrêt ; En tant que de besoin, condamne Monsieur ... X... à payer la-dite pension à Madame ... A... épouse X..., d'avance et le 1er de chaque mois ; Déclare irrecevables les demandes d'autorisation de vendre des biens de communauté présentées par Monsieur X... et au surplus, sans objet, compte tenu de l'accord de Madame A... épouse X... ; Condamne Monsieur ... X... à payer à Madame ...A... épouse X... : - une somme de 2. 000 euros à titre de provision pour frais de procès, - une somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; Rejette toute autre demande ; Condamne Monsieur ...X... aux dépens de la procédure d'appel ; Accorde à la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoué, le bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile. Le Greffier Le Président | |||||||||
JURITEXT000006934495 | JAX1998X05XVEX0000007459 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/44/JURITEXT000006934495.xml | Cour d'appel de Versailles, du 7 mai 1998, 1997-7459 | 1998-05-07 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1997-7459 | VERSAILLES | J- C P et M H se sont mariés le 21 février 1969. Suite à une demande conjointe en divorce, ce dernier a été prononcé par un jugement rendu le 18 octobre 1992 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de PONTOISE homologuant la convention définitive. Aux termes de cette convention et d'un acte notarié du 5 septembre 1992, Madame H s'est vue attribué deux appartements situés à CERGY, une soulte de 1.101.244,90 francs, une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 213.600,00 francs et une prestation sous forme de rente selon les modalités suivantes, 20.000,00 francs par mois jusqu'au 31 décembre 1993, 16.000,00 francs par mois du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1996, 11.000,00 francs du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000, 6.000,00 francs du 1er janvier 2001 jusqu'au décès de l'une de des parties ; il était prévu que cette rente cesserait immédiatement "dans le cas de remariage ou de vie maritale de Madame P ". Soutenant que Madame H entretenait des relations suivies et constantes avec Monsieur V , Monsieur P a sollicité la suppression immédiate du service de la rente de prestation compensatoire par une requête en date du 9 février 1996. Par un jugement en date du 21 mars 1997, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de PONTOISE a constaté que Monsieur P ne démontrait pas que Madame H vivait maritalement avec un autre homme et ordonnait la reprise du paiement et le règlement des mensualités dues ; sur l'article 279 et 273 du Code Civil, il déclarait toute demande tendant à la modification des dispositions relatives à la prestation compensatoire irrecevable dès lors que la situation qu'il décrivait ne caractérisait pas l'exceptionnelle gravité exigée par ces articles. Le premier Juge a estimé que si Madame H entretient souvent ou assez souvent des relations sexuelles avec Monsieur V , une telle liaison ne constitue pas une vie maritale. Monsieur P a relevé appel de cette décision et sollicite son infirmation ; il demande de juger qu'en raison de la vie maritale entretenue par Madame H avec Monsieur V le service de la prestation compensatoire n'est plus due à compter du mois de juin 1995 ; il réclame le remboursement de 414.000,00 francs avec les intérêts au taux légal à compter de la demande initiale, ainsi que 20.000,00 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Il expose que Madame H vit de manière constante et stable au domicile de Monsieur V alors encore qu'il existe des liens économique entre eux car ils ont constitué le 7 novembre 1995 une société dont Madame H est gérante. Madame H conclut au débouté de Monsieur P de son appel et soutient qu'il n'établit pas sa vie maritale avec un autre homme ; elle demande de rejeter des débats le constat d'adultère dressé le 30 juillet 1997 comme constituant une atteinte intolérable à l'intimité de la vie privée, réclame la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur P à lui verser une somme de 10.000,00 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle indique que l'huissier s'est introduit dans le domicile de Monsieur V en son absence et a établi un constat d'adultère alors que les ex-époux P / H sont dégagés du devoir de fidélité depuis 5 ans. Elle indique que la jurisprudence sanctionne des constats réalisés ainsi alors que l'acte n'a pour seule justification que le souci du requérant de préserver ses intérêts patrimoniaux ; elle indique que l'huissier ne devait que relever des indices matériels extérieurs. Elle ajoute que la décision autorisant ce constat a fait l'objet d'une suspension. En tout état de cause, elle expose que ce constat n'établit pas une véritable communauté de vie entre elle et Monsieur V. Monsieur P réplique que l'autorisation du Juge était une autorisation légale pour lui permettre de préserver ses droits élémentaires, alors encore que les constatations de l'huissier ne sont pas contestées ; il rappelle qu'il ne reproche pas à Madame H d'avoir refait sa vie mais expose qu'elle ne peut dès lors conserver le service de la rente. Surabondamment, il rappelle qu'il a été licencié au début de l'année 1997 et que ses revenus sont de 30.000,00 francs par mois versés par les ASSEDIC dans le cadre d'une allocation dégressive ; il rappelle que vu son âge 54 ans, ses perspectives de retrouver un emploi sont réduites et limitées à la fin avril 2001 ; il sollicite dès lors la réduction de la prestations à compter du 1er janvier 1997 à 3.000,00 francs par mois puis à 1.000,00 francs par mois à compter du 1er janvier 2001. Il réclame enfin 20.000,00 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. SUR CE, LA COUR, Considérant qu'au vu des énonciations de la convention définitive, il appartient à Monsieur P , qui sollicite la suppression de la rente, d'établir la réalité de la vie maritale de Madame H , c'est à dire d'une relation stable et permanente de celle-ci avec un ami impliquant une communauté de vie ; Qu'en l'espèce, Monsieur P justifie à l'aide de diverses attestations établies d'une part du 6 juin 1995 au 14 juin 1995, puis réitérées le 19 décembre 1995 par des détectives privés que Madame H se rendait de sa boutique au domicile de Monsieur V chez lequel elle passait la nuit pour repartir le lendemain matin habillée différemment ; que surtout un rapport de détective établit des faits identiques du 23 avril au 28 avril 1997 et, dès lors à présent seulement, la réalité d'une relation durable, stable et permanente, Madame H disposant au domicile de Monsieur V d'une garde robe, ce qui exclut de simples relations épisodiques ; Qu'encore, Monsieur P justifie des relations économiques liant Madame HR à Monsieur V par la production des statuts de la société dont Madame H est gérante, Monsieur V ayant apporté une somme de 25.000,00 francs en numéraires et disposant de 250 parts à égalité avec l'intimée ; Que l'acte de constat d'huissier qualifié par erreur de "constat d'adultère" réalisé certes au vu d'une ordonnance rendue sur requête mais dans des conditions pour le moins contestable au domicile de Monsieur V en son absence et celle de Madame H , ne peut qu'être écarté des débats ; Que cependant, les attestations produites par Madame H pour contester les relations stables ne sont pas probantes ; qu'en effet, le fait que Madame V indique qu'elle rencontre son ex-mari à son domicile périodiquement est sans portée ; que l'attestation de la soeur de Madame H et de son père selon lesquelles l'intimée n'a jamais envisagé de vivre avec Monsieur V apparait pour le moins en contradiction avec la réalité ; que le fait pour un voisin d'attester avoir entendu la chasse d'eau de l'appartement de Madame H fonctionner n'établit pas sa présence dans les lieux, alors surtout que la communauté de vie n'implique pas nécessairement un domicile commun ; Qu'il convient dans ces conditions de constater que Monsieur P établit qu'à compter du mois de juin 1995, Madame H a vécu maritalement avec Monsieur V et en infirmant la décision entreprise, de dire que le service de la rente au titre de la prestation compensatoire n'est plus du à compter du mois de mai 1997 ; qu'il y a lieu de condamner en tant que de besoin Madame H à rembourser les sommes trop perçues avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 1997 date des écritures portant cette demande ; Qu'il n'apparait pas inéquitable de laisser à la charge de Monsieur P les frais non compris dans les depens et qu'il y a lieu de le débouter de sa demande formée en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après débats en chambre du conseil : - INFIRME la décision entreprise et statuant à nouveau : - DIT qu'en raison de la vie maritale entretenue par Madame H le service de la prestation compensatoire n'est plus du à compter du mois de mai 1997, - CONDAMNE en tant que de besoin Madame H à rembourser à Monsieur P les sommes par elle perçues depuis cette date avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 1997, - DEBOUTE Monsieur P de sa demande formée en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - CONDAMNE Madame H en tous les dépens, autorisation étant accordée à la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL de les recouvrer en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. | DIVORCE, SEPARATION DE CORPS - Règles spécifiques au divorce - Prestation compensatoire - Révision - Conditions Lorsqu'il est justifié que, à des périodes différentes et successives, une femme se rend, de manière régulière, au domicile d'un ami pour y passer la nuit où elle semble y disposer d'une garde robe, ces éléments, non utilement contredits, caractérisent l'existence d'une relation durable, stable et permanente impliquant une communauté de vie qui établissent la réalité d'une vie maritale, laquelle n'implique pas nécessairement l'existence d'un domicile commun. Il s'en suit que la demande de suppression de la prestation compensatoire versée sous forme de rente formée par la mari peut être accueillie |
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JURITEXT000006934496 | JAX1998X05XVEX0000007958 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/44/JURITEXT000006934496.xml | Cour d'appel de Versailles, du 28 mai 1998, 1997-7958 | 1998-05-28 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1997-7958 | VERSAILLES | Par actes en date des 3, 6 et 7 janvier 1997, la société STERLING INTERNATIONAL a fait assigner les sociétés SOFREAVIA SERVICE, SEGAP, la chambre de commerce et d'industrie de MARSEILLE et Messieurs X... et AUBAS devant le tribunal de commerce de NANTERRE pour obtenir condamnation in solidum de ces parties à lui payer 44.168.000 francs avec, en ce qui concerne SEGAP, intérêts au taux légal à compter de l'assignation ou, à titre subsidiaire, de condamner in solidum les sociétés SEGAP, SOFREAVIA SERVICE, la CCI de MARSEILLE et Messieurs X... et AUBAS à lui payer 28.351.000 francs aux lieu et place de la participation promise dans AERIA avec, en ce qui concerne la société SEGAP, intérêts au taux légal à compter de l'assignation, de condamner la société SEGAP à lui payer 2.160.000 dollars américains ou la contre-valeur en francs français. La société STERLING INTERNATIONAL demandait, en tout état de cause, condamnation in solidum de la société SEGAP, SOFREAVIA SERVICE, de la CCI de MARSEILLE et de Messieurs X... et AUBAS à lui payer la somme de 2.000.000 francs de réparation du préjudice de réputation subi et que soit ordonnée la publication du dispositif du jugement à intervenir. La société STERLING INTERNATIONAL faisait valoir qu'à partir de 1992, elle avait été amenée à effectuer diverses recherches pour les sociétés SOFREAVIA-SERVICE, SEGAP et l'aéroport international MARSEILLE PROVENCE pour identifier et évaluer les opportunités liées aux projets de privatisation de la gestion des aéroports dans diverses régions du monde, ainsi que les possibilités de financement de ces projets dans le cadre des programmes de la Banque Mondiale. L'un de ces projets (Aéroport international Felix Houmphouùt-Boigny d'ABIDJAN -AIDA-) abouti à ce que la concession de la gestion de l'AIDA soit confiée à une société locale constituée par la société SEGAP, la société AERIA. La contrepartie promise ne fut cependant que très partiellement honorée. Notamment, la société STERLING INTERNATIONAL considère qu'il existait entre la société SEGAP et elle-même une société de fait et que la société ivoirienne qui devait prendre la concession de la gestion de l'aéroport devait être constituée avec la participation des deux associés de fait dans son capital. La société STERLING estimait, en outre, que la CCI de MARSEILLE, détenant 43% du capital de la société SEGAP et membre de son conseil d'administration avait approuvé l'accord de rémunération. La société STERLING était fondée à considérer que la société SEGAP agissait avec l'accord et la garantie implicites de la CCI. Dès lors, elle estimait que la CCI avait commis une faute susceptible de conduire à la mise en oeuvre de sa responsabilité délictuelle. La chambre de commerce et d'industrie de MARSEILLE a soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de NANTERRE au profit du tribunal administratif de MARSEILLE. Elle faisait valoir que les chambres de commerce et d'industrie sont des établissements publics économiques et que les contrats qu'elles sont amenées à souscrire sont d'ordre administratifs. Elle soulignait que selon la société STERLING INTERNATIONAL, si elle l'avait attraite en justice, c'est parce que, dans ses relations avec la société SEGAP, elle croyait "agir avec la garantie de la CCI de MARSEILLE". Dès lors, sa mise en cause procède exclusivement du fait que la société STERLING croyait agir avec la garantie d'une organisation étatique, ce qui justifie la compétence du tribunal administratif de MARSEILLE. Par le jugement déféré, en date du 12 septembre 1997, le tribunal de commerce de NANTERRE a reçu la CCI de MARSEILLE en son exception d'incompétence, mais l'a dite mal fondée. La chambre de commerce et d'industrie de MARSEILLE a formé un contredit contre cette décision. Au soutien de ce recours, elle fait valoir qu'organe des intérêts commerciaux et industriels de sa circonscription auprès des pouvoirs publics, elle est un établissement public économique. Les contrats qu'elle est amenée à souscrire sont administratifs car de tels contrats confèrent aux chambres des droits et à leurs agents des pouvoirs dérogeant au droit commun et ayant pour but l'organisation ou le fonctionnement d'un service géré par elles. La société STERLING INTERNATIONAL lui fait reproche de s'être immiscée dans les rapports qui pouvaient exister entre elle et la société SEGAP. Elle précise qu'elle croyait agir avec la garantie de la CCIM, soit d'une organisation étatique. Ainsi, en toute hypothèse, le litige qui l'oppose à la société STERLING INTERNATIONAL ne peut être, selon la CCIM, que de la compétence du tribunal administratif de MARSEILLE. Dans ces conditions, elle demande à la cour de renvoyer les parties devant le tribunal administratif de MARSEILLE et condamnation de la société STERLING INTERNATIONAL à lui payer 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société STERLING INTERNATIONAL demande confirmation de la décision déférée et condamnation de la CCIM à lui payer 30.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et 100.000 francs pour contredit abusif. Elle souligne que lorsque la responsabilité contractuelle ou extra contractuelle d'une personne morale de droit public résulte d'une faute alléguée dans le cadre d'une activité industrielle et commerciale, la compétence judiciaire et le droit privé s'imposent. Elle souligne que la loi du 8 août 1994 qualifie désormais les chambres de commerce et d'industrie de services publics économiques pour consacrer le fait que celles-ci gèrent presque toujours, à côté de service publics administratifs, des activités industrielles et commerciales dont certaines n'ont aucun caractère de service public. En l'espèce, la détention par la CCIM d'une participation dans la société SEGAP, société de droit privé, relève du domaine privé de la CCIM. Or la faute alléguée à son encontre se situe dans le cadre de cette gestion puisque la société STERLING lui reproche son immixtion dans les relations contractuelles entre elle et la société SEGAP. * SUR CE LA COUR Attendu que les chambres de commerce et d'industrie sont, aux termes de la loi du 9 avril 1898 modifiée, des établissements publics économiques ; qu'outre les missions qui leur sont impérativement dévolues par ce texte, elles peuvent effectuer d'autres missions, notamment en participant au capital de sociétés dont l'objet entre dans la limite de leur spécialité ; que lorsque leur responsabilité est recherchée pour des fautes qu'elles auraient commises à l'occasion d'une telle activité, le litige qui en résulte ne ressortit pas de la compétence des tribunaux de l'ordre administratif ; qu'en effet un tel litige résulte de la gestion privée de ces établissements publics économiques et ne met pas en jeu leurs prérogatives de droit public ; Attendu qu'en l'espèce, la société STERLING INTERNATIONAL a engagé une action dirigée principalement contre la société SEGAP, société commerciale dans laquelle la Chambre de Commerce et d'Industrie de MARSEILLE possède une participation s'élevant à 43% du capital, mais aussi contre la CCIM elle-même, aux motifs que, compte tenu de cette participation, elle était fondée à considérer que la société SEGAP agissait avec l'accord et la garantie implicite de la chambre de commerce et d'industrie mais que, paradoxalement, cette dernière, souhaitant fidéliser un utilisateur du port de MARSEILLE, avait été à l'origine de la substitution de celui-ci à la société STERLING en tant que partenaire de la société SEGAP pour constituer le "noyau dur" d'AERIA, société attributaire de la concession de la gestion de l'aéroport HOUPHOUÊT BOIGNY ; Attendu qu'une telle demande, qui tend à la mise en oeuvre de la responsabilité de la Chambre de Commerce et d'Industrie de MARSEILLE pour des fautes alléguées à l'occasion de sa participation au capital de la société SEGAP ne ressortit pas de la compétence des juridictions administratives ; que la décision déférée, doit dès lors pour ces motifs, être confirmée ; Attendu qu'il n'est pas justifié que le contredit serait abusif ; Attendu que l'équité conduit à condamnation de la Chambre de Commerce et d'Industrie de MARSEILLE à payer à la société STERLING INTERNATIONAL la somme de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et par décision réputée contradictoire, - Confirme le jugement déféré et statuant plus avant, - Déboute la société STERLING INTERNATIONAL GROUP INC de sa demande de dommages et intérêts, - Condamne la Chambre de Commerce et d'Industrie de MARSEILLE à lui payer 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - La condamne aux frais du présent contredit. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR MARON, CONSEILLER ET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER LE PRESIDENT C. DAULTIER F. ASSIÉ | SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application Les chambres de commerce et d'industrie sont, aux termes de la loi du 9 avril 1898 modifiée, des établissements publics économiques qui, outre les missions impérativement dévolues par la loi, peuvent, dans la limite de leur spécialité, exercer d'autres activités ne mettant pas en jeu leurs prérogatives de droit public. Il en résulte que les litiges nées de la gestion privée de ces établissement publics économiques ressortissent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, et non de l'ordre administratif. En l'espèce, une chambre de commerce et d'industrie dont la responsabilité est mise en cause à raison des agissements d'une société dans laquelle elle détient une participation, n'est pas fondée à soulever l'incompétence du tribunal de commerce saisi au profit de la juridiction administrative |
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JURITEXT000006934497 | JAX1998X05XVEX0000008000 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/44/JURITEXT000006934497.xml | Cour d'appel de Versailles, du 15 mai 1998, 1998-108TG | 1998-05-15 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1998-108TG | VERSAILLES | Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, a statué en ces termes : Sur l'action pénale Attendu que Monsieur E X... est prévenu d'avoir à HERBLAY le 22 mars 1997, à l'occasion de la conduite d'un véhicule - par maladresse, imprudence, inattention ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, causé la mort de F..M. et X... C. infraction prévue par les articles 221-6 alinéa 1 du code pénal et réprimée par les articles 221-6 alinéa 1, 221-8, 221-10 du code pénal, les articles L .14, L.15 et L.16 du code de la route - mis ou maintenu en circulation un véhicule à moteur sans être couvert par une assurance garantissant sa responsabilité civile infraction prévue par les articles Y... 211-45 alinéa 1, L 211.1 du code des assurances et réprimée par les articles R.211-45 alinéa 1, L.322-2 alinéa 2 du code des assurances et les articles R.266 9°, L.14 alinéa 1 et L.16 du code de la route - alors qu'il tournait à gauche, omis de respecter la priorité à l'égard d'un usager circulant sur la chaussée en sens inverse infraction prévue par les articles Y... 24 alinéa 3 et Y... 232 4° du code de la route et réprimée par l'article Y... 232 du code de la route Attendu que Monsieur G. X... est prévenu d'avoir à Herblay le 22 mars 1997 mis ou maintenu en circulation un véhicule à moteur sans être couvert par une assurance garantissant sa responsabilité civile, infraction prévue par les articles Y... 211-45, L.1, L 211-1 du code des assurances et réprimée par les articles Y... 211-45 alinéa 1, L322-2 alinéa 2 du code des assurances, les articles Y... 266 9°, L.14 alinéa 1, L.16 du code de la route. Attendu que Monsieur Y. Z... a été cité à la requête des consorts A... B... pour s'être rendu coupable le 22 mars 1997 - d'homicide involontaire sur la personne de Monsieur F. C... l'occasion de la conduite d'un véhicule automobile, infraction prévue par l'article 221-6 du code pénal et réprimée par l'article 221-6 alinéa 1, 221-8, 221-10 de ce même code et par les articles L.14, L.15 et L.16 du code de la route - de circulation à vitesse excessive en agglomération, soit 70 km/h environ au lieu de 50 km/h, infraction prévue par les dispositions de l'article Y... 10 du code de la route et réprimée par les dispositions de l'article Y... 232-1 du même code - de défaut de maîtrise infraction prévue par les dispositions des articles L 21 et Y... 3-1 du code de la route et réprimée par les dispositions de l'article Y... 232-1 du même code Sur les poursuites intentées par le Ministère Public à l'encontre de Monsieur E. X... et de Monsieur G. X... Attendu que les faits se sont produits le 22 mars 1997 à 18 h 10, route de Conflans à Herblay (95). Qu'il résulte du rapport de police que le véhicule CITROEN C15 immatriculé 771 ACA 95 circulait route de Conflans à Herblay lorsque son conducteur, Monsieur E. X..., a viré sur sa gauche, coupant la route à la moto conduite par Monsieur F. A... qui arrivait en sens inverse. Attendu que le choc a été particulièrement violent, le passager et le conducteur de la moto étant éjectés, le premier sur la partie droite de la chaussée et le second sur la voie de gauche alors que survenait la voiture MEGANE conduite par Monsieur Y. Z... qui n'a pu éviter de le heurter et de le traîner sur une vingtaine de mètres. Attendu que si Monsieur E. X... a affirmé, que pour effectuer sa manouvre de conversion vers la gauche, il avait mis son clignotant et vérifiait qu'il pouvait tourner, Monsieur Y. Z... qui le suivait depuis un certain temps a précisé que la CITROEN C 15 avait brusquement tourné à gauche sans avertir alors qu'une moto arrivait en sens inverse, bien visible. Que la passagère de la MEGANE, Mademoiselle V. B..., a confirmé cette manouvre brusque de la CITROEN et l'absence de précaution de son conducteur en virant à gauche. Attendu que le Docteur D... a déclaré aux agents rédacteurs : " que Mr A..., âgé de 29 ans, conducteur de la moto YAMAHA est décédé sur le coup ainsi que le passager de la moto X... C. âgé de 14 ans. " Attendu que le délit d'homicide involontaire, les contraventions de refus de priorité et de défaut d'assurance, sont donc établis et n'ont pas été contestés par Monsieur E. X... Attendu que les faits reprochés à Monsieur E. X... sont particulièrement graves. Que cependant aucune condamnation ne figure sur son casier judiciaire. Qu'il y a lieu de condamner Monsieur E... aux peines figurant au dispositif. Attendu que les éléments du dossier ne permettent pas d'établir que la contravention de défaut d'assurances reprochée à Monsieur G. X..., propriétaire du véhicule conduit par Monsieur E. X..., soit constituée. Qu'en effet, Monsieur G. X... a déclaré qu'il venait d'acquérir peu de temps auparavant la CITROEN C15, qu'il ne l'avait pas encore affectée à la circulation et que son frère le lui avait empruntée à son insu. Attendu que lors de ses réquisitions à l'audience, Monsieur le Procureur de la République, s'en est rapporté à la sagesse du Tribunal, estimant qu'il n'était pas démontré que Monsieur G. X... ait mis ou maintenu en circulation le véhicule emprunté par son frère alors qu'il était absent. Que le doute persistant sur les conditions dans lesquelles Monsieur E. X... a pris le véhicule non assuré, Monsieur G. X... doit être relaxé du chef de cette contravention. Sur les poursuites visées dans la citation directe délivrée à l'encontre de Monsieur Y. Z... à la requête de Mademoiselle C. B... en son nom personnel et ès qualités de son fils mineur X... A... de Monsieur C. A..., de Madame A... A... née Y..., de Madame I. A..., de Madame M.-A. A... née Y... et de Monsieur C. B... Attendu que les consorts B... A... ci-dessus désignés reprochent à Monsieur Y. Z... - une contravention d'excès de vitesse en agglomération - une contravention de défaut de maîtrise - un délit d'homicide involontaire Attendu qu'au regard des dispositions de la loi du 5 juillet 1985, le véhicule MEGANE conduit par Monsieur Y. Z..., qui a heurté le corps de Monsieur F. A... projeté par le premier choc avec la CITROEN C15, est incontestablement impliqué dans cette collision. Attendu que d'autre part, le véhicule CITROEN C15 n'étant pas assuré, le FONDS DE GARANTIE, faisant valoir son rôle subsidiaire, l'assureur de la MEGANE, la S.M.A.B.T.P., comme elle le reconnaît dans ses écritures, devra faire face à l'indemnisation du préjudice subi par les ayants droit de Monsieur F... .. Attendu que les règles particulières d'indemnisation de la loi du 5 juillet 1985 ont des fondements juridiques totalement indépendants et différents de ceux régissant la responsabilité pénale encourue par le conducteur d'un véhicule considéré comme impliqué dans le déroulement d'un accident. Attendu qu'en l'espèce, l'excès de vitesse de 70 km/h pour 50 km/h, le défaut de maîtrise reprochés à Monsieur Y. Z... ne sont nullement établis. Que Monsieur Y. Z..., entendu 4 jours après l'accident et après avoir subi, comme sa compagne, un choc psychologique important signalé dans le procès-verbal de police par les agents rédacteurs et ayant nécessité une observation médicale immédiate puis à l'hôpital, a mentionné certes une vitesse de l'ordre de 60 km/h avant que la CITROEN C15 n'effectue sa manouvre mais également un freinage avant que le motocycliste ne soit projeté sur sa voie de circulation. Attendu que la distance de 15 m environ visée par Monsieur Y. Z... n'a été donnée qu'à titre indicatif et n'a joué aucun rôle dans l'accident. Que d'ailleurs une distance moindre aurait peut être permis d'éviter ce second heurt. Attendu que si Monsieur Y. Z... a vu la moto circulant en sens inverse avant que le CITROEN C 15 ne vire brusquement à gauche sans précaution, la collision elle-même lui a été masquée par le CITROEN. Qu'il ne pouvait s'attendre à ce que le motard soit projeté sur sa voie de circulation, son passager, pour sa part, ayant été éjecté de l'autre côté. Attendu que la violence du premier choc est démontrée par les projections des corps et de la moto, des dégâts sur le CITROEN C15 et illustrée par l'album photographique joint au rapport de police. Que les constatations médicales font état d'un décès des deux motards sur le coup. Que compte tenu des circonstances de l'accident et des éléments ci-dessus exposés, les consorts B... A... ne démontrent nullement que Monsieur Y. Z... se soit rendu coupable des deux contraventions d'excès de vitesse et de défaut de maîtrise et du délit d'homicide involontaire reprochés. Que Monsieur Y. Z... doit en conséquence être relaxé sans peine ni dépens, ces derniers devant rester à la charge des parties civiles poursuivantes énumérées en tête de paragraphe. Sur les actions civiles Attendu que les parties civiles ont versé aux débats les pièces d'état civil les concernant. Attendu que les constitutions des dites parties civiles, celle de la CPAM du VAL d'Oise, l'intervention de la Compagnie AXA ASSURANCES, qui n'a pas contesté devoir sa garantie à Monsieur Y. Z..., doivent être déclarés recevables. Attendu que cependant l'intervention de la S.M.A.B.T.P., en sa qualité d'assureur de la moto pilotée par Monsieur F. A..., doit être déclarée irrecevable. Qu'en effet, aux termes des dispositions de l'article 388-1 du code de procédure pénale et comme l'a rappelé encore récemment la Cour de Cassation dans des arrêts récents des 2 avril 1992 et 17 février 1993 (BULL CRIM N° 138 et 77), seul l'assureur du prévenu ou de la personne civilement responsable peut intervenir ou être mis en cause en tant qu'assureur de responsabilité devant la juridiction répressive saisie de poursuites de blessures involontaires ou d'homicide involontaire. Que la mise en cause et l'intervention de la S.M.A.B.T.P., assureur de la moto pilotée par Monsieur F. A..., devant la juridiction pénale dans laquelle seuls Monsieur E. X..., Monsieur G. X... et Monsieur Y. Z... ont la qualité de prévenus doivent être déclarées irrecevables. Attendu que Monsieur G... ayant été relaxé et le Tribunal n'ayant pas été saisi de ce chef par le ministère public ou sur renvoi d'une juridiction d'instruction ne peut faire application des dispositions de l'article 470-1 du code de procédure pénale. Attendu que la Compagnie AXA ASSURANCES doit en conséquence être également mise hors de cause. Attendu que Monsieur F. A... et son passager se trouvaient normalement dans leur couloir de circulation lorsque le véhicule conduit par Monsieur E. X... a effectué sa manouvre vers la gauche sans aucune précaution, leur coupant ainsi la route. Attendu que Monsieur E. X... n'a point allégué de faute à l'encontre de Monsieur F. A..., conducteur de la moto. Qu'en conséquence Monsieur E. X... doit être déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu le 22 mars 1997 au cours duquel Monsieur F. A... et C. X... ont trouvé la mort et condamné à indemniser les ayants droit des victimes de leurs préjudices. | CIRCULATION ROUTIERE - Homicide et blessures involontaires - Faute Si au regard des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 le véhicule en mouvement qui heurte le corps d'une victime est nécessairement impliqué dans la collision, les fondements juridiques qui soutiennent les règles d'indemnisation de la loi précitée demeurent totalement indépendants et différents de ceux qui régissent la responsabilité pénale encourue, le cas échéant, par le conducteur du véhicule impliqué. En l'espèce, s'il est établi que consécutivement à un choc survenu avec un premier véhicule, le pilote d'une moto, projeté sur la voie de circulation inverse, a été heurté par un second véhicule, la responsabilité pénale du conducteur de ce second véhicule, en l'occurrence du chef des infractions d'excès de vitesse, défaut de maîtrise et homicide involontaire, doit être démontrée ACTION CIVILE - Fondement - Infraction - Homicide ou blessures involontaires - Application des règles de droit civil - Conditions - Relaxe Il résulte des dispositions de l'article 470-1 du Code procédure pénale que si un tribunal, prononçant une relaxe du chef des poursuites d'une infraction non intentionnelle, a vocation à être compétent pour accorder, en application des règles de droit civil, réparation des dommages résultants des faits qui ont fondé la poursuite, cette compétence demeure subordonnée à sa saisine soit à l'initiative du Ministère Public, soit sur renvoi d'une juridiction d'instruction. En l'espèce, dès lors que les poursuites entreprises l'ont été à la seule requête de la partie civile, le tribunal qui prononce la relaxe n'a pas compétence pour se prononcer sur les intérêts civils, au sens de la loi du 5 juillet 1985 applicable à l'espèce |
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JURITEXT000006934498 | JAX1998X05XVEX0000009050 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/44/JURITEXT000006934498.xml | Cour d'appel de Versailles, du 7 mai 1998, 1994-9050 | 1998-05-07 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1994-9050 | VERSAILLES | Par acte sous seing privé en date du 7 novembre 1989, la Société SOFI SOVAC a consenti une ouverture de crédit d'un montant maximum de 40.000 Francs à Monsieur X... Y.... Après un réechelonnement des sommes dues intervenu le 7 août 1991, de nouvelles échéances sont restées impayées. Par exploit en date du 3 mai 1994 la Société SOFI SOVAC a fait assigner Monsieur X... aux fins d'obtenir paiement des sommes de : . 40.967,18 Francs pour solde de crédit, . 2.500 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, le tout assorti de l'exécution provisoire. Monsieur X... a répliqué que l'action introduite par la Société SOVAC était forclose. Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 7 juillet 1994, le Tribunal d'Instance de SAINT GERMAIN EN LAYE, faisant grief au demandeur de ne produire qu'un décompte postérieur au rééchelonnement opéré le 7 août 1991, a rendu la décision suivante : - déboute en l'état la Société SOFI SOVAC de ses demandes, - la condamne aux dépens. Le 28 novembre 1994, la Société SOFI SOVAC a interjeté appel. Elle fait valoir que, conformément aux exigences des premiers juges, elle verse aux débats un décompte complet des sommes dues et établit ainsi l'existence et le montant de sa créance. Elle sollicite également le versement de la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par conséquent, elle demande à la Cour de : - déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la Société SOFI SOVAC, Y faisant droit, - infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau, - condamner Monsieur X... à payer à la Société SOFI SOVAC la somme de 40.967,18 Francs, outre les intérêts de retard au taux contractuel de 17,90 % l'an à compter du 14 février 1994, - dire que les intérêts ayant couru depuis plus d'une année entière produiront eux-mêmes intérêts par application de l'article 1154 du Code Civil à compter de l'assignation, - condamner Monsieur Y... X... à porter et payer à la concluante la somme de 5.000 Francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Monsieur Y... X... en tous les dépens, - dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur X... réplique que la Société SOFI SOVAC, en s'abstenant de présenter des comptes compréhensibles et d'informer la Cour des avenants aux conventions conclues avec son client le 16 novembre 1992, ne justifie pas sa créance. Par conséquent, il demande à la Cour de : - constater que la Société SOFI SOVAC ne présente à l'appui de sa demande aucune pièce conforme aux accords contractuels, - confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, - condamner la Société SOFI SOVAC aux entiers dépens qui seront recouvrés pour ceux le concernant par Maître BINOCHE, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Dans des conclusions complémentaires Monsieur X... ajoute que le prêt qui lui a été consenti a fait l'objet d'un réaménagement constituant une novation, le 16 novembre 1992, que la Société SOVAC, n'ayant formulé aucune réclamation fondée sur le nouveau contrat de prêt, se heurte en application de l'article L311-37 alinéa 2 du Code la consommation à la forclusion de son action en paiement. Par conséquent, il demande à la Cour de : - adjuger au plus fort au concluant le bénéfice de ses précédentes écritures, Vu l'article L 311-37 alinéa 2 du Code de la consommation : - déclarer forclose l'action de la Société SOFI SOVAC, - statuer sur les dépens comme précédemment requis. La Société SOVAC soutient que le réaménagement de la dette de Monsieur X..., opéré le 16 novembre 1992, avait pour objet un report des échéances impayées au-delà du terme initial et la modification de la durée des remboursements, de sorte qu'il ne saurait constituer une novation. Dès lors, le délai biennal de forclusion, dont le point de départ est, en vertu de l'article L311-37 du Code de la consommation, fixé à la première échéance impayée postérieure audit réaménagement, n'est nullement expiré. Par conséquent, elle demande à la Cour de : - adjuger à la concluante l'entier bénéfice de ses précédentes écritures, - constater que l'action de la société SOFI SOVAC n'est pas forclose, - débouter Monsieur Y... X... de toutes ses demandes, fins et conclusions. A titre subsidiaire et en toute hypothèse, condamner Monsieur X... à payer à la concluante la somme de 28.540,02 Francs au taux de 14,50 % l'an à compter du 16 novembre 1992, - condamner Monsieur Y... X... en tous les dépens, - dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Dans ses dernières conclusions, Monsieur X... fait valoir, au cas où la Cour de céans déclarerait l'action de la Société SOVAC recevable, que le contrat d'ouverture de crédit, destiné à l'acquisition d'un véhicule, n'était pas adapté à l'opération ainsi financée et, partant, frauduleux ; que la déchéance de tout droit à intérêts doit être prononcée à l'encontre de la Société SOVAC, tant en raison de la fraude susvisée qu'en raison de la méconnaissance par cette dernière de l'obligation d'information annuelle, et ce conformément à l'article L 311-9 du Code la consommation. Par conséquent, il demande à la Cour de : - adjuger au plus fort au concluant le bénéfice de ses précédentes écritures, Subsidiairement, constater que le contrat d'ouverture de crédit du mois de novembre 1989 est par nature un contrat amortissable et donc inadapté à l'opération litigieuse. Que s'agissant d'une ouverture de crédit, il obéit aux dispositions d'ordre public de l'article L 311-9 du Code de la consommation. - constater qu'aucune information annuelle n'a été adressée au concluant, En conséquence, dire SOFI SOVAC déchue de tout droit à intérêts, - constater que Monsieur X... a d'ores et déjà versé la somme de 44.380,38 Francs, - condamner, en conséquence, la Société SOFI SOVAC au paiement de la somme de 4.380,38 Francs au titre du trop-perçu et ce, avec intérêts de droit à compter du mois d'avril 1993, - Statuer sur les dépens comme précédemment requis. Dans ses dernières conclusions, la Société SOVAC soutient que la contestation relative à l'offre préalable, qui doit être formulée dans un délai de deux ans à compter du jour de sa signature ou, au plus tard, du jour où elle est devenue parfaite, est tardive et conclut à la forclusion de Monsieur X.... Elle fait valoir, en outre, que, contrairement aux allégations de l'intimé, elle a dispensé les informations auxquelles elle est légalement tenue. Par conséquent, elle demande à la Cour de : - adjuger à la concluante l'entier bénéfice de ses précédentes écritures, Vu l'article L 311-37 du Code de la consommation : - constater que Monsieur X... est irrecevable en ses contestations, - le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions, Sur les dépens, statuer ce que précédemment requis. L'ordonnance de clôture a enfin été signée, le 26 mars 1998 après six renvois, c'est-à-dire le jour des plaidoiries ; les deux parties ont fait déposer leurs dossiers. SUR CE, LA COUR, I/ Considérant que Monsieur X... Y... a attendu le 25 juin 1997 pour invoquer, pour la première fois, une prétendue forclusion biennale qui atteindrait l'action au fond engagée contre lui, devant le Tribunal d'Instance de SAINT GERMAIN EN LAYE, le 22 mars 1994, et que, pour ce faire, il soutient à tort, que le réaménagement de sa dette, le 7 août 1991, constituerait, selon lui, une novation ; qu'en réalité, en droit, le réaménagement de l'article L.311-37 alinéa 2 du Code de la consommation n'a pour but que de fixer les modalités de règlement des échéances impayées, sans que, pour autant, il n'y avait une nouvelle dette se substituant à l'ancienne, ni aucun changement de débiteur, ni aucun nouveau créancier ; que les conditions de l'article 1271 du Code civil relatif à la novation ne sont donc pas remplies en l'espèce et que le débiteur-emprunteur est donc débouté des fins de ce moyen ; qu'il est ajouté, à toute fins utiles, que pas davantage, ces modalités de réaménagement de paiement des échéances impayées ne pourraient constituer une quelconque remise de dette, au sens de l'article 1287 du Code civil ; Considérant que l'action en paiement de la S.A SOFI SOVAC n'est donc pas forclose ; II/ Considérant, quant au fond de la créance alléguée par cette société, que Monsieur X... fait état d'un "avenant" qui est constitué par un document contractuel du 16 novembre 1992 par lequel la Société SOFI SOVAC lui a expressément accordé un nouvel échéancier portant sur un solde de 28.540,02 Francs, remboursable par 1.300 Francs par mois, avec intérêt ramené de 17,90 % à 14,50 %, soit 26 échéances restant dues, du 10 novembre (semble-t-il) 1992 au 10 janvier 1995 ; Considérant qu'en réalité, cet "avenant" (sic) est lui aussi un réaménagement (au sens de l'article L311-37 alinéa 2) et qu'il a trait simplement aux modalités de règlement des échéances impayées, mais sans qu'il y ait pour autant une quelconque novation, notamment par création d'une nouvelle dette qui se serait substituée à l'ancienne (laquelle se trouverait ainsi éteinte) ; Considérant, par ailleurs, que l'assignation en paiement devant le Tribunal d'Instance du 22 mars 1994 a bien été formée dans le délai de deux années de l'article L311-37 et que cette seconde convention de réaménagement du 16 novembre 1992 n'est donc pas "caduque" (sic) comme le prétend Monsieur X... ; III/ Considérant que pour la première fois, le 9 février 1998, Monsieur X... a contesté la régularité du contrat initial dont il dit maintenant qu'il serait "frauduleux" au motif, selon lui, qu'il ne serait "pas adapté à l'opération à laquelle il (était) destiné" ; que par la voie de ce moyen, pratiquement non développé et en tous cas infondé et injustifié, l'emprunteur prétend ensuite que cette "fraude" (sic) devait entraîner une déchéance du droit aux intérêts (article L.311-33 du Code de la consommation) ; Considérant qu'en tout état de cause, il est de droit constant que le point de départ du délai biennal de forclusion opposable à l'emprunteur qui conteste la régularité de l'offre préalable -par voie d'action ou d'exception- est la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé ; qu'il est donc certain que, dans la présente espèce, le contrat étant du 7 novembre 1989 et l'exception ayant été soulevée le 9 février 1998, la forclusion biennale est acquise et peut donc être, à bon droit opposée à Monsieur X... ; que ses contestations de la régularité et ses demandes en déchéance du droit aux intérêts sont donc irrecevables ; IV/ Considérant, quant au montant de la créance alléguée par la Société SOFI SOVAC, que Monsieur X... a, dans ses conclusions du 9 février 1998 (cote 13 du dossier de la Cour) explicité les paiements qu'il avait fait, soit : . virements et prélèvements à partir des comptes de la caisse d'épargne pour un total de 30.238,49 Francs et sur le C.I.C. pour un montant de 1.141,89 Francs, . compte-courant Trésor Public pour 11.700 Francs. Considérant que l'intéressé a communiqué plusieurs documents justificatifs (notamment de 1992 et 1993) le 6 février 1998 (cote 11 du dossier de la Cour), qui n'ont pas été discutés ni critiqués par la société appelante qui a pourtant conclu à nouveau et en dernier le 19 mars 1998 ; Mais considérant qu'il demeure que le solde visé dans la convention de réaménagement du 16 novembre 1992, a nécessairement pris en compte tous les paiements faits antérieurement à cette date ; qu'en ce qui concerne le solde de 28.540,02 Francs arrêté par ce second réaménagement, qu'il appartient à l'emprunteur de faire la preuve des paiements qu'il a faits pour respecter cet échéancier comportant 26 mensualités ; que parmi les pièces communiquées par Monsieur X... (cote 6 du dossier de la Cour) seuls sont à retenir les justificatifs de paiement suivants, effectués par virements de la Caisse d'Epargne, après ce 16 novembre 1992 : . 1.300 francs (le 11 mars 1993), . 1.300 francs (le 12 janvier 1993), . 1.300 francs (le 11 décembre 1992), . 1.300 francs (le 14 avril 1993), . 1.300 francs (le 12 novembre 1993), Soit un total de : 6.500 Francs qui est à imputer sur le solde de 28.540,02 Francs ; que, compte tenu de ces 6.500 Francs payés, Monsieur X... reste donc devoir la somme de 22.040,02 Francs qui portera intérêts au taux conventionnel de 14,50% à compter du 12 mai 1993, date de la première échéance demeurée impayée ; qu'aucun prétendu trop-perçu ne peut donc être invoqué par l'intimé qui n'est débouté de ses demandes de ce chef ; Considérant que l'intimé est, par conséquent, condamné à payer cette somme justifiée et ces intérêts conventionnels à la Société SOFI SOVAC ; que de plus, les intérêts conventionnels échus seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ; V/ Considérant que, compte tenu de l'équité, Monsieur X... est condamné à payer à la Société SOFI SOVAC la somme de 5.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : I/ VU l'article L311-37 alinéa 2 du Code de la consommation ; DEBOUTE Monsieur Y... X... de son exception de forclusion biennale qu'il oppose aux demandes en paiement de la Société SOFI SOVAC ; II/ LE DEBOUTE de son moyen tendant à faire juger que la convention de réaménagement du 16 novembre 1992 serait "caduque" (sic) ; III/ DECLARE forcloses et irrecevables les demandes et exceptions de Monsieur X... au sujet de la régularité (et de ses conséquences) du contrat de crédit du 7 novembre 1989 ; IV/ CONDAMNE Monsieur Y... X... à payer à la Société SOFI SOVAC la somme de 22.040,02 Francs (VINGT DEUX MILLE QUARANTE FRANCS DEUX CENTIMES) avec intérêts au taux conventionnel de 14,50 % à compter du 12 mai 1993 ; DIT ET JUGE que ces intérêts à taux conventionnels, échus, seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ; DEBOUTE Monsieur X... de ses demandes au sujet d'un prétendu "trop-perçu" ; V/ CONDAMNE Monsieur X... à payer à la société appelante la somme de 5.000 Francs (CINQ MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; CONDAMNE Monsieur Y... X... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP d'avoués LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier, Le Président, Marie Hélène EDET Alban CHAIX | PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit à la consommation - Défaillance de l'emprunteur - Action - Délai de forclusion - Point de départ - Réaménagement ou rééchelonnement de la dette - Définition Le réaménagement des échéances impayées prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation n'a pour but que de fixer les modalités des échéances impayées d'une dette. Un tel réaménagement n'emporte aucune substitution de dette, ni aucun changement de créancier susceptible d'entraîner une quelconque novation au sens de l'article 1271 du Code civil. En outre, le réaménagement ne portant que sur les modalités de paiement des échéances impayées ne peut constituer, en application de l'article 1287 du Code civil, une quelconque remise de dette. En l'espèce, un "avenant" par lequel un organisme de crédit consent un nouvel échéancier de règlement des échéances impayées constitue un réaménagement, au sens de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, n'impliquant aucune novation par substitution de dette PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit à la consommation - Défaillance de l'emprunteur - Action - Délai de forclusion - Point de départ - Contestation de la régularité de l'offre préalable - Date de formation du contrat - Portée - / S'agissant de la contestation de la régularité d'une offre préalable de crédit, le point de départ du délai biennal de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation, se situe à la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé |
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JURITEXT000006934499 | JAX1998X05XVEX0000009353 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/44/JURITEXT000006934499.xml | Cour d'appel de Versailles, du 22 mai 1998, 1997-9353 | 1998-05-22 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1997-9353 | VERSAILLES | I-1 Considérant que la société LILLY FRANCE (L.F.) commercialise sous la marque "Prozac" la fluoxétine, médicament destiné au traitement des épisodes dépressifs, comme le fait la société LABORATOIRES PHARMACEUTIQUES SMITHKLINE BEECHAM (L.P.S.B.) sous la marque "Deroxat" s'agissant de la paroxétine ; qu'en octobre 1997 la seconde société a déploré de la part de la première des publicités rédactionnelles objets d'une communication préalable du 17 octobre 1997 et intitulées d'une part "Syndrome d'interruption d'un traitement antidépresseur : Quelles conséquences en pratique ä" et d'autre part "Les risques de l'interruption brutale d'un traitement antidépresseur", comportant une comparaison entre le "Prozac" et la paroxétine s'agissant des "risques d'effets indésirables et de modification de la symptomatologie dépressive lors de l'interruption brutale d'un traitement sérotoninergique" ; que de cette publicité il ressortait, chiffres à l'appui, que "seuls les patients traités par Prozac n'ont pas présenté d'effets indésirables significatifs... ou de variations des scores aux échelles évaluant les symptômes dépressifs à la suite (d'un) arrêt temporaire du traitement" et que "les données de la littérature montrent que le Prozac est le sérotoninergique qui expose le moins au risque de syndrome d'interruption brutale" ; qu'avant la communication du 17 octobre une ordonnance de référé du 14 octobre avait prononcé, "jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond" la suspension d'annonces objets de communications antérieures datées des 16 et 30 septembre 1997 ; I-2 Considérant que par ordonnance du 13 novembre 1997 le Juge des Référés du Tribunal de Commerce de Nanterre, saisi par la société L.P.S.B. qui voyait dans la diffusion de ces publicités un trouble manifestement illicite, a prononcé, en visant sa précédente ordonnance du 14 octobre, la "suspension de toutes publicités ou annonces comparatives pour le Prozac publiées par la société LILLY FRANCE", ce sous une astreinte de 100.000,00 F par infraction et "jusqu'il soit statué sur le fond" ; que cette décision a relevé en substance que l'ordonnance du 14 octobre 1997 avait déjà ordonné la suspension d'annonces publicitaires dont les articles litigieux n'étaient "qu'une déclinaison" ; II II-1 Considérant que la société L.F., appelante, conclut à l'annulation de l'ordonnance ; qu'à titre subsidiaire elle sollicite son infirmation, les publications en cause ne constituant selon elle ni une faute ni un trouble manifestement illicite ; qu'elle réclame à la société L.P.S.B. un franc de dommages-intérêts et une somme de 30.000,00 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; II-2 Considérant que la société L.P.S.B. conclut à la confirmation de l'ordonnance ; qu'elle demande que l'astreinte prononcée par le premier juge soit liquidée à 200.000,00 F ; qu'elle réclame à la société L.F. une somme de 30.000,00 F pour frais hors dépens ; III Sur le grief de nullité III-1 Considérant que pour taxer l'ordonnance de nullité la société L.F. soutient qu'elle n'est pas valablement motivée ; qu'elle fait valoir qu'en prononçant une interdiction générale "de toutes publicités ou annonces comparatives" elle a statué en dehors d'une demande ne visant qu'à l'interdiction des deux publicités objets de la communication du 17 octobre 1997, textes sur lesquels s'était engagé le seul débat à trancher ; III-2 Considérant certes qu'en présence d'une interdiction déjà faite et qui avait un objet déterminé, savoir les textes publi-rédactionnels objet des communications des 16 et 30 septembre 1997, l'assignation du 27 octobre 1997 tendait à titre principal, au vu d'un manquement allégué à cette interdiction, à la stipulation d'une astreinte pour garantir sa meilleure application, ce qui paraissait circonscrire le débat de la façon évoquée par l'appelante ; III-3 Mais considérant qu'à titre subsidiaire la même assignation poursuivait la cessation d'un trouble caractérisé par la diffusion de "publicités irrégulières " dont était demandée la cessation "sous quelque forme que ce soit (suivait une énumération de moyens)" sous une astreinte de 100.000,00 F par manquement ; que cela prive de pertinence le reproche fait au premier juge d'être sorti du cadre de sa saisine ; que la lecture de la décision fait apparaître un exposé de prétentions et une discussion, certes succincte, interdisant de la tenir pour non motivée ; que les moyens de nullité seront donc rejetés ; IV Sur les causes du référé IV-1 Sur l'ordonnance du 14 octobre 1997 et ses suites a. Considérant que l'ordonnance de référé du 14 octobre 1997 ayant, sans qu'appel n'en soit relevé, ordonné la suspension d'annonces dont il n'est pas sérieusement contesté que les annonces litigieuses ne sont qu'une reprise, la société L.P.S.B. expose en substance que l'ordonnance dont appel ne peut qu'être confirmée puisqu'elle n'a fait que réitérer cette interdiction en y ajoutant l'astreinte commandée par la persévérance de la société L.F. à y manquer ; b. Mais considérant que sur ce point la société L.F. fait pertinemment valoir que cette interdiction avait été prononcée au motif que les annonces, qui apparaissaient dans leur contenu "pertinentes et vérifiables", étaient tirées "d'observations et d'études qui ne sembl(aient) pas avoir été déposées à la Commission de Contrôle de la publicité de l'Agence du Médicament" ; que tout en soulignant que la référence à un tel dépôt était erronée elle observe qu'après signification de la décision par la société S.B. elle a procédé, pour les annonces communiquées le 17 octobre, audit dépôt en adressant copie des publicités à la commission susmentionnée ; que si, contrairement à l'opinion de l'appelante, la décision du 14 octobre a parfaitement pu statuer pour l'avenir, ce qui permettrait actuellement de la lui opposer puisqu'elle n'a pas été frappée d'appel, la disparition apparente du motif, certes erroné, qui semble en avoir été le soutien nécessaire autorise à réexaminer l'interdiction qu'elle contient puisqu'elle constitue à tout le moins, au sens de l'article 488 du Nouveau Code de Procédure Civile, une circonstance nouvelle autorisant à la rapporter ; IV-2 Sur l'interdiction litigieuse a. Considérant que pour interdire les annonces le premier juge les a tenues pour manifestement illicites en relevant qu'elles contrevenaient aux dispositions de l'article L 121-1 du Code de la Consommation prohibant "toute publicité comportant... des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur" ; qu'il a énoncé qu'elles constituaient de plus un "dénigrement... de la spécialité Deroxat... par la mise en avant de symptômes défavorables à (sa) prescription" ; b. Considérant qu'à ce raisonnement, qu'elle approuve, la société L.P.S.B. ajoute qu'en lui communiquant au préalable deux textes avec faculté de n'en publier qu'un la société L.F. n'a pas respecté l'obligation d'information édictée par l'article L 121-12 du Code de la Consommation ; qu'elle déclare que le rapprochement effectué ne satisfait pas à l'impératif de comparaison "des caractéristiques essentielles, significatives, permanentes et vérifiables" énoncé à l'article L 121-8 du même code, le critère de comparaison adopté étant unique et selon elle "marginal" puisque postérieur à l'administration du médicament ; qu'elle fait encore grief à la société L.F. de n'avoir pas respecté des recommandations de l'Agence du Médicament prônant une comparaison "la plus exhaustive possible sans privilégier exclusivement les éléments favorables" ; qu'elle qualifie de "rares et bénins" les symptômes liés à un arrêt du traitement ; qu'elle rappelle que la publicité pour le médicament ne doit pas, selon l'article L 551-1 du Code de la Santé publique, être "trompeuse" et que les informations données doivent, selon l'article R 5047-1 du même code, être "exactes, à jour, vérifiables et suffisamment complètes pour permettre au destinataire de se faire une idée personnelle de la valeur thérapeutique du médicament", conditions que ne rempliraient pas les annonces litigieuses ; qu'enfin elle qualifie de manoeuvre de concurrence déloyale et de "dénigrement" la présentation faite des symptômes inhérents à l'arrêt brutal du traitement par le DEROXAT, en prenant argument de la rareté, soulignée par l'autorisation de mise sur le marché du médicament, de ces symptômes ; c. Mais considérant qu'il n'est pas évident que soit ignorante des droits d'un concurrent la notification faite à ce concurrent, pour qu'il puisse y faire obstacle comme le veut l'article L 121-12 du Code de la Consommation, d'une publicité comparative sous deux versions avec possible retenue d'une seule ; que si la survenance d'effets déterminés lors de l'arrêt inopiné du traitement par un médicament n'est évidemment pas une propriété intrinsèque de la substance administrée il peut cependant être sérieusement soutenu, puisqu'un médicament ne vaut que par l'usage qu'on en fait, que la vertu d'un tel médicament à produire ou non, par l'arrêt de son administration, de tels effets de façon "permanente" et "vérifiable" est une caractéristique assez importante pour apparaître, aux yeux de qui le prescrit ou l'absorbe, comme "essentielle" ou encore "significative" encore que lesdits effets puissent apparaître "rarement", ce qui n'est pas une façon de les quantifier ou un motif suffisant pour les ravaler à l'accessoire ; que l'éventuelle nécessité d'un pluriel s'agissant "des caractéristiques" mentionnées à l'article L 121-8 du code précité nécessite une interprétation dépassant l'aptitude du juge des référés ; qu'aborder de façon avantageuse et au préjudice du "Deroxat" la caractéristique susmentionnée dans une publicité comparative sans aborder d'autres points ne pourra être jugé déloyal, dénigrant, trompeur et dénué d'objectivité au sens de l'article L 551-1 du Code de la Santé publique, incomplet au sens de l'article R 5047-1 du même code, ou encore ignorant de l'exhaustivité voulue par les recommandations de l'Agence du Médicament, que lorsqu'il sera établi ou suffisamment présumé, devant un juge qui sera forcément celui du fond, que sur les terrains autres que la caractéristique abordée existent des différences en faveur du même "Deroxat", différences dont le passage sous silence pourra alors constituer, pour les annonces litigieuses, la série de vices alléguée ; qu'en l'état la possible illicéité du trouble déploré par la société S.B. n'apparaît donc pas de la façon manifeste qui autoriserait le Juge des Référés à faire cesser ledit trouble ; qu'il sera dit, en conséquence, n'y avoir lieu à référé sur les demandes de cette société, ce qui reviendra à infirmer l'ordonnance ; que cette infirmation prive de tout intérêt la discussion subsidiairement instaurée sur l'astreinte ; V Et considérant qu'il n'y a évidemment pas lieu à allocation de dommages-intérêts, fussent-ils symboliques, en référé ; que les données de la cause ne font ressortir aucun motif particulier d'équité autorisant une application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de la société L.F. ; que ce texte ne peut profiter à la société L.P.S.B., partie perdante à condamner aux dépens. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirmant l'ordonnance entreprise, Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société LABORATOIRES PHARMACEUTIQUES SMITHKLINE BEECHAM, La condamne aux dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers droit de recouvrement direct au profit de la S.C.P. FIEVET-ROCHETTE-LAFON, Avoués. Dit n'y avoir lieu à allocation d'une somme quelconque pour frais hors dépens. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRÊT : Monsieur GILLET, Président, qui l'a prononcé, Mademoiselle X..., Greffier, qui a assisté au prononcé, LE GREFFIER LE PRESIDENT | PUBLICITE COMMERCIALE - Publicité comparative Selon l'article L 121-12 du code de la consommation, la diffusion d'une annonce comparative par un annonceur doit être précédée d'une communication de celle-ci aux professionnels visés. Un annonceur qui com- munique à son concurrent deux versions d'un même projet de publicité compa- rative, en se réservant la possibilité de n'en retenir qu'une seule pour la dif- fusion, n'ignore pas, du moins d'une façon évidente, les droits de son concurr- ent PUBLICITE COMMERCIALE - Publicité comparative Il résulte de l'article L 121-8 du code de la consommation que la survenance d'effets déterminés et "vérifiables" à l'issue de l'arrêt brusque d'un traitement médicamenteux constitue une caractéristique suffisamment importante d'une spécialité pharmaceutique pour qu'elle puisse être qualifiée d' "essentielle" tant du point de vue du prescripteur que du patient, et la nécessité d'un pluriel s'agissant "des caractéristiques" relève d'une interprétation du texte étrangère à la compétence du juge des référés REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Applications diverses - Publicité commerciale La comparaison avantageuse d'un médicament aux dépens d'un autre, sur la base d'une seule caractéristique essentielle, ne peut être jugée déloyale, dénigrante, trompeuse et dénuée d'objectivité au sens de l'article L 551-1 du code de la santé publique, ou incomplète au sens de l'article R 547-1 du même code, donc constituant un trouble manifestement illicite, tant que n'est pas établie devant le juge du fond l'occultation éventuelle d'autres caractéristiques essentielles favorables au médicament faire-valoir |
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JURITEXT000006934500 | JAX1998X05XVEX0000009732 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934500.xml | Cour d'appel de Versailles, du 29 mai 1998, 1990-9732 | 1998-05-29 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1990-9732 | VERSAILLES | Selon offre préalable de crédit acceptée le 7 mars 1987, la Société "LE PRET" a consenti à Monsieur X... un crédit de 70.000 francs remboursable en 60 mensualités de 1.843,52 francs en vue de l'acquisition d'un véhicule Citroên Visa auprès du garage BELLE VUE à SAINT SEVER. Le CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CALVADOS (ci-dessous appelé la CRCAM) s'est porté caution solidaire de Monsieur X... en garantie de ce prêt. Monsieur X... ayant cessé ses remboursements, la Ssociété LE PRET a adressé à la CRCAM, le 26 août 1987, un décompte valant quittance subrogative pour un montant de 78.444,23 francs que celle-ci a réglé. Le véhicule a été vendu au prix de 21.211,20 francs à l'initiative de la CRCAM qui a vainement sollicité auprès de Monsieur X... le règlement des sommes restant à sa charge. Par acte d'huissier du 1er août 1989, la CRCAM a fait assigner Monsieur X... devant le Tribunal d'instance de SAINT GERMAIN EN LAYE en paiement de la somme de 72.980,64 francs avec intérêts à compter du 6 septembre 1988, d'une somme de 5.000 francs de dommages-intérêts et d'une somme de 4.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par jugement contradictoire du 24 août 1990, le Tribunal d'instance a prononcé la nullité de l'offre préalable de prêt souscrit par Monsieur X..., débouté les parties de toutes autres demandes, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et enfin, condamné la CRCAM au paiement d'une somme de 2.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens. La CRCAM, appelante, demande à la Cour de : - constater que Monsieur X... n'a pas rapporté la preuve de l'altération de ses facultés mentales, - déclarer valable l'offre préalable de prêt dont il s'agit, et de condamner, en conséquence, Monsieur X... à lui verser la somme de 72.980,64 francs avec intérêts à compter du 6 septembre 1988, celle de 5.000 francs de dommages-intérêts et celle de 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - débouter Monsieur X... de sa demande subsidiaire en non-paiement des intérêts de retard, Subsidiairement, de condamner Monsieur X... à rembourser la somme qu'il a empruntée pour acquérir le véhicule à la CRCAM, après décution des sommes versées par lui au titre du prêt et du prix de renvente du véhicule avec intérêts de droit à compter de ce jour. Monsieur X..., intimé et appelant incident, conclut au rejet des demandes et à la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qui concerne la somme allouée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Prcoédure Civile. Il sollicite de ce chef une somme de 3.000 francs, outre subsidiairement, l'octroi de délais de paiement, en application de l'article 1244-1 du Code Civil. Par arrêt avant-dire-droit en date du 19 février 1993, la Cour de céans a ordonné une expertise médicale aux fins de recueillir tous renseignements permettant de dire si le handicap de Monsieur X... lui a permis ou non de réaliser la portée de ses engagements lors de l'acte de prêt litigieux. Les experts ont déposé leur rapport le 21 mars 1995. Le Conseiller de la mise en état a enjoint aux parties de conclure par conclusions récapitulatives (article 954 du Nouveau Code de Procédure Civile). La CRCAM a conclu en faisant valoir que Monsieur X... était un habitué du garage JOSSE auprès duquel il avait déjà acquis un véhicule au moyen d'un emprunt, ce qui établit le fait qu'il connaissait déjà les rouages de la vente à crédit. Elle souligne que la famille de Monsieur X..., qui connait le handicap dont il est atteint, n'a pas jugé utile de le placer sous un régime de protection et rappelle que, dans un premier temps, Monsieur X..., qui avait consulté un conseiller juridique, avait fait savoir qu'il entendait bien sûr s'acquitter de sa dette, mais raisonnablement. La CRCAM met en relief les conclusions des experts selon lesquelles Monsieur X... ne présente aucune anomalie portant atteinte à sa capacité de s'orienter dans la vie quotidienne et estimant que son handicap ne tient pas à une lésion de ses facultés mentales. Elle souligne qu'il n'est au demeurant, pas exclu par les experts eux-mêmes, que dans certaines circonstances, Monsieur X... puisse tenter de tirer quelque bénéfice de sa surdité. Aussi demande-t-elle condamnation de celui-ci à lui payer 72.980,64 francs avec intérêts à compter du 6 septembre 1988, 5.000 francs de dommages-intérêts et 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La CRCAM s'oppose à ce que Monsieur X... se voie déchargé des intérêts de retard et souligne, subsidiairement, que si le contrat de prêt devait être déclaré nul, Monsieur X... n'en devrait pas moins rembourser la somme qui lui avait été prêtée, déduction faite du prix de revente du véhicule et des sommes déjà versées. Il lui appartiendrait éventuellement, ensuite, d'agir en garantie contre son vendeur. Monsieur X... fait valoir que le handicap dont il est atteint consiste en une surdité profonde qui rend particulièrement difficile sa communication avec les tiers, constitue un obstacle dans son appréhension des choses de la vie courante, et l'expose à de fréquents risques d'être trompé. Il souligne que les experts relèvent qu'il n'accède pas au sens des phrases un tant soit peu complexes et n'a aucune compréhension d'un texte écrit, dès lors, que celui-ci atteint un certain degré de complexité dans le vocabulaire ou la syntaxe. Il estime que, dans ces conditions, il n'a pas saisi le sens des contrats de vente et de prêt qu'ils a signés et demande à la Cour de dire nul le contrat de prêt. Subsidiairement, sur les intérêts de retard, Monsieur X... demande à en être déchargé et sollicite des délais de paiement. Il demande, enfin, condamnation de la CRCAM à lui payer la somme de 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par arrêt avant-dire-droit contradictoire en date du 20 septembre 1996, la Cour de céans a rendu la décision suivante : - confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de prêt, - réouvre les débats et ordonne la communication de la cause au Ministère Public afin de lui permettre d'avoir connaissance de la situation de Monsieur X..., Avant-dire-droit sur les conséquences de la nullité du contrat de prêt, invite les parties à conclure par conclusions récapitulatives, Monsieur X... en faisant connaître par quel(s) moyen(s) juridique(s) il s'oppose à ce que toute condamnation soit prononcée contre lui, la CRCAM en faisant connaître le montant de la condamnation qu'elle sollicite contre Monsieur X... et invite cette partie à produire un décompte faisant apparaître le capital versé à Monsieur X..., le montant des paiements faits par lui, en opérant une distinction entre capital et intérêts et éventuellement assurance, et des sommes provenant de la vente du véhicule, - condamne la CRCAM aux paiements des frais d'expertise. Monsieur X..., intimé, fait valoir que la CRCAM est privée de son recours en paiement contre lui, d'une part, en application de l'article 2031 du Code civil, puisqu'elle a payé le créancier sans avoir été préalablement poursuivie et sans voir averti le débiteur principal, ce au mépris de son obligation d'information à laquelle elle a, d'ailleurs, en refusant de répondre aux demandes d'explications de ce dernier, continué de manquer, et, d'autre part, au motif qu'il lui appartenait d'opposer au créancier, la Société LE PRET, l'exception de nullité tirée de l'examen du contrat de prêt, lequel avait été, conformément aux prescriptions de la loi du 10 janvier 1978, porté à sa connaissance. Monsieur X... soutient qu'en tout état de cause, il est fondé à opposer à la CRCAM, subrogée dans les droits du créancier, l'exception tirée de la nullité du prêt et, partant, à solliciter la restitution de la somme de 21.211,20 francs, produit de la vente du véhicule acquis au moyen du prêt litigieux . Il ajoute, à titre subsidiaire, que la CRCAM a fait saisir le véhicule qu'il avait pourtant acquis en pleine propriété, en application d'une ordonnance nulle, faute de mention du nom du juge l'ayant rendue, qu'elle a fait procéder à la vente dudit véhicule pour un prix dérisoire et que, ce faisant, elle a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité civile ; qu'il y a lieu à compensation, en application des articles 1289 et suivants du Code Civil, entre les sommes au paiement desquelles devrait être condamnée la CRCAM au titre de la restitution du prix de vente du véhicule indûment perçu (21.211,20 francs) et de dommages-intérêts (100.000 francs) et celles qui seraient, le cas échéant, mises à la charge de l'intimé par la Cour de céans, au titre du remboursement de la caution. Très subsidiairement, Monsieur X... soutient qu'il ne saurait être condamné au paiement des intérêts de retard que la CRCAM a, par sa faute, laissés courir. Il sollicite enfin l'octroi de délais de paiement et le versement de la somme de 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par conséquent, il demande à la Cour de : - dire et juger mal fondé l'appel interjeté par la CRCAM DU CALVADOS à l'encontre du jugement rendu le 24 août 1990, En conséquence, - confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il n'a reconnu qu'une somme de 2.000 francs à payer sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - l'infirmer sur ce point, - débouter la CRCAM DU CALVADOS de toutes ses demandes, fins et conclusions, - dire n'y avoir lieu à prononcer aucune condamnation à l'encontre de Monsieur X..., - constater que la CRCAM est déchue de ses recours à l'encontre de Monsieur X..., Subsidiairement, constater que le comportement de la CRAM DU CALVADOS est fautif, - condamner la CRAM DU CALVADOS au paiement d'une indemnité de 100.000 francs au titre de dommages et intérêts, - la condamner à restituer la somme de 21.211,20 francs produit de la vente du véhicule, indûment perçue, - dire n'y avoir lieu à compensation. En conséquence, dire et juger n'y avoir lieu à prononcer aucune condamnation à l'encontre de Monsieur X... ; A titre très subsidiaire, - dire que Monsieur X... ne sera pas tenu au paiement des intérêts de retard, - lui accorder les plus larges délais pour apurer sa dette, En tout état de cause, - adjuger de plus fort au concluant le bénéfice de ses précédentes écritures, - condamner la CRCAM DU CALVADOS au paiement d'une somme de 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, titulaire d'un office d'avoué près la Cour d'Appel de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. La CRCAM, appelante, réplique que Monsieur X... n'a pas, au mépris des règles élémentaires du Code de la consommation, appelé en la cause le vendeur, la SA GARAGE JOSSE, afin d'obtenir la nullité du contrat de vente accessoire au prêt et qu'il ne peut, de ce fait, être déchargé du paiement du solde du crédit auprès de la caution. Elle ajoute que Monsieur X... ne saurait être reçu dans sa demande tendant à la mise en jeu de la responsabilité de la caution dans la mesure où il est, selon l'arrêt avant dire droit de la Cour de céans en date du 20 septembre 1996, "réputé y avoir renoncé". Elle soutient également qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir opposé au créancier les exceptions tirées de la nullité du contrat de crédit dont elle ignorait l'existence, puisque, d'une part, elle n'a pris réellement connaissance du vice du consentement affectant l'offre de crédit qu'au moyen du rapport d'expertise sollicité par la Cour de céans, et d'autre part les critiques concernant la forme de ladite offre n'ont été formulées par Monsieur X... qu'en cause d'appel. Elle fait valoir, en outre, que Monsieur X... n'établit aucunement l'existence de fautes à la charge de l'appelante, qu'il a ainsi été parfaitement informé du paiement effectué par la caution auprès de la Société LE PRET en exécution de la convention conclue avec elle en date du 2 septembre 1986 mais qu'il n'a pas néanmoins exposé les exceptions susceptibles d'être opposées à celle-ci, et qu'il n'est alors pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 2031 du Code Civil. La CRCAM soutient également, concernant la vente du véhicule, que Monsieur X..., qui n'a pas exercé la faculté que l'article 3 du décret n° 78-373 du 17 mars 1978, pris en application de la loi du 10 janvier 1978, met à sa disposition, de proposer un acquéreur offrant un meilleur prix à l'organisme prêteur, ne peut utilement faire grief à l'appelante d'avoir cédé le véhicule à un prix dérisoire ; que, concernant les intérêts, Monsieur X... ne peut valablement opposer à la caution la déchéance du droit aux intérêts alors qu'il ne l'a pas opposé au créancier. A titre très subsidiaire, la CRCAM appelle la SA GARAGE JOSSE, vendeur du véhicule au financement duquel le prêt litigieux était destiné, à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, au motif que l'offre préalable de crédit a été remplie par la SA GARAGE JOSSE sans que celle-ci se soit préalablement assurée que Monsieur X... était en mesure d'appréhender la portée exacte de son engagement. Par conséquent, elle demande à la Cour de : Vu l'arrêt avant dire droit de la Cour de céans du 20 septembre 1996, A titre principal, - déclarer irrecevable la demande de Monsieur X... tendant à voir retenir la reponsabilité pour faute de la CRCAM du CALVADOS, l'arrêt ayant constaté en page 10 : "il apparaît, qu'en l'état, il est réputé y avoir renoncé" , Vu le décompte réactualisé de la créance de la CRCAM du CALVADOS, - condamner Monsieur X... à payer à la CRCAM du CALVADOS la somme de 82.753,31 francs au titre du crédit, A titre subsidaire, - constater que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve que la CRCAM DU CALVADOS aurait commis une faute lui causant un préjudice, lequel n'est pas constitué puisque Monsieur X... peut toujours engager une action en garantie à l'encontre du vendeur, - constater que Monsieur X... ne démontre pas davantage l'existence d'un lien de causalité entre la prétendue faute de la concluante et le préjudice, - dire et juger, en conséquence, infondée sa demande formée à l'encontre de la CRCAM du CALVADOS tendant à obtenir à le garantir des condamnations pécuniaires qui seront prononcées contre lui, - le débouter de toutes ses autres demandes car également infondées et fantaisistes, A titre très subsidiaire, Vu l'article 1383 du Code Civil, Vu l'article 10 de la loi du 10 janvier 1978, - constater que la Société JOSSE a fait preuve de négligence et de légèreté et commis une faute par abstention en n'informant pas la CRCAM de Monsieur X..., qui n'a donc pas contracté en toute connaissance de cause, - dire et juger que la Société JOSSE est responsable du dommage ainsi causé à la CRCAM dont la responsabilité est recherchée par Monsieur X... qui a obtenu l'annulation du contrat de prêt mais non l'annulation du contrat de vente, - condamner la Société JOSSE à garantir la CRCAM DU CALVADOS subrogée dans les droits de la SA LE PRET de toutes les condamnations qui pouraient être prononcées à son encontre, Pour le surplus, adjuger à la CRCAM du CALVADOS le bénéfice de ses précédentes écritures, - statuer ce que précédemment requis sur les dépens. Dans ses dernières conclusions, Monsieur X... fait valoir que, concernant son action tendant à être déchargé du paiement du solde du crédit, la Cour de céans, en énonçant qu'il était "réputé y avoir renoncé", n'a pas entendu l'en déclarer irrecevable mais lui a laissé la possibilité d'expliciter ses demandes.; Il ajoute que la CRCAM ne peut lui faire grief de ne pas l'avoir informée de l'existence des exceptions susceptibles d'être opposées au créancier, alors qu'elle a implicitement reconnu qu'il était inapte à apprécier la porté de ses engagements. Il soutient enfin que la convention du 2 septembre 1986 dont se prévaut la CRCAM ne saurait en application du principe posé à l'article 1165 du Code civil, produire à son égard aucun effet. Par conséquent, il demande à la Cour de : - dire et juger mal fondé l'appel interjeté par la CRCAM DU CALVADOS à l'encontre du jugement rendu le 24 août 1990, En conséquence, - débouter la CRCAM de toutes ses demandes, fins et conclusions, - confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il n'a reconnu qu'une somme de 2.000 francs à payer sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - l'infirmer sur ce point, - débouter la CRCAM de sa demande en restitution du capital augmenté des intérêts, - dire n'y avoir lieu à prononcer aucune condamnation à l'encontre de Monsieur X..., - constater que la CRCAM est déchue de ses recours à l'encontre de Monsieur X..., Subsidiairement, - constater que le comportement de la CRCAM DU CALVADOS est fautif, - condamner la CRCAM DU CALVADOS au paiement d'une indemnité de 100.000 francs au titre de dommages et intérêts, - la condamner à restituer la somme de 21.211,20 francs produit de la vente du véhicule, indûment perçue, - dire y avoir lieu à compensation, En conséquence, - dire et juger n'y avoir lieu à prononcer aucune condamnation à l'encontre de Monsieur X..., A titre très subsidiaire, - dire que Monsieur X... ne sera pas tenu au paiement des intérêts de retard, - lui accorder les plus larges délais pour apurer sa dette, En tout état de cause, - adjuger de plus fort au concluant le bénéfice de ses précédentes écritures, - condamner la CRCAM DU CALVADOS au paiement d'une somme de 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, titulaire d'un office d'avoué près la Cour d'Appel de Versailles conformément aux dispositions de l'atricle 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'ordonnance de clôture a été signée le 30 avril 1998, jour de l'audience des plaidoiries et les parties ont fait déposer leurs dossiers à cette date. SUR CE, LA COUR, I/ Considérant, en ce qui concerne le premier point de droit faisant l'objet de la réouverture des débats décidée par l'arrêt de cette 1ère chambre 2ème section du 20 septembre 1996 (voir page 10 de la motivation), que Monsieur X..., dans ses conclusions récapitulatives du 3 avril 1998 (article 954 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile), invoque expressément les articles 2012, 2031 et 2036 du Code Civil, en insistant plus particulièrement sur les dispositions de l'article 2031 aliéna 2 ; Considérant en ce qui concerne l'article 2036 que l'erreur-vice du consentement qui a été retenue par l'arrêt du 20 septembre 1996, au profit de Monsieur X..., seul, compte tenu de ses handicaps physiques graves, constitue manifestement une "exception purement personnelle au débiteur" (au sens de l'article 2036 alinéa 2) et qu'il ne peut donc être reproché à la caution la CRCAM de ne pas avoir opposé au créancier cette exception purement personnelle ; qu'aucune faute ne peut donc être reprochée à la caution, de ce chef ; Considérant en ce qui concerne l'article 2031 alinéa 2, également invoqué par Monsieur X..., que ces dispostions ne peuvent jouer que si la caution a payé "sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal", et que, dans la présente espèce, il est patent que la CRCAM a payé à la suite de la mise en demeure que la créancière, la Société "LE PRET", lui avait adressée le 26 août 1987 ; que cette première condition de la poursuite est donc remplie en faveur de la caution à qui ne peuvent donc être opposées les dispositions de cet article ; que la CRCAM ne peut donc être privée, de ce chef, de son recours subrogatoire contre le débiteur principal Monsieur X..., et qu'il ne peut être reproché à la caution, en l'espèce, de ne pas avoir averti le débiteur de ce paiement ; Considérant que les circonstances de la cause ne démontrent donc pas que la caution, la CRCAM, se serait rendue coupable de "négligence coupable" sur ces deux points comme le prétend à tort Monsieur X... ; Considérant qu'en vertu de l'article 2029 du Code Civil, la CRCAM qui a payé la dette de Monsieur X..., se trouve donc subrogée à tous les droits qu'avait la créancière, la Société "LE PRET", contre ce débiteur ; Mais considérant, qu'en vertu de l'article 1252 du Code civil, il est de droit constant que le débiteur principal peut opposer au subrogé les mêmes exceptions et moyens de défense dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire ; que dans le présent cas, Monsieur X... est donc en droit d'opposer à la CRCAM, caution subrogée, la nullité du contrat de prêt pour erreur qu'il a expressément invoquée contre son prêteur la société "LE PRET" (et qui a été admise à son profit par l'arrêt du 20 septembre 1996) ; que cette exception est donc valablement opposée à l'appelante qui est par conséquent déboutée de son recours subrogatoire contre Monsieur X... ; Que la CRCAM du CALVADOS est donc déboutée de sa demande en paiement de la somme de 82.753,31 francs, à ce titre ; II/ Considérant qu'il est certes constant que Monsieur X... a été défaillant dans le remboursement de son prêt, ce qui a amené la caution la CRCAM du CALVADOS à payer sa dette à la société LE PRET laquelle l'a subrogée en tous ses droits et actions ; que cependant, il demeure que la Cour, dans son précédent arrêt (pages 9 et 10 de sa motivation) a retenu que c'est à tort que la CRCAM avait indiqué, dans sa requête en vue de la saisie-revendication du véhicule litigieux, qu'elle était la propriété exclusive dudit véhicule, alors qu'en réalité, c'est Monsieur X... qui l'avait acquis en pleine propriété ; que, de plus, l'arrêt du 20 septembre 1996 a déjà développé (page 10) les motifs rendant nulle l'ordonnance produite (qui semblerait avoir été établie par le Président du Tribunal de commerce de Versailles) ; qu'il est manifeste que ces fautes engagent la responsabilité de la CRCAM qui a procédé à cette saisie et à cette vente du véhicule dans des conditions irrégulières, et qu'à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice certain et direct ainsi subi par Monsieur X..., de ce chef, cette caisse est condamnée à payer à l'intéressé la somme de 21.211,20 francs à titre de dommages-intérêts ; que par contre, Monsieur X... est débouté de sa demande injustifiée en paiement de 100.000 francs de dommages-intérêts, en plus de ces 21.211,20 francs; Considérant que le précédent arrêt qui est irrévocablement passé en force de chose jugée, sur ce point, a déjà définitivement jugé que le contrat de prêt était nul et qu'il n'a retenu aucune faute à la charge de Monsieur X... ; que l'appelante n'est donc plus fondée à invoquer, à nouveau l'existence d'une prétendue faute commise par l'intimé, et qu'elle est par conséquent déboutée de sa demande en paiement de 82.753,31 francs de dommages-intérêts; III/ Considérant enfin que, compte tenu de l'équité, l'appelante est condamnée à payer à Monsieur X... la somme de 4.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et qu'elle même est déboutée de sa propre demande en paiement de 10.000 francs de ce chef ; PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : VU l'arrêt de cette Cour (1ère chambre - 2ème section) du 20 septembre 1996 : I/ VU les articles 2029 et 1252 du Code civil ; DEBOUTE la C.R.C.A.M. du CALVADOS de sa demande contre Monsieur Jean Philippe X... en paiement de 82.753,31 francs (QUATRE VINGT DEUX MILLE SEPT CENT CINQUANTE TROIS FRANCS TRENTE ET UN) ; II/ CONDAMNE la C.R.C.A.M. appelante à payer à Monsieur X... 21.211,20 francs (VINGT ET UN MILLE DEUX CENT ONZE FRANCS VINGT) de dommages-intérêts ; DEBOUTE Monsieur X... de son autre demande en paiement de 100.000 francs (CENT MILLE FRANCS) de dommages-intérêts ; DEBOUTE l'appelante de sa demande en paiement de 82.753,31 francs (QUATRE VINGT DEUX MILLE SEPT CENT CINQUANTE TROIS FRANCS TRENTE ET UN) de dommages-intérêts ; III/ CONDAMNE l'appelante à payer à Monsieur X... la somme de 4.000 francs (QUATRE MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et la déboute de sa propre demande fondée sur ce même article ; CONDAMNE la CRCAM du CALVADOS à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP d'avoués FIEVET ROCHETTE LAFON conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier, Le Président, Marie Hélène EDET Alban CHAIX | SUBROGATION - Effets - Effet translatif - Créance - Opposabilité des exceptions Il résulte de la combinaison des articles 2029 et 1252 du Code civil que, si la caution, lorsqu'elle règle la dette du débiteur, se trouve subrogée dans tous les droits du créancier, le débiteur principal peut opposer au subrogé toutes les exceptions et moyens de défense dont il aurait pu disposer contre le créancier originaire. Un débiteur qui a expressément invoqué contre son prêteur la nullité du contrat du prêt, en l'occurrence admise, oppose valablement l'exception de nullité de son engagement à la caution exerçant un recours subrogatoire |
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JURITEXT000006934501 | JAX1998X05XVEX0000010216 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934501.xml | Cour d'appel de Versailles, du 14 mai 1998, 1996-10216 | 1998-05-14 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1996-10216 | VERSAILLES | Suivant contrat en date du 15 décembre 1994, la société POUR LE FINANCEMENT D'EQUIPEMENTS DE TELECOMMUNICATIONS (S.F.E.T) a consenti à Madame X... la location d'un matériel informatique, moyennant le versement de 12 échéances de 3.810 francs HT et une option d'achat en fin de contrat de 1.994 francs HT. Etaient joints à ce contrat, un relevé d'identité bancaire ainsi qu'une autorisation de prélèvement. La première échéance devait intervenir le 10 avril 1995. Par courrier du 09 janvier 1995, Madame X... a informé la société S.F.E.T. qu'elle s'opposait au règlement des loyers, motif pris que le matériel ne serait pas conforme à sa destination. Aucune solution amiable n'ayant pu intervenir, la société S.F.E.T. a engagé une action en paiement, devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE, à l'encontre de Madame X... et appelé en la cause le fournisseur du matériel, la société ENTREPRISE GENERALE DE TELECOMMUNICATIONS (E.G.T.). Madame X... a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie au profit du Tribunal de Grande Instance de RODEZ, motif pris qu'elle n'aurait pas la qualité de commerçante. Par jugement en date du 12 novembre 1996, le tribunal a rejeté l'exception d'incompétence invoquée par Madame X... et donné injonction à celle-ci de conclure au fond. Le 26 novembre 1996, Madame X... a formé contredit à l'encontre de cette décision. Au soutien de son recours, Madame X... persiste à soutenir qu'elle n'était pas commerçante lorsqu'elle a souscrit le contrat de crédit-bail, objet du présent litige, et qu'elle aurait dû bénéficier des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 relative à la prétention des consommateurs en matière de vente et démarchage à domicile, ajoutant que ces dispositions rendent inopérantes toute clause attributive de compétence. Elle demande, en conséquence, à la Cour de dire que le Tribunal de Grande Instance de RODEZ, dans le ressort duquel elle est domiciliée, était seul compétent pour connaître du litige et d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré. Les sociétés S.F.E.T et E.G.T. s'opposent à l'argumentation adverse et concluent à la confirmation du jugement déféré du chef de la compétence, la première réclamant une indemnité de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et la seconde une indemnité de 8.000 francs au même titre. MOTIFS DE LA DECISION Considérant que, comme l'a justement relevé le premier juge, l'examen du contrat du 15 décembre 1994 révèle qu'il a été souscrit sous la raison sociale "IGC ASSISTANCE COMMUNICATION, X... GHISLAINE" ; qu'il apparaît qu'il mentionne également comme activité "Conseil pour les Affaires et Gestion" ainsi que la forme juridique de cette activité, à savoir "affaire personnelle", qu'il comporte également un numéro d'immatriculation au Registre du Commerce ; que, comme l'a encore relevé le tribunal, les mêmes mentions se retrouvent sur l'extrait Kbis levé pour les besoins de procédure. Considérant que Madame X... croit cependant pouvoir tirer partie du fait qu'il est porté sur cet extrait Kbis, sous forme de mention rectificative, que son activité commerciale n'a débuté en réalité que le 02 janvier 1995 et en déduire que, lorsqu'elle a signé le contrat, le 15 décembre 1994, elle n'avait pas encore la qualité de commerçante, ce qui lui permettait, selon son analyse, de bénéficier de la loi sur la protection des consommateurs et de voir déclarer nulle la clause attributive de compétence figurant à la convention précitée. Mais considérant que cette argumentation ne saurait être suivie ; qu'en effet, il est de principe que les contrats conclus par les personnes physiques pour les besoins de l'exercice de leur futur commerce sont de nature commerciale, même s'ils ont été régularisés dans la période où l'entreprise était encore en création et qu'ils ne sont pas soumis en tant que tels à la loi du 22 décembre 1972, comme le prévoit expressément le texte. Or considérant qu'en l'espèce, Madame X... a elle-même spécifié, comme il a été dit dans le contrat litigieux, que celui-ci était conclu pour le compte de "IGC ASSISTANCE COMMUNICATION" ayant pour activité le "conseil pour les affaires et la gestion" ; que, par ailleurs, les lettres de doléances qu'elle a adressées tant au bailleur, qu'au fournisseur, rappellent la même raison sociale, étant précisé que dans la lettre du 06 janvier 1995, l'intéressée elle-même écrivait "je suis une entreprise en formation" ; qu'il suit de là que le caractère commercial de l'acte, souscrit pour les besoins d'une entreprise en formation, est parfaitement établi en l'espèce, et que la société S.F.E.T. était fondée à saisir le Tribunal de Commerce du lieu de son siège social, conformément à la clause attributive de compétence clairement stipulée au dos du contrat daté du 15 décembre 1994 dont Madame X... a reconnu avoir pris connaissance ; que le jugement déféré, qui a fait une juste appréciation des éléments de la cause, sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions. Considérant qu'il serait inéquitable de laisser aux sociétés S.F.E.T. et E.G.T. la charge des sommes qu'elles ont été contraintes d'exposer devant la Cour ; que Madame X... sera condamnée à payer à chacune d'elles une indemnité de 2.500 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Considérant enfin que Madame X..., qui succombe, supportera les frais du contredit. PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, - Dit recevable le contredit formé par Madame Ghislaine X..., - Mais le déclare mal fondé, - Confirme en conséquence, en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 novembre 1996 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE, Y ajoutant, - Condamne Madame Ghislaine X... à payer à chacune des sociétés S.F.E.T "Société POUR LE FINANCEMENT D'EQUIPEMENTS DE TELECOMMUNICATIONS" et E.G.T. "Société ENTREPRISE GENERALE DE TELECOMMUNICATIONS" une indemnité complémentaire de 2.500 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - Condamne également Madame Ghislaine X... aux frais du contredit, conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER LE PRESIDENT qui a assisté au prononcé Mme Y... F. ASSIÉ | TRIBUNAL DE COMMERCE - Compétence - Compétence matérielle - Contestation relative à des actes de commerce Les contrats conclus par les personnes physiques pour les besoins de l'exercice de leur futur commerce sont de nature commerciale, même s'ils ont été régularisés dans la période où l'entreprise était encore en création. Ces contrats ne sont pas soumis, en tant que tels, à la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs, comme le prévoit expressément ce texte. Le souscripteur d'un contrat qui, à l'occasion d'un différent soulève l'incompétence du tribunal de commerce saisi, n'est pas fondé à revendiquer l'application de la loi précitée du 22 décembre 1972, alors qu'au moment de la signature du contrat il a spécifié intervenir pour le compte d'une entreprise en formation, au nom de laquelle il a continué à intervenir postérieurement à la conclusion dudit contrat, ce dont il résulte que le caractère commercial de l'acte est établi |
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JURITEXT000006934502 | JAX1998X05XVEX0000012050 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934502.xml | Cour d'appel de Versailles, du 12 mai 1998, 1998-1205P | 1998-05-12 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1998-1205P | VERSAILLES | Président : Mme Linden | RAPPEL DE LA PROCEDURE LE JUGEMENT Par jugement en date du 02 décembre 1996, le Tribunal Correctionnel de VERSAILLES : - a requalifié les faits de dégradation ou détérioration grave d'un bien appartenant à autrui reprochés à X B en dégradation ou détérioration légère du bien d'autrui. - A déclaré X B coupable de : DEGRADATION OU DETERIORATION LEGERE DU BIEN D'AUTRUI 7887 - REBELLION 7886 - OUTRAGE A UNE PERSONNE DEPOSITAIRE DE L'AUTORITE PUBLIQUE - au PERRAY-EN-YVELINES, le 28 novembre 1996, Faits prévus et réprimés par les articles 433-6, 433-7 al.1, 433-22 du code pénal; art.433-5 al.1, al.2, 433-22 du code pénal. A condamné X B à 4 mois d'emprisonnement, pour rebellion et outrage. A condamné X B à une amende contraventionnelle de 1.500 frs, pour dégradation ou détérioration. A ordonné le maintien en détention de X B. * APPELS Appel a été interjeté par : - LE MINISTERE PUBLIC, le 03 décembre 1996. ARRET DU 10 JUIN 1997 Par arrêt en date du 10 juin 1997, la Cour : - a déclaré recevable l'appel formé par le procureur de la République de VERSAILLES, - confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions déférées, * ** OPPOSITION Opposition a été formée le 20 novembre 1997, DEROULEMENT DES DEBATS A l'audience publique du 31 mars 1998, Madame le Président a constaté l'identité du prévenu qui comparait en personne, Ont été entendus : - Monsieur LEMONDE, conseiller, en son rapport, - Madame LINDEN président, en son interrogatoire, - Le prévenu en ses explications, - Monsieur Y..., Substitut Général, en ses réquisitions, - Le prévenu a eu la parole en dernier, CONFORMEMENT A L'ARTICLE 462 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, MADAME LE PRESIDENT A ENSUITE AVERTI LES PARTIES QUE L'ARRET SERAIT PRONONCE A L'AUDIENCE DU 12 MAI 1998, * DECISION La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant: RAPPEL DES FAITS Le 28 novembre 1996, XB, en état de crise et d'extrême excitation, a été interpellé après avoir dégradé le volet de l'appartement d'EB;. Lors de son interpellation, il a résisté avec violences aux policiers et les a injuriés en leur disant notamment :"fils de pute, sales flics, j'aurai votre peau". Le jugement, ci-dessus évoqué, est intervenu sur les poursuites exercées par le ministère public à l'encontre de XB sous la prévention: 1 - d'avoir, au PERRAY-EN-YVELINES, le 28 novembre 1996 : dégradé volontairement un bien, en l'espèce : un volet appartenant à Mr E B Faits prévus par art.322-1 al.1 du code pénal et réprimés par art.322-1 al.1, 322-15 1° à 3° du code pénal; 2 - d'avoir, au PERRAY-EN-YVELINES, le 28 novembre 1996 : résisté avec violence à M. P Alain et M. X... , Gardiens de la Paix, agissant dans l'exercice de leurs fonctions, pour l'exécution des lois, des ordres de l'autorité publique, des décisions ou mandats de justice, Faits prévus par art.433-6, 433-7 al.1 et réprimés par art.433-22 du code pénal; 3 - d'avoir, au PERRAY-EN-YVELINES, le 28 novembre 1996 : outragé par paroles de nature à porter atteinte à la dignité ou au respect dû à la fonction de M. P Alain et M. X... , personnes dépositaires de l'autorité publique, en l'espèce : Gardiens de la Paix, dans l'exercice de leurs fonctions, en les traitant de "fils de pute", "enculés", "sales flics, j'aurais votre peau", Faits prévus par art.433-5 al.1, al.2 du code pénal et réprimés par art.433-5 al.2, 433-22 du code pénal. Devant la cour, le ministère public, appelant principal au motif que le tribunal ne pouvait ordonner le maintien en détention du condamné dès lors qu'après la requalification décidée, la peine encourue était inférieure à un an, requiert la confirmation de la décision entreprise, sur la culpabilité et le prononcé d'une peine de 2 mois d'emprisonnement et ne s'oppose pas à une confusion avec la peine prononcée ce jour contre le prévenu dans une autre affaire. Le prévenu reconnait l'ensemble des faits. Il déclare qu'il a changé depuis cette époque et sollicite l'indulgence. MOTIFS DE LA DECISION Considérant que l'opposition est recevable; qu'il convient de déclarer non avenu en toutes ses dispositions l'arrêt du 10 juin 1997; Considérant, que les appels, régulièrement interjetés dans les formes et délais légaux, sont recevables; Considérant que, selon l'article 397-4 du code de procédure pénale, le tribunal, saisi dans le cadre de la procédure de comparution immédiate, peut, quelle que soit la durée de la peine, ordonner le placement ou le maintien en détention du prévenu condamné à un emprisonnement sans sursis; Que, s'il est exact que la procédure de la comparution immédiate ne peut être utilisée que si le maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à deux ans sans excéder sept ans, ou, en cas de flagrant-délit, si le maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à un an sans excéder sept ans, les dispositions de l'article précédent ne cessent cependant pas d'être applicables lorsque le tribunal, régulièrement saisi dans les conditions posées par l'article 395 du code de procédure pénale, procède à une requalification des faits par l'effet de laquelle le maximum légal encouru est inférieur au seuil fixé par ce texte; qu'en effet, la faculté donnée au tribunal d'ordonner le placement ou le maintien en détention du prévenu condamné à un emprisonnement sans sursis n'est subordonnée qu'à la régularité initiale de la saisine au regard des dispositions des articles 395 et suivants; Qu'en l'espèce, il est constant que, dans le cadre des poursuites exercées, en flagrant-délit, à l'encontre de XB des chefs de dégradation volontaire d'un bien appartenant à autrui, délit réprimé d'une peine d'emprisonnement maximale de 2 ans, de rébellion, délit réprimé d'une peine d'emprisonnement maximale de 6 mois, et d'outrage à personne dépositaire de l'autorité publique, délit réprimé d'une peine d'emprisonnement maximale de 6 mois, le tribunal correctionnel a été régulièrement saisi en application de l'article 395 alinéa 2; qu'il était donc en droit d'ordonner le maintien en détention de XB qui avait été placé en détention par le juge délégué par le président de la juridiction et qui était condamné à la peine de quatre mois d'emprisonnement sans sursis; Considérant que les faits sont établis et ne sont d'ailleurs plus contestés; qu'il convient de prendre en considération l'évolution positive du prévenu depuis l'époque des faits et d'accorder à celui-ci le bénéfice d'un sursis avec mise à l'épreuve; qu'en outre, les conditions d'une confusion des peines sont réunies; qu'il convient, en conséquence, de réformer sur la peine le jugement entrepris et d'ordonner la confusion avec la peine prononcée ce jour contre le prévenu dans une autre affaire; PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré, - reçoit l'opposition et déclare non avenu dans toutes ses dispositions l'arrêt du 10 juin 1997; - déclare les appels recevables; - confirme le jugement sur la culpabilité; - le réforme sur la peine et, statuant à nouveau, condamne XB à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 2 ans; - ordonne la confusion de la peine avec celle de 4 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 2 ans prononcée ce jour par cette Cour dans une autre affaire. L'avertissement prévu par l'article 132.40 du Code pénal a été donné au condamné. En application des articles 132.2, 132.4, 132.40 à 132.53, 322-1, 433.5 et 433.6 du Code pénal. Décision soumise à un droit fixe de procédure (art. 1018A du code des impôts) : 800 frs | COMPARUTION IMMEDIATE - Procédure Les dispositions de l'article 397-4 du Code de procédure pénale, selon lesquelles le tribunal saisi en comparution immédiate peut, quelle que soit la durée de la peine, ordonner le placement ou le maintien en détention du prévenu condamné à un emprisonnement sans sursis, restent applicables lorsque le tribunal, régulièrement saisi dans les conditions posées par l'article 395 du Code de procédure pénale, procède à une requalification des faits par l'effet de laquelle le maximum de la peine encourue est inférieur au seuil fixé par ce texte |
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JURITEXT000006934503 | JAX1998X06XCAX0000000810 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934503.xml | Cour d'appel de Caen, du 30 juin 1998, 9700810 | 1998-06-30 00:00:00 | Cour d'appel de Caen | 9700810 | CAEN | M. Serge X... est poursuivi pour avoir à ESCOVILLE le 9 janvier 1995, en tous cas depuis temps non prescrit entrepris des travaux de modification d'un mur de clôture, soumis à déclaration, sans respecter : -l'engagement de revêtir les murs de pavés comme précisé dans la demande pour les seules parcelles 215,216,217 -et la limitation de hauteur fixée à 2,20 mètres prescrite par le Maire par décision du 19 novembre 1986, hauteur dépassée par un seul mur en bordure des parcelles 215 et 218, le dépassement allant de 10 à 20 cm, mesures prises cote rue. La hauteur maximale résulte de l'article UB 11 du P.O.S. applicable. M. X... avait fait le 24 octobre 1986 une demande de permis de construire pour ce mur de clôture prévoyant une hauteur de 2,50 mètres et des pavés des rues comme matériaux apparents en façade. M. X... a reconnu que le mur avait trois niveaux différents, l'un ayant une hauteur sur rue de 2,26 mètres selon lui, et que le parement en pavé n'était pas encore achevé, s'agissant d'un travail qu'il effectuait seul sur son temps libre et selon ses moyens, les travaux n'ayant jamais été interrompus depuis l'obtention de l'autorisation de travaux. Le prévenu soutient d'une part que les travaux de parement de mur de clôture sont en voie d'être achevés, et d'autre part que la hauteur limitée à 2,20 mètres ne lui est pas opposable faute de notification de la décision du Maire du 19 novembre 1986. Enfin il a contesté la méthode de mesure des hauteurs. La péremption du permis n'est pas établie en l'espèce. Si effectivement aucun délai n'est prescrit par la loi pour l'exécution des travaux autorisés par un permis de construire, il convient de rechercher si les travaux exécutés chaque année ont été suffisamment importants pour ne pas constituer un simulacre destiné à éviter la péremption de l'autorisation administrative. De plus le délit de construction sans respecter les dispositions du permis de construire peut s'accomplir pendant le temps d'exécution des travaux. En l'espèce, il convient de considérer que les travaux de parement en pavés, des deux murs de clôture tels qu'ils apparaissent sur les photographies au dossier, et qui ont été exécutés seulement en partie depuis le 19 novembre 1986 et jusqu'en 1995, ne constituent qu'un simulacre d'exécution, démontrant la volonté du prévenu de disposer durablement d'une clôture ne respectant pas les prescriptions de l'autorisation obtenue conformément à sa demande. Le délit de ce chef est caractérisé et la déclaration de culpabilité sera confirmée. Sur la hauteur du mur, l'exception soulevée en première fois en cause d'appel, n'a pas été présentée avant toute défense au fond devant les premiers juges en violation des dispositions de l'article 386 du Code de Procédure Pénale. De surcroît, dans ses écrits et notamment celui du 29 septembre 1997 adressé aux premiers juges, M. X... ... a reconnu qu'il disposait d'un "permis de travaux délivrer le 29 septembre 1986, l'autorisant à effectuer et à ériger un mur . La hauteur maximale autorisée était de 2,20 mètres sans autre précision. Les propres pièces de M. ... et notamment un constat d'huissier établissent que côtés extérieurs ses murs atteignent en certains endroits 2,33 ou 2,29 mètres sur les parcelles 218217, et qu'à l'intérieur de la propriété la hauteur du sol naturel avant d'être abaissée était supérieure de 26 à 27 cm par rapport au sol naturel. Lorsque la limite de propriété sépare des sols de niveaux différents, il convient de retenir la hauteur du sol naturelle plus élevé. Le procès-verbal de constat de l'administration ne fait état que de la hauteur sur rues. Il en résulte un doute sur la réalité d'un dépassement de la hauteur autorisée qui devra bénéficier au prévenu. Le jugement sera donc confirmé sur la déclaration de culpabilité, mais seulement sur la non conformité du mur de clôture quant à son parement. Bien que la Cour n'était saisie que du seul appel du prévenu, le Tribunal le 14 mai 1998 à 14HOO n'a pas conformément aux dires des parties statué sur la peine, ni renvoyé sa décision, s ' estimant dessaisi de l' entier dossier . Il échet en conséquence d' évoquer . Il sera fait application de la loi pénale contre M. X... ... en retenant son obstination à ne pas terminer ses travaux. La mise en conformité ne sera pas ordonnée dès lors que le parement des murs au droit de parcelles 215,216 et 217 est désormais exécuté ainsi qu'en font foi les photographies versées par la partie civile, et que les travaux restant à fInir ne sont pas d'importance et risqueraient d'augmenter la hauteur totale - Sur l'action civile : La commune d'ESCOVILLE partie civile sollicite 10.000 Frs de dommages- intérêts et 5.000 Frs au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale. Les infractions dont a été victime la partie civile caractérisent pour celle-ci un préjudice dont la réparation peut être fixée à 5.000 Frs au vu des pièces justificatives produites. Enfin il apparaît équitable d'allouer à la partie civile 4.000 Frs d'indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles pour l'ensemble de l'instance. PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit M. Serge X... .. en son appel ; Vu les articles 1A21-1, 1A22-1, 1A20-4, 1A80-5 et 1A80-7 du Code de L'Urbanisme ; Confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité du seul chef de non respect de l'engagement de revêtir les murs de pavés ; Réformant pour le surplus ; Relaxe M. X... ...de l'infraction concernant la hauteur des murs ; Evoquant; Condamne M. X... ... à 10.000 Frs d'amende dont 5.000 Frs avec sursis ; Sur la peine d'amende avec sursis : Le Président a averti le condamné que si dans le délai de 5 ans à compter du prononcé de cette peine, il commettait à nouveau un crime ou un délit suivi d'une nouvelle condamnation sans sursis, cette dernière condamnation entraînera l'exécution de la présente condamnation avec sursis, sans confusion possible. A l'inverse en l'absence dans le même délai, de nouvelle condamnation de cette nature, la présente condamnation sera réputée non avenue ; Prononce la contrainte par corps ; Sur l'action civile : Condamne M. Serge X... à verser à la commune d'ESCOVILLE, partie civile, en réparation de son préjudice 5.000 Frs à titre de dommages-intérêts et 4.000 Frs par application de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale. Condamne M. X... ... aux dépens de l'action civile ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 Frs dont est redevable le condamné. | URBANISME - Permis de construire Si aucun délai n'est prescrit par la loi pour l'exécution de travaux prescrits par un permis de construire, il convient sauf cause de péremption, de rechercher si les travaux effectivement et sérieusement exécutés ne constituent pas un simulacre destiné à éviter la péremption de l'autorisation administrative. Des travaux de parement en pavés de murs imposés par le permis de construire mais exécutés dans un délai de neuf ans ne constituent qu'un simulacre d'exécution, démontrant la volonté du prévenu de disposer durablement d'une clotûre non conforme aux prescriptions du permis de construire |
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JURITEXT000006934504 | JAX1998X06XCAX0000063328 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934504.xml | Cour d'appel de Caen, du 2 juin 1998, 963328 | 1998-06-02 00:00:00 | Cour d'appel de Caen | 963328 | CAEN | Le Tribunal de grande instance d'ARGENTAN, par un jugement du 21 mars 1996, a, en particulier, condamné Matéi B..., in solidum avec d'autres, à payer aux époux X... la somme en principal de 697.070,25 F outre accessoires, au titre des désordres affectant leur piscine couverte, construite sous sa maîtrise d'oeuvre. Statuant sur l'action distincte, engagée par Matéi B... aux fins d'être garanti par la MUTUELLE ( M...) des condamnations ainsi ,prononcées à son encontre dans la proportion de 89,52 %, fondée sur l'article L.113-9 du Code des Assurances, la même juridiction a fait droit à cette demande par un jugement du 18 juillet 1996. Appelante de celui-ci, la M... a fait valoir que c'est à tort que le Tribunal a considéré que la réduction proportionnelle de l'indemnisation prévue par l'article L.113-9 précité s'entend de la proportion entre les risques déclarés et ce qu'ils auraient été s'il n'y avait eu omission i qu'aux termes de la police d'assurances applicable en l'espèce, chaque chantier constitue un risque distinct, dont le défaut de déclaration emporte défaut d'assurance. Elle a sollicité en conséquence qu'il soit jugé qu'elle ne doit aucune garantie pour ce sinistre ; que les époux X... soient condamnés à lui rembourser les sommes payées au titre de l'exécution provisoire i qu'enfin, une indemnité de 10.000 F lui soit allouée sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Après avoir conclu à la confirmation de la décision entreprise, ainsi qu'au bénéfice d'une indemnité d'un même montant de 10.000 F au titre de l'article 700 précité, Matéi B... a demandé. qu'il soit dit que l'appelante devra le garantir totalement des condamnations prononcées par le jugement du 21 mars 1996, ce conformément aux dispositions de la police d'assurance souscrite et de l'article L.113-10 du Code des Assurances, sauf à fixer à la somme de 16.771,24 F le montant de la prime augmenté de l'indemnité complémentaire dont il est redevable à la M... en application des dites dispositions. Il convient d'indiquer que les époux X... n'ont pas été appelés à la cause. SUR CE, La police d'assurance souscrite en l'espèce comporte, en son article 8, une clause selon laquelle: "en cas d'erreurs ou d'omissions dans la ventilation des travaux , le sociétaire devra payer, conformément aux dispositions de l'article l.113-10 du Code des Assurances, outre le montant de la cotisation ;une indemnité qui pourra, en aucun cas, excéder 50% de la cotisation omise". Lorsque l' application de ce texte est stipulée dans une police d'assurance, elle est exclusive de l'application de l'article L.113-9 précité. Il s'ensuit qu'il convient de faire droit à l'appel incident de l'intimé, dès lors qu'en outre le calcul fait par lui du cumul de la prime d'assurance et de la dite indemnité n'est pas contesté. Il est équitable au surplus de lui allouer la somme de 5.000 F en contrepartie des frais qu'il a été contraint d'exposer et qui ne seront pas compris dans les dépens. PAR CES MOTIFS -Réformant la décision entreprise, fixe à la somme de 16.771,24 F le montant de la prime d'assurance et de l'indemnité complémentaire due, en raison .du sinistre sus évoqué, par Matéi B... à la MUTUELLE; -Condamne la MUTUELLE à garantir intégralement Matéi B...des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du 21 mars 1996 susvisé; en outre, à lui payer une indemnité de 5.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; -Rejette toute autre demande ; -Confirme la décision entreprise en ses dispositions non contraires aux présentes ; -Condamne la MUTUELLE aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. | ASSURANCE (règles générales) - Risque - Déclaration - Erreur ou omission - Article L. 113-10 du Code des assurances - Application exclusive de celle de l'article L. 113-9 du même Code - / Lorsque l'application de l'article L. 113-10 du Code des assurances est stipulée dans un contrat d'assurance, elle est exclusive de l'application de l'article L. 113-9 du même Code |
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JURITEXT000006934505 | JAX1998X06XCAX0000064225 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934505.xml | Cour d'appel de Caen, du 9 juin 1998, 964225 | 1998-06-09 00:00:00 | Cour d'appel de Caen | 964225 | CAEN | La Cour entend, pour un plus ample exposé de la procédure initiale, se référer à la décision dont appel. Il suffit de rappeler que les époux D... ont, aux termes de conclusions en date du 27 novembre 1996 et du dire d'incident du 2 décembre 1996 soumis au juge des saisies-immobilières, exclusivement sollicité qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal de Grande Instance de Paris. Par conclusions du 3 décembre 1996, ils ont conclu à la nullité de l'acte de prêt et du commandement aux fins de saisie-immobilière. Il résulte des dispositions de l'article 731 du Code de Procédure Civile Ancien que l'appel en matière d'incidents de saisie-immobilière n'est recevable qu'à l'égard des jugements ayant statué sur des moyens de fond: Or, toute contestation relative à u n commandement constitue, à partir de la publication au bureau des Hypothèques, un incident de saisie soumis comme tel aux dispositions des articles 718 et suivants du Code susvisé et notamment à l'article 731 de ce Code. Le juge des saisies-immobilières qui a déclaré irrecevable les demandes pour des raisons de forme n'a pas statué sur des moyens de fond tirés de l'incapacité de l'une des parties, de la propriété, de l'insaisissabilité ou l'inaliénabilité des biens saisis. Les appelants ne le contestent pas, se bornant à invoquer le fait que le jugement a été rendu "en premier ressort" pour certaines de ses dispositions. Mais la qualification erronée donnée par le premier juge n'a pas d'incidence sur la recevabilité de l'appel. Il convient donc de déclarer l'appel porté par les époux D... irrecevable par application des dispositions de l'article 731 du Code de Procédure Civile Ancien. C'est par ailleurs à tort que les époux D... sollicitent au cas où l'appel, voie de réformation, ne serait pas ouvert, l'annulation de la décision déférée. En effet, la voie de recours pour solliciter la nullité du jugement rendu en dernier ressort est le pourvoi en cassation. Il convient, au surplus, de relever que l'erreur de droit alléguée par les époux D... ne résultant pas d'une inobservation d'un principe fondamental ou d'ordre public ou encore d'un excès de pouvoir, constitue exclusivement un moyen de réformation. la demande d'annulation du jugement déféré doit donc être rejetée. Les époux D... dont l'appel est irrecevable doivent supporter les dépens et régler à la SA B... qui a exposé des frais irrépétibles en cause d'appel une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile qu'il est équitable de fixer à 3.000 F. PAR CES MOTIFS Déclare irrecevable l'appel formé par les époux Richard D... Rejette la demande d'annulation du jugement déféré. Condamne les époux Richard D... à régler à la SA B... une indemnité complémentaire de 3.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Condamne les époux D... aux dépens d'appel et accorde à la SCP P...avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. | APPEL CIVIL - Décisions susceptibles - Saisie immobilière - Jugement sur le fond du droit En vertu de l'article 731 du Code de procédure civile, l'appel en matière d'incidents de saisie immobilière, telle que toute contestation relative à un commandement, n'est recevable qu'à l'égard des jugements ayant statué sur des règles de fond. Tel n'est pas le cas du jugement ayant déclaré les demandes irrecevables pour des raisons de forme. La qualification erronée du jugement rendu "en premier ressort" par le premier juge pour certaines de ses dispositions est sans incidence |
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JURITEXT000006934506 | JAX1998X06XCAX0000073950 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934506.xml | Cour d'appel de Caen, du 23 juin 1998, 973950 | 1998-06-23 00:00:00 | Cour d'appel de Caen | 973950 | CAEN | L'article 14 de la loi du 17 mars 1909 prévoit que le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits. Il est certain que seuls les créanciers inscrits sur le fonds auxquels la notification n'a pas été faite peuvent se prévaloir de l'omission de cette formalité. Le représentant des créanciers qui, en vertu de l'article 46 de la loi du 25 janvier 1985, a un droit exclusif pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, ne peut exercer l'action individuelle qui appartient aux créanciers inscrits dans le seul intérêt desquels les formalités susvisées ont été édictées. Il n' est pas contesté qu'en l' espèce seul le Trésor Public qui avait inscrit un privilège de nantissement sur le fonds de commerce devait bénéficier de cette notification dont l'omission lui cause un préjudice individuel résultant de l'impossibilité dans laquelle il a été mis de conserver son gage en exécutant à la place du preneur les obligations nées du bail. Il ne peut être déduit du seul fait que la tierce opposition engagée à l'encontre de la décision qui a constaté la résiliation du bail puisse aboutir à une rétractation à l'égard de toutes les parties que l'action exercée par Maître L...concerne l'intérêt collectif des créanciers alors que la plupart d'entre eux ne subisse aucun préjudice du fait du défaut de notification et qu'au surplus, il n'est nullement établi que leur intérêt soit la poursuite d'une exploitation déficitaire. Il convient donc de déclarer irrecevable la tierce opposition formée par Maître L...qui n'a pas qualité pour solliciter la rétractation de l'arrêt rendu le 9 septembre 1997 pour violation des dispositions de l'article 14 de la loi du 17 mars 1909. Maître L... qui succombe doit supporter les dépens et régler à la COMMUNE DE LA VESPIERE qui a exposé des frais irrépétibles, une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de Procédure civile qu'il est équitable de fixer à 3.000 F. PAR CES MOTIFS -Déclare irrecevable la tierce opposition formée par Maître L..., représentant des créanciers au redressement judiciaire de la SARL S..., à l'encontre de l'arrêt de cette Cour en date du 9 septembre 1997 . -Condamne Maître L..., représentant des créanciers au redressement judiciaire de la SARL S..., à régler à la COMMUNE DE LA VESPIERE une indemnité de 3.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile . -Condamne Maître L..., représentant des créanciers au redressement judiciaire de la SARL S..., aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit des avoués qui en font la demande. | ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Organes - Représentant des créanciers - Attributions - Représentation des créanciers - Limite - Tierce opposition Le représentant des créanciers, aux termes de l'article 46 de la loi du 25 janvier 1985, à un droit exclusif pour agir au nom des créanciers et dans l'interêt collectif. Cependant il ne peut former tierce-opposition au jugement rendu en violation de l'article14 de la loi du 17 mars 1909, en raison notamment de l'absence de préjudice collectif |
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JURITEXT000006934507 | JAX1998X06XCAX0000080017 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934507.xml | Cour d'appel de Caen, du 5 juin 1998, 980017 | 1998-06-05 00:00:00 | Cour d'appel de Caen | 980017 | CAEN | Le conseil du prévenu plaide au principal l ' irrecevabilité de son appel en raison du défaut de la requête visée à l' article 507 du Code de Procédure Pénale, la décision déférée ne mettant pas fin à la procédure. Subsidiairement sur le fond, X... Y... fait plaider le caractère involontaire des faits qui lui sont reprochés et conteste la qualification volontaire des faits sollicitée par la partie civile. Le Tribunal Correctionnel siégeant à juge unique était saisi outre d'une contravention de défaut de ,maîtrise, de blessures involontaires commises le 23 juillet 1996 à l' occasion de la conduite d'un véhicule automobile et dont Mme X..., épouse du prévenu, a été la victime. Appréciant que les faits reprochés procédaient d'un comportement volontaire, c'est pour une exacte application des dispositions de l'article 398-1 du Code de Procédure Pénale que le premier juge a retenu que la qualification susceptible d' être appliquée aux faits poursuivis relevait de la juridiction correctionnelle collégiale, dès lors qu'étaient retenues deux circonstances aggravantes du délit de , violences volontaires, en l' espèce l' arme par destination et la qualité de conjoint de l'auteur. Mais en se déclarant incompétent et en renvoyant le Ministère Public à mieux se pourvoir, sans fixer de date à laquelle l' affaire serait à nouveau appelée et en abandonnant au Ministère Public le soin de délivrer une nouvelle citation, ce que ce dernier retrouvant son pouvoir d'appréciation de l'opportunité des poursuites n'était nullement tenu de faire, le premier juge, interrompant le cours de la justice, a rendu une décision qui a mis fin au sens de l'article 507 du Code de Procédure Pénale, à la procédure dont il était saisi. Dès lors l'appel de X... Y... est immédiatement recevable nonobstant l'absence de la requête prévue à l'alinéa 4 du texte susvisé . Les dispositions de l'article 398-2 du Code de Procédure Pénale imposaient au Tribunal de renvoyer l'affaire sans se dessaisir de la poursuite en fixant une date de renvoi. La méconnaissance de ces dispositions impose d' annuler le jugement et d ' évoquer conformément à l'article 520 du Code de Procédure Pénale. Sur le fond Mme Y..., partie civile, fait plaider que les agissements incriminés relèvent de la qualification de violences volontaires avec ITT de plus de 8 jours sur conjoint et avec arme par destination. Le Ministère Public maintient la qualification involontaire. X... Y... la revendique. Il résulte du dossier et des débats les faits suivants : Le 23 juillet 1996, vers 9 h 30, Mme Y... empruntait le trottoir à V ALFRAMBERT pour se rendre chez son employeur. Elle entendait le bruit d'un véhicule arrivant derrière elle dont le moteur rétrogradait puis accélérait juste avant qu'elle ne soit violemment heurtée par ce véhicule. Sans se retourner elle avait reconnu qu'il s'agissait de la Peugeot 309 de son mari dont elle était séparée depuis le 11 avril 1996 et qui avait l'habitude d'effectuer une surveillance constante de ses faits et gestes, et notamment une fois par semaine en passant près d'elle en voiture à faible allure sans rien lui dire, alors qu'elle se rendait à son travail. Mme Y... affirmait que lors de l' accident aucun autre véhicule ne circulait dans la rue en sens inverse de sa progression. X... Y... a déclaré que roulant au volant de sa Peugeot en direction du bourg, il avait été gêné par un véhicule arrivant face à lui. Obligé de serrer à droite il était monté sur le trottoir et avait heurté un piéton qui s' était révélé être son épouse. Le véhicule terminait sa course dans l'angle du mur d'une habitation. Contestant les manouvres de moteur perçues par son épouse, X... Y... a déclaré avoir refusé la séparation de corps demandée par celle-ci après qu' elle eût quitté le domicile conjugal, Il savait qu'il s'agissait du lieu de passage habituel de son épouse, mais a contesté toute filature. En confrontation les deux époux ont maintenu leurs déclarations. L'ITT de Mme Y... s'est étendue du 23 juillet au 30 octobre 1996. C'est à bon droit que la partie civile invoque le caractère volontaire des blessures dont elle a été victime. En effet alors que l' accident s ' est déroulé en plein jour sur une chaussée large de 4,70 m, X... Y... a été dans l'incapacité de fournir le moindre élément de nature à identifier le véhicule qui selon lui l'a gêné. En confrontation, Mme Y... a maintenu que juste avant l'accident, il n'y avait eu aucun véhicule circulant en sens inverse. Aucune trace de freinage tant sur la chaussée que sur les graviers du trottoir qu'empruntait son épouse n'a été relevée par les gendarmes, ce qui établit que le prévenu n' a même pas cherché à éviter le piéton. X... Y... a reconnu en confrontation qu' il connaissait l' itinéraire habituel de son épouse pour se rendre à son travail ainsi que I 'heure à laquelle, sauf exception, elle embauchait soit 9 h 30, précisément l'heure de l'accident. Ainsi, compte tenu du contexte familial de la séparation de fait des époux Y..., du harcèlement de X... Y... rapporté par son épouse alors que leur fils a confirmé qu'à plusieurs reprises sa mère lui avait signalé les surveillances dont elle était l'objet sur son trajet pour se rendre au travail, la Cour retiendra que les blessures infligées à la victime, épouse de l'auteur, ont un caractère volontaire. Enfin l'instrument des blessures a été le véhicule de X... Y... utilisé comme une arme par destination. La poursuite sera donc requalifiée en délit de violences volontaires avec arme, ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours exercées par le conjoint de la victime, prévu et réprimé par l'article 222-12 al.1 6° et 10° et al.2 du Code Pénal et X... Y... sera déclaré coupable de cette infraction. La requalification est possible dès lors qu'elle ne porte sur les seuls faits visés dans la citation saisissant les premiers juges, que la juridiction du fond peut interpréter souverainement et que X... Y... , lors des débats à l'audience d'appel, en raison des moyens et demandes invoqués par la partie, s'est expliqué sur cette nouvelle qualification. Il sera fait application de la loi pénale à son encontre en tenant compte de l' absence d ' antécédent à son casier judiciaire et de la nature des faits commis . Sur l'action civile Mme Y... demande à la Cour en cas d ' évocation dans le dispositif de ses conclusions, une expertise médicale et une provision de 30.000 Y... à valoir sur la réparation de ses préjudices. X... Y... doit être déclaré responsable des conséquences dommageables de l' infraction. Certains éléments de préjudices matériels évoqués dans les motifs de ses écritures pouvant intéresser les prestations des organismes sociaux, il convient de surseoir à statuer sur toutes ces demandes y compris celles relatives au préjudice moral, d ' ordonner une mesure d ' expertise et d ' allouer, compte tenu des préjudices d' ores et déjà acquis, une provision de 20.000 Y... PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ; Reçoit le prévenu en son appel ; Vu les articles 520 du Code de Procédure Pénale, 222-11, 222-12 al.1 et 2, 222-44, 222-45 et 222-47 al.1 du Code Pénal; Annule le jugement entrepris ; Evoquant ; Requalifie la poursuite du chef de blessures involontaires suivies d'une ITT de plus de 3 mois lors de la conduite d'un véhicule et de défaut de maîtrise en délit de violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours, avec arme, avec cette circonstance que les violences ont été exercées par le conjoint de la victime, délit prévu et réprimé par l'article 222-12 al.1 6° et 10° et al.2 du Code Pénal ; Déclare X... Y... coupable de ce délit ; Condamne X... Y... à 12 mois d'emprisonnement avec sursis ; Sur la peine d'emprisonnement avec sursis Le Président a averti le condamné que si dans le délai de 5 ans à compter du prononcé de cette peine, il commettait à nouveau un crime ou un délit suivi d'une nouvelle peine privative de liberté sans sursis, cette dernière condamnation entraînerait l' exécution de la présente condamnation, avec sursis sans confusion possible. A l'inverse, en l'absence dans le même délai de 5 ans de nouvelle condamnation privative de liberté, la présente condamnation sera réputée non avenue ; Prononce contre X... Y... la privation des droits de l'article 131-263° et 4° du Code Pénal pendant 5 ans ; Sur l'action civile Déclare X... Y... responsable des dommages subis par Yvette X... épouse Y... ; Condamne X... Y... à verser à Mme X... épouse Y... 20.000 Y... de provision à valoir sur la réparation de tous les chefs de préjudice ; Ordonne une expertise médicale aux fins d'examiner Mme X... épouse Y... ; Commet pour y procéder Mme le Docteur X..., traumatologue, expert, avec pour mission : 1- examiner la victime Mme Yvette X... épouse Y..., décrire les lésions qu'elle impute à l'accident dont elle a été victime, indiquer après s'être fait communiquer tous documents relatifs aux examens, soins et interventions dont la victime a été l' objet, leur évolution et les traitements appliqués; préciser si ces lésions sont bien en relations directe et certaine avec l'accident ; 2- déterminer la durée de l'incapacité temporaire de travail en indiquant si elle a été totale ou si une reprise partielle est intervenue, dans ce cas en préciser les conditions ou la durée ; 3- fixer la date de consolidation des blessures ; 4- dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre de la douleur et éventuellement du préjudice esthétique en les qualifiant de très léger, léger, modéré, moyen, assez important, important ou très important 5- dire si du fait des lésions constatées initialement, il existe une atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions, et, dans l'affirmative, après en avoir précisé les éléments chiffrer le taux de déficit physiologique résultant, au jour de l'examen de la différence entre la capacité antérieure, dont le cas échéant les anomalies devront être discutées et évaluées, et la capacité actuelle ; 6) dire si l'état de la victime est susceptible de modification en aggravation ou amélioration; dans l'affirmative , fournir au Tribunal toutes précisions utiles sur cette évolution, son degré de probabilité, et, dans le cas où un nouvel examen apparaîtrait nécessaire, indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé ; 7- dire, si malgré son incapacité permanente, la victime est au plan médical physiquement et intellectuellement apte à reprendre dans les conditions antérieures ou autrement l'activité qu'elle exerçait lors de l'accident ; 8- et plus spécialement, dit que l'expert pourra recueillir les déclarations de toutes personnes informées, qu'il aura la faculté de s'adjoindre tout spécialiste de son choix et qu'il en sera référé à X... le Président ; Dit que l'expert commis devra déposer son rapport au Greffe de cette Cour dans le délai de CINQ MOIS à compter du jour de sa saisine ; Dit que Mme X... consignera dans le mois suivant le prononcé de l'arrêt une somme de 2.200 Y... au Greffe de la Cour à titre de provision sur la rémunération de l'expert ; Dit que X... Z... sera chargé du suivi des opérations ; Renvoie la cause et les parties à l'audience du 2 décembre 1998 à 14 heures ; Dit que Mme X... devra mettre en cause l'organisme social dont elle dépend pour cette date ; Sursoit à statuer sur les autres demandes de Mme X... ; Condamne X... Y... aux dépens de l'action civile ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 Y... dont est redevable le condamné. | APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Décisions susceptibles - Décision mettant fin à la procédure (article 507 du Code de procédure pénale) - Renvoi sans fixation de date - / En se déclarant incompétent et en renvoyant le Ministère Public à mieux se pourvoir sans fixer de date à laquelle l'affaire serait de nouveau appelée, le premier juge a rendu une décision qui, au sens de l'article 507 du Code de procédure pénale, a mis fin à la procédure dont il était saisi, rendant l'appel du prévenu immédiatement recevable nonobstant l'absence de la requête prévue à l'alinéa 4 de l'article précité |
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JURITEXT000006934508 | JAX1998X06XVEX0000000012 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934508.xml | Cour d'appel de Versailles, du 12 juin 1998, 1997-1255 | 1998-06-12 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1997-1255 | VERSAILLES | Les époux X... sont locataires d'un appartement situé à GENNEVILLIERS, 11, Avenue de la Roche, propriété de la SNC PAMARAL en vertu d'un bail du 25 mai 1988, succédant à un bail en date du 1er février 1977. Suite au non-paiement des loyers, la SNC PAMARAL a fait délivrer à Monsieur et Madame X... un commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 25 mars 1996. Monsieur et Madame X..., invoquant le mauvais état des lieux, ont alors fait citer la société bailleresse devant le tribunal d'instance d'ASNIERES afin notamment d'obtenir la désignation d'un expert. Par jugement rendu le 12 décembre 1996, ce tribunal a : - déclaré irrecevable la demande des époux X... tendant à la mise en conformité des lieux et par voie de conséquence à la diminution du loyer contractuel, - condamné solidairement les époux X... à payer à la SNC PAMARAL la somme de 23.788,89 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 1996, date du commandement de payer sur la somme de 20.340,98 Francs, et à compter du 14 novembre 1996, date de l'audience pour le surplus, outre la somme de 2.000 Francs HT sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - suspendu les effets de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail mais dit qu'en contrepartie les époux X... devront s'acquitter de la somme de 23.788,89 Francs par versements successifs de 1.000 Francs à effectuer (en sus des loyers et charges courants) avant la fin de chaque mois, les intérêts étant réglés avec la dernière échéance et que faute par eux de respecter ces modalités de règlement, ne serait-ce bien qu'une seule mensualité : il pourra être procédé à leur expulsion, * ils devront payer à la SNC PAMARAL à compter du 1er novembre 1996 et jusqu'à libération effective des lieux une indemnité mensuelle d'occupation égale à 125 % du montant du loyer (charges en sus), - ordonné l'exécution provisoire, - débouté les parties du surplus de leurs prétentions. Appelants de cette décision, Monsieur et Madame X... font valoir que l'immeuble, tant en ce qui concerne les parties communes que celles louées, ne rentre plus dans les conditions d'hygiène et de sécurité visées dans le décret 87 199 du 6 mars 1987. Ils demandent à la Cour de : - infirmer le jugement entrepris et, Statuant à nouveau, - dire et juger que la SNC PAMARAL devra verser au titre des troubles de jouissance aux époux X... la somme de 50 000 Francs de dommages et intérêts, - constater que le logement et les parties communes ne sont pas conformes au décret 87 713 du 26 août 1987 tant en ce qui concerne l'étanchéité des parties privées que la situation des parties communes, - constater que s'il y a facturation des charges, celles ci n'ont jamais été mises en oeuvre par un travail réel, - constater la fraude à la loi pour esquiver les conséquences de la loi du 1er septembre 1948 et du décret 87 713 du 26 août 1987, - ordonner une expertise afin de dire quels sont les travaux de mises aux normes à entreprendre pour que le décret du 26 août 1987 puisse être appliqué, - dire et juger que le loyer des époux X... sera fixé conformément à l'article 17.6 de la loi du 6 juillet 1989, - dire et juger qu'un loyer provisionnel de 500 Francs par mois est satisfactoire pour cette période, - dire et juger que le loyer contractuel ne pourra reprendre cours qu'après réalisation des travaux prescrits par l'expert, - dire et juger qu'actuellement les conventions synallagmatiques ne sont pas respectées, Subsidiairement, confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne l'octroi de 24 mois de délai, - condamner la SNC PAMARAL au paiement de la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La SNC PAMARAL conclut à l'irrecevabilité de la demande d'expertise pour mise en conformité en raison du non- respect du délai d'un an prévu par l'article 19 de la loi du 21 juillet 1994 et pour défaut de mise en demeure préalable et subsidiairement au défaut de fondement des demandes. Elle conclut à la confirmation de la décision déférée et prie la Cour de constater que la dette des époux X... est au 1er décembre 1997 égale à 35.376,52 Francs, de condamner ces derniers au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et de la somme de 10.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Les époux X... en réplique sollicitent le débouté de la SNC PAMARAL SUR CE, LA COUR , Considérant que les époux X... ont le 14 mai 1998 adressé à la Cour postérieurement à l'audience de plaidoiries et par conséquent au prononcé de l'ordonnance de clôture une pièce intitulée "inventaire des paiements de Monsieur X... "; Que cette communication de pièce doit être déclarée d'office irrecevable en application de l'article 783 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Sur le fond, Considérant que selon l'article 25 de la loi du 23 décembre 1986, modifié par la loi du 21 juillet 1994, si les locaux loués depuis le 23 décembre 1986 ne satisfont pas aux normes minimales de confort et d'habitabilité fixées par décret après avis de la commission nationale de concertation le locataire peut dans le délai d'un an à compter de la date d'effet du contrat de location initial demander au propriétaire leur mise en conformité avec ces normes sans qu'il soit porté atteinte à la validité des contrats de location en cours ; Qu'à juste titre, le tribunal a déclaré irrecevable la demande d'expertise formée par les époux X... comme n'ayant pas été introduite le délai d'un an suivant l'entrée en vigueur de la loi sus visée, l'acte introductif d'instance datant du 21 mai 1996 ; Considérant, au surplus, que la société bailleresse souligne avec pertinence que les locataires ne l'ont jamais mis en demeure de procéder aux travaux revendiqués aujourd'hui ; Considérant que les époux X... étaient titulaires d'un contrat de bail en date du 1er février 1977, signé sous l'empire des dispositions de la loi du 1er septembre 1948 ; Qu'ils ont contracté librement un nouveau bail le 25 mai 1988, se substituant au précédent, visant expressément la loi du 23 décembre 1986 et sans qu'ils n'aient jamais formulé de réserves ni de critiques à son sujet ; Qu'ils n'établissent nullement que la SNC PAMARAL en leur proposant la signature d'un nouveau bail, aurait commis une quelconque fraude à la loi ; Qu'en signant le bail du 25 mai 1988, librement et en toute connaissance de cause, Monsieur et Madame X... ont ainsi renoncé, de manière certaine et non équivoque, à se prévaloir de la loi de 1948, les dispositions du contrat et la référence à la loi de 1986 étant particulièrement explicites ; Considérant que si les époux X... critiquent le montant des charges qui leur sont facturées sans préciser quel sont les charges qui n'ont jamais été exécutées et réclamées indûment selon eux, ils ne contestent pas expressément le montant des sommes qui leur ont été réclamées au titre des loyers ; Qu'il résulte d'un décompte produit par la bailleresse que leur dette s'élevait au 1er décembre 1997 à la somme de 34.276,52 Francs au paiement de laquelle ils seront condamnés ; Considérant enfin que les appelants ne rapportent pas la preuve du trouble de jouissance qu'ils invoquent ; Que la SNC PAMARAL justifie, en revanche, avoir effectué, entre 1988 et 1992, dans l'immeuble habité par les époux X..., des travaux s'élevant à une somme supérieure à 3.000.000 de Francs ; Considérant qu'il convient, par conséquent, de débouter les époux X... de l'intégralité de leurs demandes et de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de la SNC PAMARAL ; PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : DECLARE d'office irrecevable la pièce communiquée par Monsieur et Madame X... en cours de délibéré en application de l'article 783 du Nouveau Code de Procédure Civile ; CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d'instance d'ASNIERES le 12 décembre 1996 ; Y AJOUTANT : CONSTATE que les époux X... sont débiteurs de la somme de 34.276,52 Francs, arrêtée au 1er décembre 1997 ; LES CONDAMNE au paiement de cette somme majorée des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ; DEBOUTE la SNC PAMARAL de sa demande relative à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; CONDAMNE Monsieur et Madame X... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier, Le Président, Marie Hélène EDET Alban CHAIX | BAIL A LOYER (loi du 1er septembre 1948) Le titulaire d'un bail conclu sous l'empire de la loi du 1er septembre 1948 qui accepte, sans réserve ni critique, la signature d'un nouveau bail visant expressément la loi du 23 décembre 1986, dès lors qu'il n'établit pas que le bailleur en lui proposant la signature d'un nouveau bail aurait commis une quelconque fraude à la loi, renonce de manière certaine et non équivoque à se prévaloir de la loi du 1er septembre 1948 |
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JURITEXT000006934509 | JAX1998X06XVEX0000000013 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934509.xml | Cour d'appel de Versailles, du 12 juin 1998, 1996-9086 | 1998-06-12 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1996-9086 | VERSAILLES | Par acte sous seing privé en date du 1er janvier 1989, Monsieur et Madame X... ont donné à bail aux époux Y... une maison d'habitation, sise rue Blaise Pascal à VIARMES pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction. Par lettre recommandée du 20 juin 1994, les époux X... ont délivré aux preneurs un congé pour vendre. Par acte d'huissier en date du 25 juillet 1994, Monsieur et Madame Y... ont fait assigner les époux X... aux fins d'obtenir : - l'annulation du congé pour vice de forme, - le paiement de la somme de 5.930 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, avec le bénéfice de l'exécution provisoire. Les époux X... ont conclu au débouté des époux Y... et sollicité leur condamnation au versement de la somme de 5.930 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par jugement contradictoire en date du 19 avril 1996, le tribunal d'instance d'ECOUEN, se fondant sur les articles 15-I alinéa 1 et 15-II alinéa 1 de la loi du 6 juillet 1989, a rendu la décision suivante : - valide le congé délivré par les époux X... aux époux Y... pour le 31 décembre 1994 concernant une maison d'habitation située à VIARMES (95270), rue Blaise Pascal, - rejette toute conclusion et demandes contraires ou plus amples des parties, - ordonne l'exécution provisoire de la décision, - laisse les dépens à la charge des demandeurs. Le 7 octobre 1996, Monsieur et Madame Y... ont interjeté appel. Ils font valoir que le congé pour vendre que leur ont délivré les bailleurs déroge aux dispositions d'ordre public de l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989 et doit, par conséquent, être consulté ; qu'en effet, d'une part, ledit congé ne reproduit pas les termes des quatre alinéas de l'article 15-II, au mépris de l'obligation qui en est faite à l'alinéa 5, et d'autre part, il n'indique pas, en violation des prescriptions de l'alinéa 1, les conditions entourant la vente projetée, telles que les modalités de paiement du prix ou l'existence d'une condition, suspensive ou résolutoire, affectant le contrat de vente. Ils ajoutent que le prix de vente de la maison qui leur a été donnée à bail ne correspond nullement à sa valeur réelle et a été fixé à un montant exorbitant (1.800.000 Francs) dans le but frauduleux de dissuader les preneurs de se porter acquéreurs ; qu'il y a lieu, dès lors, de prononcer la nullité du congé pour vente délivré le 20 juin 1994 et de constater que le bail se trouve, de fait, tacitement reconduit. Par conséquent, ils demandent à la Cour de : - déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Monsieur et Madame Y..., Y faisant droit, - infirmer la décision entreprise, Et statuant à nouveau, Vu l'article 15-II chapitre 2, Titre 1er de la loi du 6 juillet 1989, - déclarer nul et de nul effet le congé délivré le 20 juin 1994 à Monsieur et Madame Y..., - débouter Monsieur et Madame X... de toutes leurs demandes fins et conclusions, - les condamner à payer à Monsieur et Madame Y... une somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - les condamner aux entiers dépens lesquels seront recouvrés par Maître DELCAIRE, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur et Madame X... répliquent que les époux Y..., déboutés de leur demande de suspension de l'exécution provisoire du jugement entrepris par une ordonnance rendue, en date du 21 février 1997, par le Premier Président de la Cour de céans, ont quitté les lieux loués à la fin du mois de septembre 1997 ; qu'il en résulte que l'appel interjeté est, depuis lors, dépourvu d'objet. Ils font valoir également que le congé par eux délivré aux locataires respecte les prescriptions des articles 15-I et 15-II de la loi du 6 juillet 1989 et que sa validité ne peut, dès lors, donner lieu à contestation ; qu'en effet, ledit congé, rédigé en des termes clairs et précis, précise le motif sur lequel il repose, le prix de vente ainsi que le délai de validité de l'offre de vente ; que s'il est exact que les dispositions de l'article 15-II n'ont pas été reproduites, cette omission, au demeurant involontaire, n'a causé aucun grief aux époux preneurs. Ils ajoutent que le prix de vente de la maison d'habitation, objet du bail (1.800.000 Francs) n'excède nullement sa valeur réelle, eu égard à sa superficie, son état et sa situation géographique. Ils sollicitent enfin le versement de la somme de 6.030 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par conséquent, ils demandent à la Cour de : - déclarer mal fondé l'appel interjeté par les consorts Y... du jugement rendu le 19 avril 1996 par Monsieur le Président du tribunal d'instance d'ECOUEN, En conséquence, les en débouter, - dire et juger valide le congé donné par les consorts X... par courrier recommandé le 20 juin 1994, - condamner les consorts Y... à payer aux consorts X... une somme de 6.030 Francs TTC en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - les condamner aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par la SCP GAS, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. SUR CE, LA COUR, I/ Considérant que l'article 2 alinéa 1° de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 édicte que les dispositions de ladite loi sont d'ordre public ; Considérant que le congé qui est fondé sur la décision de vendre le logement (article 15-II de cette loi) doit à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de le vente projetée ; qu'il est patent, en la présente espèce, que la lettre manuscrite de congé envoyée le 20 juin 1994 par les époux Bernard X... a, certes, indiqué que le prix demandé était de 1.800.000 Francs (un million huit cent mille francs), mais qu'il ne dit rien sur les conditions de cette vente ; que, notamment, ce congé ne précise pas si le prix demandé était payable au comptant ou s'il pouvait être échelonné et selon quelles modalités dans ce second cas ; qu'en outre, ce congé n'indiquait pas si la vente projetée se ferait (ou non) sous une condition suspensive, ou sous une condition résolutoire ; Considérant, de plus, que l'alinéa 5 de cet article 15-II de la loi (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994) exigeait que les termes des alinéas précédant ce cinquième alinéa soient reproduits, à peine de nullité, dans chaque notification, et qu'il est constant que les termes de ces alinéas n'ont pas été reproduits dans le congé litigieux ; Considérant que l'inobservation de ces formalités d'ordre public dans cette lettre de congé a eu pour conséquence certaine et directe de causer un grief aux locataires les époux Y... (article 114 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile) qui n'ont pas été complètement informés sur leurs droits et qui n'ont donc pas été ainsi mis en mesure de prendre parti, en toute connaissance de cause, sur le point de savoir s'ils devaient (ou pas) se porter acquéreurs de ce logement ; Considérant que la Cour infirme, par conséquent, le jugement déféré et prononce la nullité de ce congé ; II/ Considérant que le second moyen de droit invoqué par les appelants et tiré du caractère frauduleux de ce congé devient ainsi surabondant et ne sera pas davantage analysé par la Cour ; III/ Considérant que, compte tenu de l'équité, les époux X... sont condamnés à payer aux époux Y... la somme de 5.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que par contre, les intimés qui succombent en leurs moyens, sont déboutés de leur propre demande en paiement fondée sur ce même article ; PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : VU les articles 2 et 15-II de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et l'article 114 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile : I/ . FAIT droit à l'appel des époux Y... ; PAR CONSEQUENT : . INFIRME en son entier le jugement déféré et PRONONCE la nullité du congé pour vendre ; II/ CONDAMNE les époux X... à payer aux époux Y... la somme de 5.000 Francs (CINQ MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et LES DEBOUTE de leur propre demande fondée sur ce même article ; CONDAMNE les époux X... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par la SCP d'avoués, DELCAIRE ET BOITEAU conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier, Le Président, Marie Hélène EDET Alban CHAIX Acquiescement, Acquiescement implicite, Exécution volontaire de la décision, Décision non exécutoire, Bail en général, Expulsion, Libération des lieux. En vertu de l'article 410 du NCPC " l'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire vaut acquiescement.. ", et ce, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la partie qui a exécuté avait ou non l'intention d'acquiescer. Un locataire objet d'un jugement d'expulsion non exécutoire qui, ensuite, avise son propriétaire, par lettre recommandée, de la libération des lieux, et ce, sans formuler de réserves, dès lors qu'il libère effectivement les lieux à la date prévue, satisfait nécessairement à l'obligation de libérer les lieux contenue dans le jugement d'expulsion déféré ; libération qui vaut acquiescement, en application de l'article 410 précité. FAITS ET PROCEDURE Selon acte sous seing privé en date du 18 janvier 1984, la société LOGIBAIL, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société SINVIM & CIE, a consenti à Monsieur Z..., à compter du 1er février 1984, pour une durée de six ans un bail portant sur un appartement situé à PUTEAUX, 92, avenue du Président Wilson. Ce bail a été prorogé de deux périodes de trois années chacune. Par acte extra judiciaire en date du 12 juillet 1995, la société SINVIM & CIE a signifié à Monsieur Z... un congé avec offre de vente pour le 31 janvier 1996. Monsieur Z... qui ne s'est pas porté acquéreur du logement et se maintenant dans les lieux, la société SINVIM & CIE a saisi le tribunal d'instance de PUTEAUX. Par jugement rendu le 24 septembre 1996, ce tribunal a : - déclaré valable le congé pour vendre délivré à Monsieur Z... pour le 31 janvier 1996, - dit que Monsieur Z... est occupant sans droit, ni titre, depuis le 1er février 1996, - ordonné, en conséquence, son expulsion, - condamné Monsieur Z... à payer à la société SINVIM & CIE à compter du 1er février 1996, en deniers ou quittances valables, une indemnité mensuelle d'occupation des lieux égale au montant mensuel du loyer et ses charges jusqu'à parfaite libération des locaux, - débouté les parties du surplus de leurs demandes, - dit n'y avoir lieu à exécution provisoire. Appelant de cette décision, Monsieur Z... expose que la société SINVIM & CIE n'avait aucune raison particulière de vendre son bien en urgence et fait valoir en outre que le prix proposé était manifestement dissuasif. Il demande à la Cour de : - infirmer le jugement entrepris, A titre principal, - dire et juger que le congé délivré le 12 juillet 1995 est irrégulier et que Monsieur Z... est bien fondé à rester dans les lieux en tant que locataire, A titre subsidiaire, - constater sa qualité de bon payeur, - lui octroyer des délais afin de quitter les lieux, - dire et juger qu'il n'y a pas lieu à astreinte, la société SINVIM & CIE ne justifiant pas de l'urgence pour vendre l'immeuble litigieux, En tout état de cause, - condamner la société SINVIM & CIE au paiement de la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société intimée conclut au débouté de Monsieur Z... et la confirmation du jugement déféré. Elle demande en outre, à la Cour, de dire et juger que l'expulsion qui sera ordonnée sera assortie d'une astreinte de 1.000 Francs par jour de retard à compter du présent arrêt, d'ordonner la séquestration des meubles et objets garnissant les lieux, en garantie des loyers, indemnités d'occupation, charges et réparations locatives qui pourront être dus, et de condamner Monsieur Z... au paiement de la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Dans d'ultimes écritures, la société SINVIM & CIE expose que Monsieur Z... avait acquiescé au jugement, son appel est dénué de fondement. SUR CE LA COUR SUR CE LA COUR Considérant que par lettre recommandée en date du 17 avril 1998, Monsieur Z... a écrit au mandataire de la bailleresse, qu'il libérerait les lieux à la fin du mois, ce courrier n'étant assorti d'aucune réserve ; Qu'est versé aux débats le procès-verbal de constat d'huissier dressé à la requête de la société SINVIM & CIE le 27 avril 1998 ; Qu'il est établi qu'à cette date le locataire avait quitté l'appartement litigieux ; Considérant que l'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire, vaut acquiescement sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la partie qui a exécuté avait ou non l'intention d'acquiescer (article 410 du nouveau code de procédure civile) ; Que tel est le cas de l'espèce, Monsieur Z... ayant satisfait à l'obligation de libérer les lieux contenue dans le jugement déféré, alors même que cette décision n'était pas exécutoire par provision, le premier juge ayant expressément rejeté la demande formée de ce chef par la société SINVIM & CIE ; Considérant que l'appel est désormais sans objet ; Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile : Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société SINVIM & CIE les sommes exposées par elle qui ne sont pas comprises dans les dépens ; Qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 4.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : - CONSTATE que Monsieur Z... a libéré l'appartement situé à PUTEAUX 92, avenue du Président Wilson sans réserve, - CONSTATE que Monsieur Z... a, par conséquent, acquiescé au jugement rendu le 24 septembre 1997 ; - DIT, par conséquent, sans objet l'appel interjeté par Monsieur Z... ; - CONDAMNE Monsieur Z... à payer à la société SINVIM & CIE la somme de 4.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; - LE CONDAMNE en outre aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP KEIME GUTTIN, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : LE GREFFIER LE PRESIDENT M-H. EDET A. CHAIX | BAIL A LOYER (loi du 6 juillet 1989) Selon l'article 2 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989, les dispositions de ladite loi sont d'ordre public. En application de l'article 15-II de la loi précitée, un congé fondé sur la vente de l'immeuble loué doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Dès lors, un congé qui ne porte aucune indication quant aux conditions de la vente, notamment au sujet des modalités de paiements et de celles de la vente elle-même, et qui, de surcroît, ne repro- duit pas le texte de l'article 15-II, comme l'exigeait, à peine de nullité, la loi dans sa rédaction alors en vigueur, est nul pour inobservation de formalités d'ordre public et doit être annulé, dès lors qu'il cause grief aux destinataires de cet acte, privés de la possibilité de se déterminer en toute connaissance de cause sur la proposition d'achat qui leur était faite |
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JURITEXT000006934510 | JAX1998X06XVEX0000000015 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934510.xml | Cour d'appel de Versailles, du 18 juin 1998, 1996-1241 | 1998-06-18 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1996-1241 | VERSAILLES | RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE Par acte sous seing privé en date du 13 avril 1989, Mme LE X... épouse Y... s'est portée caution solidaire et indivisible de la SARL GUESCHA COLOR en formation au profit de la B.P.R.O.P. à hauteur de 150.000,00 frs. Par jugement en date du 24 novembre 1992, le tribunal de commerce de VERSAILLES a prononcé la mise en redressement judiciaire de la société GUESCHA COLOR, converti en liquidation judiciaire par jugement du 22 décembre 1992. La B.P.R.O.P. a régulièrement déclaré sa créance auprès de Maître ROGEAU, administrateur judiciaire, pour un montant de 454.576,02 frs à titre privilégié et de 153.125,83 frs à titre chirographaire, et a adressé une mise en demeure à la caution le 21 décembre 1992. Mme Y... n'ayant pas donné suite à plusieurs mises en demeure, le président du tribunal de commerce de VERSAILLES, sur requête de la B.P.R.O.P., a rendu à son encontre une ordonnance lui enjoignant de payer à la banque la somme de 150.000,00 frs en principal, augmentée des intérêts au taux légal. Sur son opposition, le tribunal de commerce de VERSAILLES a, par jugement rendu le 25 octobre 1995, rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Mme Y... et l'a condamnée à payer la même somme de 150.000,00 frs augmentée des intérêts au taux de 10,40 % à compter du 21 décembre 1992 jusqu'à parfait paiement, ainsi que 3.500,00 frs en application de l'article 700 du NCPC. Pour retenir sa compétence, le tribunal a considéré que Mme Y..., dont la fille était gérante de la société GUESCHA COLOR, s'est comportée en gérante de fait. Quant au fond, il a observé que l'intéressée ne contestait pas son engagement. Par conclusions signifiées le 17 mai 1996, Mme Z... Y..., appelante, fait observer qu'elle ne détient pas d'exemplaire de l'acte de cautionnement, et soutient que la banque a été désintéressée par les versements effectués par le liquidateur judiciaire, dans le cadre des opérations de la procédure de liquidation de la société GUESCHA COLOR, clôturée pour insuffisance d'actif. Elle précise être libérée irrévocablement par le paiement opéré par le mandataire judiciaire et ajoute que la clôture des opérations relatives à la liquidation met fin aux poursuites de la part des créanciers. Elle demande à la cour de : - dire Mme Y... Z... recevable en son appel et bien fondée en ses demandes, - infirmer purement et simplement le jugement dont appel, rendu le 25 octobre 1995 par le tribunal de commerce de Versailles, Statuant à nouveau, - condamner la B.P.R.O.P. à lui verser la somme de 20.000,00 frs (vingt mille francs) à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, - condamner la BPROP à payer à Mme Y... la somme de 15.000 F (quinze mille francs) au titre de l'article 700 du N.C.P.C. et la condamner aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, sur le fondement de l'article 699 du N.C.P.C. Par conclusions signifiées le 8 novembre 1996, la BANQUE POPULAIRE DE LA REGION OUEST DE PARIS, qui indique avoir produit l'acte de cautionnement dès la première instance, soutient que Mme Y... détenait 25 % du capital social de la société GUESCHA COLOR et participait activement à la gestion de l'entreprise, en sorte qu'elle doit être considérée comme la gérante de fait. Elle fait valoir que sa créance n'a pas été éteinte par les versements effectués par le mandataire liquidateur. Elle demande à la cour de : - voir dire et juger valable l'acte de cautionnement du 13 avril 1989, - constater que la créance de la BPROP n'est pas éteinte, En conséquence, - confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, - condamner Mme Y... pour appel abusif et dilatoire à lui payer la somme de 10.000,00 frs à titre de dommages et intérêts, - voir condamner Mme Y... à payer à la BPROP une somme de 7.500 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C. en cause d'appel, - voir condamner Mme Y... aux entiers dépens. Par conclusions signifiées le 16 mars 1998, Mme Y... se prétend libérée par l'extinction de la créance principale qui découle de la clôture pour insuffisance d'actif et des réglements effectués par le mandataire liquidateur au titre de la créance chirographaire déclarée par la banque, ajoutant que son obligation ne peut être supérieure à celle de la débitrice principale. Elle considère qu'il n'y a pas lieu à intérêts sur les sommes réclamées par la B.P.R.O.P. dès lors que l'arrêt du cours des intérêts résultant du jugement de redressement judiciaire profite à la caution. Elle soutient aussi que le taux conventionnel de 10,40 % n'a pas été écrit de sa main et n'est même pas mentionné dans l'acte de cautionnement et qu'il ne peut donc être mis en oeuvre pour les sommes qui lui sont réclamées. Elle demande à la cour de : - dire Mme Y... bien fondée en ses demandes, - infirmer purement et simplement le jugement rendu le 25.10.1995 par le tribunal de commerce de Versailles, Et statuant à nouveau : AU PRINCIPAL : - débouter la B.P.R.O.P. de toutes ses demandes, fins et conclusions, - dire et juger que la créance de la B.P.R.O.P. est éteinte, A TITRE SUBSIDIAIRE : - dire que le cours des intérêts s'est arrêté au jour du jugement d'ouverture de redressement judiciaire du 24 novembre 1992, - dire que le taux d'intérêts applicable jusqu'au 24 novembre 1992 est le taux légal, - constater que la BPROP a perçu la somme de 153.368,80 F, - dire que la somme de 153.368,80 frs s'impute sur le montant de la caution de 150.000,00 frs du découvert bancaire, Pour le surplus, adjuger à la concluante l'entier bénéfice de ses précédentes écritures. Par conclusions en réplique signifiées le 3 avril 1998, la B.P.R.O.P. soutient que les sommes qu'elle a perçues du mandataire liquidateur ont été imputées sur sa créance privilégiée. Elle se dit fondée à solliciter la condamnation de Mme Y... au paiement des sommes dues avec intérêts à compter de la mise en demeure. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 7 avril 1998 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 6 mai 1998. SUR CE, LA COUR Considérant que Mme Z... LE X... épouse Y... ne conteste pas la validité de l'acte de cautionnement qu'elle a souscrit, le 13 avril 1989, par lequel elle s'est portée caution solidaire et indivisible, à concurrence de la somme de 150.000,00 frs en principal, augmentée des intérêts, frais, commissions et accessoires, de la société GUESCHA COLOR, en garantie de toutes les obligations dont cette société pourra être tenue à l'égard de la B.P.R.O.P., à quelque titre que ce soit ; Considérant que si, en application de l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985, les créanciers ne recouvrent pas l'exercice individuel de leur action contre le débiteur dont la liquidation judiciaire a fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif, ils conservent, la dette n'étant pas éteinte, le droit de poursuite à l'encontre de la caution du débiteur ; Que Mme Y... ne peut soutenir que les paiements effectués par le mandataire liquidateur à la B.P.R.O.P. ont éteint la créance de cette dernière; qu'il ressort, en effet, de l'ordonnance du juge commissaire de la procédure de liquidation judiciaire concernant la société GUESCHA COLOR, en date du 21 janvier 1995, que la créance de la banque a été définitivement admise pour la somme de 559.607,89 frs à titre privilégié, et pour la somme de 153.125,83 frs à titre chirographaire ; Que, sur ces montants, il est acquis, au vu de l'état des versements du mandataire liquidataire, que ce dernier a réglé à la B.P.R.O.P., successivement la somme de 100.000,00 frs, le 23 février 1995, et la somme de 153.368,80 frs, le 24 mars 1995; qu'ainsi, la B.P.R.O.P. demeure créancière de la somme de 459.364,92 frs, en sorte que Mme Y..., qui s'est portée caution solidaire pour l'ensemble des obligations de la société GUESCHA COLOR à l'égard de la banque, ne peut utilement invoquer l'extinction de la créance principale ; Qu'il s'ensuit que, malgré la clôture de la liquidation judiciaire de la société pour insuffisance d'actif, Mme Y... reste tenue envers la banque en vertu du cautionnement par elle contracté ; Considérant que, s'il est exact que, comme le soutient Mme Y..., la B.P.R.O.P. ne saurait lui réclamer le paiement des intérêts conventionnels afférents au montant de la créance principale dès lors que le taux n'en est pas mentionné dans l'acte de cautionnement, qu'il n'est établi par aucun élément extrinsèque qu'il a été porté à la connaissance de la caution au moment de son engagement, et que, en outre, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire à l'égard de la société GUESCHA en a arrêté le cours, conformément aux dispositions de l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985, en sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, il convient, néanmoins, de relever que la somme réclamée par la banque n'englobe aucuns intérêts puisqu'elle ne comprend que le montant du solde débiteur du compte courant et les échéances impayées d'un prêt, ainsi que cela ressort de la lettre de mise en demeure du 21 décembre 1992; qu'en revanche, elle est fondée à réclamer les intérêts légaux afférents à cette somme, à compter de cette dernière date ; Considérant que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du NCPC ; PAR CES MOTIFS La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, - déclare recevable l'appel formé par Mme Z... LE X... épouse Y... à l'encontre du jugement rendu le 25 octobre 1995 par le tribunal de commerce de VERSAILLES, - infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme Z... LE X... épouse Y... au paiement des intérêts au taux de 10,40% à compter du 21 décembre 1992 jusqu'à parfait paiement de la somme principale de 150.000,00 frs (cent cinquante mille francs), statuant à nouveau, dans cette limite, - dit que la somme de 150.000,00 frs (cent cinquante mille francs) au paiement de laquelle Mme Z... LE X... épouse Y... est condamnée, portera intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 1992 jusqu'à parfait paiement, - confirme les autres dispositions du jugement entrepris, - condamne Mme Z... LE X... épouse Y... aux dépens, - déboute les parties de leurs conclusions contraires ou plus amples. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : LE GREFFIER LE PRESIDENT M. LE A... J-L GALLET | ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Liquidation judiciaire - Clôture - Clôture pour extinction du passif - Exercice du droit de poursuite individuelle Si, en application de l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985, les créanciers ne recouvrent pas l'exercice individuel de leurs actions contre un débiteur dont la liquidation judiciaire a fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif, ils conservent, la dette n'étant pas éteinte, le droit de poursuite à l'encontre de la caution du débiteur. Dès lors qu'un engagement de caution a été contracté en garantie de toutes les obligations dont une société pourra être tenue à l'égard de l'organisme prêteur, la caution ne peut utilement invoquer l'extinction de la créance pri |
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JURITEXT000006934511 | JAX1998X06XVEX0000000017 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934511.xml | Cour d'appel de Versailles, du 26 juin 1998, 1997-2051 | 1998-06-26 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1997-2051 | VERSAILLES | Madame X... a acquis avec son mari décédé en 1986, des parts de la SCI MULTIVACANCES AVORIAZ I donnant droit à la jouissance de locaux déterminés pour une période limitée. Depuis 1986, Madame X... et ses enfants qui ont la qualité de nu-propriétaires des droits sur la multipropriété n'utilisent plus les locaux. Ces derniers refusent de régler le forfait SPORT ET LOISIRS au motif que ces charges sont liées à l'occupation. C'est dans ces conditions que la société MULTIVACANCES AVORIAZ I a saisi le tribunal d'instance de VERSAILLES. Par jugement rendu le 16 décembre 1996, ce tribunal a : - condamné Madame Sylvie X... à payer à la société RESIDENCE MULTIVACANCES AVORIAZ I. la somme de 32.787,38 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 1995 sur la somme de 28.919,85 Francs, et à compter du 5 septembre 1996 sur le solde, - débouté la société RESIDENCE MULTIVACANCES AVORIAZ I. de sa demande dirigée contre Philippe, Marine, Anne Marie, Frédéric et Pierre X..., - dit que les défendeurs ne peuvent plus jouir de la fraction des biens immobiliers à laquelle ils ont vocation tant que la somme de 32.787,38 Francs ne sera pas acquittée intégralement, - ordonné l'exécution provisoire, - condamné Madame Sylvie X... aux dépens et au paiement de la somme de 2.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Appelants de cette décision, les consorts X... font valoir que la détermination des charges dites "forfait loisirs" doit être établie au regard de l'article 9 la Loi de 1986 qui reconnaît que certaines charges non liées à la gestion de l'immeuble mais à l'occupation ne sont pas dues si l'occupation n'a pas lieu. Ils soutiennent que cette Loi doit être appliquée même en l'absence de décret d'application. Ils demandent, par conséquent, à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire et juger n'y avoir lieu au paiement par Madame Sylvie X... et les consorts X... des charges liées à l'occupation des locaux depuis 1986, date à laquelle ils n'ont plus occupé lesdits locaux et de condamner la société RESIDENCE MULTIVACANCES AVORIAZ I. au paiement de la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société RESIDENCE MULTIVACANCES AVORIAZ I. réplique que faute de décret permettant de déterminer avec précision les charges liées avec les locaux, il convient de se référer ainsi que l'a jugé le tribunal, aux dispositions statutaires et au règlement intérieur. Elle conclut à la confirmation de la décision déférée et sollicite, en outre, la capitalisation des intérêts, ainsi que la somme de 10.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE LA COUR Considérant qu'en vertu de l'article 3 de la Loi du 6 janvier 1996 relatives aux sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partiel, les associés sont notamment tenus envers la société de participer aux charges dans les conditions de l'article 9 de cette Loi ; Que selon cet article, à moins qu'elle ne soient individualisées par les lois et règlements en vigueur, un décret détermine, parmi les charges entraînées par les services collectifs, les éléments d'équipement et le fonctionnement de l'immeuble et les charges liées à l'occupation ; Que les associés sont tenus de participer aux charges des deux catégories en fonction de la situation et de la consistance du local, de la durée et de l'époque de la période de jouissance ; Que toutefois lorsque le local sur lequel l'associé exerce son droit de jouissance n'est pas occupé, l'associé n'est pas tenu de participer aux charges de la deuxième catégorie pendant la période correspondante ; Considérant que le décret d'application n'a pas été promulgué ; Qu'à bon droit, le tribunal a jugé qu'en "l'absence de texte réglementaire, il y avait lieu de se reporter aux dispositions statutaires et au règlement intérieur" ; Considérant qu'il résulte de l'article 17 des statuts que les charges sont réparties en quatre catégories ; Que les dépenses afférentes au "forfait sports et loisirs" sont classées dans la deuxième catégorie ; Qu'il est prévu que les associés sont tenus de participer à ces charges qui sont fixées annuellement, en fonction de trois périodes (haute saison, saison, basse saison), et sont réparties en fonction du type d'appartement, du nombre de jours et de l'époque de la période de jouissance dont ils sont attributaires ; Considérant que les charges liées au "forfait sports et loisirs" font partie des charges incombant obligatoirement aux porteurs de parts et, eu égard au dispositions du statut, ne sont pas liées à l'occupation ; Que ces dispositions s'imposent, par conséquent, aux consorts X... ; Considérant qu'au vu des justificatifs produits, le premier juge, à juste titre, a condamné Madame X... au paiement de la somme de 32.787,38 francs majorée des intérêts au taux légal sur la somme de 28.919,85 Francs à compter de la mise en demeure du 5 octobre 1995, et sur le solde à compter du 5 septembre 1996 ; Que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ; Sur la capitalisation des intérêts : Considérant que la société RESIDENCE MULTIVACANCES AVORIAZ I. est fondée à solliciter la capitalisation des intérêts échus et dus au moins pour une année entière en application de l'article 1154 du code civil ; Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile : Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société RESIDENCE MULTIVACANCES AVORIAZ I. les sommes exposées par elle qui ne sont pas comprises dans les dépens ; Qu'il convient de lui allouer la somme de 4.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : - CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d'instance de VERSAILLES le 16 décembre 1996 ; Y ajoutant : - ORDONNE la capitalisation des intérêts échus et dûs au moins pour une année entière conformément à l'article 1154 du code civil ; - CONDAMNE les consorts X... in solidum à payer à la société RESIDENCE MULTIVACANCES AVORIAZ I. la somme de 4.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; - LES CONDAMNE en outre, in solidum, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP GAS, titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : LE GREFFIER LE PRESIDENT M-H. EDET A. CHAIX | SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE Selon l'article 3 de la loi du 6 janvier 1986, relative aux sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partiel, les associés sont tenus envers la société de participer aux charges dans les conditions fixées par l'article 9 de cette même loi, lequel dispose qu'un décret d'application détermine, parmi les charges relatives aux services collectifs, les charges liées à l'occupation, l'associé n'étant tenu d'y participer qu'autant qu'il occupe effectivement le local dont il a la jouissance. A défaut de promulgation du décret prévu par l'article 9 de la loi, c'est à bon droit, en l'espèce, qu'un tribunal se reporte aux statuts et au règlement intérieur, en application de l'article 1134 du Code civil, pour déterminer si le règlement des charges objet du litige est lié ou non à l'occupation du porteur de parts |
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JURITEXT000006934512 | JAX1998X06XVEX0000000023 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934512.xml | Cour d'appel de Versailles, du 4 juin 1998 | 1998-06-04 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | VERSAILLES | Par lettre en date du 29 janvier 1977, la société de droit allemand Joachim KREYENBORG, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société KREYENBORG Gmbh, a confié à Monsieur H X..., aux droits duquel il n'est pas contesté que se trouve aujourd'hui la SARL H X..., la représentation exclusive de ses produits sur le territoire français. Une première tentative de résiliation amiable de ce contrat pour le 31 décembre 1995 ayant échoué, la société KREYENBORG a, par courrier du 23 avril 1996, informé la SARL H X..., prise en la personne de Monsieur H X..., qu'elle entendait immédiatement mettre fin à toutes relations, motif pris que ladite société représentait sans son accord des produits concurrents. Par assignation en date du 23 octobre 1996, la société H X... a saisi le Tribunal de Commerce de NANTERRE, dans le ressort duquel elle a son siège social, pour obtenir réparation des préjudices que lui aurait occasionnés cette rupture sans préavis. La société KREYENBORG Gmbh a soulevé, avant toute défense au fond, l'incompétence de la juridiction saisie au profit du Tribunal allemand de M Y.... Par jugement en date du 24 octobre 1997, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, la 1ère chambre du Tribunal de Commerce de NANTERRE a reçu la société KREYENBORG en sa déclinatoire de compétence et a renvoyé la société H X... à se mieux pourvoir. Par acte reçu le 06 novembre 1997, la société H X... a formé contredit à l'encontre de cette décision. Au soutien de son recours, elle reproche au premier juge d'avoir fait une mauvaise interprétation de la jurisprudence communautaire relative à l'article 5-1 de la convention de Bruxelles dont elle revendique l'application. A cet égard, elle rappelle que la demande qu'elle a formée tend à obtenir réparation des préjudices que lui a occasionnés la société KREYENBORG en ne respectant pas l'obligation contractuelle lui incombant consistant à lui confier la représentation exclusive de ses produits sur le territoire français. Elle déduit de là que, dès lors que cette obligation servant de base à la demande ne pouvait être exécutée qu'en France, elle est fondée à revendiquer, au titre de l'article 5-1 précité et de l'interprétation qu'en a donnée la Cour des Communautés Européennes dans l'arrêt "De Bloos", la compétence du Tribunal de Commerce de NANTERRE. Elle sollicite, en conséquence, l'infirmation du jugement déféré du chef de la compétence et la condamnation de la société KREYENBORG au paiement d'une indemnité de 15.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. * La société KREYENBORG conclut, pour sa part, à la confirmation du jugement entrepris sauf à se voir accorder une indemnité de 15.000 francs en couverture des frais qu'elle a été contrainte d'exposer. En réplique, elle fait valoir que l'objet principal de la demande de la société H X... tend au paiement d'indemnités lié à la résiliation du contrat d'agence commerciale, rupture devant être appréciée conformément à la loi allemande à laquelle était soumise la convention du 29 janvier 1977. Or, selon elle, la loi allemande prévoit dans cette hypothèse, que le paiement est quérable au domicile du débiteur, c'est à dire à M Y..., où elle a son siège social. Subsidiairement, elle soutient qu'à supposer même que l'obligation à prendre en considération découle, comme il est soutenu par la partie adverse, du non respect par elle de l'exclusivité de représentation de son agent commercial en France, cette obligation s'analyse en une obligation négative que l'on ne peut localiser au regard du droit allemand applicable au contrat et que, dans ces conditions, seul l'article 2 de la convention a vocation à s'appliquer, ce qui aboutit encore à retenir la compétence du Tribunal de M Y.... MOTIFS DE LA DECISION Considérant qu'il n'est pas contesté que les règles de compétence applicables au présent litige sont celles qui résultent de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968. Considérant que l'article 2 de cette convention, réglant le problème de la compétence internationale, pose le principe que les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant doivent être attraites devant les juridictions de cet Etat. Que l'article 5-1 de la même convention, dérogeant à la règle générale de compétence de l'article 2, permet au demandeur, en matière contractuelle, de saisir la juridiction "du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée". Considérant que la société H X... soutient que l'obligation qui fonde sa demande, au sens de l'article 5-1 de la convention, est celle incombant à la société KREYENBORG de respecter l'obligation de représentation exclusive qui lui a été reconnue, aux termes de la convention du 29 janvier 1977, et que cette obligation ne pouvant être exécutée qu'en France, le Tribunal de Commerce de NANTERRE devait se déclarer compétent pour connaître du litige. Considérant qu'il est de principe, depuis l'arrêt "De Bloos" rendu le 06 octobre 1976 par la Cour de Justice des Communautés Européennes, que l'obligation, dont le lieu d'exécution permet de déterminer la compétence, est celle qui sert de fondement à l'action judiciaire ; qu'il convient donc de se référer à l'assignation introductive d'instance délivrée le 23 octobre 1996 par la société H X... à la société KREYENBORG, pour déterminer en l'espèce le lieu d'exécution de l'obligation litigieuse. Considérant que, dans cette assignation, la société H X... demandait au Tribunal de Commerce de NANTERRE de : - Constater l'existence de liens contractuels entre les deux sociétés jusqu'au 31 décembre 1996. - Condamner la société KREYENBORG au paiement de dommages et intérêts à hauteur de DM 23.688 ou la contre-valeur en francs français. - Condamner la société KREYENBORG au paiement d'une indemnité de clientèle de DM 21.703,40 ou la contre-valeur de cette somme en francs français. - Condamner la société KREYENBORG au paiement de commissions de DM 3.543,30 et DM 29.000 ou la contre-valeur de ces sommes en francs français. - Condamner la société KREYENBORG à fournir des informations complètes sur toutes les opérations commerciales conclues par des tierces personnes en France pendant la durée du contrat d'agence commerciale. Qu'il apparaît que ces différentes demandes tendent à permettre à la société H X... d'obtenir, en application des dispositions de la loi allemande relatives au contrat d'agence commerciale expressément rappelées dans l'assignation, paiement de diverses sommes en raison de la rupture du contrat et notamment paiement d'une indemnité de clientèle et de commissions pour les affaires en cours, la demande en dommages et intérêts pour non respect par la société KREYENBORG de l'exclusivité pendant la durée du contrat, bien que présentée en premier, n'ayant à l'évidence qu'un caractère accessoire par rapport aux autres réclamations directement liées à la rupture du lien contractuel. Or considérant que la Cour de Justice des Communautés Européennes a dit pour droit, dans l'arrêt "Tessili" du 06 octobre 1976 "que le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée, au sens de l'article 5-1 de la convention... est déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie" ; qu'il doit dès lors en être tiré pour conséquence que le lieu d'exécution de l'obligation doit être fixé en l'espèce conformément à la loi qui gouverne le contrat, autrement dit conformément à la loi allemande à laquelle les parties ont entendu expressément se référer dans la convention du 29 janvier 1977. Considérant que le droit allemand prévoit que le paiement est quérable au domicile du débiteur ; que l'objet principal de la demande concernant, comme il a été dit, une obligation de paiement, la société KREYENBORG est dès lors bien fondée à revendiquer la compétence de la juridiction allemande ; que le jugement dont appel sera, en conséquence, confirmé du chef de la compétence et la société H X... renvoyée à se mieux pourvoir. Considérant que l'équité ne commande pas, à ce stade de la procédure, qu'il soit fait application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que la société H X..., qui succombe, supportera les frais du contredit. PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, - Reçoit la SARL H X... en son contredit, mais dit celui-ci mal fondé, - Confirme, en conséquence, le jugement entrepris en ce qu'il a renvoyé ladite société à se mieux pourvoir, - Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - Laisse les frais du contredit et ceux de première instance à la charge de la société H X... SARL. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER LE PRESIDENT qui a assisté au prononcé C. DAULTIER F. ASSIÉ | CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 Si l'article 2 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 pose le principe général selon lequel une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat contractant doit être attraite devant les juridictions de cet Etat, l'article 5-1 de la convention précitée prévoit que, à titre dérogatoire, en matière contractuelle le demandeur peut saisir la juridiction "du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée". L'arrêt "De Bloos" (CJCE, 6 octobre 1976) a posé en principe que cette "obligation" est celle qui sert de fondement à l'action judiciaire, et l'arrêt "Tessili", de la même juridiction et à la même date, a dit pour droit "que le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée, au sens de l'article 5-1 de la convention... est déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie". En l'espèce, lorsque les demandes articulées dans l'assignation introductive d'instance tendent à obtenir, en application de la loi allemande, les indemnisations afférentes à la rupture d'un contrat, il en résulte que le lieu d'exécution de l'obligation doit être fixé conformément à la loi qui gouverne le contrat, c'est-à-dire conformément à la loi allemande à laquelle les parties se sont expressément référées dans le contrat |
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JURITEXT000006934513 | JAX1998X06XVEX0000000028 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934513.xml | Cour d'appel de Versailles, du 18 juin 1998 | 1998-06-18 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | VERSAILLES | RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE La cour se réfère à son arrêt précédent en date du 27 février 1997 pour le rappel des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties. Il suffit de rappeler que le 12 septembre 1988, à 14 heures 15, sur le chantier de la gare de POISSY, une grue Potain appartenant à la société FRANCE MATERIEL et louée à la société HERVE, entreprise de gros ouvre, s'est effondrée au cours de la manutention d'une benne à déchets, causant d'importants dégâts matériels. Par acte d'huissier en date du 1er octobre 1990, la société FRANCE MATERIEL et son assureur, la COMMERCIAL UNION ASSURANCES, ont assigné la société HERVE pour la voir condamnée à payer la somme de 301.844,80 frs à la compagnie d'assurance et la somme de 172.006,71 frs à la société FRANCE MATERIEL. Le 25 mars 1991, la société HERVE a formé une demande reconventionnelle à l'encontre des demanderesses tendant à l'indemnisation de son propre préjudice. Par jugement en date du 20 novembre 1991, le tribunal de commerce de VERSAILLES a débouté les demanderesses, et sur la demande reconventionnelle de la société HERVE, les a condamnées in solidum à payer à cette dernière la somme de 265.387,56 frs. Le tribunal, se fondant sur les rapports d'expertise versés aux débats, a retenu que la cause du sinistre réside dans un défaut de fonctionnement des sécurités en mauvais état et que la société FRANCE MATERIEL qui n'en avait pas assuré l'entretien était responsable et devait, avec son assureur, indemniser la société HERVE de ses dommages. La société FRANCE MATERIEL et la COMMERCIAL UNION ASSURANCES ont interjeté appel de ce jugement, et la société HERVE en a relevé appel incident. Par arrêt du 27 février 1997, la cour de céans, ayant constaté certains errements dans les conclusions des parties, a révoqué l'ordonnance de clôture et a invité les parties à prendre des conclusions récapitulatives. SUR CE, LA COUR Considérant que la note en délibéré de la société FRANCE MATERIELS, adressée à la cour le 3 juin 1998, postérieurement à la clôture des débats, sans qu'elle ait été demandée, doit être écartée comme irrecevable, conformément à l'article 445 du NCPC ; La cause et la responsabilité du sinistre : Considérant que, selon le rapport d'expertise judiciaire de M. X..., en date du 22 avril 1989, l'accident s'est produit après que le grutier eût tiré et soulevé la benne dont le poids excédait la charge limite de basculement et que la grue eût oscillé jusqu'à dérailler pour enfin se renverser ; Que les constatations et explications de l'expert permettent d'écarter l'hypothèse que le grutier ait " tiré au renard " c'est-à-dire ait laissé sa charge partiellement ou totalement au sol pour la tirer ; qu'en effet, il n'a pas été relevé de traces de traînée sur sol, au vu des photographies prises par l'inspecteur du travail ni selon le constat d'huissier, rien n'établissant que la trace de frottement relevée par l'officier ministériel ait été faite par la benne, d'autant qu'une petite butte empêchait une telle pratique ; Qu'en revanche, les conclusions du rapport permettent de retenir, comme l'a fait le tribunal, que les dispositifs de sécurité n'ont pas fonctionné (cf. rapport pages 29, 32 et 35) ; que, selon le témoignage d'un sieur Y... (rapport page 17) le klaxon fonctionnait de manière irrégulière ; que le rapport du CHSCT consécutif à la réunion du 16 septembre 1988 fait état des témoignages selon lesquels " aucun signal sonore avertissant d'une charge trop lourde n'a fonctionné ni aucune coupure automatique du levage " ; qu'il faut relever que la vérification de la grue, effectuée le 9 mai 1988 par le CEBTP, avait fait apparaître un " mauvais fonctionnement de la barre de couple " qui présentait " une déformation anormale " ; qu'à cet égard, si le rapport de vérification indique, après des essais, que le limiteur de couple a été considéré comme réglé, il est acquis que la déformation de la barre n'a pas été corrigée, laquelle, comme l'a noté l'expert judiciaire " peut ne pas altérer le principe du fonctionnement du dispositif de sécurité mais en fausser la régularité de fonctionnement " (rapport page 24) ; qu'il faut ajouter qu'il a été constaté par la SOCOTEC, à la demande de l'inspection du travail, que " les supports des limiteurs ne sont pas immobilisés, les contre-écrous des vis de réglage ne sont pas bloqués " ; que, sur ce point, si l'expert X... n'écarte pas que ces anomalies puissent résulter de l'accident au seul motif qu'elle n'ont pas été signalées dans le rapport du CEBTP établi quatre mois avant l'accident, leur apparition pendant ce délai est, à l'évidence, parfaitement vraisemblable et, au demeurant, corroborée par les conclusions de l'expert électricien DRUON selon lequel si l'avertisseur et la sécurité bloquant la montée de la charge n'ont pas fonctionné, ce qui est attesté par les témoignages, ce non-fonctionnement ne peut s'expliquer que par " un desserrage des vis de réglage des contacts de sécurité, un desserrage de la platine entraînant une modification du réglage du fonctionnement de la sécurité " (rapport DRUON page 8) ; Qu'il n'est aucunement établi que le grutier ait " shunté " le dispositif de sécurité ou ait commis une faute dans l'exécution de son travail ; que, notamment, il ne peut lui être reproché une méconnaissance des limites de capacité de la grue et une violation des consignes d'utilisation de l'engin quant à la charge à soulever, dès lors qu'il n'était pas en mesure de connaître le poids de la benne remplie de choses disparates et que les dispositifs de sécurité sont précisément destinés à pallier une telle ignorance légitime ; qu'il ne peut être fait grief à la société HERVE d'avoir affecté à ce travail un grutier intérimaire recruté depuis trois jours, alors qu'il est acquis que celui-ci était expérimenté et muni d'un bon certificat de travail, comme l'a relevé l'expert ; qu'il n'est pas davantage démontré qu'elle lui a donné des consignes tendant à méconnaître les contraintes d'utilisation de la grue ; que n'est rapportée la preuve d'aucune faute dans l'exécution de ses obligations, qui soit à l'origine de l'accident ; Que, dans ces conditions, compte tenu des développements précédents et des limites dans lesquelles le débat sur la responsabilité se trouve circonscrit, la cause du sinistre réside dans le mauvais état du système de sécurité de la grue accidentée, imputable à la société FRANCE MATERIEL, propriétaire de l'engin, qui, dès lors, est tenue de supporter les conséquences dommageables du sinistre survenu de son fait exclusif, lequel exonère la société HERVE du manquement à son obligation de restituer le matériel dans l'état où elle l'a reçu ; La mise en cause de la compagnie U.A.P. : Considérant que la société FRANCE MATERIEL a, par acte d'huissier en date du 19 juin 1995, assigné en intervention forcée devant la cour, la compagnie UNION DES ASSURANCES DE PARIS (U.A.P.) aux fins de la voir condamnée à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et, en tout cas, de lui voir déclaré commun l'arrêt à intervenir, sur le fondement d'une police d'assurance responsabilité civile qu'elle a souscrite, le 3 décembre 1982, auprès de cette compagnie par l'intermédiaire du cabinet PEROUSE, courtier ; Considérant, cependant, que cette mise en cause n'est pas justifiée par l'évolution du litige ; Qu'en effet, la position de la compagnie COMMERCIAL UNION ASSURANCES, autre assureur de la société FRANCE MATERIEL, qui a, pour la première fois, dans des conclusions en date du 10 février 1994, indiqué ne couvrir que les dommages causés au matériel assuré et non ceux causés par le matériel assuré, ne constitue pas un élément nouveau caractérisant une telle évolution ; qu'il convient de préciser que la compagnie COMMERCIAL UNION ASSURANCES n'avait pas adopté une position inverse devant les premiers juges ; qu'à cet égard, le fait que cette compagnie se soit bornée à s'opposer à la demande reconventionnelle formée contre elle et la société FRANCE MATERIEL par la société HERVE qui tendait à les voir condamnées in solidum à indemniser cette dernière des conséquences dommageables du sinistre, en invoquant seulement, dans des conclusions prises en commun avec son assurée, l'absence de responsabilité de la société FRANCE MATERIEL mais sans faire valoir que les dommages n'entraient pas dans le risque couvert par l'une et l'autre polices souscrites auprès d'elle, ne traduit pas sa volonté certaine et non équivoque d'accepter sa garantie ; que si ce moyen n'a été soulevé par la compagnie COMMERCIAL UNION ASSURANCES que dans la procédure d'appel, le fondement n'en était pas inconnu, en première instance, de la société FRANCE MATERIEL, partie au litige, qui ne pouvait ignorer la nature, la portée et le domaine des contrats d'assurance qu'elle avait souscrits, et qui disposait, ainsi, devant le tribunal, des éléments nécessaires pour apprécier l'opportunité d'appeler son autre assureur, l'U.A.P., en garantie, étant rappelé que la possibilité d'appeler en cause devant la cour des personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance n'est pas destinée à pallier les conséquences d'un oubli ou d'une carence ; que la société FRANCE MATERIEL ne saurait soutenir utilement que la compagnie COMMERCIAL UNION ASSURANCES avait pris la direction du procès puisque, même si cette situation était avérée, ce qui n'est pas le cas, elle ne cessait pour autant de devoir et de pouvoir veiller à la sauvegarde de ses propres intérêts ; Qu'il s'ensuit que la mise en cause, devant la cour, de l'U.A.P. aux fins de condamnation ou en déclaration d'arrêt commun est irrecevable ; que les demandes dirigées contre cette compagnie d'assurance par la société HERVE, qui ne l'a pas elle-même mise en cause, sont donc également irrecevables ; La mise en cause du cabinet PEROUSE : Considérant que, pour les mêmes motifs, il y a lieu de déclarer irrecevable la mise en cause du cabinet PEROUSE faite par acte d'huissier en date du 20 juin 1995 à la requête de la société FRANCE MATERIEL, à toutes fins et en déclaration d'arrêt commun, étant, au surplus, observé que cette dernière ne développe aucune argumentation permettant d'établir qu'elle y a intérêt ; La mise en cause de la compagnie COMMERCIAL UNION ASSURANCES : Considérant qu'il est constant que la société FRANCE MATERIEL a souscrit, le 6 août 1990 avec effet au 1er janvier 1989, une police d'assurance n° E 97704134 contre le bris de machines garantissant les dommages causés à son parc de grues, auprès de la compagnie COMMERCIAL UNION ASSURANCES ; qu'elle a également souscrit, le 6 juillet 1987, auprès de cette même compagnie, une police d'assurance responsabilité civile garantissant, en 2ème ligne, en complément et après épuisement de la garantie de 5 millions de francs de la police de 1ère ligne de l'U.A.P., les conséquences pécuniaires des responsabilités encourues par la société à la suite des dommages survenant " après livraison " ou " après achèvement des travaux ", les sommes garanties par l'U.A.P. constituant des franchises absolues ; Qu'il s'ensuit que la compagnie COMMERCIAL UNION ASSURANCES ne saurait être tenue à garantir la société FRANCE MATERIEL des dommages causés à la société HERVE qui ne sont pas couverts par la première police et dont le montant est inférieur aux prévisions de la seconde police ; Considérant que le moyen tiré de la responsabilité de la compagnie COMMERCIAL UNION ASSURANCES en ce qu'elle aurait laissé prescrire fautivement l'action dont disposait la société FRANCE MATERIEL à l'encontre de l'U.A.P. est sans portée, compte tenu de l'irrecevabilité de la mise en cause de cette dernière compagnie ; qu'il doit être rappelé qu'aucune faute prouvée, imputable à la compagnie COMMERCIAL UNION ASSURANCES soit quant à la tardiveté de son moyen fondé sur l'exception de non garantie soit quant à la conduite de la procédure, n'est susceptible de fonder sa responsabilité à l'égard de la société FRANCE MATERIEL ; qu'à cet égard, la participation de cette dernière aux opérations d'expertise et sa qualité de partie à l'instance devant le tribunal démontrent qu'elle était en mesure de faire valoir utilement ses droits, sans pouvoir invoquer la prétendue maîtrise du procès par la compagnie COMMERCIAL UNION ASSURANCES, au demeurant non démontrée ; Qu'il convient, en conséquence, de mettre hors de cause la compagnie COMMERCIAL UNION ASSURANCES ; L'évaluation du préjudice souffert par la société HERVE : Considérant que la société HERVE rapporte la preuve, devant la cour, du paiement de la somme de 39.900,00 frs HT, soit 47.321,40 frs TTC, au titre du démontage et du transport de la grue accidentée, en produisant la facture, non critiquée, en date du 19 octobre 1988, de la société FRANMAT ; Que la réalité de l'urgence dans laquelle s'est trouvée la société HERVE de recourir à un matériel de remplacement qui lui a été loué dans des conditions plus onéreuses, justifie, au vu de la facture en date du 1er octobre 1988 qu'elle produit et qui n'est pas critiquée, l'allocation de la somme de 18.000,00 frs qu'elle met en compte, à ce titre ; Que le tribunal a, à juste titre, retenu les autres sommes mises en compte par la société HERVE, eu égard aux justificatifs produits concernant les dégâts causés à l'alimentation en électricité (lettres et factures EDF et courrier de la société CRESCITZ du 30/11/93, lettre et facture GLAUSELEC), l'intervention de la SOCOTEC sur demande de l'inspection du travail, l'interruption du travail des 78 salariés pendant l'après-midi de l'accident et la mise à disposition de personnel pour la réalisation d'essais dans le cadre de l'expertise judiciaire ; Qu'il importe peu que ces prétentions n'aient pas été soumises à l'appréciation de l'expert judiciaire, dès lors qu'elles ont été régulièrement soumises à la contradiction des parties et sont assorties des justificatifs appropriés ; Que le tribunal a, à juste titre, écarté la somme de 14.000,00 frs HT, soit 16.604,00 frs TTC, correspondant à la facture des Etablissements CRESCITZ, en date du 17 avril 1989, dont la preuve n'est pas rapportée qu'elle est liée aux conséquences du sinistre ; qu'à cet égard, l'attestation produite, devant la cour, par la société HERVE et émanant des Etablissements CRESCITZ laisse subsister le doute, en raison de sa rédaction hypothètique et en tout cas fort prudente, marquée par la formule " à notre connaissance " ; Que la différence de 29.943,00 frs entre les dommages subis par la société SICOM et évalués à 89.943,00 frs, à la suite de la chute de la grue et l'indemnisation de 60.000,00 frs versée par chèque par la société HERVE, qui a été écartée par le tribunal, ne peut être davantage retenue par la cour au seul vu d'une traite dont le montant de 39.943,00 frs ne démontre pas qu'elle correspond au paiement résiduel ; Qu'il s'ensuit que l'indemnisation due par la société FRANCE MATERIEL à la société HERVE s'élève, en définitive, à 323.287,56 frs ; que rien ne s'oppose à la capitalisation des intérêts échus depuis au moins une année, dans les conditions de l'article 1154 du code civil, à compter du 13 décembre 1993 ; Considérant que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du NCPC ; PAR CES MOTIFS La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, écarte comme irrecevable la note en délibéré adressée le 3 juin 1998 par la société FRANCE MATERIEL, déclare recevables les appels principaux formés par la société FRANCE MATERIEL et la compagnie COMMERCIAL UNION ASSURANCES, et l'appel incident formé par la société HERVE, déclare irrecevables les mises en cause de la compagnie UNION DES ASSURANCES DE PARIS et du cabinet PEROUSE, et, partant, les demandes de la société HERVE à l'encontre de la première, infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la compagnie COMMERCIAL UNION ASSURANCES, in solidum avec la société FRANCE MATERIEL, à payer à la société HERVE la somme de 265.387,56 frs et la somme de 5.000,00 frs au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux dépens, le réforme en ce qu'il a condamné la société FRANCE MATERIEL à payer à la société HERVE la somme de 265.387,56 frs, et statuant à nouveau, dans ces limites, condamne la société FRANCE MATERIEL à payer à la société HERVE la somme de 323.287,56 frs, avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 1991, ordonne la capitalisation des intérêts échus depuis au moins une année entière, dans les conditions de l'article 1154 du code civil, à compter du 13 décembre 1993, met la compagnie COMMERCIAL UNION ASSURANCES hors de cause, confirme les autres dispositions du jugement, y ajoutant, condamne la société FRANCE MATERIEL aux entiers dépens qui, pour ceux d'appel, pourront être recouvrés directement, chacune en ce qui le concerne, par Maître BOMMART, par la SCP MERLE & CARENA-DORON, par la SCP LAMBERT-DEBRAY-CHEMIN, par la SCP LISSARRAGUE & DUPUIS, déboute les parties de leurs autres conclusions contraires ou plus amples. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : LE GREFFIER LE PRESIDENT M. LE Z... J-L GALLET | ASSURANCE DOMMAGES Si un assureur ni partie, ni représenté en première instance peut être appelé en cause d'appel aux fins de condamnation, une telle mise en cause doit être justifiée par l'évolution du litige (art 555 du NCPC). Dès lors que cette faculté de mise en cause n'a pas pour finalité de pallier les conséquences d'un oubli ou d'une carence de la partie qui assigne en intervention forcée, un assuré n'est pas recevable à attraire en appel son assureur en responsabilité civile alors qu'il ne pouvait ignorer la nature, la portée et le domaine des contrats souscrits auprès de compagnies différentes et qu'il disposait devant le tribunal des éléments nécessaires pour apprécier de l'opportunité d'appeler en garantie ce même assureur. |
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JURITEXT000006934514 | JAX1998X01XVEX0000005800 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934514.xml | Cour d'appel de Versailles, du 27 janvier 1998, 1998-58TI | 1998-01-27 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1998-58TI | VERSAILLES | Suite à la réouverture des débats ordonnée par Jugement avant dire droit du 21 Octobre 1997, sollicitant la production de diverses pièces, les parties ont déposé leur dossier à l'audience du 2 Décembre 1997. Monsieur X... Y... maintient ses précédentes conclusions, sollicitant la condamnation de Monsieur Z... A... : - à effectuer les tailles nécessaires conformément aux dispositions de l'article 671 du Code Civil dans un délai de 15 jours à compter du jugement, - au paiement d'une astreinte définitive de 500,00 Francs par jour de retard à l'expiration de ce délai dans l'hypothèse où la taille réglementaire ne serait pas effectuée, outre le bénéfice de l'exécution provisoire et la somme de 1.500,00 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur Z... sollicite le remboursement des frais d'huissier (1.500,00 Francs), une somme de 1.500,00 Francs à titre de dommages et intérêts, en rappelant qu'il est contraint de quitter la région en raison des "agissements" de la famille X.... Monsieur X... demande en outre de condamner Monsieur Z... et Monsieur Georges B..., auteur d'un propos qu'il considère insultant et diffamatoire à son égard, au paiement, chacun, de la somme de 10.000,00 Francs au profit de l'Association "Aime la Vie". Monsieur X... demande, dans cette perspective, de faire réserver sur le produit de la vente de la maison de Monsieur Z... les sommes qui conviennent. SUR QUOI, LE TRIBUNAL : Attendu qu'il convient de s'interroger à la lumière des pièces produites par les parties, sur l'existence d'usages locaux dans le Hameau de la Brosse à SAINT LAMBERT DES BOIS, autorisant à laisser les haies séparatives atteindre une hauteur de trois mètres ; Attendu que l'Article 671 du Code Civil renvoie expressément aux usages constants et reconnus, s'agissant notamment des plantations d'arbres et des haies ; Attendu que les propriétés des parties ont été acquises dans un lotissement en 1973 qui était régi par le Cahier des Charges de la Société Civile Immobilière de Construction "Le Jardin de la Brosse" ; Attendu que l'Association Syndicale libre "Le Jardin de la Brosse" a été dissoute, rendant caduques les dispositions du Cahier des Charges ; Attendu que le Plan d'Occupation des Sols de la Commune de SAINT LAMBERT DES BOIS (approuvé le 15 janvier 1986, modifié et approuvé le 21 Juin 1990) édicte des dispositions particulières sur les clôtures, page 18 : "Elles seront constituées, soit de murs pleins, traités comme les bâtiments, soit de haies végétales taillées. Sur une voie publique ou privée, elles ne dépasseront pas 1,80 mètres de hauteur, avec la possibilité d'un mur plein de 1 mètre." ; que par ailleurs, le P.O.S. (page 50) indique "qu'on recherchera l'isolement visuel des logements entre eux." ; Attendu que la hauteur des clôtures prescrite par le P.O.S. à un mètre et quatre vingt centimètres, ne peut concerner les haies mitoyennes ; Attendu que le P.O.S. rappelle que le Hameau de la Brosse est un habitat pavillonnaire dans un petit lotissement, étant précisé que la Commune de SAINT LAMBERT DES BOIS se situe en Région Parisienne, à moins de cinquante kilomètres de PARIS ; Attendu qu'en raison de l'exigu'té des parcelles sur lesquelles sont implantés les pavillons d'habitation, un usage ancien constant, de notoriété publique et consacré par la Jurisprudence, autorise dans les banlieues pavillonnaires de la Région Parisienne, la plantation d'arbres et de haies jusqu'à l'extrême limite des jardins (C.A. PARIS 24 Avr. 1985, C.A. PARIS 19 Déc. 1986, C.A. PARIS 10 Oct. 1990, C.A. VERSAILLES 18 Mars 1988, C.A. PARIS 30 Avr. 1993) ; Attendu que la Jurisprudence consacre judiciairement les usages locaux à caractère agricole, même s'ils ne sont pas systématiquement codifiés par les Chambres d'Agriculture (cf. C.A. ANGERS 11 Déc.1989) ; qu'ils sont le reflet des traditions locales et ont une valeur jurisprudentielle incontestable (question écrite Sénat N° 5645 du 13/7/1989 P : 1073) ; Attendu que la Cour de Cassation a précisé que les Juges du Fait constatent souverainement l'existence des usages locaux relatifs aux distances à observer pour les plantations près de la ligne séparative des fonds (Ch. Civ. 28 Juil. 1873 - Dalloz 1874 - I - 22) ; que dès 1872, la Cour de Cassation a dit que dans le Canton de GONESSE et généralement dans la Banlieue de PARIS, un usage ancien et persistant autorise à ne pas s'astreindre à garder rigoureusement la distance légale pour les plantations d'arbres de basse tige destinées à former charmille ou palissade sous la condition d'aménager et tailler les arbres de manière à ce que ni le tronc ni les branches ne dépassent jamais la clôture (Ch. Civ. 10 Juil.1872 - Dalloz 1872 - I - 257) ; que plus récemment, la Cour de Cassation a rappelé que lorsque le Juge de Fond pour rejeter une demande en arrachage d'arbres plantés à une distance inférieure à la distance légale, retient les usages en vigueur dans la Banlieue Parisienne de planter les haies à moins de cinquante centimètres de la limite du fonds, il n'est pas tenu de préciser les éléments d'où résultent les usages dont il constate souverainement l'existence (3° Ch. Civ. 14 Fév. 1984 concernant la Commune de SAVIGNY SUR ORGE) ; que la seule réserve émise par la Jurisprudence est que l'usage ne doit pas causer une gêne excessive au propriétaire du fonds voisin (C.A. VERSAILLES 21 Sept. 1990) ; Attendu, enfin, que les usages locaux ont une portée générale, qu'ils s'appliquent à toutes espèces de plantations ; Attendu cependant, que l'on ne peut se prévaloir d'un usage existant que dans la mesure où cela ne cause aucun trouble aux voisins ; Attendu en l'espèce, que le Maire de la Commune de SAINT LAMBERT DES BOIS, dans un courrier adressé le 14 Août 1997 à Monsieur Z... indique expressément : "Je vous rappelle que dans la Commune de SAINT LAMBERT, l'usage est de laisser les haies séparatives atteindre une hauteur de trois mètres. Cette habitude, qui remonte à plusieurs dizaines d'années est en harmonie avec l'environnement exceptionnel dont nous bénéficions. La taille de vos haies est donc conforme à nos coutumes." ; Attendu que les propos développés par Monsieur le Maire de SAINT LAMBERT DES BOIS, dans le Bulletin Municipal d'Octobre 1997 ne peuvent être retenus, dans la mesure où Monsieur X... a demandé expressément au Maire de revenir sur ses propos ("Même si ce geste est inamical à mon égard, je prétends que l'équipe municipale fait un excellent travail dans notre village et qu'elle a toute mon estime, c'est pourquoi je ne souhaitais pas avoir à mettre l'accent sur des preuves embarrassantes pour notre Maire. Je propose donc qu'il soit demandé à l'auteur de ce document de l'annuler ou en tout état de cause, que celui-ci ne soit pas versé au dossier de l'affaire X.../Z...") ; Attendu que l'existence d'usages locaux est attesté par le Maire de SAINT LAMBERT DES BOIS, en charge de la Commune depuis plus de dix ans ; Attendu que l'existence d'usages locaux constants et reconnus applicables à SAINT LAMBERT DES BOIS, autorisant des haies à une hauteur d'au moins trois mètres, est également attestée par Monsieur C... et Monsieur LE D..., résidant dans le Hameau des Jardins de la Brosse depuis de très nombreuses années ; Attendu que Monsieur LE D... précise notamment que la configuration actuelle de la haie d'une hauteur de trois mètres environ est justifiée, car elle assure une bonne protection contre les vents dominants, l'intimité de chacun, un aspect décoratif indéniable, sa hauteur ne créant aucune nuisance au développement normal de la végétation située sur les terrains voisins ; Attendu que Monsieur C..., souligne que l'ombre portée par la haie de Monsieur Z... ne saurait influer sur l'ensoleillement du séjour de Monsieur et Madame X... ; qu'il convient de rappeler que Monsieur X... n'a abaissé sa haie à deux mètres qu'en Avril 1997, et qu'auparavant sa haie était d'une hauteur comparable à celle de Monsieur Z... ; Attendu que Monsieur X... a sollicité la taille de la haie de Monsieur Z... en invoquant les dispositions de l'article 671 du Code Civil, sans faire référence à une quelconque gêne ou nuisance ; qu'il résulte du procès-verbal de constat dressé par Maître LE HONSEC, Huissier de Justice, le 5 Août 1997 que la haie de thuyas de Monsieur Z... d'une hauteur de trois mètres et cinquante centimètres, est parfaitement à l'aplomb de la propriété X..., et qu'aucune branche ne dépasse ; Attendu en conséquence, qu'il résulte de l'ensemble des éléments ci-dessus rappelés, que le Hameau de la Brosse situé dans la Commune de SAINT LAMBERT DES BOIS doit bénéficier des usages reconnus par la Jurisprudence dans le voisinage de PARIS qui autorisent la plantation d'arbres et de haies jusqu'à l'extrême limite des jardins, et qui en particulier permettent de déroger à la hauteur de deux mètres prévue de façon supplétive par le Code Civil ; Attendu en conséquence, que Monsieur X... sera débouté de l'ensemble de ses demandes ; que la demande tendant à l'allocation de dommages et intérêts pour propos diffamatoires, sera rejetée dans la mesure où l'écrit incriminé est une attestation dont la confidentialité a été préservée, qui ne saurait être communiquée à des tiers ; Attendu que reconventionnellement, Monsieur Z... paraît bien fondé à demander à Monsieur X... des dommages et intérêts pour les indiscrétions commises et les remarques désobligeantes dites, qui peuvent être évaluées à 1.500,00 Francs, ainsi que la somme de 1.500,00 Francs en remboursement des frais d'huissier ; PAR CES MOTIFS : Le Tribunal, statuant publiquement, par Jugement contradictoire, et en premier ressort ; - Dit que le Hameau des Jardins de la Brosse sur la Commune de SAINT LAMBERT DES BOIS bénéficie d'usages constants et reconnus, autorisant des haies d'une hauteur d'au moins trois mètres, - Déboute Monsieur X... Y... de l'ensemble de ses demandes, - Reconventionnellement, condamne Monsieur X... Y... à verser à Monsieur Z... la somme de MILLE CINQ CENTS FRANCS (1.500,00 Francs) à titre de dommages et intérêts, outre la somme de MILLE CINQ CENTS FRANCS (1.500,00 Francs) de frais d'Huissier de Justice, - Et condamne Monsieur X... Y... aux dépens. Ainsi jugé et prononcé, à la date indiquée. LE GREFFIER, LE JUGE, | SERVITUDE - Servitudes diverses - Plantations Dès lors qu'en raison de l'exigu'té des parcelles un usage ancien, constant, de notoriété publique et consacré par la jurisprudence autorise dans les banlieues pavillonnaires de la région parisienne, les plantations jusqu'à l'extrême limite des jardins, par dérogation aux dispositions supplétives de l'article 671 du Code civil et sous réserve que cet usage ne cause aucune gêne excessive au fonds voisin, il appartient au juge du fait de constater souverainement l'existence des usages locaux relatifs aux distances d'établissement des plantations et si une commune de la région parisienne doit bénéficire de tels usages |
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JURITEXT000006934515 | JAX1998X01XVEX0000006372 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934515.xml | Cour d'appel de Versailles, du 15 janvier 1998, 1995-6372 | 1998-01-15 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1995-6372 | VERSAILLES | Président : M. Assié | Suivant connaissement émis à CASABLANCA (Maroc) le 02 Novembre 1991, la société NAVALE Y... AFRIQUE, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Y... anciennement dénommée DELMAS A..., a pris en charge un lot de 1175 cartons de 100 boîtes de sardines en conserve. La marchandise a été transportée par le navire "TEQUILA SUNRISE" jusqu'à DAKAR (Sénégal), puis transbordée sur le navire "André Y..." qui a assuré l'acheminement final de la cargaison jusqu'au port de BANJUL (Gambie) où elle a été remise le 24 décembre 1991 aux autorités portuaires gambiennes. Le 30 décembre 1991, la société ACT, destinataire, a pris des réserves contre le transporteur maritime et elle a missionné un expert en la personne de l'agent local des LLOYDS. Les opérations d'expertise ont révélé que 471 cartons contenaient des boites de sardines impropres à la consommation et que ces boites avaient fait l'objet d'une saisie par les autorités sanitaires gambiennes le 09 janvier 1992 en vue de leur destruction. C'est dans ces conditions que les Compagnies d'assurances MINERVA et autres assureurs de la cargaison, se présentant comme subrogées dans les droits "des chargeurs réceptionnaires de la marchandise" ont donné assignation au transporteur maritime, la société Y..., tenant celui-ci pour responsable de l'avarie. * Par jugement en date du 12 mai 1995 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le Tribunal a dit les assureurs irrecevables en leurs demandes pour défaut de qualité et d'intérêt à agir à l'encontre de la société Y... et les a condamnés à payer à celle-ci une indemnité de 10.000 francs, en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens. * Appelantes de cette décision, les Compagnies MINERVA et autres soutiennent qu'elles rapportent indiscutablement la preuve devant la Cour qu'elles ont indemnisé l'ayant-droit de la marchandise et demandent que leur action soit en conséquence déclarée recevable. Sur le fond, elles font valoir qu'il suffit de se référer aux mentions du connaissement couvrant le transport litigieux pour constater que celui-ci a été émis sous le régime LCL/LCL, ce qui signifie que la mise en conteneur des marchandises et le dépotage devaient être effectués par le transporteur maritime. Elles déduisent de là que la clause de livraison sous-palan insérée au même connaissement ne peut leur être valablement opposée dès lors qu'elle est incompatible avec le régime LCL/LCL et que la livraison doit être tenue pour réalisée le 27 décembre 1991 soit au jour de la mise à disposition matérielle de la marchandise au destinataire final, lequel a aussitôt pris toutes réserves utiles et fait diligenter une mesure d'expertise conformément aux usages. Elles en tirent pour conséquence que l'avarie doit être imputée à la société Y..., laquelle a reçu la marchandise sans émettre aucune réserve et n'est pas en mesure de se prévaloir d'une quelconque cause exonératoire au sens de la convention de Bruxelles, étant observé que le conditionnement des boites ne saurait être utilement invoqué dès lors qu'il est établi que le voyage a été anormalement long et que la cargaison a séjourné plusieurs jours en plein soleil sur le port de DAKAR. Pour l'ensemble de ces motifs, elles demandent à la Cour de : - déclarer leur action recevable ; - dire la S.A. Y... responsable des avaries ; - condamner cette dernière à leur régler la contre-valeur en francs français au jour du paiement de 17.304,46 dollars U.S. et les intérêts sur ladite somme à compter du 30 juin 1992 ; - condamner également la société Y... à leur payer la somme de 40.000 francs à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 30.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. * La société Y... conclut, pour sa part, à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action des assureurs. A cet égard, elle fait observer que ces derniers ne justifient pas être subrogés dans les droits de l'ayant-cause de la marchandise, pas plus qu'ils ne démontrent avoir valablement indemnisé celui-ci. Elle ajoute que, même si tel avait été le cas, cette régularisation tardive se heurterait à la prescription. A titre subsidiaire et au fond, elle soutient que, contrairement à ce qui est prétendu, il ressort des pièces des débats que le transport a été effectué sous régime FCL, ce qui revient à dire qu'elle a reçu un conteneur plombé et qu'elle n'a en rien participé aux opérations d'empotage ou de dépotage. Elle en déduit que, ayant livré sous palan le 24 décembre 1991, conformément aux clauses du connaissement et sans que la moindre réserve soit formulée, elle est fondée à se prévaloir de la présomption de livraison conforme. Elle ajoute encore que la durée du voyage et le transbordement des marchandises à DAKAR, alors qu'aucun délai d'acheminement n'était prévu, ne sont en rien à l'origine de l'avarie qui trouve sa cause exclusive dans un défaut de conditionnement des boites de conserve et estime qu'à toutes fins, elle peut se prévaloir de cette cause exonératoire. Elle discute également les conditions dans lesquelles s'est déroulée l'expertise et prétend que les conclusions de celle-ci ne lui sont pas opposables et qu'elles ne permettent pas, en tous cas, d'établir que la marchandise examinée était bien celle transportée. Enfin, elle réclame une indemnité complémentaire de 15.000 francs en couverture des frais qu'elle a été contrainte d'exposer devant la Cour. * MOTIFS DE LA DECISION . Sur la recevabilité de l'action des assureurs Considérant que l'assureur de la marchandise bénéficie de la subrogation légale de l'article L.172.29 du Code des Assurances à due concurrence des sommes qu'il justifie avoir réglées en exécution de ses obligations contractuelles ; Considérant qu'en cause d'appel, les appelantes produisent aux débats : - une note de débit du courtier BELGIBO aux différents assureurs concernés à savoir MINERVA et autres ; - une note de crédit en date du 19 mai 1992 à SOAFRIMEX, intermédiaire chargé de régler le litige par SOUIRAH, mentionné comme chargeur au connaissement ; - une copie de l'ordre de paiement adressé par BELGIBO à la banque B.B.L., laquelle confirme le paiement effectué ; - une attestation du destinataire ACT confirmant, le 02 décembre 1994, avoir été indemnisé par SOUIRAH et les assureurs, de la somme de 17.443,70 U.S.D. en règlement du sinistre dont s'agit, ladite attestation rappelant toutes les caractéristiques essentielles de l'expédition ; Qu'il suit de là qu'il est suffisamment établi que, en cours de procédure, les assureurs ont payé l'indemnité d'assurance au destinataire qui a subi réellement le préjudice ; que dans ces conditions, la situation ayant donné lieu à une fin de non recevoir ayant disparue avant que n'intervienne une décision définitive, le jugement dont appel devra, par application de l'article 146 du Nouveau Code de Procédure Civile, être infirmé et l'action engagée par les assureurs, déclarée recevable, dès lors que ces derniers justifient désormais de leur qualité et de leur intérêt à agir par le paiement qu'ils ont effectué, lequel a pour effet de régulariser a posteriori la procédure introduite avant toute prescription ; . Sur l'imputabilité de l'avarie Considérant que les assureurs subrogés se prévalent de la mention LCL/LCL portée sur le connaissement et en déduisent que la société Y... qui a pris en charge la marchandise sans réserve doit être tenue pour responsable, en vertu de ce régime particulier, de l'avarie, faisant valoir notamment que la clause de livraison sous palan stipulée au connaissement et incompatible avec le régime LCL/LCL, ne leur est pas opposable et que la livraison ne peut s'entendre que d'une mise à disposition réelle de la marchandise entre les mains du destinataire ; Mais considérant qu'un examen des autres mentions du connaissement révèlent que la mention LCL/LCL a été portée par erreur sur le connaissement ; Considérant en effet, que ce document, signé du chargeur SOUIRAH, mentionne la remise d'un container déjà plombé "disant contenir 1175 cartons de sardines..." frêt payé au départ ; qu'il est également mentionné sous une autre rubrique et en contradiction avec la mention LCL/LCL "nombre total de conteneurs si F.C.L., un" ; que, de même, le propre expert du destinataire, après avoir examiné les documents qui lui étaient soumis, a relevé que le transport avait été réalisé sous régime F.C.L. ; qu'enfin il est confirmé par le Cabinet VOET-GERNICAUT que seul le réceptionnaire a procédé aux opérations de dépotage du conteneur qui lui a été livré avec des plombs intacts ; qu'il en résulte que le transport doit être tenu pour effectué sous régime F.C.L. et la clause de livraison sous palan, compatible avec ce régime, déclarée opposable aux assureurs subrogés ; que de même, et toujours en fonction de ces constatations, la société Y... est fondée à se prévaloir de la présomption de livraison conforme, dès lors qu'elle a remis un conteneur avec plombs intacts et qu'aucune réserve utile n'a été faite dans un délai utile lors de la livraison sous-palan ; Considérant qu'en tout état de cause, et à supposer même que les réserves puissent être prises en compte, les assureurs n'apportent aucun élément de nature à combattre la présomption de livraison conforme ; que tout d'abord et même si le délai d'acheminement a été particulièrement long, il n'est pas démontré que ce fait, tout comme le transbordement sur le port de DAKAR, ait été d'une quelconque influence dans la réalisation du sinistre ; qu'à cet égard, il sera tout d'abord observé que des marchandises correctement conditionnées dans un conteneur plombé et à l'abri des intempéries, ne sauraient avoir normalement à souffrir d'un transport de quelques semaines ; qu'en réalité l'expert a constaté, sans être utilement contredit, que toutes les boites de sardines montraient des signes de rouille le long des soudures du haut et du bas, que les soudures du haut étaient peu sûres, que la majorité des boites était couverte de l'huile des sardines qui s'était écoulée ; que ces constatations révèlent que seul le mauvais conditionnement des boites de sardines est à l'origine de l'avarie alors que celles-ci étaient réputées pouvoir être consommées jusqu'en 1995, date limite de conservation ; qu'il en résulte que le transporteur maritime ne saurait être tenu pour responsable de ce défaut manifeste de conditionnement qui ne peut trouver sa cause, compte-tenu de ce qui a été dit précédemment, dans les opérations de transport maritime ; Considérant que, dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens invoqués, l'action des assureurs contre le transporteur maritime sera rejetée à défaut d'un quelconque fondement ; Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société Y... les sommes qu'elle a été contrainte d'exposer devant la Cour pour assurer sa défense ; que les assureurs subrogés seront condamnés à lui payer une indemnité complémentaire de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et ce, en sus de celle qui a été déjà accordée à cette société au même titre par le premier juge ; Considérant enfin que les assureurs, qui succombent, supporteront les entiers dépens ; * PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, - Reçoit les sociétés d'assurances NV MINERVA Z... S.A., NV BOREAS S.A., AXA INDUSTRY S.A., LE MANS ASSURANCES BELGIQUE S.A., VIA ASSURANCES IARD, AMEV VERZEKERINGEN NV, WVERTTEMBERGISCHE FEVERVERSICHERUNG AG en leur appel ; - Constate que lesdites Compagnies d'assurance justifient désormais de leur droit à agir et infirmant, dit par application de l'article 146 du Nouveau Code de Procédure Civile, leur action recevable ; - Dit toutefois l'action mal fondée et déboute les sociétés appelantes de l'ensemble de leurs prétentions ; - Les condamne à payer à la société Y... une indemnité complémentaire de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà accordée au même titre à la société intimée en première instance ; - Les condamne également aux entiers dépens exposés à ce jour et autorise Maître X..., Avoué, à poursuivre directement le recouvrement de la part le concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. | ASSURANCE MARITIME - RECOURS CONTRE LE TIERS RESPONSABLE Un assureur de marchandise ne bénéficie de la subrogation légale prévue par l'article L. 172-29 du code des assurances qu'autant, et à due concurrence, des sommes qu'il justifie avoir réglées en exécution de ses obligations contractuelles. Lorsqu'il est établi qu'en cours de procédure l'indemnisation effective du destinataire de marchandises, victime du préjudice, a été effectuée par les assureurs, ce paiement, dès lors qu'il confère qualité et intérêt à agir aux assureurs et qu'il intervient avant le prononcé d'une décision définitive, a pour effet de régulariser a posteriori la procédure introduite avant toute prescription et conduit, en application de l'article 126 du NCPC, à déclarer leur action recevable, dès lors que la situation à l'origine de la fin de non-recevoir a disparu TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Connaissement - Indications Un transport de marchandise dont il est établi qu'il a été effectué par conteneur pris en charge " plombé " par le transporteur et livré au réceptionnaire " plombs intacts " doit être tenu pour réalisé sous régime FCL, quand bien même par suite d'une erreur la mention " LCL/LCL " a été portée sur le connaissement. Il en résulte que le transporteur est fondé à se prévaloir de la présomption de livraison conforme qui s'attache à ce mode de transport, alors qu'aucune réserve n'a été formulée dans un délai utile consécutivement à la livraison sous palan. En outre, à défaut pour les assureurs subrogés de rapporter des éléments de nature à combattre la présomption de livraison conforme, notamment la démonstration qu'un délai d'acheminement particulièrement long aurait eu une quelconque influence sur la réalisation du sinistre, le transporteur ne saurait être tenu pour responsable d'un dommage qu'une expertise, non utilement contredite, impute à un défaut de conditionnement des marchandises transportées |
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JURITEXT000006934516 | JAX1998X01XVEX0000006532 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934516.xml | Cour d'appel de Versailles, du 29 janvier 1998, 1996-6532 | 1998-01-29 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1996-6532 | VERSAILLES | Président : Mme Mazars | Selon acte reçu le 22 mars 1990 par la SCP LACOURTE, BERCY, AUBRON, JOURDAIN, MARECHAL et LEFEVRE (ci-dessous appelée la SCP LACOURTE et associés), la société SOFAL a prêté à la SCI CHANSE une somme de huit millions de francs, pour financer l'acquisition et les travaux de rénovation d'un bien immobilier situé à ARGENTEUIL, 111 et 113 boulevard du Général Delambre . Le remboursement de cet emprunt était garanti à hauteur de quatre millions de francs par les privilèges du vendeur et du prêteur de deniers, et à hauteur de quatre millions de francs par une hypothèque conventionnelle, outre la délégation au profit du prêteur des loyers produits par le bien acquis et d'une assurance groupe contractée par Monsieur Sedrik X.... Selon acte du 7 octobre 1993, la société SOFAL a délivré à la SCI CHANSE un commandement de payer la somme de 9.350.120,75 francs due en vertu de l'acte de prêt et a poursuivi la vente sur saisie immobilière de l'immeuble acquis au moyen du prêt. Par dire déposé au greffe le 8 décembre 1994, la SCI a formé opposition à ce commandement, demandant au tribunal de le déclarer nul. Elle faisait valoir que l'acte de prêt du 22 mars 1990 n'avait pas été soumis à l'autorisation du juge des tutelles, alors pourtant que le capital social de la SCI emprunteuse était détenu à concurrence de 96 % par Monsieur Sedrik X..., mineur au moment de l'emprunt (comme étant né le 18 avril 1976), et concluait en conséquence à sa nullité, en application de l'article 389-5 du code civil, et par voie de conséquence à celle du commandement aux fins de saisie. La S.A. SOFAL s'est opposée à cette demande, et a appelé en garantie la SCP LACOURTE et associés, en vue de lui rendre opposable la décision à intervenir. Par jugement incident du 20 juin 1996, le tribunal de grande instance de PONTOISE a : - déclaré sa décision opposable à la SCP LACOURTE et associés, - constaté que l'acte d'emprunt du 22 mars 1990 n'avait pas été soumis à l'autorisation du juge des tutelles, et déclaré ledit acte nul et de nul effet, pour vice de forme, - déclaré en conséquence nul et de nul effet le commandement délivré le 7 octobre 1993 et tous les actes subséquents de la procédure de saisie immobilière, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Appelante de cette décision, la SCP LACOURTE et associés demande à la Cour, en l'infirmant et en statuant à nouveau, de : - débouter la SCI CHANSE de sa demande en nullité de l'acte de prêt consenti à son profit par la société SOFAL, Sedrik X... (associé majoritaire de la SCI et mineur à l'époque du prêt) ayant seul qualité pour invoquer la nullité résultant de l'inobservation des dispositions de l'article 389-5 du code civil, - à titre subsidiaire, rejeter la dite demande de nullité, débouter en conséquence la société SOFAL de ses demandes à son encontre, la mettre hors de cause et condamner la SCI CHANSE à lui payer la somme de 15.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société SOFAL SA, également appelante, prie la Cour, de : - juger la SCI CHANSE et Monsieur Sedrik X... irrecevables et subsidiairement mal fondés à invoquer la nullité du prêt conclu le 22 mars 1990, - subsidiairement, dans l'hypothèse où l'acte de prêt serait annulé, condamner la SCI CHANSE à lui restituer les sommes mises à disposition, avec intérêts de droit depuis le 22 mars 1990 et capitalisation, conformément à l'article 1154 du code civil, - dire et juger qu'à défaut de restitution, la procédure de saisie immobilière pourra être poursuivie sur ses derniers errements, - condamner la SCI CHANSE à lui payer une somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Monsieur Sedrik X..., devenu majeur le 18 avril 1994, est intervenu volontairement à l'instance et demande à la Cour de débouter tant la société SOFAL que la SCP LACOURTE de leurs prétentions, sollicitant en outre une somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La SCI CHANSE, intimée, prie la Cour de : - déclarer irrecevable l'appel diligenté par la société SOFAL par voie d'assignation motivée contenant acte d'appel, - subsidiairement, confirmer le jugement entrepris et condamner la société SOFAL à lui payer une somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE, Considérant qu'il convient de rejeter des débats, en application de l'article 445 du nouveau code de procédure civile, les écritures qui ont été adressées à la Cour, postérieurement à la clôture, hors l'invitation du président ; SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL DE LA SA SOFAL Considérant que la SCI CHANSE soutient que le débat soumis au premier juge, concernant la nullité de l'acte de prêt, ne relève pas des dispositions des articles 731 et 732 du code de procédure civile, et que l'appel ne pouvait dès lors être valablement formé par la société SOFAL que selon les règles du droit commun, c'est-à-dire par voie de déclaration au greffe ; Mais considérant que la contestation au fond dont était saisi le premier juge s'analyse comme une opposition au commandement délivré le 7 octobre 1993, ayant elle-même la nature d'un incident de saisie immobilière, dans la mesure où elle a été élevée postérieurement à la publication dudit commandement ; Qu'il en résulte que l'appel du jugement rendu est soumis aux règles de forme énoncées à l'article 732 du code de procédure civile, et qu'il a valablement été formé par voie d'assignation ; Qu'il s'ensuit que l'appel interjeté par la SA SOFAL doit être déclaré recevable ; SUR LA RECEVABILITE DE LA DEMANDE EN NULLITE DE L'ACTE DE PRET Considérant que la SA SOFAL fait valoir à juste raison que la SCI CHANSE n'a pas qualité pour se prévaloir de l'inobservation des dispositions de l'article 389-5 du code civil (prévoyant que les parents ne peuvent contracter d'emprunt au nom du mineur, sans l'autorisation du juge des tutelles), ce texte étant sanctionné par une nullité relative qui peut être invoquée par la seule personne protégée, en l'occurrence Monsieur Sedrik X..., qui était mineur au moment de l'acte ; Que cependant, Monsieur Sedrik X..., dont la Cour constate l'intervention volontaire en cause d'appel, est sans conteste recevable à solliciter l'annulation dudit acte de prêt, puisque cette demande procède directement de la demande originaire et tend aux mêmes fins ; SUR LE FOND Considérant que Monsieur X..., s'appropriant les écritures signifiées précédemment au nom de la SCI CHANSE, fait valoir que le prêt consenti le 22 mars 1990 à la SCI CHANSE, alors qu'il était âgé de treize ans et demi, requérait l'autorisation du juge des tutelles, en application de l'article 389-5 du code civil ; qu'en effet, il détient neuf mille six cents parts parmi les dix mille parts sociales qui composent le capital social de la société CHANSE, et se trouve tenu indéfiniment des dettes sociales, en sa qualité d'associé et à proportion de ses parts dans le capital social, en application de l'article 1857 du code civil ; Qu'il ajoute que les engagements souscrits par la SCI doivent être considérés comme souscrits par les associés à titre personnel, la personnalité morale d'une société civile immobilière étant totalement artificielle ; que du reste, la SOFAL n'ignorait pas qu'elle contractait avec une SCI dont l'associé majoritaire était un mineur, et qu'il est significatif de constater qu'elle avait consenti un prêt important à ladite SCI, dont le capital était seulement de 10.000 francs, sans solliciter aucune garantie ; Qu'il énonce encore qu'il est inexact de prétendre qu'il n'est pas intervenu à l'acte de prêt ; qu'en effet, à la page 19 de l'acte, à la rubrique "engagement de non cession des parts", il est indiqué : "A l'instant et aux présentes sont intervenus : Madame X... et Monsieur X..., ce dernier agissant en sa qualité d'administrateur légal pur et simple de Monsieur Sedrik X..., mineur, en leur qualité de seuls associés de la SCI CHANSE. Il se sont engagés à ne pas céder leurs parts de la SCI CHANSE, sans l'accord de la Banque. Madame X..., intervenant aux présentes, en qualité de gérante de la SCI CHANSE, s'engage à demander l'accord de SOFAL avant d'autoriser des cessions de parts d'associés à toute personne physique ou morale. Le non respect de cette clause entraînera l'exigibilité anticipée du prêt". Que soutenant en définitive que la SOFAL ne peut sérieusement exciper de la capacité de la SCI à s'engager, et que s'agissant d'obliger personnellement les associés à la dette contractée par la SCI, il lui appartenait, en sa qualité de professionnelle, de prendre toutes les précautions nécessaires, Monsieur X... conclut à la nullité du prêt souscrit en l'absence d'autorisation du juge des tutelles, et corrélativement à la nullité du commandement et des poursuites ; Considérant toutefois que la SCI CHANSE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés, jouit d'une personnalité distincte de celle des associés ainsi que d'un patrimoine propre ; que sa capacité à s'engager résulte tant de la loi que de son objet social, et ne dépend pas de la capacité de ses associés ; que s'il est vrai que ceux-ci répondent des dettes sociales à l'égard des tiers, en vertu de l'article 1857 du code civil, le débiteur de l'obligation contractée par le gérant, agissant au nom et pour le compte de la société civile n'en est pas moins la société elle-même ; Qu'il en résulte que l'emprunteur est la SCI CHANSE, et non pas Monsieur Sedrik X..., qu'ainsi l'article 389-5 du code civil n'avait pas lieu de s'appliquer, et que par voie de conséquence l'acte de prêt litigieux doit être déclaré valable, contrairement à la solution retenue par le jugement déféré ; Qu'il convient dans ces conditions, en infirmant le jugement entrepris, de déclarer valables, et le commandement délivré le 7 octobre 1993, et les poursuites de saisie immobilière exercées par la société SOFAL ; Considérant que le jugement déféré, tout comme le présent arrêt, doivent être déclarés opposables à la SCP LACOURTE et associés, compte tenu de sa présence aux débats ; qu'ayant rédigé l'acte de prêt litigieux, cette société n'est pas fondée à solliciter sa mise hors de cause ; Considérant qu'il n'y a pas lieu, en équité, de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Que les entiers dépens de première instance doivent être mis à la charge de la SCI CHANSE, ceux d'appel devant être suppportés par cette société et Monsieur Sedrik X... ; PAR CES MOTIFS, STATUANT publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; REJETTE les écritures adressées à la Cour postérieurement à la clôture des débats ; RECOIT la SCP LACOURTE et associés et la SA SOFAL en leur appel ; RECOIT Monsieur Sedrik X... en son intervention volontaire ; CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit qu'il est opposable à la SCP LACOURTE et associés et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; L'INFIRME pour le surplus ; STATUANT à nouveau et y ajoutant ; DECLARE la SCI CHANSE irrecevable en sa demande d'annulation fondée sur l'application de l'article 389-5 du code civil ; DECLARE Monsieur Sedrik X... recevable mais mal fondé en sa demande en nullité de l'acte de prêt contracté par la SCI CHANSE le 22 mars 1990 ; DECLARE valables le commandement délivré le 7 octobre 1993 et les poursuites de saisies immobilières exercées par la société SOFAL; DECLARE le présent arrêt opposable à la SCP LACOURTE et associés ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; REJETTE les prétentions et conclusions plus amples ou contraires ; CONDAMNE la société CHANSE aux entiers dépens de première instance, et la société CHANSE et Monsieur X... aux entiers dépens d'appel, lesquels pourront être directement recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. | SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE - Personnalité morale Une société civile immobilière (SCI) immatriculée au registre de commerce et des sociétés jouit d'une personnalité morale distincte de celle des associés ainsi que d'un patrimoine propre. La capacité à s'engager de cette société résulte tant de la loi que de son objet social, elle est indépendante de la capacité personnelle de ses associés SOCIETE CIVILE - Associés - Engagement à l'égard des tiers A l'égard des tiers, l'obligation de répondre des dettes sociales pesant sur les associés, en vertu de l'article 1857 du Code civil, coexiste avec l'engagement propre de la société qui reste débitrice de l'obligation contractée par son gérant agissant au nom et pour le compte de celle-ci. Il en résulte que la validité d'un acte de prêt immobilier, régulièrement souscrit par le gérant de cette même société civile, au nom et pour le compte de celle-ci, n'est pas affectée par l'irrégularité de l'engagement d'un associé majoritaire, du fait de sa minorité et de l'absence d'autorisation préalable du juge des tutelles |
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JURITEXT000006934517 | JAX1998X01XVEX0000008110 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934517.xml | Cour d'appel de Versailles, du 9 janvier 1998, 1995-8110 | 1998-01-09 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1995-8110 | VERSAILLES | Par ordonnance du 21 février 1994, le président du tribunal d'instance d'Antony a enjoint à M. et Mme X... de payer à la société CETELEM les sommes de 48.207,30 F avec intérêts au taux légal, et de 26,50 F à titre de frais. Cette ordonnance a été signifiée en mairie le 2 mars 1994. M. et Mme X... ont formé opposition par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 décembre 1994. Devant le tribunal, la société CETELEM a exposé que la somme de 48.207,30 F réclamée à M. et Mme X..., correspondait au solde restant dû au titre d'un contrat de prêt qu'elle leur avait consenti le 22 juillet 1988, d'un montant de 130.000 F, remboursable en 48 échéances mensuelles de 3.645 F, incluant les intérêts au taux effectif global de 12,84 % l'an et l'assurance. Elle a sollicité la confirmation de l'ordonnance d'injonction de payer, ainsi que la condamnation de M. et Mme X... à lui payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. M. et Mme X... n'ont pas contesté devoir la somme réclamée, mais ont sollicité des délais de paiement, offrant de régler 3.000 F par mois. ils ont indiqué également qu'ils souhaitaient reprendre possession du véhicule financé par le prêt litigieux, saisi par le prêteur. Par jugement en date du 24 avril 1995, le tribunal d'instance de Antony a rendu la décision suivante: reprendre côte 2 de A à B Le 1er septembre 1995, la société CETELEM a interjeté appel. Elle fait grief au jugement déféré d'avoir déclaré recevable l'opposition formée le 13 décembre 1994, alors qu'elle a fait signifier aux époux X..., le 13 juin 1994, en vertu de l'ordonnance d'injonction de payer du 21 février 1994, un procès-verbal de saisie-vente, mesure d'exécution qui, par application des dispositions de l'article 107 du décret du 31 juillet 1992, a eu pour effet de rendre indisponibles en tout ou en partie les biens des débiteurs et qui a fait courir le délai d'un mois pour former opposition en vertu de l'article 1416 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile. A titre subsidiaire, les intimés ayant conclu à la forclusion de son action et contesté le quantum de la dette, elle fait valoir qu'ils ne l'ont pas fait en première instance; qu'aux termes mêmes de leurs écritures, ils reconnaissent avoir effectué différents règlements jusqu'au 27 octobre 1992, alors que l'ordonnance d'injonction de payer leur a été signifiée le 2 mars 1994, soit avant l'expiration du délai de forclusion; qu'elle-même a scrupuleusement comptabilisé les sommes réglées par les débiteurs, qui ne justifient pas des versements allégués à hauteur de 17.500 F; que par jugement du 21 octobre 1996, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris, saisi par les époux X... aux fins de voir limiter le quantum de leurs dettes et obtenir la restitution du véhicule, les a déboutés de leurs demandes aux motifs que la procédure de saisie avait été respectée, que les versements antérieurs avaient été pris en compte et que les débiteurs ne démontraient pas avoir respecté les délais de paiement accordés par le jugement du 24 avril 1995 (déféré à la Cour). Elle demande à la Cour de: reprendre côte 4 de C à D. En ce qui concerne la recevabilité de leur opposition, M. et Mme X... répliquent que suite au procès-verbal de saisie-vente du 13 juin 1994, il n'a pas été procédé à l'enlèvement des biens saisis, seule la voiture ROVER ayant fait l'objet d'un procès-verbal avec enlèvement le 1er décembre 1994; que le procès-verbal de saisie-vente du 13 juin 1994 n'a donc pas eu pour effet de rendre indisponibles les biens du débiteur. A titre subsidiaire, ils soutiennent que la société CETELEM est forclose en son action pour ne pas l'avoir engagée dans le délai de deux ans à compter de l'événement qui lui a donné naissance, car l'historique du compte révèle que les échéances n'ont plus été payées régulièrement à compter de novembre 1991. Ils concluent à l'irrégularité de la procédure de saisie-vente du véhicule au regard des dispositions des articles 170 à 177 du décret du 31 juillet 1992, pris en application de la loi du 9 juillet 1991, concernant les mesures d'exécution sur les véhicules à moteur. Enfin, ils contestent le quantum de la dette en soutenant avoir effectué des versements non comptabilisés pour un montant de 17.500 F. Ils demandent à la Cour de: - reprendre côte 8 de E à F L'ordonnance de clôture a été signée le 23 octobre 1997 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 28 novembre 1997. SUR CE, LA COUR: Sur la recevabilité de l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1416 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile, à défaut de signification de l'ordonnance à personne, l'opposition n'est recevable que jusqu'à l'expiration du délai d'un mois à compter du premier acte signifié à personne ou de la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles tout ou partie des biens du débiteur; considérant que la société CETELEM verse aux débats un procès-verbal de saisie-vente en date du 13 juin 1994, dressé en exécution de l'ordonnance d'injonction de payer litigieuse; que cet acte, dont la régularité n'est pas contestée par les intimés, rend les biens saisis indisponibles, (au contraire du commandement de payer qui l'a précédé), en vertu des articles 91 et 107 du décret du 31 juillet 1992 relatif aux procédures civiles d'exécution; que le fait que ce procès-verbal n'ait pas été suivi de la vente des biens saisis est sans incidence sur cette indisponibilité qui subsiste en ce cas jusqu'à la mainlevée de la saisie ou le règlement de la créance cause de la saisie; Considérant que par conséquent, le procès-verbal de saisie-vente du 13 juin 1994 constitue le point de départ du délai d'un mois prévu par l'article 1416 précité, lequel délai était expiré à la date à laquelle les intimés ont régularisé leur opposition; que celle-ci n'est donc pas recevable; Considérant que par conséquent, la Cour déclare irrecevable l'opposition formée par les époux X... à l'ordonnance d'injonction de payer du 21 février 1994; qu'elle infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions; qu'en application des dispositions de l'article 1422 du nouveau code de procédure civile, l'ordonnance d'injonction de payer du 21 février 1994 doit produire tous les effets d'un jugement contradictoire et peut donc être exécutée; que cette ordonnance n'étant pas susceptible d'appel, les autres moyens, fins et conclusions de même que les demandes des intimés, ne sont pas recevables; Sur l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile Considérant qu'il n'apparaît pas contraire à l'équité de laisser à la charge de la société CETELEM les frais irrépétibles de l'instance; que la Cour la déboute de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile; PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort: Déclare irrecevable l'opposition formée par les époux X... à l'ordonnance d'injonction de payer du 21 février 1994; Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions; Et statuant à nouveau: Dit que l'ordonnance d'injonction de payer du 21 février 1994 doit produire tous les effets d'un jugement contradictoire et peut donc être exécutée comme tel; Déclare irrecevables toutes les demandes de M. et Mme X...; Déboute la société CETELEM de sa demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; Condamne M. et Mme X... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Et ont signé le présent arrêt: Le Greffier, Le Président, Sylvie RENOULT Alban CHAIX SUR CE, LA COUR, PAR CES MOTIFS, LA COUR ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier, Le Président, Sylvie RENOULT Alban CHAIX | INJONCTION DE PAYER Il résulte des dispositions de l'article 1416 alinéa 2 du NCPC que lorsqu'une ordonnance d'injonction de payer n'a pu être signifiée à personne l'opposition est recevable " jusqu'à l'expiration du délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteurs ".Un procès-verbal de saisie-vente dressé en exécution d'une ordonnance d'injonction de payer, fut-elle non signifiée à personne, a pour effet, en application des l'articles 91 et 107 du 31 juillet 1992 relatif aux procédures civiles d'exécution, de rendre les biens saisis indisponibles.Cette indisponibilité subsiste jusqu'à la vente des biens saisis, et à défaut, jusqu'à la mainlevée de la saisie ou le règlement de la créance qui en était la cause.Une saisie-vente, même non suivie de vente, dès lors qu'elle constitue une mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponible tout ou partie des biens du débiteur, au sens de l'article 1416 alinéa 2 précité du NCPC, fait courir le délai d'opposition ouvert au débiteur, à compter de la date d'établissement du procès-verbal de saisie. |
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JURITEXT000006934518 | JAX1998X01XVEX0000008545 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934518.xml | Cour d'appel de Versailles, du 23 janvier 1998, 1995-8545 | 1998-01-23 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1995-8545 | VERSAILLES | Suivant offre préalable acceptée le 7 octobre 1992, la Société SOVAC a consenti à Monsieur Jean X... une ouverture de crédit permanent et reconstituable d'un montant maximum en capital de 20.000 Francs, remboursable en mensualités dépendant du capital utilisé et incluant les intérêts au taux effectif global variable de 18,45 % au jour de l'offre. Le 20 août 1994, la Société SOVAC a fait assigner respectivement Madame X... née Y... et Madame Z... née X..., en leur qualité d'ayants-droit de Monsieur Jean X... décédé le 5 février 1993, devant le Tribunal d'Instance de BOULOGNE BILLANCOURT, afin d'obtenir leur condamnation à lui payer, au titre des sommes dues en vertu du contrat du 7 octobre 1992, 26.588,77 Francs en principal, les intérêts contractuels à compter de l'assignation, ainsi que 2.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Le 8 novembre 1994, Madame X... née Y... et Madame Z... née X... ont fait assigner la Société ASSOCRED devant le même tribunal aux fins de garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre. Elles ont fait valoir que Monsieur X... avait adhéré à une assurance facultative qui devait prendre en charge ce sinistre. A l'audience du 6 avril 1995, la Société VIE PLUS est intervenue volontairement au lieu et place de la Société ASSOCRED qui n'est qu'un cabinet de courtage et qui a demandé sa mise hors de cause. La Société VIE PLUS s'est opposée à la demande de garantie de Mesdames X... et Z... au motif, qu'en raison de la fausse déclaration de Monsieur X... sur son état de santé lors de la souscription de l'assurance garantissant son décès, la garantie n'était pas acquise. Mesdames X... et Z... ont répliqué que la Société CAVIA a écrit le 16 juillet 1993 à leur conseil qu'il n'avait jamais été question de refuser cette prise ne charge. Par jugement en date du 11 mai 1995, le Tribunal d'Instance de BOULOGNE BILLANCOURT a rendu la décision suivante : - reçoit l'intervention volontaire de la SA VIE PLUS, - met hors de cause la SA ASSOCRED, - condamne Madame Madeleine X... et Madame Martine Z... au paiement à la Société SOVAC de la somme de 26.588,77 francs outre intérêts au taux de 18,45 % sur 20.162,94 francs à compter du 16 août 1994, déboute Madame X... et Madame Z... de leurs demandes formées à l'encontre de la SA VIE PLUS, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamne Madame Madeleine X... et Madame Martine Z... aux dépens. Le 26 septembre 1995, Madame X... née Y... et Madame Z... née X..., prises en leur qualité d'ayants-droit de Monsieur Jean X..., décédé le 5 février 1993, ont interjeté appel. Elles soutiennent que Monsieur X..., lorsqu'il a souscrit le 7 octobre 1992 l'assurance garantissant le paiement des sommes dues en vertu du contrat de prêt en cas de décès, a déclaré en toute bonne foi qu'il n'était pas atteint, à sa connaissance, ni d'infirmité, ni de maladie chronique ou à caractère évolutif et ne pas devoir subir prochainement d'intervention chirurgicale ; qu'en effet, il n'était pas alors au courant de la gravité de sa maladie qui devait causer son décès ; que ni la preuve de son intention de tromper ni celle de sa mauvaise foi, ne sont rapportées ; que la mauvaise foi est nécessaire pour qu'une réticence ou une fausse déclaration entraîne la nullité d'un contrat d'assurances. Elles rappellent les termes du courrier de la Société SOVAC du 16 juillet 1996, déjà invoqué en première instance. A titre subsidiaire, elles font valoir que la clause du contrat d'assurance obligeant Monsieur X... à faire une déclaration sur une éventuelle maladie s'analyse en une clause potestative ayant une cause illicite, puisqu'elle a pour but de faire échec à la législation sur le respect de la vie privée. Elles demandent à la Cour de : Vu l'article L.113-8 du Code des assurances, Vu la convention du 7 octobre 1992, - dire et juger que la SA VIE PLUS sera condamnée à relever et garantir les appelantes contre toute condamnation prononcée à leur encontre et de toutes conséquences éventuelles de l'action diligentée par la SOVAC, A titre subsidiaire, Vu l'article 1131 du Code civil, - constater la cause illicite de la clause imposant une déclaration quant à une éventuelle maladie du contrat d'assurance, - prononcer son annulation, - infirmer le jugement du 11 mai 1995 en toutes ses dispositions, - condamner les intimées à payer aux appelantes la somme de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner les intimés en tous les dépens de première instance et d'appel qui seront pour ceux-ci recouvrés par la SCP MERLE CARENA DORON, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Société SOVAC souligne que les appelantes ne remettent pas en cause , pas plus devant la cour que devant le tribunal, le montant de sa créance à leur encontre et qu'aucune demande n'est dirigée contre elle ; que par conséquent, son intimation est inutile. Elle demande à la Cour de : - déclarer irrecevable, en tous cas mal fondé l'appel interjeté par Madame X... née Y... et Mme Z... née X..., - les en débouter, - confirmer, par conséquent, le jugement entrepris en toutes ses dispositions, - condamner Madame X... née Y... et Madame Z... née X... à lui payer la somme de 8.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Madame X... née Y... et Madame Z... née X... en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Société VIE PLUS expose que lors de la conclusion d'un contrat d'assurance, il pèse sur chacun des contractants (assureur et assuré) une obligation d'informer; qu'en l'espèce, Monsieur X... a reconnu avoir reçu une notice détaillant les conditions d'application des garanties souscrites, parmi lesquelles la clause d'exclusion des risques afférents aux maladies connues de l'assuré antérieurement à son adhésion et non déclarées alors ; que cette clause a pour but d'attirer l'attention de l'assuré sur son obligation d'informer l'assureur sur ses antécédents médicaux ; que la nullité du contrat est encourue en cas d'omission intentionnelle par l'assuré d'antécédent médical ; que Monsieur X... a déclaré lors de la souscription du contrat d'assurance, "n'être atteint ni d'infirmité ni de maladie chronique ou à caractère évolutif et ne pas devoir subir prochainement d'intervention chirurgicale", alors qu'il était atteint de la maladie qui a causé son décès dès mars 1991 ; qu'au cours des années 1991 et 1992, il a été hospitalisé à plusieurs reprises ; qu'il lui appartenait d'informer son assureur de ces événements, afin qu'il puisse apprécier correctement le risque couvert ; que le secret médical invoqué par les appelantes pour expliquer que Monsieur X... ignorait la nature exacte de sa maladie, s'impose seulement au médecin et non au patient. Elle ajoute qu'en indiquant dans son courrier du 16 juillet 1993 que le dossier "a bien été pris en charge par la Compagnie d'assurance", la Société CAVIA s'est engagée hâtivement ; que seul l'assureur peut renoncer à se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie par une manifestation de volonté non équivoque. Enfin, sur la demande subsidiaire des appelantes, elle réplique que la clause qui oblige l'assuré lors de la souscription du contrat d'assurance à signaler toutes les maladies n'est pa illicite, une telle clause participant à la description du risque et, en conséquence, à la définition de la garantie à la charge de l'assureur ; que cette obligation d'information trouve sa source dans les dispositions légales, notamment celles de l'article L.113-2 du Code des assurances ; que la seule omission volontaire de la maladie à l'origine de diverses hospitalisations de Monsieur X... et qui devait causer son décès, établit l'existence d'une fausse déclaration. Elle demande à la Cour de : - déclarer recevable, mais mal fondé l'appel interjeté par Madame X... née Y... et Madame Z... née X..., - confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, - débouter Madame X... née Y... et Madame Z... née X... de toutes leurs demandes, fins et conclusions, - condamner Madame X... née Y... et Madame Z... née X... en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'ordonnance de clôture a été signée le 4 décembre 1997 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 9 décembre 1997. SUR CE, LA COUR, Considérant que les appelantes ne formulent aucun grief à l'encontre du jugement déféré en ce qu'il a porté condamnation à leur encontre de payer à la Société SOVAC la somme de 26.588,77 Francs outre les intérêts au taux de 18,45 % sur 20.162, 94 Francs à compter du 16 août 1994, puisque tous les moyens développés par elles sont relatifs au débouté de leur demande de garantie ; Considérant qu'en l'absence de moyen développé à l'encontre de ce chef du jugement, il y a lieu de le confirmer ; Considérant qu'aux termes de l'article L.113-2 du Code des assurances, l'assuré est obligé de "répondre aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge"; Considérant que les parties versent aux débats le contrat de crédit signé par Monsieur X... le 7 octobre 1997, sur lequel figure son adhésion à l'assurance facultative ; que Monsieur X... a signé la déclaration préimprimée rédigée en ces termes : "Je déclare être âgé de moins de 70 ans, jouir habituellement d'une bonne santé, ne pas être actuellement en arrêt de travail par suite de maladie ou d'accident, ne pas l'avoir été plus de 30 jours au cours des deux dernières années" ; que de plus, il y reconnaît "qu'une notice détaillant les conditions d'application des garanties lui a été remise en annexe de l'offre" ; Considérant que sur cette notice, qui figure parmi les pièces communiquées en première instance par la Société VIE PLUS, il est précisé que tous les risques sont couverts sauf, entre autres, les maladies connues de l'assuré, ou les accidents survenus antérieurement à l'adhésion sauf si l'assuré les a déclarés lors de son adhésion et si l'assureur n'a pas formulé de restriction de garantie à ce sujet ; Considérant que la Société VIE PLUS a également produit devant le tribunal le certificat médical établi le 20 mars 1993 à la demande de la Société SOVAC par le médecin ayant constaté le décès de Monsieur X..., le docteur A..., qui indique que la cause du décès est la maladie qui remonte à mars 1991 ; qu'il en résulte que Monsieur X... était atteint de la maladie (qui a causé sa mort), lors de la souscription du contrat d'assurance ; que c'est à juste titre que le premier juge a relevé que Monsieur X... avait alors connaissance de sa maladie, ayant déjà été hospitalisé ; qu'en effet, il ressort de la liste des hospitalisations du centre régional François Baclesse à ROUEN que Monsieur X... y a été hospitalisé 4 fois entre mars 1991 et octobre 1992, pour de courtes durées ; que dans ces conditions, Monsieur X... ne pouvait ignorer sa maladie, lorsqu'il a souscrit le contrat litigieux, même s'il ne savait pas, avec certitude, quelle en était la gravité et encore moins qu'elle serait cause de son décès, nul ne pouvant faire de prévision certaine en ce domaine ; qu'il ne pouvait manifestement pas affirmer qu'il jouissait habituellement d'une "bonne santé" ; Considérant que néanmoins, conformément aux dispositions de l'article L.113-2 précitées, l'assuré doit informer loyalement l'assureur de tous les aléas de santé, de façon que celui-ci puisse apprécier le risque et définir sa garantie ; que l'omission par l'assuré de déclarer sa maladie, prévue d'ailleurs expressément comme étant une cause d'exclusion de la garantie, constitue une fausse déclaration, sans qu'il soit besoin de prouver l'intention frauduleuse de l'assuré ; que par conséquent, en raison de la fausse déclaration de Monsieur X... sur son état de santé, la Société VIE PLUS est fondée à refuser sa garantie ; Considérant que la lettre du 16 juillet 1993, adressée par la Société CAVIA appartenant au groupe SOVAC, à l'avocat des appelantes, aux termes de laquelle le créancier confirme que le crédit a été pris en charge par la compagnie d'assurance, ne peut être opposée à celle-ci et valoir renonciation de sa part à se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie ; Considérant qu'il n'est pas porté atteinte au respect de la vie privée, lorsque dans des rapports contractuels privés, un assuré informe lui-même son assureur sur son état de santé qui rentre dans le champ du contrat aléatoire qu'il a librement souscrit ; que par conséquent, l'obligation qui pèse à cet égard sur l'assuré n'a pas une cause illicite ; que les appelantes ne sont donc pas fondées à en demander l'annulation ; Considérant que par conséquent, la Cour confirme en tous points le jugement déféré ; Considérant qu'il n'apparaît pas contraire à l'équité de laisser à la charge de la Société SOVAC les frais irrépétibles de la présente instance ; que la Cour la déboute de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : CONFIRME en son entier le jugement déféré ; ET Y AJOUTANT : DEBOUTE Madame X... née Y... et Madame Z... née X..., prises en leur qualité d'ayants-droit de Monsieur Jean X..., décédé le 5 février 1993, des fins de toutes leurs demandes ; DEBOUTE la Société SOVAC de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; CONDAMNE Madame X... née Y... et Madame Z... née X..., prises en leur qualité d'ayants-droit de Monsieur Jean X..., décédé le 5 février 1993, à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elles par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES et la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Et ont signé le présent arrêt : Le Greffier, Le Président, Sylvie RENOULT Alban CHAIX | ASSURANCE (règles générales) - Risque - Déclaration - Réticence ou fausse déclaration - Article L. 113-8 du Code des assurances - Influence sur l'opinion de l'assureur Il résulte des dispositions de l'article L. 113-2 du Code des assurances l'obligation pour l'assuré d'informer loyalement l'assureur de tous les aléas de sa santé de sorte que celui-ci puisse apprécier le risque et définir la garantie. L'omission de déclarer sa maladie, en l'espèce plusieurs hospitalisations connues du souscripteur au moment de la déclaration, constitue une fausse déclaration entraînant exclusion de garantie, et ce, indépendamment de toute preuve d'une intention frauduleuse de l'assuré, non exigée par ce texte |
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JURITEXT000006934519 | JAX1998X01XVEX0000008781 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934519.xml | Cour d'appel de Versailles, du 16 janvier 1998, 1995-8781 | 1998-01-16 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1995-8781 | VERSAILLES | En 1974, la S.A. CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL DE L'EUROPE (ci-après le C.M.C.E.) a conclu avec Monsieur X... et avec Monsieur Y..., médecins radiologues, des contrats d'exclusivité en vertu desquels ils ont, jusqu'en 1987, exercé leur art à la clinique sous la forme d'une société de fait. Par convention du 29 juillet 1987, dont un exemplaire a été déposé au cabinet de Maître Z..., conseil juridique, Monsieur Y... s'est engagé à céder à Monsieur A... : - la participation de 50 % dans le cabinet médical d'électro-radiologie, - cent parts d'intérêts de la S.C.M. du CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL DE L'EUROPE, - 4.207 actions de la S.A. CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL DE L'EUROPE, sous condition suspensive de l'agrément de Monsieur A... par la clinique. Le 10 septembre 1987, le Conseil d'Administration du C.M.C.E. adopta une délibération aux termes de laquelle " la cession du contrat d'exclusivité Y... au Docteur A... n'est acceptée que sous condition... si fin juin 1988, le Conseil ne pouvait confirmer son accord, il assurerait au Docteur A... le remboursement de sa mise de fonds, avec les intérêts financiers ad hoc si besoin, en attendant que le Docteur Y... trouve un deuxième candidat ". Monsieur A... a commencé à exercer son activité au sein de la clinique le 1er janvier 1988. A l'issue de la période probatoire expirant le 30 juin 1988, le C.M.C.E. n'a exprimé aucune opinion et Monsieur A... a poursuivi son activité. Le 05 octobre 1988, le Conseil d'Administration, faisant état de " critiques relatives au comportement du Docteur A... " déclara refuser de signer " le contrat d'exercice définitif " et proposa, à titre subsidiaire, une nouvelle période probatoire de six mois à Monsieur A.... Monsieur A... répondit qu'il s'estimait définitivement aux droits de Monsieur Y... depuis le 1er juillet 1988, date d'expiration du délai de six mois fixé par le C.M.C.E. ce que celui-ci contestait. En janvier 1989, le C.M.C.E. mettait en demeure Monsieur A... de cesser immédiatement son activité au sein de l'établissement et Monsieur X... mettait fin, sans préavis, à la société de fait avec Monsieur A.... Par deux décisions rendues en référé, un administrateur judiciaire a été désigné pour gérer la société de fait et le cabinet de radiologie et le C.M.C.E. a été condamné à payer à Monsieur A... une provision de 2.320.000 francs correspondant à sa mise de fonds. Monsieur A..., reprochant au C.M.C.E. et à Monsieur X... leur comportement fautif, les a fait assigner en paiement de dommages-intérêts. Par jugement du 04 septembre 1995, le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a : - constaté que le Docteur Y... a, le 07 janvier 1988, cédé au Docteur A... l'intégralité de ses droits sociaux dans la société de fait existant entre lui et le Docteur X... et ayant pour objet l'exploitation du cabinet de radiologie au sein du CENTRE MEDICO CHIRURGICAL DE L'EUROPE, - constaté que la cession du contrat d'exclusivité, conclu en 1974 entre le Docteur Y... et la S.A. " C.M.C.E ", a, sous réserve, été acceptée par le Conseil d'Administration de cette société, - constaté que, dans le délai imparti, la S.A. " C.M.C.E. " n'a pas fait connaître à X... A... qu'elle ne pouvait confirmer son accord, - constaté que le contrat d'exclusivité, liant la S.A. " C.M.C.E. " au Docteur A... a, à l'initiative de cette société, été rompu le 18 janvier 1989, - constaté que la S.A. " C.M.C.E. " ne peut exciper d'aucune faute grave à l'encontre du Docteur A..., - dit qu'aucun élément relevant du seul tort du Docteur A... n'est caractérisé par la S.A. " C.M.C.E. " à l'encontre de X... A..., - condamné la S.A. CENTRE MEDICO CHIRURGICAL DE L'EUROPE à payer à X... A..., en application de l'alinéa 2 du paragraphe B de l'article VIII du contrat d'exclusivité la somme de sept millions six cent trente trois mille neuf cent six francs) (7.633.906 francs), - constaté que la rupture, à l'initiative du Docteur X..., de l'association de fait existant entre lui et le Docteur A..., ne fut pas empreinte de bonne foi, - fixé à trois mois la durée du préavis qui aurait dû être respecté par le Docteur X..., - dit que cette durée de préavis sera prise en compte dans la liquidation des droits des deux praticiens dans la société de fait ayant existé entre eux, - dit n'y avoir lieu à solidarité entre la S.A. " C.M.C.E. " et Claude X... quant au paiement de l'indemnité de rupture mise à la charge de cette société en faveur de X... A..., - rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par la S.A. " C.M.C.E. ", - rejeté les demandes de X... A..., de la S.A. " C.M.C.E. " et de Claude X... fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - mis hors de cause le Docteur Y... et X... Z.... Le C.M.C.E. a interjeté appel de ce jugement. Il demande à la Cour de : - débouter Monsieur A... de toutes ses demandes, - recevoir le C.M.C.E. en ses demandes reconventionnelles, - constater la nullité d'ordre public de la société de fait constituée entre les Docteur Y... et X..., - subsidiairement, constater la nullité d'ordre public de la prétendue cession de droits sociaux en date du 07 janvier 1988 comportant en réalité une cession de clientèle médicale prohibée, - plus subsidiairement, constater l'inopposabilité à la clinique des droits résultant pour le Docteur Y... de son association de fait avec le Docteur X..., - plus subsidiairement encore, constater l'absence de cession au profit du Docteur A... du contrat intervenu entre le Docteur Y... et le C.M.C.E. et ainsi, en tout état de cause, que l'absence de signature d'un acte de cession conforme aux conditions posées par le C.M.C.E. quant à l'agrément futur du Docteur A..., - en déduire que celui-ci ne peut prétendre venir aux droits du Docteur Y..., ni solliciter le remboursement de sa mise de fonds, - constater que le Docteur A... ne peut prétendre bénéficier des dispositions de l'article VIII de la convention signée avec le Docteur Y..., - constater, en outre, que les stipulations certaines dans cet article VIII constituent une clause pénale manifestement excessive qu'il convient de réduire à de plus justes proportions et la fixer à un semestre d'exercice professionnel, - plus subsidiairement encore, constater l'absence de confirmation par la clinique, fin juin 1988, de son agrément, - dans ce cas, prononcer la résolution de l'engagement pris par le C.M.C.E. de rembourser au Docteur A... sa mise de fonds, en raison de graves fautes commises par lui dans l'exécution de ses obligations au cours de la période d'essai, - dire, en tout état de cause, que ce remboursement ne saurait s'étendre au coût de l'achat des actions de la S.A. faite par les Docteurs A... et Y... et préciser que l'engagement de remboursement du C.M.C.E. ne pourrait qu'être limité au paiement de la somme de 1.057.900 francs, - condamner, en conséquence, le Docteur A... à rembourser au C.M.C.E. la somme de 2.320.000 francs ou, à tout le moins, celle de 1.263.100 francs avec intérêts de droit à compter du jour de la demande, soit le 18 mai 1990, - ordonner la capitalisation des intérêts, - condamner le Docteur A... au paiement de la somme de 500.000 francs à titre de dommages-intérêts et d'une indemnité de 100.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Le C.M.C.E. fait valoir essentiellement que: - l'agrément du Docteur A... nécessitait une confirmation expresse et ne peut résulter de la seule abstention du C.M.C.E. à l'expiration de la période probatoire, - la société de fait est atteinte d'une nullité d'ordre public de même que la cession d'une clientèle médicale, - la société de fait n'a jamais été titulaire d'un contrat d'exclusivité, car ces contrats ont été souscrits par ses membres, à titre personnel, - la cession du contrat n'a jamais eu lieu faute d'agrément par le C.M.C.E., - Monsieur A... a reconnu lui-même dans ses écritures que l'agrément ne lui avait pas été donné, - Monsieur A... ne peut prétendre obtenir une indemnité égale à trois annuités puisqu'il n'a pas travaillé au sein de la clinique pendant une période équivalente, - Monsieur A... a commis des fautes graves attestées par divers documents. Monsieur A... conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a mis hors de cause Messieurs Y... et Z... Il forme un appel incident de ce chef pour que, si la Cour annule les conventions de cessions des droits sociaux et d'exclusivité, elle condamne Monsieur Y... à lui rembourser la somme de 1.056.900 francs, outre celle de 1.119.281,20 francs représentant le montant des prêts consentis à Monsieur Y... auquel Monsieur A... s'est substitué, soit un total de 2.176.181,20 francs avec intérêts légaux à compter du 1er janvier 1988. Dans cette hypothèse, également, il demande la condamnation de Monsieur Z..., conseil juridique, à lui payer la somme de 7.701.361,20 francs, montant de l'indemnité compensatrice de la rupture. Il sollicite, en tout état de cause, le paiement d'une indemnité de 50.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Il fait sienne la motivation retenue par le Tribunal et insiste sur le fait que le C.M.C.E. ne pouvait revenir sur son acceptation qu'en manifestant expressément sa volonté dans le délai probatoire, et que les membres du conseil d'administration n'ont pas protesté contre l'organisation d'un cocktail par le Docteur A..., le 29 septembre 1988, à l'occasion de son installation. Il soutient encore que les fautes qui lui sont reprochées ne sont pas établies. Il reproche à Monsieur X... d'avoir dissous abusivement et unilatéralement la société de fait existant entre eux, alors que son inactivité au sein du cabinet de radiologie lui a été imposée. Monsieur X... forme un appel incident pour voir : - dire que c'est à bon droit et de bonne foi qu'ils a mis fin à la société de fait qui existait entre Monsieur A... et lui-même, - dire qu'il était en droit de mettre fin sans préavis à la société de fait dont la date effective de dissolution sera fixée au 23 janvier 1989, - subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a fixé à trois mois le délai de préavis, - dire que les frais de l'administration judiciaire confiée à Maître PISAN en février 1989 seront partagés par parts égales entre Messieurs A... et X..., de même que tous les autres frais et honoraires de liquidation, - dire que Monsieur X... est étranger à la contestation existant entre Monsieur A... et le C.M.C.E. à propos de la convention d'exclusivité dont était titulaire le Docteur Y..., - débouter le Docteur A... de toutes ses demandes, notamment celle de la condamnation solidaire de Monsieur X..., - condamner Monsieur A... à lui payer une indemnité de 40.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Il expose que l'affectio societatis avait disparu et que Monsieur A... n'avait plus d'activité professionnelle, ce qui rendait impossible le maintien de la société de fait. Messieurs Y... et Z... concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il les a mis hors de cause et sollicitent le paiement d'une indemnité de 10.000 francs chacun par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. MOTIFS DE L'ARRET - Sur la nullité de la société de fait : Attendu que le C.M.C.E. soulève la nullité de la société de fait ayant existé entre les Docteurs Y... et X... ; Mais attendu que le Tribunal a relevé à juste titre que le C.M.C.E. n'était pas partie aux conventions FAIVRE-GORIN et ne pouvait de ce fait se prévaloir d'une éventuelle nullité de la société de fait; Que de plus, le C.M.C.E. a souscrit un contrat de co-exclusivité avec chacun des médecins radiologues et n'est pas lié avec la société de fait qu'ils ont constituée entre eux ; Qu'il importe peu dès lors que les Docteurs Y... et X... aient exercé leur activité en association de fait, dans la mesure où chacun d'eux est titulaire d'un contrat d'exclusivité qu'il peut céder, sous réserve de l'agrément du cessionnaire par le C.M.C.E.; Attendu que la validité ou la nullité de la société de fait FAIVRE-MICHEL est sans incidence sur la solution du litige, étant observé que cette société a fonctionné depuis 1974 sans aucune critique de la part du C.M.C.E. et que le Docteur X... exerce actuellement son art en association de fait avec deux autres médecins sans que cela ne gêne particulièrement le C.M.C.E. ; Que le moyen tiré de la nullité de la société de fait sera écarté ; - Sur la nullité de la cession des droits sociaux FAIVRE-GORIN : Attendu que le C.M.C.E. soutient que, en fait, Monsieur Y... a cédé sa clientèle médicale à Monsieur A..., ce qui est prohibé par la loi ; Mais attendu que Monsieur Y... a cédé à Monsieur A... ses parts dans la S.A. et dans la S.C.M. C.M.C.E. et son contrat d'exclusivité le liant au C.M.C.E. ; Que ce faisant, il n'a fait qu'user de son droit de présentation tel que prévu à l'article 8 du contrat souscrit le 21 décembre 1974 ; Attendu que l'exclusivité de l'activité de radiologie au sein de la clinique a une valeur patrimoniale indépendante de la clientèle et peut être cédée ; Que la nullité de cette cession n'est pas encourue ; - Sur l'inopposabilité des droits du Docteur A... dans la société de fait : Attendu que l'article 15 du contrat d'exclusivité prévoit que les praticiens peuvent constituer entre eux toutes associations ou sociétés de leur choix mais que ces associations ou sociétés ne seront jamais considérées de plein droit comme partie au contrat ; Attendu que le présent litige oppose Monsieur A... au C.M.C.E. ; Que les relations entre Monsieur A... et Monsieur X... au sein de la société de fait ayant existé entre eux ne concernent pas le C.M.C.E. auquel il n'est rien demandé à ce titre ; Qu'il n'est pas discuté que c'est le praticien et non la société de fait qui est titulaire du contrat d'exclusivité ; Que dès lors, le seul problème est de savoir si un tel contrat a été souscrit entre Monsieur A... et le C.M.C.E. et dans l'affirmative qui est responsable de sa rupture ; - Sur la cession du contrat : Attendu que l'article 8 du contrat d'exclusivité dont bénéficiait Monsieur Y... dispose que le praticien peut résilier le contrat à tout moment moyennant un préavis de six mois et devra présenter un candidat qualifié qui sera agréé par la clinique dans un délai de six mois ; Que la clinique peut refuser son agrément ; Attendu qu'usant de son droit, Monsieur Y... a présenté au C.M.C.E. un successeur en la personne du Docteur A... ; Attendu que le Conseil d'Administration du C.M.C.E. réuni le 10 septembre 1987 a décidé que : " Le contrat d'exclusivité Y... au Docteur A... n'est accepté par le Conseil que sous condition. Un délai de six mois à partir du 1er janvier 1988 est demandé par le Conseil pour juger si le Docteur A... a bien les compétences et les qualités humaines nécessaires pour donner au service radio l'efficacité souhaitée par tous. Si fin juin 1988, le Conseil ne pouvait confirmer son accord, il assurerait au Docteur A... le remboursement de sa mise de fonds, avec les intérêts financiers ad hoc si besoin, en attendant que le Docteur Y... trouve un autre candidat " ; Attendu que le 18 novembre 1987, Monsieur B..., secrétaire du Conseil d'Administration du C.M.C.E., certifiait que le Conseil avait accepté la cession du contrat d'exercice de la radiologie par le Docteur Y... au Docteur A..., sous condition d'acceptation par le Docteur A... d'une période d'essai de six mois à partir du 1er janvier 1988 ; Qu'il précisait que si fin juin 1988, le Conseil ne pouvait confirmer son accord -pour des raisons d'incompatibilité mises en évidence au cours de cette période- le Conseil assurerait au Docteur A... le remboursement de sa mise de fonds, avec intérêts financiers ad hoc ; Attendu que la clinique soutient qu'elle n'a jamais confirmé expressément son accord et que donc elle n'a pas accepté la cession du contrat, tandis que Monsieur A... prétend que le silence de la clinique, fin juin 1988, vaut acceptation ; Attendu d'abord que contrairement à ce que soutient le C.M.C.E., il n'y a jamais eu d'aveu judiciaire de la part de Monsieur A... sur l'absence de confirmation de l'agrément par le C.M.C.E. ; Qu'en effet, la lecture de l'ordonnance du 22 juin 1989 et de l'arrêt du 30 novembre 1989 montre que Monsieur A... demandait aux juridictions saisies de constater la rupture unilatérale par le C.M.C.E. de ses engagements envers Monsieur A... et le paiement d'une provision à valoir sur la réparation de son préjudice ; Que la Cour, statuant en référé, a dit qu'il ne lui appartenait pas de dire si une convention est ou non devenue définitive et si elle a ou non été rompue abusivement ; Que par contre, elle a constaté que le C.M.C.E., qui refusait son agrément, s'était engagé dans ce cas, à restituer au Docteur A... sa mise de fonds et a condamné le C.M.C.E., à titre provisionnel, à restituer cette somme ; Qu'en ne formant pas de pourvoi en cassation contre cet arrêt qui, en référé, lui donnait partiellement satisfaction en lui allouant une partie de la provision sollicitée, Monsieur A... n'a pas acquiescé à la motivation de l'arrêt, ni reconnu que le C.M.C.E. n'avait pas donné son agrément définitif ; Que Monsieur A... est recevable à reprendre le moyen tiré du caractère définitif de la cession ; Attendu que le Conseil d'Administration du 10 septembre 1987 a accepté la cession du contrat au Docteur A... sous la condition d'une période probatoire de six mois lui permettant d'apprécier les qualités professionnelles et humaines de Monsieur A... ; Que le principe de l'accord ayant été donné, il appartenait au C.M.C.E. de refuser de confirmer son accord à l'expiration de la période probatoire, soit au 30 juin 1988, alors surtout que l'accomplissement de la condition ne résultait pas d'un fait objectif extérieur aux parties mais d'une décision du C.M.C.E. ; Attendu que le C.M.C.E. n'a manifesté aucune opinion après le 1er juillet 1988 mais a laissé le Docteur A... exercer son activité dans le service de radiologie et n'a émis aucune réserve quant à l'organisation, fin septembre 1988, d'un cocktail à l'occasion du départ du Docteur Y... et de l'arrivée du Docteur A... ; Que ce n'est que le 05 octobre 1988 que le Conseil d'Administration a refusé d'agréer Monsieur A... ; Attendu qu'à cette date, la période probatoire était expirée depuis plus de trois mois ; Que l'acceptation de la cession du contrat d'exclusivité étant acquise au 1er juillet 1988, à défaut de remise en cause de l'accord de principe à l'issue de la période probatoire, le C.M.C.E. ne pouvait revenir sur son agrément ; Que c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que la cession du contrat était définitive ; - Sur la rupture du contrat : Attendu que le C.M.C.E. a rompu le contrat le 18 janvier 1989 en interdisant au Docteur A... d'exercer son art au sein du service de radiologie ; Attendu que l'article VIII B du contrat dispose que : " Si la rupture du contrat provient du chef de la clinique, celle-ci s'engage, après préavis de six mois, ...à prendre en considération les deux cas suivants : - si la rupture est provoquée par une faute grave, c'est-à-dire sanctionnée par le Conseil de l'Ordre par un arrêt d'exercer supérieur à six mois, ou à la suite d'incidents inhabituels préjudiciables au malade et à la bonne réputation de la clinique et reconnue telle par décision des Tribunaux et au seul tort du praticien, la clinique versera le montant du compte-courant au praticien et fera son affaire de son remplacement sans indemnité à la charge de la clinique, - si cette rupture est provoquée par toute autre cause, la clinique versera au praticien : . le montant du compte-courant . une indemnité de rupture, soit trois annuités calculées sur la moyenne des sommes perçues par le docteur au cours des trois dernières années d'exercice " ; Attendu qu'il appartient à la clinique qui a pris l'initiative de la rupture de rapporter la preuve de la faute grave commise par Monsieur A... ; Que la gravité de cette faute doit être telle qu'elle aurait entraîné le prononcé par le Conseil de l'Ordre d'une interdiction d'exercer pendant au moins six mois ; Attendu d'abord que tous les faits qui sont rapportés et qui sont postérieurs à la rupture ne peuvent être pris en compte ; Que tel est le cas notamment de la lettre du Président du Conseil de l'Ordre des Médecins ; Attendu ensuite que le fait d'avoir signé un contrat définitif avec le Docteur Y..., sans attendre l'expiration de la période d'essai, ne constitue pas une faute à l'égard du C.M.C.E. qui n'était pas partie au contrat ; Attendu encore que si plusieurs médecins se sont plaints des prestations fournies par Monsieur A..., les griefs reprochés à celui-ci sont ponctuels et ne sont pas d'une gravité telle qu'ils ont porté atteinte à la réputation de la clinique ou ont été préjudiciables aux malades ; Attendu, en outre, que les attestations, versées aux débats, démontrent que la mauvaise ambiance existant à l'intérieur du service de radiologie n'est pas le fait du seul Docteur A..., mais que le Docteur X... est également responsable de l'incohérence dans la gestion du service ; Que le départ de certains salariés n'est pas seulement imputable à la présence de Monsieur A..., mais au fait que la gestion du cabinet de radiologie, jusqu'alors exercée par le Docteur Y... à la satisfaction générale, n'a pas été correctement poursuivie par Messieurs A... et X... ; Que si un dysfonctionnement est apparu, il n'est pas le résultat des seuls torts de Monsieur A...; Attendu, enfin, sur la fixation des honoraires, que le Docteur A... a expliqué que, d'une part, ces titres universitaires lui permettaient d'appliquer des honoraires supérieurs à ceux de ses confrères, d'autre part, que, même pour des examens pratiqués par le Docteur X..., celui-ci l'avait consulté pour en analyser les résultats et avait accepté qu'une rémunération lui soit octroyée de ce fait ; Attendu que ces explications sont pertinentes et n'ont pas été contredites par le C.M.C.E. et le Docteur X... ; Qu'ainsi, s'il est certain que pour des raisons personnelles les relations professionnelles entre le Docteur A... et ses confrères ont été mauvaises, les incidents rapportés ne sont pas constitutifs d'une faute grave imputable à Monsieur A... seul ; Que dès lors, Monsieur A... est en droit d'obtenir le paiement d'une indemnité de rupture ; - Sur le montant de l'indemnité : Attendu qu'en application de l'article VIII alinéa 2, paragraphe B du contrat, le C.M.C.E. doit verser au praticien une indemnité de rupture égale à trois annuités calculées sur la moyenne des sommes perçues par le docteur au cours des trois dernières années d'exercice ; Attendu que pour calculer la somme revenant à ce titre à Monsieur A..., le Tribunal a pris en considération le chiffre d'affaires réalisé par le cabinet de radiologie en 1986, 1987 et 1988, puis l'a divisé par deux ; Mais attendu qu'aux termes du contrat doivent seules être prises en compte les sommes perçues par le médecin au cours des trois dernières années d'exercice; Attendu que le Docteur A... n'a travaillé au sein du C.M.C.E. qu'en 1988 et n'a perçu de revenus qu'au cours de cette année-là ; Que ne peuvent donc être prises en compte les sommes perçues en 1986 et 1987 par le Docteur Y...; Attendu qu'au cours des trois dernières années d'exercice, Monsieur A... a perçu zéro franc en 1986, zéro franc en 1987 et 5.720.198 en 1988, soit une moyenne annuelle de 953.366,33 francs ; 2 Que trois annuités correspondent à 2.860.089,90 francs ; Que l'indemnité qui lui est due, après une seule année d'activité, doit être fixée à cette somme; Attendu, en outre, que si Que l'indemnité qui lui est due, après une seule année d'activité, doit être fixée à cette somme; Attendu, en outre, que si le C.M.C.E. doit rembourser à Monsieur A... la mise de fonds qu'il a faite en pure perte, ce remboursement ne saurait concerner la valeur des actions de la société anonyme du C.M.C.E. que Monsieur A... a légitimement acquise et qu'il peut conserver ou revendre s'il le désire ; Qu'en référé, le C.M.C.E. a été condamné à payer la somme de 1.262.100 francs à ce titre ; Que Monsieur A... doit être condamné au remboursement de cette somme qui se compensera avec l'indemnité qui lui est due ; Attendu que le C.M.C.E., qui succombe pour l'essentiel de sa demande, ne peut prétendre à des dommages-intérêts ou à une indemnité fondée sur l'article 700 ; Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur A... les frais irrépétibles qu'il a exposés en cause d'appel à hauteur de 30.000 francs ; - Sur l'action dirigée contre Messieurs Y... et Z...: Attendu que la demande de condamnation de Messieurs Y... et Z... n'a été formulée qu'à titre subsidiaire par Monsieur A... au cas où les conventions de cession de droits sociaux et d'exclusivité seraient annulées par la Cour ; Attendu que cette hypothèse ne s'étant pas réalisée, la demande de Monsieur A... dirigée contre Messieurs Y... et Z... est sans objet ; Attendu que Messieurs Y... et Z... ont été intimés par le C.M.C.E. alors qu'ils avaient été mis hors de cause par le Tribunal et que le C.M.C.E. ne formulait aucune demande contre eux ; Attendu que le C.M.C.E. aurait pu laisser à Monsieur A... le soin de faire un appel provoqué contre eux, s'il l'estimait utile; Que le C.M.C.E. sera condamné à payer à Messieurs Y... et Z... une indemnité de 8.000 francs chacun au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - Sur les relations contractuelles GORIN-MICHEL : Attendu que, dans le dispositif de ses conclusions, Monsieur A... demande à la Cour de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a mis hors de cause Monsieur Y... et Monsieur Z... ; Que le Tribunal avait " dit n'y avoir lieu à solidarité entre la S.A. C.M.C.E. et Claude X... quant au paiement de l'indemnité de rupture mise à la charge de cette société en faveur de X... A... " ; Qu'en concluant à la confirmation du jugement, Monsieur A... renonce à sa demande de condamnation solidaire contre Monsieur X... ; Que la Cour en prend acte ; Attendu certes que dans les motifs de ses conclusions, Monsieur A... avait repris sa demande de condamnation de Monsieur X... ; Qu'à supposer que cette demande doive être prise en considération, il n'est pas établi que Monsieur X... soit intervenu dans la rupture du contrat liant Monsieur A... à la C.M.C.E. ; Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a refusé de condamner Monsieur X... solidairement avec le C.M.C.E. ; Attendu sur la responsabilité de la rupture de l'association de fait ayant existé entre Monsieur A... et Monsieur X... que les éléments des débats analysés ci-dessus et par le Tribunal montrent que celle-ci était inéluctable ; Qu'il convient donc seulement d'apprécier si en mettant fin à l'association le 23 janvier 1989, Monsieur X... a agi de façon prématurée et donc abusive ; Attendu qu'au mois de janvier 1989, le fonctionnement du service de radiologie présentait des dysfonctionnements graves tant du fait de Monsieur A... qui n'avait plus de clients personnels, et qui, selon des témoins, avait une attitude déplaisante au sein du service, que de Monsieur X... dont l'inorganisation et l'absence de prise de décision ont été mises en exergue par d'autres témoins ; Qu'ainsi, constatant que toute affectio societatis avait disparu entre les associés, c'est à juste titre que Monsieur X... a pris l'initiative de la rupture, sans qu'il puisse lui être reproché d'avoir agi de mauvaise foi ; Que, par contre, en l'absence d'urgence, il aurait dû respecter un préavis que le Tribunal a justement fixé à trois mois ; Que le jugement sera confirmé de ce chef ; Attendu que la rupture de la société de fait n'ayant pas été abusive et l'administration judiciaire ayant été ordonnée dans l'intérêt des deux associés, les frais correspondant à cette administration et les frais de liquidation seront supportés par moitié, étant précisé que les décisions rendues en référé n'ont pas autorité de la chose jugée au fond ; Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 au bénéfice de Monsieur X... ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la S.A. C.M.C.E. à payer à X... A... la somme de 7.633.906 francs et en ce qu'il a constaté que la rupture, à l'initiative du Docteur X... de l'association de fait existant entre lui et le Docteur A..., ne fut pas emprunte de bonne foi, L'infirme sur ces deux chefs et statuant à nouveau, Condamne la S.A. CENTRE MEDICO CHIRURGICAL DE L'EUROPE à payer à Monsieur A... la somme de 2.860.089,90 francs à titre d'indemnité de rupture, Condamne Monsieur A... à restituer à la S.A. C.M.C.E. la somme de 1.262.100 francs, correspondant à la valeur des actions qu'il possède, Ordonne la compensation entre ces deux créances, Dit que les frais de l'administration judiciaire confiée à Maître PISAN en février 1989 seront partagés par parts égales entre Messieurs A... et X..., de même que tous les frais et honoraires de liquidation, Condamne la S.A. C.M.C.E. à payer à Monsieur A... une indemnité de 30.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à Messieurs Y... et Z... une indemnité de 8.000 francs chacun sur le même fondement, Déboute les parties du surplus de leur demande, Condamne la S.A. C.M.C.E. aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP LEFEVRE-TARDY, la SCP MERLE DORON CARENA et la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, Avoués, selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Arrêt prononcé par Monsieur FALCONE, Président, Assisté de Monsieur C..., Greffier Divisionnaire, Et ont signé le présent arrêt, Monsieur FALCONE, Président, Monsieur C..., Greffier Divisionnaire. | PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin - Contrat avec une clinique - Clause d'exclusivité Lorsque la cession d'un contrat d'exclusivité par son bénéficiaire, contractuellement soumise à l'agrément du concédant, est acceptée par celui-ci sous condition suspensive d'un délai probatoire de six mois permettant d'apprécier les qualités professionnelles et humaines du cessionnaire, il appartient au concédant de refuser de confirmer son agrément à l'expiration du délai précité, à défaut la cession du contrat devient définitive à compter de la date d'expiration |
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JURITEXT000006934520 | JAX1998X01XVEX0000008797 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934520.xml | Cour d'appel de Versailles, du 15 janvier 1998, 1994-8797 | 1998-01-15 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1994-8797 | VERSAILLES | Président : Mme Mazars | Ayant constaté qu'une statue d'Aristide MAILLOL figurait dans un film publicitaire pour une automobile CITROEN, la SOCIETE DES AUTEURS DES ARTS VISUELS (dite SPADEM) a adressé le 15 décembre 1991 à la société MOVIE BOX, réalisateur du film, une facture de droits de représentation d'un montant de 159.750 francs. Les mises en demeure étant demeurées vaines, la SPADEM a assigné la société MOVIE BOX en paiement de cette somme avec intérêts au taux légal, ainsi que d'une somme de 20.000 francs de dommages-intérêts pour résistance abusive et d'une indemnité de 8.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. Par jugement rendu contradictoirement le 5 octobre 1994, le tribunal de grande instance de NANTERRE a condamné la société MOVIE BOX à payer à la SPADEM la somme de 100.000 francs en réparation de son préjudice ainsi qu'une somme de 8.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. La société MOVIE BOX, appelante, soutient à titre principal que la preuve n'est pas rapportée que la statue apparaissant dans son film publicitaire est une oeuvre de MAILLOL. Elle souligne qu'il a d'abord été prétendu que l'oeuvre représentée était "LA MEDITERRANEE", et ensuite qu'il s'agissait de "LA MONTAGNE". Elle conclut à titre principal à l'infirmation du jugement déféré et au débouté de la SPADEM en toutes ses prétentions. Elle demande à la Cour, pour le cas où après avoir visionné le film, elle considérerait qu'il y a représentation d'une oeuvre de MAILLOL, de réformer le jugement sur le montant du préjudice et de le réduire à un franc symbolique, en considérant que la statue n'est pas un élément déterminant du film et qu'elle n'y apparait que pendant 7,9 secondes sur 30. Elle sollicite également la condamnation de la SPADEM au paiement d'une somme de 7.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. La société SPADEM, intimée, a conclu à la confirmation du jugement et, formant appel incident, a demandé que les dommages-intérêts soient portés à la somme de 159.000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 1994, date de l'assignation, et qu'une indemnité de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile lui soit allouée. Elle a répliqué que si les deux statues, "LA MEDITERRANEE", et "LA MONTAGNE", sont très ressemblantes, on peut aisément reconnaître la statue "LA MONTAGNE" sur le film publicitaire réalisé par la société MOVIE BOX. Elle a fait valoir qu'elle était fondée à réclamer la somme de 159.000 francs calculée en fonction du barème de reproduction et de représentation en vigueur à l'époque de la diffusion du film et qu'il serait inique qu'aux termes d'une longue procédure la société MOVIE BOX soit condamnée au paiement d'une somme inférieure à celle qu'elle aurait dû verser si elle avait sollicité l'autorisation de représenter l'oeuvre. La SPADEM a été mise en redressement judiciaire par jugement du 26 janvier 1996, puis en liquidation judiciaire par jugement du 14 mai 1996. Maître X..., administrateur judiciaire, et Maître Y..., représentant des créanciers, puis mandataire liquidateur, sont intervenus volontairement et ont repris les actes précédemment régularisés par la SPADEM. Cependant, en considération de l'interdiction faite à la SPADEM par le tribunal de commerce de poursuivre ses activités, la procédure a été reprise par tous les ayants droit d'Aristide MAILLOL, cités ci-dessus, qui demandent à la Cour de leur accorder le bénéfice de tous les actes et écritures régularisés au nom et dans l'intérêt de la SPADEM. SUR CE, Considérant qu'il y a lieu de constater la mise en liquidation judiciaire de la SPADEM et, compte tenu de l'interdiction qui lui est faite de poursuivre ses activités, de recevoir les ayants droit d'Aristide MAILLOL en leur intervention devant la Cour et de mettre hors de cause, la SPADEM, Maître X... et Maître Y..., ès-qualités d'administrateur, de représentant des créanciers et de mandataire-liquidateur de cette société d'auteurs ; SUR LA REPRESENTATION ILLICITE DE L'OEUVRE, Considérant que comme le tribunal (jugement page 3), la Cour, en visionnant le film réalisé par la société MOVIE BOX pour la promotion du véhicule AX CITROEN, constate que le véhicule circule sur un décor stylisé où apparaît une statue de MAILLOL, laquelle, au vu du catalogue versé aux débats est bien identifiable ; qu'il s'agit incontestablement de l'oeuvre "LA MONTAGNE" 1937 - Plomb 165 x 185 cm - Etat français au Jardin des Tuileries - PARIS - collection nationale" ; Considérant qu'il est constant que la société MOVIE BOX, laquelle a utilisé pour la création du décor où évolue le véhicule dont elle fait la promotion, l'image de la sculpture "LA MONTAGNE" d'Aristide MAILLOL, n'a pas sollicité l'autorisation préalable à la représentation de cette oeuvre auprès de la SPADEM, étant relevé que les héritiers d'Aristide MAILLOL avaient adhéré à cette société d'auteurs en apportant leur droit d'autoriser ou d'interdire la représentation ou la reproduction des oeuvres de l'artiste et de gérer leur droit à percevoir toute redevance ou rémunération ; Considérant que la représentation ou la reproduction intégrale ou partielle d'une oeuvre, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit, est illicite ; Considérant qu'en l'espèce, la séquence n'a pas été tournée en décor naturel, ce qui justifierait une apparition fugace de la sculpture, placée dans le Jardin des Tuileries, totalement accessoire au sujet traité ; Qu'au contraire l'oeuvre de MAILLOL, filmée intégralement, avec un mouvement de zoom, est utilisée comme élément du décor, pour évoquer, avec la Tour Eiffel, la Ville de PARIS où circule le véhicule dans le film intitulé "TOUT EST PERMIS" ; Que cette utilisation de la sculpture, sans autorisation préalable de la SPADEM, constitue une représentation illicite de l'oeuvre du sculpteur ; SUR LE PREJUDICE, Considérant que le préjudice résultant de cette représentation illicite est, comme l'ont exactement caractérisé les premiers juges, équivalent à la perte des droits de reproduction qui auraient été perçus si l'autorisation avait été sollicitée et obtenue ; Que comme le soutiennent à juste titre les ayants droit de l'artiste, le montant de l'indemnisation ne saurait être réduit au motif que l'apparition de la sculpture est fugace ; que l'oeuvre a été utilisée dans un film publicitaire diffusé à 134 reprises à la télévision entre le 23 septembre et le 6 octobre 1991 et que le calcul opéré par la SPADEM, en fonction du barème en vigueur à l'époque de la représentation illicite, prend en considération la durée exacte de l'utilisation de l'oeuvre pendant la campagne de publicité ; Considérant que dans ces conditions, il y a lieu d'allouer, en réparation de l'entier préjudice causé par la représentation illicite de l'oeuvre, la somme de 159.000 francs ainsi que les intérêts de droit sur cette somme à compter de l'assignation qui compenseront le refus abusif de la société MOVIE BOX de s'acquitter de l'obligation de rémunérer l'utilisation de l'oeuvre, malgré les réclamations de la SPADEM ; Considérant que succombant en son appel, la société MOVIE BOX sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ; Considérant qu'il est équitable d'allouer aux consorts Z..., A... et autres la somme de 8.000 francs en indemnisation des frais non taxables exposés devant la Cour ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONSTATE la mise en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire de la SPADEM ; DONNE ACTE aux consorts Z..., A... et autres, ayants droit d'Aristide MAILLOL, de leur intervention et de leur reprise d'instance aux lieu et place de la SPADEM ; REFORME partiellement le jugement sur le quantum des dommages-intérêts ; STATUANT A NOUVEAU, CONDAMNE la société MOVIE BOX à payer aux consorts Z..., A... et autres la somme de CENT CINQUANTE NEUF MILLE FRANCS (159.000 francs) avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 1994 à titre de dommages-intérêts ; CONFIRME pour le surplus en toutes ses dispositions, y compris sur les dépens, la décision déférée ; Y AJOUTANT, CONDAMNE en outre la société MOVIE BOX à payer aux consorts Z..., A... et autres la somme de HUIT MILLE FRANCS (8.000 francs) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ; CONDAMNE la société MOVIE BOX aux dépens d'appel lesquels pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile. | PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits patrimoniaux - Droit de représentation - Atteinte La représentation ou la reproduction intégrale ou partielle d'une oeuvre, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droits, est illicite. La séquence d'un film publicitaire dans laquelle une sculpture est filmée intégralement, avec un mouvement de zoom, pour servir d'élément à un décor, constitue une reproduction de l'oeuvre. A défaut d'autorisation préalable, délivrée par les ayants droit ou leur représentant, la représentation de l'oeuvre est illicite et ouvre droit à indemnisation du préjudice à concurrence de la perte des droits de reproduction qui auraient été perçus si l'autorisation avait été sollicitée et obtenue |
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JURITEXT000006934521 | JAX1998X01XVEX0000008897 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934521.xml | Cour d'appel de Versailles, du 30 janvier 1998, 1996-8897 | 1998-01-30 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1996-8897 | VERSAILLES | Suivant acte sous seing privé en date du 23 octobre 1990, Monsieur et Madame X... ont donné à bail à Monsieur et Madame Y... Z... A... un appartement à usage d'habitation situé ... à la CELLE SAINT CLOUD moyennant un loyer mensuel de 4.295 francs. Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 octobre 1994, Monsieur Y... a donné congé aux époux X... pour le 7 novembre 1994 en raison de difficultés économiques rencontrées par l'entreprise qu'il exploite. Malgré l'opposition des époux X..., Monsieur et Madame Y... leur ont remis les clefs de l'appartement par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 novembre 1994. Le 21 décembre 1994, les portes de l'appartement ont été ouvertes et un état des lieux non contradictoire a été établi par constat d'huissier laissant apparaître de nombreuses dégradations. Suivant acte d'huissier en date du 2 novembre 1994, Monsieur et Madame X... ont assigné Monsieur et Madame Y... Z... devant le Tribunal d'Instance de SAINT GERMAIN EN LAYE aux fins de les voir condamner conjointement au paiement des sommes suivante : * 15.311,17 francs à titre d'arriéré de loyer et d'indemnités d'occupation, * 86.762,85 francs à titre de remboursement de travaux de réfection de l'appartement, * 30.777 francs à titre d'indemnité pour l'impossibilité de louer, * 20.000 francs à titre de dommages et intérêts, * 5.000 francs pour frais de procédure. Par jugement en date du 30 mai 1996, le Tribunal d'Instance de SAINT GERMAIN EN LAYE s'est déclaré incompétent sur le fondement de l'article 47 du Nouveau Code de Procédure Civile et a renvoyé l'affaire devant le Tribunal d'Instance de DREUX. Par jugement en date du 15 octobre 1996, le Tribunal d'Instance de DREUX a fixé au 9 février 1995 la date du terme du bail et a condamné solidairement les époux Y... Z... A... à payer aux époux X... les sommes suivantes : * 15.311,17 francs pour arriéré de loyers et charges du 1er Novembre 1994 au 9 février 1995, * 86.226,66 francs pour travaux de réfection de l'appartement. * 10.000 francs à titre de dommages et intérêts. * 5.000 francs pour frais de procédure. ainsi qu'aux entiers dépens, le tout assorti de l'exécution provisoire par moitié. * Monsieur et Madame Y... Z... A..., appelants, font valoir que l'état des lieux d'entrée a été imposé à Monsieur Y... du fait de ses problèmes de compréhension de la langue française. Ils soutiennent, en outre, que l'état des lieux de sortie non contradictoire ne peut leur être opposable. Ils ajoutent, à titre subsidiaire, que le montant des réparations mis à leur charge pour les dégradations causées est excessif et sans fondement. Ils indiquent, également, que le congé donné par Monsieur Y... était valable et que les difficultés rencontrées dans son entreprise lui permettaient de réduire le délai de préavis à un mois. Ils font enfin valoir que leur condamnation à payer 10.000 francs au titre des dommages et intérêts est totalement infondée. Par conséquent, ils prient la Cour : - d'infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne l'indemnité d'immobilisation. - de condamner les époux X... à leur verser la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - de condamner les époux X... aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction est requise au profit de la SCP GAS, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. * Les époux X..., intimés et appelants incidemment, font valoir que le congé délivré par Monsieur A..., en date du 6 octobre 1994 n'est pas valable et que, seul le congé de Monsieur et Madame A..., en date du 8 novembre 1994, peut être pris en compte. Ils soutiennent également que la durée du préavis est de trois mois et que la réduction du préavis à un mois ne peut s'appliquer en cas de difficultés rencontrées dans le cadre d'une activité libérale ou commerciale. Ils indiquent que l'état des lieux d'entrée s'est établi en parfaite connaissance de cause des époux A... qui n'ont jamais émis de réserves quant à l'état de l'appartement. Ils ajoutent que les nombreuses dégradations constatées dans l'état des lieux de sortie ne peuvent que leur être imputable. Ils soutiennent encore que le montant des réparations mis à la charge des époux A... est justifié par la remise à neuf de l'appartement rendue nécessaire par les nombreuses dégradations constatées. Ils déclarent, en outre, que les époux A... ont commis un abus de jouissance caractérisé responsable d'un important préjudice matériel. Ils font également valoir que les époux A... ont organisé leur insolvabilité une fois la décision de première instance rendue pour échapper à son exécution. Ils sollicitent, enfin, la condamnation des époux A... à leur verser la somme de 30.777 francs au titre de l'indemnité d'immobilisation en raison de l'impossibilité pour eux de relouer l'appartement avant le 1er septembre 1995. Par conséquent, ils demandent à la Cour de : - les dire et juger recevables et bien fondés en leurs conclusions, Y faisant droit, - débouter purement et simplement Monsieur B... Y... Z... A... et Madame Régina C... D... épouse Y... Z... A..., de leur appel principal à l'encontre du jugement rendu en date du 15 octobre 1996 par le Tribunal d'Instance de DREUX, Faisant droit à leur appel incident à l'encontre dudit jugement et statuant à nouveau, - condamner conjointement et solidairement Monsieur B... Y... Z... A... et Madame Régina C... D... épouse Y... Z... A... à leur payer les sommes de : de 13.919,25 francs à titre d'indemnité de préavis pour la période du 10 novembre au 9 février 1995, de 30.777 francs à titre d'indemnité pour impossibilité de louer l'appartement durant la période du 10 février au 31 août 1995, de 20.000 francs à titre de remboursement de frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner conjointement et solidairement Monsieur B... Y... Z... A... et Madame Régina C... D... épouse Y... Z... A..., aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront notamment le coût des actes dressés d'une part, par Maîtres PORTE & GOSSERET en date du 4 novembre 1994 et, d'autre part, par Maître DRAGON en date du 21 décembre 1994, - dire et juger que Maître Jean-Michel TREYNET, Avoué, pourra récupérer les dépens d'appel selon les prescriptions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'ordonnance de clôture a été signée le 20 novembre 1997 et l'affaire plaidée pour les parties à l'audience du 18 décembre 1997. SUR CE LA COUR : I) Considérant en ce qui concerne les "réparations" réclamées par les époux X... que les locataires sont obligés de répondre des dégradations et des pertes (article 7-c de la loi du 6 juillet 1989) et de prendre à leur charge l'entretien courant du logement, les menues réparations et les réparations locatives (article 7-d), mais qu'il appartient aux bailleurs de faire la preuve qui leur incombe de la réalité de ces prétendues dégradations et pertes (étant souligné que les époux X... ne parlent expressément que de "dégradations" dans leurs conclusions du 22 juillet 1997, pages 19 et 20, (cote 10 du dossier de la Cour) ; Considérant que l'état des lieux de sortie, prévu par l'article 3 de la loi du 6 juillet 1989 a été établi le 21 décembre 1994 par constat d'huissier, de manière non contradictoire, mais qu'il est constant que les époux A... avaient été régulièrement convoqués par l'huissier et qu'ils lui avaient fait savoir qu'ils ne pourraient assister à ses opérations, à la date indiquée ; que de plus, ce procès-verbal de constat leur a été dénoncé par la suite, qu'il a été versé aux débats devant le tribunal d'instance et que les locataires ont donc pu en avoir connaissance et le discuter de façon contradictoire ; qu'au demeurant, ils ne contestent pas expressément, ni sérieusement la réalité des constatations précises et complètes faites dans les lieux, et qu'il est patent que les dégradations et pertes et le défaut d'entretien certains, constatés, leurs soient imputables ; qu'ils ne font pas la preuve qui leur incombe qu'il y aurait eu un quelconque cas de force majeure ou une faute des bailleurs ou le fait de tiers ou une vétusté ou des malfaçons qui pourraient avoir été à l'origine de cet état des lieux, à leur sortie (article 7-c) et d) de la loi du 6 juillet 1989) ; qu'il est constant que les locataires avaient quitté les lieux, le 9 novembre 1994, et qu'ils ne peuvent sérieusement prétendre, ni raisonnablement expliquer l'état des lieux constaté le 21 décembre 1994, en se bornant à faire valoir en termes vagues que dans ce délai "tout avait pu se passer dans cet appartement" ; que les attestations qu'ils produisent n'ont pas de valeur probante suffisante qui leur permette de faire la preuve contraire qui leur incombe ; Considérant que la responsabilité des époux A... est donc retenue en vertu de cet article 7-c) et d) de la loi du 6 juillet 1989) et que le jugement est confirmé de ce chef ; Considérant quant au montant des réparations réclamé par les époux X..., qu'il sera d'abord observé que les époux X... ont pris l'initiative de faire procéder à des travaux, dans les lieux, entre mai et juillet 1995, sans aucun contrôle, ni autorisation judiciaires, et que ce n'est que le 2 novembre 1995 qu'ils ont assigné les époux A... devant le tribunal d'instance -soit un an après le départ de ces locataires- et à une époque où, les travaux étant terminés, il n'était plus possible au juge saisi de faire vérifier sur place quels travaux et quelles réparations devaient être autorisés sur le fondement de l'article 7-c) et d) de la loi du 6 juillet 1989 ; que les constatations faites par l'huissier, le 21 décembre 1994 ne conduisent pas à admettre qu'une remise en état totale des moquettes et des peintures et boiseries était rendue nécessaire par un défaut d'entretien et par les dégradations imputées aux époux A... ; que les époux X... ne sont donc pas fondés à prétendre que "la réfection généralisée était envisageable, la dégradation ayant été globale" ; que le chiffre de 96.403,17 francs, même ensuite ramené à 86.762,85 francs n'est donc pas entièrement justifié et ne sera pas retenu par la Cour ; Considérant que les factures versées aux débats permettent à la Cour de fixer le montant des réparations nécessaires, imputables aux époux A..., à un total de 40.000 francs ; Considérant, par ailleurs, qu'il est manifeste que l'inobservation fautive de leurs obligations par les époux A..., au regard des prescriptions de l'article 7 de la loi d'ordre public du 6 juillet 1989, a causé aux époux X... un préjudice personnel distinct, certain et direct ; qu'ils sont donc condamnés à payer in solidum à ceux-ci 10.000 francs de dommages et intérêts de ce chef et que le jugement est confirmé sur ce point ; Considérant, en outre, que les époux X..., appelants incidents, réclament 30.777 francs au titre d'une prétendue "indemnité d'immobilisation pour l'impossibilité de louer l'appartement entre le 10 février et le 31 août 1995" ; que rien ne démontre, en effet, qu'une telle impossibilité ait existé pendant toute cette durée et qu'elle soit directement imputable aux époux A..., alors surtout que les époux X... ont attendu une année entière, après le départ des époux A... avant de les assigner au fond devant le tribunal d'instance ; que de plus, ils ne précisent et ne démontrent pas à quelle date ils ont reloué les lieux, à qui, pour quelle durée et pour quel montant de loyer ; Considérant qu'ils donc déboutés de leur demande, non justifiée, en paiement de ces 30.777 francs de dommages et intérêts ; Considérant que, compte tenu de l'équité, les appelants qui succombent en la plupart de leurs moyens, sont condamnés in solidum à payer aux époux X... la somme de 10.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour tous leurs frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ; que par contre, les appelants, compte tenu de l'équité, sont déboutés de leur demande en paiement de 10.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; II) Considérant quant à la validité et à la durée du congé donné par Monsieur A..., seul, le 06 octobre 1994, que le premier juge faisant une juste appréciation des dispositions de l'article 15-I alinéa 2 de la loi du 6 juillet 1989 et une exacte appréciation des données de la cause a, à bon droit, retenu que Monsieur A... n'était pas fondé à invoquer une prétendue "perte d'emploi", alors qu'il exerce la profession d'artisan-maçon et qu'une telle notion est étrangère à l'exercice d'une profession libérale ; que la simple circonstance que ce locataire ait pu rencontrer des difficultés financières dans ses activités d'artisan ne constitue nullement une "perte d'emploi", au sens de l'article 15-I alinéa 2, pouvant justifier une réduction à un mois du délai de préavis que devait observer ce locataire ; que les appelants sont donc déboutés de leur demande de ce chef et que le jugement est confirmé, en ce qu'il a, à juste titre, jugé que le terme de ce bail était fixé au 9 février 1995 et qu'il a condamné solidairement les époux A... à payer aux époux X... 15.311,17 francs d'arriérés de loyers et de charges locatives du 1er novembre 1994 au 9 février 1995 ; Considérant enfin que les époux A... qui succombent en leur appel sont condamnés in solidum à tous les dépens d'appel ; qu'ils sont également condamnés in solidum à la totalité des dépens de première instance qui comprendront la moitié à leur charge des frais d'actes d'huissier du 4 novembre et du 21 décembre 1994 ; PAR CES MOTIFS LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : VU l'article 7-c) et d) de la loi du 6 juillet 1989 : I) REFORMANT ET STATUANT à nouveau : . CONDAMNE in solidum les époux A... à payer aux époux X... 40.000 francs (QUARANTE MILLE FRANCS) de dommages et intérêts, au titre des pertes et dégradations et du défaut d'entretien ; . CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a accordé aux époux X... 10.000 francs (DIX MILLE FRANCS) de dommages et intérêts ; . DEBOUTE ceux-ci de leur demande en paiement de 30.777 francs (TRENTE MILLE SEPT CENT SOIXANTE DIX SEPT FRANCS) d'indemnité d'immobilisation ; . CONDAMNE in solidum les époux A... à payer aux époux X... 10.000 francs (DIX MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour tous leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel ; DEBOUTE les appelants de leur demande fondée en cet article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; II) VU l"article 15-I alinéa 2 de la loi du 06 juillet 1989 ; . CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions concernant le congé à donner aux époux A... et les sommes dues par ceux-ci de ce chef ; . CONDAMNE in solidum les époux A... à tous les dépens d'appel qui seront recouvrés directement et in solidum contre eux par Maître TREYNET, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ; CONFIRME le jugement sur la charge des dépens mais DIT ET JUGE que les époux A... sont condamnés in solidum à payer le moitié des frais d'actes d'huissier du 4 novembre 1994 au 21 décembre 1994 ; | BAIL A LOYER (loi du 6 juillet 1989) - Preneur - Obligations - Restitution de la chose louée en fin de bail - Dégradations S' il résulte de l'article 7 c) et d) de la loi du 6 juillet 1989 l'obligation pour le locataire de répondre des dégradations et pertes survenues dans les locaux dont il a la jouissance et de prendre en charge l'entretien courant du logement, il appartient au juge judiciaire saisi de contrôler et d'apprécier l'exacte étendue des remises en état à opérer. Un propriétaire qui, sur la seule base d'un constat d'huissier, fût-il contradictoire, fait procéder à une remise à neuf des lieux loués ne saurait prétendre, une fois les travaux achevés, demander au juge de fixer l'obligation du locataire à hauteur des travaux effectivement engagés, faute pour le juge saisi de pouvoir faire procéder à des vérifications BAIL A LOYER (loi du 6 juillet 1989) - Congé - Validité - Conditions - Préavis - Délai - Dérogation en cas de mutation ou de perte d'emploi - Domaine d'application Selon les dispositions de l'article 15-I, alinéa 2, de la loi du 6 juillet 1989, le préavis auquel est astreint un locataire donnant congé consécutivement à une perte d'emploi est réduit à une durée d'un mois. Dès lors que la notion de " perte d'emploi " est étrangère à l'exercice d'une profession libérale, l'application des dispositions de l'article 15-I, alinéa 2, précité ne peut être valablement revendiquée en raison de difficultés financières rencontrées dans l'exercice d'une activité d'artisan, les problèmes financiers ne constituant pas, au sens dudit article, une " perte d'emploi " justifiant la réduction du délai de préavis s'imposant au locataire |
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JURITEXT000006934522 | JAX1998X01XVEX0000008924 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/06/93/45/JURITEXT000006934522.xml | Cour d'appel de Versailles, du 30 janvier 1998, 1995-8924 | 1998-01-30 00:00:00 | Cour d'appel de Versailles | 1995-8924 | VERSAILLES | Par acte sous seing privé du 8 août 1991, la Société FINALION a accordé à Monsieur Khalifa X... un prêt de 10.000 francs en vue de financer l'installation d'un système de protection "MUST LOCK" à fournir par la Société S.I.D.S, au taux contractuel de 19,92 %. L'emprunteur n'ayant pas remboursé une sommation de payer, demeurée vaine, lui a été adressée le 19 novembre 1992 puis la Société FINALION a obtenu contre lui une injonction de payer du 13 octobre 1992 qui a fait l'objet d'une opposition devant le Tribunal d'Instance d'ASNIERES. Le premier juge a retenu, dans son jugement du 12 août 1993, qu'il y avait "lieu de présumer" que les travaux prévus n'avaient pas été exécutés et a donc débouté la Société FINALION de ses demandes. Le 29 septembre 1995, la Société FINALION a interjeté appel et elle demande à la Cour de : - réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal d'Instance d'ASNIERES en date du 12 août 1993, Et statuant à nouveau, - constater que l'offre de prêt est devenue définitive, la rétractation de l'offre étant intervenue hors délai, - dire et juger que Monsieur X... a refusé abusivement la livraison du matériel commandé, En conséquence, - dire et juger que le non livraison n'est due qu'au seul fait de Monsieur X..., - condamner Monsieur Khalifa X... à payer à la Société FINALION la somme de 11.780,10 francs avec intérêts au taux de 19,92 % à compter du 13 octobre 1992 représentant le solde restant dû sur le contrat de prêt, - ordonner la capitalisation des intérêts année par année, - débouter Monsieur Khalifa X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, - condamner Monsieur Khalifa X... à payer à la Société FINALION la somme de 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur X... et la Société S.I.D.S, assignés à personnes n'ont pas constitué d'avoué ; l'arrêt sera donc réputé contradictoire. L'ordonnance de clôture a été signée le 20 novembre 1997 et l'affaire plaidée pour l'appelante à l'audience du 16 décembre 1997. SUR CE, LA COUR, I/ Considérant qu'il est constant que Monsieur Khalifa X... qui s'est plaint devant le premier juge d'une prétendue insuffisance ou même d'une absence de fourniture de la prestation prévue et financée par ce contrat de crédit affecté, n'a jamais mis en cause sa cocontractante la Société S.I.D.S pour réclamer la résolution judiciaire ou l'annulation de ce contrat principal, en application des articles L.311-21 et L.311-22 du Code de la consommation ; que ce contrat, non résolu ni annulé, doit donc recevoir sa pleine application et que l'emprunteur qui n'a jamais adressé de lettres de protestations ou de réclamations à la Société S.I.D.S, qui n'a jamais informé la Société FINALION de ses prétendues difficultés et, qui n'a jamais demandé au tribunal de suspendre l'exécution du contrat de crédit, reste donc entièrement tenu au remboursement de son prêt ; Considérant que le jugement déféré est donc entièrement infirmé ; II/ Considérant que les documents justificatifs complets fournis par l'appelante démontrent que sa créance s'établit à 11.780,10 francs ; que Monsieur X... est donc condamné à payer cette somme justifiée, avec intérêts au taux conventionnel de 19,92 % à compter du 13 octobre 1992, date de la sommation de payer ; ordonne la capitalisation de ces intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ; III/ Considérant que la Société S.I.D.S à qui rien n'est réclamé est mise hors de cause ; IV/ Considérant que Monsieur X..., compte tenu de l'équité, est condamné à payer à la Société FINALION la somme de 5.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort : FAIT droit à l'appel de la Société FINALION : I/ INFIRME le jugement déféré et STATUANT à nouveau : CONDAMNE Monsieur Khalifa X... à payer à la Société FINALION la somme de 11.780,10 francs (ONZE MILLE SEPT CENT QUATRE VINGT FRANCS DIX CENTIMES) avec intérêts au taux conventionnel de 19,92 % à compter de la sommation de payer du 13 Octobre 1992 ; ORDONNE la capitalisation de ces intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ; II/ MET hors de cause la Société S.I.D.S ; III/ CONDAMNE Monsieur X... à payer à la Société FINALION la somme de 5.000 francs (CINQ MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; LE CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par Maître DELCAIRE, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. | PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit à la consommation - Interdépendance du contrat principal et du crédit accessoire L'emprunteur défaillant d'une opération de crédit affecté qui s'abstient de toute mise en cause du débiteur de la prestation objet du contrat principal, notamment en poursuivant sa résolution judiciaire ou son annulation en application des articles L. 311-21 et L. 311-22 du Code de la consommation, reste entièrement tenu au remboursement de son prêt |